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Intervention de Claude Darciaux

Réunion du 10 juillet 2007 à 21h30
Travail emploi et pouvoir d'achat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Darciaux :

Madame la présidente, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que les besoins en matière de logement constituent une priorité nationale, vous proposez aujourd'hui d'aider les accédants à la propriété, quand bien même cela va encore accentuer, sans justification économique, les avantages des propriétaires par rapport aux locataires.

Vous jouez une nouvelle fois le jeu des ménages les plus riches, car cette mesure va profiter à ceux qui peuvent emprunter le plus. Ainsi, un couple avec deux enfants et un salaire mensuel de 3 000 euros bénéficiera, en empruntant 120 000 euros, d'une réduction d'impôt de 856 euros, alors qu'un couple gagnant 8 000 euros bénéficiera, en empruntant 300 000 euros, d'une réduction de 1 700 euros. Autrement dit, cette mesure s'adresse à ceux qui ont déjà les revenus et les patrimoines les plus importants. Les jeunes, les salariés en CDD, les foyers défavorisés, les malades même ne seront pas concernés. Ceux qui n'ont déjà que trop peu accès au crédit seront une fois de plus les grands perdants.

Par ailleurs, vous annoncez la déduction des intérêts d'emprunts immobiliers, mais encore faudrait-il qu'il y ait suffisamment de logements en France et que chacun puisse accéder à la propriété.

Avec le droit opposable au logement, garantir un logement à tous relève déjà de la gageure. Mais faire de la France un pays de propriétaires est un leurre et une illusion. Vous privilégiez le « tous propriétaires » avec votre mesure phare : la déduction des intérêts d'emprunts du revenu imposable, pourtant supprimée en 1996 par Alain Juppé. À l'époque, les experts jugeaient cet avantage fiscal coûteux, peu pertinent et peu incitatif à la relance de l'accession à la propriété.

M. Périssol, alors ministre du logement, avait créé, à la place, le prêt à taux zéro. Prenons garde à ce que le nouveau dispositif ne devienne pas le prétexte à la remise en cause du prêt à taux zéro. Certes, une majorité de Français souhaitent devenir propriétaires, mais encore faut-il avoir un emploi stable pour passer de la case « location » à la case « propriété ». Votre slogan est peut-être séduisant, mais il restera irréalisable pour une grande partie de la population, compte tenu du niveau élevé des prix de vente et des taux de crédit en hausse constante.

Nombre de nos concitoyens en situation précaire ne pourront pas accéder à la propriété. Dans ma commune, le nombre de dossiers constitués dans le cadre du fonds solidarité logement est passé de 47 à 105 de 2005 à 2006, pour un montant de 8 000 à 28 000 euros. Le crédit d'impôt ne suffira pas à rendre ces ménages solvables aux yeux des banquiers, qui continueront à repousser leurs dossiers.

La défiscalisation opérée sans conditions de revenus et sans contrepartie sociale, sans régulation des loyers, est profondément inacceptable et risque de peser lourdement sur les finances publiques. Par ailleurs, l'accession sociale à la propriété que vous proposez doit se traduire par la vente de 40 000 logements HLM par an à leurs locataires. Or, cette vente risque d'amputer le parc locatif social des immeubles les mieux situés sans possibilité de reconstruire, faute de terrains à bâtir. D'où le spectre d'une baisse de l'offre locative sociale, alors que le pays compte 1,4 million de demandeurs.

Une politique publique du logement ne doit pas se résumer à fixer un pourcentage de propriétaires à atteindre, mais consister à faire en sorte que chacun soit logé décemment.

Je conclurai par quelques questions. Comment accepter de faire des cadeaux aux plus riches face à la précarisation croissante de millions de locataires ? Comment faire pour que ceux qui ont le moins voient leur situation s'améliorer ? Pourquoi ne pas moduler le crédit d'impôt en fonction des revenus ? Comment favoriser la construction de logements privés à loyers abordables ? Pourquoi favoriser ceux qui achètent leur logement par rapport à ceux qui le louent ? Où en est l'augmentation des aides au logement ?

Subventionner le logement pour répondre à une situation de pénurie peut être une bonne chose, mais certainement pas en subventionnant les seuls propriétaires et en écartant les bailleurs sociaux du dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

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