Or l'exonération de cotisations sociales rend plus avantageux pour l'employeur de faire travailler plus longtemps un même salarié, au détriment de l'embauche. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Et quand vous prétendez ensuite vouloir inciter les bénéficiaires de minima sociaux à se réinsérer dans le marché du travail, vous êtes dans une contradiction totale. Cela nuit au contraire à la valeur du travail légal. C'est le pouvoir d'achat qui sera sacrifié par cette évolution, car les heures supplémentaires serviront à masquer la stagnation des salaires. Votre idéologie vous pousse, depuis plusieurs années, à individualiser toujours davantage les relations du travail. Nous vous disons qu'au contraire, la question des rémunérations et du pouvoir d'achat devrait être au coeur d'une grande négociation sociale ; tous les salariés, comme ceux qui cherchent un emploi et aspirent à le devenir, devraient pouvoir profiter des fruits de la croissance de manière équitable.
En ce qui concerne le revenu de solidarité active, je me suis moi-même, lors de la précédente législature, – le Journal officiel en fait foi – appuyée sur le rapport publié en 2005 par vous-même, monsieur Hirsch, qui étiez alors président d'Emmaüs, pour démontrer que le Gouvernement aurait pu mieux faire, être dans une démarche plus novatrice et plus dynamique.
Ma conception de la politique me conduit à rester dans la droite ligne des convictions que je défendais alors : la création d'un revenu de solidarité active, permettant aux allocataires du RMI d'améliorer leur situation, est une bonne idée. Néanmoins, il est de notre devoir de pointer les insuffisances du texte que vous présentez, les zones d'ombre qui subsistent, les possibles effets pervers dans sa mise en oeuvre.
Le RSA représente un progrès pour ceux qui sont le plus près de l'emploi. Mais quel avenir offrons-nous à tous les autres ? Pour avoir siégé pendant six ans, un lundi par mois, dans une commission locale d'insertion, je peux vous dire qu'un tiers des allocataires tirera bénéfice de ce coup de pouce et qu'un tiers en tirerait peut-être parti si nous y consacrons beaucoup de moyens. Mais nous savons qu'un tiers au moins n'en tirera aucun profit. Même si ces derniers ont vocation eux aussi à s'inscrire dans une démarche d'insertion, ce n'est pas celle du RSA : pour eux, l'insertion ne commence pas par le travail, mais par le logement, la santé, la formation notamment.
Que deviendront, à terme, ces milliers de femmes et d'hommes, sur la situation desquels votre projet fait l'impasse ?
Nous sommes sincèrement inquiets du devenir de l'ensemble des minima sociaux. Voulez-vous les supprimer à terme ? Si votre objectif est de leur substituer le RSA, comme j'ai cru l'entendre en commission, cela nous paraît dangereux : qu'adviendra-t-il de leurs allocataires ?
Enfin, le financement de votre dispositif ne nous paraît pas clair. Quelle part exacte – c'est quand même un sujet sérieux – reviendra aux départements ? Vous devez savoir que la confiance est rompue, car les fonds dus par l'État aux départements depuis la décentralisation du revenu minimum d'insertion n'ont pas été versés. C'est ainsi, pour la seule année 2006, 1 milliard d'euros que l'État doit aux conseils généraux, et nous savons qu'à cela s'ajoutera le coût d'autres réformes que nous avons déjà votées et qui sont applicables en 2008 ou 2009. Les conseils généraux ont un vrai problème pour assurer toutes ces décentralisations qui leur reviennent sans jamais avoir les financements de l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)