La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, depuis le 1er mars, vous avez pu mesurer concrètement les effets de la réforme parlementaire.
Je sais !
Cette réforme, c'est tout d'abord l'ordre du jour partagé. L'adoption, la semaine dernière, à l'unanimité, de la proposition de loi sur le crédit aux PME montre d'ailleurs que cette innovation fonctionne. Quant aux séances de contrôle, qui ont débuté aujourd'hui à l'Assemblée nationale et la semaine dernière au Sénat, elles sont d'ores et déjà un vrai succès.
La réforme parlementaire, c'est également la discussion en séance du texte de la commission. Qui peut dire que cette disposition n'aura pas pour conséquence de revaloriser le rôle des députés et des sénateurs ? Toutefois, afin de mener cette réforme à son terme, il faut aller plus loin. C'est pourquoi vous examinez aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Après les travaux très constructifs du Sénat, les points de vue des deux assemblées sont apparus, me semble-t-il, très convergents.
J'y vois là un signe, monsieur Roy, et même l'expression d'une volonté : faire avancer le texte afin de passer, dès maintenant, à l'étape ultime du processus de réforme parlementaire : la rénovation des règlements des assemblées.
Ce texte offre en effet la possibilité de vrais progrès, très concrets, pour l'action parlementaire, et les modifications apportées par le Sénat, en approfondissant la démarche engagée par l'Assemblée nationale, ont permis de clarifier certains points de manière très utile.
Ainsi, le Sénat a prévu que les présidents de groupe pourraient déposer des propositions de résolution au nom de leur groupe. Le Gouvernement n'y a pas été hostile, même si j'ai rappelé très clairement en séance notre attachement à maintenir le droit de résolution comme un droit individuel de chaque parlementaire.
Je crois que chacun ici est également attaché à ce principe, qui est bien inscrit dans le texte.
Le Sénat a, par ailleurs, entendu permettre aux règlements de prévoir un passage en commission de certaines propositions de résolution, contrairement à ce que vous aviez souhaité en première lecture – mais cela ne constitue pas pour autant une obligation et vous pourrez tout à fait écarter cette hypothèse de votre propre règlement. C'est là une des illustrations du respect du principe d'autonomie des assemblées que le Gouvernement a voulu continuellement préserver dans le projet de loi organique, tout en prévoyant des règles communes lorsque cela se révélait tout à fait nécessaire.
Le Sénat a également réduit le délai entre le dépôt d'une proposition de résolution et son inscription à l'ordre du jour sur la base d'un amendement très consensuel.
Au total, nous aboutissons à un dispositif équilibré, qui permettra aux propositions de résolution d'avoir un effet utile, tout en évitant que cette procédure ne soit galvaudée ou détournée de son objet. Ce sera un progrès pour chaque parlementaire et je suis sûr que nous en mesurerons, que vous en mesurerez très vite les effets bénéfiques.
Concernant les études d'impact, le Sénat a apporté quelques clarifications utiles en confortant le dispositif ambitieux voté par votre assemblée, sous l'efficace impulsion du président Warsmann.
Ne nous y trompons pas, la préparation des textes de loi s'en trouvera profondément bouleversée. Les équipes ministérielles et les administrations devront s'astreindre à un vrai travail d'introspection préalable pour estimer si le vote d'une loi est nécessaire afin d'atteindre l'objectif poursuivi et pour justifier ce choix auprès de vous. Je suis persuadé que vous ne serez pas particulièrement tendres, ni dans la majorité ni dans l'opposition, si l'étude d'impact est faible.
C'est donc une novation profonde qu'introduit la loi organique, en nous invitant à aborder d'une nouvelle manière la loi comme moyen de réforme, ce qui n'est pas rien dans un pays comme le nôtre, si marqué par le culte de la loi depuis plus de deux cents ans ! Je puis vous assurer, en tout cas, que le Gouvernement n'entend pas entrer à reculons dans ce processus.
J'en viens maintenant au dernier chapitre relatif au droit d'amendement. Ainsi que vous le savez, les articles 12 à 13 ter – je vois le bonheur de M. Urvoas – ont été votés conformes par le Sénat.
Je crois que, sur ce sujet, le temps est venu de la réforme du règlement : dans la pratique, on trouvera moyen de mettre en oeuvre le droit d'amendement, et singulièrement le temps programmé, dans des conditions équilibrées et raisonnables.
Il faut donner au débat en séance toute la clarté nécessaire tout en préservant l'exercice du droit d'amendement ainsi que les droits des parlementaires et des groupes d'opposition et minoritaires.
Les cas, mentionnés à l'article 13, où certains amendements ne pourront pas être présentés en séance, seront tout à fait exceptionnels, dans des circonstances tout à fait extrêmes, caractérisées par une obstruction manifeste et massive,…
Toute la question est de savoir qui appréciera ce caractère manifeste !
…et qui ne se sont presque jamais produites jusqu'à présent. Par la force des choses, cette obstruction devra être rangée au magasin des accessoires parlementaires inutiles et désuets. Je suis persuadé que, dans quelques années, on se demandera, à droite comme à gauche, comment on a pu accepter, des années durant, de se livrer à cet exercice qui ne sert pas vraiment l'institution parlementaire.
Un sujet a fait débat au Sénat : la présence des ministres en commission. Le Gouvernement y est attaché ; c'est, pour lui, la conséquence logique de l'article 42 de la Constitution qui, dans sa nouvelle rédaction, prévoit que c'est le texte de la commission qui est discuté en séance publique. Dès lors, il importe que le Gouvernement puisse faire valoir utilement son point de vue sur les amendements. C'est du reste ce que prévoit votre propre règlement depuis 1994.
Le texte adopté à l'article 11 par le Sénat renvoie aux règlements le soin de régler cette question. Il appartiendra, en tout état de cause, au Conseil constitutionnel, saisi de la loi organique, de fixer les orientations que devront respecter les règlements. Pour le Gouvernement, il ne fait pas de doute que les dispositions actuelles du règlement de l'Assemblée aux articles 45 et 86 devraient être la règle à suivre.
Mesdames et messieurs les députés, votre commission des lois et son rapporteur, le président Warsmann, à qui je souhaite rendre hommage pour la grande qualité du travail qu'il a accompli, comme toujours,…
…vous proposent d'adopter ce projet dans les mêmes termes que le Sénat. Le Gouvernement est évidemment favorable à ce choix, en souhaitant qu'une telle adoption ouvre rapidement la voie à la réforme de votre règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voici donc notre assemblée appelée à discuter et à voter en seconde lecture le projet de loi visant à appliquer trois dispositions de la Constitution qui, chacun se le rappelle, exigent, pour être applicables, l'adoption de dispositions organiques.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite, en préambule, vous demander, au nom de l'ensemble des députés de la commission des lois, d'assurer auprès de la représentation nationale la visibilité du programme de travail gouvernemental en matière de préparation des projets de loi visant à mettre en application la révision constitutionnelle, notamment en ce qui concerne les tout prochains textes organiques. Je serais très heureux si, dans votre prochaine intervention, vous vous exprimiez sur le sujet et nous donniez, en particulier, des éléments de calendrier et de préparation des prochains textes.
Cher collègue, je ne fais que relayer fidèlement une demande formulée en commission par des députés siégeant sur tous les bancs.
Le texte qui revient du Sénat a respecté l'esprit général et l'orientation du travail de l'Assemblée nationale : j'en suis très reconnaissant à nos collègues sénateurs.
Le Sénat a, toutefois, imprimé sa marque, essentiellement dans trois directions.
La première concerne les propositions de résolution.
Le Sénat a tout d'abord donné la possibilité à un président de groupe de déposer une proposition de résolution. Je n'y vois, pour ma part, aucune objection, à partir du moment où il demeure clairement inscrit dans le texte que le droit de résolution est un droit individuel : un député seul, de manière autonome, sans l'avis de son groupe, devra pouvoir l'exercer.
Par ailleurs, comme les propositions de résolution, telles qu'elles sont définies, sont des textes non amendables, nous avions fait le choix de ne pas les examiner en commission. Le Sénat était d'un avis différent : il a trouvé une porte acceptable de sortie, qui consiste à permettre au règlement de chaque assemblée de prévoir les conditions dans lesquelles les propositions de résolution pourraient être, le cas échéant, soumises à un examen en commission ou en commission spéciale. Cela donnera à chaque assemblée une plus grande souplesse dans l'organisation de ses travaux.
Le Sénat, enfin, a raccourci de huit à six jours le délai entre le dépôt d'une proposition de résolution et la possibilité de son inscription à l'ordre du jour. Nous avions eu le souci de la réactivité : sur une proposition, unanimement soutenue, du groupe socialiste, le Sénat est allé encore plus loin. Je n'y vois aucune objection.
Les études d'impact sont le deuxième sujet sur lequel le Sénat a souhaité marquer son empreinte. Je dois tout d'abord rappeler que la grande avancée du projet de loi organique réside, à mes yeux, dans l'obligation faite aux futurs gouvernements, à partir du 1er septembre 2009, d'établir, dès le dépôt d'un projet de loi, une étude d'impact très précisément définie.
Le Sénat a introduit des ajouts très heureux, notamment en matière de droit européen, puisqu'il a prévu que l'étude d'impact devra tenir compte non seulement du droit européen existant mais également du droit européen en cours d'élaboration. Il a, de plus, accentué le souhait, que j'avais formulé avec force devant vous, que les études d'impact exposent avec précision les conditions d'application des dispositions envisagées outre-mer, ce qui permettra d'accroître la sécurité juridique.
Le Sénat a pris d'autres initiatives qu'à titre personnel je ne partage pas, comme chacun sait. La première consiste à avoir rayé, pour ce qui touche aux études d'impact, la référence au respect du principe d'égalité entre les hommes et les femmes.
C'est pourquoi je m'adresse solennellement à vous, monsieur le secrétaire d'État : le texte du Sénat prévoit que les études d'impact devront obligatoirement se prononcer sur les conséquences sociales de la future loi, je souhaite que vous nous donniez l'interprétation du Gouvernement sur le sujet et que vous nous garantissiez que parmi les conséquences sociales évoquées, figure le respect de l'égalité entre hommes et femmes.
Une collègue est intervenue en commission, prenant l'exemple des retraites. La réforme des retraites est l'exemple de loi susceptible d'avoir un impact important sur l'égalité entre les hommes et les femmes. J'attends donc une réponse très claire du Gouvernement.
Toujours à propos des études d'impact, le Sénat a également biffé les références aux petites et moyennes entreprises. Or nous avions demandé au Gouvernement que les études d'impact précisent les coûts et les avantages de la future loi à la fois pour la sphère publique – État, collectivités locales, sécurité sociale – et pour la sphère privée – particuliers et acteurs économiques. Dans la ligne des politiques européennes, j'avais insisté pour que l'on mentionne les petites et moyennes entreprises : elles constituent l'un des principaux facteurs de compétitivité de notre économie. De surcroît, il m'est arrivé – expérience partagé par la plupart d'entre vous – de me faire interpeller dans mon département par des responsables de PME m'indiquant que telle loi votée six mois ou un an auparavant créait des noeuds de complexité que nous n'avions pas prévus pendant la discussion du texte, faute d'étude d'impact. Nous devons donc nous montrer bien plus vigilants sur le sujet. Cela dit, si le Sénat a supprimé la référence aux PME, les études d'impact en matière économique demeurent. Ainsi, lorsque nous voterons des lois assorties d'études d'impact, nous devrons vérifier scrupuleusement leurs conséquences en termes de coûts ou de formalités pour les petites et moyennes entreprises.
Enfin, le Sénat a supprimé une disposition que nous avions votée, qui prévoyait que les études d'impact comprennent le projet de calendrier d'évaluation des textes. La Haute assemblée considère que l'évaluation est largement partagée. Comme le Parlement doit être très actif en la matière, cette modification est relativement secondaire.
La Haute assemblée a par ailleurs imprimé sa marque sur une question à ses yeux fondamentale : la présence du Gouvernement en commission – pour notre part, il ne s'était pas agi d'un sujet de préoccupation en première lecture. L'article 31 de la Constitution prévoit en effet de façon très claire le droit pour le Gouvernement de s'exprimer quand il le demande. Le règlement de l'Assemblée étant très souple, nous n'avions pas jugé nécessaire d'introduire une quelconque disposition sur le sujet.
Je pense que la manière de travailler en commission va légèrement évoluer tout en s'inscrivant dans le cadre suivant : le ministre sera toujours entendu avant l'examen d'un projet. Nous passerons ensuite, entre parlementaires, à l'examen des articles et des amendements et, lorsqu'il apparaîtra qu'avant de nous prononcer sur tel article nous souhaiterions avoir l'accord du Gouvernement, nous le réserverons et nous ferons revenir le membre du Gouvernement concerné. Autre hypothèse : si le ministre est particulièrement attentif au sort réservé à tel article particulier, il manifestera sa volonté de revenir s'exprimer sur le sujet avant que l'on n'en débatte.
Nous trouverons ainsi une façon intelligente de travailler. Nous devrons en effet voter le texte de la commission en étant suffisamment informés de la position du Gouvernement : il est inutile de laisser subsister des malentendus que nous pouvons éliminer en amont. Reste qu'une présence permanente des membres du Gouvernement en commission n'est ni souhaitable ni utile. L'usage réglera tout cela. C'est pourquoi la disposition sénatoriale, dès lors qu'elle respectera l'article 31 de la Constitution, ne pose pas de problème particulier et nous pouvons la voter telle quelle. N'oublions pas que, en application de l'article 46 de la Constitution, ce texte doit être voté en termes identiques par les deux chambres. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : si nous voulons qu'il soit définitivement adopté un jour, ou bien, au cours de la navette, c'est l'Assemblée qui vote le texte du Sénat,…
…ou bien c'est le Sénat qui vote le texte de l'Assemblée. Ce projet mérite-t-il donc d'être adopté tel quel par les députés ? Mes chers collègues, je pense qu'il nous faut répondre par l'affirmative, parce qu'il respecte les grands principes qui ont guidé nos choix en première lecture, parce qu'aucune disposition sénatoriale ne contredit les convictions émises par l'Assemblée. La cohérence et l'efficacité nous commandent donc de voter en l'état le texte du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement. J'aimerais connaître l'avis du secrétaire d'État sur un fait dont nous venons d'avoir connaissance. Nous discutons ce soir de ce que la majorité considère comme un grand texte, censé bouleverser le travail parlementaire – j'observe qu'il n'attire guère plus de 5 % du groupe UMP…
Et il est visiblement peu contesté dans vos rangs si l'on en juge par la faible présence des députés de l'opposition !
Je m'interroge : y a-t-il donc tant de réunions ce soir ? En ce qui nous concerne, il ne vous aura pas échappé que nous étions profondément hostiles à ce projet et nous allons vous le démontrer.
Mon rappel au règlement, outre ce constat significatif, porte sur ce qui s'est passé ce soir dans la bonne ville de Saint-Quentin.
Il est question de revaloriser le rôle du Parlement. Or le Président de la République est venu à Saint-Quentin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
Quel est le rapport avec le déroulement de la séance, mon cher collègue ?
Il s'agit des relations entre l'exécutif et le législatif, monsieur le président !
…pour participer à une réunion citoyenne. Les députés de gauche, respectant la tradition républicaine, ont tenu à…
…l'accueillir. À notre grand étonnement, le chef de l'État, alors que nous discutons d'un texte supposé, à vos yeux, revaloriser le Parlement, j'y insiste, a montré dans quelle estime il tient les parlementaires : sans leur accorder le moindre entretien, ni même leur adresser un simple bonjour, il est monté à la tribune prononcer son discours électoral ; le tout pour un coût de 300 000 euros, aux frais du contribuable – chacun appréciera ainsi l'idée que vous vous faites d'un Parlement revalorisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voilà donc au terme de l'étude du second projet de loi organique découlant de la révision constitutionnelle. Son cheminement ne restera pas comme un modèle dans l'histoire parlementaire…
Oh !
…justifiant le dépôt de cette motion de procédure visant à démontrer l'irrecevabilité de ce texte.
Pour ce qui est des abus de droit, je commencerai par rappeler les conditions discutables voire arbitraires dans lesquelles, au cours de la première lecture, le président de l'Assemblée a déclaré irrecevables nombre de nos amendements sur la base de l'article 127 du règlement.
Abus de droit encore, quand, sur le même sujet, d'autres amendements furent écartés au motif qu'ils auraient constitué une « injonction au Gouvernement ».
Après bien des recherches, nous n'avons trouvé nulle trace d'une base légale constitutionnelle, organique ou réglementaire, à l'appui d'un tel motif. Il n'est d'ailleurs pas anodin que le recueil statistique de l'Assemblée, dans sa rubrique « Origine et sort des amendements », qui énumère les motifs d'irrecevabilité et la fréquence de leur utilisation, ne fasse aucune mention de celui-là.
Abus de droit toujours, quand le Gouvernement oppose à deux reprises, le 16 janvier dernier, l'article 44, alinéa 2 de la Constitution pour s'opposer à l'examen de nos sous-amendements. Nous avons d'ailleurs noté avec intérêt, ainsi que je l'ai précisé en commission, l'amendement de nos collègues sénateurs visant justement à ce que la loi organique précise que le dépôt des sous-amendements n'était soumis à aucun délai.
Abus de droit enfin, puisqu'à nos yeux le législateur organique outrepasse le cadre de l'habilitation fixé par le constituant.
Abus de droit, mais aussi oublis préjudiciables : il suffit, pour les mesurer, de relire le rapport Balladur, à l'origine de la révision constitutionnelle. Ainsi, il est regrettable que vous ayez rejeté nos propositions visant à interdire au Gouvernement de présenter au dernier moment des amendements tendant à insérer dans les projets de loi des articles additionnels. C'était pourtant, aux dires répétés du rapporteur au mois de mai dernier, la première des vocations d'un projet de loi organique portant application de la révision constitutionnelle.
En outre, il est navrant que vous n'ayez pas accepté de confier au président de chaque assemblée, plutôt qu'au Gouvernement, la responsabilité de constater l'irrecevabilité d'une proposition de résolution dans les cas prévus par l'article 34-1 de la Constitution. Cette solution aurait présenté l'avantage de prévenir le risque de déclarations d'irrecevabilité abusives. Après tout, la Constitution confie bien au président de la commission des finances – donc au Parlement – le soin de veiller à la recevabilité financière des amendements, et donc le bon respect de l'article 40 de la Constitution.
Malfaçons chroniques enfin : je ne reviens pas sur le paradoxe qui aboutit, après la révision constitutionnelle destinée, paraît-il, à renforcer les droits du Parlement, à voir le Gouvernement se charger de la rédaction de ce projet de loi organique.
Le temps m'étant compté, je me bornerai à évoquer trois défauts majeurs caractéristiques de l'élaboration de ce texte.
Le premier concerne les résolutions. Passe encore, mutatis mutandis, que le dispositif que vous allez voter soit très en retrait par rapport au compromis trouvé en 1959 entre Michel Debré et l'Assemblée nationale. Comment admettre que le droit à l'information des parlementaires soit à ce point bafoué ? Certes, le deuxième alinéa de l'article 34-1 de la Constitution confie au Gouvernement le pouvoir d'apprécier seul le risque d'injonction ou de mise en cause de sa responsabilité par une proposition de résolution. Mais il ne peut opposer l'irrecevabilité dans n'importe quel cas. Celle-ci n'est admise que dans les deux situations visées par la loi fondamentale.
Et si nous pouvons admettre votre refus de confier à la loi organique le soin d'assurer le respect de ces conditions en renvoyant l'appréciation du Gouvernement au contrôle d'une entité extérieure – nous avions proposé le Conseil constitutionnel ou la Conférence des présidents –, rien ne s'opposait à la création d'une obligation de motivation même sommaire de sa décision d'irrecevabilité.
Cette volonté de préciser la volonté du Gouvernement nous paraît d'autant plus nécessaire que la décision d'irrecevabilité sera probablement insusceptible de recours, dans la mesure où le Conseil d'État la considérera sans doute comme un acte de gouvernement bénéficiant à ce titre d'une immunité juridictionnelle.
De la même manière, il est probable que le Conseil constitutionnel se déclarera incompétent.
On me permettra enfin de souligner combien ce refus de motiver la décision gouvernementale déroge au principe fondamental posé par le législateur en 1979 : celui de l'obligation de motiver les actes administratifs.
J'appelle aussi votre attention sur le fait que, dans la mesure où le Conseil constitutionnel interprète désormais la Constitution de manière très littérale, la régularité de la procédure restrictive que vous avez imaginée n'est pas acquise.
Sur le plan formel, votre dispositif souffre d'autres imperfections.
Ainsi, la Constitution employant le terme de « résolution », cela implique que ce texte doit suivre une procédure identique à celle d'une proposition de loi. À ma connaissance, cette règle n'a connu aucune véritable exception depuis la IIIe République.
En sus, si l'article 34-1 de la Constitution permet désormais au législateur organique de déroger à l'acception classique du terme « résolution », la rédaction retenue par votre texte à l'article 2 transforme en réalité cette résolution en une simple motion.
Le deuxième défaut a trait aux études d'impact et à leur contrôle.
Notre rapporteur nous a expliqué que le désaccord entre la Conférence des présidents de la première assemblée saisie et le Gouvernement sur l'existence d'une étude d'impact répondant aux prescriptions organiques ne créera pas un nouveau motif d'inconstitutionnalité. Il a donc rejeté nos amendements visant à permettre l'invocation d'un défaut d'étude d'impact dans une saisine du Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61 de la Constitution, par exemple à l'initiative de soixante députés.
Nous jugeons cette position plus incertaine que ne le laissent entendre les réponses de notre rapporteur.
Jean-Luc Warsmann appuie son argumentation sur la décision du Conseil constitutionnel dite « blocage des prix et des revenus » de 1982. Il précise qu'à l'époque, le Conseil avait estimé que l'empiétement d'une disposition législative sur le domaine réglementaire ne constituait pas en soi un motif d'inconstitutionnalité car des procédures spécifiques permettaient de sanctionner de tels débordements du législateur. C'est notamment le cas de la procédure dite « préventive » de l'article 41 de la Constitution, mais aussi de la procédure « curative » de l'article 37.
Ce faisant, notre rapporteur établit une analogie entre cette jurisprudence et la nouvelle procédure de l'article 39 de la Constitution visant les études d'impact. Et d'en conclure que l'existence d'une procédure spécifique de contrôle préventif empêche le Conseil de statuer en la matière, lorsqu'il est saisi dans le cadre de l'article 61 de la Constitution.
L'interprétation proposée par notre rapporteur, et que la commission des lois a suivie en rejetant nos amendements est possible, nous ne le contestons pas ; mais elle n'est pas la seule interprétation.
On pourrait imaginer, et c'est le choix que nous faisons, que le Conseil puisse juger que les dispositions de l'article 39 relatives aux études d'impact ayant un caractère obligatoire, celui-ci donne au Conseil une compétence pour se prononcer sur le caractère sérieux et objectif, y compris lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 61.
Nous ne doutons pas que le Conseil constitutionnel, lorsqu'il sera saisi, sera amené à apporter la réponse, classant ainsi un débat que nous avons eu en commission et que nous aurons peut-être ici, en fonction de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État.
Le troisième défaut porte évidemment sur les restrictions au droit d'amendement. Nous avons sur ce sujet plus qu'un désaccord. Ce sont deux conceptions du Parlement qui se font face.
L'une, la vôtre, dont le vote conforme par le Sénat nous interdit malheureusement de rediscuter, voit dans le Parlement une simple chambre d'enregistrement.
Elle cherche donc a réduire au minimum le temps des parlementaires et de la discussion des amendements, programmant à l'avance le temps nécessaire au débat. C'est un recul pour le débat démocratique, c'est un risque pour la qualité de la loi.
L'autre conception, la nôtre, veut que le Parlement joue pleinement son rôle, que tous les députés, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, puissent s'exprimer sans qu'il y ait de limitation. C'est une conception qui, finalement, croit à la confrontation des opinions, à la fécondité du débat contradictoire.
Si nous pouvons, monsieur le secrétaire d'État, trouver légitime de vouloir, dans la production législative, éviter de perdre du temps, il nous parait à l'inverse inacceptable de chercher à en gagner. Or c'est ce que vous faites en foulant aux pieds les droits des parlementaires.
La nouvelle rédaction de l'article 44 de la Constitution donnait compétence au législateur organique pour encadrer la mise en oeuvre du droit d'amendement, il ne vous donnait pas quitus pour organiser sa remise en cause dans certains cas.
En refusant de garantir le droit de défendre les amendements déposés en séance, vous niez cette règle du contradictoire que les juristes de cette assemblée connaissent bien : audi alteram partem, chaque partie doit être entendue dans les mêmes conditions.
Vouloir brider le Parlement, vouloir, sous couvert de rationaliser le parlementarisme, limiter son action, ses capacités d'initiative, bref, sa liberté d'expression, ce sera toujours une erreur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Pour une fois, nous avons entendu une vraie exception d'irrecevabilité !
M. Dosière aura l'occasion de s'exprimer tout à l'heure, je suppose !
Notre collègue Urvoas a eu un grand mérite, celui de la concision. C'est probablement qu'il n'avait pas trouvé dans sa besace beaucoup d'autres arguments pour plaider l'inconstitutionnalité de ce texte.
Je me bornerai à revenir sur trois points.
Premièrement, je fais remarquer à nos collègues que, s'agissant d'une loi organique, il n'est point besoin qu'ils saisissent le Conseil constitutionnel : par définition, une loi organique est obligatoirement soumise à son contrôle. Il est nécessaire de le rappeler parce que j'ai cru comprendre, dans les propos de M. Urvoas, que nos collègues projetaient de saisir le Conseil. Ce dont vous pouvez vous dispenser, puisque le texte lui sera automatiquement soumis…
Ma deuxième remarque concerne ce qui a été dit au sujet des résolutions, et de ce qui, finalement, sortirait du travail conjoint de notre assemblée et du Sénat. Selon vous, le Gouvernement ne devrait pas avoir le droit fondamental de juger par lui-même ce qui, dans une résolution, deviendrait une injonction. Il fallait faire un choix. Et je suis très serein : le Conseil constitutionnel vous démontrera que vous avez tort.
Ou bien l'on décide qu'une résolution n'est pas une injonction, autrement dit qu'on l'impose, ce qui revient, ce faisant, à pratiquer un peu l'injonction ; ou bien le Gouvernement a la possibilité d'estimer, en toute responsabilité, que derrière une résolution il y a en fait un véritable désir d'injonction. C'est dans le sens de cette deuxième position que le texte, après la lecture de notre assemblée et celle du Sénat, a tranché. Je ne crois pas qu'il y ait, dans cette affaire, plus de malice que cela.
S'agissant enfin du droit d'amendement, vous ne cessez de répéter – avec une emphase un peu faiblissante, ces derniers temps – qu'il y aurait une atteinte fondamentale et définitive à toutes les libertés. Je suis surpris que, lors votre grand raout de dimanche dernier, où il s'agissait de « défendre les libertés » dans notre pays, vous n'ayez même pas réussi à faire le plein de vos propres troupes, avant d'ameuter autour de cette cause l'ensemble de nos concitoyens.
Tout cela n'est qu'une affirmation de principe, qui ne nous étonne pas. Aucune preuve d'ordre juridique et constitutionnel ne vient étayer l'affirmation selon laquelle il y aurait là une atteinte, au point que le Conseil constitutionnel ne valide pas la loi organique.
On l'aura compris, il n'y a pas beaucoup de renouvellement de vos arguments depuis que nous avons travaillé sur ce texte en commission des lois et en séance. Il n'y a pas beaucoup de conviction par rapport aux ajouts introduits par le Sénat, que le président de notre commission des lois a tenu à noter comme étant de véritables améliorations.
Le groupe UMP souhaite que cette loi organique soit votée. Il a conscience que son travail a été pris en compte par le Sénat, et amélioré. Il est maintenant temps de trancher. Nous sommes en deuxième lecture. Nous voulons entrer dans l'examen des articles, ce qui implique de repousser cette exception d'irrecevabilité dont tout le monde a bien noté qu'elle n'avait pas beaucoup de contenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le texte qui nous est soumis ne présente aucune modification fondamentale par rapport au texte initial.
Je voudrais simplement revenir sur deux points qui nous ont fortement occupés il y a quelques semaines.
Le premier concerne les résolutions. Au départ, il était question de donner plus de pouvoir au Parlement. Or nous avons là un exemple flagrant du contraire, puisque, en vertu de l'article 3, le Gouvernement « estimera » si la résolution peut être soumise à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement « estime », dit le texte, mais il faut plutôt lire : « décide ».
Et en fonction de quoi décide-t-il ? C'est assez remarquable : les résolutions seront irrecevables si le Gouvernement juge que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard !
Peut-être estimez-vous cette disposition tout à fait réalisable pour vous, chers collègues de l'UMP, mais essayez de vous imaginer un instant dans l'opposition, et demandez-vous si un jour, vous aurez le droit de déposer une proposition de résolution. Faites l'exercice. Si vous y parvenez, c'est vraiment que vous êtes très forts.
Le second point, qui nous a lui aussi beaucoup occupés, c'est la capacité, non de déposer des amendements – celle-ci n'est pas en cause –, mais surtout de les défendre. Nous avons fait une proposition, qui tient toujours. Elle vise à concilier – car c'est une proposition de consensus – la liberté pour le député de défendre son amendement et le souci d'éviter ce qu'on appelle communément l'obstruction. Je veux relire cette disposition que nous proposons d'introduire à l'article 55, parce qu'elle permet d'atteindre les deux objectifs : éviter l'obstruction et garantir au député qu'il aura la liberté de défendre son amendement. Elle règle le problème, y compris par rapport à la durée du débat. Il suffirait de prévoir, donc, que « les amendements déposés à titre individuel qui ne font pas l'objet d'amendements identiques déposés par les députés du même groupe peuvent être défendus par leur auteur pour une durée qui ne peut excéder cinq minutes. »
Faites le compte, et vous verrez que vous pouvez limiter la durée des débats tout en respectant la liberté de chaque député. Et cela évitera le terrible effet de couperet qui ne manquera pas de se produire lorsque votre texte sera entré en application.
La prochaine motion de procédure me donnera l'occasion de revenir sur d'autres points. Le texte qui nous revient du Sénat contient notamment des choses assez gratinées, du point de vue du règlement, en matière de temps législatif contraint.
Le groupe GDR votera cette exception d'irrecevabilité.
La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues de la majorité, vous prétendez vouloir revaloriser le rôle du Parlement et, dans le fonctionnement de l'institution parlementaire, celui de l'opposition. En réalité, vous êtes les instruments d'un Président de la République qui n'aime pas les contre-pouvoirs et veut les soumettre.
Après s'être attaqué à l'institution judiciaire, puis aux médias, il voudrait transformer le Parlement en un simple conseil de surveillance, qui, au mieux, émettrait des avis, et au pire, des commentaires, sur l'action d'un exécutif concentré entre les mains d'un seul homme. C'était l'objectif majeur de la révision constitutionnelle, et vous poursuivez cette oeuvre.
Vous vous abritez derrière le texte des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, qui prévoient une loi organique. Certes, une loi organique, mais pas celle-ci.
Pour commencer, la majeure partie de ce texte relève du règlement de l'Assemblée. Je ne prétendrai qu'un exemple. Le premier alinéa de l'article 4 dispose qu' « une proposition de résolution ne peut être inscrite à l'ordre du jour d'une assemblée moins de six jours francs après son dépôt ». Qu'y a-t-il d'organique dans une telle disposition ?
Mais lorsque, dans l'article 13, vous prévoyez que, faute de temps, certains amendements pourraient être mis aux voix sans discussion, vous portez atteinte au droit d'amendement de chaque parlementaire,…
…un droit qui s'exerce individuellement, rappelons-le.
À propos d'amendements et de temps global, voire de temps guillotine, je vous laisse imaginer ce qu'aurait été la discussion du projet de loi Hôpital, patients, santé, territoires avec votre nouvelle formule dite de l'article 13. Plus de 2 000 amendements ont été effectivement discutés en près de cent quatre heures de séance publique, dont les trois quarts provenaient de la majorité de droite, le plus souvent présentés individuellement par tel ou tel député UMP. Mesdames et messieurs de l'UMP, vous vous apprêtez à voter votre propre bâillon !
Quant à l'argument de l'obstruction, voyons ce qu'il en est. Aucune obstruction ne vous a empêchés de voter la funeste loi dite TEPA et son bouclier fiscal à 50 %, ni la loi sur les droits et devoirs des demandeurs d'emploi, dont le caractère surréaliste saute aux yeux aujourd'hui. Souvenez-vous de la fameuse « offre raisonnable d'emploi »... On en cherche aujourd'hui ! Aucune obstruction ne vous a empêchés de voter la loi sur la dynamisation des revenus du travail, non plus que celle visant à monétiser les RTT. À voir le résultat de votre politique, on se demande si l'obstruction n'aurait pas été opportune. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) En tout cas, vous auriez mieux fait, à l'époque, d'accepter nos amendements.
En réalité, et ce sera ma conclusion, le Gouvernement est confronté à son propre échec. Avec l'UMP, il veut punir le Parlement, mater l'opposition et nous faire porter le chapeau de votre incompétence. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres, nous voterons l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. René Dosière.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment où ce texte va être définitivement adopté avec la procédure du vote conforme, je voudrais exprimer la déception de ceux qui avaient trouvé dans la révision constitutionnelle des dispositions intéressantes – prometteuses même, avions-nous écrit le 23 mai –, concernant la revalorisation du rôle du Parlement. Las ! l'évolution ultérieure des débats nous avait déjà conduits à refuser d'approuver ce texte, dont l'adoption n'avait été rendue possible que par des pressions peu glorieuses. D'ailleurs, certains radicaux de gauche dont le vote avait participé à cette adoption, considèrent aujourd'hui qu'ils se sont trompés, ou qu'ils ont été trompés, sur la finalité de cette réforme.
Au-delà des intentions proclamées, que constatons-nous ?
Le premier texte d'application discuté, en l'occurrence la première loi organique, a consisté à fixer le nouveau découpage électoral par ordonnance – procédure éminemment parlementaire, on en conviendra –…
…et à permettre le retour automatique du secrétaire général de l'UMP au sein de l'Assemblée, en lui évitant de retourner devant les électeurs, procédure peu satisfaisante pour la représentation parlementaire.
Le second texte d'application, celui qui est en cours de discussion, a pour contenu principal la limitation du droit d'amendement des parlementaires, en l'occurrence de l'opposition, au motif d'une revalorisation du rôle du Parlement. Sa première lecture devant l'Assemblée a suscité chez les présidents de séance de droite une application littérale de notre règlement, ce qui a privé l'opposition de son droit d'expression et conduit à la plus grave crise parlementaire que la Ve République ait connu.
Pour éviter tout nouvel incident, la connivence entre les majorités de l'Assemblée et du Sénat – ce que le rapporteur appelle « un travail en amont », procédure qui est, de par la composition politique du Sénat, interdite à une majorité de gauche – a permis au Sénat d'adopter conformes les articles contestés, évitant ainsi une seconde lecture devant l'Assemblée – un 49-3 parlementaire, en quelque sorte… En conséquence, est définitivement votée la disposition selon laquelle la possibilité est offerte que « les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion ».
De même, le recours à cette procédure, par suite de la volonté de la majorité de voter conforme ce texte, y rend impossible le rétablissement de la disposition selon laquelle les études d'impact doivent faire apparaître les conséquences des textes de loi concernant l'égalité entre les hommes et les femmes, disposition votée en première lecture à l'Assemblée, mais repoussée par le Sénat – ce qui ne nous surprend pas.
Toutes ces pratiques seront généralisées avec le « temps législatif programmé ». À entendre ses initiateurs, cette procédure va permettre de moderniser et de revaloriser le Parlement en mettant fin aux manoeuvres d'obstruction qui donnent de l'Assemblée une image déplorable. Pour le Gouvernement, elle se justifie, en outre, par des modifications dans la procédure parlementaire : discussion en séance publique du texte voté en commission et limitation de l'usage du 49-3, autrement dit l'adoption d'un texte sans vote et sans débat. Je reprends vos propos, maintes fois répétés dans cette assemblée et au Sénat, monsieur le secrétaire d'État.
Une dernière fois, je voudrais contester cette argumentation. Il n'existe pas d'exemple, sous la Ve République, où les manoeuvres d'obstruction utilisées par l'opposition – d'abord par la droite qui les a mises au point, puis par la gauche qui les a perfectionnées – aient empêché l'adoption d'un seul texte.
Pourquoi ? Tout simplement parce que le Gouvernement dispose des moyens de lutter efficacement contre ces manoeuvres de retardement. Cela n'était pas le cas sous la IIIe et sous la IVe République, et c'est ce qui a pu conduire, à l'époque, certains auteurs à souhaiter, pour des raisons d'efficacité, une procédure plus contraignante. Le Gouvernement dispose du 49-3, qui ne disparaît pas, mais aussi du 44-3, autrement dit le vote bloqué, qui est une arme à l'emploi facile, aux effets précis, aux finalités variées.
Compte tenu du maintien intégral de cette disposition, et de son usage fréquent, il n'est pas inutile d'en lire le commentaire que Guy Carcassonne en fait dans son traité constitutionnel : l'emploi est facile, car il est à la disposition du membre du Gouvernement qui est en séance. Il peut en user à n'importe quel moment, sans être soumis à aucune exigence particulière, et le faire porter sur n'importe quel texte, celui d'un amendement pour écarter des sous-amendements, d'un ou plusieurs articles pour écarter des amendements ou des articles additionnels, voire sur l'ensemble du projet ou de la proposition. Les effets sont précis, chirurgicaux même, car ils permettent, en écartant tout amendement ou en n'intégrant que ceux que le Gouvernement souscrit, de ne mettre aux voix que le texte exact que le ministre veut ou accepte. S'impose alors à l'Assemblée, dans toute sa rigueur, l'alternative « à prendre ou à laisser».
Vous voyez bien que cet article 44-3 est toujours à la disposition du Gouvernement.
Ajoutons que les articles 40 relatif à la recevabilité financière, 41 relatif à l'irrecevabilité générale, 44-2 relatif aux amendements non examinés en commission, sans oublier la deuxième délibération prévue par l'article 101 de notre règlement et la complicité des présidents de séance dans l'interprétation du règlement intérieur, sont autant d'autres dispositions qui empêchent l'obstruction.
Que reste-t-il alors ? Des manoeuvres de retardement, qui ne sont pas toutes héroïques et dont j'admets même qu'elles peuvent être peu glorieuses, mais dont l'usage est suffisamment rare…
…et ciblé sur des textes emblématiques pour que le Parlement n'en sorte pas déconsidéré au regard de l'objectif recherché : permettre à l'opinion publique, à travers la presse ou la société civile, d'en comprendre les enjeux et parfois de s'en saisir. Faut-il rappeler ici l'histoire du CPE ?
Autrement dit, c'est une arme politique que l'opposition utilise dès lors que le Gouvernement, sur un sujet sensible, décide de passer en force, sans toujours avoir procédé aux consultations nécessaires. Faut-il rappeler que sur 1 518 textes de loi élaborés depuis 1981, seulement sept, autrement dit 0,5 %, ont dépassé les cent heures ?
Près de vingt ans d'expérience de la vie parlementaire, à égalité dans la majorité et l'opposition, m'incitent à dire que l'image du Parlement est davantage déconsidérée par le fait que la quasi-totalité des textes est débattue en commission et en séance publique par un nombre restreint de députés quel que soit le jour de séance. L'absentéisme, voilà le mal qui dévalorise aux yeux du citoyen le rôle du Parlement.
L'absentéisme, conséquence du cumul des mandats et des fonctions, voilà ce qu'il faudrait changer.
La majorité ne cesse de se référer aux démocraties occidentales, telles que l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne. Dans ces pays, il n'existe pas de cumul des mandats, ce qui modifie le temps et le rythme de la vie parlementaire. Mais de ce point vous n'envisagez aucunement de faire une référence…
Non contents de ne pas vous attaquer au cumul des mandats, vous avez même refusé récemment de vous pencher sur le cumul des indemnités, comme nous vous l'avions proposé. Ainsi, ministres et députés à temps partiel sont-ils mieux rémunérés que ceux qui exercent leurs fonctions à temps plein. Situation scandaleuse et immorale, car il n'existe aucune justification à ce cumul indécent, et qui contribue à dévaloriser le Parlement dans la mesure où celui qui est absent est mieux rémunéré que celui qui est présent.
J'en viens à cet autre argument qui, selon vous, justifie le temps programmé : la prise en compte du texte de la commission en séance publique. Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il s'agit d'un changement substantiel de procédure. Mais quels en seront les effets sur le travail parlementaire ? Personne ne peut, actuellement, conclure. À mon avis, cette procédure est susceptible de réduire les errements de la séance publique plutôt que de les aggraver. Nous verrons ; mais, quoi qu'il en soit, avant de tirer des conclusions sur cette modification, il aurait été opportun de la laisser se dérouler et de l'évaluer. Au demeurant, l'insistance du Gouvernement à peser sur les travaux en commission par sa présence me paraît pour le moins étonnante.
Enfin, justifier le recours au temps programmé par la limitation du recours au 49-3 est une plaisanterie, puisque le Gouvernement dispose de procédures tout aussi contraignantes. Du reste, lorsque l'opposition mène une bataille de retardement sur un sujet sensible du point de vue politique, c'est pour pousser le Gouvernement à la faute politique en espérant qu'il utilisera le 49-3 – ce qu'il fait rarement, hélas !
Sous la législature précédente, et à plusieurs reprises, le président Jean-Louis Debré s'est opposé à l'usage du 49-3 en démontrant, par la manière dont il a alors présidé les séances, qu'une utilisation intelligemment politique du règlement suffisait à fluidifier les débats.
Dès lors que les arguments avancés pour l'institution du temps global manquent de pertinence, il faut bien en rechercher d'autres, véritables ceux-là.
En réalité, force est de constater que la revalorisation annoncée du rôle du Parlement se résume pour l'essentiel à une valorisation du groupe majoritaire. L'ordre du jour partagé entre le Gouvernement et l'Assemblée n'est qu'un habillage : ce que le Premier ministre ne décidera plus, il devra le composer avec le président du groupe majoritaire. Il en va ainsi de nombreuses dispositions de cette réforme constitutionnelle.
L'une des grandes nouveautés de la Ve République, imprévue, il est vrai, en 1958, c'est, depuis 1962, l'existence du fait majoritaire, encore accentué par l'inversion du calendrier législatif dans la foulée de l'élection présidentielle. De sorte que la distinction classique entre l'exécutif et le législatif perd beaucoup de sa pertinence.
Depuis 2007, la pratique présidentielle réduit encore plus cette distinction. Le chef de l'État se comporte en effet comme le véritable chef de la majorité parlementaire. Elle lui doit, il est vrai, son existence, et toute tentative d'émancipation se heurte à son pouvoir de dissolution. Le chef de l'État, contrairement à ses prédécesseurs, se comporte en chef de la majorité, puisque c'est à l'Élysée que se tiennent les principales réunions, que se décident les nominations à la tête de l'UMP, que les principaux collaborateurs du chef de l'État s'expriment, décident à la place des ministres dont on finit par ne plus même connaître les noms et les responsabilités.
À Saint-Quentin, à l'occasion de la visite du Président de la République dans mon département, j'ai pu, avec mon collègue Jean-Pierre Balligand, constater le comportement méprisant du Président à l'égard des parlementaires d'opposition, qui n'ont même pas obtenu les quinze minutes d'entretien sollicitées.
Il est vrai que l'on peut s'interroger : c'était en fait un chef de parti UMP qui était venu prononcer un discours électoral devant un public certes nombreux, monsieur Geoffroy – mais convoqué et nourri avec les impôts du contribuable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je le dis : ce n'est pas moral, ce n'est pas honnête.
Force est désormais de l'admettre : écrire, comme je l'ai fait, que la réforme « ne donne pas de pouvoirs nouveaux au Président de la République » relevait d'une analyse constitutionnelle dépassée, qui ne correspond plus à la réalité d'aujourd'hui.
En renforçant les prérogatives de la majorité parlementaire, le Chef de l'État conforte encore son pouvoir personnel. La seule limite qui subsiste se trouve dans la capacité de l'opposition à troubler cette connivence entre l'exécutif et sa majorité législative. Il convenait donc de lui enlever les seules armes politiques qui restent à sa disposition : le droit d'amendement et le droit de parole qui lui est lié. Il est vrai que ces longues discussions– qui constituent pourtant le coeur même de l'activité parlementaire – sont insupportables au plus haut point pour un Président de la République qui, en douze années de mandat parlementaire, n'aura pas parlé plus d'une heure au total – quatre à cinq interventions brèves – et déposé un seul amendement !
Rétif à toute opposition, impatient, étranger à la démocratie parlementaire, refusant d'entendre d'autres vérités que la sienne, le Président de la République entend faire plier le temps de la loi à sa volonté de concentration des pouvoirs. Au fond, pour lui, le Parlement est un mal nécessaire qu'il convient de remodeler à sa guise en le réduisant au rôle de tâcheron législatif, confiné à adopter des projets transmis par les cabinets présidentiels et ministériels et sommé de les ratifier dans les meilleurs délais, en les modifiant le moins possible.
Évidemment, le groupe socialiste s'opposera de la manière la plus déterminée à une telle dérive. Pour nous, le clivage pertinent dans une démocratie moderne touche désormais à la place faite à l'opposition au Parlement. À cet égard, la référence aux pays de l'Ouest européen est tout à fait appropriée : du fait même de la place et de la considération dont y jouit l'opposition, les procédures parlementaires sont plus apaisées.
Si le véritable objet de la révision constitutionnelle était de revaloriser le rôle de l'opposition pour se mettre au niveau des démocraties occidentales, il aurait mieux valu ne pas débuter sa mise en application par une disposition qui marque une régression par rapport à la structure actuelle.
Sans doute, dans la proposition de résolution concernant le règlement de notre assemblée trouve-t-on quelques timides petits pas en direction de l'opposition ; le groupe socialiste, pour sa part, a formulé un certain nombre de propositions publiques pour améliorer ce règlement et notamment la place qu'il accorde à l'opposition. L'intérêt de ces propositions est de susciter le dialogue politique entre la majorité et l'opposition. Je citerai deux exemples rapides : un droit de réplique dans les questions d'actualité et la désignation d'un contre-rapporteur de l'opposition sur les rapports parlementaires.
Ces propositions constituent une base sérieuse de discussion dans le cadre de l'élaboration du règlement, pour que le fonctionnement de notre assemblée soit véritablement modernisé, à l'instar des démocraties occidentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, je ne pas pense trahir l'opinion de mes collègues du groupe UMP en disant que M. Dosière n'a pas apporté énormément d'informations complémentaires sur le texte de la loi organique proprement dit. Il nous a présenté – c'est son droit, la parole est libre dans cette enceinte – un certain nombre de déclarations et nous a fait part de ses appréciations personnelles ainsi que celles de son groupe sur la manière dont se passent les choses. Les arguments touchant au Président de la République lui appartiennent, sur lesquels il ne sera pas surpris d'entendre…
…que nous sommes en total désaccord.
Malgré tout, je voudrais remercier M. Dosière pour l'aveu qu'il a fait, et qui a le mérite de la clarté : il a rappelé que les procédures d'obstruction utilisées dans cette enceinte ont été initiées, à une certaine époque, par ceux qui sont aujourd'hui dans la majorité, mais également reconnu – le compte rendu fera foi – que l'opposition actuelle les avait perfectionnées. C'est bien l'aveu que tout ce que nous avons dénoncé et ce que les Français ne supportent plus, à savoir cette obstruction pratiquée de plus en plus systématiquement par les députés de la gauche de cette assemblée devait prendre fin. C'est clairement un des objectifs de ce texte : faire en sorte, tout en respectant parfaitement la liberté de parole de chacun, de ne plus plonger dans cet abîme de l'obstruction qui retarde et dénature totalement notre travail. Personne ne prendra au sérieux l'argument de M. Dosière selon lequel, l'obstruction de l'opposition n'ayant jamais empêché l'adoption d'un texte in fine, on serait fondé à maintenir ces pratiques et à continuer d'empêcher le Parlement de légiférer – et la majorité des électeurs, telle qu'elle se retrouve dans la majorité de l'Assemblée, de s'exprimer et de décider.
En fait, en défendant cette question préalable – dont il faut rappeler que l'objectif est de démontrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer (« Exactement ! » sur les bancs du groupe SRC) –, notre collègue Dosière est finalement d'accord avec nous, et nous avec lui, pour dire que, sur l'ensemble des dispositions approuvées en termes identiques par l'Assemblée et le Sénat, il n'y a effectivement pas lieu aujourd'hui de délibérer, dans la mesure où cela est déjà fait… Mais sur le reste, rien n'est convaincant, rien ne nous a convaincus. Nous repousserons donc cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Redisons-le : on pouvait se passer de ce texte qui porte atteinte à la liberté de défendre des amendements. Vraiment, il était vraiment possible de s'en passer et de laisser les choses continuer à se dérouler normalement.
Au demeurant, cette attitude est si peu tenable que notre président a multiplié les propositions pour essayer d'atténuer cette atteinte à la liberté d'expression des députés. Les dernières sont contenues dans une proposition de résolution visant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale. Bel effort, il faut le souligner. Ce texte a été présenté à la presse ; je vais vous en donner lecture. Reste que ces propositions sont assez étranges.
Ainsi, dans un cas, il est proposé que chaque président de groupe ait le droit de demander un temps programmé allongé, autrement dit de passer, au total, à cinquante heures de débat. Mais en précisant que, depuis la mise en place de la session unique en 1995, le nombre de textes ayant nécessité plus de cinquante heures de débat n'a jamais été supérieur à trois par session ! C'est bien la preuve que l'obstruction n'a jamais atteint des proportions invraisemblables.
En accordant ce droit aux présidents de groupe, on fera en sorte, j'imagine, de retrouver ces trois débats de cinquante heures par session. Autrement dit, rien ne sera changé.
Encore plus fort, chaque président de groupe pourra, de droit, une fois par session, obtenir un temps programmé exceptionnel, soit soixante-quinze heures de débat. Depuis la session unique de 1995, on n'a jamais vu plus deux exemples de ce genre par session. Faites le calcul : si deux présidents de groupe de l'opposition usent de ce droit à un temps programmé exceptionnel, nous nous retrouvons très exactement à deux débats de soixante-quinze heures par session... En définitive, vous montez une usine à gaz pleine de contraintes pour arriver au même résultat. C'est assez extravagant !
M. le secrétaire d'État rappelait, il n'y a pas si longtemps, que nous avions battu en 2008 le record du nombre de textes adoptés dans notre hémicycle, soit cinquante-quatre textes. On cherche où l'obstruction a pu empêcher de faire voter ces textes… Même sur ce projet de loi organique, où l'opposition, c'est vrai, a fait le forcing, vous avez réussi à faire adopter en une semaine sept articles sur quatorze ! Franchement, si vous laissiez à chaque député toute liberté de défendre ses amendements…
…je suis persuadé que tout le monde y trouverait son compte. Voilà pourquoi nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ainsi que mes collègues Jean-Jacques Urvoas et René Dosière l'ont rappelé, cette loi organique est la traduction de la réforme constitutionnelle de juillet dernier. Mais, derrière les formules toutes faites sur la valorisation ou la revalorisation du Parlement, chacun sait désormais que se cachait un projet : la limitation du temps de parole et du droit d'amendement des députés, que l'on appelle désormais le « crédit-temps », au motif, nous dit-on, de limiter l'obstruction.
Rappelons, mes chers collègues, depuis le début de la législature en juillet 2007, trente-quatre textes ont été votés ; vingt d'entre eux ont fait l'objet d'une procédure d'urgence à la demande du Gouvernement.
Ce que vous appelez l'obstruction, c'est-à-dire la volonté de l'opposition de faire durer sur des textes qui nous paraissent essentiels, n'a concerné que deux textes.
Votre procédé, on le voit bien, n'est pas honnête. Si chaque parlementaire – député et sénateur – avait eu connaissance de vos intentions réelles, jamais cette réforme constitutionnelle n'aurait été adoptée au Congrès du Parlement, à Versailles.
Des députés comme Jack Lang, ou les radicaux de gauche qui, pour la majorité d'entre eux, avaient voté cette réforme, reconnaissent avoir été trompés.
La moindre des choses eût été, après cette réforme adoptée à deux voix de majorité, de rechercher une mise en oeuvre consensuelle, ou tout au moins qui ne contredise pas aussi crûment les intentions affichées en juillet. Malheureusement, ce n'est pas du tout la méthode qui a été choisie. Vous avez décidé de passer en force : nous avons tous en mémoire, monsieur le président, le spectacle de cette nuit où vous avez poursuivi la séance alors que nous l'avions quittée, et égrené « défendu, défendu » derrière chaque amendement appelé. Est-ce cela que vous voulez demain pour le fonctionnement de l'Assemblée nationale ?
Au moins auriez-vous pu tirer quelque enseignement de ce qui s'était passé. Mais non, vous avez voulu en finir : vous avez voulu un vote conforme entre la majorité sénatoriale et la majorité de l'Assemblée nationale. Voilà où nous en sommes ce soir.
Nous avions fait des propositions concrètes, sérieuses et finalement assez modestes ; or nous venons, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs de la majorité, de découvrir ces dernières heures, que nos échanges n'avaient pratiquement servi à rien.
Fin juillet, vous aviez les mots « statut de l'opposition » plein la bouche. Voilà que nous découvrons que ce que vous nous préparez, c'est un statut, non pour l'opposition, mais bien pour la majorité. Pourtant, à l'évidence, la démocratie ne peut se résumer à un face-à-face entre M. Copé et M. Sarkozy. Je ne conteste pas la nécessité d'organiser le dialogue entre la majorité et le Gouvernement qu'elle soutient ; ce que je conteste en revanche, c'est le fait que l'équilibre des pouvoirs puisse se limiter à cela, c'est-à-dire à l'organisation du travail parlementaire et gouvernemental entre le groupe majoritaire UMP et le Président de la République. Si c'est cela, ce n'est pas acceptable car la démocratie exige l'équilibre entre les pouvoirs. Cet équilibre réside dans l'organisation de la confrontation entre majorité et opposition. C'est l'intérêt de la démocratie, de son bon fonctionnement dans notre pays, surtout en cette période difficile de crise économique et sociale que nous traversons.
Ce n'est pas à travers les meetings du Président de la République que la démocratie vivra. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Une telle conception de la démocratie est particulièrement grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne défendons pas une démocratie plébiscitaire, mais une démocratie où le Président de la République est élu au suffrage universel et où le Parlement conserve toute sa place.
Ce n'est pas la voie que vous avez choisie.
La loi organique, comme votre projet de règlement, ne confèrent quasiment aucun droit à l'opposition, à l'exception peut-être d'un seul, bien timide : celui de proposer une fois par an, la création d'une commission d'enquête et d'en obtenir la présidence – encore faut-il qu'elle ait l'appui de la majorité. Vous allez transformer l'Assemblée nationale en chambre d'enregistrement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà votre intention. (Mêmes mouvements.)
Nous ne participerons pas à cette mascarade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, nous ne défendrons pas nos amendements, car nous avons décidé de les retirer, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), mais nous vous donnons rendez-vous pour l'examen de la réforme du règlement de l'Assemblée nationale.
Des réformes du règlement de notre Assemblée, il y en a toujours eues, mais lorsqu'elles n'étaient pas consensuelles, monsieur le président, elles ont été retirées. Cela a été le cas avec M. Fabius comme avec M. Debré. Cette fois-ci, à l'évidence, elles ne sont pas consensuelles, mais vous persistez et vous voulez les faire passer en force. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais vous le ferez sans nous : ce sera la première fois, depuis très longtemps.
Je vous rappelle les propositions que nous avons faites. Nous avons proposé d'équilibrer les droits du Gouvernement en autorisant les présidents de groupe à disposer d'un droit de veto égal au nombre de fois où le Gouvernement aura recouru à l'article 49-3 : je réitère cette proposition. Faisons également en sorte que la semaine d'initiative parlementaire ne soit pas un simulacre. Je vous demande donc de prendre l'engagement d'aller au-delà de la discussion générale et d'accepter d'examiner les articles et de débattre. Nous vous donnons rendez-vous le 30 avril.
Nous verrons alors si vous acceptez de débattre avec nous de la suppression de bouclier fiscal (« Encore ! » sur les bancs du groupe UMP.) On verra si vous êtes d'accord pour légiférer sur les salaires des dirigeants, les stock-options et autres parachutes dorés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On verra si vous accepterez de débattre sur des articles concernant l'instauration de négociations salariales en contrepartie d'aides publiques. On verra si vous êtes d'accord pour discuter, article après article, de la suppression du délit de solidarité avec les migrants. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si tel est le cas, ce sera la politique par la preuve, la confrontation majorité-opposition par la preuve. Mais pour l'heure, je ne vous cache pas mon pessimisme.
Le 30 avril, nous réitérerons nous propositions ; mais ce soir, nous ne voulons pas participer davantage à cette parodie de discussion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Voilà ce que je souhaitais dire au nom du groupe socialiste, radical et citoyen.
Je vous demande, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames et messieurs de la majorité de bien réfléchir à la suite. (« Eh oui » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous auriez tort de sous-estimer la gravité de votre décision. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Je sais bien ce qu'il y a dans l'esprit du président du groupe UMP : pour lui, c'est un mauvais moment à passer. Cela aura duré un certain temps : hier pour l'examen de la loi organique, demain pour la réforme du règlement. Cela durera le temps qu'il faudra puisque nous ne sommes pas encore soumis à la contrainte du « temps global ». Ce n'est qu'un mauvais moment à passer, pensez-vous, mais demain, on pourra faire ce qu'on voudra : par exemple, faire adopter le fameux travail le dimanche que vous n'avez pas pu faire passer en force avant les vacances de Noël ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mesurez-vous la portée de votre décision ? Vous rendez-vous compte du poids de la responsabilité qui va peser sur vous ? (Mêmes mouvements.)
Je vous mets en garde ce soir et j'invite à voter la question préalable défendue par notre collègue René Dosière. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
(Les députés du groupe SRC quittent l'hémicycle.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Braouezec, pour dix minutes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, depuis près d'un an, nous n'avons eu de cesse de dénoncer cette illusion que vous nous présentez comme une réforme constitutionnelle : ce n'est pourtant rien d'autre que de la poudre aux yeux, un leurre, voire un tour de passe-passe. Cette « modernisation des institutions » était censée renforcer les pouvoirs du Parlement et de l'opposition ; de la modernisation, nous ne retiendrons qu'un effet de mode trompant mal son monde. Du renforcement des pouvoirs du Parlement, nous ne trouvons nulle trace. Le bilan est même sidérant tant il est négatif. Non seulement le Parlement, dans son ensemble, en ressort trahi et affaibli dans ses missions fondamentales, mais surtout, l'opposition est trompée et abusée, car niée
Nous ne sommes pas dupes, monsieur le secrétaire d'État. Nous ne l'avons pas été l'année dernière, pas plus que nous ne l'étions en janvier dernier lors de la première lecture de ce projet de loi organique découlant de la réforme constitutionnelle, comme l'a rappelé à l'instant Jean-Marc Ayrault. Nous le sommes moins encore aujourd'hui quand nous découvrons, sans grand étonnement hélas, que le texte qui nous est soumis aujourd'hui a déjà fait l'objet d'un accord entre les deux chambres parlementaires. Il a, en effet, été validé dans le plus grand secret – quelque peu éventé tout de même – des salons feutrés de la République. Ainsi, M. Hyest et M. Warsmann – faisant office de CMP extraordinaire à eux seuls ! –,…
…se sont mis d'accord sur un texte qui correspondait aux attentes des majorités des deux chambres. Il ne vous reste plus, chers collègues de la majorité – car nous, il ne nous reste rien –, qu'à lever la main et à approuver ce texte, puisqu'il faut aller vite.
Mes chers collègues, j'ai souvent posé, ces derniers mois la question de savoir à quoi nous servions. Les députés de l'opposition – vous vous en rendrez compte dans quelques années, lorsque vous ne serez plus dans la majorité – ne servent plus à rien, sinon à rester ancrés dans une opposition passive. Les quelques outils créés par cette loi ne changeront rien à cette manière de voir. Quant à la fameuse « coproduction législative » de M. Copé, on en est loin. Que dire également des principes de résolutions qui ne changent rien non plus, tant est grand le verrou gouvernemental sur les propositions des parlementaires ?
Quant aux études d'impact et aux évaluations, comment pouvez-vous nous faire croire une seule seconde qu'elles auront un quelconque impact ? Il n'y a pas de moyens financiers propres garantissant une véritable autonomie financière et politique. Il n'y a pas non plus de véritables commissions parlementaires à l'instar de ce qui existe dans d'autres démocraties européennes. Toute volonté ou tentative d'évaluation des politiques publiques seront vaines. Dans le cas qui nous occupe, l'administrateur rédacteur de la loi aura, au sein de son ministère, pour devoir, en même temps qu'il rédige les textes de lois, de s'atteler aux études d'impact en faisant en sorte qu'elles correspondent à la réalité politique du moment et qu'elles servent l'intérêt politicien… La neutralité n'existera pas, l'objectivité, moins encore.
Mais revenons au droit d'amendement, la substantifique moelle, l'essence même de ce texte : il est absent du projet de loi puisque les articles 12 et 13 ont été votés conformes par le Sénat. Enterrer le débat pour mieux l'éviter, tel est le maître mot du Gouvernement qui veut aller vite et qui aurait perdu assez de temps. Mais, mesdames et messieurs de la majorité, le temps du Parlement, comme l'a rappelé Jean-Claude Sandrier, c'est le temps du débat, le temps de l'écoute, le temps de l'échange. Forts de nos expériences et de nos expertises, nous analysons, évaluons et discutons les textes de lois. En découlent des contre-expertises de qualité, des analyses indispensables à la bonne conduite de politiques publiques cohérentes. En découleraient des lois de qualité, des décrets d'application signés à temps… Il est devenu presque illusoire de rêver à une démocratie française où le Parlement jouerait son rôle de législateur et de garant de lois utiles et de qualité.
En tout état de cause, la logique du « court-termisme » qui règne dans le paysage politique français est désespérante et stérile. Elle n'invente plus, elle n'entend que faire survivre un système essoufflé. Elle ne décide plus, elle colmate !
Or ces deux questions – le temps du débat parlementaire et la qualité de loi – n'ont jamais cessé d'être au centre de nos préoccupations. Loin d'être des lubies de l'opposition, elle sont fondamentales. Leur prise en compte révélerait de la part du Gouvernement une volonté de réconcilier les citoyens avec la politique en se donnant les moyens d'une représentation nationale plus équilibrée, reflet de la diversité et de la vivacité de notre société.
Nous ne pouvons nous résigner à considérer les trois points en débat aujourd'hui comme des avancées démocratiques ou parlementaires. D'autant moins qu'il nous semblait plus urgent de travailler sur les lois organiques destinées à réconcilier les Français avec la politique et à replacer les citoyens au centre du débat politique. Or, pour l'heure, sans compter celle sur laquelle nous planchons encore aujourd'hui, seules deux lois organiques ont été promulguées : la première modifiant l'article 25 de la Constitution, qui permet notamment aux ministres sortant du Gouvernement de retrouver automatiquement leur siège de parlementaire – ainsi M. Bertrand a pu bénéficier de cette mesure deux jours après son départ du ministère du travail ; la seconde, qui modifie l'article 13 de la Constitution, autorise le Président de la République à nommer les présidents de France Télévisions, de Radio France ainsi que de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.
On est loin, très loin, des droits des citoyens, alors que le texte voté par le Congrès était censé instaurer des avancées majeures : quid du droit de pétition, de la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature ou encore de la mise en place du nouveau « défenseur des droits » ?
Ces avancées étaient présentées, pour ne pas dire vendues par la majorité, comme les faire-valoir citoyens de cette réforme, de ces faire-valoir censés adoucir les autres mesures liberticides en matière de droit parlementaire. Qu'attendez-vous pour les rendre réelles et effectives ? Si elles étaient si importantes, pourquoi les faire passer après les autres ?
S'il est une urgence institutionnelle en France, c'est celle de réconcilier les citoyens avec le politique, avec la chose publique. Et même si nous nous sommes élevés contre certaines dispositions et manière de construire la réforme constitutionnelle, il nous semble essentiel aujourd'hui d'enclencher la mise en place de ces dispositifs.
Mais revenons à ce qui nous intéresse très directement aujourd'hui. Il est assez inquiétant de noter que certains principes fondamentaux sont de plus en plus remis en cause, au point que l'on se sente obligé de les rappeler dans cet hémicycle – du côté de l'opposition, mais également sur vos bancs. Pas un débat ne se déroule sans que le principe de séparation des pouvoirs ne soit évoqué. Pas une discussion n'a lieu sans que les connivences des pouvoirs politiques, économiques et financiers ne soient dénoncées. Pas un seul texte qui ne vienne en discussion sans susciter une nouvelle levée de boucliers. Les débats sur l'audiovisuel public, la création artistique sur Internet et tous les projets de lois organiques liées à la réforme constitutionnelle en sont l'illustration parfaite. Autant de dossiers qui transforment presque définitivement le Parlement en machine à voter, en caisse d'enregistrement, en Parlement qui nie son opposition. Pourtant, des oppositions actives sont synonymes de vitalité et sont le moteur du dynamisme démocratique. Mais cette avancé ne figure pas non plus dans votre programme.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'État, l'existence de contre-pouvoirs est révélatrice de la bonne santé de la démocratie dans laquelle elle s'inscrit. Or vous vous faites un malin plaisir de les démanteler les uns après les autres, alors même que nous sommes en pleine crise. Vos urgences nous amènent à légiférer sur la nomination des PDG de l'audiovisuel public par le Président de la République, sur une loi qui se propose de restreindre nos propres droits au sein de cet hémicycle ou sur une autre, très bientôt, si l'on en croit le Président Sarkozy, visant à supprimer les juges d'instruction. Ainsi les pouvoirs parlementaires, médiatiques et judiciaires, devenus contre-pouvoirs par la force des choses, se voient-ils très directement remis en cause.
Nous voici arrivés au terme de cette discussion que nous avons menée en janvier au prix de débats houleux, souvent à la limite du respect, de la part d'une présidence parfois partiale, voire sous influence, qui a perdu pied quelques séances durant. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, vous comprendrez aisément que nous ne puissions accepter de nous faire bâillonner plus longtemps. Vous savez tout comme nous que le droit d'amendement est essentiel au débat parlementaire et qu'aucun autre dispositif ne pourra le remplacer : ni le droit de résolution, qui ne trompe personne quant à son inutilité, ni même les pseudo-études d'impact qui ne servent qu'à évaluer la capacité du Gouvernement à jouer deux rôles à la fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Parlement réuni en Congrès a adopté en juillet dernier une réforme constitutionnelle d'une ampleur sans précédent dans l'histoire de la Ve République. Le rééquilibrage de nos institutions et la revalorisation du rôle du Parlement qu'elle visait sont désormais très largement perceptibles, quoi qu'en dise l'opposition : en septembre dernier, notre assemblée a ainsi pu, fait inédit dans l'histoire de nos institutions, se prononcer par un vote sur l'opportunité de poursuivre ou non l'intervention de nos forces armées en Afghanistan aux côtés de nos alliés. Depuis le 1er mars, le Parlement partage avec le Gouvernement la maîtrise de son ordre du jour et consacre une semaine par mois à l'évaluation et au contrôle des politiques publiques.
L'examen en seconde lecture de ce projet de loi organique constitue un nouvelle étape majeure de la mise en place effective des droits et prérogatives nouveaux que le Parlement est désormais appelé à exercer : droit de voter des résolutions, mais aussi droit de disposer, au moment de débattre d'un texte, d'une meilleure information sur l'impact que celui-ci est susceptible d'avoir tant sur notre ordre juridique que sur la vie quotidienne de nos concitoyens.
Troisième chapitre du projet de loi organique, le droit d'amendement et les conditions de son exercice par les parlementaires ont indéniablement constitué la pierre d'achoppement de nos débats en première lecture.
La limitation de la possibilité pour le Gouvernement de recourir à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, conjuguée au spectre de l'obstruction parlementaire, imposait de rechercher un nouvel équilibre à même de recentrer le droit d'amendement sur sa vocation première qui est bien d'améliorer les textes qui nous sont soumis.
Si l'article 13 du projet de loi organique, en prévoyant la possibilité pour chaque assemblée d'instituer dans son règlement une procédure fixant des délais pour l'examen d'un texte, permet de prévenir toute tentation d'obstruction, sa rédaction initiale soulevait de légitimes interrogations quant à la garantie, pour chacune des forces politiques représentées dans nos assemblées, de pouvoir réellement débattre au fond des projets de loi qui nous sont soumis.
À ce titre, je me réjouirais de l'adoption en termes identiques par les deux assemblées de l'amendement présenté en première lecture par les députés du Nouveau Centre, et visant à ce que les règlements des assemblées, lorsqu'ils instituent des procédures fixant des délais à l'examen d'un texte en séance, garantissent le droit d'expression de chacun des groupes parlementaires, et tout particulièrement des groupes d'opposition et des groupes dits minoritaires.
Ainsi, en prémunissant notre institution de l'obstruction tout en assurant à l'ensemble des forces politiques qui y sont représentées le droit d'amender les projets législatifs dans des conditions satisfaisantes, de défendre effectivement leurs amendements et de prendre par là même toute leur place dans les débats qui nous occupent, ce projet de loi organique a retrouvé l'esprit qui avait justifié le vote des parlementaires du Nouveau Centre en faveur de la révision constitutionnelle, en juillet dernier.
Si le Sénat a adopté dans les mêmes termes que notre assemblée la plupart des articles touchant à l'exercice du droit d'amendement, il n'en a pas moins choisi d'adopter plusieurs modifications relatives à l'exercice du droit de résolution ainsi qu'aux conditions de présentation des projets de lois par le Gouvernement.
Aboli en 1958 à la suite des abus dont il avait été l'objet, notamment sous la IVe République, le droit de résolution est rétabli, ce qui constitue pour nous tous une avancée réelle. Il était en effet invraisemblable que les parlementaires en soient réduits à demander au pouvoir exécutif son accord avant de pouvoir débattre d'un sujet leur important particulièrement. Le rétablissement du droit de résolution permet au Parlement de prendre position sur un sujet quand il l'estime utile.
Si le Sénat, donc, a largement souscrit à la démarche qui était celle de notre assemblée en première lecture, il a également adopté plusieurs modifications de fond. Je pense notamment à la possibilité désormais offerte à un président de groupe de déposer une proposition de résolution au nom de son groupe, mais aussi au raccourcissement du délai séparant le dépôt d'une proposition de résolution de son inscription à l'ordre du jour. Ces modifications procèdent d'une volonté d'enrichir et d'approfondir le texte, à laquelle nous ne pouvons qu'apporter notre soutien.
Le projet de loi organique ouvre, par ailleurs, un second droit majeur : celui, pour l'ensemble des parlementaires, d'être plus complètement informés, grâce aux travaux d'évaluation préalables à l'élaboration et à la discussion d'un texte.
Enfin, monsieur le président, je voudrais évoquer la revalorisation du rôle du Parlement, souhaitée, je crois, par l'ensemble de nos collègues. Il me semble que nous devrions travailler à réduire le nombre de nos lois. L'inflation législative n'est pas forcément signe de progrès. Trop de lois sont préparées à la va-vite. Les évaluations, les études d'impact et les études comparatives à l'échelon européen sont insuffisantes. En outre, les textes de loi répondent trop souvent à la pression de l'opinion publique.
Plus grave encore, nous savons, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, que de trop nombreuses lois ne sont jamais appliquées, faute de décrets.
J'ai écouté avec attention nos collègues de l'opposition. J'estime qu'ils font un bien mauvais procès au Gouvernement et à la majorité.
Monsieur le président, je parle sous votre contrôle car je sais que vous êtes, comme nous tous, particulièrement attaché aux prérogatives et au respect de l'opposition. Je regrette que celle-ci ait quasiment déserté l'hémicycle ce soir, car c'est de l'organisation même de nos travaux qu'il est question.
Il m'a semblé que c'était notre majorité qui avait fait les plus grandes avancées vis-à-vis de l'opposition. Qui préside la commission des finances, si ce n'est un élu de l'opposition ? N'avez-vous pas souhaité, monsieur le président, que les missions d'information ou les commissions d'enquête parlementaire soient présidées par un membre de l'opposition et que le rapporteur en soit également issu ?
Que l'organisation de nos travaux soit améliorée, c'est le désir de tous. Mais les arguments que nous avons entendus ce soir constituent un bien mauvais procès d'intention à l'égard non seulement du Gouvernement mais aussi de la majorité présidentielle et de la personne même du Président de la République, qui s'est exprimé ce soir même et qui a encore été critiqué.
Nous nous trouvons à un moment difficile de l'histoire de notre pays en raison de la crise économique. Dans toutes les démocraties du monde, nous voyons qu'une certaine unité se fait derrière les dirigeants et que l'opposition adopte une attitude de retenue. Or, dans notre Parlement, que voyons-nous ? Obstruction généralisée et mauvais procès.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, je me réjouis, au nom des députés du Nouveau Centre, que ce texte vienne moderniser nos institutions qui en ont bien besoin. Sachez que vous pourrez compter sur notre vigilance pour que les droits de tous les parlementaires soient respectés, qu'il s'agisse ceux de la majorité ou ceux de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Président de la République avait pris l'engagement, pendant la campagne présidentielle, de moderniser nos institutions. Face au renforcement inexorable de la fonction présidentielle, il a voulu, pour un meilleur équilibre de notre démocratie, que le Parlement, majorité comme opposition, ait plus de pouvoirs.
Après avoir révisé notre Constitution et avant de modifier notre règlement intérieur, nous devons nous prononcer ce soir sur trois sujets : les résolutions, les conditions de présentation des projets de loi, l'exercice du droit d'amendement.
Avant d'en venir au projet de loi proprement dit, je voudrais rappeler quelques vérités qu'on essaie vainement aujourd'hui de travestir ou de faire oublier. Est-il liberticide, par exemple, de donner aux parlementaires un droit de veto sur des nominations effectuées par le chef de l'État ? Est-il liberticide de se prononcer par un vote sur les interventions armées, comme nous l'avons fait il y a quelques semaines ? Est-il liberticide de limiter le recours à l'article 49, alinéa 3 ? Est-il liberticide d'instaurer un partage de l'ordre du jour, avec un accroissement plus que substantiel du temps réservé à l'opposition ? Est-il liberticide de contrôler l'action du Gouvernement, comme nous l'avons fait cet après-midi et comme nous le ferons demain, avec un temps de parole équivalent pour la majorité et pour l'opposition ?
L'opposition, qui boycotte pour partie nos travaux, tente de nous faire croire que nous voulons bâillonner le Parlement. Cet argument est pour le moins risible lorsque l'on regarde de près la révision constitutionnelle, et je me bornerai, pour illustrer ce propos, à souligner que les projets de loi seront désormais examinés en séance publique sur la base du texte de la commission, ce qui représente une avancée considérable pour la qualité de nos travaux et pour nos prérogatives.
Enfin, à entendre l'opposition, nous souhaiterions limiter le droit d'amendement et mater le Parlement. Pour étayer cette thèse, on nous répète que l'obstruction n'empêche pas le vote des textes de loi mais permet d'éclairer le peuple sur les intentions réelles du pouvoir. J'avoue ne pas bien voir en quoi deux cents ou trois cents amendements répétitifs permettent d'éclairer qui que ce soit. Il me semble plutôt que la force d'un argument, le talent de celui qui le présente et la capacité à remplir des salles suffisent amplement à alerter l'opinion quand cela est jugé nécessaire. À l'inverse, ce n'est pas rehausser le travail parlementaire et renforcer les droits du Parlement que de multiplier les interruptions de séance, les rappels au règlement et les amendements rédigés par copié-collé.
J'ajoute que nous faire le procès de l'atteinte aux libertés est pour le moins surprenant quand on veut bien se souvenir des écrits de M. Ayrault ou des rapports de M. Bel.
La première lecture du projet de loi organique à l'Assemblée nationale et au Sénat a permis d'aboutir, nous semble-t-il, à un texte très équilibré, qui respecte notamment les avancées que nous avions votées ici même.
C'est pourquoi le groupe UMP partage l'avis de notre rapporteur et souhaite que le texte soit voté conforme, afin que soit mise en oeuvre sans attendre une grande partie de la révision constitutionnelle et que puisse être élaboré plus vite notre nouveau règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Noël Mamère.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la Constitution, révisée en juillet dernier, n'est pas une loi comme les autres. Elle n'appartient ni à la droite ni à la gauche. Elle appartient à chacun d'entre nous. Elle est notre loi fondamentale et régit, au-delà des partis et des alternances, le fonctionnement de notre République.
En conséquence, toute révision devrait se faire en réelle concertation avec l'opposition pour obtenir un texte consensuel. Tel n'a pas été le cas, chacun s'en souvient. Il est vrai que la Constitution de 1958, taillée sur mesure pour un homme, le général de Gaulle, et dans des conditions exceptionnelles, la guerre d'Algérie, devait être changée. Il est vrai que nous demandions le passage à une VIe République. Mais le changement qui a été réalisé, à quelques voix près, dont – malheureusement – une de gauche, va dans le sens contraire. Il renforce le caractère anti-démocratique de la Ve République et piétine un peu plus les droits de l'opposition.
Le seul mérite du projet de loi organique dont nous abordons l'examen est de lever toute ambiguïté sur les intentions initiales du Gouvernement et de sa majorité. Dès l'origine, nous avons dénoncé le véritable leurre que constituait cette réforme constitutionnelle au regard de son objectif affiché : donner davantage de pouvoirs au Parlement. Nous affirmions alors que, loin de revaloriser les droits du Parlement, votre réforme accentuait un peu plus les déséquilibres de notre régime politique au profit exclusif du Président de la République.
Le coeur de votre réforme a consisté, en effet, à offrir au Président de la République, dans notre loi fondamentale, la possibilité nouvelle de dicter ses projets directement au Parlement et de placer ce dernier dans une situation que l'on pourrait qualifier de soumission institutionnelle. Tout le reste se résume à une opération de camouflage visant à dissimuler la transformation de la Ve République en un pouvoir présidentialiste et sans contre-pouvoir. L'idéal de Nicolas Sarkozy, c'est en effet la présidence américaine, mais sans le Congrès ni les pouvoirs judiciaire et médiatique. Avec cette réforme, il est en train de manier ce qui pourrait s'apparenter à un boomerang. Comme le 19 mars, l'expression du mécontentement ne passera malheureusement pas par la représentation nationale mais, peut-être, par la rue. Vous avez aimé la dérive monarchique, vous allez adorer la dérive bonaparto-présidentialiste.
À quoi se résument, en effet, les avancées en faveur du Parlement ? À quelques mesurettes favorables, pour l'essentiel, au parti majoritaire ! De surcroît, ces mesures se paient de contreparties inacceptables en matière de respect du pluralisme démocratique et de reconnaissance des droits de l'opposition.
J'aborderai d'ailleurs ici les trois principaux chapitres du projet de loi organique, qui donnent la mesure des dangereuses dérives que ce texte propose de valider dans le prolongement des dispositions constitutionnelles adoptées en juillet. En séparant, par exemple, la notion de débat parlementaire de celle de délibération à caractère législatif, vous entérinez une dangereuse évolution, c'est-à-dire une dégradation de la condition juridique de la loi, qui s'accompagne d'une dégradation de la condition normative du débat parlementaire.
La possibilité offerte aux parlementaires de débattre de propositions de résolution aurait pu être intéressante, mais les conditions de recevabilité de l'exercice de cette fonction sont telles que les chances de mise en débat des propositions de résolution présentées par nos groupes d'opposition sont quasi inexistantes. Ainsi, le Premier ministre dispose d'un droit de veto sur le sort des résolutions ; de plus, il peut exercer cette prérogative de façon arbitraire, car aucune obligation de motiver sa décision ne s'impose à lui.
Autre condition inadmissible : si la proposition de résolution déposée par un parlementaire doit être transmise sans délai par le Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat au Premier ministre, ce dernier n'est tenu à aucun délai strict pour y répondre. On ne peut, dès lors, que s'interroger sur la portée qu'auront réellement les résolutions adoptées, sachant que le Gouvernement ne sera entendu, en l'espèce, qu'à sa propre demande et, surtout, qu'il pourra s'opposer à tout moment, conformément au second alinéa de l'article 34-1 de la Constitution, à l'examen d'une proposition de résolution qu'il estimerait mettre en cause sa responsabilité ou contenir une injonction à son égard. Autant dire que, dans les faits, notre Assemblée n'aura à connaître et à débattre que des seules propositions de résolution agréées par le Gouvernement ou de celles qu'il juge assez inoffensives pour ne pas contrarier ses propres objectifs – y compris d'ailleurs en termes de communication – ou troubler l'opinion publique. Est-ce cela protéger les droits du Parlement et les pouvoirs de l'opposition ? Nous en doutons.
Vous dites vouloir renforcer la possibilité pour les parlementaires de l'opposition de disposer d'un véritable droit d'initiative, tant au plan législatif que sur celui des procédures de contrôle comme la création de commission d'enquête, l'audition de ministres ou la saisine de la Cour des comptes. Cela supposerait un renforcement tel des moyens des commissions et des groupes que ces droits risquent fort de rester théoriques : il n'y a rien, en effet, à l'horizon, ni sur le renforcement des moyens, ni sur la procédure.
Le second chapitre de votre projet de loi organique rassemble les mesures visant les nouvelles dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 39, c'est-à-dire les nouvelles règles régissant la présentation des projets de loi. Ce chapitre est peut-être le moins polémique de tous. Pourtant, nous nous interrogeons légitimement sur l'article 10, qui dresse l'inventaire des catégories de projets de loi pour lesquels le dépôt de documents d'évaluation n'est pas obligatoire. En particulier, il nous est difficile d'accepter que les projets de loi de programmation et les projets de loi de ratification échappent à la règle. En tout état de cause, nous pourrions estimer que cet article est de nature à inciter le Gouvernement à contourner la procédure législative par la voie du recours à l'ordonnance plus fréquemment encore qu'il ne le fait déjà. Le recours à l'ordonnance constitue l'une des anomalies à laquelle la réforme constitutionnelle de juillet dernier n'a pas apporté de réponse, pas plus qu'elle n'a abordé les enjeux décisifs que sont la suppression de l'article 40, celle de la procédure du vote bloqué ou celle de l'article 49-3.
Les dispositions de l'article 7 du projet de loi organique démontrent que, dans les faits, le pouvoir exécutif aura tout loisir d'échapper aux dispositions qui le contraignent à porter à la connaissance du Parlement les documents d'évaluation utiles, soit en recourant à la procédure des ordonnances, soit par la voie des modifications apportées aux règles de fixation de l'ordre du jour qui vont permettre à l'exécutif de faire porter un nombre croissant de projets par des parlementaires de la majorité, chargés de les déposer sous forme de propositions de loi. C'est pourquoi nous proposerons, entre autres, et si la présente motion de renvoi en commission n'est pas adoptée, de soumettre à l'avenir les propositions de loi déposées par des parlementaires appartenant aux groupes de la majorité aux règles d'évaluation prévues à l'article 7.
Abordons maintenant ce que nous pourrions appeler « la cerise sur le gâteau » de ce projet de loi, à savoir les modalités d'exercice du droit d'amendement. Rappelons que la réforme constitutionnelle est venue ajouter une phrase au premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, lequel ne se borne plus à disposer que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement », mais précise désormais que « ce droit s'exerce en séance ou en commission, selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». C'est ce fameux cadre que fixent les trois derniers articles de votre projet de loi. Sous prétexte d'un prétendu renforcement des droits du Parlement, votre volonté apparaît pour ce qu'elle est : museler l'opposition. En effet, le droit d'amendement est aujourd'hui la forme d'expression principale du droit d'initiative des députés : jusqu'à présent, plus de 20 000 amendements étaient ainsi déposés chaque année. Partagé avec le Gouvernement, ce droit – déjà très encadré – reste, dans le principe, libre et illimité. C'est un droit individuel que chaque député peut exercer en son nom propre, en sa qualité de représentant de la nation.
Les plus importantes de ces restrictions portent actuellement sur la recevabilité financière – article 40 –, ce qui ne permet aucun débat sur les transformations économiques et sociales réelles. En outre, les amendements doivent relever du domaine de la loi, restriction encore renforcée au demeurant par l'article 41, alinéa 1, de la Constitution révisée.
Il existe d'autres restrictions encore : celles portant en particulier sur les délais de dépôt et qui ont considérablement évolué. Alors que les députés pouvaient déposer des amendements jusqu'au début de la discussion générale, ils doivent le faire désormais au plus tard la veille du débat, à dix-sept heures. Le Gouvernement peut, quant à lui, en déposer à tout moment, demander un nouveau vote sur un article si un amendement est adopté contre sa volonté, et même s'opposer à la discussion des amendements qui n'ont pas été soumis à la commission saisie au fond. Cette arme de procédure n'est généralement pas utilisée, mais l'ensemble témoigne du déséquilibre entre, d'une part, les droits consentis aux députés, notamment ceux qui appartiennent de fait à l'opposition, et, d'autre part, ceux dévolus au pouvoir exécutif. Ce déséquilibre est confirmé par les dispositions de l'article 11 et accentué dans des proportions invraisemblables par les articles 12 et 13.
Vous proposez, en effet, un dispositif inédit : un amendement pourra être mis aux voix sans discussion, au nom du respect des délais préalablement fixés pour l'examen d'un texte, voire purement et simplement déclaré irrecevable en séance publique, si devait être instituée la procédure d'examen simplifié. Votre texte pose clairement le principe de l'inscription des débats parlementaires dans un temps contraint qui va, de fait, limiter, sinon vider de son contenu, le droit d'amendement dans son exercice tant collectif qu'individuel. Or ce droit est la seule arme dont dispose l'opposition pour exercer le rôle de contre-pouvoir et de garant du pluralisme qui est le sien dans toute démocratie. Vous entendez donc réduire à un droit purement formel ce droit fondamental, que l'on pourrait considérer comme démocratiquement vital. Les députés pourront, certes, déposer des amendements, et même autant qu'ils le souhaitent, mais ils n'auront plus nécessairement la possibilité de les défendre individuellement en séance publique. Pour contrer les objections de l'opposition, vous invoquez essentiellement deux arguments. Malheureusement, ni l'un ni l'autre ne nous paraissent recevables. Le premier consiste à affirmer qu'il serait possible de limiter la durée des discussions, car le projet de loi débattu en séance publique serait celui amendé par la commission. Cela pose une question de fond, qui a déjà été évoquée ici d'ailleurs : depuis quand le travail d'une commission remplace-t-il celui d'une assemblée plénière ?
Quel pouvoir a une commission, dans quelque assemblée que ce soit ? Aucun ! Le pouvoir appartient en totalité à l'assemblée réunie en séance plénière – donc en présence de tous les députés qui souhaitent y assister – et publique, comme l'impose notre démocratie. En conséquence, le vrai débat doit avoir lieu dans l'hémicycle. Rien ni personne ne doit pouvoir l'édulcorer, le limiter ou le censurer. Que vous le vouliez ou non, et même si vous contestez que tel soit votre objectif, ne pas laisser aux députés la liberté de parole dans l'hémicycle est une atteinte à la démocratie. Le débat en commission peut être technique ; dans l'hémicycle, il doit être technique et politique.
Le second argument que vous avancez concerne l'obstruction. Il n'est pas plus recevable que le premier ! Jamais nous n'avons voté autant de textes, d'ailleurs en grande partie souvent inapplicables, car non suivis d'effets, les décrets ne paraissant pas. Comment pouvez-vous affirmer, par exemple, que nous vivons sous le règne permanent de l'obstruction parlementaire ? Avec le présent texte, la procédure du crédit-temps tarira le débat et transformera les assemblées en chambre d'enregistrement, puisque le débat sera verrouillé à l'avance. Lorsqu'un groupe aura épuisé son temps de parole, il ne pourra plus défendre son amendement et, lorsqu'un amendement appelé ne sera pas défendu, il n'aura aucune chance d'être adopté. La liberté de discussion parlementaire est pourtant incompatible avec le concept de forfait temps.
Le temps du Président de la République, celui de ses annonces quotidiennes, ne peut être celui du Parlement, qui examine, contrôle, évalue, auditionne et amende.
Pour contrer les objections de l'opposition et justifier vos dispositions, vous agitez toujours l'épouvantail de l'obstruction ! Selon les responsables de la majorité, les amendements déposés par la gauche seraient responsables de ce que vous appelez la « pagaille » qui sévirait au Parlement et qui « risquerait de bloquer le rythme des réformes » !
Si le Président de la République regrette que les parlementaires socialistes déposent, dit-il, « des amendements à la brouette » – mais il n'est pas là ce soir pour nous le confirmer – il devrait, pour sa part, renoncer à ses projets de loi à grande vitesse, mal rédigés et incomplets ! Les chiffres parlent d'ailleurs d'eux-mêmes : depuis la prise de fonction du gouvernement de François Fillon, plus de soixante-dix textes ont été votés, hors projets autorisant la ratification de conventions internationales. La comparaison de ces chiffres avec ceux enregistrés sous les deux précédentes législatures donne une idée du rythme effréné imposé au Parlement : cinquante-deux textes par an de 1997 à 2002, une moyenne de quarante-sept entre 2002 et 2007. Où est donc l'obstruction qui nous est reprochée ?
On est en droit de s'interroger, en revanche, sur cette frénésie législative, qui ressemble d'ailleurs à une véritable diarrhée politique, et sur son efficacité, quand on sait qu'à peine 25 % des lois votées entrent en application.
Nous assistons en vérité, sous couvert de lutte contre l'obstruction, à un grave recul de nos institutions démocratiques. À l'heure où la majorité de nos concitoyens réclament davantage de démocratie et veulent être mieux associés aux décisions qui les concernent, où ils réclament avec toujours plus d'insistance que leurs représentants fassent leur travail, vous proposez que nous ne puissions plus demain délibérer et critiquer librement.
Nous n'étions déjà que les représentants du ministère de la parole. Désormais, même le micro nous sera coupé, et vous aurez réussi à faire du Parlement une simple chambre d'enregistrement de décrets-lois pris en conseil des ministres ou, plus précisément, dans les bureaux des conseillers de l'Élysée, puisque nous n'avons plus de ministres mais des préposés sous contrôle.
Je comprends qu'à l'aune du pouvoir personnel, le droit d'amendement soit considéré comme une sorte de crime de lèse-majesté. Il suffit de se rappeler la bataille du CPE, celles des tests ADN, des retraites ou des lois sécuritaires. À chaque fois, nous avons pu alerter la population sur les mauvais coups ourdis contre elle. À chaque fois, nous avons joué notre rôle de lanceurs d'alerte. C'est cela que vous cherchez à supprimer.
L'existence du débat parlementaire est pourtant une garantie constitutive de toute démocratie. L'opposition ne peut remplir sa fonction que par la voie du droit d'amendement. Par-delà tous les clivages politiques, l'opposition d'aujourd'hui étant la majorité de demain et inversement, il importe au premier chef de garantir l'effectivité du droit d'amender et de la mise en discussion des amendements.
Sans aucune illusion, nous vous proposons donc à nouveau un travail transpartisan pour parvenir, ensemble, à un large consensus. Nous avions déposé dès la première lecture un certain nombre d'amendements visant à mieux encadrer le recours aux procédures simplifiées en le soumettant à l'approbation de l'ensemble des présidents de groupes, et à préserver l'exercice du droit d'amendement sans faire droit à l'obstruction.
Nous souhaiterions que la commission se donne le temps du travail parlementaire, loin des pressions élyséennes. Tel est le sens de notre demande de renvoi en commission. Nous savons que nous avons peu de chances d'être entendus…
Effectivement, si l'on en juge par l'état des troupes !
Nous avons peu de chances d'être entendus car vos propositions s'inscrivent, de fait, dans la logique voulue par le chef de l'État : celle d'une offensive du pouvoir exécutif et de la majorité pour contrôler tous les pouvoirs, judiciaire, médiatique et législatif.
Souvenons-nous de ce qui s'est passé ici lors de la discussion de la réforme de l'audiovisuel public. Nous avons tout de même assisté à une extravagance institutionnelle, nos malheureux collègues sénateurs étant obligés de voter sur une décision déjà mise en oeuvre. Il n'y a que dans les Républiques bananières ou dans les régimes autoritaires que l'on voit cela, non dans ce que l'on prétend être une grande démocratie.
Ce qui est en jeu derrière ce débat sur le pouvoir législatif, ce n'est pas un problème de règlement intérieur, c'est un problème de démocratie, qui concerne tous nos concitoyens. La régression n'est pas plus justifiable en matière de démocratie et de libertés qu'en matière sociale.
Ce texte mal ficelé est dangereux, et va dans le sens d'un Parlement et d'une opposition muselés. C'est un mauvais coup contre la démocratie parlementaire et contre la démocratie tout court. Je vous le dis, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les membres de la majorité, vous êtes en train de faire sauter un fusible de plus, ce fusible des contrôles démocratiques, si nécessaires à la vitalité de notre pays, à son équilibre social.
Lorsque l'exaspération sera devenue totale, ce n'est pas dans cet hémicycle que le dernier acte se jouera. Faites attention, monsieur le président de la commission des lois, je vous le dis très solennellement, avec ce que vous êtes en train de cautionner en tant que président de la commission, avec cette espèce de volonté de dépouiller le Parlement de ses droits (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…
…vous confortez l'opération lancée par le Président de la République, qui s'acharne à supprimer tous les outils de contrôle et tout ce qui permet de maintenir la cohésion sociale et politique – car, demain, ce n'est pas dans cet hémicycle que se régleront les problèmes et que la pyramide républicaine retombera sur ses pieds, mais le Président de la République se retrouvera peut-être face à la rue et nous ne pourrons plus rien contrôler parce que la démocratie aura perdu.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir voter notre motion de renvoi en commission.
Tout ce qui est excessif est insignifiant. Monsieur Mamère, j'aurai certainement peu apporté en tant que député à l'Assemblée, mais j'aurai au moins fait voter, lors de la révision de la Constitution, un amendement permettant au Parlement de mener une semaine sur quatre des actions de contrôle. J'aurai ainsi apporté une pierre au renforcement du contrôle du Parlement sur les politiques publiques et sur le Gouvernement. Je pense que nous serons tous collectivement fiers d'avoir institué cette semaine de contrôle et d'avoir donné, pour ces activités de contrôle, la moitié du temps de parole à l'opposition.
C'est ce qui se passe aussi, depuis quelques semaines, lors des séances de questions d'actualité, auxquelles assistent tous nos concitoyens. Elles avaient été créées par Valéry Giscard d'Estaing en 1974, la moitié du temps étant réservée à la majorité et l'autre à l'opposition, et c'est votre majorité qui, en 1981, a supprimé ce principe pour se réserver la majorité du temps de parole.
C'est nous qui, en renforçant le contrôle du Parlement, avons rétabli le principe de l'égalité, comme tous ceux qui regardent les questions d'actualité ont pu le constater.
Non, monsieur Mamère, je n'ai pas porté atteinte au Parlement, tant s'en faut. Je suis fier d'avoir participé, avec la révision constitutionnelle et la loi organique, au renforcement des pouvoirs d'évaluation et de contrôle du Parlement français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.
En écoutant M. Mamère, la plupart des membres de la majorité sont restés pantois.
C'est vrai que la qualité du discours n'avait pas de quoi réveiller un auditoire !
Nous étions pantois d'entendre tant de contrevérités.
Je vous rappelle tout de même, monsieur Mamère, que la dérive monarchique dont vous parlez si bien a atteint son apogée entre 1981 et 1995.
Vous qui parlez tant du respect du pouvoir exécutif envers le pouvoir législatif, on vous a rappelé à quel point vous aviez peu de mémoire. Dans certains débats parlementaires, nous avons rappelé le peu d'estime que l'exécutif portait à l'autorité judiciaire, estime dont vous vous gargarisez aujourd'hui lorsque vous pensez que le pouvoir attaquerait les libertés.
Bien mauvais débat, bien mauvaise affaire, très à côté de la réalité. Avons-nous d'ailleurs vraiment besoin de déstabiliser une opposition qui se déstabilise en permanence toute seule ?
Très franchement, le discours que vous avez tenu dans cet hémicycle vide…
…témoigne de la vacuité de la réponse de la gauche. En réalité, si le débat n'est pas allé jusqu'au bout – et nous sommes un certain nombre à le regretter –, c'est que vous vous êtes dérobés. Car vous qui nous accusez de tout faire pour l'exécutif, qu'avez-vous fait pour faire progresser les pouvoirs du législateur ? Qu'avez-vous donné à la représentation parlementaire, vous qui vous gargarisez de la défense des libertés ? Rien, sinon l'absence.
Si cette constitution que nous avons réformée ne va pas suffisamment loin dans le parlementarisme, ce que nous sommes quelques-uns à regretter, vous en êtes les responsables car vous avez déserté votre devoir de parlementaire en refusant d'aborder des sujets qui vous dérangeaient, et ce pour des objectifs strictement politiciens.
Vous nous aviez habitués à des discours plus enflammés. Vous êtes tout seul dans un débat soporifique et que vous avez largement contribué à rendre tel. Vous comprendrez donc que nous n'envisagions absolument pas de voter le renvoi en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Au nom de mes collègues du Nouveau Centre, je m'opposerai naturellement au renvoi en commission.
Je me suis demandé, monsieur Mamère, si nous discutions du même texte. Celui dont nous sommes saisis revalorise le Parlement, qui veut mieux organiser nos travaux, et vous en avez fait une caricature totalement inexacte.
Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention. Vous auriez souhaité que la révision constitutionnelle fasse l'objet d'une consultation avec l'opposition mais, si la révision constitutionnelle a été votée, c'est parce qu'une partie de vos collègues de l'opposition l'ont votée. J'ai l'impression que vous le regrettez.
Vous avez fait le procès du Président de la République mais n'est-ce pas la gauche qui, en 2001, a fait voter par le Parlement l'inversion du calendrier électoral ? Vous nous aviez expliqué à l'époque qu'il fallait élire les députés après avoir élu le Président de la République en raison du quinquennat. Il ne faut donc pas s'étonner que le Président de la République ait aujourd'hui un pouvoir renforcé, que vous dénigrez.
Vous avez conclu par des mots graves. Vous savez l'estime que j'ai pour vous. Nous ne partageons pas les mêmes opinions, mais nous partageons parfois les mêmes combats. Je voudrais vous dire que nous sommes un certain nombre à siéger au sein de l'opposition dans des assemblées locales, et qu'il ne me semble pas que vous ayez, vous ou vos collègues, des leçons à nous donner en matière de respect de l'opposition.
Nous avons souvent un rôle réduit au minimum. Au Parlement, vous donnez des leçons, mais nous aurions beaucoup à dire sur la façon dont l'opposition est traitée dans les régions et les départements.
Vous avez conclu vos propos sur un ton menaçant. En ces moments difficiles pour le pays, ce n'est dans l'intérêt de personne, et mieux vaut parler de façon raisonnable. L'opposition n'a pas à se réjouir d'une aggravation de la situation économique. Nous sommes tous dépositaires d'une exigence qui nous dépasse, et vous le savez.
Vous avez expliqué que nous légiférions beaucoup. Mais il est heureux que le Président de la République, le Gouvernement et la majorité soient très réactifs, car nous devons adapter nos institutions et nos lois aux défis de la crise économique. C'est ce à quoi s'emploient le Gouvernement et la majorité présidentielle. Nous travaillons beaucoup, nous légiférons beaucoup, mais nous le faisons au service du redressement de la nation.
Vous avez fait du travail législatif une caricature qui n'est pas à l'honneur du Parlement. C'est pourquoi, au nom des députés du Nouveau Centre, je m'opposerai au renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je vous signale, monsieur Hunault, que les députés communistes, comme d'ailleurs les députés Verts, avaient voté contre l'inversion du calendrier électoral,…
…pour la raison qu'a très bien expliquée M. Apparu tout à l'heure, à savoir que cela rendait inexorable l'accroissement des pouvoirs du Président de la République.
Il y a d'ailleurs une contradiction assez extraordinaire à dire que l'accroissement des pouvoirs du Président de la République est inexorable et qu'il faut tout de même essayer de faire quelque chose pour l'Assemblée.
J'avais fait, au moment de la révision constitutionnelle un certain nombre de calculs. Auparavant, 97 % du temps de débat était réservé au Gouvernement, les 3 % restants étant dévolus à l'initiative parlementaire. Aujourd'hui, c'est à peine mieux, puisque 93 % du temps est partagé entre le Gouvernement et sa majorité.
Si vous avez cinq minutes, je vous l'expliquerai après. Mais ce n'est pas la première fois que je le dis et, pour l'instant, personne ne m'a contredit.
En ce qui concerne la révision constitutionnelle, dont vous faites l'exégèse, une chose est claire : elle a été conçue autour d'un article, celui permettant au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement.
Vous avez ensuite essayé de l'habiller en ajoutant un certain nombre de droits pour la majorité.
S'il y a débat, ce n'est pas une fantaisie des groupes de l'opposition. Il est clair qu'un problème se pose, qui a été maintes fois rappelé, et qui tient aux deux dispositions suivantes : « Les règlements des assemblées peuvent, s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte… » et « Les amendements peuvent être mis aux voix sans discussion. »
La première de ces dispositions remet en cause la suppression par le président Chaban-Delmas des délais de débat, suppression qui avait constitué un progrès du point de vue de la liberté.
Quant à la seconde disposition, elle remet en cause le droit de parole des députés, ce qui est contraire à la Constitution car chaque député est responsable devant ses électeurs et non devant son groupe politique, et doit avoir le droit de défendre ses amendements.
Cher collègue, qu'a-t-il de particulier, le communiste qui est devant vous ? Mon cher collègue, je n'ai jamais porté atteinte aux libertés.
Vous avez raison, monsieur le président.
Le député est responsable devant ses électeurs et non devant son groupe politique. Il ne peut être encadré dans sa prise de parole, donc dans ses amendements, par un groupe politique.
Le prétexte de l'obstruction ne tient pas. La démonstration en a d'ailleurs été apportée par notre président lui-même : trois textes par session dépassent les cinquante heures de débat, deux seulement dépassent les soixante-quinze heures. Et lorsque c'est le cas, la raison n'en est pas forcément l'obstruction.
Comme M. Mamère l'a rappelé – et c'est très important –, on ne peut se prévaloir du travail en commission pour réduire le débat dans l'hémicycle : le travail en commission ne peut être comparé au travail en séance publique.
Je demande donc le renvoi en commission, afin que soient conciliées la liberté du député de défendre des amendements et la limitation de ce que chacun ici appelle du nom d'obstruction. Ce renvoi en commission est parfaitement légitime.
Très bien !
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Notre collègue Guy Geoffroy devrait, avant d'attaquer des collègues de l'opposition,…
…qui ne seraient pas responsables devant leurs électeurs mais plutôt devant leurs groupes, se remémorer quelques mauvais souvenirs du mois de décembre, au sein de son propre groupe. Chers collègues, vous savez bien qu'une opération a été lancée, qui tend à vous transformer en un groupe de godillots ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Cher collègue Hunault, pour que la majorité soit en mesure de réussir le Congrès, il lui a fallu l'appui de quelques voix de gauche. Cela en dit long sur les réticences de cette majorité quant à la réforme constitutionnelle.
Par ailleurs, je n'ai pas porté d'attaques personnelles contre le président de la commission.
Nous avons tout de même le droit d'apporter un point de vue critique, étayé par des arguments institutionnels sérieux, sur la réalité de ce projet. Avant de nous expliquer que les nouvelles possibilités de contrôle sont une manière de faire progresser les droits du Parlement, regardez au-delà de votre trottoir et intéressez-vous à ce qui passe dans les démocraties anglo-saxonnes : vous verrez ce qu'est un véritable contrôle de l'exécutif par le Parlement ! Vous serez alors amenés à considérer que tout ce que nous avons fait jusqu'à présent n'est que de la mascarade, une mascarade qui a permis à M. Bertrand de retrouver son siège de député dès le lendemain de son départ du Gouvernement. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)
En Angleterre, les membres du Gouvernement ne renoncent pas à leur mandat de parlementaire !
Pour toutes ces raisons, monsieur le président, le groupe de la gauche démocrate et républicaine ne participera pas aux débats et quittera donc cet hémicycle. (Applaudissements et « Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – MM. Mamère et Sandrier quittent la salle des séances.)
J'appelle à présent les articles du projet de loi organique dans le texte de la commission.
Je constate que les amendements ne sont pas défendus.
(Les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 10 bis, 11, 11 bis, 11 ter et 14 sont successivement adoptés.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)
Je remercie l'ensemble de la majorité pour sa mobilisation, renouvelée ce soir à l'exemple de ce qui s'est passé en première lecture. Je regrette le comportement de l'opposition qui, à défaut d'obstruction, n'est même pas venue défendre les quelque quatre-vingts amendements qu'elle avait déposés.
À l'initiative du Président de la République, ce Gouvernement et cette majorité auront, avec la révision constitutionnelle, la loi organique et, bientôt, la révision du règlement des assemblées, transformé profondément l'équilibre entre l'exécutif et le législatif.
Avec l'ordre du jour partagé, la discussion en séance publique des textes issus des commissions, la limitation du 49-3, le nouveau droit de résolution, les études d'impact, une nouvelle vision du Parlement se dessine. Un autre mode de contrôle de l'action de l'exécutif par le Parlement va se mettre progressivement en place.
Je remercie le président de la commission pour le travail accompli. Les autres textes de loi organique sont en préparation. Dès le mois d'avril, celui concernant l'exception d'inconstitutionnalité sera présenté en conseil des ministres. Ce printemps, nous travaillerons également sur les textes concernant le Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil économique, social et environnemental, ainsi que les nominations par le Président de la République. Les débats auront lieu au Parlement au printemps et à l'automne pour achever l'ensemble de la révision.
Que M. Warsmann se rassure : si, en ce qui concerne les études d'impact, des éléments étaient retirés au Sénat, le Gouvernement veillerait naturellement à ce que ceux liés à l'égalité entre les hommes et les femmes…
…ou à l'activité économique soient préservés.
Au terme de ce débat, je veux vivement remercier ceux qui, en étant là et en votant ce projet de loi organique, ont participé au renouveau de la démocratie en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, mercredi 25 mars à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Questions à un ministre.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma