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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 24 mars 2009 à 21h30
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Après bien des recherches, nous n'avons trouvé nulle trace d'une base légale constitutionnelle, organique ou réglementaire, à l'appui d'un tel motif. Il n'est d'ailleurs pas anodin que le recueil statistique de l'Assemblée, dans sa rubrique « Origine et sort des amendements », qui énumère les motifs d'irrecevabilité et la fréquence de leur utilisation, ne fasse aucune mention de celui-là.

Abus de droit toujours, quand le Gouvernement oppose à deux reprises, le 16 janvier dernier, l'article 44, alinéa 2 de la Constitution pour s'opposer à l'examen de nos sous-amendements. Nous avons d'ailleurs noté avec intérêt, ainsi que je l'ai précisé en commission, l'amendement de nos collègues sénateurs visant justement à ce que la loi organique précise que le dépôt des sous-amendements n'était soumis à aucun délai.

Abus de droit enfin, puisqu'à nos yeux le législateur organique outrepasse le cadre de l'habilitation fixé par le constituant.

Abus de droit, mais aussi oublis préjudiciables : il suffit, pour les mesurer, de relire le rapport Balladur, à l'origine de la révision constitutionnelle. Ainsi, il est regrettable que vous ayez rejeté nos propositions visant à interdire au Gouvernement de présenter au dernier moment des amendements tendant à insérer dans les projets de loi des articles additionnels. C'était pourtant, aux dires répétés du rapporteur au mois de mai dernier, la première des vocations d'un projet de loi organique portant application de la révision constitutionnelle.

En outre, il est navrant que vous n'ayez pas accepté de confier au président de chaque assemblée, plutôt qu'au Gouvernement, la responsabilité de constater l'irrecevabilité d'une proposition de résolution dans les cas prévus par l'article 34-1 de la Constitution. Cette solution aurait présenté l'avantage de prévenir le risque de déclarations d'irrecevabilité abusives. Après tout, la Constitution confie bien au président de la commission des finances – donc au Parlement – le soin de veiller à la recevabilité financière des amendements, et donc le bon respect de l'article 40 de la Constitution.

Malfaçons chroniques enfin : je ne reviens pas sur le paradoxe qui aboutit, après la révision constitutionnelle destinée, paraît-il, à renforcer les droits du Parlement, à voir le Gouvernement se charger de la rédaction de ce projet de loi organique.

Le temps m'étant compté, je me bornerai à évoquer trois défauts majeurs caractéristiques de l'élaboration de ce texte.

Le premier concerne les résolutions. Passe encore, mutatis mutandis, que le dispositif que vous allez voter soit très en retrait par rapport au compromis trouvé en 1959 entre Michel Debré et l'Assemblée nationale. Comment admettre que le droit à l'information des parlementaires soit à ce point bafoué ? Certes, le deuxième alinéa de l'article 34-1 de la Constitution confie au Gouvernement le pouvoir d'apprécier seul le risque d'injonction ou de mise en cause de sa responsabilité par une proposition de résolution. Mais il ne peut opposer l'irrecevabilité dans n'importe quel cas. Celle-ci n'est admise que dans les deux situations visées par la loi fondamentale.

Et si nous pouvons admettre votre refus de confier à la loi organique le soin d'assurer le respect de ces conditions en renvoyant l'appréciation du Gouvernement au contrôle d'une entité extérieure – nous avions proposé le Conseil constitutionnel ou la Conférence des présidents –, rien ne s'opposait à la création d'une obligation de motivation même sommaire de sa décision d'irrecevabilité.

Cette volonté de préciser la volonté du Gouvernement nous paraît d'autant plus nécessaire que la décision d'irrecevabilité sera probablement insusceptible de recours, dans la mesure où le Conseil d'État la considérera sans doute comme un acte de gouvernement bénéficiant à ce titre d'une immunité juridictionnelle.

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