Quel pouvoir a une commission, dans quelque assemblée que ce soit ? Aucun ! Le pouvoir appartient en totalité à l'assemblée réunie en séance plénière – donc en présence de tous les députés qui souhaitent y assister – et publique, comme l'impose notre démocratie. En conséquence, le vrai débat doit avoir lieu dans l'hémicycle. Rien ni personne ne doit pouvoir l'édulcorer, le limiter ou le censurer. Que vous le vouliez ou non, et même si vous contestez que tel soit votre objectif, ne pas laisser aux députés la liberté de parole dans l'hémicycle est une atteinte à la démocratie. Le débat en commission peut être technique ; dans l'hémicycle, il doit être technique et politique.
Le second argument que vous avancez concerne l'obstruction. Il n'est pas plus recevable que le premier ! Jamais nous n'avons voté autant de textes, d'ailleurs en grande partie souvent inapplicables, car non suivis d'effets, les décrets ne paraissant pas. Comment pouvez-vous affirmer, par exemple, que nous vivons sous le règne permanent de l'obstruction parlementaire ? Avec le présent texte, la procédure du crédit-temps tarira le débat et transformera les assemblées en chambre d'enregistrement, puisque le débat sera verrouillé à l'avance. Lorsqu'un groupe aura épuisé son temps de parole, il ne pourra plus défendre son amendement et, lorsqu'un amendement appelé ne sera pas défendu, il n'aura aucune chance d'être adopté. La liberté de discussion parlementaire est pourtant incompatible avec le concept de forfait temps.
Le temps du Président de la République, celui de ses annonces quotidiennes, ne peut être celui du Parlement, qui examine, contrôle, évalue, auditionne et amende.
Pour contrer les objections de l'opposition et justifier vos dispositions, vous agitez toujours l'épouvantail de l'obstruction ! Selon les responsables de la majorité, les amendements déposés par la gauche seraient responsables de ce que vous appelez la « pagaille » qui sévirait au Parlement et qui « risquerait de bloquer le rythme des réformes » !
Si le Président de la République regrette que les parlementaires socialistes déposent, dit-il, « des amendements à la brouette » – mais il n'est pas là ce soir pour nous le confirmer – il devrait, pour sa part, renoncer à ses projets de loi à grande vitesse, mal rédigés et incomplets ! Les chiffres parlent d'ailleurs d'eux-mêmes : depuis la prise de fonction du gouvernement de François Fillon, plus de soixante-dix textes ont été votés, hors projets autorisant la ratification de conventions internationales. La comparaison de ces chiffres avec ceux enregistrés sous les deux précédentes législatures donne une idée du rythme effréné imposé au Parlement : cinquante-deux textes par an de 1997 à 2002, une moyenne de quarante-sept entre 2002 et 2007. Où est donc l'obstruction qui nous est reprochée ?
On est en droit de s'interroger, en revanche, sur cette frénésie législative, qui ressemble d'ailleurs à une véritable diarrhée politique, et sur son efficacité, quand on sait qu'à peine 25 % des lois votées entrent en application.
Nous assistons en vérité, sous couvert de lutte contre l'obstruction, à un grave recul de nos institutions démocratiques. À l'heure où la majorité de nos concitoyens réclament davantage de démocratie et veulent être mieux associés aux décisions qui les concernent, où ils réclament avec toujours plus d'insistance que leurs représentants fassent leur travail, vous proposez que nous ne puissions plus demain délibérer et critiquer librement.