La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (nos 969 rectifié, 992, 999).
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, mes chers collègues, depuis plusieurs années, la question de la représentativité syndicale était en débat. Le Conseil économique et social avait remis en 2006 un rapport sur cette question : le rapport Hadas-Lebel. La majorité des syndicats souhaitait que la représentativité soit assise sur l'audience électorale. La position commune du 9 avril 2008, adoptée par quatre organisations syndicales de salariés ou du patronat – CGT, CFDT, MEDEF et CGPME – reprend ce principe. De ce point de vue, elle constitue donc une avancée d'autant plus importante que deux des organisations syndicales signataires, la CGT et la CFDT, qui font également partie, depuis 1966, des cinq confédérations bénéficiant de la représentativité irréfragable, représentent 42 % des salariés lors des élections professionnelles et 57,36 % aux élections prud'homales, ce qui apporte un démenti aux affirmations selon lesquelles la position commune ne représenterait qu'une minorité syndicale.
Deux types d'élections peuvent actuellement mesurer la représentativité : les élections prud'homales qui concernent tous les salariés, quelle que soit la taille de l'entreprise, et les élections professionnelles pour les salariés des entreprises de plus de dix personnes. Toutefois, l'une et l'autre présentent des limites : les premières mesurent une audience nationale, mais ne permettent de mesurer l'audience ni dans les branches ni dans les entreprises ; les secondes ne concernent pas tous les salariés.
La position commune a fait le choix de la seconde solution, en proposant en plus une négociation pour résoudre le problème des entreprises de moins de dix salariés. À défaut d'élections générales organisées le même jour, dans toutes les entreprises, avec décompte et mesure de l'audience par branche mais aussi au niveau national, les députés Verts considèrent que cette solution est la moins mauvaise.
Les critères de représentativité ont été actualisés. Dorénavant, les délégués syndicaux auront la légitimité des élections, ce qui renforcera leur pouvoir de négociation.
Il reste quelques ambiguïtés à lever quant à la présence des syndicats au niveau de l'entreprise. Il ne faudrait pas que la réforme ait pour conséquence de rendre leur présence plus difficile, en diminuant les protections accordées aux syndicalistes, particulièrement au moment de la création d'une section syndicale.
Dans son rapport, le Conseil économique et social préconisait de fixer à 5 % le seuil autorisant un syndicat à participer aux instances de représentation et le passage au système de majorité pour qu'un accord soit validé.
La position commune a relevé à 10 % le seuil de représentativité dans l'entreprise et votre texte n'a pas repris la volonté qu'avaient exprimée les partenaires sociaux d'aller vers des accords majoritaires. Vous restreignez le droit d'opposition, en limitant aux seules organisations représentatives le pouvoir d'en user, contrairement à la lettre de la position commune. C'est regrettable. Ainsi, une organisation qui obtiendrait juste un peu plus de 30 % des voix pourrait, à elle seule, entériner un accord si celui-ci ne rencontre pas l'opposition de syndicats représentatifs ayant recueilli au moins la moitié des suffrages.
de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est la position commune, ma chère collègue !
Nous savons que, dans les petites entreprises, beaucoup de listes sont des listes de second tour. Il faudra bien, un jour, instaurer de véritables « accords majoritaires », fondés non sur le système du droit d'opposition, mais sur une « majorité d'engagement » représentée par les organisations syndicales signataires. C'est une condition de la démocratie sociale.
Dans cette première partie de la loi, tout n'est pas parfait, mais les avancées ne sont pas dénuées d'intérêt. En ce sens, les députés Verts ne s'y opposeront pas, mais défendront quelques amendements pour clarifier certains passages. Ainsi, la mesure de l'audience syndicale sur quatre ans pose problème dans les petites entreprises où la rotation des effectifs est plus élevée. Par ailleurs, la référence aux valeurs républicaines, en remplacement de l'actuel principe « d'attitude patriotique pendant l'Occupation », mériterait d'être précisée.
Quoi qu'il en soit, vous n'en êtes hélas pas restés à cette première partie consacrée à la représentativité. La seconde partie sur le temps de travail est, à nos yeux, proprement scandaleuse. Vous profitez de la position commune pour imposer une casse sans précédent des lois et accords conventionnels sur le temps de travail. Une fois de plus, c'est à la faveur de l'été que vous perpétrez vos mauvais coups. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Après vos déboires du CPE, votre majorité s'était engagée à favoriser les négociations entre partenaires sociaux. La loi Dialogue social de 2007 a prévu de laisser aux partenaires sociaux le temps de discuter pour trouver un accord pour toute modification du droit du travail. Combien de fois, depuis deux ans, vous êtes-vous opposés à nos amendements sous prétexte qu'ils ne respectaient pas les termes des accords signés ? Vous avez usé et abusé de ce procédé, mais c'était à sens unique, pour contrer toute avancée sociale. Pendant ce temps, les négociations sur la pénibilité n'ont pas abouti…
…alors même que, en 2003, elles étaient la contrepartie à la signature par certains syndicats de l'accord sur les retraites. Cela ne vous empêche pas d'augmenter le temps de cotisation à 41 annuités pour une pension à taux plein.
À six reprises depuis 2002, vous avez remis en cause les 35 heures. Cette fois-ci, emportés par votre élan, vous donnez l'estocade. Ce sont aussi les 39 heures, les 40 heures et toute réduction du temps de travail qui sont envoyées au tapis.
Allons, vous n'en pensez pas un mot !
Je le pense d'autant plus, monsieur le ministre, que j'ai commencé ma carrière professionnelle aux 43 heures, et que j'avoue nettement préférer les 35 heures, comme tous les salariés.
Mais, à l'heure actuelle, vous faites sûrement plus de 35 heures !
Selon notre président de commission, les accords de branche seraient « gênants car les syndicats auraient moins de souplesse à ce niveau ». Cela a au moins le mérite d'être clair. Votre projet de loi donne donc la primauté aux accords d'entreprise, alors que ce sont les accords de branche qui ont permis d'améliorer la protection de salariés travaillant dans des petites entreprises.
Vous allez même plus loin que cette inversion des normes, puisque, au détour de l'article L. 3121-11, vous supprimez le niveau d'accord de branche étendu. Il suffira donc dorénavant qu'une entreprise n'adhère pas à un syndicat professionnel pour qu'elle ne soit plus obligée d'appliquer les accords de branche.
Vous encouragez la casse de tous les accords collectifs au profit de l'arbitraire de l'employeur, à peine déguisé sous des formes de relations de travail individualisées de gré à gré entre le salarié et l'employeur, fondées sur une égalité fictive niant le lien de subordination entre le premier et le second. Comment un salarié pourra-t-il refuser une exigence de son employeur ? Comme chez Goodyear, où les salariés ont dû choisir entre les 4 x 8 ou les licenciements ? Bref, votre politique, c'est le dumping social à tous les niveaux.
La fixation de la durée de travail hebdomadaire légale est le fruit de luttes sociales passées, parfois douloureuses. Or, l'article 16 du projet de loi prévoit la détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par un accord d'entreprise avec, pour seuls garde-fous, le plafond de la législation européenne des 48 heures hebdomadaires, ainsi que le plafond du droit français des 44 heures hebdomadaires en moyenne sur douze semaines. Cette démarche fait voler en éclats nombre de conquêtes sociales qui ont été acquises depuis 1919, avec l'accord international sur la semaine de 48 heures, notamment la semaine de 40 heures introduite sous le Front populaire. Cela rend fictif le maintien de la mention de la durée légale de la semaine de 35 heures dans le code du travail. En effet, l'employeur pourra imposer directement un contingent annuel de plus de 400 heures. C'est une régression de quatre-vingt-dix ans.
Quant au repos compensateur obligatoire, rebaptisé « contrepartie obligatoire en repos », vous oubliez que c'est une mesure d'ordre public social. Or, l'alinéa 3 fait disparaître les repos compensateurs pour les heures accomplies dans le contingent annuel. Vous avez beau essayer de cacher la réalité, le contingent déterminé par accord d'entreprise pouvant être établi à la limite hebdomadaire maximale, ce texte peut faire disparaître toute obligation de repos compensateurs, une fois passée la période transitoire.
Pourtant, selon une récente étude menée auprès de 20 000 salariés dans huit pays européens, 74 % des salariés français qui effectuent des heures supplémentaires disent ne toucher aucune contrepartie. Ce n'est certainement pas en supprimant l'information de l'inspecteur du travail, comme le prévoit ce projet de loi, que l'on améliorera le paiement de ces heures ou que l'on fera respecter le repos compensateur.
Si vous souhaitez augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens, commencez par imposer aux employeurs le paiement des heures supplémentaires réellement effectuées, avant d'en ajouter de nouvelles qui risquent de ne pas être plus payées que les actuelles.
Vous étendez aux non-cadres les conventions de forfait-heures. Vous faites sauter la limite de 218 jours travaillés pour les forfaits-jours et vous généralisez le gré à gré pour renoncer aux repos.
Les forfaits en heures sur la semaine ou sur le mois étaient jusqu'ici réservés aux salariés ayant expressément le statut de cadre. Malheureusement, ils ne nécessitent déjà pas d'accord collectif obligatoire préalable. Vous en profitez pour étendre, par l'alinéa 6 de l'article 17, ce type de forfait à tout salarié. Vous généralisez ainsi à tous les salariés des relations de travail fondées sur le gré à gré, pour imposer des semaines au forfait en heures, avec moins de prévisibilité sur les emplois du temps, alors que les salariés ne peuvent pas refuser de faire des heures supplémentaires, même si l'employeur les prévient dans un délai extrêmement court.
Certes, mais vous aggravez la situation.
Vous institutionnalisez encore davantage les heures supplémentaires, qui perdent leur caractère exceptionnel et deviennent le lot commun d'un nombre toujours croissant de salariés. Elles sont censées être déjà intégrées dans le calcul des forfaits, mais les salariés auront les plus grandes difficultés à les faire valoir, dans la mesure où le texte ne reprend pas l'obligation de décompte des heures effectuées, actuellement prévue dans le code du travail, et que l'amendement que j'avais déposé pour réintroduire cette disposition a été repoussé en commission.
Les forfaits en heures sur l'année sont également étendus aux non-cadres. Ils peuvent conduire à des flexibilités d'amplitudes très élevées. Jusqu'à présent, ces conventions de forfaits étaient réservées soit aux cadres, soit aux salariés non cadres dits « itinérants », dans les cas où ceux-ci disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps ou si la durée de leur temps de travail ne peut être prédéterminée. La nouvelle rédaction du projet de loi, y compris avec l'amendement du rapporteur, supprime le caractère « itinérant » pour les non-cadres et augmente ainsi considérablement le nombre des travailleurs auxquels de tels contrats pourront être imposés.
Mais, une fois de plus, c'est avec les forfaits en jours sur l'année que vous allez le plus loin, en introduisant des dispositifs encore plus scandaleux. Vous faites sauter le plafond, déjà peu enviable, des 218 jours. Rappelons que, au cours de ces dernières années déjà, ce dispositif de forfait annuel a lui aussi été élargi à des salariés non cadres. Il concerne aujourd'hui plus de 1 million de salariés. La notion « d'autonomie dans le travail », qui était censée être en quelque sorte libératrice du rapport de soumission du salarié envers l'employeur, se retourne en système d'exploitation aggravé où le travailleur, poussé par sa relation de gré à gré avec son employeur, devient son propre exploiteur. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cependant, vous avez du mal à placer le curseur de votre dernière expérimentation sociale. Le projet du Gouvernement prévoit de permettre à l'employeur de fixer arbitrairement un nombre maximal de jours travaillés supérieur aux 218 jours, sans même passer par un accord collectif. L'amendement du rapporteur n'est guère plus protecteur pour les salariés : il prévoit, à défaut d'accord collectif, de permettre des forfaits jours de 235 jours, ce qui revient à supprimer tous les jours fériés sauf le 1er mai.
Quant à la proposition de la commission des affaires économiques de fixer par défaut le forfait à 250 jours, elle signifie, en plus de tout le reste, qu'il faut aussi ajouter un samedi travaillé sur trois ! Pour sa part, le président de l'Assemblée a expliqué dans la presse qu'il fallait refuser toute limitation.
Quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet ? Elle nous intéresse puisque, visiblement, l'UMP est plus que divisée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans tous les cas, que l'employeur puisse se passer d'accord sans limite ou que la loi fixe un maximum par défaut à 235 jours, cela signifie la casse des accords collectifs et une pression exercée sur les salariés concernés pour les amener à négocier en position défavorable. Or pour les forfaits-jours, les références plafonds ne sont plus les maxima européens sur le temps de travail des 10 heures journalières et 48 heures hebdomadaires, mais seulement les 11 heures quotidiennes, le repos minimum d'une journée hebdomadaire et les quatre semaines annuelles de congés payés.
De plus, vous prévoyez une possibilité de renoncement aux repos, par négociation de gré à gré entre le salarié et l'employeur. La loi ne prévoit que 10 % de majoration minimum, contre 25 % voire 50 % dans le régime normal des heures supplémentaires. Il convient de mettre fin à ce système d'opting out à la française, contraire à la législation européenne – et reconnu comme tel –, qui condamne les salariés en forfaits-jours à ne bénéficier ni de la limitation de la durée quotidienne de travail à 10 heures, ni de celle de la durée hebdomadaire de travail à 48 heures.
Enfin, vous supprimez les accords collectifs de modulation existants et, dans certains cas, vous permettez à l'employeur de fixer arbitrairement les répartitions horaires, y compris sur l'ensemble de l'année, sans accord collectif préalable.
Monsieur le ministre, votre idéologie est destructrice pour la santé et la sécurité des travailleurs. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il n'y a là aucune idéologie !
J'insiste même si je sais que cela ne vous fait pas plaisir. Ces travailleurs sont amenés à négocier au gré à gré les renoncements au repos, au risque d'augmenter les accidents du travail, les maladies professionnelles, alors que l'on assiste déjà à une envolée du nombre des suicides à cause du stress au travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Votre idéologie fragilise des secteurs économiques entiers liés aux loisirs dont peuvent bénéficier les salariés grâce au temps libéré par les RTT : tourisme, bricolage, jardinage. Là aussi, votre politique a un coût économique ! Vous détruisez le temps consacré aux solidarités familiales : le temps supplémentaire consacré au travail, c'est du temps en moins pour l'éducation et l'éveil des enfants, ou pour aider les parents âgés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est la fin du monde quoi ! Faites quelque chose, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Vous détruisez en même temps les solidarités sociales associatives : en augmentant le temps de travail, vous tuez aussi l'engagement bénévole de nombre de nos concitoyens dans des associations culturelles, sociales, sportives ou humanitaires.
Votre loi aura donc un coût social énorme. La santé des entreprises ne peut prospérer au détriment de la santé de leurs travailleurs. Si certaines branches offraient des salaires décents, elles n'auraient aucun mal à attirer des travailleurs. Ce n'est pas en maintenant des salaires au SMIC et en explosant les horaires de travail qu'elles vont mieux recruter. Cette loi va donc à l'encontre de la compétitivité des entreprises.
En juillet dernier, avec la loi TEPA et le paquet fiscal, vous avez choyé les plus riches de nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aux rentiers, vous dites : « consommez plus et à travailler moins ». Aux salariés qui, eux, plébiscitent les 35 heures, vous annoncez qu'il n'est plus question d'augmenter les salaires. Vous leur répondez : « si votre salaire ne suffit pas pour vivre, alors travaillez plus, jusqu'à vous ruiner la santé ! » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, vous allez rester dans l'histoire non comme l'acteur de la révolution que vous nous avez décrit tout à l'heure, mais comme celui de la contre-révolution. Vous serez « l'homme des 48 heures. »
Vous comprendrez que, dans ces conditions, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne voteront évidemment pas cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd'hui ne manque pas d'ambition. En effet, il propose d'introduire des changements profonds dans deux domaines essentiels des relations du travail : la démocratie sociale ; le temps de travail.
D'une part, il s'agit de rénover la démocratie sociale pour renforcer le dialogue des partenaires sociaux et consolider leur rôle dans l'élaboration des règles qui régissent le marché du travail.
D'autre part, il vise à réformer le temps de travail, pour qu'il s'adapte à l'environnement réel de nos entreprises, qui sont tenues d'évoluer très vite, en particulier celles qui opèrent dans les secteurs les plus concurrentiels.
Malheureusement l'ambition affichée se répartit de manière inégale entre les deux parties de ce texte. Si la première trace, en effet, les axes d'une profonde rénovation de la démocratie sociale – en restant perfectible –, celle sur le temps de travail suscite la polémique depuis plusieurs semaines – et encore tout à l'heure dans notre hémicycle – alors que l'intérêt de nos entreprises appelle le consensus social.
Vous le savez, monsieur le ministre, car nous avons déjà eu l'occasion d'échanger nos avis respectifs sur ce point, nous sommes en désaccord sur la méthode choisie par le Gouvernement pour introduire ces dispositions sur le temps de travail dans ce texte. Je m'en expliquerai plus tard.
Cette différence d'approche influe évidemment sur l'attitude du groupe Nouveau Centre concernant l'ensemble du texte.
La partie consacrée à la démocratie sociale nous semble constituer une avancée, à condition toutefois d'être enrichie sur des aspects qui ne bouleverseraient pas l'équilibre général des propositions des partenaires sociaux.
Pour notre groupe, la démocratie sociale ne sera rénovée que si votre texte concourt à l'expression du pluralisme syndical et prend en compte certaines pistes de revalorisation de l'engagement syndical que nous vous proposerons.
La réforme du temps de travail suscite aussi des réserves que nous lèverons si vous acceptez d'établir des garde-fous, prenant en considération l'indispensable sécurité des salariés. Le Nouveau Centre veut une démocratie sociale qui respecte le pluralisme syndical et encourage l'engagement des salariés au sein des organisations qui défendent leurs intérêts.
Le Nouveau Centre veut une législation sur le temps de travail, qui soit encadrée par les branches – voyez, monsieur Vidalies ! –, qui respecte la vie familiale, la santé et la sécurité du salarié, et qui permette à ce dernier de gagner vraiment plus quand il travaille plus.
Depuis plusieurs années, beaucoup s'accordent sur la nécessité de réviser les critères qui fondent la représentativité des organisations syndicales. Toutefois, partager un constat, ce n'est pas réformer ! Le Gouvernement a eu le courage d'engager le chantier de la réforme des critères de représentativité.
Il l'a fait, conformément à la loi de modernisation du dialogue social, avec les partenaires sociaux. Le chantier avait été suffisamment repoussé pour que, sur ce point, la détermination du Gouvernement soit saluée.
Ce travail a abouti à une position commune signée par deux organisations patronales et seulement deux syndicats de salariés. De ce fait, ce projet de loi qui opère la transcription législative du travail des partenaires sociaux souffre de l'insuffisante assise de la position commune au sein des organisations de salariés. Il nous semble utile de tenir compte de ce handicap si nous voulons que, dans notre pays, les règles nouvelles de l'organisation de la démocratie sociale soient solides et incontestées.
Le principal apport de ce projet de loi consiste donc à asseoir la représentativité des organisations syndicales de salariés sur des critères rénovés, mettant fin à la présomption irréfragable de représentativité dont les mêmes organisations jouissaient depuis quarante ans. Ainsi, la représentativité des organisations de salariés s'évalue sur des critères tels que le respect des valeurs républicaines, l'influence, l'ancienneté, les effectifs et les cotisations des adhérents, l'indépendance et la transparence financière.
À ces critères, s'ajoute celui de l'audience. Il n'est pas nouveau puisqu'il est déjà utilisé par la jurisprudence pour établir la représentativité des organisations qui ne bénéficiaient pas de la présomption irréfragable. Il permet de vérifier de façon régulière la légitimité des organisations syndicales dans les entreprises, à l'échelon national, interprofessionnel et des branches. Mesurer l'audience tous les quatre ans permet de s'assurer que les organisations candidates aux élections sont toujours en prise avec les attentes des salariés qu'elles représentent.
Pour autant, nous ne croyons pas que l'audience doive devenir l'unique critère de mesure de la représentativité. D'abord, parce que l'élection professionnelle retenue comme l'élection de la représentativité par la position commune – comme dans le projet de loi – n'est pas forcément celle qui permet de mieux saisir la diversité du monde du travail et de l'entreprise.
En effet, elle exclut de la mesure de représentativité, tant les salariés des très petites entreprises que les demandeurs d'emploi.
Or la représentativité confère des capacités essentielles, notamment celle de négocier les accords collectifs. Pour que ces accords soient légitimes, il est nécessaire que la représentativité des organisations qui les signent repose sur des bases aussi larges que possible. Dans ces conditions, l'exclusion des salariés des TPE pose un problème.
D'autres solutions ont été envisagées : la mesure de la représentativité via les élections prud'homales – évoquée par M. Vidalies tout à l'heure ; les élections à la sécurité sociale ; voire une élection de représentativité spécifique organisée en même temps que l'élection des représentants aux prud'hommes.
Il n'existe pas de solutions sans inconvénient, et la mesure de la représentativité via les élections professionnelles n'échappe pas à la règle. D'ailleurs, les seuils de représentativité retenus par la position commune – et donc par votre projet de loi – suscitent des craintes dans de nombreux syndicats de salariés.
Plusieurs organisations estiment que ces seuils – fixés à 10 % dans l'entreprise et à 8 % à l'échelon national, interprofessionnel et des branches – sont trop élevés, et ne leur permettent pas de prétendre à une représentativité dont elles bénéficiaient jusqu'à présent. Pour mémoire, dans son avis de décembre 2006 sur la consolidation du dialogue social, le Conseil économique et social avait évoqué un seuil de représentativité de 5 %.
Plusieurs organisations syndicales y voient un risque certain et une menace à peine voilée quant à la pérennité de leur présence dans les entreprises, les branches professionnelles, ainsi qu'au niveau interprofessionnel. Or si elle est considérée par certains comme une originalité française, la diversité des organisations syndicales constitue aussi une garantie de richesse du dialogue social. Si l'émiettement syndical est une faiblesse, le pluralisme syndical représente un atout. Combiné aux règles actuelles de validité des accords collectifs, il a permis à la négociation collective de surmonter les blocages durables qui l'auraient vidée de toute efficacité.
Pour le Nouveau Centre, le pluralisme des organisations de salariés, fruit de l'histoire syndicale de notre pays, est donc une condition de la vitalité de notre démocratie sociale. Le maintien de ce pluralisme n'exclut pas une meilleure lisibilité des projets et valeurs qui fondent les différentes organisations syndicales, ni une plus grande clarté de modalités de conclusion des accords collectifs.
C'est la raison pour laquelle le groupe Nouveau Centre présentera deux amendements qui, sans remettre en cause la logique de la réforme que vous proposez, visent à conforter le pluralisme syndical dans notre pays. Parce que l'audience ne saurait être le critère prépondérant en termes de mesure de la représentativité d'une organisation syndicale, le Nouveau Centre souhaite que le Gouvernement soit attentif aux autres critères.
Il en est un auquel notre groupe est particulièrement attaché : celui de l'adhésion. Nous ne souhaitons pas voir se développer un pur syndicalisme d'opinion. Avoir des syndicats forts ne peut pas résulter uniquement de la confrontation électorale à intervalles réguliers. Les syndicats forts sont des organisations qui ont su convaincre les salariés de leur utilité, jusqu'à les persuader de s'engager en leur sein pour faire vivre le dialogue social dans les entreprises.
Nous sommes persuadés de la nécessité d'un syndicalisme d'adhésion. La faiblesse du taux de syndiqués en France – 8 % des salariés au total, et 5 % dans le secteur privé – ne suscite aucune mesure dans ce projet de loi. Nous proposons des amendements visant à encourager l'engagement syndical, axe essentiel de la rénovation de notre démocratie sociale.
Pour être pleinement légitimes, les accords collectifs doivent aussi être signés par des organisations dont la représentativité est établie sur des critères actualisés, qu'il s'agisse des syndicats de salariés ou d'employeurs. Tant au niveau national, où une clarification sur le champ de représentation des différentes organisations patronales serait la bienvenue – la longue contestation de l'accord UPA sur le financement du dialogue social en constitue une démonstration –, qu'au niveau des branches, il est nécessaire de clarifier les critères sur lesquels se fonde la représentativité des organisations d'employeurs. Nous formulerons des propositions en ce sens.
Enfin, en ce qui concerne le financement du dialogue social, nous estimons que le dispositif prévu à l'article 8 du projet de loi est particulièrement transparent et innovant : il autorise un accord collectif à prévoir le financement par les entreprises, sur la base d'une contribution assise sur un pourcentage des salaires, de la négociation collective. C'est pourquoi l'amendement adopté en commission, qui vise à repousser l'application de ce dispositif au 30 juin 2009, nous semble peu opportun, voire contraire à l'intérêt du dialogue social.
C'est sur ces différentes bases que nous souhaitons compléter la réforme de la démocratie sociale que propose votre projet de loi, réforme qui, améliorée, constituera un moyen supplémentaire de revitaliser le dialogue social dans notre pays.
Toutefois, ce dialogue social ne déploiera toute sa vitalité qu'à la condition d'être respecté.
C'est toute la difficulté des dispositions de la deuxième partie du texte, relative au temps de travail.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quand même !
Ces dispositions souffrent d'un vice de forme : elles viennent purement et simplement se substituer aux propositions formulées par les partenaires sociaux à l'article 17 de la position commune.
Celui-ci prévoyait que des accords d'entreprise conclus sur un mode majoritaire puissent fixer les possibilités de dépassement du contingent conventionnel annuel d'heures supplémentaires pris par accord de branche. Vous avez jugé ces propositions insuffisantes, et leur avez substitué un dispositif prévoyant la possibilité de définir, de façon plus globale, le contingent annuel d'heures supplémentaires et les modalités de son dépassement par accord d'entreprise.
Cet épisode suscite des craintes chez tous ceux qui, à l'instar du Nouveau Centre, se félicitent des avancées essentielles que nous avons été capables d'obtenir collectivement dans le cadre de la modernisation du marché du travail. C'est une coproduction des règles de notre législation du travail partagée entre partenaires sociaux, Parlement et Gouvernement qui, jusqu'à présent, a permis de concrétiser des réformes sensibles. C'est un mode de travail inespéré dans notre pays, trop longtemps enfermé dans la logique du conflit social.
Attachés à un dialogue social productif, nous tenons à ce que cette méthode de travail se pérennise, notamment via les dispositions de la première partie du présent texte. Nous tenons à ce que la confiance fragile mais primordiale entre les pouvoirs publics et les partenaires sociaux se maintienne. Tous ensemble, nous avons en effet encore des caps délicats à franchir : moderniser notre législation, donner aux salariés les outils d'une meilleure protection et aux entreprises les moyens d'évoluer avec souplesse sur un marché du travail qui leur impose d'être réactives.
Cet épisode met également en relief un écueil de la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007. Si elle organise la concertation et la négociation avec les partenaires sociaux préalablement à toute réforme de la législation du travail, elle ne dit pas comment peut se réguler un désaccord entre les partenaires sociaux et le Gouvernement sur le résultat d'une concertation. Nous ferons une proposition sur cette question afin de conforter la capacité d'initiative de la démocratie sociale, tout en laissant bien sûr le dernier mot à la démocratie politique.
Par ailleurs, s'agissant du dispositif de réforme du temps de travail proprement dit, le groupe Nouveau Centre est favorable à la recherche d'une plus grande souplesse pour la gestion du temps de travail dans l'entreprise. L'organisation du temps de travail répond en effet à des logiques différentes en fonction du type d'activité, de la taille de l'entreprise ou de la concurrence à laquelle celle-ci doit faire face. De ce fait, notre législation doit ménager des espaces de liberté pour organiser au plus près des besoins de l'entreprise le temps de travail au sein de celle-ci.
Pour autant, cette souplesse doit s'inscrire dans un cadre qui fixe des garde-fous. Ceux-ci sont importants, tant pour les salariés que pour les entreprises elles-mêmes : pour les salariés, car il s'agit bien évidemment de concilier vie familiale et vie professionnelle, mais également de préserver la qualité des conditions de travail et la sécurité ;…
…pour l'entreprise, car dans un même secteur d'activité, au sein d'une même branche professionnelle, il est indispensable qu'un cadre commun s'applique en matière d'organisation du temps de travail, de manière à éviter de flagrantes distorsions de concurrence. C'est le risque du dispositif que vous proposez, lequel axe principalement l'aménagement du temps de travail à la définition du contingent annuel d'heures supplémentaires sur l'accord d'entreprise.
Pour le Nouveau Centre, l'accord de branche est l'un des moyens susceptibles de prendre en compte la réalité du travail dans les entreprises, tout en fixant un cadre équitable qui leur offre les conditions d'une compétition et d'une concurrence loyale.
Enfin, nous souhaitons que le relèvement du contingent des heures supplémentaires se traduise pour les salariés par la possibilité de gagner réellement plus – car ils auront travaillé plus ! Nous souhaitons que l'engagement professionnel au sein de l'entreprise ait pour effet d'augmenter de façon significative la rémunération des salariés qui effectuent des heures supplémentaires, au moment où le pouvoir d'achat est une préoccupation des Français.
Sur ces différents points, nous exposerons nos propositions au cours de l'examen des articles.
Efficacité de la démocratie sociale et efficience des règles relatives au temps de travail sont au coeur des préoccupations de quiconque est attaché à la compétitivité de notre économie, à l'attractivité de notre pays et à l'inventivité de son modèle de relations sociales.
Le Gouvernement avance ses propositions, nous les considérons avec intérêt et débattons des pistes pour les améliorer. C'est en fonction de la suite qui sera réservée à ces pistes (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quel suspense !
…et des assurances du Gouvernement quant à la garantie qu'en travaillant plus, le salarié gagnera plus, ou qu'à l'indispensable flexibilité accordée aux entreprises, la sécurité du salarié reste la priorité, que nous nous prononcerons sur votre projet de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant la campagne présidentielle, tous les candidats, notamment les deux qualifiés du second tour, ont mis en avant la nécessité de rénover le dialogue social dans notre pays, avec pour objectif de le renforcer afin que toutes les réformes soient négociées et non imposées d'en haut, comme ce fut le cas pour les 35 heures :…
…tous les candidats étaient d'accord sur ce point.
Une fois élu, le Président de la République et le Premier ministre ont publiquement précisé les règles du jeu pour le renouveau du dialogue social en France. Je voudrais vous les rappeler.
Premièrement, c'est au pouvoir politique et à lui seul qu'il revient de fixer les objectifs des négociations, car il a, seul, la légitimité pour le faire. Deuxièmement, c'est aux partenaires sociaux qu'il revient de négocier la mise en oeuvre pratique de ces objectifs. Enfin, soit les partenaires sociaux ne souhaitent pas engager de négociation, auquel cas le pouvoir politique reprend la main ; soit ils engagent des négociations et aboutissent à un accord : le Gouvernement présente alors un texte de loi qui respecte ce dernier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
Laissez-moi finir, mes chers collègues : vous allez comprendre.
Le Gouvernement, disais-je, présente alors un texte de loi qui respecte l'accord des partenaires sociaux, dès lors, bien entendu, que cet accord respecte lui-même les objectifs fixés par le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Exactement !
Cette méthode a été très clairement présentée aux partenaires sociaux et à l'ensemble des Français : personne n'a été pris en traître. (« Vraiment ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ainsi, par exemple, le 18 septembre 2007, devant la presse sociale, Nicolas Sarkozy revenait sur cette méthode en précisant : « Le Gouvernement tirera toutes les conséquences des négociations. Quand il y aura eu accord, la loi le consacrera. (« Il y a eu un accord ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Là ou il n'y aura pas eu accord, l'État prendra ses responsabilités. Si l'accord est un mauvais accord, l'État se réserve le droit de le dire. » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Que vous ne soyez pas d'accord avec cette méthode, chers collègues de l'opposition, c'est votre droit. Mais elle est depuis le début sur la place publique et a été présentée aux partenaires sociaux à de multiples reprises.
À quoi bon leur demander de négocier si le Gouvernement n'en fait de toute façon qu'à sa tête ?
Cette méthode, nous l'avons d'ailleurs appliquée il y a quelques semaines dans cet hémicycle, avec la transposition dans le projet de loi relatif au marché du travail, présenté par Xavier Bertrand, de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier.
Sur ce texte, je voudrais rappeler que le Gouvernement avait fixé un objectif et un délai. Les partenaires sociaux se sont emparés de cet objectif et ont signé l'ANI en question en répondant pleinement aux objectifs fixés par le pouvoir politique. Le Gouvernement a alors présenté un texte conforme à l'équilibre et à l'esprit de l'ANI, et nous l'avons adopté.
Exactement !
Que s'est il passé pour le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ?
Dès le 18 juin 2007, le Gouvernement a transmis un document d'orientation invitant les partenaires sociaux à ouvrir une négociation sur les critères de représentativité, les règles de validité des accords et la négociation collective. Ce document a été complété le 26 décembre 2007 par une nouvelle commande visant à élargir ces négociations à la question du financement et à celle du temps de travail.
Bref, le Gouvernement a fixé deux objectifs aux négociations : des règles de représentativité plus démocratiques et un assouplissement des 35 heures. Les partenaires sociaux se sont alors engagés à négocier sur ces deux objectifs et ont adopté la position commune. Sur la première partie, relative à la représentativité, ils ont réussi à s'entendre.
Ils ont pleinement répondu à l'objectif fixé par le Gouvernement, lequel a fidèlement retranscrit cette position commune dans la première partie du texte que nous examinons aujourd'hui. Le groupe de l'UMP entend donc bien évidemment respecter l'esprit et l'équilibre de cette première partie.
Le second objectif assigné par le Gouvernement à cette négociation, à savoir l'assouplissement des 35 heures,…
…a été traité par les partenaires dans le désormais fameux article 17 de la position commune. La question est évidemment de savoir si cet article 17 est une réponse aux objectifs fixés par le Gouvernement. Évidemment non !
Tout à fait d'accord, monsieur Sirugue, mais ce n'est pas la nôtre ! On a fixé des principes de négociation. Les partenaires sociaux les ont acceptés ; nous les appliquons.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il ne fallait pas solliciter l'accord des partenaires, alors !
Les signataires de la position commune nous ont donc proposé une mesure expérimentale qui doit être approuvée par un accord d'entreprise à hauteur de 50 % des salariés, alors que ces mêmes signataires demandent 30 % pour toutes les autres négociations. De plus, il aurait fallu se soumettre aux contingents conventionnels d'heures supplémentaires fixés par des accords de branche signés avant la loi de 2004.
Bref, l'article 17 de cette position commune n'a qu'un but : ne rien changer et tout bloquer sur le temps de travail. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
C'est exactement la proposition des partenaires sociaux, monsieur Muzeau.
Entendons-nous bien : je comprends très bien que les partenaires sociaux ne souhaitent pas assouplir les 35 heures. C'est leur droit. Mais reconnaissez que c'est le nôtre de ne pas être d'accord avec eux sur ce point et d'en tirer toutes les conséquences.
Cela ne remet absolument pas en cause le dialogue social, puisque tout était sur la table, que ce soit sur la méthode ou sur le fond.
Il est donc tout à fait cohérent que le Gouvernement reprenne la main et nous présente un texte différent de celui des partenaires sociaux.
Bref, il n'y a aucune trahison, ni aucune mise à mal du dialogue social. Tout le monde, je le répète, avait connaissance de la méthode et du fond.
Cela arrive, que voulez-vous ! (Sourires.) Mais nous allons discuter de vos propositions, monsieur Vidalies : rassurez-vous !
Nos objectifs n'ont pas changé : une représentativité qui repose sur une base démocratique, des syndicats plus légitimes, des négociations au plus près des réalités des entreprises et des salariés, un assouplissement des 35 heures afin que les entreprises et les salariés ne soient pas pénalisés par des contingents d'heures supplémentaires qui ne correspondent ni aux besoins des entreprises, ni aux besoins des salariés, notamment ceux qui veulent en faire plus.
Il ne s'agit pas d'être dogmatique (« Oh non, certainement pas ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ; il s'agit simplement de permettre aux entreprises qui veulent aller plus loin de le faire et à celles qui veulent rester dans le cadre de leur contingent actuel de le faire également : rien n'interdira à une entreprise qui le souhaite de rester à un contingent de 130 heures ! Mais celles qui veulent un contingent supérieur doivent aussi pouvoir le faire.
Je voudrais à présent m'arrêter sur deux ou trois points particuliers et tordre le coup à quelques idées reçues, pour ne pas dire contrevérités (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine),…
…que certains ne manquent pas de véhiculer.
À les entendre, ce texte mettrait en péril la santé des travailleurs. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Jusqu'à preuve du contraire, toutes les barrières légales restent en place, qu'il s'agisse du repos hebdomadaire, du maximum horaire par semaine ou bien encore du repos quotidien.
Faisons un petit calcul. Si l'on rapporte le contingent maximum des 220 heures supplémentaires à une durée hebdomadaire, quel résultat obtient-on ? Quatre heures hebdomadaires. Ajoutées aux 35 heures légales, cela donne un total de 39 heures. Dois-je comprendre que pendant les quinze années que vous avez passées au Gouvernement, vous auriez à ce point maltraité la santé des travailleurs ? J'avoue être très surpris par ce type d'argument. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ce texte, selon vous, entraînerait un dumping social entre les entreprises d'une même branche puisque les négociations sur le temps de travail découleront d'un accord d'entreprise. Je ferai deux remarques à ce sujet : tout d'abord, ce sont les partenaires sociaux qui ont fait de l'accord d'entreprise le lieu légitime de la représentativité ; ensuite, une telle critique démontre un vrai manque de confiance envers les syndicats.
J'évoquerai pour conclure trois points qui restent encore en débat.
En ce qui concerne le fameux accord dit UPA de 2001, les partenaires sociaux, je vous le rappelle, n'ont pas repris cette proposition d'en fixer le taux à 0,15 % dans la position commune.
Le groupe UMP n'est pas favorable à la création d'une nouvelle taxe sur les entreprises, encore moins si elle est assise sur la masse salariale. Sur ce point, nous soutiendrons donc la position des deux rapporteurs.
Sur le forfait-jour, le groupe UMP approuve l'équilibre proposé par notre excellent rapporteur Jean-Frédéric Poisson, car il nous paraît légitime.
Monsieur Vidalies, vous nous avez indiqué que ce texte permettrait, dans le cadre des forfaits-jours, aux cadres de travailler 282 jours par an. Soit, mais la loi Aubry l'interdit-elle ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Bien sûr que si !
Selon la loi Aubry, les cadres peuvent travailler 280 jours grâce à un cavalier, en repoussant d'année en année la récupération des journées supplémentaires !
Je voudrais vous dire pour conclure que le groupe UMP assume pleinement ce texte, attendu depuis très longtemps, et que le Gouvernement, en particulier le ministre du travail, a eu le courage de nous présenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au temps, pas si lointain, où gouverner, selon la belle formule de Pierre Mendès-France, c'était choisir, les gouvernements saisissaient le Parlement des grandes questions concernant l'avenir du pays. Aujourd'hui, les médias s'interrogent sur les humeurs du Président de la République ou de ses ministres (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
..et le Gouvernement fait du tricot et nous saisit, en urgence, dans une session extraordinaire, de textes qui se contentent de défaire ce qui a déjà été défait.
Il faut surtout relever le parti socialiste ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. –Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Commencez par relever le pays, monsieur le ministre, car pour le parti socialiste, certains ne manquent pas d'idées. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Lesquelles ?
Et quand il sera relevé, vous aurez du souci à vous faire ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La croissance s'essouffle, et cet essoufflement est d'autant plus préoccupant que notre croissance était déjà insuffisante pour assurer notre prospérité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais le débat semble vous amuser, mes chers collègues ! Les salariés seront ravis de savoir que l'UMP détricote le code du travail avec le sourire et sans se préoccuper du débat démocratique !
Oui, car c'est ce qui nous reste : la possibilité de vous dire que nous ne sommes pas d'accord avec vous. C'est le droit de l'opposition, et nous entendons l'exercer ! Mais je comprends que vous vouliez m'interrompre car je parlais des déficits des comptes sociaux, qui ne cessent de se creuser dans l'indifférence générale. On attend d'ailleurs que le Gouvernement nous présente, ici même, les moyens qu'il compte mobiliser pour apporter une réponse à ce problème.
Le trouble s'est installé en Europe autour du projet que portent les vingt-sept pays membres, et l'on sent dans l'opinion publique monter une forme de désarroi : sans doute les prémices d'une nouvelle crise civique.
Dans ce contexte, le Gouvernement ne trouve rien de plus urgent que de nous présenter un texte qui, s'il s'en tenait à sa première partie sur la démocratie sociale, pourrait être acceptable (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais qu'il a jugé utile de doubler d'un codicille, d'une clause léonine, qui se fixe une fois de plus pour cible les 35 heures.
Celles-ci sont devenues, grâce à vous, une affaire à rebondissements. Il suffit que le Gouvernement éprouve quelque difficulté dans l'opinion, ou simplement dans sa majorité qu'il lui faut ressouder (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour que surgisse dans l'actualité le projet ferme, guerrier, martial, d'y mettre un terme. Vous aurez ainsi réussi à tuer les 35 heures plusieurs fois, en tout cas à chaque fois que cela pouvait servir vos desseins, non pas économiques, mais politiques.
On se demande, d'ailleurs, ce que vous pourriez faire pour expliquer vos difficultés – celles du pays comme celles de votre gestion – si vous ne disposiez pas toujours, dans le stock des explications commodes et des polémiques toujours prêtes, médiatiques et exploitables à l'envi, du dossier des 35 heures.
L'usage en est désormais bien établi. Il s'agit presque d'une tradition, à laquelle vous sacrifiez à votre tour, monsieur le ministre, après M. Fillon, qui, avant vous, en avait fait sa spécialité et nous avait convoqué à trois reprises sous la précédente législature…
Nous le ferons en une fois !
…moins pour en débattre que pour en rabattre. Nous avons ainsi dû débattre de l'augmentation des contingents d'heures supplémentaires, de la modulation des majorations, de la monétarisation des repos compensateurs, des comptes épargne temps, de l'élargissement du recours au forfait…
La panoplie n'a cessé de s'enrichir, au point d'exiger de vous des trésors d'imagination pour entretenir la flamme. Nous sommes ici confrontés à un cas extrême de délire obsessionnel, dont les conséquences constituent une curiosité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ainsi êtes-vous allé jusqu'à faire voter, voici quelques semaines, une loi sur les heures supplémentaires pour contourner les 35 heures, qui vous interdit de facto de les supprimer, sans quoi la base sur laquelle repose votre dispositif s'effondrerait.
Pérenniser les 35 heures pour mieux les contester, les contester pour mieux les pérenniser : voilà la politique de Gribouille dans laquelle vous êtes engagé ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et c'est sans doute le reproche le plus grave que l'on peut vous faire : vous faites perdre du temps à la France sous prétexte d'allonger le temps de travail des Français !
J'ai lu, ici ou là, que ce texte introduirait une forme de « Tatcherisation » de la société française. Nous n'avons pas besoin de recourir à de tels arguments pour démontrer que ce texte est dangereux. Il repose en effet sur une double contradiction qui met en jeu des questions essentielles : la croissance et la démocratie sociale.
C'est ainsi que vous affichez la volonté de soutenir la croissance, mais la manière dont vous essayez d'y parvenir, en manipulant la durée du travail, ne saurait y répondre utilement.
Voici des années que vous nous expliquez que notre pays souffre d'une durée du travail insuffisante qui pénaliserait son développement. On pourrait vous suivre si cela était vrai. Mais la France souffre moins d'une durée individuelle du travail insuffisante que d'une durée collective trop faible. Son premier handicap – lisez donc les rapports que l'on vous remet – réside justement dans l'insuffisance des taux d'emploi des jeunes et des seniors, à laquelle vous ne vous attaquez pas avec la même énergie que celle que vous montrez pour remettre en question la durée légale du travail.
Bien sûr que si, monsieur Gorce !
Dans un récent rapport, le conseil d'analyse économique rappelle que le décalage observé dans la mobilisation du travail entre la France et la plupart de ses partenaires, notamment les pays scandinaves, tient pour l'essentiel au sous-emploi.
Plus globalement, ce dont souffre notre pays, c'est d'une trop faible mobilisation de la population active et de l'insuffisance des créations d'emplois qualifiés, ce qui passe par un effort maximum, non pour manipuler la durée du travail mais pour développer la formation et l'innovation. C'est notre productivité globale qui est en péril. Or c'est la progression de la productivité globale qui dégagera des marges, c'est-à-dire de la valeur ajoutée et du pouvoir d'achat. Là se trouve la mère des batailles ! Or, vous avez choisi d'engloutir des milliards en ouvrant des fronts secondaires, en menant des combats d'arrière-garde, comme les majorations d'heures supplémentaires, dont l'impact sur la croissance est nul – je vous renvoie aux chiffres récents de l'INSEE –…
C'est faux !
…et sur le pouvoir d'achat, imperceptible – c'est ce que pensent les Français.
Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas ajuster la durée du travail aux besoins de la croissance, mais cette question n'est pas centrale. La sagesse – si elle est possible dans votre majorité –…
…voudrait que vous cessiez de faire des 35 heures un bouc émissaire, et qu'en contrepartie, nous cessions d'en faire un tabou. Le débat pourrait alors s'engager sur les vrais problèmes, dans des conditions dignes de cette assemblée et des problèmes auxquels notre pays est confronté. Mais ce n'est pas la voie que vous avez choisie !
Cela m'amène à votre seconde contradiction : vous prétendez encourager la démocratie sociale, ce dont il faut vous féliciter, tout en refusant les conclusions auxquelles celle-ci est parvenue, ce qui ne peut être accepté. On ne peut pas, en effet, jouer sur deux registres à la fois.
M. Apparu nous a indiqué que des objectifs avaient été fixés mais qu'ils n'avaient pas été atteints. Quels étaient ces objectifs ? L'assouplissement des 35 heures. Mais qu'ont décidé les partenaires sociaux ? De permettre que, par les contingents d'heures supplémentaires négociables dans l'entreprise, on puisse dépasser ce qui existe aujourd'hui et aller au-delà des 35 heures ou des 39 heures. C'est ce que vous souhaitiez, vous devriez donc être satisfait ! Mais ils ont posé une condition, qui est au coeur du débat mais que vous ne voulez pas respecter : que la dérogation au contingent d'heures supplémentaires, que cette modification du régime en vigueur soit le fruit d'un accord majoritaire, et non d'un accord minoritaire. On ne peut demander aux partenaires sociaux de fixer un cadre, pour ensuite s'en affranchir.
De deux choses l'une : ou vous faites fond sur la négociation et les résultats de celle-ci doivent primer, puisque c'est le principe sur lequel vous avez décidé d'établir votre politique, ou vous choisissez d'agir de manière unilatérale.
Mais vous ne pouvez à la fois vous féliciter du succès d'une négociation interprofessionnelle pour agir ensuite, par la loi, à votre guise. Puisque vous avez choisi – paraît-il – l'option de la démocratie sociale, vous ne pouvez pas agir dans le sens contraire des principes qui la fondent, d'autant qu'en vous affranchissant de cet accord interprofessionnel, vous privez votre invitation à la négociation d'entreprise de ses bases mêmes. Vous vous tirez en quelque sorte une balle dans le pied !
Rousseau disait qu'il valait mieux être « homme à paradoxes qu'hommes à préjugés ». Vous réussissez à cumuler les deux : au préjugé contre les 35 heures, vous ajoutez le paradoxe de vous appuyer sur un accord interprofessionnel sur la démocratie sociale, que vous n'avez de cesse de dévoyer et de dénaturer, dès lors qu'il s'agit de lui trouver un premier champ d'application, en l'occurrence la durée du travail.
Ne tournez donc pas autour du pot : soit vous voulez aller au bout de votre démarche et confier la réduction du temps de travail à la négociation, mais alors vous devez le faire aux conditions fixées par les négociateurs eux-mêmes, à savoir les partenaires sociaux, soit vous ne souhaitez pas responsabiliser ceux-ci, alors vous devez renoncer à vous prévaloir d'un accord qu'autrement vous dénaturez.
Le choix que vous avez fait n'est naturellement pas innocent. Pour contenter le Président de la République et une frange de votre majorité – une petite part des députés de l'UMP – vous avez pris le risque de tuer dans l'oeuf une démarche prometteuse. Les deux plus grandes organisations syndicales de ce pays, la CGT et la CFDT, étaient tombées d'accord avec le patronat – le MEDEF et la CGPME – sur une des questions les plus difficiles qui pouvaient leur être posées, à savoir leur représentativité. Loin de saluer ce premier pas, pour en permettre d'autres, vous placez au contraire ces deux organisations dans la situation impossible de se voir contournées, instrumentalisées, voire humiliées. Vous sacrifiez les progrès possibles de la démocratie sociale, que la première partie de ce texte est de nature à favoriser, sur l'autel d'une petite opération politique, médiatique ou idéologique, peu importe. Triste résultat, surtout pour un début de mandat !
Vous comprendrez, mesdames et messieurs, que nous ne puissions nous rendre complices – c'est le mot qui me vient naturellement – d'un tel forfait, et nous pourrions parler longuement de ce que vous préparez sur le forfait- cadre et le forfait à l'année. Parce que c'est l'intérêt général qui est mis en péril à travers ce déni de la démocratie sociale. Et je ne peux m'empêcher d'opposer le courage, le bon sens et le sens de la responsabilité dont ont fait preuve la CGT et la CFDT à la légèreté des motivations de ce Gouvernement, qui invente, paraît-il, une grande loi en quelques heures de débat au sein de l'UMP.
Je conclus, monsieur le président.
Je ne suis pas sûr que l'urgence que vous avez demandée sur ce texte ait fait progresser la démocratie parlementaire. Je ne suis pas sûr non plus, monsieur le ministre, que l'attention que vous portez aux propos de l'opposition fasse réellement progresser le dialogue entre nous.
Si !
Faut-il y voir, non de l'arrogance, mais une attitude qui pourrait s'en approcher ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pas vous ! Vous êtes beaucoup plus arrogant que moi !
En revanche, je suis sûr que la manière dont vous traitez l'accord des partenaires sociaux ne pourra que faire régresser la démocratie sociale. Une occasion a été manquée. A ce prix, en aurez-vous d'autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, la colonnade de l'Assemblée nationale sera illuminée tout au long du second semestre 2008 et un film consacré à l'idée européenne sera projeté en boucle.
M. le président de l'Assemblée nationale va procéder dans quelques instants au lancement de cette opération. Afin de nous permettre d'y assister, je vais suspendre la séance.
Communication de M. le Président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, à travers ce projet de loi, nous vivons l'application de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, que notre majorité a voulue, et je voulais le rappeler notamment à M. Gorce qui tenait, il y a quelques instants, des propos très pessimistes et très durs.
En tant que rapporteur, j'avais à l'époque présenté à cette tribune un texte dont la grande ambition était de changer les pratiques. Les procédures de concertation constituent une avancée significative pour le dialogue social, car il faut sortir d'une logique de conflit et fonder une culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité. Le pari est certes réussi, mais la norme sociale, mes chers collègues, ne peut être votée et établie que par le législateur. C'est lui qui donne force obligatoire à ces accords et prend ses responsabilités, comme nous le faisons aujourd'hui, à propos de l'aménagement du temps de travail, la procédure ayant été respectée puisque le Premier ministre a envoyé les documents d'orientation aux partenaires sociaux.
Le Président de la République s'était engagé à réformer la représentativité des organisations syndicales, et le présent projet de loi est donc essentiel à plus d'un titre. Notre rapporteur, M. Poisson, a parlé de rénovation, de légitimation, de simplification, et il a eu raison de poser ces trois principes, qui sont essentiels.
Chacun sait que la représentation sociale est éclatée et fondée sur des critères de représentativité obsolètes. Il était donc indispensable que soient examinés de nouveaux critères et que soient fixées de nouvelles règles de représentativité des syndicats, car nous sommes loin de la loi de 1966 qui en était le fondement. Se pose également la question de leur financement.
Mes chers collègues, la modernisation de notre pays n'est pas dissociable, à mon sens, de la modernisation de la démocratie sociale. La démocratie politique elle-même a besoin en permanence de s'adapter aux évolutions de la société, on le voit à travers la réforme constitutionnelle. Il en va de même pour la démocratie sociale. Il est impossible de transformer réellement la France sans y associer les Français eux-mêmes et sans les responsabiliser.
Dans cet esprit, il n'est pas excessif de dire que rarement un gouvernement – celui que vous représentez, monsieur le ministre – est allé aussi loin dans le dialogue social. Il s'agit d'une réforme historique, qui place la France comme le seul pays européen, avec l'Espagne, à fonder la représentativité sur l'élection. En outre, rarement autant de projets ont été placés entre les mains des partenaires sociaux avant d'arriver en discussion devant le Parlement.
La représentativité des organisations syndicales se fondera désormais sur leurs résultats aux élections professionnelles dans l'entreprise et leur légitimité reposera sur cette base, qui est le fondement de toute légitimité.
Mais, concernant le temps de travail, la réponse des partenaires sociaux, avec l'article 17 de la « position commune » du 9 avril 2008, n'apporte pas la souplesse et la simplification que nous attendions. Il faut arrêter cette « machine à compliquer », comme vous l'avez dit à juste titre, monsieur le ministre. Car chacun est conscient du carcan et du labyrinthe législatif issu des 35 heures. Nous sommes confrontés aujourd'hui à un maquis législatif d'une grande complexité. Le rôle de la loi n'est pas de tout prévoir. Comment cela serait-il possible, d'ailleurs ? Elle serait à la fois rigide et trop complexe. Et lorsque la loi est trop complexe, vous ne trouvez personne qui en respecte totalement les principes. À l'arrivée, personne n'est protégé, tout le monde est dans l'insécurité.
Toutefois, les principes que doit fixer la loi sont ceux qui garantissent la santé et la sécurité des travailleurs. Et sur ce sujet, monsieur Gorce, nous n'avons pas d'inquiétude à avoir. La durée maximale hebdomadaire, la durée maximale quotidienne et toutes ces dispositions intangibles du code du travail ne seront évidemment pas modifiées.
Mais il faut conforter le pouvoir d'achat des salariés en garantissant que le travail paye. C'est pourquoi il est nécessaire de garder une durée de référence – en l'occurrence 35 heures – comme seuil de déclenchement des heures supplémentaires, afin qu'en travaillant plus, on gagne plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour le reste, mes chers collègues, vous l'avez compris, les partenaires sociaux sont les mieux placés pour définir, par la négociation, le cadre le plus adapté aux besoins des entreprises et aux attentes des salariés,…
…aussi bien en ce qui concerne le contingent d'heures supplémentaires que les modalités d'aménagement du temps de travail. Aujourd'hui, quand une entreprise veut procéder à cet aménagement, elle doit chercher, dans le code du travail, la case correspondant à sa propre situation.
Exactement !
Voilà pourquoi il est essentiel de ramener de soixante-treize à trente-quatre le nombre d'articles qui concernent ce sujet.
En conclusion, mes chers collègues, ce texte rénovera les règles de notre démocratie sociale…
…en ouvrant à la négociation la question essentielle de l'aménagement du temps de travail. Les deux sujets ont été liés dès l'origine, car la logique que vous défendez à juste titre, monsieur le ministre, est de donner plus d'espace à une négociation impliquant des acteurs plus légitimes. Le groupe UMP vous suivra donc sur ce texte, qui va renforcer le dialogue social dans les entreprises, au plus près du terrain, dans l'intérêt de toutes celles et tous ceux qui participent à la vie de nos entreprises, petites ou grandes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je me concentrerai sur les problèmes de méthode, qui sont aussi, pour l'essentiel, des problèmes politiques, puisque vous avez choisi, monsieur le ministre, de trahir les partenaires sociaux (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et d'imposer brutalement votre propre conception des rapports sociaux !
Et c'est un expert qui parle !
Ainsi, en plein mois de juillet, vous proposez de réorganiser la démocratie sociale et de déréglementer l'organisation du temps de travail dans les entreprises, moyennant un changement de méthode. En effet, vous vous servez de la procédure d'urgence – devenue, il est vrai, la règle – et mettez à profit une session extraordinaire pour entreprendre d'inverser définitivement, en quelques heures, la hiérarchie des normes sociales. À cette fin, vous faites mine de vous appuyer sur une négociation des partenaires sociaux relative à la démocratie sociale, pour mieux en dévoyer et la forme et le fond – alors même que rien ne vous empêchait de la respecter en distinguant les deux sujets.
Nous ne sommes donc pas du tout dans le même cas de figure que pour le projet de loi, examiné il y a quelques semaines, visant à transcrire les dispositions de l'ANI. Celui-ci s'appuyait sur un accord majoritaire, adopté à la quasi-unanimité des syndicats, à l'exception de la CGT ; il fixait des normes interprofessionnelles et restait fidèle au texte de l'accord. Et si le groupe SRC s'est abstenu, c'est parce que la transcription était partielle et que nous n'avions pas la garantie que vous resteriez, jusqu'au bout, fidèle à la méthode employée. Sur ce dernier point, nous savons aujourd'hui à quoi nous en tenir !
Ce projet de loi ne fait que reprendre une « position commune », signée seulement par deux organisations syndicales sur huit – même si, en un sens, elles sont majoritaires. Surtout, son objectif n'est pas de construire des normes interprofessionnelles mais, au contraire, de déconstruire les garanties collectives. Enfin, la transcription de l'article 17 constitue une trahison de l'accord. D'ailleurs, les signataires – syndicats patronaux et syndicats de salariés – ont eux-mêmes parlé de piège, de mensonge, de trahison.
En effet, alors que l'article 17 de la position commune ouvrait la possibilité d'expérimentation de dérogation par des accords d'entreprise majoritaires, l'article 16 du projet de loi généralise d'emblée la procédure et, de facto, renverse la hiérarchie des normes !
Comme le dit en toute franchise le rapporteur, « la formulation retenue donne la priorité à l'accord d'entreprise ou d'établissement, l'accord de branche n'intervenant qu'à défaut »
Autrement dit, « l'accord de branche est supplétif et n'a vocation à intervenir qu'en l'absence de disposition fixée par un accord d'entreprise ».
Par ailleurs, la référence à l'information de l'inspecteur du travail, qui prévaut dans le droit existant, disparaît.
Car tel est bien ici l'objectif politique de ce projet de loi : faire en sorte que les accords d'entreprise, voire le gré à gré, la négociation individuelle deviennent la norme du dialogue social.
Monsieur le ministre, on ne peut que relever votre habileté, voire votre duplicité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Habileté à diviser les organisations syndicales après les avoir entraînées dans de longues négociations, mais surtout duplicité consistant à mêler deux sujets que rien n'obligeait à associer. Au prétexte de rendre plus légitimes les organisations syndicales en faisant du vote des salariés la base de leur représentativité, vous imposez le primat des accords d'entreprise sur les accords de branche, alors que jusqu'à une date récente on pouvait seulement y déroger pour un accord plus favorable !
Rassurez-vous, monsieur Méhaignerie : personne, ici, ne diabolise l'entreprise, ni même les chefs d'entreprise.
De même, nous sommes favorables à un dialogue social riche au sein de l'entreprise. D'ailleurs, des renégociations sont d'ores et déjà possibles. Nous sommes enfin persuadés qu'un bon climat social est un gage de réussite et d'efficacité économique. Mais, pour autant, le dialogue social, s'il n'est pas encadré, est nécessairement déséquilibré, comme l'est, par nature, le lien entre le salarié et l'employeur, fondé sur un contrat de subordination. Faut-il rappeler que 1'existence d'heures supplémentaires constitue d'abord une liberté de l'employeur avant d'être décidé par le salarié, et que des accords d'entreprise dérogatoires négociés dans le cadre de la loi Fillon l'ont parfois été sous la menace de plans sociaux ?
En outre, cette loi va provoquer une forme de dumping social et introduire des distorsions de concurrence entre les entreprises.
Rappelons que, selon l'article 6 du projet de loi, il suffira, pour qu'un accord soit valable, que les organisations signataires représentent 30 % des salariés. Et si j'en crois l'article 16, d'ici à la fin 2009, l'ensemble des accords sur le temps de travail qui ont été conclus à la majorité pourront être revus par des accords minoritaires à 30 %, sans obligation d'informer l'inspection du travail.
À tout cela, il convient d'ajouter la remise en cause du repos compensateur et des modalités de modulation du temps de travail, ainsi que l'approbation de la directive européenne autorisant des « dérogations personnelles » allant jusqu'à soixante, voire soixante-cinq heures hebdomadaires.
On l'aura compris, monsieur le ministre : sous couvert de vouloir relégitimer les organisations syndicales, vous les avez enfermées dans un piège qui débouchera sur la déconstruction progressive des garanties collectives, à commencer par la réglementation du temps de travail.
Monsieur le rapporteur, vous qui êtes si attaché au sens des mots, si ce texte est révolutionnaire, c'est au sens littéral du renversement des normes sociales. Mais parce qu'il constitue une régression vers l'individualisation des relations de travail et des rapports sociaux, il est socialement et politiquement réactionnaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Par qui ?
Par nous, entre autres !
Il était attendu, non seulement pour son volet relatif à la représentativité des syndicats et à la transparence de leur mode de fonctionnement et de financement, mais également pour la deuxième partie, qui donne enfin la liberté de négocier dans l'entreprise le contingent des heures supplémentaires. Le bon sens et la liberté sont de retour ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ce texte est excellent, notamment en ce qui concerne la réforme du temps de travail. J'ai cependant déposé un amendement à l'article 17…
…pour supprimer l'alinéa 22, dont la rédaction actuelle pourrait laisser penser qu'il appartient au juge judiciaire de fixer le salaire dans le cadre d'une convention de forfait en jours, alors qu'il s'agit à l'évidence d'un élément essentiel du contrat de travail.
J'en reviens à la première partie du texte. Un amendement de la commission à l'article 3 vise à clarifier et simplifier les règles de double décompte des effectifs telles qu'elles sont issues de la jurisprudence de la Cour de cassation. Permettez-moi d'émettre quelques doutes sur son efficacité.
La Cour considère en effet que les salariés d'entreprises sous-traitantes ou prestataires de services, travaillant dans les locaux d'une entreprise d'accueil, doivent être pris en compte dans les effectifs de cette dernière. En clair, doivent être notamment décomptés, dans l'effectif de la société d'accueil, les salariés des entreprises de nettoyage, d'entretien industriel des machines, de restauration, de gardiennage, etc. Cette solution aboutit à ce qu'un salarié, mis à disposition, est compté deux fois : une fois dans les effectifs de l'entreprise sous-traitante ou prestataire de services, et une seconde fois dans les effectifs de l'entreprise d'accueil. Cette situation emporte des conséquences extrêmement dommageables, à la fois pour les entreprises qui mettent à disposition leurs salariés et pour les entreprises utilisatrices.
Elle entraîne notamment un gonflement artificiel des effectifs. Plus grave, selon l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2007, le personnel des entreprises sous-traitantes est électeur et éligible aux élections professionnelles de l'entreprise utilisatrice. Il est donc possible pour les entreprises prestataires de voir leurs salariés élus chez leurs clients.
Cette situation peu commune pose de sérieuses questions sur le plan pratique. Comment traiter les heures de délégation ? La perte du marché par l'entreprise sous-traitante rendrait-elle caduque l'élection de son salarié au sein des institutions représentatives du personnel de l'entreprise d'accueil ? L'entreprise qui emploie le salarié mis à disposition doit-elle verser une participation au budget des oeuvres sociales de l'entreprise utilisatrice si ce salarié y est élu ? Les salariés mis à disposition ont-ils le droit de bénéficier des activités sociales de l'entreprise d'accueil ? Comment, enfin, remédier aux divergences de conventions collectives des salariés participant à la même institution représentative ?
L'amendement de la commission propose qu'au terme d'une année passée dans l'entreprise utilisatrice, les salariés de l'entreprise sous-traitante soient décomptés dans cette entreprise, avec droit de vote. Puis, au terme de deux années, ces salariés bénéficieraient du droit d'éligibilité aux élections professionnelles de l'entreprise d'accueil.
Cet amendement part d'une bonne intention, mais sa rédaction est encore incertaine et pourrait laisser subsister des situations de double décompte et de double vote. C'est pourquoi j'ai proposé des sous-amendements à l'amendement de la commission afin de supprimer définitivement ces risques pour les entreprises, dans le respect des critères posés par le Conseil constitutionnel.
Dans un autre domaine, la section 3 de l'article 8 du projet de loi comporte actuellement une disposition rendant possible la mise en place d'une nouvelle cotisation sociale obligatoire pesant sur toutes les entreprises, afin de financer le dialogue social. Cette disposition, que je juge néfaste, s'inspire directement d'un accord conclu le 12 décembre 2001…
…entre l'UPA et les syndicats représentatifs de l'artisanat. Mais elle est extrêmement contestable. Elle représenterait un nouveau prélèvement, qui s'imposerait à 400 000 TPE et PME et leur coûterait 700 millions d'euros.
Parlons plutôt des prélèvements effectués au profit du MEDEF ou de l'UIMM !
Le principe de ce prélèvement obligatoire ne figure pas dans la position commune. Il est même contraire à l'esprit du projet de loi.
Il ne me semble pas normal de créer une nouvelle taxe pour financer le patronat et les syndicats, d'autant que de nombreuses entreprises se retrouveraient assujetties à plusieurs cotisations, qui se superposeraient en fonction des niveaux de cotisation. Il convient donc de revenir sur ce qui constituerait une nouvelle charge pour les entreprises, particulièrement regrettable dans la situation économique que nous connaissons.
J'ai enfin noté à l'article 9, alinéa 2, qu'il est prévu le maintien des critères actuels de représentativité durant une période transitoire de cinq ans. C'est une bonne chose, mais la rédaction actuelle prévoit, me semble-t-il, la possibilité de reconnaître à tout moment la représentativité d'une nouvelle organisation syndicale en fonction des anciens critères, dont les partenaires sociaux eux-mêmes ne veulent plus. La rédaction actuelle m'étonne et j'avoue ne pas vraiment en comprendre le sens.
Monsieur le ministre, à ces quelques réserves près – et, s'agissant de l'impôt supplémentaire de 0,15 %, ce n'est pas un simple détail – je voterai avec enthousiasme cet excellent texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte dont nous avons à débattre aujourd'hui, intitulé « Rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail », traite de deux problèmes bien différents. Les partenaires sociaux ont d'ailleurs souligné à maintes reprises cette dualité de votre projet de loi. Votre jusqu'au-boutisme n'ayant d'égale que votre volonté d'émietter le droit du travail, nous examinons donc aujourd'hui deux sujets qui auraient mérité de faire l'objet de deux projets de loi distincts.
Je ne m'attarderai toutefois, dans les quelques minutes qui me sont imparties, que sur la seconde partie du texte. Ce qui se décide ici est grave. Il s'agit – et mes collègues du groupe SRC l'ont déjà évoqué – d'une véritable remise en cause d'un principe fondateur de notre droit du travail : la hiérarchie des normes. Celle-ci n'est peut-être vue par nos collègues des bancs de la majorité – et je l'ai entendu ce soir – que comme un principe entravant la liberté de travailler.
Permettez-moi de la définir comme un pilier fondamental de la protection des salariés, une des dernières résistances au nivellement vers le bas des conditions de travail et un élément de clarification et d'unification des conditions sociales de ce pays.
La négociation du contingent d'heures supplémentaires et du taux de majoration au niveau de l'entreprise reviendra dans bien des cas à laisser les salariés dans un face-à-face bien inégal avec leurs employeurs, particulièrement dans les PME. Il suffit de faire preuve d'un peu de bon sens pour comprendre que les négociations s'avéreront risquées pour les salariés des petites et moyennes entreprises qui peuvent avoir quelques lacunes dans le domaine de l'expertise juridique, l'expérience ou les conditions de travail dans les entreprises comparables. Il serait, en outre, quelque peu naïf d'imaginer que les dirigeants des entreprises feront preuve d'une bonté incommensurable lors des négociations au stade de l'entreprise. Même si je ne les généralise pas, les chantages à la délocalisation existent, admettez-le ! On pourrait citer de nombreux exemples.
À cette pression à la fermeture ou à la délocalisation, s'ajoutera celle du porte-monnaie. Votre gouvernement ayant été incapable de régler la question du pouvoir d'achat, on voit mal les salariés refuser d'effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent alors que l'inflation est estimée à 3,2 % pour 2008, que le prix de l'essence ne cesse d'augmenter et que la seule réponse de votre gouvernement se sera résumée à une campagne de publicité ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La remise en cause des accords de branche mènera directement à un détricotage du droit du travail qui sera différemment appliqué selon les entreprises. Les dirigeants seront tentés d'appliquer ce texte – heures supplémentaires nombreuses et peu payées – pour maintenir, voire réduire le prix de production puisque aucune protection de branche ne pourra les contrer. Jusqu'à présent, le dumping social venait de l'extérieur ; voilà que vous l'érigez en principe national. C'est peut-être d'actualité ce soir : nous comprenons maintenant mieux pourquoi la question sociale n'a pas été retenue dans vos quatre priorités pour la présidence française de l'Union européenne ! C'est aussi une des raisons pour lesquelles nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est probablement l'un des plus importants de la législature, compte tenu des conséquences très importantes et très graves qu'il risque d'avoir sur le paysage syndical et sur la hiérarchie des normes, fondement de notre droit du travail.
La seconde partie de ce texte, mes collègues du groupe socialiste l'ont souligné, déréglemente notre droit social. Elle est donc tout à fait inacceptable.
Je m'attarderai quant à moi – dans une analyse peut-être plus minoritaire – sur la première partie du projet relative à la représentativité qui recèle aussi bien des dispositions dangereuses. Depuis le décret de 1950 et l'arrêté de 1966 sur la représentativité syndicale, le paysage a changé et de nouvelles organisations syndicales sont apparues sur la scène sociale dans notre pays. Il était donc nécessaire – nul ne le conteste – de faire évoluer les critères d'évaluation de cette représentativité. Fallait-il toutefois demander aux partenaires sociaux de négocier sur leur propre représentativité ? Il me semble quelque peu surprenant de laisser le soin au patronat de définir les modalités qui doivent permettre d'aboutir au dialogue social et de désigner ses interlocuteurs… Le texte ne dit rien de la représentation patronale. Je suis quant à moi de ceux qui pensent qu'il revient au Parlement de définir les critères de représentativité syndicale et l'évolution de ses modalités.
En tout cas, la loi de janvier 2007 ne doit pas conduire le Parlement à se dessaisir de ses prérogatives.
Si on avait voulu que la représentativité concerne l'ensemble des salariés, des grandes ou des petites entreprises, il fallait, à l'évidence prendre comme référence les élections prud'homales.
Ce n'est pas respecter la position commune !
Vous n'avez pas écouté ce que je viens de dire, monsieur le ministre, sinon vous apprécieriez la cohérence de mon raisonnement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En effet, 40 % des salariés ne participent pas aux élections professionnelles. Le seuil de 10 % au niveau de l'entreprise risque d'entraver l'action syndicale…
Ce n'est pas respecter la position commune !
…en empêchant telle organisation de participer aux négociations ou en décourageant toute nouvelle implantation. Bref, sous couvert de revoir la représentativité et de la rendre plus conforme au choix des salariés, on aboutira à un bouleversement et à un reformatage du paysage syndical.
En outre, on ne peut pas nier le lien entre ce désir de mesurer la représentativité au niveau de l'entreprise et la volonté de privilégier désormais les accords d'entreprise. Cela revient à déroger à la loi et aux accords de branche. Il s'agit, selon moi, de la remise en cause des fondements mêmes de notre droit du travail : hiérarchie des normes et principe de faveur. Cette évolution est tout à fait dangereuse et je vois que vous m'approuvez, monsieur le rapporteur !
Nos deux rapporteurs ont été à cet égard parfaitement clairs : le rapport de M. Anciaux précise que, grâce à ce projet de loi, notre modèle social va enfin évoluer…
…et que nous allons passer à une culture de la négociation et du donnant-donnant.
Les salariés donneront et donneront encore sans compensation à la clé ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et M. Anciaux d'ajouter que, grâce à ce projet de loi, le contrat primera dorénavant sur la loi !
Pour toutes ces raisons, je ne peux être que résolument opposé à ce texte de régression sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, vous aviez, monsieur le ministre, l'opportunité d'avoir le soutien d'une grande majorité de cette Assemblée sur ce texte (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) puisque nous sommes nombreux sur ces bancs à penser qu'il est nécessaire de donner plus de place à la négociation sociale dans ce pays.
Vous n'avez pas voté l'accord du 11 janvier !
Vous avez contourné un accord signé par deux grands syndicats de travailleurs et par le MEDEF avec une seule volonté : démanteler ces 35 heures qui vous obsèdent et qui sont le bouc émissaire de tous vos échecs économiques. Ce faisant, monsieur le ministre, vous commettez une triple erreur. Vous faites une erreur de diagnostic,…
…parce que le problème de notre pays n'est pas celui de la durée hebdomadaire du travail. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous découvrirez, en prenant connaissance des données d'EUROSTAT publiées tous les trimestres, que la durée hebdomadaire du travail en France – trente-six heures et demie depuis longtemps – correspond à la moyenne européenne. Elle est supérieure de deux heures à la durée hebdomadaire moyenne du travail en Allemagne. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est faux !
Je vous donnerai les chiffres, monsieur le ministre. Je peux même vous inviter à prendre connaissance de ces données sur Internet ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est faux ! J'ai ici les statistiques d'EUROSTAT de 2007 !
J'insiste : la durée hebdomadaire moyenne du travail des salariés publiée par Eurostat est de trente-six heures et demie, mes chers collègues : deux heures de plus qu'en Allemagne ! Regardez la situation au dernier trimestre 2007 ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La durée de travail dans les pays d'Europe du Nord, monsieur le ministre, varie entre trente-trois et trente-cinq heures ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est faux !
Elle est, en Hollande, de vingt-neuf heures et demie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous pouvez hurler, vous ne changerez pas les statistiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous faites aussi une erreur économique. En effet, en privilégiant l'augmentation de la durée du travail des salariés à temps plein, vous oubliez ceux qui ont besoin de travailler plus pour gagner plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous tournez le dos aux chômeurs ! Vous oubliez les 1,2 million de salariés à temps partiel, dont 80 % de femmes, qui voudraient bien travailler plus, mais qui ne décident pas de leur temps de travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En concentrant toute votre attention sur les salariés à temps plein, vous oubliez tous ceux qui sont mis en préretraite à partir de cinquante-cinq ans. Le vrai problème de la France, c'est que l'on travaille beaucoup entre vingt-cinq et cinquante-cinq ans et pas du tout après.
Non, c'est une analyse économique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous faites aussi une erreur historique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Toute l'histoire du développement économique, c'est une réduction continue du temps de travail (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), accompagnée d'une augmentation continue de la productivité du travail et des salaires.
Les pays d'Europe du Nord, qui ont la plus faible durée du travail, sont ceux qui ont le plus haut niveau de développement économique. Pour trouver des salariés dont la durée moyenne de travail est de quarante heures, il faut aller dans des pays de l'Est (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), dont le PIB par tête est inférieur au nôtre, et au-delà des frontières européennes.
Pas de leçon d'économie !
Vous faites aussi une erreur quand vous prétendez améliorer la compétitivité de notre pays. Tout votre discours est contraire aux faits. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quelle est la période où la France a connu une croissance forte, supérieure d'un demi-point à la croissance européenne ?
Pas celle des socialistes !
C'est de 1997 à 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), 3 % par an (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), alors que la croissance de nos partenaires européens était de 2,5 %.
Quand la France a-t-elle créé plus de 400 000 emplois par an, 2 millions en cinq ans ? De 1997 à 2002.
C'est faux !
Quelle est la période où la France a eu un excédent commercial oscillant entre 15 et 20 milliards d'euros tous les ans ? C'est de 1997 à 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Regardez donc les chiffres, monsieur Méhaignerie. Nous avons d'excellents instituts de statistiques. Depuis 2002, le commerce extérieur s'est dégradé. Cette année, il y a 34 milliards de déficit. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le fait de hurler ne change pas les données statistiques !
Monsieur le ministre, vous faites une erreur magistrale en démantelant le droit social. En permettant que les accords d'entreprise contournent les accords de branche, vous rendez possible une régression sociale, comme cela s'est déjà produit par exemple en 2004, parce que votre prédécesseur avait commencé à faire la même chose avec les accords Bosch de Vénissieux. Ce n'était pas travailler plus pour gagner plus, c'était travailler plus pour gagner moins.
En faisant cela, vous entraînez notre pays dans une spirale vers le bas, dans une spirale dépressive. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Toute l'analyse économique montre que, pour améliorer la compétitivité, il faut investir massivement dans les qualifications et dans l'innovation, bref faire exactement le contraire de ce que vous faites.
Pour investir, il faut de l'argent, et pour avoir de l'argent, il faut travailler !
En démantelant les 35 heures, en démantelant le droit social, non seulement vous remettez en cause d'importantes avancées sociales, mais vous faites entrer notre pays dans l'avenir à reculons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a été saisie pour avis du projet de texte portant sur la rénovation de la démocratie sociale et la réforme du temps de travail. C'est sans doute parce qu'il modifie substantiellement le code du travail, l'organisation des entreprises, la compétitivité économique et la vie des salariés.
Vous tentez une nouvelle fois de faire croire aux Français qu'assouplissement, dérégulation et concurrence sont les solutions pour améliorer leur vie quotidienne, leur pouvoir d'achat, la productivité des entreprises, la relance de l'économie, mais rien n'y fait. Après un an et plusieurs lois sur le pouvoir d'achat et le temps de travail, les Français n'ont jamais eu le moral aussi bas depuis 1987 : 80 % d'entre eux ne croient plus dans votre politique économique, ils n'ont plus confiance en vous, et votre politique est si peu visible, si peu efficace que vous avez dû dépenser 4 millions d'euros pour tenter de la vendre dans des spots publicitaires.
Qu'en sera-t-il de ce nouveau texte, quels sont les effets escomptés sur l'économie, les salaires et la productivité ?
En dépit de votre acharnement législatif, tous les chiffres vous donnent tort. L'inflation repart, la croissance est en berne, la dette augmente, le déficit extérieur se creuse. Certes, le chômage baisse, mais grâce à deux phénomènes, l'effet mécanique de l'évolution démographique et, surtout, Alain Muet l'a dit, la précarisation des emplois. Il y a 2,2 millions de salariés qui ne décident pas de leur temps de travail et ne peuvent bénéficier d'heures supplémentaires. Ils sont dans l'attente d'un travail à temps plein, au moins 35 heures, et d'un CDI pour gagner plus régulièrement leur vie et faire des projets d'avenir.
Mes collègues ont abordé ce texte sur le fond, la discussion permettra d'y revenir.
La première partie, si elle n'est pas dénaturée par des amendements, correspond à la position commune signée par les partenaires sociaux.
Le problème, c'est la seconde partie. Je remarque d'ailleurs au passage que nous sommes deux fois plus nombreux à intervenir sur ce texte de loi que nos collègues de la majorité. Sans doute que ce texte les inspire peu. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est toute la contradiction de ce projet, cette seconde partie trahit le dialogue social qu'il souhaite développer dans la première partie.
« C'est un coup porté à la démocratie sociale », dit la CFDT. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) La CGT ajoute que c'est un véritable dynamitage de toute législation sur le temps de travail et que cela dénature les conditions de négociation dans l'entreprise.
Mme Parisot parle de victoire à la Pyrrhus. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette trahison aura des conséquences dramatiques sur la confiance des Français.
Cette seconde partie est fondée sur un raisonnement faux.
Depuis l'ère industrielle, il y a une relation étroite entre réduction du temps de travail et gains de productivité. C'est dans les pays les plus développés que la durée du travail est la plus faible et dans les moins développés qu'elle est la plus longue, cinquante heures par semaine en Turquie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Avec les heures supplémentaires, les 48 heures hebdomadaires seront possibles et, avec les forfaits jour étendus à tous, par des conventions de gré à gré, c'est la fin de toute durée collective du travail. En donnant de la souplesse aux employeurs sans l'encadrer, vous privez les salariés de toute possibilité de prévoir leur activité.
Pour que la France connaisse à nouveau la croissance, il faut sortir de l'idée ridicule que l'allongement de la durée hebdomadaire du travail est la seule solution.
Votre texte ne dit rien de la formation, de l'adaptation des salariés aux innovations alors que c'est la force et le dynamisme des PME.
Le problème français n'est pas tant dans la durée du travail de ceux qui ont un emploi à temps plein que dans l'exclusion des jeunes et des seniors. Il faut aussi investir dans la qualification des salariés pour se hisser dans la compétition internationale.
Monsieur le ministre, les textes du gouvernement auquel vous appartenez ont tous la même logique, sans grande réussite sur la relance économique et le pouvoir d'achat. Deux mots les résument : dérégulation et concurrence, dérégulation du code du travail, concurrence entre les entreprises. Vous suivez l'exemple de la loi LME, qui a dérégulé le commerce, avec le hard discount le commerce à bas prix et le travail précaire, surtout pour les femmes, qui a déstabilisé l'artisanat avec le statut de l'auto-entrepreneur. Votre loi va favoriser la main-d'oeuvre à bas coût et le dumping social.
En conclusion, je voudrais attirer l'attention de l'Assemblée nationale sur des conséquences moins visibles de votre avalanche de textes législatifs qui, par touches successives et brouillonnes, modifient substantiellement la vie des Français.
Les salariés travailleront jusqu'à 40 heures par semaine et 250 jours par an. Quel temps personnel leur restera-t-il ? À croire Mme Lagarde, les consommateurs devraient pouvoir passer plus de temps à faire des courses et relancer l'économie par la consommation, y compris le dimanche, et j'ai lu, monsieur le ministre, que vous y étiez très favorable. Mme Morano parle, elle, de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, mais ce ne sont que des discours.
Les enquêtes montrent que les Français sont parmi les Européens ceux qui souhaitent consacrer le plus de temps à leurs activités parentales, et les 35 heures ont été majoritairement consacrées aux activités familiales.
Que se passera-t-il en septembre, lorsque l'année scolaire brutalement modifiée par Xavier Darcos s'imposera à toutes les écoles ? Les écoliers français auront l'année la plus courte d'Europe, 140 jours. Eux travailleront moins pour, sans doute, apprendre plus. Que feront les parents les jours de congés des enfants ? Ils jongleront, improviseront, stresseront ou, cas extrême, s'absenteront, à moins que vous ne souhaitiez que les femmes prennent des emplois à temps très partiel, et voient ensuite leurs retraites amputées.
Oui, les textes de votre gouvernement sont multiples et divers, mais ils concernent tous la vie de nos concitoyens, et celle-ci ne se découpe pas en tranches. Ils sont, tour à tour, salariés ou patrons, consommateurs, parents ou grands-parents. Vu sous cet angle, leur vie sera difficile à organiser et cela alimentera le malaise social.
Des programmes d'égalité des chances financés par l'Europe ont accompagné des villes volontaires pour inventer de réelles politiques de conciliation des temps de vie.
Ces politiques mises en place et négociées dans des zones économiques avec les entreprises et les salariés sont fondées sur l'idée du triple gagnant : l'entreprise, qui offre des services à ses salariés, gagne en productivité ; les salariés gagnent en qualité de vie ; les territoires gagnent en attractivité.
Votre texte, monsieur le ministre, c'est « tous perdants », non seulement les salariés, mais aussi les territoires et les entreprises.
Vous faites erreur. La fin de la solidarité nationale ne permettra pas à la France de renouer avec la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous parlez du Congrès de Reims ?
On est déjà en novembre !
Monsieur le ministre, ce sont quelques-uns des mots doux qui vous ont été adressés par les responsables des organisations syndicales et patronales à la suite de votre décision de dénaturer, dans le projet que nous examinons, la position commune des partenaires sociaux sur la représentativité syndicale, en y ajoutant, contre leur avis unanime, des dispositions sur le temps de travail qui modifient substantiellement notre code du travail.
Après cet épisode regrettable, tous les partenaires sociaux que nous avons reçus nous l'ont dit, vous apparaissez comme le roi du double jeu et du triple langage.
Ce texte de loi intervient dans un contexte de régression pour les droits des salariés.
Il y a quelques mois, lors de l'examen du texte sur la modernisation du marché du travail, vous nous demandiez de transposer le volet flexibilité en nous expliquant que, dans quelques semaines ou quelques mois, nous aurions le volet sécurité pour les salariés. Nous l'attendons toujours…
Cela s'appelle une négociation sociale.
Nous avions raison d'être inquiets.
Au niveau européen, vous venez de capituler au nom de la France sur la question de la durée maximale du travail qui, désormais, pourra être portée à soixante ou soixante-cinq heures, en dérogation de la règle des quarante-huit heures.
Alain Vidalies a très bien pointé les conséquences, que nous n'avons pas fini de mesurer, du fait de privilégier les accords d'entreprise dans notre pays par rapport aux accords de branche, à portée générale, au regard des récents arrêts de la Cour de justice européenne, qui mettent en avant la liberté d'établissement des travailleurs.
En matière de temps de travail, on assiste à une forme de récidive dangereuse de votre majorité puisque c'est la septième loi en six ans qui vise à assouplir les 35 heures et la durée du travail.
Or la souplesse existe déjà. Votre volonté d'aller plus loin, c'est tout simplement une position idéologique, et c'est simplement la volonté de donner des gages aux députés de votre majorité et, surtout, à l'électorat le plus conservateur de l'UMP.
Le véritable carcan, la véritable rigidité, c'est votre entêtement dogmatique.
D'ailleurs, nous avons à peine commencé la discussion de ce texte de loi ce soir que vous évoquez déjà, monsieur le ministre, dans un article du Figaro, une nouvelle étape dans le démantèlement du droit du travail, puisque vous vous dites favorable au travail du dimanche et que vous annoncez qu'une proposition de loi UMP de M. Richard Mallié pourrait être discutée rapidement à l'Assemblée nationale…
Ce n'est pas un scoop !
…afin de permettre plus de souplesse comme pour les 35 heures.
Une étude récente de l'URSSAF confirme, j'ai déjà eu l'occasion de dire au cours de mon explication de vote, que votre politique est malheureusement un échec : aujourd'hui, à peine 20 % des salariés des entreprises sont concernés par le rachat des RTT.
Ce texte va se traduire par un émiettement, une atomisation des droits des salariés au niveau de l'entreprise, là où le rapport de force leur est le plus défavorable, au détriment des accords de branche. Cela va entraîner davantage de flexibilité et de précarité. La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, affiliée à l'UPA, a d'ailleurs sévèrement jugé les conséquences d'un tel renversement de la hiérarchie des normes sociales.
Pour elle en effet, négocier le temps de travail au niveau de l'entreprise est un non sens pour les petites entreprises, où elle risque de susciter la panique. Panique ou non, c'est à coup sûr la loi de la jungle qui deviendra le quotidien de millions de salariés dans notre pays.
Ce texte de loi est une étape supplémentaire dans votre entreprise de liquidation méthodique du pacte social et républicain. Vous vous êtes attaqués au système de retraites par répartition, puis aux systèmes de solidarité et de santé puis, avec un certain succès, aux services publics ; vous vous attachez à affaiblir méthodiquement l'État et sa capacité d'action et d'intervention ; aujourd'hui, très logiquement, vous vous attaquez à ce qui reste de garanties fondamentales dans le code du travail, dont ce texte de loi fait sauter les derniers verrous, avant, très certainement, de vous attaquer demain à l'ultime verrou : le salaire minimum. Mais nous n'en sommes pas encore là et nos débats nous permettront de pointer les dangers que ce texte fait peser sur les salariés de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Encore un socialiste ?
Puisque les députés de l'UMP n'interviennent pas, il faut bien que nous prenions leur place. Mais ce ne sera évidemment pas pour tenir le même type de discours !
Faut-il vraiment travailler plus pour gagner plus ? C'est la question que tous les Français se posent aujourd'hui, après tant d'années de gouvernement de droite. À force de regarder des feuilletons télévisés comme « Plus belle la vie », qui fait les délices des petits comme des grands,…
…on en vient à se demander si ce n'est pas un autre feuilleton qu'on nous rejoue ici régulièrement depuis quelques années, et qui pourrait s'intituler « Plus beau le travail, plus faible le pouvoir d'achat ».
En effet, votre antienne du « travailler plus » sert à anesthésier petit à petit le pays en lui faisant oublier l'essentiel : le pouvoir d'achat stagne, voire diminue désormais. Quitte à insister lourdement, nous ne cesserons de rappeler, aussi longtemps que vous serez au pouvoir, qu'on ne travaille pas moins en France que dans les pays voisins. Je peux même vous dire, moi qui suis élu d'un territoire voisin de ce pays, qu'on travaille plus en France qu'en Allemagne, où pourtant on vit mieux.
Il n'est que de regarder l'évolution de certains indicateurs depuis une dizaine d'années : alors que les salaires bruts ont augmenté d'environ 48 %, les loyers ont augmenté de 66 %. Devinez, messieurs de la majorité, de combien ont augmenté les dividendes distribués par les entreprises ? De 143 % !
Ne vous étonnez pas après cela que les salariés de notre pays s'interrogent sur leur pouvoir d'achat. Ils se rendent compte qu'il n'est même plus possible aujourd'hui d'accéder à un logement décent ou de se rendre sur son lieu de travail : et vous venez leur raconter qu'il faut travailler plus ! Vous imaginez bien que vos propositions ont perdu toute crédibilité, et plus vous irez loin dans ce délire du « travailler plus », plus les Français se détacheront de vous.
En la matière, vous parlez d'expérience !
Eux, en effet, connaissent la réalité du terrain : ils vivent quotidiennement les difficultés pour se loger, éduquer leurs enfants ou accéder à une formation professionnelle qui est pourtant un élément fondamental de leur avenir, puisque c'est l'espoir de progresser dans sa vie professionnelle.
Tout ceci peut paraître surréaliste. (« En effet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Après tout je peux vous comprendre : alors que vous avez utilisé mai 1968 pour faire campagne, en l'accusant d'être à l'origine d'un prétendu laxisme, il s'avère aujourd'hui que l'opinion le considère comme un événement plutôt positif. Vous passez donc à une autre obsession : celle des 35 heures, le temps qu'il faudra pour que les Français s'appauvrissent encore un peu plus. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est un fait que nous constatons tous les jours, en dépit des mesures que vous avez votées ces dernières années, comme les fameuses 220 heures supplémentaires, rappelons tout de même que cela correspond à un mois plein de travail… Autant dire que 80 % des salariés n'ont rien vu passer, faute d'avoir pu effectuer ces heures supplémentaires.
Mais vous allez leur expliquer une fois de plus, à grand renfort de spots télévisés, que les 35 heures sont à l'origine de la baisse du pouvoir d'achat, de la perte de compétitivité du pays, de l'accumulation des déficits publics, etc. Pourtant, bien loin d'en être convaincus, les Français se rendent compte que vous supprimez les quelques emplois aidés qui permettaient aux plus défavorisés d'être utiles à la société et de retrouver eux-mêmes un peu de dignité. Ces populations, que vous diabolisez et reléguez dans des quartiers qui partent à la dérive, vous les laissez aux bons soins des services sociaux, qui font ce qu'ils peuvent dans les communes, voire des conseils généraux, qui leur octroient le RMI sans espoir de les voir retrouver une activité.
Aujourd'hui, alors que vous pensez régner dans le coeur des Français, ceux-ci vous ont quitté depuis longtemps faute de croire encore à vos promesses. S'ils y ont cru le temps d'une campagne électorale, ils rêvent aujourd'hui d'une politique socialiste qu'ils n'ont pas vue depuis six ans. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. — Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous pouvez rire, mais le Président de la République, que vous soutenez par vos applaudissements, n'a jamais été aussi bas dans les sondages !
Une députée du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est toujours comme ça quand on fait des réformes.
Il ne recueille aujourd'hui que 34 % d'opinions favorables, alors qu'il faut rassembler 51 % des électeurs pour gagner. Certes, vous pouvez encore aujourd'hui avoir l'outrecuidance de vous imposer parce que vous êtes nombreux.
Mais ne doutez pas que si des élections devaient avoir lieu demain, vous ne seriez que 34 % de cette assemblée nationale, soit une modeste minorité.
Et beaucoup d'entre vous devraient redevenir dirigeants d'entreprise, puisque manifestement c'est votre métier et votre vocation. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je ne doute pas que vous proposeriez alors aux salariés des heures supplémentaires, à l'inverse de vos amis chefs d'entreprise. En effet, vous pourrez constater vous-même qu'en dépit de dividendes en constante progression grâce à vos services, ils n'utilisent pas le contingent d'heures supplémentaires que vous leur avez octroyé au fil des années.
Si aujourd'hui vous menez un combat idéologique, c'est tout simplement parce que vous n'avez plus rien de concret à proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. — Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Michel Ménard. (« Encore un socialiste ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le projet que nous étudions aujourd'hui est à plus d'un titre un texte de rupture…
Rupture du dialogue social, rupture de la confiance avec les organisations syndicales, rupture avec des dispositions qui jusqu'à présent protégeaient les salariés.
En prenant l'initiative d'aller au-delà d'une position commune qui ne rassemblait déjà qu'une partie des organisations syndicales de salariés, le Gouvernement met en place l'instrument d'une politique de régression sociale qui s'appuie sur la remise en cause de la hiérarchie de normes.
En effet, sous prétexte de mesurer la représentativité syndicale au sein des entreprises, en excluant de ce processus des millions de salariés, ce texte fait de l'entreprise le niveau privilégié de négociation – nous devrions plutôt parler de déréglementation.
Pour mesurer la représentativité syndicale, je préfère pour ma part les élections prud'homales, seules élections où tous les salariés peuvent exprimer leur choix.
Mais revenons à la déréglementation en marche. Jusqu'à ce jour en effet, les salariés bénéficiaient de garanties qui étaient autant de protections pour leur santé et leur sécurité. Elles encadraient la durée du travail, journalière, hebdomadaire, mensuelle, annuelle, le contingent d'heures supplémentaires ainsi que leur majoration.
En transférant au niveau de l'entreprise les négociations dans ce domaine, le Gouvernement fait le choix de sacrifier les conditions de travail des salariés, faisant de la réduction des droits sociaux un élément de concurrence entre les entreprises.
Vous créez les conditions d'un dumping social et d'un nivellement par le bas, alors que les salariés réclament une amélioration de leur rémunération et des conditions de travail.
En effet, qui peut croire, hormis la présidente du MEDEF, que l'employeur et l'employé sont égaux dans la négociation ? Nous savons bien comment s'établit le rapport de force entre salariés et employeurs dans de nombreuses entreprises, notamment celles dont la taille est réduite. Alors que le chômage demeure à un niveau élevé, que le pouvoir d'achat d'une très large part de la population ne connaît pas d'amélioration, les négociations d'entreprise se concluront dans l'immense majorité des cas par un recul des droits et protections des salariés.
Ce projet de loi est une première étape où on ne traite que du temps de travail. Vous me direz qu'il ne remet pas en cause la durée légale du travail. Ce n'est qu'une illusion : en vérité, pour reprendre un slogan bien connu, avec ce texte, « tout devient possible ». (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ainsi, des accords d'entreprise permettront à chaque salarié de travailler à partir d'une convention individuelle de forfait en heures. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La limite est de 48 heures par semaine, en intégrant les heures supplémentaires éventuelles, qui ne seront de fait plus majorées ; de même, il pourra ne plus être accordé de contrepartie en repos. C'est la fin du repos compensateur obligatoire fixée par la loi en 1977.
Ces limites, sans doute trop rigides à vos yeux, ne s'appliqueront pas aux cadres et aux salariés disposant d'une réelle autonomie. Ceux-ci pourront travailler jusqu'à 280 jours par an, alors que la limite légale est fixée aujourd'hui à 218 jours. Ils pourront travailler six jours sur sept, et jusqu'à 13 heures par jour.
Ils pourront aussi travailler jusqu'à 65 heures par semaine, pour peu que la nouvelle directive européenne, approuvée par l'ensemble des ministres des pays membres, soit adoptée.
Ces salariés, qui seront pour la plupart contraints, parfois par la menace de la perte de leur emploi, d'accepter de travailler plus, le feront dans des conditions qui pèseront lourdement sur leur santé. Gagneront-ils plus pour autant ? Il est permis d'en douter, puisque c'est, là encore, l'accord d'entreprise qui fixera la majoration des heures supplémentaires.
En transférant au niveau de l'entreprise des dispositions aujourd'hui encadrées par la loi, et en facilitant la possibilité de déroger, toujours au niveau de l'entreprise, aux accords de branche sur le temps de travail, ce projet met à mal tout l'édifice du modèle social français.
Si c'est du temps de travail qu'il s'agit aujourd'hui, rien n'interdit de penser que d'autres domaines seront prochainement soumis à la même logique. Les organisations représentatives des salariés l'ont bien compris, qui toutes s'opposent à ce projet de loi.
Aujourd'hui, monsieur Xavier Bertrand, vous vous déclarez dans la presse favorable au dimanche travaillé. Pensez-vous vraiment qu'un salarié peut refuser sans risque de travailler le dimanche ? Pour ma part, je ne le pense pas.
Votre projet va à rencontre de ce à quoi aspire une majorité de nos concitoyens. Il ne répond en rien à la question du chômage des jeunes, très élevé dans notre pays. Il n'apporte aucune solution au problème du faible taux d'activité des personnes de plus de cinquante ans.
L'enjeu pour notre pays est de permettre à un jeune qui finit ses études d'entrer rapidement dans la vie active, d'avoir un parcours professionnel, de recevoir une formation continue, et de pouvoir travailler jusqu'à sa retraite.
Ce projet va accroître la pression sur les salariés âgés de trente à cinquante ans, en leur imposant d'être toujours plus disponibles pour l'entreprise, au détriment de leur équilibre professionnel, de leur famille, de leurs enfants.
J'ai vu la semaine dernière, en visitant un centre d'information jeunesse, une annonce déposée par une entreprise de restauration qui proposait 40 emplois de 20 heures par semaine, payés au SMIC. Croyez-vous vraiment qu'avec un emploi à temps partiel subi de 20 heures par semaine, un jeune puisse travailler convenablement ? Moi pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les étudiants ?
Le présent projet de loi a été le point de départ, pour la majorité, d'un déchaînement de contrevérités et de positionnements difficilement acceptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il nous a donc semblé opportun, afin de redonner un peu de sens à nos débats, de revenir sur un sujet central : celui de la philosophie qui anime notre action en faveur de nos concitoyens.
Quand nous avons décidé de moderniser le rapport au travail, c'était avant tout pour prendre en compte la réalité de l'Histoire qui s'imposait aux pays développés, comme en leurs temps les 40 heures, qui avaient été tout autant décriées par les conservateurs.
Nous répondions d'abord à une exigence de notre temps : celle de l'acceptation concrète de la hausse de la productivité mécanique. Comment expliquer dans notre société une telle hausse de productivité sans, en contrepartie, en faire profiter les travailleurs ? (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est bien le rôle des responsables politiques – essentiellement de gauche – que de permettre à leurs concitoyens de bénéficier des avancées de la technologie. Qui osera soutenir le contraire ? (« Nous ! sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Notre philosophie politique est aussi de saisir toute chance d'augmenter la crédibilité de la valeur travail. Comment ? En la partageant. En faisant que plus de Françaises et de Français aient accès à un travail stable, durable, nous offrons à notre pays la possibilité d'améliorer l'égalité devant ce qui fonde l'existence sociale.
Ne vous en déplaise, les chiffres de 1997 à 2002 nous ont d'ailleurs donné raison (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) sans modification des référentiels de calcul des chiffres du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Notre philosophie politique est, enfin, une opportunité de faire évoluer durablement notre société en équilibrant les valeurs du travail avec celles de l'épanouissement personnel. C'est avant tout affirmer que le travail est un bien commun, qui doit être accessible à tous. C'est une valeur fondamentale, dont la gauche est fière et dont elle reste, quoi qu'en dise la droite, le plus fidèle défenseur, mais c'est aussi une valeur qui ne peut prendre tout son sens qu'équilibrée avec d'autres. Notre action est donc basée sur l'équilibre : entre le bénéfice du progrès aux salariés et le maintien d'un haut niveau de compétitivité pour nos entreprises ; entre la promotion de la valeur travail et celle des valeurs personnelles ; entre le développement enfin d'une idéologie de gauche assumée et un pragmatisme que personne ne peut aujourd'hui contester. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je revendique le fait que notre vision du rapport au travail a offert aux entreprises l'amélioration de leur démocratie sociale, que l'annualisation du temps de travail leur a permis d'acquérir une souplesse et a augmenté leur productivité – en un mot, que la France se situe toujours au plus haut niveau des pays du monde en termes de compétitivité !
Mes chers collègues, les socialistes assument leur vision de la société et la philosophie d'équilibre qui fonde leur action.
Vraiment ?
Ce n'est pas le cas de la majorité qui, alors qu'elle prépare ce nouveau mauvais coup estival, adopte sa stratégie favorite : elle se cache. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Elle se cache en caricaturant les décisions prises par les socialistes pour mieux tromper la population et l'amener ainsi à accepter la précarisation massive de l'emploi, la pénalisation des salariés et la limitation de la valeur sociale de l'individu à sa seule capacité à produire. Voilà la volonté de la droite – d'autant plus nette qu'il s'agit d'une idéologie bien connue : celle des néolibéraux dont vous êtes, celle d'Hayek et Friedman.
Mais, au lieu de l'assumer franchement, la majorité préfère louvoyer et afficher un pragmatisme qui n'a de pragmatisme que le nom et qui empêche les Français de pouvoir choisir entre deux visions de la société : l'une émancipatrice, que la gauche assume et l'autre régressive, que la droite porte mais ne nomme pas.
Permettez-moi donc de demander à la majorité qu'elle assume sans complexe sa vision du rapport au travail, vision qui se borne à une intensification qui se fera au détriment de la prise en considération de la pénibilité du travail – je suis très surprise, à cet égard, que le rapporteur sur la pénibilité du travail siège sur ce même banc –…
Quel rapport ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
…de la santé au travail et de l'épanouissement personnel des salariés. Que la majorité assume aussi ses mesures phares : comment, par exemple, le fameux, « travailler plus pour gagner plus » sera-t-il intégré dans la démocratie sociale et dans le réajustement du temps de travail ?
Si tel était le cas, vous prouveriez enfin que vos engagements ne sont pas que des mots, mais une volonté d'oeuvrer pour la cohésion sociale. Mais voilà bien longtemps que vous avez oublié ce concept de cohésion sociale, ce qui m'amène à penser qu'une nouvelle fois, l'été sera l'instrument utile de votre volonté de faire régresser le droit social dans le dos des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Christian Eckert, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Au terme de ce débat, je me contenterai, monsieur le ministre, d'évoquer cinq points qui sont autant de bonnes raisons de ne pas voter votre mauvais texte, que vous qualifiez d'historique. Vous noterez toutefois que l'histoire a plutôt retenu le nom de ceux qui ont résisté et oublié ceux qui ont plié et cédé aux sirènes des modes et des tendances au nom d'une prétendue modernité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Une première réflexion, de forme, sur le timing : une fois de plus, l'été, les vacances, le moment où les Français aspirent à la détente et précisément celui que choisit votre gouvernement pour porter insidieusement des mauvais coups aux salariés. Pourquoi, sous couvert de réforme, de rénovation et de modernisation, plusieurs textes sortent-ils en quatrième vitesse, sans nous laisser le temps du vrai travail parlementaire ? Attention : les Français, au nom desquels je parle – pas plus, mais pas moins non plus que n'importe quel député dans cet hémicycle –, mesurent maintenant dans votre bouche le sens des mots « réforme », « rénovation » ou « modernisation » !
Deuxième réflexion : votre texte est dangereux – M. Vercamer lui-même en convient.
Mais, rassurez-vous, monsieur le ministre, le Nouveau Centre menace souvent, mais vote toujours !
Vous privilégiez les accords d'entreprise, vous niez le rôle de l'inspection du travail, vous bradez les repos compensateurs et, cerise sur le gâteau, vous osez dire, écrire et faire voter une phrase selon laquelle, à défaut d'accord, l'employeur fixe un nombre de jours de travail de façon unilatérale. Belle confiance dans les partenaires sociaux !
Troisième réflexion : vous prenez appui sur le dialogue social pour casser le droit du travail. Vous niez un constat essentiel : celui de l'inégalité, qui vient d'être rappelée, entre le salarié et l'employeur, le premier étant dépendant du second, subordonné à lui pour ce qui le fait vivre – son emploi et le salaire qui nourrit sa famille. Seul paravent à cette inégalité de la relation, à la fragilité du salarié, surtout dans les petites entreprises, l'union et l'organisation des salariés ont permis à nos sociétés d'élaborer un code du travail. Or, c'est cela que vous détruisez en renvoyant le dialogue social à l'échelle la plus basse – celle de l'entreprise avant celle de la branche, voire, selon l'article L. 3122-42, celle du salarié seul face à l'employeur. Interrogez-vous sur le sens que prend le mot « volontaire » pour un salarié qui se trouve face à celui qui peut le placardiser, le muter ou le pousser au départ prétendument volontaire ou « amiable », comme on dit désormais.
Quatrième réflexion : vous parlez du pouvoir d'achat. Parlons-en en effet, car c'est évidemment la grande préoccupation de nos concitoyens ! Votre seule réponse, c'est : « travailler plus ». Jamais vous ne remettez en cause la répartition des richesses. Le pacte non écrit selon lequel un tiers du profit va au capital, un tiers à l'investissement et un tiers aux salariés est fini : le maximum au capital, des miettes aux salariés. Vous oubliez le principe clair et simple qu'il faut payer le travail à son juste prix. Vous vouliez libérer la croissance – tantôt avec les dents, tantôt avec M. Attali, dont, curieusement, plus personne ne parle aujourd'hui. On voit les résultats : l'exonération des droits de succession, le bouclier fiscal ont eu un effet nul sur la croissance ; pas de coup de pouce au SMIC, ni aux retraites. Bref, votre modèle économique est : « travailler plus pour, au mieux, maintenir votre pouvoir d'achat ». Assumez-le, mais sans nous.
Cinquième et dernière réflexion, majeure : quelle société voulez-vous bâtir pour demain ?
Votre texte contredit l'histoire sociale. Les gains de productivité ne profitent plus aux salariés, mais aux fonds de pension. Vous culpabilisez les Français, dont vous dites à tort, comme l'a parfaitement démontré notre collègue Pierre-Alain Muet, qu'ils travaillent moins que les autres. Vous ignorez le stress au travail, vous pressurez le salarié, vous envisagez de généraliser le travail le dimanche… Et pourquoi pas la nuit ? Pourquoi pas les enfants ? Vous ouvrez la porte à la concurrence sociale par le bas, réduisant les droits sociaux à être, entreprise par entreprise, la variable d'ajustement des marges bénéficiaires de ces dernières. Allez donc dire aux familles monoparentales, aux femmes, aux travailleurs pauvres, que leur épanouissement personnel, leur vie sociale, leur vie familiale, c'est de travailler sans protection de leurs droits !
Oui, monsieur le ministre, si c'est la société que vous voulez bâtir, vous le ferez sera sans nous. Vous qui n'avez à la bouche que la valeur travail, cette valeur, commencez par la reconnaître à l'aune de sa rémunération. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Je me tournerai tout d'abord vers le rapporteur Jean-Frédéric Poisson, pour saluer à nouveau la qualité des travaux de la commission…
…et lui dire qu'il a prononcé tout à l'heure un mot dans lequel il me semble que nous pouvons tous nous retrouver : celui de « révolution ».
En partant de la base, des entreprises, au plus près du terrain, nous avons fait tout le contraire de ce qui se pratique d'ordinaire dans un pays souvent marqué par le centralisme et par une loi qui procède avant tout du sommet, et nous l'avons d'ailleurs fait en nous inspirant de ce qu'ont voulu les partenaires sociaux dans la partie du texte consacrée à la démocratie sociale. Partir de l'entreprise, c'est en effet une révolution.
Avec ce projet de loi, ce sont les salariés qui choisiront par leur vote aux élections professionnelles quels seront les syndicats habilités à les représenter et à négocier en leur nom. Avec ce projet de loi, c'est dans l'entreprise, au plus près du terrain, que les négociateurs pourront déterminer ensemble les modalités d'organisation du temps de travail les mieux adaptées à leurs besoins, en faisant enfin plus simple.
Je souscris également à son analyse des liens entre démocratie sociale et démocratie politique : chacun doit bien prendre ses responsabilités.
Votre rapporteur pour avis Jean-Paul Anciaux a remarqué à juste titre que l'adoption du texte va permettre de développer le droit à la négociation collective dans les entreprises – sujet auquel je le sais très sensible depuis longtemps. Ce droit est, en quelque sorte, consacré par la loi de 1971, car nous savons bien que les acteurs de terrain sont les mieux placés pour trouver entre eux, dans le dialogue, les solutions adaptées. Il est vrai aussi que le thème du temps de travail est essentiel pour la négociation collective : parler de l'organisation du travail, c'est parler de l'ensemble de la vie de l'entreprise, de son évolution, mais aussi de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle.
Pierre Méhaignerie a aussi cité la Suède, pays où les textes légaux relatifs au temps de travail tiennent en quelques pages seulement, car l'essentiel est la négociation collective qu'ils fixent. La Suède a longtemps fait figure de référence sur tous les bancs de votre assemblée. Les salariés suédois sont-ils moins bien protégés que les salariés français ? Vous avez la réponse sur tous les bancs. Je n'ai pas le sentiment – tant s'en faut ! – que la protection soit moindre au Nord qu'au Sud de l'Europe. Or la négociation collective y tient une place importante, que nous allons lui permettre d'occuper aussi en France.
Madame Billard, vous avez indiqué que ce projet de loi allait autoriser la semaine de 48 heures par accord d'entreprise. Il faut être précis : puisque vous soutenez qu'on ne peut pas aujourd'hui travailler jusqu'à 48 heures, y compris par accord d'entreprise, pouvez-vous m'indiquer où cela figure dans le code du travail ? Qu'est ce qui, dans notre projet, aboutirait à la semaine de 48 heures ? J'ai tout mon temps : dites-moi à quel article et à quel alinéa cela figure !
Je vous l'ai dit : comme il n'y a plus de limite, on peut travailler 60 heures par semaine !
On peut asséner des certitudes, couper la parole, mais je vous affirme que je suis prêt à vous donner tout le temps de parole qui revient au Gouvernement…
Je le prends demain ! (Sourires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Pas de problème ! (« Elle le fera ! » sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
…pour que vous puissiez me prouver ce que vous affirmez. Je vous demande de démontrer, durant la discussion des articles, ce que vous avancez sur les durées maximales de travail. Je vous le répète, le texte n'en change pas une virgule ; mieux, elles sont renforcées dans la mesure où l'on ne pourra plus y déroger par voie conventionnelle, comme pour les forfaits annuels en heures, et le recentrage de la loi sur les principes fondamentaux du droit du travail va, lui aussi, leur donner davantage de force.
Francis Vercamer a salué l'ambition du projet de loi, en particulier s'agissant de la réforme de la représentativité syndicale, et je l'en remercie. Il a rappelé son attachement au pluralisme syndical, que nous partageons. Seuls les salariés détermineront, par leur vote dans l'entreprise, le poids, le nombre et la place des organisations syndicales ; personne d'autre : ni une organisation syndicale, ni un parti politique, ni le Gouvernement. Nous donnons aux salariés les clefs pour qu'ils décident eux-mêmes.
M. Vercamer ne souhaite pas que l'audience soit l'unique critère de représentativité des organisations syndicales ; nous non plus. C'est pourquoi la liste des critères a été rénovée – enfin ! – pour y intégrer le respect des valeurs républicaines ou la transparence financière. Le pluralisme n'est réel et vivant que si les syndicats bénéficient d'une légitimité renforcée et renouvelée, car que vaudrait un pluralisme où les parties ne représenteraient qu'elles-mêmes et n'engageraient pas réellement les salariés ? Cela a pourtant été la réalité pendant des années dans le monde du travail, dans le monde de l'entreprise. Voilà tout l'équilibre que le texte, à la suite de la position commune, vise à établir. C'est pour cela d'ailleurs que nous parlons bien d'un seuil de représentativité de 8 % au niveau national, par rapport à un seuil de 10 % dans l'entreprise : il s'agit de trouver l'équilibre entre le pluralisme et la légitimité électorale.
Enfin, je me réjouis que vous soyez favorable au fait de donner plus de souplesse à la gestion du temps de travail dans l'entreprise.
Benoist Apparu a tenu à rappeler la méthode que nous avons choisie, et je l'en remercie. C'était déjà clair depuis la campagne présidentielle, depuis également le discours du Président de la République devant l'AJIS, le 18 septembre 2007, mais aussi à la télévision, en novembre ; et le Premier ministre a précisé les choses noir sur blanc en décembre. Voilà pourquoi nous sommes allés plus loin que l'article 17 de la position commune. J'ai tout de suite déclaré qu'il y avait des divergences sur cet article : assumons-les. L'article 17, c'était quasiment le statu quo.
Ah non ! Il prévoyait la voie expérimentale pour le dépassement des contingents annuels !
Pourquoi alors, monsieur Muzeau, est-il précisé dans tout le texte de la position commune que 30 % d'avis favorable serait un seuil suffisant, sauf à cet article, où il était prévu 50 % ?
Eh oui, forcément ! Merci de cet aveu !
J'aime quand vous avouez, monsieur Muzeau, je dois le confesser…
Nous voulons permettre davantage d'heures supplémentaires pour assouplir enfin les rigidités des 35 heures imposées. Ce n'est pas du statu quo, mais de la souplesse dont les entreprises ont besoin. Voilà la vérité et la réalité du monde du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Gorce a parlé de « délire obsessionnel » sur les 35 heures. Mais qui en est victime ? Je ne sais si cela traduit, de la part du parti socialiste, une nostalgie, un attachement passéiste.
Voilà ce qu'on dit quand on ne sait plus quoi dire, monsieur le ministre !
Peut-être qu'il s'agit de sa part d'une forme de syndrome de Stockholm parce qu'il a été lui-même d'une certaine façon otage des 35 heures, étant obligé d'être le rapporteur du projet de loi Aubry. L'opposition à notre projet de loi ne viserait-elle pas à masquer de la part du parti socialiste une interrogation de fond sur les 35 heures ? Au fait, vous, députés du groupe socialiste, êtes-vous pour ou contre la généralisation des 35 heures ? Je vous pose la question parce qu'avec Mme Royal l'an dernier, on avait du mal à s'y retrouver !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non, elle est pour !
M. Gorce a aussi dit que la France est l'un des pays où le nombre d'heures travaillées par personne employée est le plus faible. C'est faux ! Il fait la même erreur que M. Muet – j'aurai l'occasion d'y revenir : c'est le nombre d'heures travaillées global qui est inférieur à la moyenne des pays européens. Je comprends mal pourquoi on ne pourrait pas augmenter la durée collective du travail en augmentant la durée individuelle.
J'aimerais bien d'ailleurs que l'on m'explique certains points obscurs de l'argumentation de M. Gorce et de M. Muet.
M. Perrut a souligné que la modernisation de notre pays n'est pas dissociable de la modernisation de notre démocratie sociale. Et c'est vrai. Nous avons, en cette année 2008, trois modernisations importantes devant nous : la modernisation des institutions, la modernisation de l'économie, la modernisation de la démocratie sociale. C'est une condition essentielle que celle qui consiste à renforcer significativement la légitimité des acteurs du dialogue social, et donc à soutenir son élargissement. Des négociateurs plus légitimes et une négociation disposant de plus d'espace, telle est notre logique et celle des deux rapporteurs,Jean-Frédéric Poisson etJean-Paul Anciaux.
Monsieur Gilles, vous avez évoqué des dérogations individuelles permettant d'aller jusqu'à soixante ou soixante-cinq heures. Mais j'ai dit au Conseil européen de Luxembourg que jamais la France n'utiliserait cette faculté d'opt-out. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cela a été inscrit au procès-verbal de ce conseil ! Cela a été redit en audition devant votre commission ! Puisqu'il le faut, je le répète ce soir à cette tribune !
Pouvez-vous me dire, monsieur Gilles, à quel endroit du texte vous voyez le chiffre de 60 heures ou 65 heures ? Où voyez-vous qu'un tel dispositif serait possible ? Je pense que nous aurons tout le temps pour que vous puissiez nous en faire la démonstration – si tant est qu'elle soit possible, ce qu'elle n'est pas.
Dominique Tian, vous avez évoqué la question des sous-traitants. Nous devons avancer sur le sujet, mais je vous rappelle que le législateur a connu deux déconvenues constitutionnelles. Nous devons donc avancer avec prudence, en tenant compte de certaines règles juridiques.
Il nous faut régler les problèmes pratiques posés, et nous allons nous y employer avec les rapporteurs.
Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. Marc Dolez et Régis Juanico ont voulu parler de la négociation d'entreprise.
Ils ont indiqué que nous voulions replacer la négociation d'entreprise au coeur du débat. C'est vrai, et nous l'assumons. En effet, c'est celle qui est la plus proche des salariés, et, de plus, elle sera garantie par l'exigence d'un seuil de 30 % d'avis favorables – et de 50 % au plus d'avis défavorables – pour valider un accord, et encadrée par des dispositions d'ordre public, notamment celles relatives à la santé et au travail. En outre, la négociation d'entreprise rompt avec une tendance majoritaire au sein de l'Union européenne, qui tend à faire de la relation individuelle le centre de gravité de la relation de travail. Pour ma part, je préfère l'accord collectif à l'accord individuel. Le centre de gravité en France, c'est l'accord collectif.
Quant à M. Muet, j'ai noté qu'il était visiblement davantage intervenu à cette tribune en économiste qu'en parlementaire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En tout cas, si c'était l'économiste, je comprends mieux les contresens du parti socialiste en matière économique. C'était beaucoup plus clair tout à l'heure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) M. Muet est un des derniers défenseurs du partage du travail. Or ce qui nous manque en France, c'est le travail,…
…et on ne peut pas partager ce qui manque. Il faut créer des richesses, et comment les créer, sinon par le travail ? Voilà encore une vérité qu'au parti socialiste, vous ne partagez certainement pas avec nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je rappelle que les 35 heures, c'est certainement l'une des idées qu'on a le moins exportée en Europe. C'est avec des raisonnements de cette nature que vous, au parti socialiste, continuez à faire la preuve que, plus de dix ans après, vous n'avez toujours rien compris aux besoins de la France en termes de travail, et que vous n'avez rien compris non plus à la valeur-travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et cela ne vous a porté chance ni en 2002 ni en 2007. Continuez à professer, avec cette belle assurance, des chimères totalement rétrogrades ; pendant ce temps, nous, nous continuerons à améliorer et à réformer la France.
En ce qui concerne les chiffres d'EUROSTAT relatifs à la comparaison internationale du temps de travail, s'agissant du nombre d'heures travaillées par semaine en 2007, c'est encore plus clair en se référant au travail à temps plein (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et en intégrant les heures supplémentaires.
Nous avons les chiffres, monsieur le ministre, nous allons vous les donner !
Quel est le pays qui arrive en dernier ? Ce sont les Pays-Bas, avec 40,9 heures ; ensuite, c'est la France, avec 41 heures, alors que, par exemple, la Grèce est à 43,8 heures. Cela montre bien que vous n'étiez pas si sûr de vous, monsieur Muet,…
…et que nous avons un besoin impératif de permettre d'effectuer davantage d'heures supplémentaires. Je vous remercie d'avoir fait la démonstration, monsieur Muet, que votre argument chiffré de tout à l'heure n'était qu'un effet de manche, un effet de tribune. (Mêmes mouvements.)
Mme Coutelle a évoqué la dérégulation. Je vais donc poser trois questions très simples : quelle est la majorité qui a mis en place un plan « Santé au travail » et la conférence sur les conditions de travail ? La nôtre. Qui a institué le plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail en passant le nombre d'inspecteurs et de contrôleurs de 1 300 à 2000 ? Encore notre majorité. Qui a soulevé le problème de la répartition entre ce qui relève de l'ordre public social et du champ de la négociation ? Toujours cette majorité. Il y a le mythe, mais il y a la réalité ; il y a les discours, mais il y a les faits. C'est une différence de fond entre vous et nous. C'est aussi la différence qu'ont vue les Français en 2002 et en 2007.
Avec vous, monsieur Liebgott, nous avons vécu un moment rare dans cet hémicycle.
Dire que les Français rêvent d'une politique socialiste, il fallait oser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Quel dommage que le prix de l'humour politique ait déjà été décerné hier soir ! Je ne sais quelle influence je peux avoir sur la désignation du prochain lauréat, mais je vous assure que vous pouvez concourir pour l'année prochaine, monsieur Liebgott. Félicitations ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame Lemorton, vous pensez que les chiffres de 1997 à 2002 vous ont donné raison, mais c'est à cause des mêmes chiffres que les Français, eux, vous ont donné tort. Comme vos collègues, vous avez à nouveau la possibilité, comme à chacun de nos débats, de cesser l'idéologie, d'arrêter les discours, et de vous concentrer, vous aussi, sur des réformes possibles. Mais, à chaque fois, il vous manque le courage politique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) parce que vous avez une grille de lecture d'un archaïsme sans nom, un archaïsme qu'aucun parti socialiste en Europe aujourd'hui ne revendique comme vous.
Le pire, c'est que l'occasion vous est donnée de changer, et que vous ne le faites pas. Je ne sais pas pourquoi. Êtes-vous tous paralysés par les effets de courant ? Est-ce la perspective du mois de novembre qui vous terrorise ? Je n'en sais rien. Vous défiliez tout à l'heure à la tribune comme pour une répétition avant le congrès de Reims, on l'a bien vu ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame Lemorton, comme M. Ménard et comme M. Eckert, vous avez parlé de dérégulation, de casse du droit du travail… Je vous garantis que les partenaires sociaux dans l'entreprise, ils vont apprécier ! Croire dans le dialogue social, ce n'est pas se laisser aller à des incantations, ce n'est pas non plus empiler les lois, c'est aussi lui offrir des occasions concrètes de s'exprimer là où le besoin s'en fait sentir.
Ainsi, s'agissant du stress au travail, c'est nous qui avons lancé les choses,…
…et ces sont les partenaires sociaux qui vont se réunir pour négocier sur la question.
Quant à la valeur travail, c'est nous qui l'avons portée pendant la campagne et ce sera le fil conducteur de ce quinquennat. Il est temps que vous retrouviez aussi le sens de la valeur travail, messieurs les socialistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le ministre, nous avons, il y a peu de temps, constitué une mission d'information commune pour donner l'avis de notre assemblée sur les grandes données économiques et sociales, sur la mesure du chômage, du pouvoir d'achat, de la croissance. Trois commissions m'ont fait l'honneur de me demander de présider cette mission d'information, dont le rapporteur était mon collègue Hervé Mariton. Je voudrais donc que, lorsqu'on on débat sur des chiffres, l'on soit précis. Les chiffres d'EUROSTAT que j'ai donnés tout à l'heure, je peux vous les remettre : il s'agit de la durée hebdomadaire moyenne travaillée de l'ensemble des salariés, c'est-à-dire des temps pleins et des temps partiels.
Vous le verrez, cette durée est de 29,5 heures au dernier trimestre pour les Pays-bas, de 36,5 heures pour la France. Vous pouvez demander à n'importe lequel de vos collaborateurs de les trouver sur Internet et de vous en sortir un exemplaire, comme je viens de le faire. Je vous en fais cadeau. Internet vous permet de les vérifier en dix secondes !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ah non !
Non, monsieur le président, parce que mon intervention est liée au déroulement de la séance. On peut être en désaccord sur l'interprétation des chiffres, mais il faut s'appuyer sur des statistiques fiables, qui peuvent être reconnues et vérifiées par tout le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je vous la donne, monsieur Vidalies, mais j'espère que votre intervention s'inscrit bien dans ce cadre.
C'est le cas, monsieur le président.
Compte tenu de ce qui vient de se passer, et du fait que je suis le responsable de mon groupe dans ce débat,…
…je regrette que, sur des sujets de cette nature, il ne soit pas possible d'avoir…
…un débat sérieux sur des chiffres. Tout le monde, hélas ! a vu ce qu'il en était.
Il y a deux manières de calculer le nombre d'heures travaillées, selon que l'on considère seulement ceux qui exercent à temps plein ou qu'on prend également en compte ceux qui effectuent un temps partiel, système auquel certains pays recourent massivement. En fonction de la méthode choisie, on en déduira – ou non – que les salariés travaillent plus dans les autres pays qu'en France. Chacun le sait : c'est toute la problématique des 35 heures qui est posée par ce biais.
Quoi qu'il en soit, nous n'acceptons pas l'arrogance avec laquelle M. le ministre continue à brandir ses feuilles, comme s'il était seul à détenir la vérité,…
…alors qu'il cite des chiffres tronqués, et il le sait parfaitement.
C'est pourquoi je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance de cinq minutes.
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 2 juillet 2008 à zéro heure trente, est reprise à zéro heure quarante.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la session extraordinaire verra cette année se chevaucher trois projets de loi majeurs : la réforme des institutions, la modernisation de l'économie et le texte qui nous occupe : le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail,…
Vous les votez tous les trois ?
…sans oublier la tenue d'un Congrès, dont la date reste en principe fixée au 21 juillet, afin d'adopter la révision constitutionnelle destinée à sauver un traité de Lisbonne mort-né.
Nous sommes fondés à nous interroger. À l'heure où le Gouvernement annonce à qui veut l'entendre qu'il veut renforcer les pouvoirs du Parlement, est-ce là une méthode de travail digne ? Il serait plus judicieux de considérer que le temps du Parlement n'est pas celui des annonces du Président. L'élaboration des textes législatifs suppose en effet concertations et évaluations. Elle appelle des arbitrages. Dans sa volonté d'aller vite, le Gouvernement s'est fait oublieux des nécessités du débat, de la concertation et de la démocratie.
Cette position n'est tout simplement pas acceptable et justifierait à elle seule le renvoi en commission. Quand on prétend réformer nos institutions pour y apporter plus de démocratie, on commence par ne pas user de tels procédés et ne pas ressortir les bonnes vieilles méthodes, qui consistent à déclarer l'urgence et à profiter de la période estivale pour tenter de faire avaler à nos concitoyens les pilules les plus amères.
Certes, force est de constater que le Gouvernement affiche une belle confiance dans l'issue favorable de la présente réforme. Il est vrai que les attaques en règle contre les 35 heures font toujours et facilement recette auprès d'une majorité et d'un MEDEF revanchards, qui privilégient une approche idéologique, en caressant ouvertement l'espoir de mettre à mal toute idée de durée légale et de limitation du temps de travail.
Mais, malgré la démarche autoritaire et contestable du Gouvernement, qui a imposé au forceps, au mépris du tout dialogue social, un volet « réforme du temps de travail » au projet de loi sur la représentativité syndicale, la position de la majorité est des plus conciliantes. Il y a eu l'oukase de M. Devedjian, la correction de M. Raffarin, la reprise en main de M. Bertrand et, pour conclure, M. Copé a indiqué sans aucune ambiguïté : « L'UMP est solidaire à 100 % du Président et du Gouvernement », lequel aurait toute légitimité pour remédier « à cette catastrophe des 35 heures. » Fermez le ban !
Apparemment, l'engagement pris durant la campagne présidentielle de revenir sur la réduction du temps de travail justifie largement que soit sacrifiée la parole donnée aux partenaires sociaux et que l'on en revienne à la pratique des coups de force, aux chantages et aux intrusions brutales de l'exécutif dans le domaine du droit social.
Oubliées, les belles déclarations d'intentions du chef de l'État qui, dans une tribune intitulée « Pour des syndicats forts », publiée dans Le Monde du 19 avril, prétendait rompre avec « notre histoire sociale suffisamment jalonnée de projets menés à la hussarde, sans concertation, et qui se sont soldés par de retentissants échecs. » Oublié, monsieur le ministre, votre discours sur les vertus du dialogue social rénové, vos engagements et vos exhortations au respect de la lettre et de l'esprit des accords issus des négociations entre les partenaires sociaux !
Face aux 35 heures qui, rappelons-le, ne concernent pas tous les salariés – en 2007, 5,5 millions d'entre eux n'en bénéficiaient toujours pas – mais qui sont toutefois rendues responsables de la perte de compétitivité de la France, de la chute du pouvoir d'achat, voire de la paresse généralisée de nos concitoyens et que sais-je encore, les exigences de concertation préalable posées par la loi de modernisation du dialogue social, datant de janvier 2007, n'ont pas fait le poids.
Hier encore soufflait un vent nouveau supposé favorable à la transformation de nos relations sociales. Devant cette même assemblée, vous défendiez, monsieur le ministre, la transposition, à la virgule, près de l'accord national interprofessionnel portant modernisation du marché du travail. Mais il est vrai que son contenu ouvrait la voie à plus de flexibilité et que vous ne pouviez que l'agréer.
Aujourd'hui, les résultats de la négociation sur la représentativité et sur le financement du syndicalisme ne vous satisfont pas totalement. Un seul point de la position commune signée en mai dernier par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME – sans lien avec l'objet central des discussions, mais jugé sans doute trop peu consistant puisqu'il ne permet pas de faire sauter tous les verrous à la déréglementation totale du temps de travail – aura suffi à persuader le Gouvernement de changer de méthode et de renier ses engagements, au risque de se mettre à dos les centrales syndicales et de les fragiliser, au moment même où elles sont invitées à évoluer pour regagner du poids et de la légitimité.
Vous êtes pleinement conscient des tensions entre les organisations syndicales sur la question des voies et moyens du renforcement de leur représentativité et des pressions exercées par le MEDEF pour promouvoir un droit plus contractuel, faisant du code du travail l'accessoire et de la négociation d'accord d'entreprise dérogatoire, le principal.
En pleine connaissance des risques supplémentaires d'échec que vous faisiez courir à la négociation, vous avez ajouté à la feuille de route de la représentativité le sujet très sensible du temps de travail. Vous saviez pourtant que beaucoup doutaient de la réussite de cette négociation, compte tenu de l'accueil peu favorable que représentait, en 2006, le plaidoyer du CES pour une majorité d'engagement et pour la refondation de la représentativité des syndicats sur la base d'une mesure de leur audience par l'élection.
Les organisations syndicales avaient-elles d'autre choix que de négocier âprement un compromis défensif, en réponse à la demande du Gouvernement de « faire de la durée du travail un champ d'action privilégié pour un dialogue social de qualité » ?
Au cours de nos débats, nous aurons maintes fois l'occasion de revenir sur ce qu'autorisait exactement l'article 17 de la position commune. D'aucuns, les signataires, mais aussi la CFTC et FO, non signataires, considèrent qu'il représentait une concession de taille aux organisations patronales qui souhaitaient de longue date que la durée légale soit négociable, et que puissent être fixés par accord d'entreprise le contingent d'heures supplémentaires, les repos compensateurs, voire les seuils de déclenchement de ces heures supplémentaires et leur taux de rémunération.
Votre piège est en passe de se refermer sur les signataires de l'accord et les organisations syndicales de salariés. Le MEDEF a beau tenir des propos durs à votre endroit, monsieur le ministre, il n'arrive pas à nous convaincre de sa volonté réelle de s'en tenir à la position commune et à son article 17.
Vous auriez voulu affaiblir les syndicats que vous ne vous y seriez pas pris autrement. Au final, à refuser obstinément d'entendre la demande solennelle de la CFDT et de la CGT, qui souhaitent disjoindre du projet de loi le titre II consacré à la réforme du temps de travail, vous faites le jeu de ceux qui se satisfont aujourd'hui de ce que rien ne change, surtout en matière de règles de représentativité, de validation des accords, et de droits d'intervention et de représentation de tous les salariés, y compris dans les petites entreprises.
Faut-il penser que vous êtes prêts à maintenir sous perfusion un syndicalisme minoritaire bienveillant à l'égard des branches patronales et des chefs d'entreprises ? Monsieur le ministre, j'ai peine à croire, comme nous y invite de leader de la CFDT, que vous seriez homme à renvoyer avec dédain et légèreté les organisations syndicales à la seule posture possible, celle de la contestation.
Votre stratégie de la réforme peut, malgré tout, avoir sur le court terme des effets bénéfiques s'il s'agit de flatter, à grand renfort d'arguments populistes, un certain électorat ou de tenter de faire oublier les échecs de votre politique économique, les prévisions de croissance de l'INSEE, l'inflation record, la consommation en berne, la violence de la situation économique et sociale faite à des millions de Français qui ne voient rien venir concernant leur pouvoir d'achat.
Toutefois, en braquant les projecteurs sur l'emblématique réforme du temps de travail, en la traitant à la hussarde, vous n'éclairez plus les enjeux de la réforme de la représentativité des organisations syndicales, vous détournez l'attention de la nécessaire remise à plat de notre démocratie sociale.
Voilà pourquoi nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi. Nous estimons en effet que la sagesse commandait d'examiner deux textes distincts. Par ailleurs, la seconde partie, relative au temps de travail, ne fait droit ni aux exigences de concertation ni aux règles élémentaires de prudence ?
Qu'il soit, en d'autres termes, nécessaire de rénover en profondeur les règles de la représentativité syndicale ne fait pas discussion. La présomption irréfragable a vécu ; le faible taux de syndicalisation, l'émiettement syndical, les suspicions entretenues sur la transparence financière et l'indépendance des organisations syndicales, la relance de la négociation, l'élaboration des droits syndicaux interprofessionnels hors cadre de la relation classique de salariat qui n'est plus la norme générale, sont autant d'enjeux qui doivent être traités en urgence.
La position commune apporte-t-elle toutes les solutions ? C'est une autre question. Car si le texte permet d'enregistrer de réelles avancées, il présente aussi de sérieuses lacunes.
L'article 1er revient sur les critères cumulatifs de la représentativité des organisations syndicales. Pourquoi monsieur le ministre, inverser l'ordre établi dans la position commune ? Il est permis de penser que cela vise à inverser l'importance relative de chacun des critères, de réduire le poids de l'audience et de l'influence.
L'article 1er fait disparaître la référence désuète à l'attitude patriotique pendant l'occupation et met surtout concrètement fin au principe de présomption irréfragable de représentativité. Cette évolution était attendue depuis au moins une dizaine d'années. Elle trouvait sa préfiguration dans l'avis formulé, en 2006, par le Conseil économique et social sur la représentativité syndicale.
Le projet de loi abroge l'arrêté de 1966 qui reconnaît à cinq syndicats le monopole de la représentativité. Demain, les organisations qui frappent à la porte depuis de nombreuses années pourront donc se voir reconnaître le droit de négocier des accords interprofessionnels nationaux, de présenter des candidatures dès le premier tour des élections professionnelles, voire de siéger dans des instances paritaires telles que l'assurance-chômage ou l'assurance-maladie. Il leur faudra auparavant faire la preuve de leur représentativité en se présentant devant les salariés. Un label dont la valeur sera déterminante pour définir les contours du futur paysage syndical.
Le MEDEF s'opposait de longue date à la refonte de la représentativité, pour des motifs évidents. Il a usé et abusé ,de même que ses fédérations patronales, des accords minoritaires qui ont pesé négativement sur la vie de millions de salariés. L'organisation patronale redoutait de voir émerger des interlocuteurs renforcés dans leur légitimité – et du coup moins conciliants.
Il ne fait nul doute, sur ce plan, que le projet de loi, en reprenant les termes de la position commune, va permettre aux organisations syndicales de mieux exercer leurs rôles et de mieux répondre aux attentes des salariés.
La principale innovation introduite par la position commune et le projet de loi consiste à asseoir la représentativité sur l'élection professionnelle dans les entreprises, et non plus sur les élections prud'homales.
Cette disposition soulève plusieurs difficultés dans la mesure où, de fait, se voient exclues les entreprises de moins de dix salariés, les entreprises sans représentation syndicale et les demandeurs d'emploi. Ce qui pose d'autres problèmes : risque d'une surreprésentation des syndicats des grandes entreprises dans certaines branches, risque de dilution de la représentativité locale au niveau national, ou de certaines entreprises au niveau de l'établissement ou du groupe, compte tenu des seuils nouvellement imposés par la loi. Il faut demeurer conscient de ces difficultés. Des aménagements seraient sans doute utiles. Le principal bénéfice du texte reste de permettre une appréciation périodique de la représentativité tous les quatre ans au plus, selon le projet de loi. Ce délai nous paraît toutefois sensiblement trop long, et nous voulons le ramener à deux ans.
Nous sommes plus circonspects sur les nouvelles règles de validité des accords collectifs. Si l'exposé des motifs du projet de loi précise qu'il s'agit bien, à travers ces dispositions, de préparer la transition vers un mode de conclusion majoritaire des accords collectifs, il reste qu'aux termes de l'article 6, tout accord collectif devra, pour être valide, avoir été signé par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages, sous réserve de l'opposition éventuelle des syndicats ayant recueilli 50 % des suffrages.
C'est un premier pas vers la reconnaissance du principe de l'accord majoritaire. Mais un premier pas seulement : nous voudrions que le taux de 30 % des suffrages passe à 50 %.
L'article 7 comporte des dispositions que nous jugeons dangereuses puisqu'il s'agit d'ouvrir, à toutes les entreprises de moins de 200 salariés dépourvues de délégué syndical, la possibilité de négocier avec des élus du personnel ou un salarié mandaté.
À tout le moins, nous jugeons indispensable d'exclure du champ de ces négociations celles relatives au temps de travail négocié, telles que proposées dans la seconde partie de votre projet de loi.
Je consacrerai la suite de mon propos à cette seconde partie, puisque c'est bien la réforme du temps de travail qui légitime le dépôt de la présente motion.
La réforme que vous nous proposez est une des plus dangereuse qu'il nous ait été donné d'examiner dans un agenda pourtant chargé en mauvais coups sociaux.
Votre réforme vise à faire mentir Lacordaire qui affirmait qu'entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. Elle organise en effet un système de servitude dont le vernis volontariste n'entame en rien la gravité des conséquences sur les conditions de travail, la santé des salariés, la reconnaissance du droit de chacun à une vie familiale normale.
Pourquoi un tel acharnement contre les 35 heures ? Pourquoi un tel déferlement de propos populistes et mensongers sur les prétendus effets néfastes de la réduction du temps de travail ?
C'est la septième fois en six ans que la droite légifère sur la durée du travail ou des sujets proches. Pour votre majorité comme pour les organisations patronales, le but n'est pas de renouer avec le statu quo ante qui prévalait avant la réforme des 35 heures, mais de servir l'ambition d'une dérégulation complète du temps de travail.
Vous vous donnez comme modèle le système américain d'un marché totalement libre. Mais ce que vous ne dites pas, c'est qu'aux États-Unis, la durée moyenne de travail de l'ensemble de la population active, temps partiels compris, est de 33,7 heures contre 36,2 heures en France. D'innombrables petits boulots s'y sont développés. Cette précarité crée une pression sur les salariés à temps plein, et donc sur les conditions de travail et le niveau des salaires.
L'objectif de votre Gouvernement n'est donc pas tant d'augmenter le temps de travail que de renforcer, par cette précarité, un rapport de force en faveur du patronat dans les négociations salariales. Avec ce système, aux États-Unis, la part du PIB destinée aux salaires est retombée au niveau de 1929 !
Au fond, la question n'est pas tant de savoir s'il faut remettre en cause les 35 heures dans leur principe, que de savoir si la productivité doit profiter aux actionnaires, aux salariés, ou bien aux deux. Vous avez tranché cette question en faveur des premiers, n'offrant aux salariés que les miettes qu'ils pourront grappiller en travaillant toujours plus.
Monsieur le ministre, votre fameux « donnant-donnant », c'est plutôt : « Donne-moi ta montre et je te donnerai l'heure ». (Rires)
Je croyais que c'était la devise des socialistes !
Pour quelques-uns, c'est un peu cela… Mais vous découvrez que c'est désormais la vôtre, monsieur le ministre !
Puisque nous parlons horaire, il me semble que vous parlez depuis longtemps, monsieur Muzeau…
Allons, cela ne fait que quinze minutes !
Il n'est pas inutile de rappeler que les 35 heures ont donné lieu à plus de 40 000 accords majoritaires qui, comme tout accord, ont été conclus non pas au seul bénéfice des salariés, comme vous ne cessez de vouloir le faire croire, mais moyennant des contreparties considérables au profit des employeurs, en termes de modération ou de gel salarial, d'une part, et d'une flexibilité accrue, d'autre part.
Si vous entendiez supprimer les acquis des salariés,…
Mais ce n'est pas le cas !
…il vous aurait fallu « en miroir » revenir sur les acquis patronaux, qui ne sont pas minces, comme le rappelait Mme Bachelot.
Soulignons également que tous les pays qui ont un faible taux de chômage sont ceux où la durée effective du travail, temps partiel compris, est la plus faible : elle est ainsi de 29,9 heures aux Pays-Bas, de 32 heures en Angleterre,…
Évidemment, vous comptabilisez les chômeurs qui travaillent zéro heure !
…et encore de 36,2 heures en France.
À nouveau, la question n'est pas de savoir si on est pour ou contre la réduction du temps de travail, mais de choisir entre une organisation négociée et une mise en place sauvage. Or cette dernière crée de la précarité : certains salariés travaillent beaucoup, et une grande partie des autres reste au temps partiel.
Déjà, aujourd'hui, en France, les créations d'emplois sont souvent de faible durée, environ 12 ou 15 heures par semaine. Ne vaudrait-il pas mieux augmenter le temps de travail de ceux qui sont à temps partiel, plutôt que de faire faire des heures supplémentaires à ceux qui sont déjà à temps plein ?
Votre texte aura des conséquences désastreuses sur les conditions de travail et de vie de nos concitoyens. Vous commencez en effet par modifier le contingent annuel des heures supplémentaires et par supprimer le repos compensateur. Vous ouvrez ainsi la voie à une utilisation massive des heures supplémentaires par les employeurs, sans les assortir d'aucune garantie en termes d'augmentation de salaires.
Actuellement, le contingent d'heures supplémentaires est fixé par la loi à 220 heures maximum et se négocie librement dans le cadre d'un accord de branche ou d'entreprise. L'autorisation de l'inspecteur du travail est requise pour tout dépassement. La loi prévoit également un repos compensateur des heures effectuées au-delà d'un certain seuil, généralement fixé à hauteur du contingent annuel. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, ce repos compensateur est fixé à 50 % et à 100 % dans les entreprises de plus de vingt salariés.
Votre projet de loi introduit une nouveauté en fixant les conditions dans lesquelles le contingent d'heures supplémentaires peut être dépassé, ce qui revient à vider de sa substance la notion même de contingent. Les modifications apportées par ce texte se solderont, d'une part, par la disparition de l'autorisation de l'inspecteur du travail qui pouvait interdire le recours aux heures supplémentaires afin de favoriser la création de nouveaux emplois, d'autre part, par la suppression du repos compensateur obligatoire, le texte ne fixant aucune durée minimale à la « contrepartie » désormais évoquée.
Il sera désormais loisible aux salariés volontaires de monétiser ce repos,…
…en dépit des principes de l'ordre public social, comme si le repos compensateur était un luxe, et non une exigence de santé publique !
Votre projet assouplit ensuite les possibilités de recours au forfait en jours, en reprenant à son compte la définition particulièrement extensive des salariés qui peuvent être concernés. Depuis la loi Aubry de 2000, celle-ci n'a en effet cessé de s'élargir. De certaines catégories de cadres, nous sommes passés à l'ensemble des cadres dits « autonomes », et aux salariés non-cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée.
Mais le texte introduit une nouveauté de taille. Alors que le forfait annuel en jours devait être mis en place par un accord collectif fixant le nombre maximal de jours, dans la limite de 218, le texte du projet de loi prévoit qu'il sera désormais possible à l'employeur, à défaut d'accord, de fixer lui-même ce nombre après simple consultation du comité d'entreprise.
La charge annuelle de travail ne sera désormais plus un thème de la négociation du forfait annuel : elle fera l'objet d'un simple entretien individuel annuel.
Il nous faut pourtant rappeler que la France a été condamnée par le Comité européen des droits sociaux pour avoir mis en place le régime dérogatoire du forfait annuel en jours, au motif que celui-ci permettait des durées de travail trop longues – les repos minimaux sont en effet de 11 heures par jour et de 35 heures consécutives par semaine. Pas plus que le précédent gouvernement, celui-ci n'en a cure !
Il ne s'intéresse pas plus à l'aggravation des conditions de travail des salariés depuis 2002, puisqu'il entend, au contraire, aggraver les conséquences déjà déplorables de la loi Aubry II et les conséquences du système managérial, qui prévaut aujourd'hui dans nombre d'entreprises et qui tend à développer, notamment chez les cadres, « une culture du surengagement liée notamment à la combinaison de la passion pour son métier, de l'ambition professionnelle et d'un système managérial qui s'appuie sur ces leviers pour atteindre des objectifs de plus en plus ambitieux ».
Je viens de citer les termes de l'enquête du cabinet d'expertise agréée par le ministère du travail et mandaté par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de Renault Technocentre où une série de suicides a été enregistré en l'espace de deux ans. J'ai reçu aujourd'hui, comme d'autres de mes collègues, un message du syndicat CGT de Renault Technocentre. Les conditions de travail décrites par ces salariés sont édifiantes. Elles sont l'illustration de pratiques et de situations que votre projet va tendre à normaliser et à étendre.
Dans la réalité, chez Renault Technocentre, pour les techniciens, qui représentent la moitié de la population, 95 % des heures supplémentaires effectuées ne sont pas déclarées, en toute impunité. La loi, qui ne prévoit pas de mesure statistique indépendante de la durée du travail, est inopérante. Pour l'autre moitié de la population, le travail est décompté en jours, et la durée théorique maximum de 13 heures ne donne lieu à aucun contrôle indépendant. Tous les jours de congés sont capitalisés automatiquement, au fur et à mesure de leur acquisition, sans majoration, sans limite maximum et sans limite de durée autre que le départ à la retraite. Que reste-t-il alors des 35 heures, même annualisées ? Que reste-t-il des 218 jours maximum par an ? Voilà pourtant une situation conforme à la loi actuelle !
La CGT Renault pose une question : qu'adviendrait-il du nombre de morts sur les routes si l'on pouvait « forfaitiser » les excès de vitesse sur la journée, les « moyenner » par trajet entre périodes de bouchons et de circulation fluide, les « capitaliser » jusqu'à la retraite sans limites autres que celle que les conducteurs se fixeraient à eux-mêmes ? Qu'adviendrait-il si, en plus, il n'y avait ni radars, ni gendarmes en situation de verbaliser ?
Monsieur le ministre, vous vous êtes vous-même rendu au Technocentre pour avoir un échange direct avec les représentants de la direction et des salariés.
Vous étiez avec moi !
Si, vous étiez assis à ma droite !
Ah, vous voyez !
C'est dans une autre entreprise que je me suis rendu avec vous, monsieur le ministre, où les salariés vous avaient d'ailleurs donné tort.
Allons, ne vous sentez pas gêné !
C'est incroyable ! C'est Alzheimer ou quoi ? (Sourires.) D'autant que cela ne sera bientôt plus remboursé ! (Rires.) Consultez votre agenda ou interrogez vos collaborateurs : eux savent que je ne vous ai pas accompagné au Technocentre.
Votre visite sur ce site de Renault ne vous a pas empêché de citer cette entreprise en exemple ni de nous présenter ce projet de loi. Vous ne semblez pas non plus avoir entendu les alertes des organisations syndicales, puisque les mesures proposées ne vont malheureusement pas, c'est le moins que l'on puisse dire, dans le sens de la prévention des risques sanitaires. Tout dépassement de la durée légale du travail devrait, quelle que soit la période considérée – une journée, une semaine ou une année – donner lieu, sans exception, à une pénalisation financière dont le montant dépendrait du dépassement. Tout dépassement des durées qui met en danger la santé des salariés devrait être puni d'une amende dissuasive.
Aujourd'hui, on ne punit plus les patrons, on les récompense !
Rien de tel dans votre texte. Celui-ci entend, au contraire, faciliter la mise en place de l'annualisation et de la modulation des horaires de travail sur une partie de l'année. La mise en oeuvre d'aménagements destinés à faire coïncider au plus près les effectifs et le programme de production est votre seul souci.
Le projet de loi allège ainsi considérablement le contenu obligatoire de l'accord collectif exigé pour instaurer le système de variation des horaires. Il propose de supprimer la négociation obligatoire du programme indicatif de la répartition du temps de travail sur l'année, ainsi que la négociation sur les modalités de recours aux intérimaires et les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation ; il n'oblige plus l'accord à préciser la justification économique et sociale. Et, cerise sur le gâteau, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l'employeur ne sera désormais plus tenu de consulter le CE sur l'organisation du temps de travail sur plusieurs semaines, dont il décidera donc seul.
Chers collègues, il nous faut bien mesurer les conséquences sur la santé des « assouplissements » que prévoit le présent projet de loi. Une loi de 2005 avait déjà exclu les déplacements du temps de travail. Un ingénieur peut ainsi travailler en usine treize heures dans la journée pour un démarrage de véhicule, rentrer chez lui à une heure du matin, seul, en voiture et repartir à cinq heures du matin pour assister à une réunion qui se tient à huit heures chez un fournisseur, réunion dont il ne décide ni de l'heure ni du lieu.
Ces horaires, je ne les ai pas choisis par hasard : ce sont auxquels était fréquemment soumis un ingénieur du Technocentre de Renault, aujourd'hui disparu. Vous proposez de généraliser cette dérive, au mépris des engagements internationaux de la France.
Et allez-y !
Merci de vos encouragements, monsieur le secrétaire d'État ! La CGC a d'ailleurs saisi la Cour européenne des droits de l'homme à ce sujet.
Votre projet de loi porte atteinte à la Charte européenne et à notre Constitution, aux droits fondamentaux, au droit à la santé et à une vie familiale normale.
Ayez donc, chers collègues, la sagesse de renvoyer ce texte en commission, pour en dissocier les deux parties et en mesurer l'impact social, qui est passé sous silence par vous, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, et peut-être, malheureusement, par la majorité de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles.
Je souhaiterais répondre au sujet du travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Celle-ci a consacré une de ses réunions, M. Muzeau le sait, car il est très « pratiquant » (Sourires) – n'a-t-il pas cité Lacordaire ? – à l'audition de M. Bertrand. Elle a examiné 843 amendements sur les 1 684 qui ont été déposés et en a adopté 131, dont quinze présentés par l'opposition.
J'ajoute que le rapporteur a beaucoup travaillé, puisqu'il a procédé à l'audition de plus d'une vingtaine de personnalités venant d'horizons très divers : partenaires sociaux, experts, professeurs d'université, avocats, directeurs de ressources humaines, magistrats. Et, une fois n'est pas coutume, il a même procédé à une seconde vague d'auditions, pour sécuriser ses arguments.
Précisons enfin que la commission des affaires économiques s'est jointe à ces auditions et a travaillé de concert avec la commission des affaires culturelles. L'exercice a été très profitable, car un nombre non négligeable de ses amendements seront retenus par la commission des affaires sociales et présentés en commun par les deux commissions.
Tout le temps nécessaire a ainsi été laissé à nos travaux préparatoires. Je rappelle, en outre, que l'avant-projet de loi est disponible depuis plus d'un mois. Il ne semble donc pas opportun de reprendre à ce stade l'examen du projet de loi en commission ; mieux vaut rentrer dans le détail du texte en passant au plus vite à la discussion des très nombreux amendements. C'est pourquoi je vous invite, chers collègues, à ne pas adopter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre, beaucoup l'ont dit : texte après texte, vous poursuivez le détricotage ce que le monde du travail a peu à peu arraché au patronat et, parfois, aux gouvernements. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Même si vous faites mine de ne pas le reconnaître, c'est la lutte des salariés pour une meilleure répartition des fruits de leur labeur qui fait avancer les choses.
La réalité, c'est aussi qu'à aucun moment, ni le patronat ni la droite n'acceptent de considérer comme acquises les avancées ainsi obtenues, même celles qui semblent les plus fortes et les plus significatives. Il en est ainsi non seulement du droit du travail, mais aussi de la protection sociale – assurance maladie et retraite – et de la réduction du temps de travail, c'est-à-dire de la reconnaissance de cette évolution historique qui, prenant en compte l'amélioration de la productivité, permet de répartir différemment les richesses, de produire autant et mieux en travaillant moins.
C'est tout cela qu'année après année, texte après texte, vous avez décidé de remettre en cause, comme si le monde du capital prenait sa revanche sur celui du travail. Alors vient le temps de la précarité, celui du « travailler plus pour gagner plus », celui de l'allongement du temps de travail par an, par mois, par semaine, de l'allongement de la vie de travail – la décote venant sanctionner un trimestre de cotisation manquant –, celui où le travailleur à temps partiel est autorisé à devenir un travailleur « indépendant » pour augmenter son pouvoir d'achat, comme le retraité et le fonctionnaire.
Décidément, vous ne reculez devant rien. Votre objectif, c'est la flexibilité totale, la complète disponibilité du salarié – et l'on connaît vos intentions en ce qui concerne le travail dominical. Les conditions de travail se dégradent au point que se multiplient les accidents du travail en même temps que des pressions sur les salariés pour éviter d'avoir à les reconnaître comme tels, au risque de mettre en cause leur santé et leur sécurité.
Le stress des salariés croît face aux exigences de performance, de rentabilité, et sous le poids des horaires trop lourds, au point que se développe ce phénomène préoccupant, dont a parlé Roland Muzeau : les suicides, dont le patronat refuse de voir qu'ils sont liés au travail. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, on exerce un chantage permanent à l'emploi et à la délocalisation, comme on vient de le voir en Picardie.
Votre projet de loi est tout cela : un texte de classe, un texte de revanche, un texte de régression sociale, qui justifie pleinement l'adoption de la motion de renvoi en commission défendue par Roland Muzeau. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, cela ne vous surprendra pas : le groupe SRC votera la motion de renvoi en commission de nos collègues du groupe GDR, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le moment de l'examen de ce texte au début de la session extraordinaire nous paraît quelque peu déplacé. Un journal du soir y fait d'ailleurs allusion aujourd'hui, en se demandant pourquoi tant de textes ont été inscrits à l'ordre du jour de la session extraordinaire alors que la fin de la session ordinaire n'a pas été surchargée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ensuite, contrairement à ce que vous vous acharnez à tenter de prouver, il n'y a aucun rapport entre la première partie du texte, sur laquelle on aurait pu trouver un consensus, et la seconde partie, qui détricote le droit du travail.
Par ailleurs, ce soir, vous vous êtes montré, monsieur le ministre – vous, le gentil Xavier Bertrand –, quelque peu discourtois, voire méprisant. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On a le droit d'avoir des désaccords et, heureusement, nous en avons : nous ne partageons pas du tout votre conception de la société. Mais vous n'aviez pas le droit de conclure votre propos en invitant les socialistes au travail,…
Non, à reconnaître la valeur travail !
…sous-entendant qu'ils n'auraient pas travaillé.
La précision, reconnue sur tous les bancs, avec laquelle notre collègue Alain Vidalies a défendu l'exception d'irrecevabilité prouve que notre groupe a bien travaillé, et la suite de nos débats le confirmera. En revanche, je constate l'absence des orateurs de la majorité. Certes, ils viennent voter, mais ils ne montent pas à la tribune. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je n'aurai pas la cruauté d'y voir un manque de travail. Sans doute leur absence traduit-elle plutôt un malaise (Exclamations sur les mêmes bancs) qui s'explique, pour certains, par le regret de ne pas voir durcir la première partie du texte, pour d'autres, par le constat, sur le terrain, de l'impopularité grandissante de vos méthodes et de vos décisions.
Enfin, nous aurions souhaité disposer de plus de temps. Nous aurions pu ainsi confronter ce texte à la jurisprudence de la Cour européenne de justice – plusieurs orateurs y ont fait allusion. Nous aurions pu également examiner la question de la pénibilité du travail, car nous sommes très surpris du rapport qui a été publié sur cette question. On semble en effet sous-entendre que, si la mortalité est plus élevée chez les ouvriers que dans d'autres catégories de la population, c'est probablement en raison de leur mauvaise hygiène de vie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je l'ai lu, cher collègue.
Nous aurions pu, enfin, tirer l'enseignement des expériences qui ont été menées chez Bosch, Continental et d'autres, où le volontariat a été, à l'évidence, imposé.
J'ajouterai, pour conclure, puisqu'on a laissé entendre que l'organisation de nos travaux serait parfaite, que les convocations que nous adresse la commission des affaires culturelles sont régulièrement suivies d'une, deux, voire de trois rectifications dans les jours qui suivent leur envoi.
Sont-ce là des conditions propices à un travail parlementaire serein et sérieux ? Il est permis d'en douter.
Pour toutes ces raisons, nous groupe votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le fait est assez exceptionnel pour que je le souligne, monsieur Muzeau : le groupe Nouveau centre est d'accord avec vous – en tout cas sur le fait que la loi Aubry II a été une loi catastrophique ! C'est sans doute la raison pour laquelle le Gouvernement veut la réformer et nous ne saurions lui donner tort sur ce point, le texte proposé contenant un certain nombre de propositions qui nous paraissent aller dans le bon sens. Je pense notamment à celles destinées à permettre aux entreprises de s'adapter à la concurrence ou à alléger un peu le code du travail – ainsi les 75 articles relatifs aux 35 heures qu'il contient actuellement pourraient-ils être ramenés à une trentaine –, le groupe Nouveau centre ayant toujours plaidé en faveur d'une telle simplification.
En revanche, il est des points sur lesquels nous ne pouvons pas vous suivre. Lorsque, contrairement à la position commune qui prévoit en son article 5 que les accords doivent obtenir 30 % pour être validés, vous proposez de passer directement à 50 % – ce qui revient à passer directement à la deuxième étape sans tenir compte de la première…
…nous ne sommes pas d'accord. De votre part, cela revient à reprocher au Gouvernement de ne pas s'aligner sur la position commune sur certains points, tandis que vous-mêmes n'hésitez pas à aller plus loin que cette position commune sur d'autres points. Je rappelle tout de même que l'article 17 de la position commune propose une modification de la loi sur les 35 heures.
Le Gouvernement est tout à fait dans son droit quand, estimant que l'article 17 ne va pas assez loin, il estime opportun de proposer un certain nombre de modifications. C'est la démocratie politique, tout aussi légitime que le dialogue social, qui le lui permet.
Le débat qui va avoir lieu fixera la limite entre le contrat et la loi, entre le dialogue social et la construction législative au moyen des amendements. Ce débat public impliquant l'ensemble des députés me paraît bien préférable à un retour en commission lors duquel nous ne pourrions que répéter, en comité restreint, ce qui a déjà été dit. Plus il y a de têtes, mieux cela vaut pour la réflexion à mener !
Enfin, je dois avouer que je n'ai toujours pas compris votre histoire de temps plein et de temps partiel. Vous nous dites que la durée du temps de travail est plus élevée en France que dans les autres pays si l'on fait la moyenne entre les temps pleins et les temps partiels. Mais en d'autres occasions, vous affirmez que le temps partiel est trop répandu en France. Je ne comprends vraiment plus rien !
Ce n'est pourtant pas très compliqué ! Les moyennes, cela s'apprend en CM2 !
Si les autres pays, notamment les pays nordiques, font beaucoup plus de temps partiel que nous, comment pouvez-vous nous reprocher sans cesse de faire trop de temps partiel et d'emplois précaires ? Dans ces conditions, vous comprendrez que le groupe Nouveau centre ne vote pas votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le groupe UMP ne votera évidemment pas la motion de renvoi en commission défendue par notre collègue Muzeau.
Je me contenterai de revenir sur deux de ses aveux, qui me paraissent assez comiques. Premièrement, il affirme que l'article 17 de la position commune serait un compromis défensif. Mais c'est exactement ce que nous disons depuis tout à l'heure ! L'article 17 de la position commune proposant un statu quo défensif qui vise à ne pas modifier les 35 heures, nous ne sommes pas d'accord et proposons pour notre part de modifier les 35 heures.
J'ai bien parlé de compromis défensif, pas de statu quo défensif ! Ce n'est pas la même chose !
Deuxième aveu, encore plus drôle : M. Muzeau reconnaît que les 40 000 accords d'entreprise sur les 35 heures ont entraîné un gel des salaires. C'est ce que nous disons depuis de très nombreuses semaines : les 35 heures ont provoqué en France un gel des salaires qui explique la faiblesse du pouvoir d'achat que l'on déplore aujourd'hui, et c'est bien pourquoi il faut pouvoir faire des heures supplémentaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 2 juillet, à quinze heures :
Suite du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 2 juillet 2008, à une heure vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma