La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Bernard Derosier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) L'UMP, dont vous êtes le premier responsable, souscrit-elle aux engagements du candidat socialiste ? S'est-elle convertie à la proportionnelle ? Cela semble le cas si l'on se réfère au discours de Marseille et à cette seule annonce nouvelle du candidat sortant, que je cite : « la représentation de toutes les sensibilités politiques du pays, en d'autres termes : la proportionnelle. »
Or, tout dans l'histoire de ce quinquennat, et même de ces dix dernières années, témoigne contre la bonne foi de cette proposition. Pour ce qui nous concerne, nous l'avions inscrite en d'autres temps, et les élections législatives de 1986 se sont déroulées à la proportionnelle. La droite a même été majoritaire. Cela vous a permis de mettre fin à ce dispositif pour en revenir à des circonscriptions redécoupées par MM. Pasqua et Marleix pour tenter de favoriser votre camp.
Vous l'avez proposée au cours de la campagne présidentielle, en avril 2006, mais comme Napoléon perçait sous Bonaparte, Nicolas perçait déjà sous Sarkozy (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) et, malgré cet engagement, malgré des propositions dans ce sens formulées par le Comité Balladur, malgré le discours du Président de la République à Épinal le 12 juillet 2007, vous vous êtes bien gardés de mettre en oeuvre ces annonces.
Dans la révision constitutionnelle de juillet 2008, le groupe socialiste a déposé des amendements visant à introduire une dose de proportionnelle. En vain !
Plus récemment, à l'occasion de l'examen de la loi portant réforme des collectivités territoriales, vous avez créé le conseiller territorial, qui serait élu au scrutin uninominal et remplacerait le conseiller régional, élu à la proportionnelle.
Alors, monsieur le Premier ministre, de qui se moque-t-on ? Qui le candidat sortant veut-il leurrer ? Est-ce le prix à payer pour le ralliement de Mme Boutin et de M. Morin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, il est exact qu'en 2007, le Président de la République avait manifesté le voeu d'aller vers une dose de proportionnelle, ajoutant que cela devait se faire sur le fondement d'une concertation entre les partis politiques. Cette concertation n'a pas eu lieu parce que la question n'était pas mûre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Aujourd'hui, à quelques semaines de l'élection présidentielle, le Président, qui a la charge de l'équilibre institutionnel de notre pays, dit que, à son sens, il serait raisonnable d'aller vers une dose de proportionnelle, « à la marge », pour reprendre son propos.
Pourquoi à la marge ? Parce que nous croyons, nous, qu'un principe s'impose : celui de l'efficacité de l'institution parlementaire. Il faut que des majorités puissent se dégager et des décisions être prises – nous nous souvenons de ce que fut la Quatrième République –, c'est le scrutin uninominal à deux tours qui garantit ces majorités et cette efficacité.
Cela dit, une dose de proportionnelle n'est pas de nature à réduire cette efficacité et présenterait deux avantages. Le premier, évident, serait de permettre la représentation de certains courants politiques qui existent et ne sont pas représentés, ou une meilleure représentation de certains qui sont très faiblement représentés, en dehors de la réalité de ce qu'ils sont.
Le deuxième serait d'éviter les manoeuvres et les petits arrangements qui ne sont pas conformes à la vie démocratique,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
…comme l'accord récemment passé entre les Verts et le parti socialiste ;…
…un accord dont on ne sait pas très bien à quoi il sert ; un accord que M. Hollande a déclaré qu'il ne le suivrait pas, après que Mme Aubry a affirmé qu'il y avait souscrit de façon totale et absolue.
En tout cas, rassurez-vous, nous ne sommes pas la gauche… (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
…et ce n'est pas comme en 1986, quelques mois avant l'élection législative, que nous allons modifier la règle. Les élections prévues en juin se feront donc en application des textes actuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Les pays de la zone euro viennent de conclure, cette nuit, un accord décisif pour la mise en oeuvre d'un plan d'aide à la Grèce. Ce plan de sauvetage, d'un montant de 237 milliards d'euros, permet d'éviter une faillite de la Grèce, qui aurait des conséquences désastreuses pour l'ensemble des économies européennes. En contrepartie, les dirigeants politiques de ce pays se sont engagés à respecter le plan d'assainissement des finances publiques.
L'Europe montre encore une fois sa solidarité à l'égard de la Grèce, mais elle lui demande en retour davantage de responsabilité dans sa politique économique. La Grèce a besoin de solidarité, mais plus de solidarité exige plus de discipline.
Je tiens à saluer 1'action du Gouvernement et du Président de la République, avec l'ensemble de nos partenaires européens, ainsi que les efforts courageux de la Grèce pour remplir l'ensemble des conditions exigées. Notre objectif, à tous, est bien de mettre définitivement fin aux turbulences financières de la zone euro.
Notre assemblée en tirera les conséquences cet après-midi, puisque nous débattrons tout à l'heure des projets de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité et modifiant le traité budgétaire, que nous voterons.
Grâce à ce mécanisme européen de stabilité, la solidarité financière entre les pays de la zone euro, promue depuis longtemps par le Président de la République, sera enfin instaurée de façon permanente et stable.
Si l'opposition a, une fois de plus, manifesté son hostilité à l'égard de ces projets, il est de notre responsabilité de voter ce mécanisme de soutien indispensable : nous devons montrer à tous ceux qui doutent de la viabilité de l'euro et qui spéculent sur son éclatement que, quoi qu'il arrive, notre monnaie sortira renforcée de cette crise.
Aussi, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale des modalités du plan d'aide adopté cette nuit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée, je me félicite que nous soyons parvenus cette nuit à un accord à Bruxelles au sein du Conseil des ministres de l'économie et des finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Cet accord, qui n'a pas été facile à trouver, permet d'apporter au total 237 milliards d'euros à la Grèce,…
…les créanciers privés ayant accepté d'abandonner volontairement 70 % de leurs créances.
Cela signifie que l'Europe a clairement choisi la solidarité avec la Grèce.
Je veux rappeler que la France s'est toujours battue depuis le début de cette crise européenne pour que la solidarité prévale, y compris à un moment où cette idée n'était pas partagée par tous les acteurs européens.
La solidarité de la zone euro est une nécessité absolue. C'est en effet la seule manière de lutter contre les attaques spéculatives – qui ne sont pas dirigées contre la Grèce mais, en réalité, contre la monnaie européenne en raison de la place que cette monnaie a prise dans l'économie mondiale.
Mesdames et messieurs les députés, les efforts demandés à la Grèce sont certes importants, mais guère plus que ceux demandés au Portugal ou, dans une moindre mesure, à l'Espagne ou à l'Italie. Ces efforts ne doivent toutefois pas occulter ceux que vont faire les contribuables européens pour assumer la solidarité avec le peuple grec. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
Dans ce contexte, le refus du parti socialiste de voter le mécanisme européen de solidarité m'apparaît comme une faute. Une faute parce que l'on ne peut pas comprendre qu'un grand parti comme le parti socialiste, un parti de gouvernement d'un grand pays européen, choisisse délibérément, en s'abstenant ou en votant contre ce texte, de fragiliser la zone euro parce que c'est, finalement, le résultat de ce vote ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Alors, mesdames et messieurs les députés du parti socialiste, il n'est pas trop tard pour vous ressaisir.
Il n'est pas trop tard pour choisir l'intérêt général européen, plutôt que de petits calculs électoraux à court terme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, dans quelques minutes, les députés UMP et Nouveau Centre adopteront le funeste projet de TVA sociale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que vous avez imposé, avec Nicolas Sarkozy, à quelques semaines des élections pour pouvoir octroyer un nouveau cadeau de 13 milliards d'euros au MEDEF. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)
Les députés du Front de gauche refusent ce coup de force opéré contre les Français, contre leur pouvoir d'achat et leur système de protection sociale. Et puisque le Président de la République vient de se découvrir un penchant pour les référendums, nous le mettons au défi de consulter le peuple sur cette nouvelle hausse de la TVA, l'impôt le plus injuste qui soit. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Contrairement à ce que vous affirmez, ce n'est pas en fiscalisant une part des cotisations sociales que vous soutiendrez l'emploi en France, car vous porterez atteinte au premier moteur de la croissance : la consommation.
Le coût du travail n'est pas plus important en France qu'ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il est en dessous de la moyenne des pays de l'Union européenne, avec qui nous réalisons 70 % de nos échanges.
En réalité, votre priorité n'est ni les 4,8 millions d'inscrits à Pôle Emploi, ni la désindustrialisation qui ruine notre pays. Ce qui vous mobilise, c'est d'accroître un peu plus la rémunération du capital, c'est de soutenir l'appétit sans limite de ces actionnaires et de ces grands patrons qui menacent de fermer nos usines à Florange et ailleurs, c'est de suivre le modèle allemand où 17 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté !
Interdiction des licenciements boursiers, remboursement des aides publiques pour les entreprises qui délocalisent, droit de reprise pour les salariés, voilà des mesures courageuses pour l'emploi.
Il reste cinq secondes, quatre, trois, deux, une. Stop ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je vous en prie. Puisque c'est comme ça, je laisse un peu de temps à Mme Amiable.
Le 29 février prochain, à la veille du Conseil européen, nous soutiendrons les peuples de toute l'Europe qui diront leur refus de vos politiques d'austérité et d'injustices. Que leur répondrez-vous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, pour nous, la première des injustices, c'est le chômage. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est pour cela que le Président de la République a souhaité, à quelques semaines des élections présidentielles, que le Parlement, dont la légitimité démocratique est tout aussi grande que celle du peuple, puisse adopter une grande réforme qui améliore la compétitivité de nos entreprises.
Quel est l'objectif de cette réforme, dont je vous rappelle qu'elle a été demandée en 2010 par le FMI, à l'époque présidé par un socialiste désormais célèbre,…
…parce que le FMI estimait qu'il fallait que nous baissions les charges sur les salaires et que nous les transférions sur la consommation pour créer de l'emploi ? Cette réforme, nous estimons qu'elle va créer entre 75 000 et 120 000 emplois. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pourquoi ? Parce que nous allons baisser le coût du travail.
Voilà, madame la députée, quel est notre projet : créer de l'emploi pour les familles de France.
Quel est votre projet, à vous, l'opposition ? (« Aucun ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Augmenter de 50 milliards d'euros les impôts ? Augmenter le coût du travail de 5 milliards d'euros ? Fragiliser nos retraites, revenir sur la réforme de la taxe professionnelle ? Croyez-vous que tout cela va créer de l'emploi ?
Vos déclarations d'amour aux PME,…
…ce sont des déclarations d'impôt (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), ce sont des déclarations destructrices d'emplois, ce sont des déclarations qui vont casser la croissance et Dieu sait qu'elle est fragile aujourd'hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, l'Europe tremblait hier encore face au risque de faillite de la Grèce qui aurait pu entraîner avec elle toute la zone euro et aggraver dramatiquement la crise économique que nous traversons.
Certains jugeaient par avance cet accord impossible, d'autres prédisaient l'impasse pour l'Europe, voire sa fin.
Les ministres des finances de la zone euro ont démontré qu'il n'en était rien en bouclant cette nuit un plan de sauvetage d'une ampleur sans précédent.
Ce plan, ce sont 237 milliards d'euros d'aides, dont 130 milliards sous forme de prêts et 107 milliards sous forme d'annulation de créances privées.
Je tiens ici à saluer le rôle déterminant du gouvernement français pour parvenir à cet accord qui est la traduction d'un destin commun assumé par les pays de la zone euro. Il y avait urgence à agir pour lutter contre la spéculation contre notre monnaie, l'euro.
L'indécision aurait été coupable, et il est désolant, mes chers collègues socialistes, de considérer que le processus engagé par les États-membres de la zone euro pour renforcer la coordination budgétaire peut se négocier au gré des échéances électorales.
L'Europe devait et doit cette solidarité au peuple grec, qui fait preuve de beaucoup de courage dans l'épreuve qu'il traverse.
Cet accord est fondé sur les principes de responsabilité et de solidarité des États-membres de la zone euro et constitue à nos yeux un premier pas vers le fédéralisme européen, qui permettra, à terme, de mieux protéger nos concitoyens.
Monsieur le ministre, ma question est double : pouvez-vous nous préciser le montant de l'exposition des banques françaises dans l'abandon des créances privées tel que prévu par ce plan ? Pouvez-vous nous dire si ce plan de sauvetage permet d'écarter tout risque de défaut de paiement de la Grèce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Monsieur le député, vous avez raison de vous réjouir de l'accord qui a été obtenu cette nuit grâce à l'action en particulier de la France, comme vient de le rappeler le Premier ministre.
M. Baroin étant toujours retenu à Bruxelles, j'ai le plaisir de répondre à votre question.
Cet accord est un accord à la fois de solidarité et de discipline. C'est un devoir moral : nous ne laissons pas sur le bord du chemin le plus fragile. C'est un devoir politique : nous défendons l'Europe et l'euro. C'est enfin un devoir économique : nous évitons la contagion.
Bien sûr, vous l'avez rappelé, nous pensons aux souffrances du peuple grec. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mais nous savons aussi que sauver un pays de la faillite, c'est sauver un peuple de la misère. En agissant ainsi, l'Europe a donc apporté une aide substantielle non seulement à la Grèce, mais également au peuple grec dans son ensemble.
Je voudrais également rappeler la mise en place prochaine du mécanisme européen de stabilité, le véritable fonds monétaire européen que vous avez évoqué. La France sera le premier pays à le mettre en place, grâce au vote qui va avoir lieu cet après-midi dans cet hémicycle.
Vous le savez, c'est un mécanisme qui évitera la spéculation sur les pays de la zone euro les plus fragiles.
Le secteur privé, parce que c'est moral et légitime, a participé, à hauteur de plus de 100 milliards d'euros, à un effacement de la dette grecque. Grâce à leur anticipation de la situation et à leur solidité, les banques françaises feront face, sans qu'il n'y ait aucune conséquence pour les Français et pour elles.
Au moment où l'Europe franchit une étape décisive, il y aura, d'un côté de cet hémicycle, ceux qui en auront été les acteurs courageux et, de l'autre côté, ceux qui en auront été les spectateurs critiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, le candidat désormais déclaré de la droite se présente volontiers comme le candidat du peuple contre les élites ! (Approbations sur les bancs du groupe UMP.) Mais de quelles élites parle-t-on ?
Car, après Banque Populaire-Caisses d'Épargne, après Thales, après EDF, après Areva, voici la dernière décision du conseil d'administration du Fouquet's présidé par Nicolas Sarkozy (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) : nommer un de ses anciens ministres à la tête de l'une des plus importantes entreprises de France : Veolia et ses 110 000 salariés ! (Mêmes mouvements.)
La manoeuvre était facile, puisque le président du conseil de surveillance de Veolia n'est autre qu'Henri Proglio, nommé il y a deux ans PDG d'EDF par son ami Nicolas Sarkozy, sur proposition du ministre de l'écologie et de l'énergie d'alors, le même précisément que l'on envisage aujourd'hui de placer à la tête de Veolia. (Mêmes mouvements.) ; Henri Proglio, à qui, souvenez-vous, il avait fallu un an pour renoncer à sa double casquette de PDG d'EDF et de Veolia…
Et ce n'est pas le conseil d'administration qui pourrait s'y opposer, puisqu'il est le produit de toutes les manoeuvres de ce clan depuis son arrivée au pouvoir : réseaux, connivences, consanguinité et mélange des genres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP – Bruit.) À part la Caisse des Dépôts, qui siège en effet dans ce conseil d'administration ? Natixis, présidée par l'ancien secrétaire général adjoint de Nicolas Sarkozy ; le groupe Dassault ; le fonds du Qatar, nouvel investisseur massif en France, à qui le Président de la République aurait téléphoné…
Plus qu'une faute, plus qu'un scandale, cette affaire montre de façon criante aux Français la toile d'araignée tissée par Nicolas Sarkozy dans le monde des grandes entreprises, et les manipulations politico-économiques qu'il orchestre avec Henri Proglio depuis la nuit du Fouquet's ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, par quelle acrobatie allez-vous justifier ces manoeuvres aux yeux des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la députée Aurélie Filippetti, je veux faire taire immédiatement cette rumeur absurde : (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Veolia est en effet une entreprise privée, et le Gouvernement n'intervient pas dans sa gouvernance ! (Mêmes mouvements.) Votre tentative d'impliquer le Président de la République dans cette affaire est purement scandaleuse, car il n'a rien à y voir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'ensemble des protagonistes de cette affaire ont d'ailleurs démenti ces fausses rumeurs.
Puisque vous vous escrimez à relayer manipulations, campagnes de désinformation et tentatives de déstabilisation, j'aimerais vous parler d'environnement, madame Filippetti – peut-être est-ce un sujet susceptible de vous intéresser.
J'aimerais que vous vous félicitiez de l'action du Gouvernement en la matière. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette action a été marquée cette semaine par deux événements majeurs : d'abord la notification de la clause de sauvegarde des OGM contre les OGM Monsanto 810, à Bruxelles.
Elle a ensuite été marquée par le dévoilement des neuf lauréats de l'appel à projets de l'éolien offshore outremer. Voilà ce qu'est l'action du Gouvernement en matière d'environnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de la ruralité, de l'alimentation et de la pêche.
En période difficile, le devoir de tout responsable politique français, c'est avant tout d'avoir à l'esprit la nécessité de l'unité nationale. Or, dimanche, Mme Marine Le Pen a semé, par ses déclarations sur la sécurité alimentaire et la laïcité, le doute et la discorde dans l'esprit des Français.
Trois axes doivent guider notre action politique. Il faut en premier lieu se souvenir que, au terme de quinze siècles d'histoire de France, la République a parachevé la laïcité, qui permet à nos compatriotes français d'exercer leur culte, quel que soit celui-ci, et de respecter ou non les interdits alimentaires qui s'y rattachent ; il faut ensuite avoir conscience que la filière française d'élevage est une filière d'excellence ; nous devons enfin nous engager pour la liberté : la liberté de culte et le respect de l'autre.
Or la loi française comme la loi européenne, soucieuses du droit animal, préconisent qu'un animal soit étourdi avant d'être abattu. La République reconnaît et respecte cependant un régime dérogatoire, afin que juifs et musulmans puissent pratiquer leur culte. Or des abus ont été constatés.
Monsieur le ministre, le 29 décembre de l'année dernière, vous avez promulgué un décret permettant de lutter contre ces abus et de réguler les filières improprement qualifiées d'abattage rituel. Pouvez-vous renseigner la représentation nationale sur la portée de ce décret et sur l'action engagée par votre ministère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député Nicolas Dhuicq, nous n'avons pas attendu les provocations de Marine Le Pen pour répondre aux préoccupations légitimes d'un certain nombre de nos compatriotes concernant l'encadrement des conditions de l'abattage rituel en France.
Avec Claude Guéant, voilà un an que nous travaillons, avec toutes les communautés religieuses et tous les professionnels de la filière, à l'encadrement de cette pratique. Nous avons adopté un décret, qui sera mis en oeuvre dans les plus brefs délais et permettra de répondre à ces préoccupations. Il prévoit la formation des sacrificateurs et l'instauration d'une autorisation préalable de l'abattage rituel, de telle sorte que plus aucun abattoir ne pourra procéder à un abattage rituel sans avoir l'accord formel de l'État. Il prévoit également la délivrance obligatoire d'un bon de commande avant tout abattage rituel pour renforcer la transparence des circuits de circulation des animaux abattus de manière rituelle.
Sur un sujet aussi sensible, on peut répondre aux préoccupations des Français comme nous l'avons fait avec Claude Guéant, de manière responsable, intelligente et respectueuse de la liberté de conscience de chacun.
Je regrette d'autant plus que Mme Le Pen ait une nouvelle fois jugé bon de céder à la provocation, qu'une nouvelle fois elle ait procédé par amalgame, par mensonge, en laissant croire que toute la population d'Île-de-France consommait de la viande halal, alors que la grande majorité de cette viande provient d'abattoirs qui ne sont pas des abattoirs rituels.
La République, monsieur Dhuicq, c'est le rassemblement, ce n'est pas l'opposition des Français ; la République, ce ne sont pas les amalgames et la logique du bouc émissaire, mais la liberté de conscience et le respect de cette liberté de conscience, valeurs qui ont toujours guidé ce gouvernement et cette majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, l'Europe se compose de nations et c'est à partir des nations qu'il faut organiser l'Europe, disait le général de Gaulle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Les États, les peuples, les nations sont un obstacle à l'appétit glouton des spéculateurs et des gros actionnaires. Avec le mécanisme européen de stabilité, vous arrachez aux peuples leur liberté de décider de leur politique budgétaire, vous renoncez à la souveraineté nationale. C'est insupportable.
Vous voulez réduire le pouvoir des parlements nationaux, les empêcher de décider en les soumettant au diktat de l'Union européenne qui se trouve entre les mains de la finance internationale : Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, ancien de Goldman Sachs, Mario Monti, premier ministre italien, ancien de Goldman Sachs, Loukas Papademos, premier ministre grec, ancien de Goldman Sachs, Marc Ladreit de Lacharrière, ami personnel de Nicolas Sarkozy, président de l'agence de notation Fitch Ratings.
Plusieurs députés UMP. Quelle est la question ?
Oui, monsieur le Premier ministre, vous voulez briser l'échine des peuples comme vous le faites avec la Grèce aujourd'hui alors que les conséquences en sont terribles : les enfants tombent d'inanition dans les écoles(Exclamations sur les bancs du groupe UMP), les malades sont rejetés des hôpitaux !
Oui, monsieur le Premier ministre, il faut choisir : eux ou nous ! Il faut être du côté des peuples ou des spéculateurs.
Nous, nous sommes avec les peuples et nous combattons les spéculateurs. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, allez-vous cesser de soutenir les spéculateurs pour vous conformer à l'intérêt national et défendre notre souveraineté nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur les bancs du groupe SRC ; M. Nicolas Dupont-Aignan se lève et brandit une pancarte).
Monsieur Dupont-Aignan, je vous adresse un rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur Brard, c'est toujours avec une certaine délectation que je vous entends citer le général de Gaulle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Il faut parfois se pincer pour ne pas rire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je voudrais aussi m'insurger contre la violence des attaques qu'à longueur de questions d'actualité vous portez ici contre le Président de la République. Cela ne manque pas de sel que de vous entendre dénoncer sa prétendue violence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures qui viennent d'être adoptées à Bruxelles et que monsieur le Premier ministre a très clairement détaillées.
C'est vrai, nous appelons le peuple grec à faire des efforts, à consentir de douloureux sacrifices, et nous sommes nombreux ici à ne pas oublier ce que nous devons à la pensée grecque, à l'histoire de la Grèce qui fait partie de notre héritage. Pour nous aussi, c'est une forme de douleur.
Je voudrais aussi dire que la sortie de la Grèce de la zone euro conduirait ce pays à un chaos épouvantable car immédiatement, la nouvelle drachme perdrait plus de la moitié de sa valeur. La dette grecque doublerait instantanément et la Grèce serait en faillite car plus personne ne lui prêterait d'argent.
C'est aussi le discours de vérité que nous devons tenir à nos amis grecs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
De son côté, l'Europe fait preuve d'un effort de solidarité considérable : 237 milliards d'euros. Et nous ne nous bornons pas à cela.
Rappelons que la Grèce reçoit chaque année de l'Union européenne 5,7 milliards d'euros de crédits, essentiellement au titre de la politique agricole commune et des fonds structurels. Ce n'est pas faire injure à la vérité que de dire que ces fonds n'ont pas toujours été bien utilisés.
La remise en cause des accords conclus à Bruxelles serait une faute contre la France et contre l'Europe ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Christiane Taubira, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et .divers gauche
Monsieur le Premier ministre, depuis jeudi dernier à Annecy, la France entière en est témoin, la violence verbale est de retour (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP), avec une nouvelle escalade dimanche, à Marseille.
Cette violence verbale s'ajoute à la violence financière exercée sous un quinquennat qui a divisé par trois l'imposition des fortunes supérieures à 3 millions d'euros tout en fiscalisant les indemnités journalières des victimes d'accidents du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Cette violence verbale s'ajoute à la violence économique des fermetures d'entreprises, avant que le pouvoir ne songe à mobiliser ses amis – probablement, hélas, pour une durée déterminée.
Cette violence verbale s'ajoute à la violence symbolique d'un État partial, agressif contre les pauvres (Protestations sur les bancs du groupe UMP), les chômeurs, ceux que menace le déclassement social alors que, dans le même temps, le pouvoir place ses amis à la tête d'entreprises. Aurélie Filippetti vient de rappeler le cas de l'entreprise Veolia, et M. Alain Minc pourrait, semble-t-il, être nommé à la tête d'une société d'autoroutes.
Dans le même temps, le président-candidat semble découvrir les vertus cachées du référendum après avoir refusé d'y soumettre le traité de Lisbonne en 2008, comme nous le demandions, ou le changement de statut de La Poste. En vérité, comme à son habitude, le président-candidat joue : il joue le peuple contre les institutions publiques comme il a joué le congrès de Versailles contre le référendum sur le traité constitutionnel européen. Comme à son habitude, il dresse les uns contre les autres, les ouvriers contre les enseignants, les policiers contre les magistrats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, la manipulation serait-elle l'arme cardinale d'une campagne menée en ce moment avec l'énergie du désespoir ? Les seules réponses aux questions de l'opposition seraient-elles les éclats de voix de la porte-parole du Gouvernement ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Madame Taubira, vous parlez de violence…
Permettez-moi de vous dire qu'il serait temps de mettre fin à la caricature que vous donnez de la politique du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Avant Nicolas Sarkozy, des pans entiers des rémunérations des plus riches n'étaient pas fiscalisés ! Les stock options, les retraites chapeaux, les parachutes dorés, les bonus des traders, toutes ces rémunérations ont été fiscalisées.
Avant Nicolas Sarkozy, sous Lionel Jospin, un ménage qui gagnait un million d'euros pouvait ne pas payer d'impôts sur le revenu grâce aux niches fiscales. Ces niches fiscales, nous les avons plafonnées. (Huées sur les bancs du groupe SRC.). Grâce à nous, ces mêmes ménages financent désormais 335 000 emplois !
La vérité, madame Taubira, c'est que jamais les filets de protection sociale n'ont été aussi solides. Nous avons instauré le bouclier social, le revenu de solidarité active qui a permis à 150 000 ménages de sortir de la pauvreté,…
…nous avons augmenté de 37 % les dépenses sociales de l'État en faveur des plus fragiles, de 25 % l'allocation d'adulte handicapé, de 25 % le minimum vieillesse.
N'ayez pas la mémoire sélective, soyez honnête intellectuellement, arrêtez les mensonges ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Jean-Pierre Dupont, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à monsieur Marc Laffineur, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.
Monsieur le ministre, hier l'Assemblée a débattu sur l'instauration du 11 novembre comme jour d'hommage à tous les morts pour la France, ce que le Président de la République avait proposé le 11 novembre dernier.
Mais au-delà de ce texte, depuis cinq ans notre majorité s'est mobilisée pour améliorer la condition de celles et ceux qui se sont battus pour la nation et les valeurs auxquelles nous sommes attachés.
En cinq ans, la retraite du combattant a augmenté de près de 30 %.
Depuis 2007, le Gouvernement, soucieux d'offrir une reconnaissance de la nation pleine et entière à tous, s'est attaché à gommer les différences de traitement entre les combattants et entre les générations.
Ainsi, les pensions des anciens combattants issus des territoires ex-coloniaux ont été décristallisées et revalorisées, sur la base du droit commun.
Notre majorité a toujours soutenu les initiatives du Gouvernement permettant de rétablir un juste traitement et une vraie solidarité pour ceux qui se sont sacrifiés pour la France.
Aussi, pouvez-vous me confirmer, monsieur le ministre, que lors de ce quinquennat, la France a démontré qu'elle était désireuse d'accorder à ses anciens combattants les justes droits qu'ils revendiquaient et toute la reconnaissance qu'ils méritent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de la défense et des anciens combattants.
Monsieur le député, en effet, hier soir a été votée une modification de la signification de la commémoration du 11 novembre : à cette date, on commémorera toujours la guerre de 14-18, mais ce sera aussi le jour de commémoration de tous les morts pour la France. Il n'est pas question de supprimer les autres dates : le 8 mai demeure, les dates de commémoration des guerres d'Algérie et d'Indochine sont maintenues. Il n'est pas question de hiérarchiser ces dates entre elles, mais simplement de faire du 11 novembre, en plus, la journée de tous les morts pour la France.
Vous avez raison, en cinq ans cette majorité a fait ce que l'on n'avait jamais fait pour les anciens combattants, avec une revalorisation de plus de 35 % de la retraite du combattant, avec l'octroi du bénéfice de la campagne double pour tous les anciens combattants d'Algérie ainsi que, par décret du ministre de la défense Gérard Longuet, pour les combattants d'Afghanistan.
Nous avons aussi mis en place une allocation différentielle pour les veuves d'anciens combattants qui ont des ressources très faibles et cette allocation a été augmentée de 40 % depuis 2007.
Nous avons également fait voter une loi pour indemniser toutes les victimes des essais nucléaires français, ce qui est extrêmement important.
Nous avons fait revaloriser les indemnisations perçues par les veuves des grands invalides de guerre.
Enfin, grâce à la décristallisation, tous les anciens combattants qui résident désormais dans des pays devenus indépendants, ce qui avait conduit au gel de leur retraite au moment de l'indépendance, sont à égalité avec les autres.
On peut donc, je crois, se féliciter de la reconnaissance que nous avons apportée aux anciens combattants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
« Si l'on s'engage sur 5 % de chômeurs et qu'à l'arrivée, il y en 10 %, c'est un problème et c'est aux Français d'en tirer les conséquences » : C'était un engagement de Nicolas Sarkozy, candidat sortant, le 26 avril 2007.
« Je sais que dans les semaines et dans les mois qui viennent, vous verrez reculer le chômage dans notre pays » : C'était le message de Nicolas Sarkozy, candidat sortant, aux Français le 25 janvier 2010.
Le résultat, nous le connaissons, c'est un million de chômeurs supplémentaires, 24 % de demandeurs d'emploi parmi les moins de 25 ans et un chômage des seniors qui explose, de plus 15 % sur la seule année 2011.
Malgré ces résultats calamiteux, le candidat sortant est reparti en campagne en osant invoquer la valeur du travail.
Ce candidat sortant a oublié la subvention aux heures supplémentaires, véritable machine à détruire l'emploi avec l'argent public, la remise en cause systématique du code du travail, l'explosion du travail précaire !
Qui peut être dupe de la manipulation d'un candidat sortant qui préfère parler du travail du dimanche pour faire oublier le chômage du lundi au samedi ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Certainement pas les ouvriers de Florange qui, comme beaucoup d'autres, se sentent trompés.
Manifestement, le candidat Nicolas Sarkozy a oublié le président Nicolas Sarkozy. Pas les Français !
Défendre la valeur du travail, c'est d'abord lutter contre le chômage, c'est retrouver le chemin de la croissance, c'est proposer, avec François Hollande (Rires sur les bancs du groupe UMP.), la création de 150 000 emplois d'avenir, du contrat de génération, de moyens supplémentaires pour Pôle Emploi.
Les Français aspirent au changement. Le temps n'est plus aux discours d'un candidat sortant qui a échoué. Avec François Hollande, nous leur proposons le changement maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Monsieur Vidalies, allez donc expliquer aux neuf millions d'ouvriers, d'employés et même de fonctionnaires qui ont fait 750 millions d'heures supplémentaires, ce qui leur a rapporté en moyenne 400 euros de pouvoir d'achat supplémentaire, que vous voulez supprimer ce dispositif !
Les filles du Carlton aussi, elles ont fait des heures supplémentaires !
Vous nous dites que le chômage a augmenté dans notre pays. Qui le nie ? Vous vous en réjouissez ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce que vous ne dites pas, c'est que nous traversons une crise économique sans précédent, que l'explosion du chômage dans l'ensemble de l'Union européenne y a porté le taux de chômage à 10 points de plus qu'en France, et vous ne mentionnez pas la situation de l'Espagne, de l'Angleterre, de la Grèce.
Ce que vous proposez, c'est de revenir en arrière, avec les 150 000 emplois jeunes comme en 1997. Notre majorité, elle, a favorisé le recours aux contrats d'alternance, dont le nombre a augmenté de 7,2 %, ce qui permettra aux jeunes d'entrer plus rapidement sur le marché du travail.
Que propose François Hollande ? Des emplois jeunes, et surtout dans les quartiers difficiles, là où justement il faudrait plutôt aider les jeunes à se préparer à un métier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous ne l'avez pas fait depuis dix ans !
Vous proposez des recettes qui n'ont pas marché, des voies sans issue. Vous n'avez pas le droit de tromper ainsi les jeunes ! Ils ont le droit aux mêmes possibilités qu'en Allemagne, où le taux de chômage des jeunes est faible.
Monsieur Vidalies, vos recettes sont celles du passé. Nous, nous préparons l'avenir pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Rossi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, la modernisation de nos universités constitue l'un des chantiers majeurs de ce quinquennat.
D'abord sur le plan de la gouvernance, avec la loi d'autonomie, ensuite, au travers de l'émergence de pôles universitaires d'excellence de niveau international, avec la mise en place d'un chantier sans précédent, le plan Campus. Près de 5 milliards d'euros sont ainsi investis sur tout le territoire pour une ambition pédagogique renouvelée, pour une rénovation des bâtiments et pour des conditions d'études améliorées.
Monsieur le ministre ma question est simple : pouvez-vous faire un point d'étape sur l'état d'avancement du plan Campus ?
Par ailleurs, pouvez-nous dire si vous comptez accélérer sa mise en oeuvre afin que les étudiants, les professeurs et les personnels puissent bénéficier d'un environnement des plus favorables pour l'enseignement supérieur en France et pour que cela soit reconnu au niveau international ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, le Gouvernement poursuit méthodiquement sa politique de soutien à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Nous l'avons fait avec l'amélioration des conditions d'étude des étudiants et avec le dixième mois de bourse. Nous l'avons fait avec le soutien à nos laboratoires d'excellence, notamment chez vous, à Sophia-Antipolis, pour remettre la recherche française au premier plan. Nous l'avons fait avec nos universités et nos campus universitaires pour leur permettre de retrouver leur dynamisme. Nous le faisons aujourd'hui, comme nous l'avons fait hier lors de notre déplacement avec le Premier ministre, en investissant dans l'immobilier de nos universités et de nos organismes de recherche.
Cet immobilier était dans un état lamentable. Il n'offrait plus un visage correct à la hauteur de l'excellence de nos universités et de notre recherche. Quel contraste entre la qualité de l'enseignement supérieur et l'état déplorable de campus comme ceux du Mirail ou de Jussieu ! Nos investissements dans l'immobilier doivent nous permettre de rattraper ce retard : 5 milliards d'euros sont investis dans le cadre du plan Campus, dont 4,5 milliards pour le soutien aux opérations immobilières et 500 millions investis dans les logements pour étudiants. Au total, en ce moment même, sur l'ensemble du territoire français, trois cents chantiers ont commencé sur tous nos campus universitaires, qui concernent aussi bien les plaines sportives de Lyon ou la faculté de médecine de Nantes que le déplacement de la faculté des sciences de Saint-Étienne.
J'entends monter du côté gauche de l'hémicycle un certain nombre de grognements goguenards. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est assez amusant, car l'avantage de la loi d'autonomie des universités, c'est qu'elle permet d'avoir un peu de mémoire. Il y a quatre ans, cette loi, critiquée par l'opposition, n'avait fait l'objet d'aucun soutien de sa part. Aujourd'hui, elle constitue une pierre de touche qui permet de voir où sont les partisans de l'immobilisme et où sont ceux du changement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
En pensant aux millions de chômeurs supplémentaires depuis le début de son quinquennat, je me disais que nous l'avions échappé belle : que se serait-il passé si ce n'avait pas été le cas ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour occulter son bilan, son dépôt de bilan devrais-je plutôt dire (Même mouvement), le candidat de la manipulation s'invente des adversaires virtuels et fait colporter des rumeurs. La dernière en date, diffusée par sa nouvelle porte-parole, consiste à faire croire à la haute fonction publique de notre pays qu'elle court des risques en cas d'alternance. Mais, mes chers collègues, il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu. Le Président sortant nous avait promis « une République irréprochable ». En réalité, ce quinquennat aura été celui des nominations de complaisance et des évictions de circonstances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
On ne compte plus les magistrats du parquet nommés contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature, à commencer par Philippe Courroye. (Applaudissements continus sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) On ne compte plus les préfets, les directeurs de la sécurité publique débarqués parce qu'ils n'avaient pas su protéger la piscine d'un ami acteur en Corse, parce qu'ils n'ont pas su éloigner les manifestants à Saint-Lô, ou parce qu'ils n'avaient pas su installer le tout à l'égout dans le Var. (Mêmes mouvements.)
Mes chers collègues, je veux vous dire les choses comme nous les ressentons. La haute fonction publique est une chance pour notre pays dès lors qu'elle est à son service exclusif. Celui qui vous dit cela a été haut fonctionnaire jusqu'en 1995, préfet des Landes débarqué par Alain Juppé en une semaine, laissé au placard pendant deux ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quand on veut monter au mât de cocagne, il faut avoir des chemises aux pans blancs ; ce n'est pas votre cas ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Mes chers collègues, je vous demande de vous calmer.
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, il ne faut pas plaisanter avec la République et avec la neutralité de la fonction publique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Président de la République a oeuvré dans le sens d'une République irréprochable. (Même mouvement) Le Président de la République a rééquilibré les pouvoirs dans notre pays.
Qui a décidé de nommer un député socialiste à la tête de la commission des finances ? C'est nous, ce n'est pas vous ! Qui a décidé de nommer un député socialiste à la tête de la Cour des comptes ? C'est nous, ce n'est pas vous ! Qui a décidé de nommer un ancien sénateur socialiste au Conseil constitutionnel ? C'est nous, ce n'est pas vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Alors, monsieur Martin, il est vrai qu'aujourd'hui le Président de la République a décidé que l'administration serait aussi jugée sur ses performances. Cela signifie que, lorsqu'un fonctionnaire ne remplit pas sa mission, il faut pouvoir le changer.
J'ai entendu le candidat François Hollande dire qu'il adopterait le système américain des dépouilles s'il était élu et que tous les directeurs d'administration centrale nommés par Nicolas Sarkozy devraient changer. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !
Cela, c'est contraire au pacte républicain, c'est sectaire, c'est le contraire de la République que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe de l'Union pour un mouvement. populaire
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Nos collègues de l'opposition nous jouent l'air de la probité et de l'honnêteté. Eh bien, je vais leur en raconter une qui leur fera sûrement plaisir !
« Séropositif », « ancien SDF », « dépressif », « alcoolique » : tels sont les termes sans nuance que l'on retrouve dans les fiches qu'un bailleur social de la ville de Paris tenait sur les locataires de ses logements sociaux. Et vous nous donnez des leçons, mesdames, messieurs les députés socialistes ! (« Hou ! Hou ! » sur les bancs du groupe UMP.)
La CNIL a demandé que ces pratiques honteuses, scandaleuses, cessent chez les bailleurs sociaux de la ville de Paris. Or, qu'a répondu l'adjoint de Bertrand Delanoë chargé du logement ? Cette affaire va être traitée, mais on s'arrête là !
Monsieur le Garde des sceaux, on ne peut s'arrêter là. Ce fichage des locataires est inacceptable dans notre pays. Aussi, je vous le demande solennellement, que comptez-vous faire au sujet de l'avis de la CNIL et comment allez-vous faire en sorte que ce type de pratiques cesse, à Paris Habitat et chez d'autres bailleurs sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur le député, début février, la CNIL a rendu publique une mise en demeure qu'elle a adressée à l'Office publique d'habitat de Paris. Cette mise en demeure est la première phase de la procédure administrative prévue par la loi « Informatique et libertés » de 1978. En effet, le fichier de Paris Habitat n'est pas conforme à la loi.
Le Gouvernement ne saurait prendre position dans le cadre d'une procédure diligentée par une autorité administrative indépendante, sur la base d'un dossier auquel il n'a pas accès. Néanmoins, il apparaît, au vu des éléments publiés par la CNIL elle-même, que l'Office public d'habitat aurait pu, en violation des dispositions de la loi « Informatique et libertés » et sans en demander l'autorisation à la CNIL, collecter des données sur la vie privée des personnes, données qui ne sont pas nécessaires à la gestion locative. La Commission a donc donné deux mois à l'Office pour mettre son fichier en conformité avec la loi.
Je rappelle, d'une part, que, si cette mise en conformité n'était pas réalisée dans les délais impartis, la CNIL pourrait imposer une sanction administrative, d'autre part, que la conservation dans un fichier de données relatives à la santé des personnes sans leur autorisation est constitutive d'un délit pénal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et. divers gauche
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
« Je n'augmenterai pas les impôts, mais, au contraire, ferai tout pour les baisser » : tel est l'engagement que prenait le candidat Sarkozy, dans son programme, en 2007. En juin de la même année, dans un communiqué martial, la présidence de la République précisait même que Nicolas Sarkozy n'accepterait « aucune augmentation de la TVA dans sa forme actuelle, qui aurait pour effet de réduire le pouvoir d'achat des Français. » Était-ce un matin ? En tout cas, il n'aura tenu ses promesses que pour les seuls visiteurs du soir du Fouquet's (Protestations sur les bancs du groupe UMP), eux qui ont bénéficié, depuis en 2007 et tout au long du quinquennat, du bouclier fiscal.
En juin dernier, au mépris de la crise et de la dette, que le Gouvernement a creusée, vous avez fait voter par la majorité un allégement de 2 milliards d'euros pour les plus grandes fortunes, alors qu'à l'automne, la même majorité votait l'augmentation du taux réduit de TVA, pour tous les Français cette fois.
En octobre 2011, dans l'émission Face à la crise, devant des millions de nos concitoyens, Nicolas Sarkozy se déclarait opposé à une hausse généralisée de la TVA, pour une raison simple, disait-il. Cela pèserait sur le pouvoir d'achat et la consommation des Français.
Pourtant, dans quelques instants, votre majorité, monsieur le Premier ministre, votera une nouvelle augmentation de la TVA, qui frappera tous les Français, notamment les catégories populaires, les classes moyennes, les familles, les retraités, les travailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Alors, ma question est simple : Nicolas se rappelle-t-il, le soir, de ce que Sarkozy a dit le matin ? Le candidat de 2007 honore-t-il le Président de 2012 ? Le candidat de 2012 sait-il vraiment ce qu'il dit, ce qu'il promet ? Qui faut-il croire ? En tout cas, nous, nous ne croyons qu'une seule personne…
Merci.
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Madame Mazetier, vous m'interrogez sur le bilan du quinquennat et cela tombe bien : je vais pouvoir ainsi faire la lumière sur la différence qui existe entre vous et nous. Ce quinquennat marqué par la crise est celui du courage, de la réforme et des engagements tenus. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avions promis de réduire la délinquance : depuis neuf ans, l'insécurité baisse dans notre pays. (Mêmes mouvements.)
Nous avions promis d'augmenter le pouvoir d'achat des Français : depuis 2007, selon l'INSEE, il a augmenté de 6 %. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avions promis de protéger le modèle social : nous avons réformé les retraites et diminué de 40 % le déficit de l'assurance maladie.
Nous avions promis de valoriser le travail : nous avons offert des heures supplémentaires défiscalisées à 9 millions de Français qui gagnent en moyenne 1 500 euros.
Nous avions promis une fiscalité plus juste…
…contrairement à ce que vous avez dit, nous avons demandé, pour réduire les déficits, 3,6 milliards aux plus riches. Nous avons demandé plus à ceux qui ont plus. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avions promis de réduire les déficits : ce que nous avons fait depuis 2010 est sans précédent dans l'histoire de notre pays et, désormais, les dépenses de l'État baissent d'une année sur l'autre.
Nous avions promis de doper la compétitivité de nos entreprises : nous avons triplé le crédit d'impôt recherche, réformé l'université, supprimé la taxe professionnelle.
Voilà nos engagements et notre bilan. Soyez honnêtes, reconnaissez-le ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Fernand Siré, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Madame la ministre, demain, mercredi 22 février, va se tenir le Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui rendra un avis sur le rapport produit par le Gouvernement à la suite de la deuxième conférence nationale du handicap, qui a eu lieu en juin 2011.
Les principales associations représentatives des personnes atteintes d'un handicap devraient souligner les principales avancées enregistrées depuis 2007, notamment en ce qui concerne la revalorisation de l'allocation d'adulte handicapé, les progrès dans la plupart des champs de l'accessibilité et le nombre d'élèves atteints d'un handicap scolarisés en milieu ordinaire.
Elles pourraient également attirer l'attention du Gouvernement sur un certain nombre de points de vigilance, par exemple le respect de l'échéance de 2015, la formation des enseignants ou encore la situation des enfants qui pourraient rester sans solution éducative.
Ce gouvernement a beaucoup fait, depuis cinq ans, pour l'intégration pleine et entière des personnes handicapées, notamment des enfants. Je tiens d'ailleurs à souligner ici le travail exemplaire effectué par le sénateur Paul Blanc sur le sujet : le rapport qu'il a rédigé constitue une référence en la matière.
Les engagements pris par le Président de la République, lors de la deuxième conférence nationale du handicap du 8 juin dernier, en sont encore un exemple : 122 mesures ont ainsi été annoncées, que ce soit sur le champ de la scolarisation, de l'emploi ou encore de l'accessibilité, pour un engagement financier nouveau de plus de 400 millions d'euros.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer les intentions du Gouvernement concernant la politique en faveur des personnes handicapées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Monsieur le député, la politique menée en direction de nos compatriotes handicapés est une priorité sociale absolue du Président de la République. Marie-Anne Montchamp et moi-même sommes chargées de la mettre en oeuvre, et nous consacrons entièrement à cette tâche.
Quand on voit les résultats, on comprend qu'il faille s'y mettre à deux !
Alors que le plan de création de places est arrivé à mi-parcours, il apparaît que nous avons tenu nos engagements : 50 % des places pour adultes sont autorisées et 50 % des places pour enfants sont créées.
Pour ce qui est de l'accessibilité, le Président de la République a dit, lors de la dernière conférence nationale du handicap, que l'échéance de 2015 serait tenue.
Cette échéance n'est pas négociable, et le Gouvernement émettra un avis négatif sur l'article 1er de la proposition de loi Doligé, qui prévoit un certain nombre de dérogations que nous estimons inadmissibles.
La scolarisation a, elle aussi, avancé : alors que 131 000 enfants étaient scolarisés au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, nous en sommes désormais à 217 000. Par ailleurs, le nombre d'auxiliaires de vie scolaire a encore augmenté de 10 000 à la dernière rentrée scolaire, pour atteindre le chiffre de 41 000. Enfin, dans la dernière loi de finances, Luc Chatel vient d'augmenter de 30 % les crédits destinés à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire.
L'emploi aussi a marqué des points : de 2,3 % de personnes handicapées dans les entreprises soumises à l'obligation d'emploi, nous sommes passés à 2,9 %. Alors que la fonction publique d'État emploie actuellement 5 % de personnes handicapées, François Sauvadet et moi-même espérons atteindre le chiffre de 6 % – je précise que le ministère que j'ai l'honneur de servir en est déjà à 6,7 %.
L'absence totale du handicap et des personnes handicapées dans le programme du parti socialiste (Protestations sur les bancs du groupe SRC) est sans doute le plus bel hommage que François Hollande puisse rendre à la politique menée par Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Véronique Besse, au titre des députés non inscrits.
Ma question s'adresse à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Madame la ministre, il y a quelques années, l'apprentissage était le parent pauvre de l'enseignement. Grâce à la mobilisation des chefs d'entreprise, aux enseignements de qualité, à leur diversité, aux très bons résultats aux examens et grâce à une communication positive en direction des jeunes et de leurs familles, l'apprentissage est en passe de retrouver ses lettres de noblesse.
La loi sur le développement de l'alternance adoptée l'année dernière a montré toute son efficacité : grâce à elle, le nombre de contrats en alternance a grimpé de plus de 7 % en un an, soit 30 000 contrats de plus en 2011, dans un contexte que l'on sait difficile. L'augmentation du nombre d'apprentis dans les entreprises de plus 250 salariés, que nous voterons tout à l'heure dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, va venir consolider cette tendance.
Mais il nous faut aller encore plus loin. L'apprentissage constitue une véritable richesse en termes de savoir-faire, de formation humaine et surtout de débouchés. La recette est simple : premièrement, pas de rigidité, mais des formations courtes, modulables et adaptées aux besoins réels des bassins d'emplois ; deuxièmement, la mise en valeur de ces filières manuelles d'excellence, où les élèves apprennent un vrai métier.
À une époque où le chômage des jeunes nous préoccupe particulièrement, où beaucoup de jeunes sont en situation d'échec professionnel ou d'échec scolaire parce qu'ils n'ont pas trouvé leur voie, l'alternance doit être une priorité, parce que c'est la voie de la réussite.
Madame la ministre, vous prévoyez à ce titre plusieurs mesures pour renforcer l'information des jeunes sur les filières en alternance. Vous souhaitez également sensibiliser encore un peu plus les entreprises. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur vos projets, notamment sur les stages de découverte de l'alternance en classes de quatrième et de troisième ? Pouvez-vous également nous dire ce que vous comptez faire pour encourager la création de nouvelles filières d'excellence ? (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
La parole est à Mme la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Madame la députée, vous avez raison : les formations en alternance constituent un levier extrêmement puissant pour permettre aux jeunes d'entrer sur le marché de l'emploi. Avec le Président de la République, nous nous sommes efforcés de mettre en place toutes les conditions de nature à permettre ce développement.
Vous avez rappelé les chiffres : en un an, malgré la crise, nous avons obtenu une augmentation de 7,2 % du nombre de contrats en alternance. En ce qui concerne les entreprises de moins de 250 salariés, le dispositif « zéro charge », qui va durer jusqu'au mois de juin, nous a permis d'obtenir 40 000 demandes de contrats pour nos jeunes. Nous avons aussi décidé de donner un coup d'accélérateur pour les entreprises de plus de 250 salariés, car c'est là que nous disposons des marges de manoeuvre les plus importantes : certaines de ces entreprises ont moins de 1 % de jeunes en alternance dans leurs effectifs.
Le Parlement a voté la disposition qui fait passer à 5 % le quota de présence obligatoire de jeunes en alternance au sein des effectifs dans les entreprises de plus de 250 salariés. C'est là un accélérateur dont nous avons grand besoin.
Comme vous le savez, nous devons également moderniser notre outil de formation. À cet effet, j'ai signé les contrats d'objectifs et de moyens. Pour la première fois, à parité avec les régions qui rechignaient parfois à s'engager, l'État verse 1,7 milliard d'euros pour permettre à nos jeunes de préparer un vrai métier. Par ailleurs, sur l'enveloppe du grand emprunt, 500 millions d'euros sont destinés à leur permettre de disposer de places d'hébergement.
C'est grâce à ces dispositifs, madame la députée, que nous aiderons vraiment les jeunes à se préparer à exercer un métier, base de la construction de leur vie future.
François Hollande, lui, n'a rien d'autre à proposer que la vieille recette de 1997, qui n'a pas marché ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Formation professionnelle et apprentissage
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, heureusement que je suis républicain car, à cet instant, la gauche est majoritaire ! Il suffirait que je renonce à mon intervention et que nous votions tout de suite pour que le PLFR soit repoussé…
Samedi dernier, j'ai rencontré, lors d'une réunion publique, une Montreuilloise qui me disait ne pas avoir honte d'avoir voté pour Nicolas Sarkozy en 2007.
Elle avait cru, malgré son âge, aux belles paroles du « président du pouvoir d'achat ». Depuis, elle s'est sentie dupée. Son petit-fils est toujours à la recherche d'un CDI, sa fille ne gagne que 1 382 euros par mois malgré vingt ans d'ancienneté, et sa pension de retraite ne lui permet pas de vivre dignement, à cause des multiples réformes des retraites conduites par la droite.
À force de subir les conséquences concrètes de la politique de Nicolas Sarkozy, elle regrette amèrement son choix de 2007. Cette Montreuilloise, tout comme des centaines de milliers de Français, s'est aperçue qu'au cours des quatre dernières années le chef de l'État s'est comporté non pas comme le Président de la République, mais comme le président des riches. Diminution des droits de succession, exonération des plus-values de cession des entreprises, bouclier fiscal, division par deux du montant de l'ISF : en presque cinq ans, Nicolas Sarkozy a ruiné les finances de l'État pour servir les intérêts des repus et des nantis.
Le projet de loi sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui représente la troisième vague d'austérité depuis septembre 2011. Vous faites payer aux dizaines de millions de Français qui n'en ont pas bénéficié l'addition des cadeaux fiscaux accordés aux plus riches. Selon un rapport de 2010 du Conseil des prélèvements obligatoires, les exonérations fiscales et sociales coûtent chaque année 172 milliards d'euros à l'État. Plutôt que de s'attaquer à ces exonérations fiscales et sociales inutiles, vos trois plans d'austérité ont créé 31 milliards d'euros de charges supplémentaires, ce qui réduit d'autant le pouvoir d'achat des familles, des couches moyennes et des familles pauvres. L'inégalité est manifeste entre la France d'en bas et la France d'en haut : ce sont à 85 % les ménages les moins aisés qui financent vos politiques de rigueur, alors que l'effort demandé aux rentiers et aux spéculateurs n'est que de 15 %.
Nicolas Sarkozy prétend vouloir combattre les marchés financiers, mais la « taxe Tobin » qu'il propose n'est qu'une mesure cosmétique. Elle ne rapportera au budget de l'État qu'un milliard d'euros, au lieu des 15 milliards que l'on aurait récupérés si vous aviez voté la proposition de taxe sur les transactions financières présentée conjointement par les députés français du Front de gauche et les députés allemands de Die Linke le 1er décembre dernier. La différence est sensible entre une vraie taxe Tobin et un pastiche de taxe sur les transactions financières.
Le but de celle que vous nous proposez n'est pas de s'en prendre aux spéculateurs : votre taxe n'est qu'un contre-feu destiné à faire avaler la pilule amère d'une nouvelle augmentation de la TVA de 10,6 milliards d'euros. Les consommateurs auront des fins de mois encore plus difficiles. Alors que les promoteurs de la TVA sociale annonçaient des augmentations de salaire pour les travailleurs, il n'en sera rien et les produits français ne tireront aucun avantage en termes de compétitivité. Cette TVA prétendument sociale et son corollaire, l'exonération des cotisations pour les allocations familiales, n'ont qu'un but : « défaire méthodiquement », selon les propos de Denis Kessler, le système de sécurité sociale issu du Conseil national de la Résistance.
Vous voulez que la sécurité sociale soit financée par les consommateurs, qu'ils soient salariés, chômeurs ou retraités, en lieu et place d'un financement par des cotisations de sécurité sociale assis sur un partage des richesses créées par le travail. La logique sous-jacente de ce transfert de financement est tout bonnement de donner encore et encore plus d'argent aux riches actionnaires et au patronat.
Quant à l'argument de la création de 100 000 emplois que vous brandissez, il est pour le moins contesté. Il en coûterait à la collectivité 130 000 euros par emploi créé ! Le journal La Tribune qualifie cette somme de « coût exorbitant », ce qui se comprend aisément lorsque l'on sait que l'on pourrait verser à quatre personnes, pendant un an et pour le même prix, un salaire de 2 000 euros par mois.
Monsieur le président j'ai voulu laisser du temps à Jérôme Chartier pour arriver ! (Sourires.)
Permettez-moi d'être sceptique sur ces prétendues 100 000 créations de postes.
J'en terminerai, monsieur le président, en citant des propos d'Éric Heyer, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques. Selon lui, « si les entreprises ne répercutent pas entièrement la baisse de cotisation sur les prix, ou si les autres pays européens réagissent à ce qui s'apparente à une dévaluation, alors il faut craindre des destructions de postes. »
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je voudrais tout d'abord rassurer M. Brard : j'étais arrivé bien à l'heure pour l'écouter, même si, je le reconnais, j'ai failli m'endormir. Heureusement, le président m'a réveillé en me signalant la fin de son propos !
Il faut bien dire que c'est toujours un peu la même chose, monsieur Brard : la veuve de Montreuil éplorée ou la grand-mère qui craint pour les études de la petite.
Vous ignorez ces gens-là ! Vous avez un portefeuille à la place du coeur !
Cela montre bien le caractère antisocial de votre politique, monsieur Chartier !
C'est une belle caricature, mais la réalité, vous le savez, est tout autre.
La réalité c'est, par exemple, cette nouvelle conception de l'abstention qu'a développée le parti socialiste. Elle s'appelle « abstention dynamique » – ce sont les propres paroles de M. Ayrault – et les socialistes vont l'appliquer tout à l'heure sur le mécanisme européen de stabilité.
L'abstention dynamique ! On n'a pas fini d'en sourire. Il est vrai qu'au PS, vous êtes très créatifs pour ce qui est des formules, parfois lyriques…
…pour définir ce qui est, ni plus ni moins, un « ni pour ni contre, bien au contraire » !
Quelle déception, à un moment où l'Europe entière se mobilise pour sauver la Grèce et où la France a su trouver les mots justes lors des négociations pour faire en sorte d'assurer l'avenir et de sauver ce pays qui, comme l'a dit tout à l'heure Alain Juppé, nous est très cher, et pas seulement aujourd'hui, car il y va aussi de l'histoire ! Quel dommage que la position des socialistes soit cette abstention que M. Ayrault qualifie de dynamique ! Bien évidemment, il n'en est rien : cette abstention est faussement dynamique. En revanche, elle est très décevante, comme l'était la position des socialistes sur le principe de diminuer le coût du travail.
Pourquoi voulons-nous cette diminution ? Pour faire en sorte que le chômage en France ne soit pas une fatalité et pour trouver une vraie solution à ce problème. Or, cette solution,…
…c'est de baisser le coût du travail de façon significative. Comme on le sait, les charges patronales vont baisser de plus de 12 % grâce à une mesure contenue dans le projet de loi de finances rectificative. C'est l'assurance de disposer d'une arme supplémentaire en faveur de l'emploi en France, soit pour son maintien, soit pour son implantation. C'est bien là l'objectif de cette mesure de réduction qui, chacun le sait, est compensée par une augmentation minime du taux normal de TVA, qui passera de 19,6 % à 21,2 %, soit une hausse de 1,6 point.
Voilà une grande décision. Il y en a une autre sur laquelle le parti socialiste aurait, là encore, pu faire preuve d'une position constructive et non d'une opposition systématique : je veux parler de la taxe sur les transactions financières.
De quoi s'agit-il ? Tout simplement de faire triompher en France, et je l'espère, au-delà des frontières, le concept de finance républicaine, une finance qui a certes des droits, mais aussi des devoirs en termes de réduction du déficit. Ainsi, elle contribuera aux charges collectives à travers une taxe sur les transactions, laquelle ne nuira pas à la compétitivité de la place de Paris mais ira dans le sens de l'histoire économique.
Cette mesure aurait pu faire l'objet d'un vote favorable du groupe SRC et des communistes – car il en reste, contrairement à ce que pensent les socialistes ! Mais, dans quelques instants, les socialistes et les communistes, Verts et apparentés – à moins qu'ils ne changent subitement d'avis – voteront contre. Tout cela est bien décevant. Nous aurions pu faire oeuvre commune pour adopter deux mesures extrêmement populaires et nécessaires. Malheureusement, l'opposition n'en a cure.
Enfin, lors de cette discussion, une bonne nouvelle a été annoncée : nous ne sommes pas en récession…
…contrairement à ce qu'affirmait M. Hollande le 16 décembre, évoquant les trois échecs de M. Sarkozy. M. Hollande voulait la récession ; il aura la croissance ! Grâce aux mesures prises sous l'impulsion du chef de l'État et mises en oeuvre par le Gouvernement, les déficits seront réduits. Grâce à la baisse du coût du travail, le chômage n'augmentera pas, contrairement à ce que souhaitait M. Hollande, qui pensait que cela favoriserait son élection à la présidence de la République ! Messieurs Ayrault et Brard, vous le regretterez !
Ce triple échec sera celui de François Hollande, mais aussi celui d'une opposition que nous aurions souhaitée constructive et qui, à son habitude, ne l'a pas été. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre du budget, mes chers collègues de la majorité, avec ce transfert de cotisations patronales sur la TVA, vous commettez une triple erreur et une injustice.
La première erreur porte sur le diagnostic : le manque de compétitivité vis-à-vis de nos partenaires européens ne tient pas au coût du travail. Le salaire horaire est le même qu'en Allemagne,…
…la durée du travail, de 38 heures en France, est plus élevée qu'en Allemagne, où elle est de 35 heures et demie, et la productivité du travail y est plus forte. Quant à concurrencer les pays où les salaires sont dix fois inférieurs, ce ne sont pas des mesures agissant sur le coût du travail qui aideront à y parvenir. Le secret de la compétitivité tient à l'innovation et, comme en Allemagne, à la spécialisation dans des produits haut de gamme. Autant de facteurs que vous n'avez pas pris en compte dans vos politiques.
La deuxième erreur est de nature économique. Si cette mesure doit avoir un effet sur la compétitivité, c'est parce que le salaire réel aura baissé. Ce transfert, à la façon d'une dévaluation, entraînera une baisse du revenu des ménages. Résultat : dans une situation telle que nous la connaissons, où la croissance est très lente parce que le revenu des ménages n'augmente pas, vous enfoncerez un peu plus notre pays dans une croissance faible, voire dans la récession.
D'ailleurs, comment le Président de la République a-t-il pu proposer cette mesure, lui qui expliquait en 2004, alors qu'il était ministre des finances, qu'une TVA sociale équivalant à un point supplémentaire conduirait à une réduction de la croissance de 0,5 point, le pouvoir d'achat du salaire réel baissant sous le coup de la hausse des prix ? Comment peut-il prendre une telle mesure dans la conjoncture actuelle ?
En vous trompant de cible, vous arrosez le sable ! Seulement 3,3 milliards, sur les 13 milliards que coûtera cette mesure, iront à l'industrie ; le reste permettra en grande partie d'alléger les cotisations dans des secteurs non soumis à la concurrence. Vous ne visez donc pas le renforcement de la compétitivité, mais une nouvelle baisse des charges salariales. Qui plus est, celle-ci aura des résultats moindres que les précédentes, puisque les allègements les plus efficaces, au niveau du SMIC, existent déjà.
Troisièmement, vous commettez une erreur politique en faisant payer par les familles les cotisations patronales destinées à financer la politique familiale. Vous rompez ainsi le pacte social, provoquant la plus grande remise en cause de la politique familiale jamais vue depuis la Libération !
Enfin, cette mesure est injuste : la TVA pèse trois fois plus dans le budget d'une famille modeste que dans le budget d'une famille aisée, laquelle épargne une grande partie de son revenu. Quant aux retraités, vous leur ferez payer une deuxième fois des cotisations dont ils se sont déjà acquittés tout au long de leur vie active.
C'est la troisième augmentation de TVA : 13 milliards d'euros… cela vous rappelle-t-il quelque chose ?
Le paquet fiscal ! Voici comment votre politique peut être résumée : lorsque tout allait bien, les plus fortunés de nos concitoyens recevaient la majeure partie des 13 milliards d'euros de cadeaux fiscaux ; aujourd'hui, ce sont tous les Français, et notamment les plus modestes, qui vont payer la hausse de la TVA.
Ce nouveau plan de rigueur, le troisième, signe la faillite d'un président qui voulait récompenser le travail et rétablir le plein emploi, mais qui n'a récompensé que la rente, qui a laissé exploser le chômage et fait aujourd'hui payer aux plus modestes le prix de sa politique irresponsable. Un président qui, sur la scène internationale et européenne, promettait la fin des paradis fiscaux, la régulation financière, les eurobonds, la taxation des transactions financières, mais qui n'aura rien tenu et rien obtenu, et qui tente de faire oublier son bilan calamiteux par un traité européen qui ne règle rien et par un impôt de bourse qu'il rétablit après l'avoir supprimé, prétendant qu'il s'agit là d'une taxe sur les transactions financières.
Nos voisins britanniques, farouchement opposés à toute taxe sur les transactions financières, auront raison de se réjouir de voir la France les rejoindre avec un impôt quatre fois plus faible que le stamp duty et concluront que cela ne vaut pas la peine de continuer à taxer les transactions financières. D'une certaine façon, cette mesure, arrêtée pour des raisons purement électorales, aura fait capoter un véritable projet européen.
Enfin, il est profondément choquant de voir un président se livrer, à trois mois de l'élection, à une telle fuite en avant et accumuler des mesures aussi aberrantes qu'inefficaces. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce collectif budgétaire montre la prise en compte de nos idées, qu'il s'agisse de la révision des prévisions de croissance, que nous préconisions depuis le début de la discussion sur la loi de finances initiale, de la TVA compétitivité, que nous défendions depuis quinze ans, ou de la taxe sur les transactions financières.
Cependant, nous regrettons la réalisation tardive, et certainement précipitée, de la TVA compétitivité. Un projet aussi ambitieux que l'indispensable rénovation du financement de la protection sociale ne peut se faire sans un minimum de consensus politique et social. La TVA compétitivité est une réalité déjà ancienne chez plusieurs de nos partenaires européens, et si, au Danemark par exemple, chacun s'en félicite et en reconnaît les mérites, cela tient en grande partie au fait que tous les acteurs politiques, économiques et sociaux ont su faire preuve de responsabilité dans la recherche d'un tel consensus.
Nous n'avons pas su le trouver en France. Le calendrier ne le permettait pas mais, surtout, le parti socialiste, enfermé comme il est dans un carcan idéologique, n'a pas su – à l'exception de M. Valls – être cohérent avec ses partenaires de l'Internationale socialiste.
Cette incohérence pourrait être pardonnable, tant nous y sommes habitués, si elle n'était accompagnée d'un haut degré d'irresponsabilité. Car il faut l'avouer, mes chers collègues, tant d'opposition devant une réforme à ce point indispensable ne peut venir que d'une formation politique totalement déconnectée des réalités économiques internationales ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
En ce qui nous concerne, nous avons voulu rendre cette réforme cohérente en incluant dans le champ de l'exonération des charges sociales patronales relatives à la branche famille les indépendants agricoles. En effet, l'agriculture est un secteur particulièrement soumis à la concurrence étrangère.
L'amélioration de sa compétitivité, tant sur le marché intérieur qu'à l'exportation, nous semblait primordiale. Nous n'avons pas été entendus, mais nous ferons preuve de responsabilité au moment de voter la mise en place de cette TVA compétitivité.
En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, le Nouveau Centre, comme le Gouvernement, a considéré qu'il convenait de faire preuve, là encore, de cohérence et de responsabilité.
Cohérents, nous l'avons été en proposant que soient exclues du champ de cette taxe les actions acquises dans le cadre de l'épargne salariale. Cette proposition s'inscrit dans la lignée de l'exonération de la prime d'intéressement et de l'exonération des heures supplémentaires. Comme le Gouvernement, nous n'avons jamais cessé de privilégier le pouvoir d'achat des salariés. Nous nous félicitons que cette proposition ait été adoptée par cette assemblée et espérons qu'elle le sera au Sénat.
Responsables, nous l'avons été en reconnaissant que la finance, dont les dérives ont en partie causé la crise actuelle, soit encadrée et régulée. Cette régulation passe, entre autres, par la participation des acteurs du secteur à l'effort de redressement de nos finances publiques. Responsables, nous l'avons été aussi en soulignant que cette réforme devait, pour prendre toute sa mesure, s'inscrire dans un cadre européen. Néanmoins, nous avons reconnu que la France se devait d'initier ce mouvement, pour que soit envisageable une coopération entre tous les États de l'Union européenne.
Loin de cet esprit qui anime la majorité, les critiques socialistes sont plus incohérentes encore que celles exprimées vis-à-vis de la TVA compétitivité. N'oublions pas qu'a été votée ici même, en 2001, par une majorité de gauche, une taxe sur les transactions en devises, taxe dont le taux prohibitif de 0 % n'a pu que faire frémir les financiers et les spéculateurs les plus chevronnés…
C'est certainement ce que l'on appelle faire la guerre à la finance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Enfin, je voudrais me féliciter qu'ait été adopté à la quasi-unanimité de l'hémicycle un amendement prévoyant de régler la situation, tout en l'encadrant pour l'avenir, de la vente d'alcool pur par les pharmaciens d'officine. C'est dans un esprit de cohérence et de responsabilité que le groupe Nouveau Centre votera ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 516
Nombre de suffrages exprimés 508
Majorité absolue 255
Pour l'adoption 301
Contre 207
(Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
Monsieur le président, j'ai tout à l'heure été interpellé par notre collègue Jérôme Chartier lorsque j'intervenais, au nom du Front de gauche, au titre de l'explication de vote sur le projet de loi de finances rectificative.
Curieusement, en me répondant, Jérôme Chartier n'a parlé que de Jean-Marc Ayrault et de François Hollande. Je me demande s'il n'était pas sous hypnose ou s'il n'était pas encore sorti de la tranche sommeil de l'après-midi.
Ce doit être le cas puisqu'il est reparti…
Quoi qu'il en soit, il n'est pas convenable qu'un collègue répondant à un autre se trompe sur son identité. Cela fait suffisamment longtemps que je suis là pour qu'il ne confonde pas Jean-Marc Ayrault avec Jean-Pierre Brard et réciproquement. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que Jean-Marc Ayrault veuille être pris pour Jean-Pierre Brard !
Nous avons chacun notre carte d'identité, à laquelle nous tenons. Celle de Jean-Marc Ayrault est rose, la mienne est rouge !
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro (n°s4337, 4347) et du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité (n°s 4336,4348).
La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune. Ils feront ensuite l'objet, chacun séparément, d'un scrutin public à l'issue de l'examen de leurs articles.
La parole est à M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, depuis 2008, une crise sans précédent frappe le monde industrialisé, crise financière qui s'est transformée en crise économique et monétaire, puis en crise sociale avec le haut niveau d'endettement. L'Europe a été particulièrement touchée. L'inquiétude des marchés financiers se fondait sur leur perception d'un déficit de gouvernance dans l'Union européenne, et plus précisément au sein de la zone euro. Notre responsabilité était donc de rétablir la confiance. Confiance des investisseurs. Confiance des États européens les uns envers les autres. Confiance de l'Europe en elle-même.
La France s'est particulièrement mobilisée dans la résolution de la crise. L'Europe est un bien précieux qu'il nous faut sauvegarder au prix, si nécessaire, de quelques sacrifices. Cela demande du sang-froid et du courage.
Nous avons refusé la tentation du renoncement. Certains voulaient abandonner l'Europe…
…et se résigner au repli sur soi. Cette solution, nous n'en voulions pas. Depuis des siècles, la France est un acteur majeur du monde. Notre voix porte parce que nous défendons des valeurs universelles. Comment cette France héritière de la Révolution française et État fondateur de l'Union européenne aurait-elle pu succomber aux sirènes de la « démondialisation » ? Le monde ne « se démondialise » pas. Il faut choisir d'en faire partie ou de se retirer. Nous avons choisi l'action.
Nous avons aussi refusé la facilité. Verser une aide sans contrepartie serait le plus simple à court terme. Pourtant, nous en sortirions tous perdants. Les États aidés ne résoudraient pas leurs difficultés. L'Europe dans son ensemble poursuivrait son dangereux endettement.
Face à ces deux démagogies possibles, nous avons fait le choix de la responsabilité, qui se fonde sur la solidarité et la discipline. Nous avons donc trouvé le juste équilibre, qui est un équilibre juste.
Les deux textes sur lesquels vous êtes appelés à vous prononcer aujourd'hui concernent le mécanisme européen de stabilité, qui constitue le volet « solidarité » de cet accord global : c'est le pare-feu de la zone euro face aux attaques des marchés financiers. Plus encore que l'aide qu'il permettra de verser, c'est le message de confiance et d'unité qu'il porte qui est essentiel. « Ce n'est pas tant l'aide de nos amis qui nous aide que la confiance en cette aide », disait Épicure.
Le premier projet de loi vise à la ratification de la décision du 25 mars 2011 par lequel le Conseil européen est convenu de modifier l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Cette modification de l'article 136, réalisée selon la procédure de révision simplifiée des traités, consiste en l'ajout d'un alinéa qui reconnaît la faculté pour les États membres de la zone euro d'instituer entre eux un mécanisme de stabilité. Cette modification contribue à une meilleure sécurité juridique. Elle garantit explicitement la compatibilité du futur mécanisme européen de stabilité avec la clause de non-renflouement qui figure à l'article 125 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Le second projet de loi permet d'autoriser la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité – le MES.
Le mécanisme européen de stabilité est appelé à remplacer les deux instruments d'assistance mis en place au printemps 2010 : le Fonds européen de stabilité financière – FESF – et le mécanisme communautaire de stabilisation financière – MESF. Il s'agit d'institutionnaliser le principe de solidarité au coeur de la construction européenne.
Le traité instituant le mécanisme européen de stabilité a été signé le 2 février dernier à Bruxelles. Il présente de nombreuses garanties supplémentaires par rapport au Fonds européen de stabilité financière. Le FESF avait été créé pour une durée de trois ans alors que le mécanisme européen de stabilité sera une structure pérenne ; le FESF se présente comme une société de droit privé tandis que le MES est une organisation financière internationale ; le FESF dispose d'une capacité de prêt de 440 milliards d'euros alors que le MES disposera d'une capacité maximale de prêt de 500 milliards. Il faut noter surtout que la capacité de prêt du FESF repose sur la garantie des États alors que celle du MES sera assise sur un capital de 700 milliards d'euros, dont 80 milliards de capital libéré. Notons qu'il a été convenu que la question du plafond global du fonds et du mécanisme sera réexaminée en mars prochain.
La part de la France au capital du mécanisme européen de stabilité est d'environ 20 % : sa souscription s'établit à 142,7 milliards d'euros pour le capital autorisé et à 16,3 milliards pour le capital libéré. Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 prévoit le versement initial de deux tranches pour un montant de 6,5 milliards d'euros. Nous y voyons la preuve de l'engagement sans faille de notre pays en faveur de la solidarité européenne.
Les instruments d'intervention du mécanisme européen de stabilité seront puissants et diversifiés : prêts directs, lignes de crédit à titre de précaution, intervention sur le marché primaire ou secondaire, recapitalisation d'institutions financières via des prêts aux États, y compris ceux qui ne seraient pas sous programme d'assistance.
Il est prévu une procédure de décision en urgence à une majorité qualifiée de 85 %.
Enfin, il a été décidé d'anticiper d'un an l'entrée en vigueur du mécanisme européen de stabilité en la fixant à juillet 2012.
J'ai entendu des critiques sur le lien qui est établi entre le mécanisme européen de solidarité et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – traité SCG. Il est pourtant indispensable que la solidarité ne s'apparente pas à un chèque en blanc. Les aides fournies seront conditionnées par l'adoption d'un plan d'ajustement, sur proposition de la Commission, en lien avec la Banque centrale européenne. Par ailleurs, à partir du 1er mars 2013, l'assistance financière du mécanisme européen de stabilité ne sera de facto plus ouverte qu'à ceux qui auront ratifié le traité SCG.
Il s'agit d'une définition saine et de bon sens de la solidarité. Aider sans exiger de contrepartie, ce n'est pas rendre service. Nous enfermerions les États aidés dans une dépendance qui n'est pas saine. La solidarité doit permettre aux États de retrouver durablement leur autonomie économique et financière, ce qui exige des engagements fermes afin de retrouver l'équilibre budgétaire. Ces engagements, tous les États européens les prennent. Pourquoi ceux qui bénéficient d'un soutien spécifique devraient-ils s'en dispenser ?
J'attire votre attention sur un dernier point : nos concitoyens ne comprendraient pas que la solidarité ne soit pas assortie de discipline. Nous prendrions le risque de rendre l'Europe impopulaire, et rendre l'Europe impopulaire, c'est la livrer aux populismes. À travers ces nouveaux traités, nous poursuivons notre combat contre le populisme et pour la construction européenne.
Nous avons la chance de bénéficier de l'héritage des pères fondateurs de l'Europe, héritage de paix et de prospérité au coeur d'un espace civilisationnel d'une incroyable richesse et d'une extraordinaire diversité. Cette chance nous impose aussi des devoirs : défendre l'Europe envers et contre tout et poursuivre sans cesse sa construction. L'Europe est un processus : si elle se fige, elle risque de s'écrouler.
Nous avons fait le choix du courage et de la lucidité. Nous avons refusé l'immobilisme et le renoncement qui se nourrissent d'illusions : illusion que nous pouvons nous passer de l'Europe, illusion que nous pouvons continuer de financer notre train de vie en accumulant des dettes qui seront payées par d'autres.
Les traités qui vont être soumis à votre vote sont de ceux qui font grandir la France et l'Europe. Et ceux qui refuseraient ces avancées prendraient le risque de mettre en péril l'Europe et la France.
Si le Parlement le veut bien, la France sera le premier pays à ratifier ces deux textes et à confirmer la détermination dont elle a fait preuve depuis plusieurs mois en faveur de l'intégration européenne et de la stabilité financière de l'Europe, de la lutte contre les spéculateurs et de la défense de tous les pays en difficulté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, suppléant M. Henri Plagnol, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, vous avez parfaitement rappelé dans quel contexte nous sommes amenés à examiner ces deux projets de loi. Je dois dire que l'émotion qu'ils ont pu susciter …
Ces projets de loi visent à approuver la création d'un mécanisme européen de stabilité ayant pour objet de mobiliser des ressources financières en vue d'apporter un soutien à des États de la zone euro en cas de nécessité d'assurer la stabilité de la zone.
Le premier consiste à ratifier la décision du Conseil européen du 25 mars 2011 modifiant le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : il prévoit la possibilité pour les États de la zone euro d'instituer un tel mécanisme. Même s'il n'était pas nécessaire, il assure une plus grande sécurité juridique.
Le second consiste à ratifier le traité instituant le mécanisme européen de stabilité dans la version signée par les ministres des finances de la zone euro le 2 février dernier.
Entre le 11 juillet 2011, date à laquelle une première version a été signée, et le 2 février 2012, des décisions importantes sont intervenues.
D'abord, le 21 juillet 2011, les États ont décidé de diversifier les instruments à leur disposition. Le fonds actuel et le futur mécanisme ont la possibilité d'intervenir en prêt et sur le marché primaire, mais aussi en ligne de crédits préventive, en prêt pour financer la recapitalisation des banques et en rachat sur le marché secondaire. En outre, les États ont convenu de baisser les taux des prêts pour alléger le poids de la dette des États aidés.
Ensuite, lors de la réunion des chefs d'État ou de gouvernement de la zone euro du 9 décembre 2011, il a été décidé de rendre exceptionnelle la contribution des créanciers privés et, pour éviter les blocages dus à des pays de peu de poids économique dans la zone euro, d'introduire une procédure de décision en urgence à une majorité qualifiée de 85 %. Il a également été décidé d'avancer à juillet 2012 l'entrée en vigueur du traité : elle pourra intervenir dès que des États membres représentant 90 % des engagements en capital l'auront ratifié. Les Européens ont aussi choisi de garantir un ratio minimal de 15 % entre le capital libéré du mécanisme européen de stabilité et l'encours des émissions.
Des précisions ont été apportées s'agissant de la période transitoire qui verra coexister le fonds actuel, le FESF, et le MES. Tout d'abord, le fonds demeurera actif dans le financement de programmes qui ont été lancés jusqu'à la mi-2013, en fonction des nécessités. Ensuite, il est toujours prévu une capacité de prêt cumulée de 500 milliards d'euros, mais elle sera réexaminée en mars 2012. La France essaie de convaincre certains partenaires, dont l'Allemagne, du bien-fondé d'un relèvement.
Avec ces améliorations, on aboutit à un dispositif sensiblement différent du FESF. Le MES constituera un instrument pérenne prêt à répondre aux éventuelles crises à venir, dans des conditions fixées par un traité et non à définir au cas par cas.
Il pourra décider d'une intervention sans l'unanimité des États lorsque l'absence de décision mettrait en danger la zone euro.
Le traité instituant le mécanisme européen de stabilité est régi par les règles du droit public international : le MES sera une organisation internationale et non pas une société de droit privé comme le FESF. Il s'agit bien de créer un fonds monétaire européen.
Le MES sera doté d'un capital de 700 milliards d'euros, dont 80 milliards d'euros de capital appelé, susceptibles de couvrir des pertes. Il empruntera donc sur capitaux propres et non en s'appuyant sur la garantie des États membres. La sensibilité à la notation desdits États sera donc plus que réduite.
Les financements levés par le MES ne viendront pas accroître l'endettement public brut des États, sauf, bien sûr, en cas de constatation de pertes.
Enfin, le MES disposera du rang de créancier privilégié, seul le Fonds monétaire international disposant d'une priorité de remboursement par rapport au mécanisme.
J'en viens à la présentation synthétique du mécanisme institué par le traité.
Tout d'abord sont membres du MES les États de la zone euro et eux seuls. Pourront le rejoindre les nouveaux États membres de la zone. Le mécanisme ne peut être activé que si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro et de ses États membres, et si l'intervention s'accompagne d'une stricte conditionnalité.
Le MES comprend deux principaux organes de décision : le conseil des gouverneurs, composé des ministres des finances des États de la zone euro ou leurs suppléants ; le conseil d'administration, composé de représentants des États, lui-même présidé par un directeur général. Le conseil des gouverneurs sera présidé, selon son choix, par le président de l'Eurogroupe ou un président et un vice-président choisi en son sein pour un mandat de deux ans renouvelable.
Les décisions les plus importantes, comme l'octroi d'une aide, sont prises d'un commun accord, sous réserve de la procédure d'urgence que j'ai déjà présentée. Certaines décisions sont prises à la majorité qualifiée de 80 % des voix ou à la majorité simple. Le nombre de voix d'un État est égal au nombre de parts qui lui ont été attribuées dans le capital autorisé.
Le MES pourra intervenir à la demande d'un État membre, après analyse des risques, de la soutenabilité de la dette et des besoins de financement effectuée par la Commission européenne en liaison avec la BCE. Pour une intervention sur le marché secondaire, une analyse de la BCE doit conclure à une situation exceptionnelle avec risque de contagion. En cas d'octroi d'une aide, un protocole d'accord définissant la conditionnalité est conclu, de même qu'un accord sur les modalités financières.
La contribution des États au capital de 700 milliards est fixée en fonction de la clé de souscription au capital de la BCE, corrigée pour les États dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne européenne. La France, pour sa part, contribue pour 20,3859 %. Elle devra donc verser 16,309 milliards d'euros au titre du capital libéré et sa part dans le total du capital s'élèvera à 142,7 milliards.
Le capital initial libéré doit être versé en cinq tranches égales de 20 % sur cinq ans. Il est toutefois possible d'accélérer ce versement. Ce sera même nécessaire si les fonds versés ne permettaient pas de répondre à un ratio de 15 % de capitaux propres sur les engagements combinés du FESF et du MES.
Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 prévoit l'ouverture en engagement des 16,3 milliards d'euros, dont 6,5 milliards en paiement dès 2012.
Le traité prévoit les conditions d'appel de capital et de modification des différentes limites, c'est-à-dire la clef de contribution, le capital total, le capital libéré. Il est important de souligner que les membres du MES s'engagent « de manière irrévocable et inconditionnelle » à fournir leur contribution.
Les pertes éventuelles s'imputeront prioritairement sur un fonds de réserve et, au-delà, sur le capital libéré à reconstituer.
Je souhaiterais souligner que le MES n'intervient pas dans un paysage institutionnel et juridique vierge, bien qu'il relève d'un traité intergouvememental.
Par une décision intergouvernementale adoptée par les Vingt-sept, le 20 juin 2011, les États membres de l'Union européenne sont convenus de confier à la Commission européenne et à la Banque centrale européenne les tâches prévues par le traité instituant le MES. Elles sont associées, consultées et mandatées pour certaines tâches mais ne détiennent pas de pouvoir d'initiative.
Les États sont tenus au strict respect des règles de l'Union européenne. Les protocoles de conditionnalité des aides les font dépendre de leur compatibilité avec les mesures de coordination des politiques économiques prévues par le traité européen. La Cour de justice de l'Union européenne sera compétente en matière de litiges relatifs à l'interprétation et à l'application du traité instituant le MES.
Il faut souligner enfin le rôle de certains tiers, et d'abord du FMI. S'il n'est plus systématiquement associé comme avec le FESF, il doit l'être chaque fois que possible : demande d'aide concomitante de l'État en difficulté, contribution à l'analyse de la situation, participation à la définition du programme de conditionnalité et à sa mise en oeuvre. C'est aussi le cas des États non membres de la zone euro qui interviendraient en assistance d'un État et seraient alors associés à des réunions du conseil des gouverneurs et se verraient également attribuer le statut de créancier privilégié.
Je voudrais finir en évoquant le lien qui existe avec l'autre traité : le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire, dit TSCG.
Les considérants du traité instituant le mécanisme européen de stabilité prévoient leur complémentarité ; ils prévoient également qu'un État ne pourra pas bénéficier d'une aide s'il n'a pas ratifié ce traité à compter du 1er mars 2013, ainsi que s'il n'applique pas l'article 3 de ce traité, qui énonce les règles de discipline budgétaire, un an après son entrée en vigueur.
C'est du bon sens.
La portée de ce lien n'est pas juridique, mais politique ; elle reflète un lien substantiel. La mise en place d'un mécanisme de réaction rapide, comme l'est le mécanisme européen de stabilité, doit s'intégrer dans une rénovation globale de la gouvernance économique et financière de la zone euro. Cela implique une discipline accrue et une convergence des compétitivités pour des objectifs de croissance partagés.
Pour l'heure, je vous propose de voter en faveur de la ratification des deux projets de loi, afin d'éloigner les menaces bien réelles qui pèsent à court terme sur la stabilité de la zone euro. La responsabilité nous commande de créer cet instrument de gestion des crises et de solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre rapporteur Jean-Marc Roubaud a excellemment exposé les caractéristiques du futur mécanisme européen de stabilité. Je veux pour ma part aborder les trois raisons qui justifient, selon moi, l'approbation des deux traités dont nous discutons.
Tout d'abord, le mécanisme européen de stabilité et le pacte budgétaire, dont la conclusion est imminente, sont nécessaires pour que la zone euro sorte des turbulences qu'elle traverse depuis le début de l'année 2010.
Si elle fait suite à l'explosion des endettements publics et privés, cette crise puise surtout ses racines dans les faiblesses originelles de l'Union économique et monétaire. Lorsque l'euro a été créé, nous nous sommes arrêtés au milieu du gué ; il s'agit désormais d'aller au bout de la démarche en mettant en place un véritable gouvernement économique, doté de tous les instruments nécessaires pour traiter les chocs, prévenir les crises et faire de la zone euro un pôle économique solide.
Pour cela, il fallait franchir un seuil qualitatif et bâtir un édifice solide et cohérent.
La création d'un fonds monétaire européen, idée de longue date défendue par la France, est le premier mur porteur de ce nouvel édifice. Avec le mécanisme européen de stabilité, la zone euro disposera d'une force de frappe rapidement mobilisable, ce qui permettra de stabiliser les marchés. Appelé à entrer en vigueur dès le mois de juillet 2012, le nouveau mécanisme disposera de procédures de décision rapide, relevant directement des ministres des finances de la zone euro, et d'une palette d'interventions complète.
Le pacte budgétaire est l'autre mur porteur de cet ensemble. Il permettra aux économies européennes de converger vers la stabilité financière et de reconquérir leur compétitivité. Après plusieurs mois de tâtonnements et de péripéties, les Européens ont donc défini une politique crédible ; toute remise en cause de cette politique, notamment en raison des échéances électorales à venir, compromettrait gravement cette crédibilité.
La deuxième raison pour laquelle la ratification de ces deux traités et du pacte budgétaire est nécessaire, c'est qu'ils scellent et refondent l'alliance franco-allemande. Aucun des États n'a imposé ses vues, car chacun est conscient que la confiance entre ces deux membres fondateurs, les deux principales économies de l'Union, conditionne la crédibilité de ce projet. C'est la France qui a convaincu l'Allemagne de la nécessité de créer un « FMI européen », alors que l'Allemagne pensait au tout début de la crise qu'il convenait de s'en remettre au seul FMI. Quant aux principes du pacte budgétaire, ils ont été arrêtés d'un commun accord par les deux pays.
Il est probable que la France devra, dans un avenir très proche, concentrer ses efforts de persuasion vis-à-vis de son partenaire pour qu'il accepte de relever les capacités de prêt du MES au-delà du seuil de 500 milliards. En revanche, il serait désastreux de remettre en cause le pacte budgétaire que nous avons défini ensemble. Ne prenons pas le risque d'une crise du couple franco-allemand, élément moteur de la construction européenne, à un moment où l'Union, plus que jamais, a besoin d'arrêter un cap.
La troisième raison qui appelle un vote positif est que l'entrée en vigueur de ces traités marquera une inflexion salutaire dans l'histoire de la construction européenne.
Depuis le début des années 90, l'équilibre entre le processus d'élargissement de l'Europe et celui de son approfondissement s'est progressivement rompu. Aujourd'hui, avec vingt-sept membres, le processus de décision est d'une extrême complexité, ce qui constitue sans nul doute un grave handicap, surtout dans les situations de crise où il faut définir dans l'urgence des réponses fortes.
Faute de pouvoir convertir l'ensemble des membres de l'Union aux vertus des transferts de souveraineté et aux mérites du fédéralisme, la solution à cette équation a été imaginée depuis longtemps : créer des noyaux durs permettant aux États qui le souhaitent de franchir de nouvelles étapes dans le processus d'intégration. La possibilité de créer des coopérations renforcées, introduite par le traité d'Amsterdam, répondait à cette préoccupation, mais les conditions posées par les traités européens sont encore beaucoup trop contraignantes. Du reste, cette possibilité n'était pas adaptée aux problèmes de gouvernance de l'Union, car elle aurait donné une influence excessive aux États qui ont choisi de rester en dehors de l'euro.
La crise de la zone euro aura au moins eu cette vertu de conduire nos partenaires à accepter l'idée que l'Europe puisse progresser à des vitesses différentes, et je me félicite que l'Union monétaire devienne ainsi le socle de cette nouvelle construction institutionnelle.
La France et l'Allemagne ont déjà obtenu la création d'un véritable gouvernement économique, incarné par le sommet des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro, qui se réunira au moins deux fois par an et qui disposera d'un président stable désigné pour deux ans et demi.
Le mécanisme européen, quant à lui, a pour originalité d'être un système intergouvernemental compatible avec le droit communautaire, exploitant toutes les qualités d'expertise des institutions européennes, mais distinct d'elles et donc libéré des lourdeurs de l'Union : par exemple, une coalition de petits États ne sera pas en mesure de bloquer la procédure de décision en cas d'urgence.
Les membres de l'Union européenne ont donc franchi une étape historique. Créer, au sein de l'Union, et en concertation avec ses institutions, une structure réunissant un nombre réduit d'États n'est plus du domaine de la spéculation : c'est une perspective concrète. Nous allons ainsi dans la direction souhaitée par tous les partisans d'un renforcement de la construction européenne, par tous ceux qui pensent, monsieur Myard, que l'Europe n'est pas le problème, mais la solution aux enjeux de la mondialisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec la création du mécanisme européen de stabilité, la zone euro franchit une étape majeure vers l'intégration.
Cette étape est rendue possible par la modification de l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Alors que l'Europe s'est mobilisée, cette nuit, afin de venir fortement en aide à la Grèce pour sa dette privée comme publique, la création du mécanisme européen de stabilité renforcera directement la solidarité entre États membres et la gestion des crises financières.
Il nous donne aussi les moyens de faire face aux assauts des marchés ;…
…il inscrit dans la durée le devoir d'assistance envers les pays les plus fragiles.
Nous savons bien que le processus de ratification – à dix-sept pour le mécanisme européen de stabilité, à vingt-sept pour l'article 136 – ne sera pas sans risques ni sans heurts ; il est d'autant plus crucial que la France ratifie rapidement ces deux traités, afin de montrer l'exemple à l'ensemble de nos partenaires.
Je regrette, à cet égard, l'attitude négative de l'opposition sur le traité de stabilité, et en particulier sur la règle d'or.
En votant le mécanisme européen de stabilité, nous comblerons une grande lacune de l'Union monétaire, après avoir surmonté les réticences initiales de certains de nos partenaires : il convient de saluer la démarche du Président de la République dont la détermination et la persévérance ont convaincu ses homologues, et notamment la Chancelière Angela Merkel.
Nous réaffirmons de cette manière notre attachement fondamental à l'euro, en construisant une architecture cohérente et crédible, avec deux piliers indissociables : solidarité et responsabilité.
Je n'hésiterai donc pas à qualifier l'année 2012 de seconde naissance de notre union monétaire.
Ainsi durablement rétablie, la stabilité financière de la zone euro sera le socle de la relance économique.
La plus-value du mécanisme européen de stabilité par rapport aux dispositifs existants est manifeste. D'abord, il inscrit la stabilité dans la durée. Ensuite, le mécanisme européen de stabilité aura le statut d'organisation internationale, et non de société de droit privé comme son prédécesseur le Fonds européen de stabilité financière.
La zone euro se dote ainsi d'un véritable fonds monétaire européen, qui disposera de toute une gamme d'instruments, allant de l'assistance aux États exclus des marchés obligataires à la prévention de la contagion des crises, grâce à la possibilité d'acquérir des titres de tout État de la zone euro et de participer à la recapitalisation des établissements financiers.
La Commission européenne, assistée de la Banque centrale, et si nécessaire du FMI, aura un rôle à jouer pour constater la nécessité d'une assistance financière et pour surveiller les efforts fournis par les États bénéficiaires, mais c'est aux ministres des finances, membres du conseil des gouverneurs, qu'il appartiendra de prendre les décisions.
Ainsi, contrairement aux approximations que j'entends à gauche – car l'opposition brouille les débats sur ce sujet fondamental –, c'est bien l'autorité politique et elle seule qui décidera.
Mes chers collègues, je me félicite que la France ait joué un rôle moteur dans la création de ce fonds européen. Il nous reste, à nous parlementaires, à nous approprier pleinement la mise en oeuvre des nouvelles règles. La coopération entre les parlements nationaux, et entre ceux-ci et le parlement européen, a déjà considérablement progressé, grâce notamment aux travaux de la commission des affaires européennes.
À cet égard, je rappelle que, sous l'impulsion de notre président Bernard Accoyer, l'article 13 du projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance reconnaît l'importance de la coopération entre les parlements, en consacrant le principe de rencontres qui pourront, par exemple, porter sur le programme du mécanisme européen de stabilité.
Ces enjeux désormais clarifiés, chacun doit prendre ses responsabilités.
Soutenir le traité sur le mécanisme européen de stabilité, c'est soutenir la solidarité européenne ; c'est soutenir la solidarité avec le Portugal, l'Espagne, l'Italie, et évidemment la Grèce ; c'est soutenir l'ambition résolue de l'Europe de prendre en main son destin.
Voter contre, ou s'abstenir, ce serait rejeter une étape majeure de l'Union européenne ; et j'aurais trouvé bon pour l'image de la France qu'une large majorité plurielle vote pour, comme cela va se passer dans beaucoup de parlements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Voter contre ou s'abstenir, ce n'est pas la même chose : nous voterons contre !
Si le groupe socialiste s'abstenait, il renierait son propre programme, que j'ai lu, et qui propose noir sur blanc la création d'un fonds européen permanent de stabilité.
Il irait ainsi contre tous les partis socialistes en Europe, qui votent en faveur du mécanisme européen de stabilité.
Vous l'avez compris, il s'agit pour nous de venir en aide aux pays en difficulté, et de faire preuve de solidarité à leur égard.
Pour ma part, je fais le choix de la vérité, de la clarté, de la solidarité.
Plusieurs députés du groupe GDR. Et de l'austérité !
Je voterai donc avec enthousiasme, conviction et cohérence en faveur du mécanisme européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Roland Muzeau et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement sur le projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un mécanisme européen de stabilité.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour une durée qui ne pourra en aucun cas excéder trente minutes.
Monsieur le président, M. Lequiller vient de terminer son intervention en prétendant dire la vérité. Or, comme Nicolas Sarkozy, c'est La vérité si je mens. Et qu'il s'agisse du ministre ou des orateurs précédents, nous venons d'entendre les adorateurs du veau d'or, qui se perdent dans des approximations pour nous enfumer.
En conclusion de son discours, M. Lequiller a parlé de solidarité. Certes, mais en fait il s'agit de solidarité à l'égard de Warren Buffett, George Soros,…
…la Deutsche Bank, la BNP, la Société générale, bref des capitalistes, que vous remplumez davantage, comme s'ils en avaient besoin !
(M. Louis Giscard d'Estaing remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
L'exercice auquel je vais me livrer, au nom des députés du Front de gauche, est un exercice de pédagogie politique qui n'est pas destiné à vous convaincre, monsieur le ministre, puisque le Président de la République ne vous a pas fourni de sonotone, mais qui vise à expliquer aux personnes qui sont dans les tribunes et à celles qui nous regardent sur Internet ce que vous dissimulez.
Plusieurs députés du groupe UMP. C'est de la politique-spectacle !
Il faut que nos concitoyens comprennent bien quels sont les enjeux de ces deux textes. Ils doivent connaître la vérité que le Gouvernement veut imposer aux parlementaires dans le cadre d'une procédure accélérée.
Il faut que nos concitoyens puissent se déterminer en toute connaissance de cause lors des choix qu'ils auront à faire ces trois prochains mois.
Il faut qu'ils sachent que seuls les députés du Front de gauche ont demandé que ces deux projets de loi se concluent par des votes solennels pour qu'ils puissent apprécier le vote de chaque parlementaire sur ces textes qui remettent en cause la souveraineté de nos États et engagent l'Europe dans la voie d'un fédéralisme caporalisé.
L'absence de débat public et les silences coupables des médias sur ces questions nous interrogent sur l'état de notre démocratie. Les Français, eux, ne sont pas dupes. Ils savent qu'aujourd'hui c'est mardi gras. Ils savent qu'après les masques, après le carnaval, viennent toujours le mercredi des cendres, le jeûne, le Carême et l'abstinence (« Ho ! » sur les bancs du groupe UMP), abstinence à laquelle vous voulez soumettre les Français.
Les dizaines et les dizaines de courriels que nous avons tous reçus le prouvent. Nos concitoyens sont inquiets : inquiets du manque de débat citoyen, inquiets des prises de position peu claires de certains élus de gauche, inquiets de ce putsch « austéritaire » qui se joue, comme dirait notre ami Pierre Laurent, secrétaire national du PCF.
Et nous ne pouvons, hélas ! que leur donner raison et relayer leurs inquiétudes.
Mais, avant de faire la lumière sur les projets funestes de M. Sarkozy et de Mme Merkel pour l'Europe, j'aimerais procéder à un petit rappel, qui remette nos débats d'aujourd'hui dans la perspective historique de notre nation.
Je veux rendre hommage à Spartaco Fontano, ajusteur italien, à Joseph Boczov, ingénieur chimiste hongrois, à Marcel Rajman, ouvrier polonais, à Celestino Alfonso, républicain espagnol, et à Missak Manouchian, poète arménien qui, il y a soixante-huit ans jour pour jour, le 21 février 1944, sont morts pour que vive la France où ils avaient choisi de vivre.
Ils voulaient fonder, comme le préciserait un an plus tard le programme du Conseil national de la Résistance, « une République nouvelle qui rende aux institutions démocratiques et populaires l'efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui précédèrent la capitulation ».
Soixante-huit ans plus tard, le sens de leur combat est foulé aux pieds, leur mémoire est de nouveau trahie.
On savait depuis le mois d'octobre 2007, grâce à l'ancien numéro deux du MEDEF, Denis Kessler, qui s'était laissé aller à la confidence dans la revue Challenges, que le gouvernement français s'employait à « sortir de 1945, et à défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ». Nous savons désormais, grâce à ces deux projets de loi que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, que cette stratégie du gouvernement français est en fait une stratégie européenne concertée.
Le Président de la République l'a d'ailleurs formulée clairement le 1er décembre dernier lors de son second discours de Toulon : « Chacun doit comprendre qu'il n'y a pas de différence entre la politique intérieure et la politique extérieure, entre la politique nationale et européenne. » Voilà, mes chers collèges, qui fait froid dans le dos !
Car la stratégie retenue par les gouvernements européens afin de – je le cite encore – « préserver la stabilité financière » en Europe, est celle de la « gouvernance » contre la démocratie, celle, comme dirait Angela Merkel, de la Disziplin et du Kontroll contre la solidarité et la libre association.
Ce n'est pas bien, monsieur Brard !
Comment, ce n'est pas bien ? Qui parle de discipline, qui dit qu'il faut faire rentrer les peuples du Sud dans le rang ? Qui demande au peuple grec de vendre ses îles ? Le gouvernement allemand.
Vous voulez nous faire taire, monsieur de Courson, mais vous n'y parviendrez pas, pas plus que les contre-révolutionnaires n'ont réussi à faire taire votre aïeul Lepeletier de Saint-Fargeau !
Monsieur le ministre, vous voulez vous attacher, dites-vous, à prévenir les déséquilibres, à surveiller les politiques nationales pour favoriser des politiques budgétaires « saines ». Avec Mme Merkel et M. Sarkozy, « surveiller et punir » devient la nouvelle devise de l'Union européenne. Les peuples n'ont que faire de votre hygiénisme économique et de votre orthopédie financière. Ils n'ont que faire d'un système carcéral transposé aux finances publiques. Ils veulent reprendre en main leur destin confisqué par la finance et que des technocrates européens s'apprêtent, sous la houlette d'un directoire franco-allemand, à sanctuariser. Les peuples refusent de payer pour une crise qui n'est pas la leur.
Avec votre projet de fonds monétaire européen, l'austérité pratiquée ces dix dernières en Allemagne et les mesures de régression sociale de ces cinq dernières années en France vont devenir le modèle de développement unique des États européens, leur seul horizon. Le carcan de la rigueur budgétaire va peser ad vitam æternam sur les épaules de chacun des peuples de l'Union européenne.
Pourtant, ce modèle allemand qu'à droite vous portez aux nues et dont le Président de la République se sert comme alibi pour casser notre modèle social, l'immense majorité des citoyens allemands eux-mêmes le détestent. Ils sont 73 % à le considérer comme injuste.
Quel est ce pays modèle où, en dix ans, l'espérance de vie des plus pauvres a reculé de deux ans ? Quel est ce pays modèle que vous idolâtrez dans lequel 660 000 retraités de soixante-cinq à soixante-quatorze ans sont obligés de chercher des emplois non qualifiés, à temps partiel et sans protection sociale pour survivre ? Quel est ce pays modèle dans lequel 20 % des travailleurs sont des travailleurs pauvres ?
L'Allemagne, c'est le pays d'Europe où l'on a créé le moins d'emplois depuis vingt ans, celui où la hausse des inégalités de revenus a été la plus forte, celui où la part des salaires dans la richesse créée a le plus baissé, celui où le pourcentage de chômeurs indemnisés a le plus fortement chuté, celui où le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté atteint 17 %, contre 13 % en France, celui où 10 % de la population est obligée de fréquenter régulièrement les soupes populaires pour se nourrir.
Un emploi sur trois n'y est ni à temps plein ni à durée indéterminée, un emploi sur dix y est payé moins de 400 euros par mois. Le pourcentage des emplois à bas salaire a augmenté de six points et 2,5 millions de personnes travaillent aujourd'hui, en l'absence de salaire minimum, pour moins de cinq euros de l'heure.
Voilà votre modèle, à droite. Et à chaque fois que vous prenez l'Allemagne pour modèle, c'est dans la mauvaise direction !
Nos références, ce n'est pas Sainte Angèle de Germanie,…
…c'est Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, qui vous font encore froid dans le dos aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Voilà les résultats de la discipline pour les finances publiques et de la dérégulation du code du travail pour les salariés, les chômeurs et les retraités.
Si vous le dites, monsieur Herbillon, vous avez sûrement raison !
Voilà votre Allemagne, classée neuvième au rang des paradis fiscaux en octobre 2011 selon le Financial secrecy index. Cette Allemagne que vous idéalisez, c'est le jardin d'Éden pour le patronat et la descente aux enfers pour une majorité d'Allemands. Votre modèle, c'est un village Potemkine que vous construisez de toutes pièces pour casser le code du travail et imposer, partout en Europe, la loi des financiers.
Après le modèle américain et ses subprimes en 2007, voilà que le président Sarkozy essaie de nous vendre la prétendue vertu allemande et son efficacité. On le sait depuis la Révolution de 1789, la droite a toujours eu besoin de s'appuyer sur des modèles venus de l'étranger pour imposer ses choix politiques réactionnaires.
Je n'ai jamais été coblançard, mon cher collègue ! Et, quand il s'agit de l'intérêt national et du patriotisme, je n'ai jamais été du mauvais côté ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ce qui est en préparation actuellement dépasse tout ce qui a pu être fait jusqu'à présent.
La situation en Grèce, transformée en laboratoire du capitalisme européen, devrait pourtant vous convaincre, monsieur de Courson, vous qui ne jurez que par l'ancienne Union soviétique, que les propositions que vous portez, les solutions que vous imposez ne sont pas les bonnes. Vous refusez de voir la réalité en face. Et votre aveuglement idéologique, votre idolâtrie « austéritaire », la haine de l'État social pour certains d'entre vous, condamnent les peuples à la misère et au dénuement.
À Athènes, la situation sociale est devenue dramatique. La population est à bout. Comme l'écrit Pierre Salignon dans le rapport 2011 de Médecins du monde : « En Grèce pour les plus précaires, il n'est plus question d'austérité, mais de survie. »
En Grèce, les conventions collectives ont été supprimées, le salaire minimum a baissé de 22 %, les retraites ont été amputées de 15 %. La malnutrition fait des ravages dans les écoles primaires, où les manuels scolaires n'ont pas été distribués cette année. La faim a fait son apparition dans les grandes villes du pays, où l'on voit désormais des SDF par milliers se presser dans les soupes populaires. Désormais, sur 11 millions d'habitants, la Grèce compte officiellement 3 millions de pauvres, soit près de 30 % de la population. Le chômage touche plus de 20 % des actifs et 40 % des jeunes entre quinze et vingt-quatre ans. Les Grecs en sont réduits à abattre les arbres de leurs forêts pour se chauffer, incapables de payer le mazout ou l'électricité dont les prix se sont envolés, augmentant respectivement de 100 % et 50 % en un an.
Au moment où le peuple grec en a le plus besoin, sous la pression de la Troïka, c'est-à-dire la Banque centrale, le FMI et l'Union européenne, le chef du gouvernement grec, non élu et donc illégitime, coupe à la hache dans les aides sociales et les structures d'accueil. C'est la condition sine qua non imposée par Bruxelles pour le déblocage de l'aide de l'Union européenne. Cette aide n'est pourtant pas destinée au développement social dont la Grèce a un besoin vital, mais à garantir le remboursement des dettes de l'État grec, aux banques françaises et allemandes notamment.
À cause d'une saignée de 40 % dans le budget du secteur hospitalier, les soins ne peuvent plus être assurés partout. Certains laboratoires pharmaceutiques refusent de livrer des médicaments aux centres de soins et aux pharmacies, de peur qu'ils ne puissent pas payer. Les hôpitaux sont contraints de décliner les admissions pour les cas les « moins graves ». De 25 à 30 % des personnes qui se présentent dans les hôpitaux grecs sont refusées. Plusieurs hôpitaux ont ainsi refoulé des femmes enceintes incapables de payer les 900 euros qui leur étaient demandés. L'usage des drogues explose – la consommation d'héroïne a crû de 20 % – de même que la prostitution, les cas de contamination au VIH ont augmenté de 54 % depuis 2010 et les suicides de 40 % en deux ans.
Après huit plans successifs d'austérité, la Grèce est à genoux et certains voudraient la voir ramper à plat ventre. C'est mal connaître le peuple grec, sa fierté, sa dignité ! Chaque jour ou presque de nouvelles conditions toujours plus drastiques et antidémocratiques sont infligées ou tentent de l'être au peuple grec : mise sous tutelle du pays en le plaçant sous l'administration d'un commissaire européen, création d'un compte bloqué dans les finances publiques consacré au versement des intérêts de la dette, garantie des nouvelles obligations grecques par des biens publics privatisables, impôts directement collectés par les banques... Cela nous rappelle, monsieur le ministre, les fermiers généraux auxquels on a coupé le cou au moment de la Révolution.
N'importe quoi !
Le mépris affiché des gouvernements européens en général et du gouvernement allemand en particulier pour le malheur grec est devenu insoutenable.
Que croyez-vous que les Grecs ressentent quand Wolfgang Schäuble, ministre allemand de l'économie, déclare que leur pays est « un puits sans fond », que les Européens « ne savent plus apprécier ce qu'ils ont », et « que l'Europe grandit avec les crises » ?
Que devons-nous penser lorsque Guido Westerwelle, ministre allemand des affaires étrangères, déclare que « les pays qui doivent être placés de manière prolongée sous la protection du fonds de secours de la zone euro doivent aussi être prêts à renoncer – écoutez bien, mes chers collègues – à certains pans de leur souveraineté, notamment pour que l'on puisse intervenir dans leurs budgets nationaux » ?
De la même façon, les « sacrifices de souveraineté » auxquels appelait, le 30 novembre dernier, le Président du Conseil de l'Europe et vers lesquels Nicolas Sarkozy souhaite nous conduire « à marche forcée », selon les termes de sa conférence de presse du 5 décembre 2011, sont inadmissibles.
Vous suivez les conférences de presse du Président de la République, c'est bien !
Il faut en effet toujours écouter l'adversaire pour le critiquer à bon escient, et si vous-même le faites, monsieur le ministre, le Président, lui, ne le fait pas car il est autiste.
Comme le proclame l'article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ». L'en dessaisir, c'est le trahir. C'est trahir notre pacte républicain.
Mes chers collègues, comme le disent nos camarades grecs, nous ne prospérerons pas au milieu des ruines des sociétés européennes. Notre impératif catégorique, c'est la solidarité désintéressée et inconditionnelle pour bâtir avec les Grecs, les Allemands, les Portugais et tous les autres une Europe démocratique, prospère et pacifique, digne de son histoire et fière de ses luttes et non de ses capitulations.
Le président français, la chancelière allemande et ceux de Goldman Sachs veulent faire de la Grèce un exemple pour nous faire peur, pour que nous votions sans les regarder de trop près ces textes qui, sous couvert de solidarité, cherchent à constitutionnaliser l'austérité et à placer nos États sous tutelle. Ils écrasent de leur « talon de fer », comme aurait dit Jack London, la patrie de Solon et de Périclès pour que nous acceptions leur chantage odieux qui conditionne la carotte au bâton et l'assistance à la punition.
Monsieur le ministre, ce mécanisme européen de stabilité – que par abus de langage vous présentez comme un mécanisme européen de « solidarité » – n'est rien de moins qu'une attaque contre la démocratie, une remise en cause de notre Constitution et, plus largement, une remise en cause de la souveraineté des peuples d'Europe, et de la nôtre en particulier.
Et tout cela se passe dans un secret et un silence politique et médiatique assourdissant. Comme l'a rappelé mon camarade Jean-Luc Mélenchon, même pour les députés européens, il a été quasiment impossible de savoir comment se déroulaient les négociations.
En 1814 déjà, monsieur le ministre…
Je n'étais pas né ! (Sourires.)
Moi non plus.
En 1814, disais-je, dans un ouvrage intitulé De la réorganisation de la société européenne, le citoyen Saint-Simon avertissait pourtant ses contemporains – écoutez bien : il y a matière à réflexion pour vous – que « des obscurités de la politique naissent les troubles de l'ordre social ». La situation quasi insurrectionnelle en Grèce devrait inciter nos chefs d'État à un peu de prudence et à une plus grande transparence à défaut du respect démocratique dont ils n'ont que faire.
Avant de me pencher sur ce mécanisme de stabilité que vous nous présentez, j'aimerais dire deux mots de l'autre texte que nous discutons aujourd'hui, celui ratifiant la décision du Conseil européen de réviser l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Pour la clarté de nos débats, je rappellerai que cette révision est un préalable indispensable à la création du MES.
Ce texte permet en effet de contourner l'article 125 du traité de Lisbonne, qui interdit à l'Europe de renflouer un État qui connaît de graves difficultés financières. C'est la fameuse clause du no bail out, ou « non-renflouement », selon laquelle l'Union européenne « ne répond pas des engagements [...] des autorités publiques [...] d'un État membre, ni ne les prend à sa charge ».
Pour dépasser ce blocage institutionnel, vous nous demandez d'approuvez l'ajout du paragraphe suivant – et je demande à ceux qui nous regardent, en particulier sur internet, de bien écouter, surtout la dernière phrase : « Les États membres dont la monnaie est l'euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L'octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité. »
D'abord l'acceptation de l'esclavage et puis une louche dans la gamelle… Eh bien, nous, nous ne sommes pas pour cette relation entre les peuples ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Cette décision a été adoptée conformément à la procédure de révision simplifiée visée à l'article 48, paragraphe 6, du traité sur l'Union européenne, dit « traité de Lisbonne », signé contre l'avis du peuple français le 13 décembre 2007, procédure qui autorise le Conseil européen à adopter une décision modifiant tout ou partie des dispositions de la troisième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union. Cette décision ne peut pas accroître les compétences attribuées à l'Union dans les traités et son entrée en vigueur est subordonnée à son approbation ultérieure par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.
Cette procédure allégée permet donc au Conseil européen de ne pas ouvrir la boîte de Pandore d'une renégociation du traité de Lisbonne, auquel les Français ont déjà dit « non » par référendum en 2005 – volonté populaire violée par Nicolas Sarkozy. L'absence formelle de transfert de nouvelles compétences à l'Union européenne permet enfin, et l'exposé des motifs de votre projet de loi est très clair sur ce point, d'éviter les fourches caudines des procédures nationales de ratification par voie référendaire, ce qui vous effraie.
Pour les défenseurs du MES, il n'y aurait pas, de façon formelle, accroissement des compétences de l'Union puisque le MES ne serait pas une institution de l'Union mais une organisation internationale dont le siège sera... au Luxembourg, tout juste sorti de la liste grise des paradis fiscaux en juillet 2009 !
Or, mes chers collègues, le traité créant le MES indique très clairement que, via la participation au mécanisme de la Commission européenne, de la Banque centrale et de la Cour de justice, l'Union accroîtra très sensiblement ses compétences au détriment de la souveraineté des États membres.
Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, pouvez-vous répondre très clairement aux Français qui nous regardent et nous écoutent, et qui s'interrogent…
Vous voudriez bien qu'ils décrochent, monsieur Jacob, et qu'ils ne nous écoutent plus, pour que vous puissiez faire vos coups tordus dans l'ombre. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Mais les Français ont la fibre patriotique qui leur tient les yeux ouverts, et surtout les oreilles ouvertes, ce que vous ne voulez pas voir ou subir !
Pouvez-vous donc répondre à cette question, monsieur le ministre : la modification de l'article 136 par la voie de la procédure de révision simplifiée est-elle légale ou ne l'est-elle pas ?
J'en viens maintenant à votre second projet de loi, celui qui nous propose de valider la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité, signé le 2 février dernier à Bruxelles par les États membres de la zone euro.
Avant d'aller plus loin, et toujours dans un souci de clarté – ne vous en déplaise –, il faut rappeler à ceux qui nous écoutent que le MES et l'assistance financière conditionnée qui va avec ne pourront être mis en place que dans les États qui signeront le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire. Il s'agit du traité qui devrait être signé dans dix jours, le 1er mars – tout ça à la va-vite, à l'esbroufe –, et qui prévoit, entre autres réjouissances, une règle d'or…
…limitant le déficit à 0,5 % du PIB, un budget des administrations publiques obligatoirement en équilibre, des mécanismes de sanctions financières automatiques, un examen préalable à Bruxelles des projets de lois de finances, et tout cela sous la forme de « dispositions contraignantes et permanentes s'imposant pleinement aux lois de finances nationales ».
Vous la vendez aux représentants du grand capital ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Que devient l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – c'est notre héritage révolutionnaire que nous devrions avoir en partage et que vous piétinez –, qui dispose que « les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » ?
Que devient l'article 3 de la Constitution, qui proclame (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)… Vous ne voulez pas qu'on relise les textes fondamentaux parce que vous êtes en train de les trahir et que vous craignez qu'on le dise au peuple ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
Selon l'article 3 de la Constitution, disais-je, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
Que devient l'article 39 de la Constitution, qui dispose que « les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale » – et non pas soumis en premier lieu aux représentants étrangers qui piétinent les droits de notre peuple ?
Monsieur le ministre, la procédure de ratification de ces textes est peut-être légale, mais leur contenu est inconstitutionnel.
Avant de conclure, monsieur le président, je souhaite revenir à ce mécanisme européen de stabilité, dont l'entrée en vigueur était initialement prévue pour la mi-2013 et qui, bizarrement, à quelques semaines de l'élection présidentielle en France, a été avancée au mois de juillet 2012.
Ce dispositif va au-delà de tout ce qu'on a connu jusqu'à présent au niveau européen en matière d'abandon de souveraineté, d'opacité et de recul démocratique. Loin, très loin des peuples, l'Europe, sous la direction du condominium franco-allemand, est en train de mettre en place une mécanique implacable de contrôle et de corsetage des finances publiques.
Société anonyme basée au Luxembourg, le MES n'aura de comptes à rendre à personne, ni au Parlement européen, ni aux parlements nationaux, et encore moins aux citoyens des États membres. À l'article 35 de ce traité-mécanisme, on peut lire ainsi que « dans l'intérêt du MES, le président du conseil de surveillance, les gouverneurs, les gouverneurs suppléants, les administrateurs, les administrateurs suppléants ainsi que le directeur général et les autres agents du MES – écoutez bien – ne peuvent faire l'objet de poursuites [...] et bénéficient de l'inviolabilité de leurs papiers et documents officiels ».
Il s'agit d'un secret professionnel visant à protéger ces gens qui pourront perpétrer contre nos peuples tous les mauvais coups et qui n'auront de comptes à rendre à personne. Vous votez déjà leur immunité, comme dans les dictatures arabes où certains chefs d'État se font voter l'immunité avant de prendre l'avion ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vos hurlements et les décibels ne remplacent pas la qualité de l'argumentation ! Vous trahissez l'intérêt national, c'est cela que vous ne voulez pas entendre !
Pour terminer (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), c'est une Europe à deux vitesses, à trois vitesses même, qui est en train de se mettre en place, sous le haut patronage de la vertueuse Allemagne. Une Europe de la discipline économique, des sanctions financières et de la rigueur libérale. Comme l'écrivait, début avril 2010, l'ancien ministre des affaires étrangères allemand, Joschka Fischer, « Madame Europe s'est transformée en Frau Germania ». Tout est dit et il fallait que cela fût dit !
La Chancelière Merkel déclarait, le 5 décembre dernier, que « l'Europe ne pourrait se faire sur de mauvais compromis », et elle avait raison. Les mauvais compromis d'aujourd'hui nourriront les heures sombres de demain. Antidémocratique, focalisé sur l'austérité, ne proposant aucune stratégie de soutien à la croissance, ce projet de traité ne pourra jamais renforcer la solidarité entre les États membres. Ce n'est d'ailleurs pas son but. Il organise simplement la mise sous tutelle des faibles par les forts et acte la domination germano-française sur l'Europe, au bénéfice de la grande finance.
Nous ne voulons pas de cette Europe-là, qui menace la paix pour demain. Nous, nous voulons la paix, le développement et le droit au bonheur pour chaque citoyen d'Europe, comme le promettait déjà Saint-Just. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.) .)
Si les propos avaient été plus nuancés, peut-être me serais-je dispensé d'y répondre. Mais trop c'est trop, monsieur Brard !
Votre talent n'excuse pas le fond de vos propos.
D'abord, notre modèle à tous, c'est la France, c'est la République.
Nous l'avons en partage, et nous n'avons pas à copier quelque modèle à quelque endroit que ce soit.
Le destin de notre pays nous appartient, et il appartient à cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Toutefois, il n'est pas interdit d'aller voir dans d'autres pays, au Danemark, en Allemagne, en Suède ou ailleurs, quelles expériences ont réussi pour en enrichir notre République.
Vous nous accusez d'aller contre le peuple grec. Est-ce aller contre le peuple grec, est-ce le mettre sous tutelle que de l'empêcher d'être en faillite ? Est-ce aller contre le peuple grec que de lui prêter à 4 % quand les spéculateurs lui prêtent à 18 % ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Est-ce aller contre le peuple grec que de lui éviter de ne pas pouvoir payer ses fonctionnaires dans un mois ? (Mêmes mouvements.) Est-ce aller contre le peuple grec que de le sortir de la situation de dépendance vis-à-vis des marchés dans laquelle il se trouve et de lui apporter la solidarité européenne ?
Est-ce aller contre le peuple grec que de dire aujourd'hui que la Grèce fait partie de l'euro, de l'Europe, qu'à ce titre elle fait partie de notre famille, de notre civilisation, et que nous avons à la défendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Un autre élément me paraît excessif. Vous avez expliqué que vous étiez patriote ; je ne le conteste pas. Mais vous ne pouvez pas le contester non plus aux autres bancs. Nous ne sommes pas en train de trahir quoi que ce soit ; au contraire, nous avançons sur la voie de la construction européenne. La construction européenne avec nos voisins allemands, c'est la paix.
Vous avez tenu, monsieur Brard, des propos inqualifiables,…
…mêlant caricatures et accents de germanophilie – pardon, de germanophobie – que je croyais disparus à la fois de ce pays et de l'ensemble de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Allez expliquer à l'ensemble des Français, monsieur Brard, que la solidarité ne doit pas appeler de contrepartie, que l'argent qui a été donné pendant des années au peuple grec sans être converti en croissance et en emplois doit l'être à nouveau sans ces conditions aujourd'hui ! Ne pensez-vous pas plutôt que, dans notre pays comme en Grèce, ceux qui aiment leur patrie sont ceux qui disent la vérité, qui prônent la discipline et veulent appliquer la règle d'or ?
Nous n'avons pas envie qu'un jour la France se trouve dans la même situation que la Grèce. Nous disons que la discipline doit s'imposer pour éviter aux États de se trouver en dépendance vis-à-vis des marchés financiers. Si, au moment où la Grèce était dirigée par des dirigeants laxistes, qui ont masqué les réalités pendant des années,…
…on avait tenu au peuple grec un langage de vérité, il n'aurait pas à souffrir aujourd'hui des éléments de rectification que nous sommes obligés de lui imposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas l'Europe qui impose quelque chose au peuple grec, monsieur Brard, ce sont les dirigeants grecs qui ont conduit la Grèce dans cette situation. L'Europe sauve la Grèce de la faillite, l'Europe sauve le peuple grec ! (Mêmes mouvements.)
Aujourd'hui, le mécanisme européen de stabilité que vous refusez, qu'est-ce d'autre que la solidarité, la lutte contre la finance dont, sur certains bancs ou à certaines tribunes, on déclare être l'ennemi ? Si l'ennemi est la spéculation financière, alors le mécanisme européen de stabilité est bien l'arme fatale contre ce fléau, l'arme qui défend les pays et qui défend les peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Brard, j'admire votre talent et parfois même vos citations. Alors je vais vous citer Pascal, que vous aimez à rappeler : « La force sans la justice est tyrannique. » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mais il ajoutait : « La justice sans la force est impuissante. » Nous avons choisi la force de la discipline et la solidarité à travers un mécanisme européen.
Nous avons choisi la voie du courage et de la lucidité pour défendre les peuples. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons aux explications de vote sur cette motion.
Personne ne souhaite s'exprimer au nom du groupe socialiste.
Monsieur Brard, nous sommes nombreux, dans l'hémicycle, à avoir été choqués,…
…voire scandalisés, par vos propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) J'en reprends les trois thèmes.
D'abord, la germanophobie.
Plusieurs députés du groupe UMP. Honte à lui !
Dois-je vous rappeler qu'un certain jeune Président des États-Unis a crié, face à l'Union soviétique et au régime que vous avez soutenu : « Ich bin ein Berliner » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Eh bien, moi, monsieur Brard, je vous dis : en matière de finances publiques, ich bin deutsch ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.)
La vertu n'est pas réservée à un peuple. La vertu budgétaire, c'est le maintien du système démocratique. L'équilibre budgétaire n'est pas un vice, c'est une vertu que tous les démocrates de ce monde et en Europe doivent préconiser pour maintenir un système démocratique dans chacun de leurs pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai été scandalisé par autre chose. Oui, la situation en Grèce est extrêmement grave, mais vous n'avez pas voulu poser la seule question qu'un démocrate devrait poser : pourquoi en est-elle arrivée là ?
Parce que la classe politique grecque a été en dessous de tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe GDR. La droite grecque !
La Nouvelle démocratie comme le PASOC ont menti à leur peuple. Ils lui ont fait croire qu'il pouvait vivre durablement au-dessus de ses moyens. Voilà pourquoi, aujourd'hui, la situation grecque est aussi grave.
Vous avez également omis de vous interroger sur les autres solutions. Par exemple, que la Grèce, comme certains extrémistes le préconisent, sorte de la zone euro. Savez-vous ce qui se passerait alors ? La dette grecque doublerait…
…parce qu'elle est en euros et serait convertie en drachmes. À ce moment-là, en Grèce, la démocratie serait tuée et un régime autoritaire s'installerait.
Je pense qu'il faut aider tous les démocrates de ce monde, y compris ceux qui ont fait des erreurs. Vous, votre propos est démagogique et vous n'avez rien à proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Dernier point, vous dénoncez la règle d'or. Avez-vous réfléchi deux minutes à ce que cela signifie ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Cela veut dire que vous, monsieur Brard, avec les quelques rares survivants d'un monde en voie de disparition, vous prétendez qu'on peut gérer un peuple durablement en vivant au-dessus de ses moyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes irresponsables ! (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)
La vérité, c'est que, depuis soixante ans, vous combattez la construction européenne, seule garante de la paix durable, de la liberté et de la prospérité en Europe. Aujourd'hui, on voit où sont ceux qui, derrière vous, ne cessent de dénoncer la construction européenne comme une atteinte à la souveraineté nationale. À tous les démocrates de cette assemblée, je dis : « Votez ce texte ! Il n'est pas parfait, tant s'en faut, mais il est peut-être susceptible de sauver la démocratie, notamment en Grèce. » (Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, dans un lapsus intéressant, vous m'avez accusé de germanophilie. Je revendique d'être germanophile ! Effectivement, j'aime l'Allemagne et les Allemands. J'aime l'Allemagne de Heinrich Böll, de Karl Liebknecht, de Christa Wolf et de Ernst Thälmann ;…
…je déteste l'Allemagne de Hindenburg, de Friedrich Ebert et d'Angela Merkel, c'est vrai ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Huées sur les bancs du groupe UMP.) J'aime l'Allemagne – car il est de tradition allemande, même s'il n'est pas Allemand – de Stefan Zweig, cher au coeur de Pierre Lequiller, et qui fut compagnon d'écriture de Romain Rolland. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, nous sommes les amis de ceux qui souffrent et qui portent la culture, ne vous en déplaise ! (Tumulte.)
Charles Amédée de Courson, pour une fois qu'il avait un auditoire – car si je ne sais pas de quoi je suis survivant, je sais, moi, que je suis vivant tout court –, a fait une digression en disant : ich bin ein Berliner.
Ce n'était pas vraiment le sujet. Je lui répondrai : ich bin ein Franzose. Pour dire « je suis Allemand » en allemand, monsieur de Courson, on ne dit pas : « ich bin deutsch », aber « ich bin ein Deutscher ». Apprenez au moins cela de ce débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Fondé, monsieur le président, sur l'article 58, alinéa 3. Ce que nous venons d'entendre n'avait rien à voir avec le règlement. L'attitude de M. Brard dans cet hémicycle n'est pas acceptable. On ne peut pas le laisser perturber en permanence les débats ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous revenons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe GDR.
Accuser Jean-Pierre Brard de germanophobie est malvenu. Dans le domaine de la culture allemande, il pourrait peut-être donner quelques leçons à certains d'entre vous ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Et en général, quand on connaît bien la culture d'un pays, c'est qu'on l'aime, qu'on aime son histoire et son peuple.
Et l'on souffre quand son histoire est tragique. C'est le cas de Jean-Pierre Brard.
Notre collègue Charles de Courson n'a pas développé beaucoup d'arguments contre la motion défendue par Jean-Pierre Brard. On les a attendus ; on les attend toujours.
En sa faveur, je souhaite ajouter à la démonstration de Jean-Pierre Brard qu'à aucun moment, le Conseil constitutionnel n'a été consulté au sujet de ces traités, même si ce n'est pas obligatoire, pourrait-on nous dire.
Il nous paraît indispensable que le Conseil constitutionnel puisse donner son avis puisque, Jean-Pierre Brard l'a montré, ces traités constituent un abandon important de souveraineté.
Un abandon de souveraineté, y compris sur le contrôle des finances qui vont être intégrées dans le mécanisme européen de stabilité. On nous annonce que, pour l'instant, 16 milliards d'euros vont constituer le fonds, qui pourra atteindre 142 milliards.
On nous explique que ces fonds seront gérés par des gouverneurs totalement indépendants. Notre rôle de députés est d'assurer le contrôle démocratique des sommes mises à la disposition de ce fonds de solidarité : 16 milliards d'euros d'argent public français, pouvant aller jusqu'à 142 milliards d'euros. Ce contrôle, en votant le mécanisme européen de stabilité, vous vous engagez à ne pas l'exercer.
En ce sens, c'est anticonstitutionnel, et c'est pourquoi vous devriez rejeter avec force ce traité. Permettez qu'à mon tour je m'appuie sur une citation. Joseph Stiglitz, lors du forum asiatique de janvier 2012, a déclaré que les dirigeants européens, par un compromis douteux avec le monde financier, étaient en train de mener leurs pays au chaos. Cette pensée est juste, c'est pourquoi nous soutenons la motion de rejet et voterons contre ces traités. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur Brard, je n'ai retenu qu'une chose de votre intervention : en rejetant le mécanisme européen de stabilité, vous refusez la solidarité au sein de l'Europe, qui est si importante en ces temps de crise.
Nous, au contraire, nous voulons conserver l'Europe et stabiliser la zone euro. Aujourd'hui, pour répondre à cette crise très difficile, je crois qu'il faut absolument voter le mécanisme européen de stabilité. Il faut stabiliser les marchés. Il faut pouvoir agir dès que les États membres en auront besoin. L'instrument qui va être mis en place sera un instrument pérenne, défini dans un traité, qui rassurera ainsi les marchés et évitera la contagion. Il y a urgence à ratifier ces traités.
Il s'agit de solidarité, mais aussi d'une exigence de discipline nécessaire. Monsieur Brard, vous avez dit que la conditionnalité était de l'ingérence à l'égard des pays.
Je suis désolée, mais quand on prête de l'argent, notre devoir est d'aller voir ce qui en est fait, et surtout si le pays va réussir à relever la tête. C'est ce que nous souhaitons.
Vous parlez de perte de souveraineté, je ne sais pas où vous avez lu cela, mais il n'y a pas de transfert de compétences.
Il y a un organe de décision, qui n'est pas la Commission européenne, mais le Conseil des gouverneurs, composé des ministres des finances de la zone euro. Une conférence parlementaire budgétaire est également prévue. Elle sera composée de parlementaires de la commission des finances, des commissions des affaires européennes ainsi que de parlementaires européens. Nous pouvons donc considérer que nous aurons un contrôle.
Je veux vous dire une dernière chose : vous donnez une image vraiment lamentable à tous nos collègues européens. Je comprends d'ailleurs mieux, en tant qu'ancienne parlementaire européenne, pourquoi la gauche française est complètement isolée au sein de ses collègues de gauche au Parlement européen.
Bien entendu, le groupe UMP rejettera cette motion et votera ces traités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 256
Nombre de suffrages exprimés 256
Majorité absolue 129
Pour l'adoption 23
Contre 233
(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Élisabeth Guigou.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui amenée à débattre de deux traités.
Le premier modifie l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne afin d'autoriser la création du mécanisme européen de stabilité. Le second crée ce mécanisme européen de stabilité.
Il y a un troisième traité dont on ne débat pas aujourd'hui puisqu'il n'est pas à l'ordre du jour. C'est le projet de traité intergouvememental sur la stabilité, la coopération et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire. Je ne l'évoquerai que pour rappeler que nous souhaitons le renégocier pour le compléter.
Je veux tout d'abord rappeler les quatre raisons qui justifient cette position : ce projet de traité intergouvememental ne répond pas à l'urgence, il n'est pas nécessaire, il est déséquilibré et il est antidémocratique.
Ce projet de traité ne répond pas à l'urgence de la crise financière. L'urgence aurait été de briser, par des mesures fortes et rapides, la spéculation qui s'attaque à la Grèce après s'être attaquée au Portugal, qui risque de se propager vers l'Espagne et l'Italie et, peut-être un jour – souhaitons que non – menacera notre pays. L'urgence était de desserrer l'étau de la spéculation et non d'élaborer un nouveau traité.
Le traité intergouvernemental n'était d'ailleurs pas nécessaire. Le respect de la discipline sur les déficits et la dette est évidemment indispensable. François Hollande a pris des engagements clairs en ce sens : s'il est élu, les déficits ne dépasseront pas 3 % du produit intérieur brut, et reviendront à l'équilibre en 2017. Pourquoi ajouter un traité alors que la règle d'or figure déjà dans les traités européens, qui s'imposent à notre Constitution ?
Il aurait donc suffi d'appliquer les traités et les règlements de la Commission, comme cela a été fait sous le gouvernement Jospin. Je veux souligner que nous n'en serions pas là aujourd'hui si, depuis 2003, c'est-à-dire bien avant la crise qui a éclaté en 2008, la France n'avait été constamment en déficit excessif.
Non seulement ce traité intergouvernemental ne répond pas à l'urgence, non seulement il n'est pas nécessaire, mais il est en outre profondément déséquilibré.
Rien n'est prévu pour soutenir la croissance. Le mot même de croissance n'y apparaît que deux fois. Ce n'est pas avec la méthode Coué que l'on rétablira la confiance, c'est en soutenant la croissance. Car sans croissance il est illusoire de prétendre réduire la dette. Sans croissance, le chômage explose, nous le voyons bien, et ce sera pire encore demain si nous ne prenons pas des mesures fortes pour retrouver le chemin de la croissance.
Nous avons dit ce que nous souhaitions : il faudrait une politique d'investissements au niveau européen financés par des eurobonds dans des secteurs d'intérêt commun. Ils ne manquent pas : l'énergie, les transports, les communications, les technologies numériques, l'avion du futur, l'espace. Voilà ce qu'il aurait fallu faire pour s'attaquer au principal problème qu'est le défaut de croissance aujourd'hui.
Enfin, nous voulons remédier au déficit démocratique de ce traité. Nos parlements ne seront saisis du projet de traité intergouvernemental qu'au stade de la ratification, alors que les questions budgétaires sont au coeur de leur compétence. Ce n'est pas acceptable. Nous avons d'ailleurs débattu ici même, jeudi dernier, d'une proposition de résolution donnant des pouvoirs accrus aux parlements nationaux en lien avec le Parlement européen. Hélas, la majorité UMP a rejeté ce texte.
J'en viens à présent à la ratification de la modification de l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. La modification de cet article autorisera la création d'un mécanisme européen de stabilité. Dans la crise gravissime où se trouvent l'Europe et les peuples européens, il est en effet indispensable de disposer d'un mécanisme de solidarité permanent, qui fait cruellement défaut aujourd'hui.
Les deux mécanismes provisoires actuels, le FESF et le MESF, ont permis d'aider – et c'est une bonne chose – l'Irlande et le Portugal. Nous n'avons cessé de réclamer la création de dispositifs de solidarité. Il est donc bien entendu que nous ne pouvons que juger positif, sur le principe, d'une part qu'un mécanisme permanent prenne le relais de ces mécanismes provisoires, et d'autre part que l'on décide enfin d'accélérer sa mise en oeuvre, qui devrait être avancée de juillet 2013 à juillet 2012. Il y va de la solidarité entre États membres et nous avons tous intérêt à stabiliser la zone euro.
Si nous sommes évidemment favorables sur le principe, la question est de savoir si ce mécanisme-là est le bon.
Voyons donc en quoi consiste le deuxième traité sur lequel nous allons devoir nous prononcer, qui crée le mécanisme européen de stabilité.
Je veux d'abord souligner qu'il arrive bien tard. Les conditions de création de ces fonds sont très révélatrices des atermoiements et de l'indécision qui sont à l'origine de la perte de confiance des marchés et qui expliquent que la situation gravissime de la Grèce ne soit aujourd'hui toujours pas résolue.
Ces fonds de secours ont fait l'objet de décisions insuffisantes et trop tardives. Ainsi, je veux souligner que la création des deux fonds provisoires – le FESF et le MESF – a été décidée en mai 2010, c'est-à-dire un an et demi après qu'eut éclaté la crise de 2008. Il a fallu ensuite attendre plus d'un an pour que ces dispositifs soient abondés et leurs compétences élargies lors des sommets européens de la zone euro des 11 mars et 21 juillet 2011. Et je ne parle pas des délais liés aux ratifications successives ! Il a fallu que les notes triple A de plusieurs pays européens, dont le nôtre, soient dégradées pour que l'on accélère la mise en oeuvre du mécanisme permanent.
En dépit de cette accélération du calendrier, ce mécanisme ne sera mis en place qu'en juillet 2012. Monsieur le ministre, que se passera-t-il entre-temps si l'Espagne ou l'Italie rencontrent d'importants problèmes ? Rien n'est prévu.
En outre, de l'avis de tous les experts et de nombreux politiques, 500 milliards d'euros, c'est insuffisant pour faire face à des problèmes de ce type.
Je veux du reste souligner un paradoxe : plus la dotation des fonds de secours est faible, plus on risque de devoir s'en servir, donc plus ils risquent de coûter cher à nos budgets : 6 milliards d'euros de crédits d'engagement en 2012, 16 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, ce n'est pas rien ! Si ce fonds était suffisamment doté pour dissuader la spéculation, et s'il avait une licence bancaire, on n'aurait pas à s'en servir.
Bref, 500 milliards, de l'avis général, c'est trop peu. Les capacités du mécanisme européen de stabilité doivent être augmentées, au minimum, des 250 milliards d'euros du Fonds européen de stabilité. Espérons que le Conseil européen du 1er mars prochain prendra des décisions en ce sens et accordera au mécanisme le statut de banque publique, pour qu'il ait une licence bancaire et puisse se refinancer, comme toutes les banques, auprès de la Banque centrale européenne. Car, sans licence bancaire, il épuisera ses 500 milliards de capacités d'intervention en cas de tensions exercées sur les titres de la dette souveraine italienne ou espagnole.
Le mécanisme, tel qu'il a été créé, souffre d'un autre défaut : il est fondé sur une structure intergouvernementale. Nous aurions au contraire besoin d'un mécanisme communautaire assurant la transparence et le contrôle par les parlements nationaux et le Parlement européen.
Certes, le traité prévoit un contrôle politique par les ministres des finances. La France aura d'ailleurs un droit de veto. Mais ce n'est pas suffisant. Dans notre projet de résolution, nous proposions une véritable action commune entre le Parlement européen et les parlements nationaux au début du processus de semestre européen, ainsi que des réunions à chaque étape importante de la coordination intergouvernementale des politiques économiques et budgétaires.
En outre, l'octroi d'une assistance financière du mécanisme européen de stabilité sera conditionné, à partir du 1er mars 2013, pas la ratification du traité intergouvernemental sur la stabilité, la coopération et la gouvernance. Même si les dispositions conditionnant ces deux traités l'un à l'autre sont dépourvues de valeur juridique contraignante, il y a bel et bien un lien politique. Or, je l'ai dit pour commencer, nous ne pouvons, en l'état, approuver le traité budgétaire intergouvernemental.
La solidarité doit être au fondement de la gouvernance économique européenne, cette gouvernance économique a besoin de jouer sur tout un clavier ; elle ne peut pas être seulement punitive, sinon nous ne nous en sortirons pas, ni les uns ni les autres.
En évoquant la solidarité, je veux parler du traitement cruel qu'est en train de subir le peuple grec. Il est normal qu'une aide soit assortie de contreparties, mais les conditions imposées à la Grèce sont absolument inacceptables. Ce pays connaît sa cinquième année de récession et nous voyons bien que ce sont les malheureux Grecs, saignés à blanc, qui paient le prix des fautes graves qui ont été commises par les dirigeants qui ont précédé le gouvernement Papandréou.
A-t-on mesuré la brutalité de ce énième plan de rigueur ? Quelles en sont les conséquences sociales et humaines ? Les pensions de retraite vont diminuer de manière drastique, y compris les retraites complémentaires. Le SMIC va baisser de 22 % pour passer en dessous de 600 euros, et de 32 % pour les moins de 25 ans. Le salaire des fonctionnaires sera réduit de 10 %, et 15 000 fonctionnaires vont être licenciés.
C'est la dignité même du peuple grec qui est aujourd'hui bafouée. Ce n'est pas ainsi que nous renforcerons la cohésion européenne dont nous avons tant besoin dans cette crise.
Je ne cesserai de le répéter : si les États européens avaient respecté les traités déjà existants, si la Commission européenne avait joué son rôle, si on avait agi plus tôt et plus fort, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
En conclusion, nous sommes favorables à la création d'un mécanisme de solidarité permanent, qui fait défaut aujourd'hui.
Mais le traité qui institue le mécanisme européen de stabilité est loin de ce qu'il faudrait pour stabiliser la zone euro et aider les pays en difficulté. Ce mécanisme n'est pas suffisamment doté. Il faudrait lui donner une licence bancaire, pour qu'il soit adossé à la garantie de la Banque centrale européenne, et afficher la volonté politique de mutualiser la dette et de soutenir la croissance. Enfin, la conditionnalité politique consistant à n'octroyer une assistance financière qu'aux États ayant préalablement ratifié l'actuel traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance n'est pas acceptable en l'état actuel de ce traité.
C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai sur ce deuxième traité.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où l'Europe est de nouveau suspendue au compte à rebours grec, à l'heure où continue de peser sur l'ensemble des économies européennes la menace d'une propagation de la crise des dettes souveraines à l'ensemble des États de la zone euro, c'est l'avenir de l'Europe tout entière qui se joue devant nos yeux.
La crise sans précédent que nous traversons aura au moins eu le mérite de servir de révélateur. Elle aura permis de mettre en lumière la nécessité de sortir d'une simple logique de sauvetage si nous voulons, à terme, parvenir à mettre en place une stabilité économique et budgétaire durable.
Reconnaissons-le, le traitement en urgence des maux européens ne suffit plus à masquer le besoin réel, que la gravité de la situation nous impose, de reconsidérer la nature et le fonctionnement de l'Union européenne dans son ensemble. Le moment est venu de poser les bases de mécanismes de protection et de sauvegarde pérennes des différentes économies de la zone euro.
Nous devons répondre à l'une de nos faiblesses les plus structurelles en replaçant nos finances publiques dans une dynamique vertueuse. Nous devons lever cette incohérence originelle consistant pour les États de la zone euro à se doter d'une monnaie unique sans prendre le temps d'une véritable coordination des politiques économiques. C'est guidée par ces exigences que l'Europe devra opérer les choix qui s'imposent à elle.
En outre, les députés centristes, profondément européens, l'affirment depuis longtemps, si nous voulons sauver l'euro, nous devons mettre en oeuvre un fédéralisme économique et budgétaire, car une monnaie unique sans politique économique et financière fédérale est inévitablement vouée à l'échec. Au-delà d'une simple gouvernance, nous devons mettre en place un véritable gouvernement économique européen. Il s'agit là d'un idéal qui, pendant trop longtemps, fut décrié lors des traditionnelles réunions du Conseil de l'Europe.
À l'heure où je prends la parole dans cet hémicycle, une nouvelle Europe est en train de naître. Nous avons trop souvent regretté les limites de l'intégration et celles de la monnaie unique pour ne pas reconnaître et saluer les avancées qui se font jour. Les mesures introduites par le Conseil européen, sous l'impulsion du couple franco-allemand, vont dans ce sens, et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Il en va ainsi de la création du mécanisme européen de stabilité, que nous approuvons résolument. Embryon d'un fonds monétaire européen, il pourra fournir un soutien à la stabilité de ses membres si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. Il dote ainsi les pays de la zone euro d'un mécanisme permanent de gestion de crise, à même de protéger les économies européennes contre les attaques spéculatives.
Il en va ainsi également de l'accord intergouvernemental sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, étroitement associé au traité instituant un mécanisme européen de stabilité.
La solidarité mise en place par le mécanisme européen de stabilité n'est soutenable que si ceux qui en bénéficient respectent une discipline budgétaire : c'est tout le sens de cet accord intergouvernemental, conclu le 30 janvier dernier par vingt-cinq pays européens, et qui marque l'adoption de la règle d'or maintes fois prônée par les centristes. Avec cet accord, nous franchissons un pas de plus vers le redressement de la situation économique de l'Europe.
Ces mesures vont dans le sens de ce que le Nouveau Centre a toujours préconisé : agir dans un esprit de responsabilité et de discipline budgétaire, allié à une nécessaire solidarité envers nos voisins européens.
Cependant, mes chers collègues, je le dis au nom de mes collègues centristes, fédéralistes de toujours, nous pouvons aller plus loin, vers une Europe politique, vers une Europe intégrée, vers une Europe où la solidarité entre les peuples est le ciment commun.
Dans cet objectif, nous souhaitons mettre en place un réel gouvernement économique européen, fondé sur une redéfinition du rôle et des objectifs de la Banque centrale européenne, dont les pouvoirs seraient renforcés. La représentation unique de la zone euro dans les institutions monétaires et financières internationales serait également un préalable indispensable à l'instauration de cette gouvernance économique européenne.
Plus profondément, il s'agit de réfléchir aux moyens d'améliorer le fonctionnement de toute l'Europe. Les mesures destinées à sauver la zone euro ne suffiront pas si elles ne sont pas accompagnées d'une remise en cause profonde de l'architecture des institutions européennes. Pour l'heure, nous sommes face à une Europe plus intergouvernementale que véritablement intégrée, où la somme des intérêts des États membres semble faire office d'intérêt général, au détriment de la Commission, plus que jamais en retrait dans les processus décisionnels. Nous devons remédier à cette situation sans plus attendre.
Enfin, dans ce contexte très difficile et contraint, j'évoquerai l'attitude de nos collègues socialistes qui ont toujours soutenu la construction européenne. Alors que nous examinons des traités qui, précisément, sont destinés à sauver la zone euro, les socialistes français continuent, avec une obstination sans faille, à dénoncer les initiatives européennes.
Les socialistes ne font-ils pas partie d'une internationale qui participe pleinement au projet européen ?
Par ce refus, le parti socialiste français, qui n'assume toujours pas le tournant nécessaire vers la social-démocratie, allie irresponsabilité et incohérence. Après avoir combattu la réforme constitutionnelle, il a au moins le mérite de la cohérence dans son incohérence, tant son rejet implicite de l'Europe est d'un autre temps.
Il est vrai que certains collègues socialistes, comme Élisabeth Guigou, ont plaidé pour le oui, au sein du groupe socialiste, mais se sont ralliés à regret à l'abstention.
Mes chers collègues, lisez l'interview qu'elle a donnée aujourd'hui dans le journal Le Monde.
Mais combien d'autres collègues socialistes plaident pour le non, comme Olivier Dussopt et bien d'autres !
Plus grave encore : ce que les socialistes français redoutent dans ce traité, c'est l'accord intergouvernemental de discipline budgétaire conclu par les vingt-cinq pays européens.
L'octroi d'une assistance financière est en effet conditionné par la ratification du traité sur la stabilité par l'État membre concerné. Au fond, ce que refusent certains de nos collègues socialistes c'est une politique budgétaire raisonnable, c'est la règle d'or.
Comment peut-on prétendre vouloir réduire le déficit public quand on refuse catégoriquement de s'astreindre à une discipline budgétaire ? Cette attitude résulte-t-elle uniquement d'une logique d'opposition systématique à la majorité existante ou est-elle justifiée par le refus de construire, avec l'ensemble de nos partenaires, un avenir meilleur pour l'Europe ?
François Hollande, en annonçant sa volonté de renégocier l'accord, fait preuve d'un manque total de responsabilité internationale.
Son irresponsabilité risquerait, à terme, de placer la France au ban de toute l'Europe et entraînerait pour notre pays des conséquences diplomatiques graves.
Dans un contexte où l'Europe, menacée, traverse des heures graves, nous devons faire preuve de courage. Nous devons tout mettre en oeuvre pour favoriser une stabilité économique et budgétaire durable. Au-delà des clivages politiques et des échéances électorales, il est de notre devoir d'afficher une volonté commune dans l'intérêt de la France et de l'Europe, pour appuyer une démarche légitime, dans un esprit de responsabilité face aux générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, depuis bientôt deux ans, les gouvernements de la zone euro volent au secours des marchés pour tenter de les rassurer et prévenir leurs mouvements d'humeur.
Les solutions préconisées pour juguler ce qu'il est désormais convenu d'appeler la crise de la dette l'ont toutes été jusqu'ici dans la logique du pacte de stabilité, en s'interdisant toute forme de création monétaire et en faisant de la lutte contre les déficits l'unique priorité, quitte à entraîner l'ensemble des pays de la zone euro dans une spirale de récession.
Vous nous proposez aujourd'hui avec ce texte rien de moins que conforter cette logique de fuite en avant, au détriment des peuples et pour l'unique satisfaction des détenteurs de capitaux et autres investisseurs.
Vous tirez prétexte de la crise pour imposer une forme de pacte de stabilité renforcé et exiger des gouvernements qu'ils se conforment aux nouvelles règles de gouvernance économique de l'Union européenne, qui n'ont d'autre but que de réduire toujours davantage les dépenses publiques et les allocations sociales, de comprimer les salaires et les pensions, d'anéantir les services publics pour les céder à vil prix aux grossiers appétits des Thénardier de la finance.
Il s'agit en somme d'imposer aux États, sous la houlette du FMI et de la Commission, des plans d'ajustements structurels drastiques, quitte, pour cela, à piétiner les droits des peuples et à vous détourner de l'intérêt général.
Le pacte de stabilité monétaire nous avait été présenté en son temps comme indispensable à la cohésion de la zone euro. Il devait ouvrir une période de croissance qui s'accompagnerait de la création de millions d'emplois. Nous en voyons aujourd'hui le résultat, ou plutôt le désastre.
Le pacte se stabilité n'a finalement eu pour effet que de brider les investissements et les salaires, de maintenir un chômage de masse, d'accroître les inégalités, aussi bien entre citoyens qu'entre pays de la zone euro, et de freiner la croissance de notre continent.
Après nous avoir chanté l'avenir radieux du libéralisme triomphant, vous nous présentez aujourd'hui ce même pacte de stabilité comme l'unique et dernier rempart contre le chaos. C'est un mensonge.
Vous n'avez tiré aucune leçon de la crise.
La crise aurait pu être l'occasion de desserrer l'étau des marchés financiers, de mettre fin aux pratiques prédatrices de la spéculation financière, de remettre en cause le fonctionnement de la Banque centrale européenne et d'en dénoncer la politique étroitement monétariste.
La création du fonds de stabilité européen elle-même aurait pu marquer un tournant dans l'histoire de la construction européenne en ébranlant les dogmes inscrits dans les traités de Maastricht et de Lisbonne. Elle aurait pu constituer la première étape d'un processus de convergence visant à l'harmonisation des conditions fiscales et sociales de l'activité économique, et s'attaquer courageusement à la dictature de la finance.
Vous avez au contraire décidé de faire de ce fonds l'instrument de promotion d'une gouvernance économique toujours plus autoritaire et intransigeante. C'est le sens du traité instituant le mécanisme européen de stabilité que vous nous proposez aujourd'hui d'approuver.
Nous ne le ferons pas. Ce mécanisme est non seulement un non-sens économique mais aussi et surtout le préalable à la mise en place d'une gouvernance purement technocratique des politiques économiques et budgétaires. Il se traduira par de nouveaux abandons de souveraineté que le peuple français a déjà par avance récusés en rejetant en 2005 votre projet libéral de Constitution européenne.
Bien sûr, ce n'est pas ainsi que vous nous présentez les choses. Officiellement, le mécanisme européen de stabilité n'est destiné qu'à soutenir les États membres de la zone euro sur lesquels pèsent des difficultés, que vous avez d'ailleurs générées. Il se présente même comme un organe de coopération intergouvernementale.
Dans les faits, cependant, ce mécanisme, qui devait être opérationnel en juillet 2013 mais dont la Commission a souhaité la mise en oeuvre dès la mi-2012, ouvre des perspectives bien sombres, dans le prolongement des exigences de durcissement de la discipline budgétaire réclamée par l'Allemagne. C'est ainsi que ce mécanisme de fonds monétaire européen coopérera étroitement avec le FMI afin de définir conjointement les programmes d'ajustement et de coordonner les modalités d'assistance financière des États, dont la tarification et les échéances des prêts. En outre, cerise sur le gâteau, l'intervention du mécanisme européen de stabilité s'accompagnera d'une participation du secteur privé, conformément aux pratiques du FMI.
Dans ce contexte, comment prétendre que le mécanisme européen de stabilité permettra, comme l'affirment la majorité et le Gouvernement, une reprise en main des États, c'est-à-dire, à travers eux, des peuples, alors qu'il sera soumis au contrôle technocratique d'un collège de gouverneurs – dont nous montrerons le caractère totalement indépendant et ingouvernable, notamment par notre assemblée – qui n'obéira qu'à une logique de mise au pas des peuples ?
Nous avons eu sous les yeux un exemple terrible, celui de la Grèce. Le gouvernement grec a approuvé, samedi dernier, la version définitive du plan supplémentaire d'économies réclamé par la troïka BCE-UE-FMI, en échange du déblocage décidé hier de fonds supplémentaires.
On l'oublie souvent, ce qui est demandé au gouvernement grec, ce n'est pas seulement une politique d'économies budgétaires, mais aussi la vente de la quasi-totalité de ses entreprises publiques, que le peuple a dû financer à une époque où aucun investisseur international n'envisageait d'investir en Grèce.
Il est question de la dette, certes, mais aussi d'un patrimoine, qui est aujourd'hui soumis à liquidation. Par conséquent, les Grecs ne pourront même pas s'appuyer sur ce patrimoine pour sortir de la situation dans laquelle ils sont.
D'un montant de 325 millions d'euros, ce plan se traduira par de nouvelles coupes dans les pensions et une nouvelle baisse de 22 % du salaire minimum, qui n'est pourtant que de 740 euros mensuels. Encore n'est-ce qu'une étape du projet de loi pluriannuelle 2011-2015 qui prévoit la réalisation de 21 milliards d'euros d'économies, soit 7 700 euros par ménage, ou près de 20 % du revenu brut moyen !
Nous savons aujourd'hui que, pour sortir de l'ornière, la Grèce doit impérativement renouer avec une croissance forte et durable. Mais elle ne dispose plus des moyens de relancer l'économie, notamment par des programmes d'investissements publics massifs.
Les préconisations de la BCE, de la Commission et du FMI ne visent pas à aider le peuple grec, mais à préserver autant que faire se peut les intérêts financiers des créanciers. Ce ne sont rien d'autre que des plans d'assistance au système bancaire, qui sacrifient les populations en les plongeant dans la misère.
L'ancien ministre de l'économie argentin, Roberto Lavagna, célèbre pour avoir refusé un prêt de 25 milliards de dollars du FMI en 2002 visant prétendument à mettre fin à l'endettement permanent de son pays, livrait récemment son témoignage dans les colonnes d'un quotidien : « Les sorties de crise, disait-il, se font en dehors des chemins tracés par le FMI. Cette institution propose toujours le même type de contrat d'ajustement fiscal qui consiste à diminuer l'argent qu'on donne aux gens – les salaires, les pensions, les aides publiques –, mais également les grands travaux publics qui génèrent de l'emploi, pour consacrer l'argent économisé à payer les créanciers. C'est absurde. » Plus que l'absurdité, c'est le cynisme de ces politiques d'ajustement, qui prétendent exiger des peuples des sacrifices intolérables au nom de l'intérêt général, alors que l'objectif n'est que de rassurer les marchés et d'engraisser les banquiers, qui doit être souligné.
C'est ce type de solutions que veut systématiser le mécanisme européen de stabilité. C'est un motif suffisant pour le rejeter.
Mais il est un autre motif, de taille. En effet, le sommet du 9 décembre dernier a été l'occasion, nous le savons, de compléter le dispositif européen de soutien à la crise en fixant les contours d'un nouveau pacte budgétaire, qui s'est traduit par l'adoption, le 30 janvier 2012, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire par vingt-cinq chefs d'État et de gouvernement, dont ceux de la zone euro.
Que prévoit ce traité qui devrait être définitivement adopté par le Conseil européen la semaine prochaine ? Ni plus ni moins que de rendre obligatoire la règle d'or, sous peine de sanctions contre ceux qui ne la respecteraient pas. Des sanctions pouvant aller jusqu'à 2 milliards d'euros, comme ce serait le cas pour la France si nous étions condamnés !
Ce traité ne vise pas seulement à paralyser toute politique nationale de relance économique qui ne se conformerait pas à la doctrine libérale, à interdire toute politique de relance de la consommation intérieure, qui est pourtant le principal moteur de notre économie, mais il prévoit en outre la possibilité pour un État ou pour la Commission de traduire un État devant la Cour de justice de l'Union européenne en cas de non-respect de ces règles lourdes et absurdes.
Un pas de plus est donc franchi par ce texte dans le dessaisissement démocratique des citoyens et des peuples, en violation manifeste et délibérée du principe de séparation des pouvoirs. L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen le rappelle avec force : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution ». En prévoyant que la Commission et le juge européen pourront condamner et sanctionner la politique économique conduite et approuvée par les représentants du peuple, ce projet de traité apparaît pour ce qu'il est : un texte liberticide, qui entend faire prévaloir l'exercice du pouvoir des juges et du pouvoir bureaucratique de décideurs autoproclamés sur l'expression de la souveraineté populaire.
Contre ceux qui saluent l'avènement de ce despotisme technocratique, nous ne cesserons de défendre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, car c'est sur ce fondement seul que pourra enfin se construire une Europe des peuples, une Europe authentiquement démocratique et solidaire.
Nous voterons donc contre ce texte en réitérant notre exigence d'organiser un référendum sur le traité à vingt-cinq, dont vous prétendez imposer le joug à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes amenés à nous prononcer aujourd'hui sur un sujet majeur pour la France et pour l'Europe. Les deux projets de loi qui nous sont soumis visent à approuver la création du mécanisme européen de stabilité, dit MES. Il s'agit bien de créer ce fameux fonds monétaire européen que beaucoup ici appelaient de leurs voeux au début de la crise de la zone euro.
Ce MES n'est pas seulement un dispositif avec un intitulé et des dispositions techniques. Il est d'abord un outil de solidarité,…
…un outil pour garantir la stabilité financière en Europe, un outil pour défendre notre monnaie : l'euro. Il est l'aboutissement d'une longue marche que l'Europe a commencée il y a maintenant deux ans pour trouver des réponses à l'une des pires crises de son histoire.
Il est l'aboutissement des efforts déployés par notre continent pour surmonter les turbulences financières qui l'ont durement déstabilisé.
Il est la preuve que, quand l'Europe veut, l'Europe peut, car, face à cette crise sans précédent de la dette souveraine, nous avons réussi, tous ensemble, à construire une réponse forte dans des délais record.
À ceux qui nous accusent d'avoir enchaîné les sommets européens en 2011, à ceux qui nous accusent d'avancer trop lentement et d'agir trop tard, je demande de regarder le chemin parcouru depuis deux ans. Il a d'abord fallu répondre à l'urgence de la crise grecque, et l'Europe – on l'a encore vu cette nuit – a su réagir pour sauver ce pays du naufrage. Il a fallu ensuite gérer le cas de l'Irlande, puis de l'Espagne et du Portugal. Il a fallu enfin revoir les règles de fonctionnement de la zone euro. Le Traité de Maastricht n'avait pas donné à l'Europe les moyens de faire face à une crise d'une telle ampleur : pas de mécanisme de prévention efficace, pas de sanctions effectives et pas d'instrument d'urgence !
Il a donc fallu tout réinventer, tout reconstruire, ce qui a pris du temps.
La France est aujourd'hui le premier pays européen à ratifier le traité sur le MES, signé le 2 février dernier à Bruxelles par les États membres de la zone euro. C'est un honneur et cela montre la détermination de notre pays à faire de la zone euro un espace de stabilité financière et de solidarité. Nos partenaires nous suivront bientôt dans la ratification de ce traité qui devrait très probablement entrer en vigueur en juillet 2012.
Le MES apportera des fonds et une assistance technique, sous des conditions strictes, aux États qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement. À partir du 1er juillet 2013, il prendra le relais du Fonds européen de stabilité financière, le FESF, créé pour une durée temporaire. L'Europe disposera alors d'un vrai rempart permanent contre la spéculation.
Le MES sera un dispositif plus fort, plus réactif et mieux armé que le FESF. Il constituera un instrument pérenne prêt à répondre aux éventuelles crises à venir, dans des conditions fixées par un traité et non à définir au cas par cas. Il pourra décider d'une intervention sans l'unanimité des États, lorsque l'octroi d'une assistance sera crucial pour assurer la stabilité financière de la zone euro.
La capacité de prêt maximale du mécanisme européen de stabilité, qui sera doté de capitaux propres à hauteur de 700 milliards d'euros, sera de 500 milliards d'euros, avec une réévaluation du plafond en mars 2012. Les États verseront 80 milliards d'euros de capital et donneront 620 milliards d'euros de garanties complémentaires. La France, quant à elle, décaissera directement 16 milliards d'euros et apportera environ 143 milliards de garanties.
Outre l'assistance financière et technique, le MES pourra également intervenir sur les marchés primaire et secondaire, voire, à titre de précaution, accorder aux États des prêts destinés à recapitaliser leurs institutions financières.
L'organe de décision principal du MES sera le Conseil des gouverneurs, composé des ministres des finances des États de la zone euro ou de leurs suppléants. Cela signifie que le pilotage sera concrètement assuré par les ministres des finances de la zone euro. On ne peut donc pas parler, comme je l'entends souvent, d'un organe technocratique, antidémocratique, puisque le mécanisme sera entre les mains de politiques. Je pense d'ailleurs que si ce mécanisme européen de stabilité avait existé dès le début de la crise grecque, les choses auraient été mieux gérées, parce que l'Europe aurait bénéficié d'un mécanisme disposant d'une force de frappe suffisante et piloté par les ministres des finances, aptes à prendre en compte la dimension politique de la crise.
Je souhaite aussi rappeler que le traité instituant le mécanisme européen de stabilité ne remet nullement en cause la souveraineté de la France.
Ce texte n'opère aucun transfert de compétences et ne limite pas la souveraineté des États membres.
En outre, notre assemblée sera associée à ce mécanisme puisque nous avons récemment approuvé un amendement de la commission des finances au PLFR qui prévoit une information trimestrielle des commissions des finances et chaque fois qu'une décision engageant les finances de l'État serait prise par le Conseil des gouverneurs.
Toute augmentation du montant des fonds appelés devra bien évidemment faire aussi l'objet d'une disposition en loi de finances, et toute décision tendant à augmenter le montant de capital du mécanisme européen de stabilité nécessiterait une ratification parlementaire.
Cette solidarité sans faille n'est pas envisageable sans une discipline plus stricte…
Si l'on veut plus de solidarité, il faut plus de discipline budgétaire. Pas question, donc, de signer des chèques en blanc. Les aides accordées feront l'objet de conditions décrites dans des plans d'ajustement et, bien entendu, un pays ne pourra bénéficier des mécanismes de solidarité que s'il a ratifié le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire.
Ce sujet, je le sais, fait débat. J'ai lu dans la presse que le groupe socialiste allait s'abstenir sur le mécanisme européen de stabilité parce qu'il conteste le lien entre le mécanisme européen et le pacte budgétaire. Ce raisonnement n'est pas cohérent.
Ces deux textes sont deux éléments indissociables pour surmonter la crise de la dette publique dans la zone euro. Bien sûr, l'Europe a besoin de plus de solidarité. Mais plus de solidarité exige aussi plus de discipline. Vous ne pouvez pas d'un côté promouvoir la solidarité et, dans le même temps, encourager le laxisme budgétaire qui a plongé l'Europe dans la crise.
Une fois n'est pas coutume, la vérité sort de la bouche de Daniel Cohn-Bendit,…
…qui a déclaré hier dans le quotidien Libération : « Il y a une hypocrisie dans la position de la gauche française, Verts compris. Le mécanisme européen de stabilité [...] instaure une solidarité financière entre les pays de la zone euro dont on a besoin si l'on ne veut pas laisser sombrer le Portugal, l'Italie, l'Espagne ou la Grèce. Le refuser, c'est injurier l'avenir. »
J'espère donc que vous suivrez, chers membres de l'opposition, les bons conseils de votre ami Dany, et que vous ne lui ferez pas l'affront de vous abstenir sur ces deux projets de loi.
Ce mécanisme est un mécanisme de solidarité vital pour les États en difficulté. Voter contre ou s'abstenir, c'est envoyer un message négatif à tous les peuples qui accomplissent des efforts considérables et courageux pour sortir de la crise. Car derrière tous ces plans de sauvetage et derrière le mécanisme européen de stabilité, il y a des personnes humaines que l'on ne peut pas oublier.
Si l'on se bat pour assurer la stabilité financière de l'Europe, si l'on se bat pour sortir la Grèce de ses difficultés,…
…même si cela exige des efforts, c'est pour les peuples.
Depuis le début de la crise, l'Europe est confrontée à une véritable course contre la montre. Elle doit empêcher la spéculation de défaire en quelques mois ce que nous avons mis vingt ans à bâtir : l'euro.
Nous devons montrer à tous ceux qui doutent de la viabilité de l'euro et qui spéculent sur son éclatement que, quoi qu'il arrive, notre monnaie sortira renforcée de la crise. Nous devons montrer aux citoyens européens que le mot « Europe » n'est pas synonyme d'austérité et de réformes pénibles. Nous devons leur prouver que l'Europe est synonyme de responsabilité et de solidarité. Le mécanisme européen de stabilité nous en donne l'opportunité !
C'est pourquoi le groupe UMP votera ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous examinons aujourd'hui le traité instituant un mécanisme européen de stabilité, et le hasard du calendrier fait que ce traité, qui a vocation à soutenir les pays européens en difficulté, vient en discussion au moment même où l'Europe a décidé, hier, un nouveau plan d'aide à la Grèce.
Si cette aide peut donner un répit à un pays au bord de la faillite, on ne peut que s'interroger sur sa pertinence.
En Grèce, non seulement l'Europe a tardé à agir mais, lorsqu'elle est intervenue, elle l'a fait en imposant des conditions telles qu'elles rendent impossibles toute perspective de sortie de crise dans ce pays. De plan d'austérité en plan d'austérité, la Grèce s'enfonce chaque jour un peu plus dans la récession.
Nous récusons cette approche qui étouffe toute possibilité de reprise économique dans ce pays, cette approche qui, au bout du compte, compromet l'objectif d'assainissement financier.
La Grèce est entrée dans un cycle infernal dans lequel l'austérité entraîne la récession qui, à son tour, entraîne l'austérité. Dans ce schéma, on ne voit pas comment ce pays pourrait sortir de ses difficultés.
Nous ne sommes pas hostiles au principe de la conditionnalité, mais celle-ci ne doit pas s'exercer de manière aveugle, au risque de tuer le malade que l'on prétend guérir. En Grèce comme ailleurs, la réponse à la crise est le retour à la croissance. Pour cela, il faut, par exemple, stimuler l'investissement, soutenir des projets de développement, développer les fonds structurels en Grèce, toutes choses que, pour le moment, l'Europe se refuse à faire.
Aujourd'hui, vous nous proposez, monsieur le ministre, un mécanisme d'assistance et de solidarité entre les pays de la zone euro.
Ce mécanisme est indispensable pour soutenir les États en difficulté et garantir la stabilité de la zone euro. Les pays européens ne peuvent pas s'en remettre au FMI pour assurer la solidarité entre eux. Ce serait une démission coupable de leur part, avec le risque de se mettre dans les mains de pays non européens. C'est à eux de prendre leurs responsabilités et de définir les modalités d'une assistance mutuelle.
Sur un certain nombre de points, le MES apporte des réponses nouvelles que l'on ne peut ignorer.
C'est d'abord un mécanisme permanent. Il est doté en capital, ce qui n'était pas le cas du fonds de solidarité, qui ne fonctionnait qu'avec des garanties d'emprunt. Le MES aura un capital de 80 milliards d'euros, dont plus de 16 milliards seront à la charge de la France, ce qui n'est pas négligeable, et dont le reste sera évidemment obtenu à travers des capacités d'emprunt.
Il sera aussi mieux contrôlé que le fonds européen de stabilité financière sur le plan politique, puisque ce sont les ministres des finances qui le dirigeront.
Je ne doute pas que l'Assemblée nationale, comme le Bundestag, mettra en place les moyens de contrôler le ministre.
Mais cela nous appartient, cela n'appartient pas au traité. Le Bundestag le fera, à nous de le faire également, c'est notre travail.
Enfin, les décisions importantes seront prises à l'unanimité, ce qui garantit un droit de veto pour chacun des pays membres. Il n'y aura donc pas de transfert de compétences, je suis désolé de le dire, puisque chaque pays pourra s'opposer aux décisions prises par le MES.
…s'il ne s'inscrivait dans la logique d'austérité que j'ai dénoncée tout à l'heure à propos de la Grèce. Le MES reste marqué par l'approche restrictive, déflationniste, récessionniste, qui est celle de l'Europe face à la crise.
Je vais le démontrer, monsieur Lequiller.
Il établit tout d'abord un lien avec le traité budgétaire. Même si ce lien n'a pas de valeur juridique, il engage politiquement ceux qui approuvent ce traité. Nous ne pouvons prendre un tel engagement car nous récusons l'idée que la discipline budgétaire soit la seule réponse à la crise.
Nous voulons renégocier le traité budgétaire pour ajouter un volet de soutien à la croissance et à l'activité.
Création d'euro-obligations pour mutualiser les dettes, du moins une partie d'entre elles, création d'eurobonds pour soutenir des project bonds, des projets d'investissements, création d'une véritable taxe sur les transactions financières, qui viendra alimenter en partie le budget européen tourné vers des dépenses d'avenir, rôle accru de la BCE pour faciliter le passage vers la reprise et la transition vers la croissance, tels sont les éléments que nous voulons voir mis sur la table de la discussion avec nos partenaires européens.
De ce point de vue, nous constatons que nos idées progressent en Europe. Le Parlement européen a voté à la majorité, c'est-à-dire avec l'appui du PPE, une résolution condamnant le traité budgétaire, une résolution montrant la nécessité d'avoir, à côté de la discipline budgétaire, des moyens pour la relance économique et pour la croissance.
En Allemagne, le SPD est disposé à rouvrir la discussion sur le traité budgétaire. En Italie, M. Monti s'est exprimé à plusieurs reprises pour demander à l'Europe d'autres moyens pour surmonter la crise.
Il n'y a guère que la France de M. Sarkozy et l'Allemagne de Mme Merkel qui se refusent à toute évolution.
En tous les cas, le mandat de renégociation, c'est celui que demandera aux Français notre candidat à l'élection lors de l'élection présidentielle.
L'autre insuffisance du MES réside dans sa capacité d'action limitée. Conçu pour « effrayer » les marchés, c'était l'expression de M. Baroin ici même la semaine dernière, le MES est armé d'un sabre de bois. Seul l'accès à la BCE, comme pour n'importe quelle institution financière en Europe, lui permettrait de disposer de la force de frappe susceptible de dissuader la spéculation.
La France avait proposé que le MES dispose d'une licence bancaire. Pourquoi a-t-elle abandonné cette revendication, mais ce n'est pas la seule, face à l'Allemagne ? Une fois de plus, la France s'est alignée sur la position allemande.
En l'absence de cet adossement à la BCE, le MES n'aura pas les moyens suffisants pour secourir des pays d'une certaine importance comme l'Italie ou l'Espagne. Son rôle sera cantonné aux « petits » pays, c'est-à-dire à la Grèce, au Portugal, voire à l'Irlande.
C'est donc un mécanisme de solidarité certes nécessaire mais imparfait qui nous est soumis.
La conditionnalité politique consistant à n'octroyer une assistance financière qu'aux États ayant préalablement ratifié le traité budgétaire ne peut pas être acceptée en l'état actuel de ce dernier.
L'absence d'attribution d'une licence bancaire au MES ne lui permettra pas de jouer un rôle de soutien à la plupart des pays de l'eurozone en difficulté financière.
Avec ce mécanisme de crise, l'Europe est loin d'être sauvée, il faudra bien d'autres décisions pour la sortir de la crise. La réponse européenne reste en effet insuffisante, caractérisée par une approche récessionniste inadaptée.
C'est un nouveau compromis qu'il faut passer au niveau européen pour relancer la croissance et l'économie. C'est à cela que nous voulons travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Les deux traités que vous nous proposez, monsieur le ministre, sont utiles et nécessaires, mais ils ne suffisent pas. Heureusement, la mise en place du mécanisme européen de stabilité est liée au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. En effet, si on parle de mécanisme européen de stabilité, nous avons besoin de stabilité, de coordination et de gouvernance. Et si on parle de stabilité, de coordination et de gouvernance, nous avons besoin, comme le disait le Président de la République, de refonder l'Europe. Cela exige que, dès aujourd'hui, nous réfléchissions à un certain nombre de questions qui vont nécessairement se poser à nous.
Par exemple, qui tiendra le secrétariat de la gouvernance européenne sur laquelle les gouvernements travaillent aujourd'hui ? Pour l'essentiel, ce sera la Commission. Assumons-le explicitement.
Au-delà de l'analyse des soldes, il faudra bien que nous nous penchions également sur la manière dont ces soldes budgétaires, ces soldes financiers sont constitués, c'est-à-dire sur l'évaluation de nos politiques. Nous ne souhaitons pas a priori, lorsque la qualification de la France sera faite sur l'observance ou non de tel solde, que l'on nous dise si nous avons raison ou tort de dépenser tant d'argent pour la politique familiale – nous avons évidemment raison – ou que l'on nous dise si nous avons raison ou tort de dépenser tant d'argent pour la dissuasion – là encore, nous avons raison.
Mais si nous ne voulons pas que ces questions jaillissent alors que nous ne l'aurons pas prévu, nous devons dès aujourd'hui anticiper le fait qu'au-delà de l'analyse des chiffres synthétiques et des soldes finaux, nécessairement, nous devrons discuter de sujets qui sont de l'ordre de la délibération budgétaire. Évidemment, je suis, en tant que député, très attaché à la souveraineté nationale et aux droits du Parlement. En même temps, il faut expliciter la manière dont, concrètement, le mécanisme sera géré, la manière dont s'opérera la gouvernance, la manière dont nous serons interpellés lorsque nous frôlerons les lignes de la règle d'or.
C'est en réalité une Europe fédérale qui se construit. Autant l'assumer en anticipant dès maintenant les règles politiques d'une telle Europe. Nos amis allemands, eux aussi, esquivent cette question, même s'ils se montrent ardents, parfois plus que nous, en tout cas avec davantage d'unanimité, pour s'imposer la règle d'or ou pour progresser dans les règles de gouvernance de la zone euro. Quelle est la dimension politique derrière ? La réponse de l'intergouvernemental ne suffit pas sur un certain nombre de mécanismes très précis, mais même au-delà, dans la dynamique, dans la vie du processus que nous enclenchons. La question se pose dans ces termes et c'est votre responsabilité, monsieur le ministre, de l'anticiper. Il faut expliquer à nos concitoyens que le monde a changé, que la réponse à cette question réside à bien des égards dans la subsidiarité – dans notre famille politique, cela devrait nous convenir. Lorsque nos États sont défaillants en termes de gouvernance monétaire, en termes de gouvernance financière, il est légitime et indispensable de faire remonter le sujet à l'échelle communautaire.
Il faut le reconnaître et l'assumer dans sa pleine dimension politique. Inversement, si nous voulons également donner quelque espoir à nos concitoyens, montrer que notre construction politique respire, qu'elle est sous le contrôle des peuples et des parlements, il faut, lorsque nous constatons que le sujet est mieux traité à l'échelle locale, le faire revenir sur le terrain.
Certains me disent que l'Union européenne s'est construite dans le respect de la protection du consommateur, que l'accumulation des règles, qui vont de la protection de la biodiversité à la définition des paramètres de l'eau proposée à la consommation des citoyens, relève d'une légitimité européenne. Je ne suis pas d'accord.
Nous devons, dans le même geste qui nous amène à partager et à déléguer des compétences pour lesquelles, d'évidence, l'Europe est le seul espace pertinent aujourd'hui, questionner le champ actuel de compétence de l'Europe et ramener sur le terrain les questions et les enjeux que l'État et les institutions locales sont plus à même de régler.
Oui, il convient d'approuver le traité mettant en place le mécanisme européen de stabilité. Oui, il convient de corriger les traités. Oui, il conviendra de ratifier la règle d'or et le traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance. Mais ce qu'il faut vraiment, vous l'avez fait dans l'exécutif, le Président de la République l'a dit, c'est refonder l'Europe.
Mais, pour le faire, il faut le vouloir, il faut l'espérer dès aujourd'hui.
J'invite chaque orateur à respecter strictement son temps de parole.
La parole est à M. Dominique Souchet.
Monsieur le ministre, on pourrait à première vue se réjouir de voir apparaître dans le paysage européen, avec le mécanisme de solidarité, un rééquilibrage institutionnel en faveur des procédures intergouvernementales, c'est-à-dire de la coopération entre démocraties nationales.
Le mécanisme européen de solidarité est une structure intergouvernementale. La procédure communautarisée de la coopération renforcée, recommandée par le Parlement européen, a été écartée. Le MES n'est pas une union de transferts, comme le réclamaient certains États membres, favorables à un « grand bond fédéraliste ».
Nous devons cependant constater que le régime juridique du MES fait le grand écart entre sa conception de principe, intergouvernementale, et certaines modalités de fonctionnement qui empruntent leurs traits au système communautaire. C'est comme si les États membres n'avaient pas osé aller jusqu'au bout de leur volonté d'émancipation.
Toutefois, lorsqu'ils ont donné mandat à la Commission, les États ont veillé à ce que celle-ci reste dans un rôle subordonné, n'ait pas à la place des États le pouvoir d'initiative, et qu'elle joue le rôle d'un secrétariat administratif au service du Conseil des gouverneurs.
Trois dispositions apparaissent cependant particulièrement préoccupantes.
La première est la possibilité donnée à un membre du MES de faire appel de la décision du Conseil des gouverneurs devant la Cour de justice de l'Union. On connaît l'âpre vigilance avec laquelle les institutions supranationales veillent sur leurs compétences et cherchent sans cesse à les accroître en s'efforçant de neutraliser l'inspiration intergouvernementale, lorsqu'elle est présente, pour imposer le communautarisme des procédures.
La deuxième disposition introduit curieusement une certaine mondialisation des pouvoirs au sein du MES, avec un rôle particulièrement important donné au FMI, investi de véritables pouvoirs de co-décision. Le FMI, organisme non européen, se voit ainsi placé au premier plan de la procédure du MES.
La troisième disposition n'existe pas mais devrait exister. Son absence met en relief le caractère antidémocratique des procédures du MES, qui ne comportent aucune consultation des parlements nationaux, alors que les questions financières et budgétaires sont par excellence de leur compétence, et alors même que le tribunal constitutionnel de Karlsruhe a renforcé, en septembre dernier, le droit de regard des députés du Bundestag sur le fonctionnement du mécanisme européen de stabilité financière auquel le MES va se substituer.
Au-delà de ces dispositions inquiétantes, on est amené à s'interroger sur la cohérence d'ensemble du double traité. Une contradiction manifeste apparaît entre la volonté de créer, avec le MES, une institution intergouvernementale, et la volonté de renforcer fortement, avec le TSCG, l'intégration communautaire, même si nous avons échappé pour le moment au pire, c'est-à-dire à la demande allemande de judiciariser la gestion des budgets nationaux en les plaçant sous le contrôle de la Cour de justice.
Enfin, et c'est la question fondamentale que nous devons nous poser, le MES permettra-t-il réellement de faire face à la crise qui ébranle la zone euro ?
On peut fortement en douter, dans la mesure où il ne s'attaque pas à la cause principale de l'endettement. Cette cause, c'est l'ouverture dérégulée appliquée sans correction à des zones régies par des règles totalement différentes, véritable perversion du libre échange. Plutôt que de corriger ces effets pervers, les dirigeants européens ont préféré injecter massivement des liquidités, censées relancer l'économie mais qui, en réalité, n'ont fait que provoquer un surendettement général, des ménages comme des États. Cette ouverture dérégulée joue le rôle d'un choc extérieur asymétrique, qui accroît les divergences entre États membres de la zone euro.
Le traité de Maastricht n'ayant pas prévu de système de transferts massifs, les gouvernements en sont réduits à bricoler dans l'urgence des instruments de secours. Tel est le cas du Fonds européen de stabilité financière, dont le montant est en perpétuel réajustement. Tel sera le cas du MES, dont on ne sait à quelle hauteur il sera capable, s'il peut l'être, de faire face à l'addition des pays défaillants. 500 milliards ? 1 000 milliards ? Davantage encore ?
En réalité, ces instruments n'apparaissent pas adaptés à la nature véritable de la crise, qui n'est pas fondamentalement due à de mauvaises gestions passagères ou à des initiatives de spéculateurs, mais à la dislocation de nos économies induite par l'ouverture dérégulée, laquelle entraîne à son tour la dislocation de la monnaie unique.
C'est donc en vain et sans fin que les pays qui sont encore vaillants prêteront, à travers un MES qui risque de n'être jamais suffisant, aux États en grave difficulté, dont la situation ne pourra qu'empirer si la seule politique qui leur est imposée, la réduction comptable de leurs déficits, les condamne à l'asphyxie.
La priorité des priorités pour l'Europe devrait donc être de proposer une nouvelle régulation mondiale pour que le développement des uns ne se fasse pas au détriment des autres.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de discuter au fond, je souhaite faire une remarque sur l'imbroglio que constitue pour la plupart de nos concitoyens la succession de textes de loi et traités relatifs à la gouvernance économique et financière de l'Union européenne.
Le projet dont nous parlons aujourd'hui propose la ratification du traité instituant un mécanisme permanent de solidarité entre les États membres de la zone euro, et permettant à tout État membre faisant face à « de graves problèmes de financement » de bénéficier d'une aide financière suffisante.
Le MES constitue un outil, un outil dont le « mode d'emploi », si j'ose dire, a été changé et durci ces derniers mois, à la suite de nouvelles discussions entre l'Allemagne et la France qui le lient désormais, au moins formellement, à cet autre traité qui vise à renforcer la surveillance budgétaire au sein de la zone euro et veut réaliser la transposition d'une nouvelle règle d'or dans les ordres juridiques nationaux.
Autrement dit, ce qui « pollue » le traité dont nous parlons aujourd'hui est contenu dans un autre traité. De façon générale, on ne peut que déplorer la confusion entretenue par les États car elle empêche de distinguer clairement entre les normes qui définissent une politique économique et financière au niveau de l'Union et celles qui ne font que créer des outils au service d'une politique quelle qu'elle soit.
De cette confusion, certains tirent l'argument que le MES vaut politique d'austérité, alors même qu'aucune obligation juridique n'est créée à ce titre dans le projet dont nous discutons, le préambule n'ayant pas cette valeur. De cette confusion, d'autres encore prennent argument pour dire que le refus du MES vaudra refus de l'austérité, et que, sans cet outil, les États les plus fragiles seront soumis aux pressions continuelles des marchés financiers ; ils en concluent qu'en votant contre le projet il n'y aura pas d'austérité Malheureusement, et même sans MES, les exemples de l'Irlande, du Portugal, de l'Italie ou de l'Espagne en sont les illustrations contraires.
J'en viens à la question de l'utilité du MES et de ses limites qu'il faudra corriger. Le MES en tant qu'outil peut servir à tout État en difficulté. La situation de la Grèce ne serait probablement pas la même aujourd'hui si les institutions et une majorité de gouvernements n'avaient pas tergiversé… Néanmoins, sa principale limite tient à ce que, à la différence des banques qui peuvent se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, il ne peut disposer de liquidités au taux le plus avantageux qui leur est consenti. Il conviendrait donc de permettre au MES d'accéder aux liquidités de la BCE.
Comme je l'ai rappelé à la tribune, cette difficulté tient à ce qu'actuellement la Banque centrale européenne se refuse à garantir les dettes de la zone euro, ce qui crée des incertitudes que les investisseurs utilisent pour anticiper à la hausse les taux auxquels les États se refinancent.
Actuellement, les mesures décidées dans le but d'assainir la situation des économies européennes n'ont guère de pertinence sur le plan macroéconomique, puisqu'on gèle les dépenses publiques et qu'on augmente les impôts en période de ralentissement économique.
Je prendrai un seul exemple, celui de la Grèce. Les données économiques les plus récentes montrent que l'économie s'est terriblement contractée : le PIB s'est réduit de 16 % ; la Grèce est maintenant dans sa quatrième année de récession et connaît un effondrement sans précédent. La grande dépression est là. Jamais les Grecs n'auraient pensé connaître cela…
Selon plusieurs économistes américains, le PIB grec peut descendre encore et perdre jusqu'à 25 ou 30 %, ce qui serait sans autre précédent historique que celui des États-Unis, dont le PIB s'était contracté de 29 % pendant la grande dépression de 1929. Cette grande dépression, nous la connaissions par les livres d'histoire et les images d'époque. Eh bien, en voici aujourd'hui un nouvel épisode, qui se déroule certes dans un pays de moindre dimension mais avec une intensité comparable : des travailleurs sans travail, des commerces fermés, des entreprises brûlées, des jeunes prêts à partir ailleurs, des citoyens tentés par un vote radical ou la volonté d'en finir par le repli sur soi et l'oubli du reste… Il s'agit d'une crise désastreuse pour eux, d'une crise qui se joue à notre porte !
Comme le disent de façon convergente les économistes, la crise n'a pas été causée par les pays de la zone euro les plus faibles, qui auraient trop emprunté. À les en croire, la dette de la Grèce aurait été gérable si nous avions collectivement disposé d'outils adaptés, comme aujourd'hui le MES, à la condition, il est vrai, qu'il soit lié à une autre politique économique que celle menée par les gouvernements allemand et français avec la BCE.
Au dernier trimestre 2011, le nombre de chômeurs a atteint 16,3 millions dans les pays de la zone euro. Comme le craignaient les syndicats européens, le taux de chômage dépasse désormais les 10 %.
Nous avons aujourd'hui, mes chers collègues, l'obligation de maîtriser et de limiter l'endettement public. Nous avons aussi et d'abord l'obligation de sortir de la crise en luttant contre le sous-emploi, en agissant par un investissement public significatif nous permettant de renouer avec l'innovation et la compétitivité, puis, une fois l'économie relancée, de nous préoccuper de l'endettement par une diminution des dépenses inutiles ou peu efficaces.
Tout nous conduit donc à penser qu'une sortie de la crise par le haut est possible. En cela le projet de loi de ratification du traité du MES vaut institution d'un outil imparfait… Mais il ne vaut et ne vaudra que par la politique économique menée. C'est donc un outil qui aurait mérité mieux. Ce dont nous avons besoin, c'est à l'évidence d'une nouvelle politique qui mette en oeuvre intelligemment et efficacement des outils utiles et les améliore. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le 20 février 2012 fera date, car l'accord obtenu à Bruxelles avec la Grèce est historique ! Les concessions acceptées par l'État grec à la demande de nos partenaires, en contrepartie d'un prêt conséquent, vont permettre de redresser l'économie du pays. La place de la Grèce se trouve ainsi consolidée au sein de l'Union.
Les deux textes que nous examinons cet après-midi sont très importants pour l'avenir de l'Union européenne. Ils sont issus des longues négociations menées par le Président de la République avec Mme Merkel, et sont la première étape vers une gouvernance économique de l'Union européenne. Notre président, Nicolas Sarkozy, a obtenu que la solidarité puisse s'exercer en Europe. Ce ne sera pas facile, mais l'intention et les moyens y sont !
Le traité sur le mécanisme européen de stabilité a été signé à Bruxelles par les États membres dont la monnaie est l'euro, le 2 février 2012, et son entrée en vigueur est prévue pour juillet 2012 : elle sera effective le jour du dépôt des instruments de ratification des signataires dont la souscription initiale représente au moins 90 % des souscriptions totales.
Ce traité a pour but d'aider les États signataires en difficulté financière en leur fournissant les instruments financiers nécessaires, par exemple des prêts ou des achats d'obligations. Il permet donc d'éviter à ces États d'avoir à recourir aux marchés, et notamment aux banques privées, pour se financer. La fin de l'obligation pour les États de se financer auprès des marchés est en effet une condition nécessaire pour mettre un terme à la trop grande emprise de la finance sur l'économie. Le MES, dans son principe, va dans ce sens.
Le second traité, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dont le texte a été approuvé par les chefs d'État et de gouvernement de vingt-cinq États membres de l'Union européenne lors du sommet du 30 janvier 2012, institue une extrême rigueur budgétaire, indispensable pour faire face à la crise que nous connaissons.
L'article 3 du traité fixe les principales dispositions ayant trait à la discipline budgétaire : la fameuse règle d'or, que vous n'avez pas voulu voter…
Il pose le principe de l'équilibre ou de l'excédent des budgets des administrations publiques. Cet article enjoint également aux États de mettre en place un mécanisme de correction automatique en cas d'écart par rapport à ces objectifs.
Ce mécanisme sera défini selon les « principes communs proposés par la Commission européenne » qui, « ne portant pas atteinte aux prérogatives des parlements nationaux », concerneront « la nature, la taille, les délais des mécanismes de correction ainsi que les institutions nationales en charge de leur application ». Tous les éléments précités doivent être introduits dans la législation nationale dans le délai d'un an suivant l'entrée en vigueur du traité, sous forme de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles.
La complémentarité indiscutable de ces deux textes permettra de garantir la solidarité et la stabilité, c'est-à-dire la discipline budgétaire et la coordination pour l'organisation du pilotage de la zone euro.
Certains prétendent vouloir tout renégocier dans quelques mois, alors que ces traités sont pourtant le résultat de longues négociations… À croire que quinze ans loin du pouvoir font oublier combien il est difficile et délicat de se mettre d'accord entre partenaires européens…
Une abstention, voire un vote négatif sur certains bancs de notre assemblée serait un camouflet pour nos collègues grecs et une erreur historique qui fragiliserait la zone euro. Pourquoi refuser la solidarité au sein de l'Union, même si cela exige de chacun efforts et rigueur budgétaires ?
« Il y a une hypocrisie dans la position de la gauche française, verts compris. Le MES est l'une des rares choses positives qu'on a pu arracher au Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement, et surtout à l'Allemagne ! » Ce n'est pas moi qui le dis, mais Daniel Cohn-Bendit dans les colonnes de Libération, hier…
Ces traités, indispensables et exigeants, sont absolument nécessaires pour une Europe forte, à laquelle nous sommes attachés depuis toujours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Charasse, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ambiance actuelle n'est pas sans rappeler celle des moments où les Français et d'autres peuples ont manifesté contre une vision de l'Europe technocratique purement financière et marchande, une Europe qui ne fait plus rêver, qui n'est plus un horizon pour personne.
Ceux qui veulent imposer cette Europe reviennent sans cesse à la charge. Leur vision n'a évidemment pas changé, leurs résultats non plus. Pourtant, monsieur le ministre, vous nous présentez ce mécanisme européen de stabilité comme un mécanisme de solidarité. Pensez-vous que l'Europe soit actuellement solidaire de la Grèce ? Non ! Nous sommes solidaires avant tout des intérêts financiers et bancaires. Nous sommes solidaires de ceux qui défendent une mécanique européenne qui n'est pas la mécanique des peuples, pas celle du peuple grec.
L'idée d'un traité renforçant l'intégration européenne est pourtant alléchante pour un radical de gauche partisan de l'Europe fédérale, mais il manque dans votre traité tout ce qui serait utile à un tel projet : le financement direct du mécanisme européen de stabilité auprès de la Banque centrale européenne, la question des euro-obligations, la capacité d'engagement, qui n'est pas améliorée par rapport aux mécanismes antérieurs. Ajoutons une inquiétude républicaine : les parlements nationaux et le Parlement européen sont écartés du fonctionnement de ce mécanisme opaque.
Surtout, pour bénéficier d'un prêt du MES, il est nécessaire d'avoir ratifié le traité sur la stabilité budgétaire. Or ce traité n'est rien d'autre qu'un traité d'austérité, l'inscription dans le marbre juridique de l'Union de la politique que vous faites subir à la Grèce depuis deux ans.
C'est la reconnaissance officielle de la politique « argent frais contre rigueur » qui précipite les pays dans un cercle vicieux de dépression. Vos vieilles recettes économiques et budgétaires n'ont toujours pas permis de sauver la Grèce et vous voulez les imposer aux autres pays.
Nous, à gauche, si le peuple nous en donne le mandat, nous renégocierons ce traité. Vous créez, ni plus ni moins, un FMI à l'européenne. Nos pays, nos peuples devraient s'adapter à votre vision du monde, à coups d'ajustements structurels et de plans de rigueur. À ce rythme, nous ne parlerons plus de consensus de Washington mais de consensus de Bruxelles. À terme, nous assisterons au désengagement de la puissance publique et à des privatisations dans tous les pays européens, auxquels vous voulez interdire toute marge de manoeuvre. Quelle belle leçon de démocratie !
Nous sommes solidaires, me direz-vous, à hauteur de 16 milliards d'euros, mais ces 16 milliards auraient dû abonder la Banque européenne d'investissement ou toute autre structure permettant de relancer la croissance en Grèce, au Portugal, en Irlande, en Espagne, en France, en Allemagne bientôt.
Nous, radicaux de gauche, nous défendons une Europe forte, une Europe fédérale. Nous demandons un véritable fédéralisme budgétaire avec la création d'un impôt européen. Nous demandons que soit mis en place un gouvernement économique européen qui reprendrait la main sur la politique monétaire, avec une harmonisation des politiques fiscales et sociales. Or vous préférez mettre en place des politiques non coopératives et des ajustements punitifs. Vous préférez le dumping et la concurrence à la cohésion et à l'union. Une nouvelle fois, vous voulez nous imposer une vision de l'Europe qui n'est pas celle de la majorité des Européens. Une nouvelle fois, vous voulez une Europe technocratique quand nous voulons une Europe des peuples. Une nouvelle fois, vous privilégiez l'austérité quand nous privilégions la solidarité.
Monsieur le ministre, nous ne vous suivrons pas aujourd'hui, ni demain. Nous emprunterons une autre voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale commune est close.
La parole est à M. le ministre chargé des affaires européennes.
Permettez-moi tout d'abord de remercier l'ensemble des orateurs, qui ont apporté un éclairage intéressant sur le mécanisme européen de stabilité financière.
C'est comme dans les boîtes de nuit, il y en a de différentes qualités.
L'intervention de M. Lecoq ne m'a guère étonné puisque, germanophobie mise à part, elle était à peu près calquée sur celle de M. Brard. Je ne suis pas étonné que les communistes soient opposés à la construction européenne telle que nous la concevons. Leur position est respectable mais nous ne sommes pas du tout d'accord.
Je ne suis pas davantage d'accord avec M. Souchet, qui voit des contradictions là où je ne trouve que des équilibres, et pour qui la crise serait uniquement due à l'ouverture du marché. Je ne pense pas qu'il faille dresser à nouveau des remparts autour de la France ou de l'Europe.
J'ai écouté avec intérêt Charles de Courson, qui préconise avec raison l'avènement d'une nouvelle Europe.
Nous sommes en effet dans cette première étape. De même, M. Mariton proposait de la refonder et de considérer que l'étape décisive que nous passons aujourd'hui sera suivie d'autres évolutions et intégrations.
J'ai bien entendu M. Remiller répéter que la règle d'or et la discipline étaient indissociables de la solidarité au travers du mécanisme européen de stabilité. Avec malice, je les ai écoutés, Pascale Gruny et lui, inviter M. Cohn-Bendit dans le débat pour rappeler – aurais-je rêvé pareille chose possible ? – à l'ensemble des démocrates et des sociaux-démocrates que ce que nous faisons aujourd'hui dépasse largement les clivages politiques. Il y va de l'intérêt de la France et de la solidarité des peuples européens entre eux. Nous traversons là une étape décisive dans la construction européenne qui nous conduira vers davantage d'intégration, de solidarité et donc, madame Guigou, de croissance et d'emploi.
Je connais, madame, votre engagement, depuis longtemps, en faveur de la cause européenne. Si vous aviez l'intention de voter oui, rappelez-vous ce que j'ai connu et que chacun a pu connaître ici : lorsque nous changeons notre vote par discipline de parti, nous ne servons pas l'intérêt général de notre pays ni celui de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'aurais pu souscrire à l'ensemble des propos de M. Caresche, notamment lorsqu'il affirme que le mécanisme européen de stabilité est indispensable, ou qu'il n'est pas opposé à la conditionnalité, comprenant bien que la solidarité doit s'assortir d'une certaine discipline. Pour lui, cet outil devrait être mis en place dans un contexte plus large. Ce n'est pas le débat d'aujourd'hui, aussi vais-je lui demander s'il pourrait s'affranchir de quelques contingences électorales pour suivre ses convictions et voter le mécanisme européen de stabilité.
Mme Karamanli a affirmé que la Banque centrale européenne devait agir. Elle agit, en effet, pas en lien direct avec le mécanisme européen de stabilité, mais personne ne peut contester qu'aujourd'hui la Banque centrale européenne joue son rôle, avec la possibilité qu'elle s'appuie demain sur le mécanisme européen de stabilité pour lutter contre la spéculation dans les pays fragilisés.
Quant à M. Charasse, je lui dirai simplement que je regrette que le radical de gauche ne rejoigne pas le radical valoisien dans une vision européenne logique. Il n'y a pas de plan B, monsieur Charasse. Oubliez, au sein du parti socialiste, qu'il puisse y avoir deux visions. Il y a celle, en effet, du parti communiste, qui est opposé à la politique de marché. Et il y a celle de l'intégration européenne, dans laquelle je vois bien l'ensemble des partis de gouvernement européens agir dans le même sens.
Je citerai pour finir M. Peter Steinbrück. Socialiste allemand, ministre de l'économie, il a demandé aux socialistes français de ne pas avoir une vision naïve de l'Europe. Sortons-en au profit d'une conception réaliste d'une Europe qui se construit et qui tourne le dos au passé, responsable de la situation de la Grèce aujourd'hui.
Faisons en sorte, grâce au mécanisme européen de stabilité, que jamais nous n'ayons à vivre ce que le peuple grec subit aujourd'hui à cause du laxisme et des erreurs passées qui ont conduit son pays à une telle situation d'endettement. Le mécanisme européen de stabilité permettra de venir en aide aux peuples et aux États en difficulté, contrairement à ce qu'un candidat prétendument rentrant pourrait prétendre. Vous voulez lutter contre la spéculation : votez le mécanisme européen de stabilité.
J'appelle en premier lieu, dans le texte de la commission, l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.
La parole est à M. François de Rugy.
Les écologistes ne prendront pas part à ce vote car c'est un piège quelque peu grossier qui nous est tendu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tout le monde sait très bien que cet amendement a été demandé par l'Allemagne. Il était d'ailleurs inscrit dans l'exposé des motifs du Gouvernement que la France avait « endossé » ce raisonnement, ne faisant ainsi que le suivre alors qu'il n'était pas obligatoire. Contrairement à ce que prétendent le rapporteur et le ministre, il n'y a pas de réelle volonté de créer un véritable mécanisme de solidarité – et non pas simplement de stabilité. Il n'y a pas davantage de réelle volonté de transformer nos institutions européennes, qui ont montré leur incapacité et leur impuissance en la matière. Et ce n'est pas le prochain traité, dit TSCG, qui devrait améliorer la situation. Au contraire, il renforcera encore la logique intergouvernementale.
Qu'il y ait une modification n'est pas le vrai sujet du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Elle serait nécessaire, mais de manière beaucoup plus ample. C'est le mécanisme européen de stabilité qui viendra ensuite qui importe. J'y reviendrai dans la deuxième partie de notre discussion pour expliquer notre opposition à ce mécanisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
L'histoire est longue et elle se poursuivra même après votre défaite, messieurs les socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'interviendrai sur les deux textes puisque, à l'évidence, ils sont liés.
Le mécanisme proposé présente un avantage : c'est un accord intergouvernemental et il appartient aux États, je dis bien « aux États », de décider d'aider, au nom de la solidarité européenne, un autre État en difficulté. Je me félicite de cette avancée vers la raison.
Une question demeure, cependant : ce MES répond-il bien aux besoins actuels de la zone euro ? Il instaure une aide théorique de 700 milliards d'euros – même si seulement 80 milliards sont appelés dans un premier temps – desquels il faut déduire 250 milliards au titre du fonds européen de stabilité financière qui, lui, aurait dû faire l'objet d'un accord international. Réduits à 450 milliards, ces fonds sont-ils suffisants ?
Rappelons que, d'ici à 2014, le Portugal doit recourir à une aide internationale de 150 milliards, l'Irlande de 80 milliards, et que les besoins de l'Italie et de l'Espagne, même si ces pays continuent de pouvoir lever sur le marché un certain nombre d'aides, sont de 450 milliards pour l'Italie et d'un minimum de 250 milliards pour l'Espagne. C'est dire si les besoins sont énormes. Il est d'ailleurs prévu de réaliser un certain nombre d'économies, environ 1 600 milliards d'ici quelques années pour l'ensemble de la zone euro.
La faiblesse de ce mécanisme est qu'il n'est pas adossé véritablement à la Banque centrale européenne, qu'il n'y a pas de monétisation de la dette. C'est là véritablement une faiblesse structurelle qui, à mon sens, le condamne. C'est un point majeur car il traite en réalité les conséquences – les déficits – et non les causes : les pertes de compétitivité des États de la zone.
Toute union monétaire plaquée sur des économies divergentes et différentes aboutit à l'union de transfert, c'est-à-dire que les riches doivent payer pour les pauvres, ce que se refuse à faire l'Allemagne, et même nous.
Les Grecs de l'Antiquité, qui avaient tout inventé, savaient très bien ce que tomber de Charybde en Scylla signifiait. Je crois que ce mécanisme de stabilité financière n'est pas à la hauteur et je m'abstiendrai.
Certains ont des positions différentes sur les deux textes. Les députés du Front de gauche, pour leur part, sont cohérents et voteront non seulement contre le mécanisme européen de stabilité mais également contre la modification de l'article 136 du traité de Lisbonne.
Dès le départ, nous avions pris parti contre ce traité libéral, dont le seul axe était la concurrence libre et non faussée. La modification proposée va conduire à la mise en place du MES, dont on ne peut la découpler.
Vous préférez procéder en ajoutant un paragraphe au traité pour ne pas avoir à donner directement de nouvelles compétences à la Commission et à la BCE. Dans ce cas en effet, il aurait fallu passer par la procédure ordinaire, ce qui obligeait certains pays à recourir au référendum. Vous considérez que vous utilisez une procédure simplifiée mais, à nos yeux, cette modification de l'article 136 constitue un amendement fondamental.
En effet, techniquement vous ne donnez pas, dans ce texte, des compétences supplémentaires à la Commission et à la BCE. Mais le mécanisme européen de stabilité, lui, leur en donne. La BCE ainsi renforcée participera à l'élaboration des plans d'ajustement, les contrôlera. Plus encore, le FMI fait son entrée dans le champ européen, avec les mêmes compétences que la BCE.
Mme Gruny, de l'UMP, nous a dit : mais le Parlement sera informé. Quelle chance ! Seulement, le Parlement n'est pas seulement une chambre qu'on informe, c'est une chambre de décision. Au regard de la Constitution et de la Déclaration des droits de l'homme, nous avons le droit et le devoir de discuter et de décider du budget que nous souhaitons pour notre pays. C'est cela la souveraineté populaire, et c'est cela que vous allez abroger dans les faits en modifiant ainsi le traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Dans les explications de vote sur l'article unique, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je ne présenterai qu'une explication de vote sur les deux textes.
Ce matin, le groupe socialiste a reçu M. Costa Gavras et Mme Alexandra Mitsotaki, présidente du centre culturel hellénique à Paris, venus nous parler de la situation de leur pays. C'est à nos amis grecs que nous pensons aujourd'hui, à ce peuple dont on nous décrit chaque jour ce qu'il vit, et qui, nous ont dit ces amis grecs, reste pourtant profondément attaché à l'appartenance à l'Europe. Derrière la sécheresse des chiffres, il y a la souffrance des enfants, des parents, des grands-parents. Derrière les comptes, les créances et les dettes, les plus-values et les moins values, il y a des vies humaines que l'on brise ou que l'on redresse. Derrière chaque décision, il y a un peuple que les dirigeants européens auraient tort d'humilier, s'ils ne veulent pas nous exposer au vent mauvais de l'histoire.
Aussi ce débat mérite-t-il mieux qu'une instrumentalisation, d'où qu'elle vienne. Je voudrais donc pouvoir exposer la position des députés socialistes et radicaux sans avoir à subir la caricature, comme je l'entends, hélas, manier depuis ce matin par le Gouvernement et par la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, deux traités ont été négociés. Le premier est le traité sur le mécanisme européen de stabilité, qui a pour objet la création d'un fonds d'aide aux pays en difficulté de la zone euro. Ce premier traité, nous l'avons souhaité, demandé, exigé à chacun des sommets « de la dernière chance ». Nous l'approuvons même si, j'y reviendrai, il ne représente qu'une base minimale et non une panacée.
Le second est relatif à la stabilité, la coopération et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire.
Ses rédacteurs souhaitent, à travers son éventuelle ratification par les peuples de l'Union, imposer un pacte budgétaire. Ce second traité n'est pas encore signé, mais devrait l'être sans doute le 1er mars prochain. Il ne pourra en tout état de cause, entrer en vigueur qu'après sa ratification.
S'agissant de ce second traité, nous avons déjà exprimé notre profond désaccord. En effet, nous ne croyons pas supportable par les Grecs, et demain par tous les autres peuples d'Europe, une politique budgétaire aveugle en dehors d'une reprise forte de la croissance dans l'ensemble de la zone euro. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'acceptons pas d'enfermer les peuples dans une camisole, fût-elle cousue de fil d'or. Nous n'acceptons pas que la pensée unique soit institutionnalisée et que les peuples n'aient d'autre choix que l'austérité, quel que soit leur vote. Nous ne voulons pas d'une démocratie sous conditions.
C'est la raison pour laquelle François Hollande souhaite obtenir…(« Où est-il ? » sur les bancs du groupe UMP.)
…par le vote du peuple français le 6 mai prochain un mandat pour aller renégocier ce second traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, clairement, nous voulons une réorientation de la politique européenne. C'est d'ailleurs le sens de l'accord que nous avons signé avec nos partenaires sociaux-démocrates allemands le 21 juin dernier. C'est en fonction de ces positions que nous allons voter dans un instant. Face à la crise des dettes souveraines dans un certain nombres d'États européens, notamment la Grèce, les membres de la zone euro ont décidé de créer ce fonds de solidarité permanent…
…pour soutenir financièrement ces pays. Il aura des capacités d'intervention très diversifiées et pourrait agir de façon préventive. La mise en place de ce mécanisme permanent au sein de la zone euro est une condition de stabilité et du soutien aux pays en difficulté. De ce point de vue, le MES est un progrès par rapport au fonds européen de stabilité financière, bricolé dans l'urgence et l'improvisation. Ce mécanisme souffre pourtant de deux insuffisances importantes.
La première est d'être lié au traité budgétaire dont les socialistes demandent sans cesse la renégociation afin d'orienter l'Europe vers une politique de croissance. Certes, ce lien n'a pas de valeur juridique contraignante. Mais il est affirmé dans deux considérants, dans le MES et dans le traité budgétaire. Ces considérants politiques, qui ne figuraient pas dans la version initiale du traité, ont pour objectif de tordre le bras aux parlementaires invités à prendre position en leur laissant entendre que la solidarité serait forcément liée à une austérité absolue.
Voter en état le traité sur le MES (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) brouillerait notre message en direction des Français et plus largement des Européens. La détermination des socialistes, avec François Hollande, (« Il est où ? » sur les bancs du groupe UMP.) à renégocier le traité est intacte. Cette détermination doit être entendue.
Je n'ai pas terminé, monsieur le président. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.) Mais j'en arrive à ma conclusion.
La deuxième insuffisance, c'est que vous n'avez pas accepté que le MES ait le statut bancaire, c'est-à-dire qu'ils ne pourra pas accéder à la BCE, (Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.) ce qui est pourtant une condition sine qua non pour réorienter l'Europe vers la croissance.
Enfin, la situation actuelle de la Grèce, chacun en convient, n'a pas démontré la pertinence de ce plan de sauvetage. (Mêmes mouvements)
Voter non donnerait le sentiment que nous refusons la solidarité. Voter oui à ce que vous vous apprêtez à faire donnerait le sentiment de la résignation, le sentiment que rien ne peut changer. Nous défendons donc l'abstention (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour signifier que nous pouvons changer les choses, que nous n'acceptons pas la fatalité et que nous voulons dire au peuple français (Huées et claquements de pupitres prolongés sur les bancs du groupe UMP, que les citoyens peuvent donner mandat au futur Président de la République pour que l'Europe ne soit pas celle de l'austérité et du déclin, mais une Europe forte, qui protège, une Europe de la solidarité, de la croissance et du progrès social. C'est cela l'Europe, chers collègues, ce n'est pas la fatalité ni la résignation.
Vous, vous ne proposez rien d'autre. Pour vous, une seule politique est possible, celle de Nicolas Sarkozy, celle de l'austérité.
Nous, nous proposons une politique de la solidarité, de la croissance, et non du déclin. (Mêmes mouvements)
Nous nous abstiendrons pour dire que demain le peuple français donnera au Président de la République les moyens de dire aux autres dirigeants européens : oui, une autre voie est possible. Ceux qui veulent nous imposer l'austérité craignent ce choix. Nous, nous nous battrons pour que les choses changent vraiment en Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Huées sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe NC.)
M. Ayrault a donc présenté une explication de vote sur les articles uniques des deux projets de loi.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe du Nouveau Centre.
Au nom du groupe centriste, je veux d'abord dire que le MES n'est pas créé pour résoudre une crise de l'euro. Il n'y a pas de crise de l'euro.
Il y a une crise de ceux des États de la zone euro qui ont géré leurs finances publiques en dépit du bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Ensuite, le MES, et nos collègues socialistes le reconnaissent aussi, est une étape dans la construction d'une Europe fédérale, que nous appelons de nos voeux, dans le domaine budgétaire et monétaire.
Cela étant, n'ayons pas d'illusion sur le MES. Ce qui gène nos collègues socialistes, c'est le lien entre le MES et le traité de stabilité. Mais ils sont intimement liés. Vous ne pouvez être, chers collègues, pour le MES et contre le traité budgétaire : Sans traité, pas de MES. Qui finance en effet ce dernier ? Les États qui ont géré avec rigueur leurs finances publiques.
Monsieur Ayrault, vos propos sont très démagogiques. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous dites non à l'austérité. Mais enfin, mettez vous à la place d'un Grec. Que veut dire ce non à l'austérité ? Il ne faut pas réduire les dépenses de l'État grec, il ne faut pas augmenter les impôts en Grèce ? C'est insensé de dire cela ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) La France elle aussi doit poursuivre une politique de réduction des dépenses et d'augmentation des recettes, une politique de croissance sans laquelle vous ne redresserez pas les finances publiques.
Aussi, aujourd'hui, l'abstention, monsieur Ayrault, c'est l'absence de courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Oui c'est difficile et ce sera difficile pour beaucoup de peuples. Mais le MES aidera les peuples que leurs dirigeants ont mis en difficulté. Je le rappelle pourtant, nous sommes en démocratie : ces dirigeants ont été élus et les peuples aussi ont donc leur part de responsabilité.
Il faut soutenir les trois documents, le MES, le traité de stabilité et le traité de réforme du traité de l'Union. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, voyez comme les choses sont terribles pour les chers collègues de l'UMP. Quand on est réduit au statut de figurant porteur de hallebarde, on n'a plus qu'à crier et claquer les pupitres pour s'exprimer. C'est lamentable et cela n'améliore pas l'image de la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Notre collègue Charles de Courson vient imprudemment d'affirmer que Papademos était représentatif parce qu'il avait été élu. Pas du tout ! Par qui a-t-il été élu ? Par la finance, comme Monti et quelques autres. Ces gens-là ne tirent aucune légitimité du suffrage universel. Vous devriez le savoir ! Tenez-vous le pour dit !
Quand j'entends Charles Amédée de Courson, je pense à cette image de la Révolution française (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) représentant, comme en Grèce, le tiers état supportant l'aristocratie et le clergé. Ce que vous ne voulez pas assumer, c'est votre volonté de faire payer l'impôt par les plus pauvres. Vous voulez les tondre à nouveau, comme si, sur leur dos, en Grèce, il restait encore quelque chose à plumer. En revanche, vous exonérez les spéculateurs, les riches, les popes et les armateurs. Ceux-là, vous les chérissez. Il est vrai que vous méritez bien leur considération, car vous les défendez avec acharnement.
Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, vous n'avez toujours pas répondu à la question que je vous ai posée en défendant la motion de rejet préalable : la modification de l'article 136 du traité par la voie de la procédure de révision simplifiée est-elle légale ou non ? Vous avez noyé le poisson en m'accusant de germanophobie. Oui, monsieur le ministre, nous choisissons nos Allemands : plutôt Marx que Bismarck, qui a envahi notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il y a eu 1789, c'est vrai ! il y a aussi eu 1870 et 1871. Et vos prédécesseurs étaient déjà du mauvais côté. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous étions dans le bon camp et nous l'assumons, malgré vos hurlements. Nous sommes avec nos camarades allemands qui ont combattu dans la Résistance, Gerhard Leo ou Sophie et Hans Scholl, ce frère et cette soeur victimes des Allemands que nous combattions.
Ce texte permet de contourner l'article 125 du traité de Lisbonne qui interdit à l'Europe de renflouer un État qui connaît de graves difficultés financières.
Monsieur le président, reconnaissez que j'ai du mérite de continuer à m'exprimer devant ceux qui, n'ayant rien à dire, testent leur capacité à faire du bruit.
Monsieur le ministre, même si ce texte législatif est légal, vous savez que son contenu est inconstitutionnel.
Nos amis en Grèce, n'ont pas pour nom Papademos ou Papandreou ; ils s'appellent Mikis Theodorakis et Manolis Glezos – en 1941, ce dernier est monté au sommet de l'Acropole en compagnie d'Apóstolos Sántas pour arracher le drapeau à croix gammée qui flottait sur la ville depuis un mois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ils ont lancé un appel en ces termes : « Ne croyez pas vos gouvernements lorsqu'ils prétendent que votre argent sert à aider la Grèce. […] Leurs programmes de “sauvetage de la Grèce” aident seulement les banques étrangères. [...]Si les États ne s'imposent pas sur les marchés, ces derniers les engloutiront [...] Si vous autorisez aujourd'hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l'autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour ».
Mes chers collègues, contrairement à Ulysse, vous avez cédé aux sirènes, en l'espèce à celles des marchés financiers. Vous avez capitulé. Vous êtes avec les deux mille familles grecques qui possèdent 90 % de la fortune du pays et qui affament le peuple grec. Nous, nous sommes solidaires des filles et des fils de l'Olympe parce que nous sommes les filles et les fils de la Révolution française, et que nous sommes fidèles à notre héritage que vous trahissez. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la représentation nationale doit aujourd'hui se prononcer sur une décision majeure : la création du mécanisme européen de stabilité, qui succédera le 1er juillet au Fonds européen de stabilité financière pour secourir les pays les plus durement touchés par la crise. Il s'agit d'une étape décisive pour l'avenir de l'Union européenne.
Ce fonds européen constitue une double garantie : celle de la solidarité, indissociable de la responsabilité. Adossé au projet de traité sur la discipline budgétaire et la gouvernance de la zone euro, le MES sera le second pilier sur lequel reposera la nouvelle architecture européenne, le socle de la relance économique.
À l'heure où l'Europe s'est mobilisée très fortement au chevet de la Grèce, le MES est notre bouclier contre les crises et la spéculation.
L'Europe sera plus forte et unie dans la bataille de la mondialisation, bataille que nous devons engager immédiatement, et surtout sans tergiverser.
Que font François Hollande et le parti socialiste sur ce vote historique ? Ils choisissent de ne pas choisir, contrairement à tous les partis socialistes d'Europe. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Encore une fois, comme pour la règle d'or, ils repoussent une décision fondamentale et urgente. Ils préfèrent s'abstenir pour satisfaire les petits intérêts partisans, ceux de l'aile gauche du parti, et cèdent sous la pression de Mélenchon. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Á nouveau, ils sacrifient l'intérêt de la France et de l'Europe sur l'autel des calculs politiciens. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur Ayrault, j'ai bien aimé vos explications : j'ai lu que, selon vous, votre abstention était « dynamique, offensive » et que « le vote non aurait donné l'impression de ne rien décider ». Il faut donc en conclure que, désormais, décider c'est s'abstenir. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Le parti socialiste était pourtant bien parti. Dans son projet, il est écrit, page 69 : « Nous proposons la création d'un fonds européen permanent de stabilité financière pour empêcher toute spéculation sur la dette des États et concilier assainissement des finances et redressement économique.»
Logiquement, Pierre Moscovici, Harlem Désir, Élisabeth Guigou s'étaient prononcés pour le « oui ». Mais quand vous avez l'occasion de voter, vous reculez. (« Et voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Où est la cohérence ?
Les socialistes ne voient-ils pas la crise sans précédent qui frappe l'Europe ? Sont-ils si indifférents au sort du Portugal, de l'Italie, de l'Espagne ou de la Grèce ? Méprisent-ils à ce point nos partenaires européens, à l'image de François Hollande qui pense pouvoir renégocier à lui seul un traité patiemment conclu à vingt-cinq ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je sais bien que mes propos vous irritent, mais que n'écoutez-vous les conseils de Daniel Cohn-Bendit, pourtant proche de vous, qui dénonce « l'hypocrisie de la gauche française, Verts compris », et pour qui refuser le MES, c'est « insulter l'avenir » ?
François Hollande et les socialistes font à nouveau la démonstration de leur manque de courage et de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Pour ne pas être en reste dans le piège tendu par ses amis de la course à l'antisarkozysme, François Hollande tombe dans un piège plus grave encore, celui de l'incohérence et l'irresponsabilité. Une fois de plus, il cède à la pression, celle de Mélenchon, qui a déclaré : « Que la droite vote pour, on le comprend, c'est Nicolas Sarkozy qui l'a négocié,...
…mais nos concurrents socialistes devront eux aussi être clairs » et voter non. Je vous le demande : que serait devenu le traité de Maastricht si, à l'époque, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing ne s'étaient pas engagés pour le oui, sur la base de l'argument simpliste que François Mitterrand défendait le traité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Franchement, est-ce un discours de président de la commission des affaires européennes ?
Devant ces flux contradictoires des oui et des non, François Hollande choisit la pire des solutions : renoncer à toute conviction et esquiver une fois de plus en se réfugiant, comme d'habitude, dans l'abstention. « Peut-être bien que oui, peut-être bien que non », disait Martine Aubry. Mais où est son sens de l'État ? Où est le parti socialiste européen de François Mitterrand ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous, avec Nicolas Sarkozy, nous faisons le choix clair de dire la vérité aux Français et aux Européens. Les Français veulent un chef d'État qui tienne le cap dans la tempête, qui s'engage fermement et tout de suite pour lutter contre la crise.
Naturellement, le groupe UMP votera avec conviction et cohérence en faveur du mécanisme européen de stabilité. Sachez que vous faites une faute politique gravissime pour la Grèce, le Portugal, l'Italie, l'Espagne, mais aussi pour la France et l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil européen modifiant l'article 136 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en ce qui concerne un mécanisme de stabilité pour les États membres dont la monnaie est l'euro.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 431
Nombre de suffrages exprimés 300
Majorité absolue 151
Pour l'adoption 256
Contre 44
(Le projet de loi est adopté.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, inscrit sur l'article unique, pour deux minutes.
Monsieur le président, deux minutes, ce n'est pas de trop pour une assemblée qui abandonne le pouvoir budgétaire que lui confie la nation ; ce n'est peut-être pas de trop pour une assemblée qui se suicide devant les Français pour soutenir une politique scandaleuse donnant l'argent du peuple à des institutions supranationales qui ont fait la preuve de leur totale inefficacité.
Deux minutes, ce n'est sans doute pas de trop, chers collègues, pour vous expliquer qu'en abandonnant le pouvoir budgétaire, qui est à l'origine de la création de cette assemblée, le refus de l'impôt forcé et le choix des dépenses budgétaires, vous engagez ce soir 16 milliards d'euros et 140 milliards d'euros de garanties au moment même où vous cherchez à faire des économies partout : 50 millions d'euros ici en supprimant des postes d'infirmières, 100 millions là en supprimant des postes d'enseignants.
Vous augmentez les charges des PME qui créent de l'emploi, tout cela pour économiser des broutilles et, en une séance à peine, vous êtes capables, sans débat, en procédure d'urgence, alors que le président de l'Assemblée n'est même pas présent, de saborder le pouvoir de l'Assemblée nationale française.
Vous devriez prendre garde à ce que vous faites, vous devriez regarder cela avec attention. Avez-vous conscience que vous accordez une immunité ? Avez-vous lu le traité ? Cette immunité suscite beaucoup d'émoi en Allemagne, pays que vous admirez tant. Peut-être réfléchissent-ils là-bas un peu plus que nous sur les conséquences de ce traité pour les droits des parlements.
Libre à vous d'aider le MES, mais faites-le en maintenant un contrôle budgétaire ! Vous engagez 140 milliards de dette supplémentaire alors que vous prenez en permanence les Français à témoin de l'étendue de la dette que vous avez construite au fil des trente dernières années.
Devant les Français, nous n'avons pas le droit de continuer cette politique folle d'abandon à des gens non élus, les gouverneurs. Avez-vous pris connaissance de leur statut ? Ils ne sont responsables devant personne : ni devant vous ni devant le Parlement européen.
Et vous vous dites européens ! Croyez-vous que vous réconcilierez les peuples avec l'Europe en transférant toujours plus d'argent à des gens qui se goinfrent en permanence.
Ce fameux mécanisme européen de stabilisation va-t-il stabiliser quelque chose ? Vous savez très bien qu'il ne stabilisera rien du tout car ce qui empoisonne ces pays, c'est l'euro trop cher qui ruine leur compétitivité et qui ne règle rien. Croyez-vous un instant que la Grèce puisse supporter une monnaie aussi chère que celle qui circule à Hambourg ? Croyez-vous un instant que vous sortirez la Grèce de la misère en l'enfonçant tous les jours un peu plus dans la ruine, dans le chaos social et dans le chaos politique qui en sortira ?
Je le dis très clairement, ce mécanisme ne réglera en rien les problèmes de l'euro et aboutira à transformer la dette en puits sans fond. Lourde sera votre responsabilité si vous adoptez ce texte indigne de notre démocratie et de notre République.
N'est-il pas nécessaire de réduire les dépenses publiques, nous a demandé tout à l'heure notre collègue de Courson ? Mais en quoi la baisse des salaires du secteur privé et la remise en cause des conventions collectives ont-elles une influence sur les dépenses publiques ? En réalité, ce que vous voulez, ce n'est pas seulement baisser les dépenses publiques en Grèce et dans tous les pays d'Europe, c'est aussi empêcher que tout rapport de force puisse être favorable aux salariés ou aux retraités, au détriment de la finance et des patrons. Voilà la réalité de ce que vous proposez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Qu'ont apporté les huit plans d'austérité qui ont été mis en oeuvre ces deux dernières années en Grèce ? La pauvreté, le chômage, la faim, le manque de soins, la prostitution, l'augmentation des suicides, la fuite de la jeunesse grecque vers d'autres pays, en quête d'un autre futur. Peut-être est-ce cela que vous voulez pour l'ensemble des pays d'Europe. Nous, nous le refusons.
Entre 2009 et 2011, la Grèce a réduit son stock de dette de 10,6 % du PIB à 2,4 %. Elle a donc déjà remboursé sa dette. Ce qu'on lui fait payer aujourd'hui, ce sont les intérêts de cette dette, qui ne font qu'engraisser la finance. Cela aussi, nous le refusons.
Voter contre le mécanisme européen de stabilité, c'est faire preuve non pas d'immobilisme, mais de cohérence et de solidarité avec le peuple grec, qui est en train de subir la pire saignée de son histoire. Parce que nous sommes solidaires du peuple grec et parce que nous ne voulons pas de ces politiques dans les autres pays d'Europe, nous voterons contre ce dispositif.
Pourquoi le Président-candidat, qui fait tant de cas de l'appel au peuple et se dit prêt à organiser des référendums, n'en propose-t-il pas un au peuple français sur la modification des traités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Le rapporteur de la commission des affaires européennes estime qu'il s'agit d'une décision fondamentale, nous aussi. C'est pourquoi nous vous disons : allons au référendum ! Et que tous ceux d'entre vous qui sont contre le mécanisme européen de stabilité et la modification du traité saisissent avec nous le Conseil constitutionnel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. François de Rugy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, les députés écologistes voteront contre le mécanisme européen de stabilité, déjà surnommé « le FMI européen ». Celui-ci arrive dans un contexte bien particulier, qu'il est utile de rappeler.
Ce dispositif nous est en effet proposé après trois ans d'échecs patents des gouvernements de l'Union européenne, y compris le gouvernement français, dont les réponses à la crise furent toujours inadaptées et à contretemps, comme l'illustre, hélas ! l'exemple grec.
Par ailleurs, le MES est le premier fruit de l'union de Mme Merkel et de M. Sarkozy, auteurs de cette politique que nous sommes nombreux à nommer « Merkozy ». Or nous ne voulons pas donner quitus à Nicolas Sarkozy pour sa politique européenne, que nous combattons et qui a échoué. L'Europe n'a jamais été aussi faible que depuis cinq ans.
Nous ne voulons pas non plus lui donner quitus pour sa politique économique financière, budgétaire et fiscale, dont les résultats sont catastrophiques : l'injustice a été poussée à son comble, les déficits et la dette n'ont jamais été aussi élevés.
Nous n'avons pas de leçons à recevoir de Nicolas Sarkozy et de sa majorité en matière économique, lorsqu'on voit la situation actuelle de la France. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il n'y a que sur une affiche que la France est forte ; personne ne croit que vous ayez renforcé la situation économique et sociale de notre pays.
Nous n'avons pas non plus de leçons à recevoir en matière de coordination européenne. Avec qui, en effet, M. Sarkozy s'est-il coordonné lorsqu'en juillet 2007 il a fait voter le paquet fiscal, qui eut pour effet d'augmenter un peu plus les déficits et la dette en même temps que les injustices ?
Nous voulons aller plus loin dans la construction européenne, mais pour renforcer la solidarité et non pour que des États imposent leur loi à d'autres. Ainsi que nous l'avons dit dès le début, nous sommes favorables aux eurobonds et à une gestion européenne solidaire de la dette, avec des contreparties.
Pourquoi – et je conclus sur ce point – refusez-vous d'évoquer la fraude et l'évasion fiscales en Grèce, le niveau des dépenses militaires de cet État, qui est le plus élevé de tous les pays de l'Union européenne, et l'indispensable réforme fiscale ? (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Tout simplement parce que vous ne voulez pas que ces sujets soient évoqués en France à quelques semaines d'une élection présidentielle.
Nous voterons contre le mécanisme européen de stabilité et le traité de stabilité, car nous travaillerons à les renégocier après les élections présidentielle et législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (« Non, non ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Nous nous abstiendrons parce que nous voulons donner toutes ses chances à la renégociation du traité (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC) que vous soutenez et qui sera signé par M. Sarkozy le 1er mars prochain.
Monsieur Lequiller, vous vous êtes exprimé au nom du l'UMP. Je vous rappelle qu'après sa signature un traité doit être ratifié. Cette ratification est-elle automatique, selon vous ? Doit-elle être une formalité ou acceptez-vous qu'elle fasse l'objet d'un véritable débat ? (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP.) Quel sens donnez-vous à cette étape démocratique ? Doit-elle signifier la soumission ? Ce n'est pas notre avis ! (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.) L'élection présidentielle est le moment privilégié pour choisir l'orientation que nous voulons pour l'Europe. Or ce n'est pas celle que M. de Courson a rappelée tout à l'heure avec jubilation et que l'on veut imposer au peuple grec.
Monsieur de Rugy, vous avez eu raison de rappeler que les dépenses militaires sont exagérément élevées en Grèce. Il est vrai que les armes que l'on fait payer par le peuple grec sont parfois vendues par la France ou l'Allemagne. Pourtant, ce point ne fait même pas partie des discussions avec le gouvernement grec. Nous n'acceptons pas la situation tragique du peuple grec que, si je vous ai bien compris, monsieur de Courson, vous voudriez imposer à tous les autres pays.
Le choix du 22 avril et du 6 mai est bien celui d'une nouvelle orientation de l'Europe. Elle est non seulement possible, mais souhaitable, car, si l'Europe, qui est la première puissance économique et commerciale du monde, continue ainsi, elle sera l'homme malade de la mondialisation. Et cela, nous ne l'acceptons pas ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
En nous abstenant, nous disons aux Françaises et aux Français : donnez au futur Président de la République les moyens de renégocier le traité du mois de mars, pour la croissance, le progrès social, la prospérité et la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Il doit s'exprimer après le scrutin. C'est le règlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Ayrault, quel pays a prôné l'aide à la Grèce et entraîné les autres pays européens ? La France et Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Quel pays a proposé le Fonds européen de stabilité financière et son extension ? La France et Nicolas Sarkozy.
Quel pays a proposé le mécanisme européen de stabilité et la solidarité pour éviter que les spéculateurs n'attaquent les pays de la zone euro en difficulté ? La France et Nicolas Sarkozy.
Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une situation particulière. François Baroin a négocié l'aide à la Grèce. Cette aide l'a sauvée de la faillite, lui évitant de devoir cesser de payer ses fonctionnaires, et d'une situation catastrophique qui aurait vu le peuple grec sombrer dans la misère. Il s'agit, là encore, d'une initiative de la France. Vous la contestez ; nous, nous avons agi.
Je regrette que l'on n'ait pas davantage entendu les discours intelligents (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et apaisés d'Élizabeth Guigou ou de Christophe Caresche, qui sont favorables au mécanisme européen de stabilité. Vous, monsieur Ayrault, vous avez préféré la harangue. Vous avez choisi la rupture parce vous savez que vous n'avez pas la majorité au sein de votre parti et que, si, comme certains le réclament, un référendum était organisé, il se trouverait à nouveau, au parti socialiste, un certain nombre de personnalités pour proposer un plan B inexistant. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ce n'est pas vrai, monsieur Ayrault : vous ne renégocierez jamais le traité,…
…car il engage la parole de la France et la stabilité de l'Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En conclusion, mesdames, messieurs les députés, l'histoire retiendra le sauvetage de la Grèce et la mise en place du mécanisme européen de stabilité comme une étape décisive vers l'intégration, comme la possibilité offerte aux peuples européens de regarder leur destin avec confiance. Vous, monsieur Ayrault, vous serez une fois de plus absent des livres d'histoire, car vous vous serez réfugié, par manque de courage, dans une abstention coupable. L'histoire retiendra que c'est cette majorité qui a soutenu le peuple grec et qui a construit l'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur Emmanuelli, le ministre a répondu aux orateurs inscrits sur l'article unique, ce qui est conforme à notre règlement.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons maintenant aux explications de vote sur l'article unique du projet de loi autorisant le mécanisme européen de stabilité.
Je précise que M. Ayrault s'est déjà exprimé.
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe du Nouveau Centre.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe GDR. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Les députés du front de gauche voteront contre le projet de loi autorisant la ratification du mécanisme européen de stabilité. Si ce texte visait à mettre en place un fonds d'assistance aux États en difficulté au nom d'une véritable solidarité européenne, nous aurions pu y être favorables, mais le mécanisme que vous nous proposez n'est pas un simple organe de « coopération intergouvernementale » ; c'est une machine de guerre contre les peuples.
Ce mécanisme a en effet pour objectif premier d'instaurer des normes renforcées de discipline budgétaire. Il ne s'agit pas de fournir une aide aux États qui en ont besoin, mais de préserver les intérêts financiers des banques et des créanciers et de mettre en place des plans d'assistance au système bancaire, en sacrifiant les populations sur l'autel du profit. Nous en avons l'exemple dramatique en Grèce.
Vous vous félicitez du nouveau plan de sauvetage intervenu la nuit dernière, mais ce plan ne règle rien et n'ouvre aucune perspective nouvelle pour l'avenir du pays.
Vous vous félicitez que le gouvernement grec ait accepté les contreparties fixées par la BCE, la Commission et le FMI. Ces contreparties sont pourtant scandaleuses. Le plan adopté par le gouvernement grec, samedi dernier, se traduira en effet par de nouvelles coupes dans les pensions, une nouvelle baisse de 22 % du salaire minimum – désormais fixé à 580 euros mensuels, et moins encore pour les jeunes –, le blocage total des salaires pour une durée indéterminée et la suppression de milliers d'emplois publics et privés. En échange d'aides qui bénéficient exclusivement au secteur bancaire, le peuple grec va devoir faire face à des programmes d'austérité implacables, dont les effets seront dramatiques et qui annihilent toute perspective de croissance.
Avec le mécanisme européen de stabilité, vous ne proposez rien d'autre que ce que nous voyons aujourd'hui à l'oeuvre en Grèce. Ce mécanisme sera en effet soumis au contrôle technocratique d'un collège de gouverneurs et imposera aussi, vous le savez, le secret sur les mécanismes de décision. Aucun compte ne pourra être demandé par le Gouvernement ou le Parlement. Quel parlementaire peut être prêt à un tel renoncement ?
Ce mécanisme européen est en outre intimement lié à l'adoption programmée du futur traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union européenne, traité qui doit être approuvé par le Conseil européen la semaine prochaine. Selon ce texte, en effet, un État ne pourra recevoir d'aide au titre du MES s'il n'a pas préalablement ratifié le traité Sarkozy-Merkel. Or que prévoit ce texte ? La systématisation des contrôles budgétaires exercés sur les États, au mépris de leur souveraineté budgétaire, et la sanction de ceux qui ne se conformeront pas à la règle d'or et au diktat des marchés, via la saisine de la Cour de justice.
Ce texte franchit un pas de plus dans l'inacceptable, dans le dessaisissement démocratique des citoyens et des peuples, en violation manifeste et délibérée des principes de souveraineté budgétaire et de séparation des pouvoirs.
Nous considérons qu'il est inconstitutionnel et, en conséquence, saisirons le Conseil constitutionnel. Il demande aux parlementaires d'abdiquer leur rôle d'élus du peuple pour confier les clefs de la politique économique à Bruxelles, qui veut imposer partout en Europe, sous la pression des marchés, le règne de l'austérité (Exclamations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne pouvons accepter cette mise sous tutelle, cette abdication, et de voir ainsi piétiner les principes démocratiques les plus élémentaires.
Avec ces traités, vous voulez asphyxier l'Europe. Nous voulons au contraire lui redonner du souffle. Les peuples européens ne veulent pas de la purge sociale que vous tentez de leur imposer, ni sacrifier leur avenir pour le seul bénéfice des détenteurs de capitaux. Aucune fatalité ne pèse sur l'austérité. L'Europe des peuples n'a pas besoin d'un pacte de stabilité, mais d'un pacte de solidarité et de croissance fondé sur la relance de la consommation intérieure, l'investissement, le soutien aux filières industrielles, des protections ciblées pour contrecarrer les délocalisations et le dumping social et fiscal. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cela ne peut se faire sans reconsidérer l'architecture des institutions européennes et le rôle de la BCE, dont l'indépendance et la politique monétariste ont eu et continuent d'avoir des conséquences ruineuses sur la croissance du continent.
En voulant imposer aujourd'hui le mécanisme européen de stabilité, vous bafouez une fois de plus le non des Français au traité constitutionnel de 2005. Nous refusons ce nouveau coup de force, comme nous nous opposons aux logiques qui sont en train de broyer le peuple grec et qui, demain, broieront peut-être l'ensemble des Européens.
Avec leur candidat, Jean-Luc Mélenchon (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
…les députés du Front de gauche, communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche lancent un appel à tous les parlementaires, en particulier à ceux de gauche.
N'acceptez pas ce coup de force contre notre démocratie. Un seul vote s'impose pour rendre possible, demain, une autre politique et rendre crédible l'idée même d'une renégociation européenne. Le seul vote efficace, c'est le rejet de ce traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Je rappelle que l'alinéa 3 de l'article 54 de notre règlement permet une explication de vote de cinq minutes par groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'article unique du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le mécanisme européen de stabilité.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 438
Nombre de suffrages exprimés 305
Majorité absolue 153
Pour l'adoption 261
Contre 44
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron