Depuis le début des années 90, l'équilibre entre le processus d'élargissement de l'Europe et celui de son approfondissement s'est progressivement rompu. Aujourd'hui, avec vingt-sept membres, le processus de décision est d'une extrême complexité, ce qui constitue sans nul doute un grave handicap, surtout dans les situations de crise où il faut définir dans l'urgence des réponses fortes.
Faute de pouvoir convertir l'ensemble des membres de l'Union aux vertus des transferts de souveraineté et aux mérites du fédéralisme, la solution à cette équation a été imaginée depuis longtemps : créer des noyaux durs permettant aux États qui le souhaitent de franchir de nouvelles étapes dans le processus d'intégration. La possibilité de créer des coopérations renforcées, introduite par le traité d'Amsterdam, répondait à cette préoccupation, mais les conditions posées par les traités européens sont encore beaucoup trop contraignantes. Du reste, cette possibilité n'était pas adaptée aux problèmes de gouvernance de l'Union, car elle aurait donné une influence excessive aux États qui ont choisi de rester en dehors de l'euro.
La crise de la zone euro aura au moins eu cette vertu de conduire nos partenaires à accepter l'idée que l'Europe puisse progresser à des vitesses différentes, et je me félicite que l'Union monétaire devienne ainsi le socle de cette nouvelle construction institutionnelle.
La France et l'Allemagne ont déjà obtenu la création d'un véritable gouvernement économique, incarné par le sommet des chefs d'État et de gouvernement de la zone euro, qui se réunira au moins deux fois par an et qui disposera d'un président stable désigné pour deux ans et demi.
Le mécanisme européen, quant à lui, a pour originalité d'être un système intergouvernemental compatible avec le droit communautaire, exploitant toutes les qualités d'expertise des institutions européennes, mais distinct d'elles et donc libéré des lourdeurs de l'Union : par exemple, une coalition de petits États ne sera pas en mesure de bloquer la procédure de décision en cas d'urgence.
Les membres de l'Union européenne ont donc franchi une étape historique. Créer, au sein de l'Union, et en concertation avec ses institutions, une structure réunissant un nombre réduit d'États n'est plus du domaine de la spéculation : c'est une perspective concrète. Nous allons ainsi dans la direction souhaitée par tous les partisans d'un renforcement de la construction européenne, par tous ceux qui pensent, monsieur Myard, que l'Europe n'est pas le problème, mais la solution aux enjeux de la mondialisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)