Il s'agit en somme d'imposer aux États, sous la houlette du FMI et de la Commission, des plans d'ajustements structurels drastiques, quitte, pour cela, à piétiner les droits des peuples et à vous détourner de l'intérêt général.
Le pacte de stabilité monétaire nous avait été présenté en son temps comme indispensable à la cohésion de la zone euro. Il devait ouvrir une période de croissance qui s'accompagnerait de la création de millions d'emplois. Nous en voyons aujourd'hui le résultat, ou plutôt le désastre.
Le pacte se stabilité n'a finalement eu pour effet que de brider les investissements et les salaires, de maintenir un chômage de masse, d'accroître les inégalités, aussi bien entre citoyens qu'entre pays de la zone euro, et de freiner la croissance de notre continent.
Après nous avoir chanté l'avenir radieux du libéralisme triomphant, vous nous présentez aujourd'hui ce même pacte de stabilité comme l'unique et dernier rempart contre le chaos. C'est un mensonge.
Vous n'avez tiré aucune leçon de la crise.
La crise aurait pu être l'occasion de desserrer l'étau des marchés financiers, de mettre fin aux pratiques prédatrices de la spéculation financière, de remettre en cause le fonctionnement de la Banque centrale européenne et d'en dénoncer la politique étroitement monétariste.
La création du fonds de stabilité européen elle-même aurait pu marquer un tournant dans l'histoire de la construction européenne en ébranlant les dogmes inscrits dans les traités de Maastricht et de Lisbonne. Elle aurait pu constituer la première étape d'un processus de convergence visant à l'harmonisation des conditions fiscales et sociales de l'activité économique, et s'attaquer courageusement à la dictature de la finance.
Vous avez au contraire décidé de faire de ce fonds l'instrument de promotion d'une gouvernance économique toujours plus autoritaire et intransigeante. C'est le sens du traité instituant le mécanisme européen de stabilité que vous nous proposez aujourd'hui d'approuver.
Nous ne le ferons pas. Ce mécanisme est non seulement un non-sens économique mais aussi et surtout le préalable à la mise en place d'une gouvernance purement technocratique des politiques économiques et budgétaires. Il se traduira par de nouveaux abandons de souveraineté que le peuple français a déjà par avance récusés en rejetant en 2005 votre projet libéral de Constitution européenne.
Bien sûr, ce n'est pas ainsi que vous nous présentez les choses. Officiellement, le mécanisme européen de stabilité n'est destiné qu'à soutenir les États membres de la zone euro sur lesquels pèsent des difficultés, que vous avez d'ailleurs générées. Il se présente même comme un organe de coopération intergouvernementale.
Dans les faits, cependant, ce mécanisme, qui devait être opérationnel en juillet 2013 mais dont la Commission a souhaité la mise en oeuvre dès la mi-2012, ouvre des perspectives bien sombres, dans le prolongement des exigences de durcissement de la discipline budgétaire réclamée par l'Allemagne. C'est ainsi que ce mécanisme de fonds monétaire européen coopérera étroitement avec le FMI afin de définir conjointement les programmes d'ajustement et de coordonner les modalités d'assistance financière des États, dont la tarification et les échéances des prêts. En outre, cerise sur le gâteau, l'intervention du mécanisme européen de stabilité s'accompagnera d'une participation du secteur privé, conformément aux pratiques du FMI.
Dans ce contexte, comment prétendre que le mécanisme européen de stabilité permettra, comme l'affirment la majorité et le Gouvernement, une reprise en main des États, c'est-à-dire, à travers eux, des peuples, alors qu'il sera soumis au contrôle technocratique d'un collège de gouverneurs – dont nous montrerons le caractère totalement indépendant et ingouvernable, notamment par notre assemblée – qui n'obéira qu'à une logique de mise au pas des peuples ?
Nous avons eu sous les yeux un exemple terrible, celui de la Grèce. Le gouvernement grec a approuvé, samedi dernier, la version définitive du plan supplémentaire d'économies réclamé par la troïka BCE-UE-FMI, en échange du déblocage décidé hier de fonds supplémentaires.
On l'oublie souvent, ce qui est demandé au gouvernement grec, ce n'est pas seulement une politique d'économies budgétaires, mais aussi la vente de la quasi-totalité de ses entreprises publiques, que le peuple a dû financer à une époque où aucun investisseur international n'envisageait d'investir en Grèce.
Il est question de la dette, certes, mais aussi d'un patrimoine, qui est aujourd'hui soumis à liquidation. Par conséquent, les Grecs ne pourront même pas s'appuyer sur ce patrimoine pour sortir de la situation dans laquelle ils sont.