L'idée d'un traité renforçant l'intégration européenne est pourtant alléchante pour un radical de gauche partisan de l'Europe fédérale, mais il manque dans votre traité tout ce qui serait utile à un tel projet : le financement direct du mécanisme européen de stabilité auprès de la Banque centrale européenne, la question des euro-obligations, la capacité d'engagement, qui n'est pas améliorée par rapport aux mécanismes antérieurs. Ajoutons une inquiétude républicaine : les parlements nationaux et le Parlement européen sont écartés du fonctionnement de ce mécanisme opaque.
Surtout, pour bénéficier d'un prêt du MES, il est nécessaire d'avoir ratifié le traité sur la stabilité budgétaire. Or ce traité n'est rien d'autre qu'un traité d'austérité, l'inscription dans le marbre juridique de l'Union de la politique que vous faites subir à la Grèce depuis deux ans.
C'est la reconnaissance officielle de la politique « argent frais contre rigueur » qui précipite les pays dans un cercle vicieux de dépression. Vos vieilles recettes économiques et budgétaires n'ont toujours pas permis de sauver la Grèce et vous voulez les imposer aux autres pays.
Nous, à gauche, si le peuple nous en donne le mandat, nous renégocierons ce traité. Vous créez, ni plus ni moins, un FMI à l'européenne. Nos pays, nos peuples devraient s'adapter à votre vision du monde, à coups d'ajustements structurels et de plans de rigueur. À ce rythme, nous ne parlerons plus de consensus de Washington mais de consensus de Bruxelles. À terme, nous assisterons au désengagement de la puissance publique et à des privatisations dans tous les pays européens, auxquels vous voulez interdire toute marge de manoeuvre. Quelle belle leçon de démocratie !
Nous sommes solidaires, me direz-vous, à hauteur de 16 milliards d'euros, mais ces 16 milliards auraient dû abonder la Banque européenne d'investissement ou toute autre structure permettant de relancer la croissance en Grèce, au Portugal, en Irlande, en Espagne, en France, en Allemagne bientôt.
Nous, radicaux de gauche, nous défendons une Europe forte, une Europe fédérale. Nous demandons un véritable fédéralisme budgétaire avec la création d'un impôt européen. Nous demandons que soit mis en place un gouvernement économique européen qui reprendrait la main sur la politique monétaire, avec une harmonisation des politiques fiscales et sociales. Or vous préférez mettre en place des politiques non coopératives et des ajustements punitifs. Vous préférez le dumping et la concurrence à la cohésion et à l'union. Une nouvelle fois, vous voulez nous imposer une vision de l'Europe qui n'est pas celle de la majorité des Européens. Une nouvelle fois, vous voulez une Europe technocratique quand nous voulons une Europe des peuples. Une nouvelle fois, vous privilégiez l'austérité quand nous privilégions la solidarité.
Monsieur le ministre, nous ne vous suivrons pas aujourd'hui, ni demain. Nous emprunterons une autre voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)