La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix-sept heures.)
Conformément au premier alinéa de l'article 28 de la Constitution, je déclare ouverte la session ordinaire 2011-2012.
M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a fait savoir au président de l'Assemblée nationale que M. André Vallini, M. François Grosdidier, M. Gaëtan Gorce, M. Michel Delebarre, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Claude Leroy, Mme Odette Duriez, M. Alain Néri, M. François Calvet, Mme Sophie Primas, Mme Jacqueline Farreyrol et M. Pierre Frogier ont été élus sénateurs le 25 septembre 2011.
En conséquence, ils cessent d'appartenir à l'Assemblée nationale.
M. le président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a fait savoir à M. le président de l'Assemblée nationale que M. Alain Néri, élu sénateur, serait remplacé aux fonctions de secrétaire du bureau de l'Assemblée nationale par M. Jean-Pierre Balligand à compter de ce jour.
L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, de deux projets de loi autorisant l'approbation d'accords internationaux. (nos 3137, 3594 et 3139, 3769)
Ces textes n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je vais mettre directement aux voix l'article unique de chacun d'eux, en application de l'article 106 du règlement.
L'ordre du jour appelle la discussion de dix projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l'approbation d'accords internationaux en matière fiscale et, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l'approbation de la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (nos 3649, 3755 ; 3650, 3756 ; 3651, 3757 ; 3652, 3758 ; 3653, 3759 ; 3654, 3760 ; 3655, 3761 ; 3656, 3771 ; 3657, 3762 ; 3658, 3754 ; 3703, 3770.)
La conférence des présidents a décidé que ces onze textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à M. Jean Leonetti, ministre chargé des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, est soumis aujourd'hui à votre approbation un total de onze projets de loi de ratification d'accords internationaux : huit accords d'échange de renseignements en matière fiscale entre la France et, respectivement, les Antilles néerlandaises, Anguilla, les îles Cook, le sultanat de Brunei, la Dominique, le Liberia, le Costa Rica et le Belize,…
…une convention fiscale signée le 21 octobre 2010 entre la France et Hong Kong, une convention visant à éliminer la double imposition en matière de trafic aérien et maritime signée le 26 mars 2009 entre la France et l'île de Man et un protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe et de l'OCDE concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signé le 27 mai 2010.
Les dix premiers textes ont déjà été discutés et adoptés par le Sénat, le 12 juillet. En revanche, le dernier vient pour la première fois devant le Parlement.
Les huit accords d'échange de renseignements en matière fiscale et la convention avec Hong Kong visent à mettre en place un cadre juridique général permettant un échange de renseignements effectif et sans restriction. Ce cadre prévoit notamment la levée d'un éventuel secret bancaire. Ces accords bilatéraux sont conformes aux standards internationaux en matière de transparence et d'échange d'informations fiscales, notamment aux modèles élaborés par l'OCDE en 2002, s'agissant des accords d'échange de renseignements, et en 2008, s'agissant de la convention fiscale franco-hongkongaise.
L'accord franco-mannois de 2009 vise à éliminer les doubles impositions dans le domaine du transport international aérien et maritime. Il est similaire à un accord du même type signé avec Jersey en 1963 et conforme aux principes de l'OCDE.
Le protocole d'amendement à la convention de 1988 du Conseil de l'Europe et de l'OCDE a un double but. D'une part, il intègre les nouveaux standards internationaux régissant l'échange de renseignements fiscaux. D'autre part, il ouvre cette convention à un plus grand nombre d'États. Les pays non-membres de ces deux organisations pourront désormais y adhérer, ce qui n'était pas le cas précédemment. Cette possibilité offre une voie nouvelle et intéressante pour les pays dont les capacités administratives étaient insuffisantes pour négocier un grand nombre d'accords d'échange de renseignements fiscaux bilatéraux.
La signature et l'approbation de ces accords ne sont pas une fin en soi, mais constituent une étape indispensable à la mise en place d'un véritable dispositif de lutte contre les pratiques fiscales dommageables. Je souhaiterais m'arrêter quelques instants sur ce dispositif.
Peut-être serez-vous étonné, monsieur Brard.
Depuis maintenant plusieurs années – récentes : cela ne remonte pas aux années 1980 –, la France est à l'avant-garde de la lutte contre les pratiques fiscales dommageables. Depuis le 1er janvier, dans le cadre de la présidence française du G 20, cette action s'est encore renforcée. Comme vous le savez, la France a choisi de faire de la régulation financière internationale l'une des priorités de sa présidence. La lutte contre les États et territoires non coopératifs est l'un des volets majeurs de cet objectif.
Déjà, lors du sommet de Londres d'avril 2009, c'est à la demande du G 20, sur une initiative conjointe de la France et de l'Allemagne, que le secrétariat général de l'OCDE a établi et fait publier les fameuses listes grise et noire des paradis fiscaux. Pour sortir de ces listes, chaque État ou territoire concerné devait conclure douze accords portant sur l'échange de renseignements fiscaux. Cette méthode s'est avérée des plus efficaces, puisque plus de 600 accords bilatéraux de ce type ont été signés à ce jour dans le monde. De la quarantaine de pays stigmatisés en avril 2009, seuls cinq le sont encore aujourd'hui. Sept des dix États ou territoires qui nous intéressent aujourd'hui figuraient sur la liste noire de 2009 ; ils sont désormais inscrits sur la liste blanche dans la mesure où ils ont conclu plus de douze accords.
La France est l'un des pays les plus actifs en la matière, avec une quarantaine d'accords de ce type signés à ce jour. Les négociations continuent ; d'autres accords sont appelés à être signés très prochainement, qui seront soumis à votre examen.
Pour aller plus loin, la communauté internationale s'est parallèlement organisée au sein du forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales. Cette enceinte, qui regroupe actuellement plus d'une centaine d'États et de territoires, s'est fixé pour mission d'évaluer le degré de transparence fiscale, non seulement de chacun de ses membres, mais également de toute autre juridiction qui présenterait des risques dans ce domaine. À cet effet, le forum mondial a mis en place un mécanisme d'évaluation par les pairs, présidé par l'ancien député et ministre François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les paradis fiscaux. Les critères de référence pour ces évaluations vont bien au-delà du critère de signature des douze accords d'échange d'informations sur le fondement duquel avaient été établies les listes grise et noire d'avril 2009. Ils permettent d'apprécier au plus près la capacité de chaque pays à disposer des renseignements pertinents sur les structures établies sur leur territoire et à transmettre ces informations à une administration fiscale étrangère qui en ferait la demande.
Le G 20 a enfin encouragé ses membres à prendre des sanctions contre les paradis fiscaux. La France a introduit ce type de mesures dans sa législation nationale à la fin de l'année 2009, dans le cadre de la loi de finances rectificative. La France s'est ainsi dotée d'une liste noire nationale d'États et de territoires non coopératifs. Les territoires figurant sur cette liste sont soumis à des sanctions fiscales lourdes, telles que le refus pour les sociétés françaises de se voir accorder le bénéfice du régime mère-fille pour leurs filiales situées dans ces territoires ou le durcissement du régime d'imposition des plus-values mobilières et immobilières. Sept des neuf accords d'échange d'informations dont il est question aujourd'hui concernent des États figurant actuellement sur la liste française des États et territoires non coopératifs.
Comme vous le voyez, l'approbation et l'entrée en vigueur de ces accords ne sont qu'une étape, qui permettra au Gouvernement et aux instances multilatérales en charge de ces questions d'évaluer concrètement les progrès accomplis par ces territoires.
En conclusion, je voudrais souligner qu'au plan national, le mécanisme de sanctions adopté en loi de finances rectificative de 2009 prévoit également un suivi de ces juridictions. En effet, la liste nationale des États et territoires non coopératifs est mise à jour au 1er janvier de chaque année. Le Gouvernement a donc la possibilité d'ajouter à cette liste tout territoire dont il jugerait la coopération fiscale insuffisante ou dont l'évaluation par le forum mondial se révélerait particulièrement décevante. Un mécanisme de sortie de liste est donc mis en oeuvre en même temps qu'un suivi annuel.
Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les principales observations qu'appellent les accords qui font l'objet des projets de loi aujourd'hui proposés à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est àM. Henri Plagnol, rapporteur de la commission des affaires étrangères sur les conventions fiscales avec Anguilla, les Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises, Belize, Brunei Darussalam, le Costa Rica, la Dominique, les îles Cook et le Liberia, suppléantMme Chantal Bourragué, rapporteure de la commission des affaires étrangères pour l'accord France-île de Man, et suppléantM. François Rochebloine, rapporteur de la commission des affaires étrangères pour la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le G 20 est engagé, à la demande de la France, dans une lutte contre les paradis fiscaux décidée dès le sommet de Pittsburgh en 2008. La France est en première ligne pour rendre plus transparents les échanges financiers internationaux et reconstruire le système financier international sur de nouvelles bases.
Les deux principaux instruments de cette nouvelle politique internationale sont le modèle d'accord portant sur l'échange de renseignements à caractère fiscal, promu par l'OCDE, et l'examen par les pairs des législations et pratiques administratives de tous les États et territoires concernés.
Sous l'autorité de son excellent président, la commission des affaires étrangères a assuré, depuis le début, un contrôle significatif des avancées permises par le nouveau contexte mondial. Nous avons ainsi examiné dix-neuf accords portant sur l'échange de renseignements fiscaux et organisé plusieurs auditions de responsables de la lutte contre l'évasion fiscale, la plus récente remontant au 8 juin dernier. Nous enregistrons avec satisfaction le ralliement du Conseil de l'Europe aux standards de transparence promus par l'OCDE, ralliement qui fait l'objet du protocole à la convention sur la transparence fiscale du Conseil de l'Europe, texte intégré à cette discussion générale commune.
Quoique peu contraignant, ce texte représente une première tentative pour définir une convention multilatérale globale sur la transparence financière ainsi qu'une ouverture importante, dans la mesure où son adhésion n'est pas limitée aux membres du Conseil de l'Europe. Chacun sait que le Conseil de l'Europe, dans de multiples domaines juridiques, est en quelque sorte un laboratoire pour des accords ayant vocation à être ensuite étendus à des États au-delà du champ d'action de l'Union européenne.
Vous parlez en expert, mon cher collègue !
Outre ce protocole, huit textes mis aujourd'hui en débat participent de cet effort pour la transparence. Ils fixent les règles de la coopération fiscale entre la France et les États suivants : Anguilla, les Antilles néerlandaises, Belize, Brunei, les îles Cook, le Costa Rica, Dominique et le Liberia. Très différents sur de nombreux points, ces territoires peuvent toutefois être comparés dans le domaine qui nous intéresse aujourd'hui, celui de la législation fiscale et du droit des sociétés. Seul le Costa Rica n'appartenait pas, en 2000, à la liste des paradis fiscaux définis par l'OCDE.
L'examen de la législation fiscale de ces États et territoires révèle une dépendance importante de l'économie au secteur financier et, pour certains, des régimes fiscaux plus qu'accommodants, mais tous se sont engagés à rétablir leur réputation internationale.
Nous ne les croyons pas sur parole, mon cher collègue. Nous les jugerons à leurs actes.
Ils appartiennent désormais à la liste dite « blanche » de l'OCDE, qui regroupe les États et territoires ayant accepté et commencé à mettre en oeuvre le standard minimal de transparence exigé par l'OCDE. En signant des accords avec ces huit États et territoires, la France justifie la place éminente qu'elle occupe dans le mouvement contre les paradis fiscaux.
Dans leur contenu, ces accords sont tous conformes au modèle défini par l'OCDE en 2002 et promu par la France dans le cadre de sa lutte contre les paradis fiscaux. Ils visent à faciliter la coopération entre les administrations fiscales en réduisant les motifs de non-communication d'informations nécessaires à l'application du droit fiscal. Le secret bancaire n'est plus opposable, et les parties s'engagent à améliorer la transparence dans la réglementation, notamment du droit des sociétés.
Les parties s'engagent également – et c'est ce qui est le plus important – à assurer l'effectivité de l'échange d'informations, ce qui peut aller jusqu'à l'organisation de missions de contrôle sur le territoire de l'autre partie. Rien ne vous interdira, mon cher collègue Brard, de participer, efficacement, je n'en doute pas, à l'une de ces missions de contrôles, quelle que soit la majorité à venir.
Bien sûr ! Nous irons ensemble, et je vous offrirai un gilet pare-balles ! (Sourires.)
Pourquoi pas ?
Contrepartie normale de ces nouveaux droits donnés aux administrations fiscales, les échanges d'informations concernés ne peuvent être effectués que dans le respect des libertés individuelles. Surtout, les demandes ne sont recevables que dans la mesure où elles portent sur des renseignements vraisemblablement pertinents pour l'application du droit fiscal. Sont également exclues les demandes imprécises, qui ne comporteraient pas, par exemple, le nom de la personne concernée.
Les huit accords que nous examinons intègrent toutes les demandes françaises : la non-limitation des impôts visés par les conventions et l'obligation pour les parties d'adapter leurs législations internes pour garantir une coopération fiscale. De plus, sept des huit accords ne limitent en aucune manière les possibilités d'échanges d'informations relatives aux sociétés cotées.
Enfin, la répartition des coûts générés par la recherche des informations demandées par l'une des parties est plus favorable au demandeur que celle prévue par le modèle OCDE, conformément aux demandes françaises. Pour le Brunei, Belize et le Liberia, en l'absence de stipulations relatives au partage des coûts, la partie saisie est réputée assumer seule cette charge. Pour les cinq autres, le partage ne porte que sur les coûts extraordinaires, alors que le standard OCDE prévoit un partage intégral.
Mes chers collègues, la lutte contre les paradis fiscaux remplit des objectifs communs, qui font consensus : nous souhaitons tous que disparaissent ces trous noirs de l'économie mondiale. Cependant, nous savons qu'il nous faut être pragmatiques et modestes et que cette ambition ne peut être portée que sur un temps long. Les premiers rapports d'examen des législations fiscales ont été publiés fin 2010, et il va de soi que les pratiques administratives et les réglementations nationales ne pourront évoluer dans le bon sens qu'une fois surmontés des obstacles culturels profonds.
Surtout, force est d'admettre que la situation des paradis fiscaux ne changera fondamentalement qu'à deux conditions. D'abord, la mise en place d'une autorité étatique suffisamment respectée pour garantir une surveillance réelle des activités financières qui y sont menées. Sur ce point, il me semble que l'une des forces de notre diplomatie est le rayonnement de notre État, la capacité de la France à exporter son savoir-faire administratif. En mon nom personnel, je veux suggérer, monsieur le ministre, que nous privilégiions, à court terme, le renforcement de la capacité des administrations de ces micro-États si l'on veut qu'ils disposent de la capacité à surveiller les activités financières sur leur territoire.
La deuxième condition est la diversification des économies de ces États et micro-États. À ce titre, je souhaite faire écho aux préoccupations de plusieurs de mes collègues membres de la commission des affaires étrangères. La communauté internationale, si elle souhaite s'engager réellement pour la disparition des paradis fiscaux, ne peut laisser ces territoires, à l'autonomie juridique fragile et à la souveraineté nationale parfois relative, seuls responsables de leur développement. Nous devons nous préoccuper réellement des conditions économiques de ces États pour leur proposer un autre avenir que la simple attraction de flux financiers incontrôlés.
À cet égard, la convention passée entre la France et l'île de Man, également soumise à discussion ce soir, marque une évolution positive. En adoptant l'accord de non double imposition des sociétés de transport international, la commission des affaires étrangères a marqué son souhait d'appuyer la diversification de l'économie de l'île pour la sortir de la dépendance à la sphère financière. Cette convention est, d'ailleurs, une contrepartie assumée d'un accord de coopération fiscale entre la France et l'île de Man. Elle expirerait si l'accord de coopération fiscale entre la France et l'île de Man venait à être dénoncé.
Pour conclure ma présentation de ces dix projets de loi, j'aimerais souligner que, bien que ces accords ne répondent pas à toutes les questions que soulève l'existence de paradis fiscaux, ils sont toutefois une étape importante de la moralisation des relations financières internationales, et méritent, à ce titre, d'être ratifiés sans hésitation.
La parole est à M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires étrangères pour l'accord France-Hong Kong en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France dispose d'un très large réseau en matière de conventions fiscales. Une convention entre des États ou territoires bénéficie, en principe, à l'ensemble des acteurs économiques et favorise les investissements réciproques, en réduisant les risques de doubles impositions tant pour les sociétés que pour les particuliers. La France a, notamment, signé en Asie une convention d'élimination des doubles impositions avec la Chine, la Malaisie, Singapour, les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam, la Corée du Sud, l'Inde, le Japon, et dispose d'un dispositif équivalent à une convention pour Taïwan.
L'accord avec Hong Kong qui nous est soumis s'inscrit dans le prolongement de cette stratégie, qui a vocation à s'appliquer partout où la France possède des intérêts importants. Du fait de son économie très libérale et de sa position géostratégique, Hong Kong occupe évidemment une position de premier ordre en Asie pour les affaires et la finance, également attirées par la transparence, l'application du droit, la simplicité des procédures et l'efficacité de l'administration. Hong Kong affiche un PIB par habitant de 43 000 dollars en 2009, ce qui le positionne second en Asie derrière Singapour. C'est la dixième puissance commerciale mondiale, la quatrième en Asie et une place financière de premier plan.
La communauté française y totalise près de 13 000 ressortissants, dont 8 900 inscrits au consulat général. Près de 700 entreprises françaises y sont enregistrées, employant localement 30 000 personnes. Le lycée français Victor Segalen est le plus grand lycée français d'Asie, avec plus de 2 000 élèves inscrits. La France conserve un important excédent commercial, le premier en Asie et le sixième mondial en 2009, avec plus de 2 milliards d'euros par an. En 2007 et 2008, Hong Kong a été la première destination de nos investissements directs étrangers en Asie, devant la Chine continentale et même devant le Japon, pour des montants respectifs de 1,4 et 1,2 milliard d'euros.
On peut se demander pourquoi cet accord fiscal n'a pas été signé plus tôt. Cela s'explique par la suspension, dès 2004, des négociations entamées en 2003, la France faisant de l'échange de renseignements fiscaux un préalable à sa signature. Or, comme Singapour, Hong Kong ne disposait pas d'une législation interne permettant à son administration fiscale d'accéder à certains renseignements fiscaux. Le déblocage du dossier est intervenu lorsque, dans la perspective du G 20 d'avril 2009, Hong Kong a pris, comme d'autres pays, l'engagement de modifier sa législation, au moyen d'une réforme entrée en vigueur le 12 mars 2010. Outre la France, quinze pays, dont dix européens, ont signé une convention fiscale avec Hong Kong depuis cette date.
L'accord porte sur les impôts sur le revenu et sur la fortune. Son contenu atteste du bénéfice partagé de ses effets entre les deux parties. Le taux des retenues à la source sur les revenus passifs – dividendes, intérêts, redevances – est fixé à 10 %, ce qui est un bon compromis : la France conserve son droit à imposer les redevances sortant de son territoire et les dividendes entrants bénéficient d'un taux attractif.
Les clauses de l'accord sont issues du modèle de convention de l'OCDE et, lorsqu'elles s'en écartent, reprennent, pour l'essentiel, les clauses habituellement utilisées par la France dans son droit conventionnel. Notamment, l'accord comprend des dispositions utilisées avec les États non-membres de l'OCDE, qui plaident pour l'application des dispositions du modèle de convention de l'ONU qui leur est plus favorable. Ainsi, la France a accepté une définition souple de l'établissement stable.
La France a, en revanche, obtenu l'insertion de plusieurs clauses d'interprétation, l'assimilation des sociétés de personnes dont le siège de direction est en France à des résidents français, ainsi qu'une définition restrictive des redevances. De même a-t-elle obtenu l'insertion de dispositions anti-abus permettant de préserver sa capacité d'imposer, d'éviter les doubles exonérations et d'éviter d'accorder indûment le bénéfice de l'accord. L'accord est donc plutôt de bonne facture, malgré trois limites que je me dois de relever : pour des raisons d'organisation administrative hongkongaise, il n'y a pas d'article relatif à l'assistance en matière de recouvrement ; il n'est pas prévu d'arbitrage ayant force obligatoire en cas d'échec de la procédure amiable ; la procédure d'échange de renseignements voit son application limitée aux impôts couverts par l'accord. Le champ de ceux-ci est cependant large et la France pourra obtenir les renseignements utiles à la bonne administration de son impôt. En outre, Hong Kong a imposé cette restriction à tous ses partenaires, et s'est engagé à reprendre les négociations en cas de signature d'un accord strictement conforme au modèle de l'OCDE sur ce point.
Au nom de la commission des affaires étrangères, je vous invite donc à voter le projet de loi de ratification, déjà voté par le Sénat, afin de permettre l'entrée en vigueur de cette convention, Hong Kong ayant déjà notifié l'achèvement de ses procédures internes en juillet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les textes que nous examinons aujourd'hui font partie du programme de lutte contre l'évasion fiscale et pour la transparence des échanges financiers que la France, au sein du G 20, a réussi à imposer. Leur autorisation de ratification, un mois avant le sommet de Cannes, les 3 et 4 novembre prochains, est donc particulièrement opportune.
Les efforts de la France peuvent être qualifiés de positifs. Il convient de signaler que la stratégie consistant à stigmatiser les paradis fiscaux a été payante au moins sur un point : le principe de la coopération fiscale ne fait plus l'objet d'aucune contestation. Cette réussite est cruciale, car elle engage les futures puissances économiques mondiales que sont les grands émergents. Ces projets de loi confirment l'engagement de notre pays en faveur de la transparence financière internationale, comme les dix-neuf textes similaires que nous avons déjà ratifiés depuis 2008.
Il est, bien entendu, trop tôt pour apprécier exactement leurs effets. Toutefois, j'ai personnellement veillé à ce que la commission que je préside assure un suivi le plus régulier possible de la mise en place de ce réseau de conventions, maintenant très dense. En effet, certains États signataires pourraient être tentés de signer ces accords pour améliorer leur image, sans intention de les appliquer réellement.
Il nous appartiendra, si nécessaire, de leur rappeler que leurs engagements ne sont pas purement symboliques. Par ailleurs, ces accords sont peu contraignants et leur efficacité repose sur l'activité des administrations fiscales des États victimes de l'évasion fiscale et sur les capacités des administrations des paradis fiscaux, qui restent inégalement dotées.
Il convient, par conséquent, d'être particulièrement attentifs à la façon dont ces accords seront appliqués, et le Parlement, sachez-le, monsieur le ministre, entend jouer pleinement ce rôle.
Nous devons vérifier que notre administration utilise pleinement les instruments que nous lui offrons, et que ses interlocuteurs jouent le jeu. Nous saurons nous faire les relais efficaces des messages qu'elle pourrait nous transmettre concernant des obstacles qui continueraient à lui être opposés. En particulier, nous pourrons établir, dans quelques mois, si les pays auxquels nous sommes liés ont correctement répondu à la centaine de demandes qui leur ont été, d'ores et déjà, adressées par notre administration.
Nous devons également nous préoccuper de la reconversion économique des paradis fiscaux. Le développement d'une sphère financière opaque n'est pas dans notre intérêt, mais elle restera la seule alternative pour certains micro-États sans ressources si la diversification de leurs économies n'est pas assurée. Tel est d'ailleurs l'objet de la convention avec l'île de Man, que nous examinons conjointement et qui constitue la contrepartie de l'accord que nous avons approuvé l'année dernière.
Permettez-moi, en conclusion, de profiter de l'occasion pour m'exprimer sur la proposition que la Suisse a faite récemment. D'après les informations dont nous disposons à ce jour, cette proposition, dite « Rubik », consiste à convenir d'un taux global de prélèvement annuel sur les flux financiers sans possibilité d'enquête individuelle sur les personnes impliquées. Cette interdiction des poursuites exclut évidemment les flux financiers liés à des activités criminelles. La Suisse a déjà signé deux accords de ce type avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne et s'est engagée à verser 1,7 milliard d'euros à la première et 410 millions d'euros à la seconde. Par la suite, elle appliquera un prélèvement de 26 % aux flux allemands, et de 27 % à 48 % aux flux britanniques, suivant les types de revenus concernés.
Il est facile, évoquant cette proposition, de crier au scandale et je conçois qu'elle puisse soulever des critiques fortes. Je voudrais faire valoir deux arguments qui me paraissent devoir être pris en compte avant de décider de notre position. En premier lieu, l'administration suisse n'est pas comparable à celles des paradis fiscaux qui nous occupent aujourd'hui.
Le degré de confiance que l'on peut accorder à la Suisse concernant le contrôle des flux financiers et même, dans la grande majorité des cantons, le niveau non négligeable de la pression fiscale ne font pas craindre une délocalisation massive de l'activité économique de notre pays vers la Suisse.
En second lieu, un accord de type « Rubik » permettrait de faire rentrer dans les caisses de l'État des montants importants, voire très importants, particulièrement utiles en ces temps où la crise de la dette publique menace la stabilité de l'ensemble de la zone euro. Selon notre rapporteur général, Gilles Carrez, un tel système pourrait rapporter à la France entre 800 millions et 1 milliard d'euros par an et 1 milliard à titre de rattrapage. On ne peut pas balayer d'un revers de la main l'intérêt d'un tel rapport pour notre pays.
Au bénéfice de ces deux arguments, je considère qu'il serait regrettable de privilégier une approche purement dogmatique et idéologique de cette question. J'attendrai, pour ma part, avant de me prononcer sur la signature ou non d'une telle convention, de lire le rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement sur les avantages et les inconvénients en matière de lutte contre la fraude fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale et le Sénat sont saisis, depuis quelques mois, d'un grand nombre de textes internationaux à vocation fiscale. Ces conventions créent, ainsi que cela a été signalé à la Haute Assemblée une sorte de contexte « proliférant ». Cette « prolifération » serait justifiée par les décisions prises par le G 20 en 2008 et l'OCDE en 2009, afin de renforcer la lutte contre les paradis fiscaux. Il y a, en effet, urgence, nous en convenons tous. Selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires en France, les sociétés du CAC 40 ne paient que 8 % d'impôts sur leurs bénéfices, alors que les PME contribuent à l'effort collectif à hauteur de 30 %. Ce grand écart, qui a ému l'opinion publique et dont le rapporteur général du budget, notre collègue Gilles Carrez, s'est fait le porte-voix, s'explique en grande partie en raison de l'existence de paradis fiscaux. Ce qui était déjà moralement intolérable avant la crise économique et financière est aujourd'hui devenu inacceptable pour beaucoup.
La mise en oeuvre de conventions fiscales parrainées par l'OCDE doit incontestablement être saluée, mais il ne faut pas oublier que le problème a déjà été posé dans cette enceinte, en 2002, à l'initiative d'Arnaud Montebourg et de Vincent Peillon, auteurs d'un rapport sur ce sujet. Cette réflexion a été engagée avec la mission d'information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux. Devant la conférence européenne de la Banque mondiale, un ministre français n'avait pas craint d'affirmer : « Les centres offshore, ces territoires laxistes, véritables trous noirs de la régulation internationale, sont les lieux de tous les blanchiments. […] Que visons-nous ? La France estime que certains territoires sont aujourd'hui défaillants dans leur contrôle bancaire : Antigua et Barbuda, les îles Cayman, les îles Marshall, par exemple. »
Les parlementaires, au contact direct de nos concitoyens, souhaitent aujourd'hui être consultés. Pour autant, les conditions d'examen de conventions fiscales, qui se suivent à un rythme accéléré, ne leur permettent pas de délibérer avec sérieux du contenu et des conditions de mise en oeuvre de ces accords. Les traités se suivent à un rythme trop soutenu pour permettre un véritable échange entre des élus porteurs de bien des interrogations et les représentants du Gouvernement. Tout cela, mériterait d'être remis en perspective avec l'esprit et la méthode d'un gouvernement et d'un président qui ont multiplié les cadeaux fiscaux.
Quand on veut bien se pencher sur les dispositions contenues dans les articles 6 et 7 de chacune des conventions, on constate qu'il est mis tellement d'obstacles aux vérifications à entreprendre que l'on ne voit pas très bien comment on pourrait contraindre tel ou tel gouvernement représentant un paradis fiscal à communiquer à un requérant français un certain nombre d'informations. Je vous demande, par conséquent, de vous reporter aux articles 6 et 7 de ces conventions qui précisent clairement le respect que l'on doit accorder aux dispositions légales et institutionnelles de ces pays. Je comprends très bien la suggestion de mettre la grande compétence de notre administration à la disposition de ces pays. Toutefois, les dispositions que j'ai sous les yeux ne permettront pas davantage à une administration qui aurait la qualification de la nôtre d'aller plus avant, puisque tous les obstacles sont autorisés.
L'acceptation par divers pays épinglés par l'OCDE de signer avec la France des traités de lutte contre la fraude fiscale est un point positif. Mais signer est une chose, encore faudrait-il, d'une part, que tous les fauteurs d'impôt soient concernés et que, d'autre part, les parties prenantes de ces accords prennent des engagements contraignants. Or ces deux préalables ne sont pas aujourd'hui respectés. Ces instruments internationaux ont, certes, le mérite d'exister. Ils tracent une orientation, mais incitent à mieux faire pour approfondir la voie ainsi tracée.
Une part appréciable de la fraude passe, en effet, par un éventail de lieux situés aussi bien en Europe qu'aux États-Unis. Nos collègues Arnaud Montebourg et Vincent Peillon en avaient dressé la liste, mais avaient aussi affirmé, dans leur rapport d'information, la nécessité de poursuivre le travail ainsi engagé. Vous ne serez pas surpris si je vous confirme que, même aux États-Unis, l'État de Delaware est très directement concerné.
Or nous savons tous que cet État est au centre d'opérations menées par les meilleures entreprises européennes, notamment françaises.
Autant dire que la qualité de la coopération souhaitée en matière de lutte contre le blanchiment et la fraude par les députés ayant abordé ces questions en 2002 est toujours d'actualité.
Le président de la commission des finances du Sénat a porté sur ces accords le jugement suivant : « Il y a un mouvement général de conventionnement et même les paradis fiscaux conventionnent entre eux, mais cela ne nous dit pas que les pratiques changeront. » Et il ajoutait cette remarque de bon sens : « Il faut se garder de tout angélisme et nous devons rester vigilants. » Si l'on examine, en effet, le champ effectif d'application de ces conventions, on ne peut que constater leur caractère « relatif » concernant les conditions d'échange de renseignements sur demande. Je me reporte aux dispositions des articles 6 et 7 de chacune de ces conventions : les contrôles fiscaux à l'étranger ne peuvent devenir effectifs que si la partie requise s'y soumet dans les limites autorisées par son droit interne. Je ne reviendrai pas sur ce que je viens de souligner.
Cette attitude frileuse traduit, en réalité, la difficulté pour des pays transformés en place financière pour y puiser leur richesse de renoncer à des mécanismes protecteurs ou dérogatoires, que ce soit le secret bancaire ou la fiscalité inexistante pour les non-résidents. En blanchissant les paradis fiscaux, ces accords donnent aux bénéficiaires du bouclier fiscal la garantie de la perpétuation de privilèges supplémentaires que l'on peut considérer – et je m'exprime avec nuance – comme immoraux et inacceptables.
Je souhaite conclure mon propos, sans esprit provocateur, sur une observation. Un des meilleurs experts judiciaires en la matière, le juge Van Ruymbeke, qui s'est occupé de nombreuses enquêtes sous les gouvernements et régimes successifs et a donc déjà beaucoup sévi, s'étonnait à juste titre, dans un article publié en 2008, de la réaction en partie double de ce que l'on appelle la communauté internationale et demandait : « J'aimerais que l'on m'explique pourquoi on peut aller faire la guerre en Irak – ou en Libye, pourrions-nous ajouter – mais pourquoi on est incapable de fixer un minimum de règles » sur l'évasion fiscale transnationale. L'expression du juge Van Ruymbeke est toujours un peu provocatrice, mais reconnaissons ensemble qu'il y a une part de bon sens dans ses observations !
Pour toutes ces raisons, je vous informe que le groupe SRC s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, on vous voit davantage avec un scalpel à la main, débattant du projet de loi relatif à la bioéthique, qu'avec un bazooka combattant les paradis fiscaux ! Pour cet exercice, un minimum d'entraînement est nécessaire, mais je pense que vous n'aurez probablement pas le loisir de continuer à vous exercer l'année prochaine.
N'insultez pas l'avenir, monsieur Brard !
Jamais ! Il faut toujours être prudent ! Mais venons-en à notre sujet.
Le 23 septembre 2009, Nicolas Sarkozy a déclaré à la télévision, à propos des décisions du G 20 de Pittsburgh : « Il n'y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c'est fini ! » Force est de constater, une fois de plus, que Sa Majesté n'a pas dit la vérité aux Français : nous sommes en 2011 et le Gouvernement nous demande de voter des conventions avec certains de ces paradis fiscaux.
Depuis 2008, l'OCDE a entrepris de recenser les États où la fiscalité est dite légère, voire inexistante – ce sont des litotes –, de façon volontaire ou faute d'administration compétente. Ces paradis fiscaux, nombreux, sont le refuge des spéculateurs et des grandes entreprises, y compris les françaises, qui cherchent, par tous les moyens, à se soustraire au paiement de l'impôt.
Le but d'une telle liste est louable : permettre de connaître ces pays afin de les faire rentrer dans le rang en les incitant à améliorer leurs systèmes fiscaux.
Si l'on se penche, cependant, un tant soit peu sur le dispositif, on s'aperçoit qu'il est facile pour un pays de sortir de la liste noire. En passant de « simples conventions d'échange de renseignements en matière fiscale » avec des pays de la liste blanche, comme la France, ou même entre elles, ces nations gagnent en respectabilité alors que dans les faits rien ne change.
Et que fait le Gouvernement ? Il fait le jeu de ces paradis fiscaux en nous demandant de voter onze conventions fiscales avec, entre autres, Hong Kong, Anguilla, les îles Cook ou encore le Belize. En d'autres termes, monsieur le ministre, vous nous demandez d'absoudre des pays qui ont un système fiscal inacceptable.
Pour être concret et faire de la pédagogie, arrêtons-nous quelques instants sur ce petit pays qu'est le Belize. Il y avait ici des talents à droite. Rappelez-vous notre collègue Georges Tranchant qui, un jour, nous fit faire le tour de la planète, allant jusqu'aux îles Moustique où il devait avoir quelques connaissances et quelques comptes, certainement.
Que se passe-t-il dans l'ex-Honduras britannique ? En moins de dix ans, le Belize a enregistré plus de 15 000 sociétés off shore. Si l'on regarde de plus près sa législation, on s'aperçoit qu'il est inscrit dans l'International Business Compagnies Act de 1990 qu'« Une société off shore bélizienne est une entité idéale pour les transactions financières internationales et permet à l'investisseur de s'engager dans un vaste champ d'activités depuis la protection du capital jusqu'aux comptes bancaires, le courtage, la possession de bateaux, le commissionnement et autres transactions commerciales ».
Écoutez la suite, elle vaut son pesant de cacahuètes : « Le registre d'inscription des entreprises ne comporte le nom ou l'identité d'aucun actionnaire ou gérant » – c'est fort, n'est-ce pas, monsieur Plagnol ? Je poursuis : « Ces noms ou identités n'apparaissent dans aucun document public ».
S'agissant enfin de la taxation, la loi de 1990 dispose que « les compagnies off shore sont exemptées de toutes taxes sur les profits ».
Monsieur le ministre, quel est le but d'une convention « d'échange de renseignements en matière fiscale » si la législation du pays avec lequel vous la passez n'enregistre aucun nom ? C'est tout de même compliqué de ne discuter avec personne et pas d'adresse. La réponse est que cela ne sert à rien, sauf à protéger, en leur accordant un voile de respectabilité, ces territoires qui abritent les filiales de vos amis, les patrons du CAC 40 et les grands banquiers.
Le rapport d'information de septembre 2009 sur les paradis fiscaux, que nous avons présenté avec MM. Migaud, Carrez, Emmanuelli, Mancel et Perruchot, nous apprenait que toutes les multinationales françaises sont implantées dans les paradis fiscaux, notamment les entreprises du secteur financier. Ainsi, BNP Paribas, le Crédit Agricole et la Société Générale disposent de 361 entités off shore, ce qui représente 15 % des filiales de ces groupes.
Mais ce ne sont pas les seules. Au hasard, l'Oréal – vous savez, la société de Mme Bettencourt qui, elle-même, dispose de deux comptes bancaires, pour ceux qui sont connus, en Suisse – a vingt-deux filiales recensées dans les paradis fiscaux. La société Lagardère, le « frère » du Président comme il s'est lui-même appelé, en dispose de cinquante-cinq.
Monsieur le ministre, le temps que nous passons aujourd'hui à discuter de ces textes pourrait être utilisé à meilleur escient car, en matière de lutte contre l'exil fiscal, des entreprises comme des particuliers, il y a bien mieux à faire. Un rapport de juillet 2009 de Mme Guigou et de M. Garrigue nous apprend que 10 000 milliards de dollars transitent chaque année dans ces édens fiscaux, soit la moitié des transactions financières mondiales. Vous qui cherchez tant à réduire les déficits, pourquoi ne prenez-vous pas le problème à bras-le-corps en traquant et en interdisant ces exils ? Cela permettrait de récupérer des sommes d'argent colossales plutôt que d'accabler toujours plus les Français les plus pauvres, qui souffrent des privations et du chômage !
Un autre exemple : ces conventions pourraient être l'occasion d'interdire les activités des dizaines d'entreprises qui proposent de constituer des sociétés ou des comptes bancaires off shore. Toutes ont un objet social manifestement illégal, contraire à notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, puisqu'elles proposent d'échapper à l'administration fiscale française.
Il serait également temps de combattre, même si ce n'est pas politiquement correct, l'exil fiscal des particuliers. Ils sont nombreux, des artistes, des sportifs, qui se disent français mais qui ne payent pas d'impôt ou très peu en France : Charles Aznavour, que Nicolas Sarkozy est allé écouter à l'Olympia mercredi dernier, est exilé fiscal en Suisse depuis 1972 ; Alain Delon, est exilé fiscal en Suisse depuis 1999 ; Johnny Hallyday, un grand intellectuel, est exilé fiscal en Suisse depuis 2006 ; Guy Forget, capitaine de l'équipe de France de tennis, est exilé fiscal en Suisse depuis 1998 comme la grande majorité des tennismen français. Tous ont été distingués, postérieurement à leur exil, par la légion d'honneur. Monsieur le ministre, je vous propose de vous inspirer de ma proposition de loi du 18 novembre 2010 tendant à interdire la nomination des personnes ayant leur domicile fiscal hors de France à des fonctions de représentation nationale ou territoriale ou aux distinctions nationales. Je vous propose, si vous vous refusez à retenir l'une de mes propositions, de vous appuyer sur celle que votre nouveau collègue, M. Courtial, le nouveau secrétaire d'État des Français de l'étranger – cela tombe bien ! –, présentait en mai 2011 et qui visait à permettre la perte de nationalité pour les citoyens non domiciliés fiscalement en France. Il est plus radical que moi !
Enfin, au sein même de l'Europe, des paradis fiscaux existent. La Suisse, où Renault dispose de sociétés bidon pour rémunérer ses salariés qui sont ailleurs, Monaco, Andorre, le Liechtenstein et le Luxembourg sont de bons exemples. Les instances européennes, elles-mêmes, n'hésitent pas à s'y installer. Le Fonds européen de stabilité financière, qui a pour objet social « de préserver la stabilité financière en Europe en fournissant une assistance financière aux États de la zone euro en difficulté économique », autrement dit, qui accorde une aide à la condition que les États qui en font la demande imposent à leurs peuples des mesures d'austérité, est une entreprise de droit luxembourgeois. Cela ne manque pas de sel !
Je voudrais revenir brièvement, pour conclure, sur les très intéressants propos de M. le ministre, de M. Plagnol et de M. Poniatowski. Le plus intéressant fut sans doute M. Plagnol, qui a parlé d'un « texte peu contraignant », que M. Poniatowski a évoqué, quant à lui, comme un « accord peu contraignant », ce qui est tout de même très proche. M. Plagnol affirme que toutes les demandes françaises ont été acceptées. Ne les prenez tout de même pas pour des imbéciles ! Je suis allé au Panama et aux Bahamas. Ils ont lu Tartuffe et Don Juan : quand vous voulez séduire la belle, vous lui promettez tout et lorsque vous l'avez trahie, vous oubliez que vous l'avez connue, au sens biblique du terme ou au sens postal. Vous n'êtes pas naïf : vous savez que les accords que vous concluez sont des faux nez. Vous ne pouvez pas faire semblant de ne pas savoir.
Monsieur Plagnol, vous avez dit « pragmatique et modeste ». Ça, pour être modeste, c'est modeste ! Vous avez même parlé d'obstacle culturel profond. Je me demande si vous intégrez dans la culture l'optimisation fiscale, l'évasion fiscale, le vol.
Lorsque je me suis rendu au Panama et aux Bahamas, j'ai vu une chose formidable : au bas de certains immeubles, des plates companies, mais sans personne au-dessus, il n'y a que les plaques de cuivre. Et c'est cela que vous légalisez grâce à vos accords : autonomie fragile – c'est le moins qu'on puisse dire –, indépendance relative, voire pas d'indépendance du tout, sauf à l'égard de l'intérêt général.
Enfin, vous avez parlé, monsieur Poniatowski, de la situation de la Suisse comme s'il s'agissait d'un pays moral alors qu'ils sont plus habiles que les autres et ils ont plus de moyens pour truander, si vous me pardonnez cette expression triviale. Vous qui êtes issu d'une grande famille, comment osez-vous, vous défendant d'une approche idéologique – adjectif habilement utilisé pour discréditer le substantif qui précède, car si vous aviez dit « approche éthique », cela n'aurait pas eu le même sens – nous proposer de marchander ce que les voleurs paieraient ? Où va la République ? Depuis quand peut-on vendre son âme et blanchir les voleurs ? Je vous rappelle que le numéro deux de la police lyonnaise vient d'avoir des ennuis pour des pratiques peu orthodoxes. Je ne sais pas ce qu'il en adviendra, présomption d'innocence oblige. Mais vous, que faites-vous ? Vous intégrez ces pratiques peu orthodoxes dans des accords.
Quant à l'engagement de contrôler tous les ans, pour avoir travaillé sur le sujet, je sais que cette faculté n'est jamais utilisée dans les faits et que les États dits non coopératifs le resteront. N'oublions pas, à ce propos, l'île de Saint-Martin, dites les Antilles néerlandaises, qui n'ont qu'une frontière passoire avec l'île de Saint-Martin française, où on assassina un gendarme dont le corps fut violenté sans que les conclusions en fussent jamais tirées.
Évidemment, nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le texte que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans une longue série de conventions et d'accords fiscaux. Notre rapporteur nous l'a rappelé : nous en avons déjà adopté dix-neuf ces derniers mois.
Je me réjouis que la conférence des présidents ait décidé que l'ensemble de ces conventions fasse l'objet d'un seul et même débat. Cela évite en effet de « stigmatiser » un pays choisi au hasard. C'est bel et bien ce à quoi avait en effet abouti la décision de nos collègues du groupe GDR de ne choisir, l'an dernier, qu'une convention dans la liste de celles inscrites à l'ordre du jour.
J'en profite pour signaler à M. Brard, qui a cité des exilés fiscaux du monde du sport et du spectacle, qui a donné des noms de gens plutôt estampillés à droite, que je n'aurai pas la cruauté de lui imposer la longue liste de ceux, marqués à gauche, qu'il a passés sous silence.
Non, car j'estime que nous sommes justement en train de prendre les dispositions nécessaires pour régler ce problème. Restons optimistes.
Là n'est pas la question et je ne m'étendrai pas sur les aspects techniques de ces accords d'échanges de renseignements fiscaux que notre rapporteur a fort bien décrits.
Je rappelle juste que ces accords sont dans la droite ligne des décisions prises par le G 20 lors des sommets de Washington en novembre 2008, de Londres en avril 2009 et de Pittsburgh en septembre 2009, afin de lutter contre les paradis fiscaux et de les réguler.
Dès l'été 2008, la France a été en pointe sur ces sujets et elle a très largement contribué à mettre en place les mesures destinées à lutter contre les pratiques de ces différents paradis fiscaux.
Les accords que nous examinons comportent de réelles améliorations par rapport au modèle de base de l'OCDE.
En commission nous avons été nombreux à nous interroger sur leur solidité : ne sont-ils pas qu'un prétexte pour permettre à ces pays de sortir au plus vite des fameuses listes grises fixées au G 20 de Pittsburgh ?
Le risque existe. Mais des contrôles ont été réalisés dans le courant de l'année 2011, et l'OCDE a pu nous apporter des réponses. L'organisation a, en effet, publié début juin 2011 trente-quatre rapports sur l'état de la législation fiscale des États et sur l'effectivité de leur coopération administrative. Comme 1'a rappelé notre rapporteur, pour engager des réformes en matière de transparence et de contrôle, certains pays n'ont pas attendu la publication de ces rapports par le forum global pour la transparence de l'OCDE.
Nous le voyons, la pédagogie et la stigmatisation pratiquée par l'OCDE fonctionnent plutôt bien. Les évolutions des fameuses listes noire et grise établies lors du sommet de Londres en témoignent : il n'y a plus, à ce jour, de pays sur la liste noire et seuls cinq pays restent sur la liste grise, contre une trentaine au départ.
Certes, des inquiétudes demeurent, je ne le nie pas. Nous nous en sommes fait l'écho lors de nos travaux en commission : comment ces pays, qui ont connu un développement artificiel reposant sur une économie financière opaque, peuvent-ils s'insérer dans le développement économique mondial ?
Mais nous ne devons pas envoyer les mauvais messages. Ces accords sont un début, et nous les prenons comme tel. Ils nous permettront d'avoir une base pour exiger, à terme, des efforts plus importants de nos partenaires, et c'est bien cela, à mon sens, l'essentiel.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ces accords. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion générale commune est close.
La parole est à M. le ministre.
Merci pour cette discussion animée sur des textes à première vue extrêmement techniques mais que vous avez su, messieurs les rapporteurs, rendre vivants.
J'ai bien noté la préoccupation de M. Poniatowski. Il a raison. Les accords entre la Suisse et l'Allemagne, dits accords Rubik, comme les accords dont nous ignorons à ce jour la teneur mais qui se profilent entre la Suisse et la Grande-Bretagne, sont a priori financièrement attractifs. Mais vous noterez qu'ils sont contraires à la politique que nous menons en matière de transparence fiscale ; vous noterez également qu'un rapport gouvernemental doit être fourni sur le sujet et que la Commission européenne doit statuer sur la conformité de ces accords au droit européen. La France n'a, par ailleurs, jamais favorisé l'amnistie fiscale pour les personnes ou les sociétés ayant fraudé qui reviendraient dans leur pays d'origine. C'est la raison pour laquelle, si je vous suis dans l'idée que nous devons aborder ce sujet avec pragmatisme, nous devons également tenir compte du droit européen.
J'ai également entendu les arguments de Mme Fort, de votre excellent rapporteur, M. Plagnol, et de M. Mathus. Comme eux, je considère que le dispositif en place était un dispositif de première étape. N'en déplaise à M. Brard, la lutte contre les paradis fiscaux n'a pas vingt ans. C'est un engagement récent qui remonte à un accord franco-allemand de 2009-2010, marquant la première initiative au plan international. Et c'est à l'occasion du G 20, dont je rappelle que c'est la France qui le préside et qu'il a été mis en place par le Président de la République, qu'apparaît ce type d'accords.
Bien entendu, monsieur Brard, tout n'est pas parfait et, puisque vous goûtez les références religieuses, ce que vous estimez être une absolution de notre part n'évite ni la récidive ni le péché…
Certes ! Ici, ce sont les gris et les noirs qui souhaitent devenir un peu plus blancs, sans connotation raciale. Vouloir ainsi aller vers la transparence est plutôt une démarche qui mérite d'être encouragée.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier la surveillance, qu'il s'agisse des contrôles effectués par les parlementaires sur la bonne application des accords passés ou du suivi administratif, étant entendu que, dans certains de ces micro-États, les structures juridico-administratives sont pratiquement inexistantes. Je ne citerai qu'un chiffre : en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, 231 missions ont été effectuées par 446 experts dans l'ensemble de ces pays.
Nous n'agissons donc pas par idéologie mais avec pragmatisme. Ces conventions nous permettent de franchir une étape juridique de base. Nous faisons en sorte que tous les pays signataires de ces conventions s'engagent, tandis que nous leur apporterons à la fois notre expertise et notre appui, en restant vigilants au respect des accords passés.
Plutôt que de regarder les obstacles à venir, regardons ceux que nous venons de surmonter. Un pas décisif a été franchi au plan international : quarante États ont aujourd'hui signé avec la France des accords sur la transparence fiscale et la lutte contre les paradis fiscaux.
Vous évoquiez Saint-Martin, monsieur Brard ; souvenez-vous que l'homme a partagé en deux son manteau. On peut imaginer que cela symbolise plus de partage d'informations et donc plus de partage de richesses.
Je vais maintenant appeler chacun des textes en discussion, dont aucun ne fait l'objet d'amendement.
Monsieur le ministre, c'est bien de mettre toutes ces questions sous les projecteurs, alors que tout le monde n'y a pas intérêt. Parlons des Pays-Bas, pays de bonne réputation qui accueillit des persécutés sous l'Ancien Régime. Aujourd'hui, lorsque le fisc français veut y contrôler une filiale française, savez-vous comment cela se passe ? Un fonctionnaire néerlandais informe le patron de la filiale française que le fisc français s'intéresse à lui et souhaite le contrôler. Puis il lui demande s'il accepte que le contrôle ait lieu ! Voilà comment fonctionnent vos conventions. En d'autres termes, vous couvrez des pratiques inadmissibles !
Tony Dreyfus évoquait fort justement le Delaware, un État formidable où les assemblées générales se font par téléphone, sans que soit contrôlé le nombre de membres présents. Les États-Unis, qui font volontiers la morale à la terre entière, couvrent cette fraude. Lors du sommet de Pittsburgh – et reconnaissons que le Président de la République n'y est pour rien puisqu'il n'a pas été associé aux conversations –, des échanges ont eu lieu entre M. Hu Jintao et M. Obama à la suite desquels Hong-Kong et le Delaware ont, ô miracle, disparu de la liste des pays aux pratiques nauséabondes.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Je voudrais revenir sur l'OCDE. À vous croire, monsieur le ministre, l'OCDE serait chargée de distribuer des brevets de sainteté. Mais pour vous faire comprendre ce qu'est l'OCDE, permettez-moi la comparaison suivante, avec l'office du Vatican qui, au xvie siècle accordait, en échange de quelques piécettes, des indulgences. Car c'est ainsi que, sous des formes administratives un peu plus élaborées qu'à l'époque, procède l'OCDE aujourd'hui ! L'OCDE n'est nullement une garantie. Lorsque j'ai travaillé sur la fraude, j'ai auditionné plusieurs de ses membres et j'en suis revenu définitivement édifié.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Monsieur Leonetti, vous avez évoqué les accords Rubik et rappelé qui était à la tête de l'État lorsque la lutte contre les paradis fiscaux a été engagée. Certes, mais le Président ne peut pourvoir à tout. Donnez-lui les outils lui permettant de mettre ses actes en accord avec ses propos ! Donnez-lui, à la place de son sabre de bois, un Taser qui lui permette d'atteindre les paradis fiscaux !
Rappelez-vous aussi la visite d'État du sultan du Brunei, grand État démocratique où vous êtes exécuté si vous portez une arme. Cela sentait le pétrole dans toute l'Assemblée ! Voilà sur quelles bases vous concluez vos accords !
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Je ne voulais pas laisser passer l'île de Man sans la pointer du doigt, comme je pourrais le faire pour toutes les îles anglo-normandes. De même que Guillaume Tell pour la Suisse, les héros nationaux ne vous achètent pas une virginité pour l'éternité ! Les plus hautes autorités britanniques, à l'instar des Pays-Bas avec les îles néerlandaises, sont parfaitement initiées aux « pratiques » de l'île de Man, pour employer un terme neutre. On peut les considérer comme les fossoyeurs de la transparence fiscale dans la mesure où elles se montrent particulièrement actives pour protéger les paradis fiscaux qui abritent des pans entiers de l'activité de la City. L'île de Man, comme les autres îles anglo-normandes, proches de chez nous, ne sont pas des territoires où prospèrent la morale et l'éthique. J'ignore si c'est de l'idéologie, monsieur le président de la commission, mais ce sont des pratiques qui méritent d'être combattues, même si cela se passe chez nos voisins britanniques.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
Convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs (nos 3508, 3632).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de quatre heures quarante-six pour le groupe UMP, dont 118 amendements restent en discussion ; de cinq heures vingt-six pour le groupe SRC, dont 45 amendements restent en discussion ; de trois heures trente et une pour le groupe GDR, dont 3 amendements restent en discussion ; de deux heures dix-sept pour le groupe NC, dont 19 amendements restent en discussion ; et de trente-trois minutes pour les députés non inscrits.
Vendredi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 337 , portant article additionnel après l'article 7
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 7.
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l'amendement n° 337 .
Par cet amendement, qui tend à protéger le consommateur, je propose la création d'un label, lequel, j'y insiste, est un indicateur et non une simple allégation.
La France n'est plus épargnée par la pathologie de l'obésité qui constitue une menace pour notre système de santé. À cet égard, protéger le consommateur lorsqu'il souhaite se nourrir entre bien dans le cadre du texte que nous examinons. Une telle protection passant par l'information, je formule l'idée d'une information gratuite permettant au consommateur de disposer de repères nutritionnels, dont l'absence aujourd'hui complique son choix. Dans les nombreux rayons des supermarchés, il n'est, en effet, pas toujours aisé d'identifier les produits alimentaires adaptés aux besoins d'une alimentation équilibrée, et cela est d'autant plus vrai pour les foyers défavorisés qui sont les plus touchés par l'obésité. Je ne reviendrai pas à nouveau sur le coût humain et social de celle-ci, qui intervient dans toutes les maladies mortelles, tout comme d'ailleurs le surpoids qui est aussi un facteur aggravant de toutes les maladies mortelles, en particulier de celles liées à la vieillesse.
Afin de remédier au déficit d'information nutritionnelle, l'amendement, reprenant en cela une proposition de loi visant à créer un logo « label PNNS », pour Programme national nutrition santé, permettra aux consommateurs d'identifier facilement les produits alimentaires et les boissons présentant une qualité nutritionnelle remarquable. Ce label doit aider le consommateur à faire des choix alimentaires équilibrés en lui indiquant, par un logo immédiatement et visuellement identifiable, les produits strictement nécessaires à un régime alimentaire équilibré.
Inspiré du modèle de la clef verte suédoise, ce label ne pourra être attribué que par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, aux produits alimentaires et boissons présentant les caractéristiques nutritionnelles adaptées aux besoins d'une alimentation équilibrée.
Outre la clef verte mise en place par la Suède, le Danemark a pris hier des mesures contre les produits gras, la Grande-Bretagne a mis en place des feux rouge, vert et orange pour les étiquettes alimentaires et la Hongrie a instauré une taxation sur l'alimentation permettant au consommateur de se repérer. Ce que nous proposons aujourd'hui, car la France n'a rien fait depuis 2004, c'est un indicateur positif, lequel devra simplement faire l'objet d'une notification à la Commission européenne puisque, je le répète, il s'agit d'un indicateur et non d'une allégation.
Cette proposition – je le rappelle pour avoir participé, à la demande du Président de la République, à la commission pour la prévention et la prise en charge de l'obésité – a été reprise par le rapport de la Société française de santé publique, qui est la référence en matière de prévention sur l'alimentation. Aussi, j'insiste pour que vous la votiez, d'autant que l'information est gratuite. Il s'agit simplement d'informer le consommateur pour l'éclairer dans ses choix.
La directive 90496CEE qui régit la réglementation européenne en matière de denrées alimentaires insiste d'ailleurs sur la nécessité de cette information, et cette proposition n'est donc en aucun cas en contradiction avec le droit européen.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, rapporteur de la commission des affaires économiques
Je regrette que cet amendement n'ait pas été examiné en commission. Cela nous aurait permis d'avoir un premier débat, comme nous en avons eu sur de nombreux autres sujets, sur lesquels le travail en commission a vraiment permis de faire avancer les choses.
Sur le fond, je partage vos préoccupations, mais je dois, en ma qualité de rapporteur, émettre un avis défavorable. C'est, en effet, un sujet sérieux qui implique à la fois un travail de concertation avec la commission des affaires économiques et, pour le moins, avec la commission des affaires sociales, et un débat avec le ministère de la santé et les différents professionnels.
Découvrant votre amendement, je m'interroge d'ailleurs sur ce qu'est un produit équilibré. Si l'on mange plusieurs produits non équilibrés on a, certes, une nourriture déséquilibrée, mais n'est-ce pas plutôt le repas dans son ensemble qu'il faut considérer ? C'est en effet l'hygiène alimentaire dans son ensemble qui fait que l'on a une alimentation équilibrée, plus que tel ou tel produit. La question mérite donc vraiment d'être approfondie et réfléchie.
Par ailleurs, ce sujet a déjà été évoqué ; et si je rends hommage à votre pugnacité et à votre constance, il n'en demeure pas moins que lorsque nous avons discuté de ces propositions dans le cadre de la LMA, elles n'ont pas été retenues…
Depuis le début de nos débats nous nous sommes fixé une ligne de conduite : nous nous en tenons au texte, tout le texte, rien que le texte. La commission et le Gouvernement ne souhaitent pas rouvrir, à l'occasion de l'examen du projet de loi renforçant la protection des consommateurs, les nombreux débats récents qui se sont déroulés, entre autres, au moment des discussions des lois de modernisation de l'économie, de l'agriculture ou de la loi relative à la nouvelle organisation des marchés de l'électricité. Or les mesures que vous défendez relèvent clairement du secteur de la santé plutôt que de celui de la protection des consommateurs – quand bien même on peut faire valoir que tout est dans tout…
Enfin, la question de l'information des consommateurs est largement prise en compte et il n'est pas tout à fait exact de dire que rien n'a été fait depuis 2004. Nous en avons même débattu dans cet hémicycle il y a peu. J'ajoute qu'un très récent règlement européen – il est en date du 6 juillet 2011 – sur l'étiquetage nutritionnel permet désormais aux consommateurs de disposer d'une bonne information. Autrement dit, madame Boyer, votre préoccupation est désormais satisfaite. Appliquons ce nouveau règlement avant d'en rajouter : il est déjà très contraignant pour les professionnels. Commençons par le mettre en oeuvre.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, pour donner l'avis du Gouvernement.
Le rapporteur vient de le rappeler : nous nous sommes fixé une méthode une méthode. À partir des réclamations des consommateurs, nous avons bâti un texte qui a été discuté en commission. Certaines des dispositions concernées pouvaient d'ailleurs relever du ministère de la santé. Nous avons décidé d'utiliser le délai qui courait entre la réunion de la commission au fond, en juin dernier, et le débat en séance publique, qui nous réunit en ce moment, pour travailler avec les différents ministères et parvenir à dégager des positions concertées avec les différents acteurs. Il est clair que vous n'avez pas suivi ce cheminement pour présenter cet amendement. Il n'a pas été examiné par la commission et nous en prenons connaissance au dernier moment. Ce qui, évidemment, est parfaitement acceptable dans le cadre du fonctionnement parlementaire, mais n'a pas permis de mener le débat au fond.
Vous êtes bien placée pour savoir que le Gouvernement est très impliqué sur la question de l'obésité. La troisième phase du plan national nutrition santé a été lancée le 20 juillet dernier en Conseil des ministres. Il vise, entre autres axes stratégiques, à faciliter l'accessibilité à des aliments de bonne qualité nutritionnelle et à développer des actions d'information et d'éducation nutritionnelle.
Un plan obésité a été lancé à la même date : c'est une première en Europe…
Je sais combien vous êtes engagée sur ces questions ; je ne fais qu'éclairer tous vos collègues.
Ce plan a pour but de mobiliser l'ensemble des partenaires en matière de prévention, notamment en développant le dépistage et en promouvant l'activité physique.
Par ailleurs, un décret vient d'être publié pour fixer la composition nutritionnelle des repas en restauration scolaire. Autant dire que le Gouvernement, tant au niveau du ministère de l'agriculture, en charge de l'alimentation, que de celui ministère de la santé, est résolument engagé dans le combat contre l'obésité.
Ajoutons que de nombreuses chartes de progrès nutritionnel ont déjà été signées entre les entreprises et l'État pour valoriser les efforts des opérateurs en matière de diminution des teneurs des aliments en sucre, en sel ou en graisse.
Pour en venir à la mesure que vous proposez, la restriction de la publicité à certaines denrées est, on l'a dit, de nature à constituer une entrave aux échanges au sens du droit communautaires. Votre amendement vise à rendre obligatoire la présence d'un logo « label PNNS » sur certaines denrées alimentaires dont les caractéristiques nutritionnelles seraient adaptées aux besoins d'une alimentation équilibrée et qui serait attribué sur le modèle de la « clé verte » suédoise ; or celle-ci est utilisée dans les pays nordiques sur la base du volontariat,…
…et non comme une obligation.
Par ailleurs, la clé verte est considérée, au regard de la réglementation harmonisée au niveau communautaire, comme une allégation de santé…
…soumise aux dispositions du règlement relatif aux allégations nutritionnelles et de santé qui impose une autorisation communautaire avant utilisation. Les autorités suédoises ont d'ailleurs suivi cette procédure afin d'autoriser la clé verte au titre d'une allégation de santé. Elles l'utilisent selon des conditions d'emploi précises.
Le logo « label PNNS » est une allégation de santé relevant du champ d'application de ce règlement, qui ne peut pas, s'il n'est pas autorisé, être utilisé sur l'étiquetage ou la publicité de denrées alimentaires au sein de l'Union européenne.
Le rapporteur a aussi fait allusion aux mesures d'harmonisation qui s'appliquent à l'étiquetage des denrées alimentaires au niveau de l'Union européenne. À l'initiative du groupe socialiste, nous avions discuté dans cet hémicycle d'une proposition de loi relative à ce sujet : j'avais rappelé à l'époque que l'Europe travaillait sur une directive d'harmonisation. Les mesures proposées par l'amendement contreviendraient donc aux dispositions communautaires qui ont fait l'objet d'une révision totale dont le résultat doit être publié durant ce mois d'octobre. Ce texte impose notamment un étiquetage lisible obligatoire faisant état de la composition nutritionnelle – énergie, lipides, acides gras saturés, glucides, sucre, protéines et sel – pour permettre au consommateur de faire rapidement un choix éclairé lors de ses achats.
Enfin, du point de vue nutritionnel, il apparaît que la consommation des seuls produits comportant le logo « label PNNS » ne garantit pas pur autant une alimentation équilibrée dans la mesure où le consommateur peut évidemment n'acheter que certaines catégories d'aliments.
Le plus important, c'est l'information globale sur une alimentation équilibrée.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement. Les ministères en charge de ces questions considèrent, dans l'état actuel des discussions, qu'une concertation supplémentaire est nécessaire, que ces mesures ne règlent pas les problèmes et qu'elles contreviendraient de surcroît au droit communautaire.
Monsieur le secrétaire d'État, je veux revenir sur vos arguments même si je les comprends – ils m'ont d'ailleurs déjà été plusieurs fois opposés.
Vous me parlez du débat, mais la commission des affaires sociales a déjà consacré des heures de discussion à cette question pour finalement se rallier à la solution proposée par mon amendement. Il en a été de même au sein de la commission obésité, voulue par le Président de la République – j'y ai siégé, comme d'autres ici, en tant que parlementaire.
Ma proposition est soutenue par la société française de santé publique, par l'UFC-Que choisir, par vingt-sept sociétés savantes et quarante-trois associations, et non des moindres.
J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une allégation nutritionnelle mais bien d'une information, d'une indication. Aujourd'hui, dans les rayons des supermarchés plusieurs aliments sont étiquetés sous la mention « produit de l'année », « riche en fer », etc. Ça, ce sont des allégations. Ce que je vous propose relève d'une démarche volontaire, gratuite, qui vise à protéger le consommateur et particulièrement le consommateur le plus vulnérable.
Il ne s'agit pas de prendre les gens qui font leurs courses dans les supermarchés pour des imbéciles : ils ne vont pas se précipiter sur un produit labellisé, et pas davantage l'exclure de son panier. La question n'est pas là. En revanche, il faut donner une information aux personnes les plus vulnérables, les plus touchées par l'épidémie d'obésité.
Nous discutons d'un texte relatif à la protection des consommateurs : nous ne pouvons pas priver les plus vulnérables d'entre eux d'une information majeure alors même que tous les pays européens réfléchissent au sujet et élaborent leur propre législation en la matière. Pas plus tard qu'hier, nos médias ont mis en avant l'action du Danemark contre les produits gras. La Hongrie a elle aussi instauré une taxe sur les produits trop gras, trop sucrés et trop salés. La clé verte suédoise s'inscrit elle aussi dans le même processus général. Avec mon amendement, il ne s'agit donc pas de contrevenir au règlement européen mais, bien au contraire, de l'accompagner.
Par ailleurs, permettez-moi de vous lire un document rédigé par la DGCCRF en 2010 : « Lors de l'adoption de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, des amendements avaient été déposés afin de prévoir une obligation d'indiquer sur l'étiquetage des aliments le nombre de calories, le contenu en graisses saturées et non saturées ainsi que la teneur en sodium. À titre de compromis, l'article 31 avait été adopté. Il a modifié l'article L. 214-1 du code de la consommation pour préciser qu'un décret en Conseil d'État fixe les règles d'étiquetage relatives à la consommation nutritionnelles. Le décret n'a pas encore été élaboré dans l'attente de la publication d'autres règlements. » En clair, depuis 2004, nous savons ce qu'il faut faire et nous ne l'avons pas fait !
Mon amendement vise à informer et à protéger. Le label PNNS n'est pas une allégation : il ne contrevient pas au droit européen. Il serait malheureux que la France, qui impose aujourd'hui même de nouvelles règles aux cantines scolaires – je connais d'autant mieux le sujet que les mesures en question reprennent l'une de mes propositions de loi –, n'adopte pas un amendement qui permettrait d'entamer une démarche vertueuse avec l'industrie agroalimentaire afin d'orienter les consommateurs vers des aliments équilibrés et bons pour leur santé.
Cette action est gratuite et nous pouvons nous appuyer sur l'industrie agroalimentaire. Nous admettons qu'elle fasse la promotion auprès les populations les plus vulnérables pour des yaourts plus riches en sucre ; je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas, dans une démarche vertueuse menée avec le ministère de la santé, signaler au consommateur les produits équilibrés. J'insiste enfin sur le fait que les associations de consommateurs soutiennent cette démarche, et particulièrement la société française de santé publique, qui fait figure d'expert en la matière.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je ne veux pas intervenir sur le fond du débat sur lequel nous avons déjà discuté dans cet hémicycle lorsque nous avons examiné la proposition de Jean-Louis Touraine – à cette époque, nous attendions le règlement européen paru en juillet dernier. Il est maintenant sorti ; reste à savoir s'il s'agit d'une allégation, comme le soutient M. le secrétaire d'État, ou pas.
Depuis le début de l'examen de ce projet de loi, de nombreux collègues ont eu mille raisons, sans doute comme vous, de défendre des amendements qui n'entraient pas dans le cadre que nous nous sommes fixé. Nous aurions pu ouvrir de nouveaux débats ; nous ne l'avons pas fait.
La commission des affaires sociales, compétente en matière de santé, a longuement débattu du sujet qui vous intéresse, mais, pour notre part, nous n'avons pas discuté du sujet à la commission des affaires économiques. Nous ne pouvons donc pas accepter votre amendement. Vous pouvez poursuivre le travail mené dans votre commission, mais, de grâce, ne persistez pas à vouloir amender ce projet de loi dans ces conditions ! Je souhaite que vous retiriez votre amendement. Dans le cas contraire, j'appellerai l'Assemblée à voter contre.
Je ne me souviens plus précisément de ce qui s'était passé en séance lorsque notre groupe avait inscrit à l'ordre du jour qui lui est réservé une proposition de loi visant à rendre obligatoire l'étiquetage nutritionnel. Il reste que nous sommes sensibles aux arguments de Valérie Boyer.
C'est un sujet immense, un vrai sujet de consommation, personne ne peut le nier. Peut-être peut-on regretter, en termes de méthode, puisque ce texte a été débattu en commission au mois de juillet dernier, que nous n'ayons pas profité de cet été pour faire mûrir la réflexion. Car si le problème posé est un vrai problème, la réponse apportée ici à ce problème ici pourrait être considérée comme incomplètement aboutie.
De quel produit parle-t-on ? Du produit de base, qui constitue l'alimentation, des produits transformés, des produits accommodés, cuisinés ou des produits bruts, en dehors de tout accommodement ? Questions triviales, certes, mais elles montrent bien que les choses ne sont pas si simples.
Nous avons vu passer à la commission des affaires économiques l'étiquetage OGM, l'étiquetage sur le bio, l'impact carbone, la teneur en sucre, autant de sujets importants pour les consommateurs. Il ne faut pas non plus ensevelir le consommateur sous une masse d'informations auxquelles il ne parvient plus à se fier, tant elles sont nombreuses.
Comment faire preuve de pédagogie ? C'est nécessaire car on constate de réels problèmes de santé compte tenu de l'abus de certains produits alimentaires. Mais les traiter comme vous le proposez dès ce soir, madame Boyer, paraît difficile du fait de toutes les questions qui restent en suspens. Peut-être pourriez-vous, dans la mesure où la commission, le rapporteur et le ministre appellent au rejet de votre amendement, demander un rapport au Parlement sur ce point, ce qui permettrait d'ouvrir la question en première lecture, et d'apporter des éclairages au fil des navettes.
Vous dites que le ministre de la santé va agréer tout cela après avis de l'agence – un avis, pas un avis conforme. Quel travail pour le ministre de la santé ! Un individu qui donne son avis sur tout, cela me semble un peu compliqué. On ne sait de quel produit on parle et on voit que les modalités d'arbitrage, de sélection des produits, d'identification ne sont pas totalement abouties.
Des réponses devraient être apportées. Je ne suis pas persuadé que la manière dont nous sommes amenés évoquer ce sujet soit la plus appropriée. En revanche, quitte à ne pas être tout à fait d'accord avec le président de la commission et le rapporteur, je suis convaincu qu'il a toute sa place dans le texte : nous sommes bien là sur des questions de consommation.
Maintenant, comment trouver un moyen pour traiter d'une question dont on a à peine parlé, sans aller jusqu'à voter une disposition qui comporte beaucoup d'incertitudes, ni la renvoyer aux calendes grecques ?
On peut toujours objecter que cette question exige plus de réflexion et que ce genre de mesure est toujours difficile à prendre ; reste que l'amendement précise que ces dispositions seront prises après avis de l'agence française sécurité sanitaire des aliments. Cela signifie donc qu'un travail d'accompagnement serait accompli pour la préparation de ce logo officiel.
Je ne comprends pas l'argument selon lequel cette proposition serait en contradiction avec la réglementation européenne. Il y aurait opposition au niveau de l'Union européenne si l'on pouvait considérer que cela porte atteinte à la libre concurrence – encore faudrait-il en faire la démonstration.
Il nous arrive assez souvent d'adopter qui ne sont pas inscrits dans la réglementation européenne. Vendredi dernier, dans l'article 7 sur l'indication géographique protégée, nous avons anticipé une réflexion en cours au niveau européen, car un rapport est en préparation, qui développera les IGP au niveau des produits non alimentaires. Cela ne nous a pas empêchés d'adopter, et à juste raison, l'extension des IGP aux produits manufacturés.
On peut faire des réponses techniques en objectant que ce n'est pas prêt, que nous anticipons. Mais il n'est pas juste de prétendre que cela contreviendrait à la réglementation européenne, car ce n'est pas le cas.
Après M. Brottes, je voudrais insister sur plusieurs aspects de cette proposition.
Premièrement, quoi qu'en disent le secrétaire d'État, le président de la commission et le rapporteur, nous sommes très clairement dans le domaine de la protection du consommateur. En revanche, on peut estimer, et là, j'en suis d'accord, que ce n'est pas au hasard d'un amendement non discuté en commission, que l'on peut voter ce genre de choses.
Le deuxième élément que l'on ne peut pas opposer, monsieur le rapporteur, c'est d'affirmer que l'ensemble de la commission était d'accord pour ne pas accepter cet amendement. L'ensemble des membres de la majorité de la commission peut-être ; mais vous ne pouvez pas y associer d'autorité l'opposition. Peut-être corrigerez-vous vos propos. Vous avez fait un choix, qui peut être légitime, mais vous ne pouvez pas nous y associer. Je pense qu'il ne s'agit que d'un lapsus, qui n'est pas révélateur, je l'espère, de l'idée que ne compteraient que les membres de la majorité.
Troisième élément, la complexité de cette affaire. Cela paraît simple sur les produits non élaborés ; la difficulté, c'est de le faire pour des produits élaborés. Il faut presque les prendre non par type de produit, mais par produit lui-même.
Cela vaut aussi pour la traçabilité : lorsque vous achetez du jambon, vous en demandez la provenance ; mais quand vous achetez une pizza vous ne demandez pas la provenance du jambon qui est dedans. On pourrait citer quantité d'autres exemples.
Dès que nous sommes dans les produits les plus contestables au niveau de la santé humaine – les produits d'assemblage – nous sommes démunis, car des produits de même apparence peuvent être de consistance et de dangerosité différentes. Il faudra poursuivre la réflexion ; si l'on ne peut pas refuser cette proposition pour les motifs avancés, ce n'est pas au hasard d'un amendement que l'on pourra résoudre cette question
Enfin, je voudrais demander amicalement à Mme Boyer qu'elle me définisse la notion « d'épidémie d'obésité »… Je croyais qu'une épidémie supposait une contagion. L'obésité est-elle à se point transmissible lorsqu'on se rapproche les uns des autres ? (Sourires.)
Je souhaite apporter deux précisions.
Le droit à la consommation, c'est d'abord la protection des intérêts économiques des consommateurs à l'occasion de contrat, d'action en responsabilité – ce qui relève pleinement et uniquement du domaine de la commission des affaires économiques.
Il y a un deuxième volet : la protection de la santé, de la sécurité des consommateurs. Dans ce cas, la commission des affaires économiques est forcément compétente, mais d'autres commissions peuvent l'être ; et il en va de même avec les ministres. Il faut travailler plus en amont sur ces sujets-là, pousser davantage la concertation que ce que l'on fait pour ceux qui relèvent exclusivement de la compétence de la commission des affaires économiques.
Il y a aussi une troisième dimension dans le droit de la consommation : les aspects de procédure, qui touchent parfois à des professions réglementées. La commission des affaires économiques reste compétente, mais elle a parfois besoin de consulter la commission des lois. Le droit de la consommation n'est pas un bloc unique, mais trois ensembles. Selon les sujets que l'on touche, on est seul compétent, ou fondé à formuler un certain nombre de remarques : il faut prendre le temps de la concertation avec d'autres commissions.
Enfin, monsieur Gaubert, quand l'Assemblée nationale a adopté un texte, on dit qu'elle l'a adopté. De la même façon, quand la commission arrête une position, on dit que la commission a pris une position. Il y a une majorité et une opposition, les uns et les autres votent ; chacun sait tout ne se décide pas à l'unanimité. Je retire mes propos, si vous vous êtes senti englobé dans la démarche votée par la majorité de la commission, et devenue celle de la commission, qui consiste à rester sur le texte, rien que sur le texte.
Plusieurs d'entre vous ont alerté Mme Boyer sur la complexité de mise en oeuvre de la disposition. Nous sommes tous d'accord sur l'idée, mais je pense qu'il faut encore y travailler. Mme Boyer, par exemple, parle d'une simple possibilité, facultative, alors qu'il est écrit « doit » dans son amendement. Ce texte mérite d'être retravaillé. Il est fait référence à une agence qui n'est plus tout à fait la même agence.
Dans l'absolu, je le répète, nous sommes d'accord, mais ce texte mérite d'être examiné de plus près. Je pense que l'amendement ne peut pas être adopté en l'état ce soir.
Il faut prendre garde à la connexion avec le droit européen. Il y a eu un débat sur la notion d'allégation. Je ne suis pas sûr que vous ayez raison.
Pour le reste, un règlement vient d'être adopté. Je me souviens des débats passionnants en commission au sujet de la proposition de loi de M. Touraine, auxquels j'ai largement participé. Nous avions discuté de ce règlement que nous attendions tous. Nous avions eu peur qu'il n'aboutisse pas. Et au sein du Conseil, il y a eu un accord avec le Parlement européen et le règlement a été adopté. Nous devons tous nous en réjouir. Il est très important sur l'étiquetage nutritionnel, attendu depuis très longtemps. Il a été adopté au mois de juillet alors de grâce ! commençons à appliquer ce règlement qui permettra une bonne information du consommateur, avant d'aller plus loin et de compliquer encore les choses.
Mes chers collègues, je crois devoir encore vous apporter quelques précisions.
Monsieur Gaubert, je comprends très bien vos propos sur les produits transformés par rapport aux produits non transformés. Mais si nous arrivions déjà à une information sur les produits non transformés, nous aurions déjà beaucoup progressé dans l'information des consommateurs.
Je pense que la procédure qui vous est proposée est simple, puisque les modalités doivent être fixées par un décret en Conseil d'État pour la délivrance du label, afin que les industriels puissent aller vers le ministère pour obtenir ou non ce logo.
Ce débat ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe. J'ai cité tout à l'heure le texte adopté en 2004, dont les décrets d'application ne sont toujours pas publiés – j'insiste sur ce point. Tous les débats que nous avons eus au sein de la commission des affaires sociales et dans la mission obésité demandée par le Président de la République ont repris la proposition n° 8.
En ce qui concerne l'Europe, comme c'est un indicateur et non une allégation, la France devra effectuer une simple notification à la commission européenne. Comme vous avez pu le comprendre, je ne vais pas retirer l'amendement. Mais si, par hasard, il n'était pas adopté, je trouverai très triste que l'on trouve encore des raisons pour ne pas avancer sur ce sujet majeur. Nous sommes au coeur du dispositif de la protection des consommateurs.
Pendant toute la mandature, si mon amendement n'est pas adopté, je continuerai néanmoins à me battre pour qu'il le soit, comme je l'ai fait pour l'équilibre nutritionnel dans les cantines scolaires – voté par l'Assemblée nationale, retiré par le Sénat, puis remis dans la LMA. Plus de quarante députés ont cosigné cet amendement et ils ne sont pas seulement membres de la commission des affaires sociales. Cela prouve que le travail de discussion a été fait. Je suis prête à voir avec le Président Méhaignerie pour qu'on en discute, parce qu'il est lui-même favorable à ce type de proposition.
La semaine dernière, nous avons parlé pendant de nombreuses heures des lentilles de contact et des verres correcteurs. Nous avons été amenés à modifier le code de la santé publique. J'avais rappelé que la commission des affaires sociales n'avait pas été saisie en l'espèce de ce dossier et que quelque part elle aurait pu l'être.
Nous nous trouvons un peu dans la même situation avec cet amendement. Je ne reprendrai pas les remarques déjà formulées. Madame Boyer, pourquoi n'avez-vous pas déposé une proposition de loi…
…examinée dans une niche UMP, puisque, apparemment beaucoup de vos collègues sont d'accord avec vos propositions, que nous partageons également.
Cela permettrait peut-être une belle unanimité sur nos bancs.
La discussion sur les lentilles portait sur un point particulier, à savoir la possibilité pour le consommateur de faire une réclamation. En outre, le dispositif figurait dans le texte initial présenté par le Gouvernement, ce qui n'est pas le cas de la proposition de Mme Boyer. Il a fait l'objet d'un travail en amont avec le ministre de la santé. La commission des affaires économiques s'est appuyée sur l'étude d'impact qui a été publiée pour faire des propositions.
En commission – vous vous en souvenez certainement, madame Massat –, j'ai dit que les sujets concernant les questions de santé étaient des sujets sensibles et que tout en entendant les propositions des uns et des autres, il me fallait travailler avec ma collègue chargée de la santé. La commission des affaires économiques et le ministère de la consommation ne peuvent pas décider seuls sur ce qu'il convient de faire.
J'ajoute, et M. Brottes ne me démentira pas, que le cabinet du ministère de la santé et Mme la secrétaire d'État chargée de la santé étaient à mes côtés. Ils ont longuement travaillé sur le sujet. Il y a eu des échanges avec le rapporteur et les parlementaires présents.
Avec votre amendement, madame Boyer, nous ne sommes pas dans la même situation. Je préférerais bien sûr que vous le retiriez d'autant qu'un point ne souffre aucun doute : votre amendement instaure bel et bien une obligation, c'est écrit noir sur blanc, alors que les allégations sont contraires au droit communautaire. Vous faites référence à la procédure en cours en Suède ; or la Suède, vous pouvez vérifier, a suivi la procédure de consultation de la Commission européenne, parce que c'est la règle.
C'est une allégation, une obligation, cela ne fait pas le moindre doute.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour ces précisions.
J'ai oublié de répondre à notre collègue sur l'expression « épidémie d'obésité », même si ma proposition ne concerne pas uniquement les personnes obèses ou en surpoids. Elle concerne tout le monde, tous les consommateurs. On parle d'épidémie dans la mesure où, avant d'être un problème de santé, cette maladie est un problème de société qui touche certaines catégories de la population pour des raisons multifactorielles, qui ne tiennent pas qu'à l'alimentation.
Si nous sommes d'accord sur le principe, je suis prête à revoir la rédaction de l'amendement. Mais il serait vraiment dommage, dans un texte relatif à la protection et à l'information des consommateurs, de ne pas informer précisément les consommateurs. On accepte aujourd'hui toutes sortes d'informations, parfois très tendancieuses. Que signifie par exemple « élu produit de l'année » ? On sait que c'est une marque qui a été achetée. Apparemment, cela ne gêne personne. En revanche, donner une information sur la qualité nutritionnelle des aliments, extrêmement difficile à trouver, cela semble poser problème. Les autres pays de l'Union européenne le font. Pourquoi pas nous, alors que nous disposons de tous les outils nécessaires ?
(L'amendement n° 337 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 489 .
La parole est à M. André Chassaigne.
Cet amendement concerne l'étiquetage.
La loi portant modernisation de l'agriculture et de la pêche a introduit la possibilité de faire figurer l'indication du pays d'origine pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé. Cette disposition facultative n'a pas trouvé de traduction réglementaire pour l'ensemble des produits concernés. Alors que les producteurs subissent aujourd'hui une concurrence déloyale des productions des pays tiers, les consommateurs ne sont pas informés de façon obligatoire et rigoureuse de l'origine des produits qu'ils achètent, en particulier pour les produits transformés. Cet amendement vise donc à garantir une information claire du consommateur sur l'origine des produits alimentaires qu'il achète, quels que soient les produits concernés et leur degré de transformation. Cette obligation constitue également pour les producteurs français un moyen d'être assurés de l'indication de l'origine de leur production. Nous disposerions ainsi d'un levier contre la spéculation sur les produits alimentaires.
Permettez-moi de m'attarder quelque peu sur cet aspect. L'ensemble des productions agricoles alimentaires fait désormais l'objet d'un appétit spéculatif grandissant au fil des rounds de négociations, du GATT à l'OMC. Le secteur agricole a été progressivement introduit comme monnaie d'échange entre États ou groupes régionaux pour lever les réticences à l'ouverture des échanges de biens manufacturés ou de services. Les agents économiques confortés par cette déréglementation financière et la dérégulation des marchés voient désormais dans ce secteur un potentiel de profit considérable. Il n'est alors pas étonnant de voir un quintal de blé, de maïs ou de soja s'échanger plus de vingt fois sans avoir été produit, avec le miracle des marchés à terme, ou sans jamais avoir quitté son lieu de stockage. Dans le même temps, pour la grande distribution et les centrales d'achats, la recherche des coûts de production les plus faibles pour accroître leurs marges est devenue le fil directeur de la stratégie commerciale. Les conséquences de cette politique passent souvent inaperçues pour les consommateurs qui ne voient pas de baisse de prix, et les étiquettes d'emballage n'imposent pas l'inscription de l'origine des denrées alimentaires.
Ainsi, en France, l'on assiste à l'effacement progressif de l'ensemble des productions légumières parallèlement à une croissance vertigineuse des importations pour ces produits. La part des quantités importées de légumes dans la consommation française ne cesse de croître, atteignant 39 % en 2008. Entre 1999 et 2008, les importations de légumes ont progressé de 48 % en volume, soit plus 35 % pour le marché des légumes frais et 66 % pour le marché des légumes d'industrie. Pour ce dernier marché, les légumes transformés que l'on retrouve dans nos conserves et produits préparés les plus courants, les chiffres sont éloquents : plus 277 % des volumes importés de carottes en dix ans, plus 185 % pour l'oignon, plus 133 % pour le maïs doux, plus 76 % pour la tomate, plus 54 % pour le haricot vert. Cette croissance vertigineuse des volumes importés se fait essentiellement en provenance des pays tiers, de plus en plus éloignés, en particulier les pays d'Asie du sud-est, aux coûts salariaux toujours plus faibles.
Les conséquences environnementales, humaines et sanitaires de l'éloignement des sites de production et de consommation sont dramatiques. Seuls sont pris en considération la logique financière, le profit des grands opérateurs qui cherchent à disposer de coûts de production et de prix d'achat toujours plus bas.
Je voudrais citer l'exemple des haricots verts ou des cornichons extra fins ou rangés à la main. Les distributeurs augmentent les prix en vantant la qualité du produit et du savoir-faire tout en important la quasi-totalité de ces productions en mettant en place des filières entières dans les pays du sud.
Pour illustrer ces propos, je reprendrai les extraits d'un livre de mon ami Gérard Le Puill intitulé Planète alimentaire : l'agriculture française face au chaos mondial :
S'agissant des surgelés, une poêlée de légumes bien de chez nous – je ne citerai pas l'entreprise agroalimentaire – peut provenir d'une demi-douzaine de pays. Les choux-fleurs arrivent de Pologne, car le prix de revient est inférieur à 30 % à celui des choux-fleurs bretons. Les choux brocolis viennent du Guatemala, les poivrons de Turquie, les asperges du Pérou, les haricots verts du Kenya, les petits pois et les champignons de Chine. Reste à savoir d'où vient l'emballage.
Que lit-on sur l'emballage de ce produit surgelé ? Des informations en tous genres, mais aucune indication sur le lieu de conditionnement, le lieu de fabrication. Or cela y figurait il y a quelques années.
En revanche, on y trouve une multitude de conseils de préparation, la composition – haricots verts, aubergines grillées, salsifis, poivrons rouges, oignons et j'en passe –, des indications technique telles que : « tous nos produits sont le résultat d'une démarche exigeante qui leur assure une qualité optimale », « les étapes clés sont un choix d'outils et de production modernes et performants », « une sélection rigoureuse de matières premières », « une fabrication qui respecte un cahier des charges strict adapté à chaque recette », « un contrôle de la qualité des produits aux différentes étapes de la fabrication », mais absolument rien sur le lieu de conditionnement, rien sur l'origine des produits sinon que « ce produit a été développé pour vous par nos équipes de spécialistes », « merci de nous faire part de vos remarques sur le coupon-réponse de l'emballage » ou encore, autre précision dont l'importance ne vous échappera pas : « 1073 - 45 C - 2 heures 51 -emballage 22 136 » !
La moindre des choses serait que l'étiquetage indique la provenance des produits que l'on consomme…
…ainsi que le lieu de l'emballage.
D'une part, le consommateur a le droit de savoir ce qu'il consomme et d'autre part, l'on rendrait service à notre agriculture et à nos agriculteurs. Car il y a tromperie. Avec ces produits importés, les prix continuent d'augmenter, environ 2,1 % par an alors que l'inflation est de 1,6, 1,8 %. C'est inacceptable. Non seulement le consommateur est trompé, mais le producteur de notre pays ne peut plus vendre ses productions, parce qu'on utilise ces importations cachées pour agir sur les prix.
Comme toujours, notre collègue André Chassaigne a défendu son point de vue avec fougue, conviction et arguments à l'appui. Dans l'absolu, l'on ne peut que partager sa préoccupation.
La difficulté pour la France, qui est dans le Marché unique européen, c'est qu'elle ne peut rien décider toute seule. En 1957, la France s'est engagée dans le Marché commun, devenu depuis le Marché unique européen, fondé sur la libre circulation des marchandises et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité des produits.
La proposition d'André Chassaigne heurte de plein fouet le principe de libre circulation des marchandises, au coeur du Marché unique européen. Depuis, l'Europe a autorisé des dérogations pour certains produits, mais tout cela est très encadré par les textes communautaires. La règle qui prévaut est le principe de non-discrimination. Certes, des dérogations existent, vous en connaissez un certain nombre, M. le secrétaire d'État sera à cet égard plus précis que moi. Mais ces dérogations sont très encadrées par le droit européen. Or l'amendement de M. Chassaigne est contraire au droit européen en raison du principe de primauté. Si nous l'adoptions, nous aurions un texte contraire au droit européen, donc illégal et inapplicable.
Oui, monsieur Chassaigne, la France doit davantage encore alerter l'Europe sur ces sujets. Oui, l'Europe doit être plus présente dans le monde. Dans le cadre des négociations de l'OMC notamment, il y a un vrai sujet de débat sur l'origine des produits qui entrent dans l'Union européenne. Mais en l'occurrence, nous ne pouvons adopter votre amendement en l'état. Avis défavorable donc.
André Chassaigne a parfaitement exposé le problème en démontrant qu'il était nécessaire d'indiquer l'origine des produits sur les étiquettes.
C'est la politique du Gouvernement. Depuis des mois, nous travaillons sur le sujet. La DGCCRF est à la manoeuvre au niveau européen pour négocier sur de nouvelles catégories de denrées alimentaires pour lesquelles nous voulons, comme vous, un étiquetage indiquant l'origine du produit.
Je comprends, monsieur Chassaigne, que vous n'acceptiez pas l'argument de l'incompatibilité avec le droit européen. Mais c'est ainsi : je suis obligé de vous dire que le droit européen s'impose aux droits nationaux. Quand un dispositif est contraire au droit européen, on ne peut pas l'adopter, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire.
Aujourd'hui, beaucoup de produits alimentaires sont d'ores et déjà soumis à une obligation d'étiquetage concernant leur origine : je pense au poisson, qu'il s'agisse de la zone d'élevage ou de pêche, à la viande bovine, au vin, aux fruits et légumes frais, au miel, à l'huile d'olive vierge, aux produits issus de l'agriculture biologique et aux produits bénéficiant d'une appellation d'origine. Nous reviendrons à la question de l'indication géographique protégée, à laquelle vous avez apporté votre contribution à travers un amendement qui a été adopté, car elle concerne également les produits alimentaires, comme vous le savez.
Pour ces aliments, le dispositif que vous souhaitez mettre en place existe d'ores et déjà.
S'agissant de votre souhait de voir l'obligation d'étiquetage des denrées alimentaires se généraliser, il ne faut pas oublier les combats que nous menons et les points sur lesquels nous avons obtenu satisfaction. Cette obligation va être renforcée au niveau européen grâce au règlement relatif à l'information du consommateur sur les denrées alimentaires, le règlement INCO. Les négociations menées au niveau européen vont tout à fait dans votre sens puisque l'indication obligatoire de l'origine va dorénavant concerner les viandes fraîches et surgelées de porc, de mouton, de chèvre et de volailles. En outre, la Commission européenne établira des rapports, assortis le cas échéant d'initiatives législatives, dans lesquels elle étudiera l'opportunité de rendre obligatoire la mention de l'origine du lait en tant que tel et en tant qu'ingrédient dans les produits laitiers, de la viande en tant qu'ingrédient, des denrées non transformées, des denrées mono-ingrédient et des ingrédients présents à 50 % ou plus dans une denrée.
Cette extension se fera à l'initiative de la France. Notre pays est en pointe s'agissant de l'origine des produits. C'est moi-même qui ai la responsabilité de mener les négociations à ce sujet avec l'appui de la DGCCRF qui me représente.
Vous le voyez, nous sommes aujourd'hui pleinement engagés dans le combat que vous appelez de vos voeux. C'est la raison pour laquelle j'aimerais que vous retiriez votre amendement car il est contraire au droit communautaire. Ajoutons que ce dernier autorise l'étiquetage volontaire. Je vous vois sourire, monsieur Chassaigne, mais ce n'était pas un combat gagné d'avance.
Si nous avons pu adopter votre amendement concernant l'indication géographique protégée des produits artisanaux, c'est que dans les mois qui ont précédé le dépôt de ce projet de loi, nous avons négocié avec l'Europe pour obtenir l'autorisation de mettre en place une telle IGP.
L'objectif que vous défendez dans votre amendement, le Gouvernement le partage ; malheureusement, l'instauration d'une obligation générale que vous proposez est contraire au droit communautaire. Je ne peux donc émettre un avis favorable.
Permettez-moi de vous rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, dans cet hémicycle, nous avons voté, dans le cadre de la loi HPST, des dispositions concernant les prothèses dentaires visant à rendre obligatoire la mention de leur origine, leur traçabilité et leur composition.
Pourquoi en est-on venu à voter ce dispositif dans un texte sur la santé ? Personne n'ignore que ces prothèses proviennent de pays lointains – évolution voulue par certaines mutuelles pour faire baisser les coûts – qui ne sont pas les plus en avance sur les questions d'hygiène et les obligations sociales qui doivent accompagner le travail de leurs salariés, pour dire les choses de façon policée. Les dentistes ont souhaité que la traçabilité et l'origine des produits qu'ils mettent dans la bouche de leurs patients puissent être garanties à ces derniers.
Aujourd'hui, j'avoue que je suis consternée, même si on invoque le droit communautaire, par le fait que l'on ne puisse pas offrir aux consommateurs la garantie de savoir où les produits alimentaires ont été cultivés, emballés, surgelés ou mis en boîte. Quand on sait dans quelles conditions d'hygiène et dans quel environnement social et écologique sont produites certaines denrées alimentaires, comment ne pas inciter, si ce n'est obliger, les industriels à mentionner leur origine ?
Il est incompréhensible que le consommateur ne sache pas que les petits pois qu'il achète viennent de Chine et ses asperges du Pérou. C'est absolument contraire aux droits des consommateurs aujourd'hui. Dans certains pays, la législation impose cette mention de l'origine. Pourquoi la France ne va-t-elle pas plus loin en imposant à son tour que de telles informations soient mentionnées ?
D'un côté – et c'est une très bonne chose –, on contraint nos agriculteurs à améliorer leurs conditions de production, notamment d'un point de vue social avec toutes les difficultés qui s'y attachent, et on leur impose d'utiliser certains produits ; de l'autre, on propose aux consommateurs des produits qui viennent d'on ne sait où sans que ces conditions soient respectées.
Dans une loi relative à la protection des consommateurs, il est de notre devoir de permettre au consommateur de savoir où sont cultivées les denrées alimentaires qu'il achète, où elles sont emballées et dans quelles conditions !
C'est exactement le sens de la politique du Gouvernement.
À l'heure où tant de problèmes se posent en matière d'hygiène et de santé publique, la réponse consistant à opposer qu'il faut encore attendre ne me semble pas aller dans le sens de la protection du consommateur.
Avant d'en venir à la problématique européenne, je voudrais rappeler que le premier débat est de savoir si informer, c'est discriminer. La langue française peut avoir plusieurs acceptions pour même mot, mais informer n'est pas discriminer. Il est tout de même normal – cela a déjà été dit par d'autres – que tout consommateur puisse avoir accès à une information minimum sur le lieu de production, le lieu de conditionnement et la composition des produits qu'il mange. Libre à lui ensuite de les acheter ou pas.
Si l'on considère qu'informer revient à discriminer, cela signifie que l'on a des choses à cacher.
Je ne le dis pas pour vous, monsieur le rapporteur. C'est une réflexion générale car de tels propos sont bel et bien tenus, notamment à Bruxelles, au nom du libre commerce. Est-ce à dire que le libre commerce suppose que les produits ne doivent pas être normalisés et reconnaissables par le consommateur ?
Par ailleurs, dans cet hémicycle, nous avons longuement débattu du Grenelle de l'environnement. J'avais cru comprendre que le bilan carbone voulait dire quelque chose. Il faudra bien qu'un jour, il soit appliqué aux produits alimentaires. Mettre du poulet de Malaisie dans des pizzas produites en Bretagne pour être vendues à Paris est quand même un peu curieux ! Peut-on considérer qu'un tel circuit respecte les principes que nous-mêmes nous nous sommes fixés ? Si nous avons passé tant de séances à échanger des arguments sur lesquels nous étions du reste plutôt d'accord – la loi Grenelle I a été adoptée à la quasi-unanimité –, ce n'était pas simplement pour le plaisir de travailler la nuit mais parce que nous avions envie de changer les choses. Malheureusement, ces principes ne se traduisent pas concrètement, en particulier pour les produits alimentaires, domaine où cette évolution devrait pourtant se faire en priorité.
Enfin, j'en viens au débat européen. On nous oppose certains arguments mais il faudrait vérifier qu'on les oppose à d'autres pays. En ce qui concerne les étiquetages, les Allemands sont très en avance sur nous.
Ils viennent d'être condamnés !
Il me semble pourtant que l'Allemagne appartient à la même Union européenne que nous. La seule différence, c'est que lorsque les autorités allemandes sont questionnées à ce sujet, elles renvoient avec une certaine facilité aux Länder et il n'y a jamais de réponse.
Tout à l'heure, il a été souligné que les Suédois avaient obtenu certains aménagements…
…que nous, nous ne pourrions pas obtenir.
Lorsqu'a été évoquée, lors du débat sur la loi de modernisation agricole, l'organisation des producteurs de lait en Hollande et de porc au Danemark, il nous a été expliqué que les aménagements dont ils bénéficiaient se justifiaient par l'antériorité, et que cela ne valait pas pour les autres… Ce qui montre bien que lorsqu'un pays veut des dérogations, il peut les obtenir.
Rappelons en outre que jusqu'à maintenant, les règles de ce genre étaient prises à l'unanimité et que nos gouvernements, de droite comme de gauche, ont parfois failli en acceptant un peu trop rapidement certains textes. Il faut le dire, des imprudences ont été commises. En ce moment même, un règlement sur les produits biocides est en train d'être discuté et je ne suis pas sûr que la France a la présence qu'elle devrait avoir à Bruxelles pour défendre ses intérêts.
Le Gouvernement devrait aussi s'interroger sur les débats préparatoires qu'il importe de mener pour que les textes européens soient le plus conformes possible à ce que nous souhaitons.
Bref, il est inacceptable qu'on nous oppose ces arguments pour nous expliquer que les consommateurs n'ont pas à savoir d'où viennent les produits qu'ils achètent. C'est un droit élémentaire !
C'est inadmissible ! On exige de faire figurer l'origine pour les vêtements et pas pour les aliments !
Pour ma part, je m'en tiens aux textes et j'aimerais vous lire l'article L. 112-1 du code de la consommation que l'amendement n° 489 se propose de modifier : « Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d'indication de l'origine des denrées alimentaires, l'indication du pays d'origine peut être rendue obligatoire pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé. La liste des produits concernés et les modalités d'application de l'indication de l'origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État. Si l'on remplace les mots « peut être » par le mot « est », comme M. Chassaigne le suggère, cela viderait l'article de son sens puisqu'il est lié à l'établissement d'une liste de produits, après accord de l'Europe.
Je confirme qu'à l'échelle du ministère de l'agriculture comme de l'ensemble du Gouvernement, il existe une démarche commune pour que cette liste comprenne le plus possible de produits. Encore faut-il que l'autorisation européenne précède la mise en application.
Tout d'abord, je tiens à remercier le rapporteur comme le secrétaire d'État pour la précision dont ils ont fait preuve dans leurs réponses. Même si je ne partage leurs analyses, j'apprécie la qualité des informations qu'ils ont données. Mes collègues reconnaîtront avec moi que c'est suffisamment rare pour être souligné.
C'est une constante depuis le début de nos débats sur ce projet de loi : nous constatons qu'un travail est fait, qui tient compte des amendements des députés, sur quelque banc qu'ils siègent.
Je maintiens néanmoins mon amendement, car je ne suis pas convaincu par votre argumentation, toute fournie et précise qu'elle soit. Si nous voulons faire bouger les choses, il faut adopter des amendements à des projets de loi : cela donnera un coup de fouet qui permettra d'avancer beaucoup plus vite dans la direction que vous avez indiquée tout à l'heure.
Car c'est tout de même incroyable qu'on ne puisse même pas savoir où un produit a été emballé ! Il y a quelques années – je vérifiais systématiquement –, c'était indiqué. Aujourd'hui, on n'y a même plus droit !
Ce n'est pas simple, je le sais bien : l'origine peut changer, c'est vrai. Mais il faudrait au moins savoir si le produit est d'origine européenne ou pas ! Or, là, nous n'avons rien. Il y a une tromperie du consommateur – une tromperie par omission.
J'appelle votre attention sur un point. Avant de nous séparer vendredi pour récupérer un peu, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous discutions de la coutellerie. Eh bien, j'ai eu l'occasion de rencontrer ce week-end des représentants de ce secteur, à l'occasion d'une manifestation qui se tenait dans ma circonscription : ils me disaient que la question de l'origine de leurs produits leur était posée de plus en plus souvent.
De plus en plus, le consommateur veut savoir d'où vient le produit. Ensuite, il achète ou il n'achète pas – car il y a des conséquences sur le coût, évidemment. Mais il y a une augmentation des produits manufacturés chez nous ; c'est très net pour la coutellerie : il y a une véritable remontée de la production française.
Un consommateur, j'en suis persuadé, aime savoir d'où vient le produit qu'il achète ; et c'est encore plus vrai quand il s'agit d'un produit alimentaire !
Nous partageons tous cet état d'esprit ; il faut donc que nous fassions preuve de volontarisme.
Les uns et les autres ont avancé de nombreux autres arguments en faveur de cet étiquetage, notamment après le Grenelle de l'environnement : l'importation du Guatemala, d'Inde, d'un peu partout, a des conséquences en termes de réchauffement climatique, de bilan carbone. Parce qu'il est aussi un éco-citoyen, qui aime savoir s'il achète un produit local, un produit européen, ou un produit venu de lieux beaucoup plus distants, le consommateur doit savoir ce qu'il achète !
Avancer sur la question de l'étiquetage dans cette loi sur la consommation, c'est aussi un service à rendre à notre agriculture.
La grande distribution, en particulier, joue sur ces importations cachées, secrètes ! Ils ne disent pas d'où viennent les produits, et ensuite ils font pression sur les coûts à la production. C'est ce qui explique la disparition, chez nous, de nombreux producteurs, par exemple de légumes, et c'est une catastrophe ! Indiquer l'origine du produit, ce n'est donc pas seulement servir le consommateur, c'est aussi servir nos territoires et l'agriculture française.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous prie de m'excuser si je n'ai pas été assez attentive, mais le décret prévu à l'alinéa 3 de la loi de modernisation de l'agriculture a-t-il été pris ? S'il ne l'a pas été, pouvez-vous nous dire quand il le sera, et s'il l'a été, quels types de productions mentionne-t-il ?
D'autre part, ce qu'a dit André Chassaigne me semble extrêmement important. Prenons l'exemple des producteurs de légumes, et plus particulièrement de tomates, qui vous le savez ont été très affectés cette année par la crise de la bactérie Escherichia coli : les ventes se sont effondrées, les stocks se sont accumulés, notamment en Bretagne.
Or on constate que la provenance de la tomate vendue fraîche peut parfois apparaître dans certains supermarchés ; en revanche, si vous achetez de la purée de tomates ou de la sauce tomate, vous ne savez rien de l'origine. Je partage l'opinion d'André Chassaigne : ce n'est pas normal.
Quand on voit les difficultés auxquelles sont confrontés les producteurs de légumes, c'est un problème majeur. J'aimerais donc quelques précisions sur ces sujets.
Nous sommes tous ici – le Gouvernement, les parlementaires sur tous les bancs – d'accord sur la nécessité de renforcer l'affichage et l'étiquetage sur l'origine des produits. C'est, je crois, ce qui ressort de cette discussion.
C'est la politique de la France, et je vous ai donné la liste de ce que nous venons d'obtenir de l'Europe grâce à l'action que je mène avec la DGCCRF. Jusqu'ici, cela concernait les poissons de zones de pêche ou d'élevage, la viande bovine, les vins, les fruits et légumes frais, les miels, l'huile d'olive vierge, les produits issus de l'agriculture biologique ; désormais, l'affichage sera en plus obligatoire pour les viandes fraîches et surgelées de porc, de mouton, de chèvre et de volaille ; nous venons d'obtenir que la Commission européenne établisse des rapports sur l'origine du lait en tant qu'ingrédient dans les produits laitiers, de la viande en tant qu'ingrédient, des denrées non transformées, des denrées mono-ingrédients, des ingrédients présents à 50 % ou plus dans une denrée.
Ces avancées doivent maintenant se mettre en place progressivement. On voit bien quel est le sens de l'histoire, et cela se fait, je le rappelle, à l'initiative de la France.
Si, malgré cela, nous ne pouvons vraiment pas être favorables à l'amendement de M. Chassaigne, c'est qu'il serait contraire au droit communautaire.
Je précise à M. Gaubert que les Allemands viennent d'être condamnés par la cour de justice de l'Union européenne, car ils avaient mis en place un label d'origine allemande.
Nous sommes aujourd'hui ceux qui mènent le combat pour que l'information sur l'origine soit obligatoire pour des produits de plus en plus nombreux. Mais cela ne peut se faire que s'il y a un accord au niveau européen. C'est d'ailleurs bien compréhensible : sinon certains pays risqueraient de bloquer des produits, notamment français. Il faut donc aussi penser à l'intérêt de nos agriculteurs qui exportent, en particulier vers d'autres pays européens.
Nous avançons donc, nous négocions, nous développons la liste des produits concernés par l'obligation, mais nous ne pouvons pas décider ici d'une obligation générale pour tous les produits.
Je veux ajouter que les acteurs économiques ont la possibilité de développer l'affichage de l'origine des produits de manière volontaire. Les industriels comprennent d'ailleurs très bien l'intérêt de ce type de démarche : ainsi, un certain nombre d'indications sur l'origine de la viande porcine ont été mises en place avant d'être obligatoires. Dès lors qu'il y a, comme le disaient André Chassaigne et Jean Gaubert, une demande des consommateurs, l'intérêt des acteurs économiques, c'est de développer l'affichage de l'origine.
Mais décider d'une obligation générale ne serait pas conforme au droit communautaire. C'est la raison pour laquelle nous sommes très défavorables à cet amendement.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le secrétaire d'État, de toutes ces explications ; mais je persiste à ne pas comprendre pourquoi il faut mener de telles négociations pour les produits alimentaires. Pour les vêtements, on a l'origine de la doublure, la composition de la doublure, l'origine des boutons, la composition du tissu… On a vraiment des étiquettes à rallonge ! (Sourires.)
Pour la nourriture, il faut déployer de grands efforts pour ajouter des produits nouveaux à une liste. Je n'arrive pas à comprendre ce mécanisme : c'est quand même une information essentielle, sur le plan de l'écologie, de l'économie, de la santé. Et cela défavorise la France !
(L'amendement n° 489 n'est pas adopté.)
La préoccupation tout à fait légitime exprimée par cet amendement est satisfaite par l'alinéa 9 de l'article 8 du projet de loi.
Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, je donnerai un avis défavorable.
Les consommateurs sont désormais de plus en plus soucieux de la qualité de leur alimentation et souhaitent en particulier disposer d'une information claire leur permettant de savoir si les plats qui leur sont proposés dans les établissements de restauration ont été ou non confectionnés dans l'établissement et à partir de produits frais, bruts, ou équivalents en qualité.
Outre l'intérêt que présente une information fiable pour les clients, elle permettra également de valoriser la cuisine faite sur place et le travail des restaurateurs qui s'attachent à maintenir la grande exigence de la gastronomie française, reconnue patrimoine de l'humanité.
Cet effort vers la qualité constitue un gage d'attractivité pour le secteur, et permettra donc un développement de l'emploi.
Cet amendement va sans aucun doute dans le bon sens, et la commission a émis un avis favorable. Il faut, effectivement, informer au mieux les consommateurs sur les plats qui leur sont proposés. Je suis heureux que ce combat que mène notre collègue Siré puisse aboutir avec cet amendement.
Mon sous-amendement n° 512 vise à élargir le champ d'application de l'amendement de M. Siré, et je sais qu'il en est d'accord. Il s'agit donc d'imposer à tous ceux qui transforment et distribuent des produits alimentaires – et non seulement aux « entreprises qui exploitent un fonds de commerce de restauration », ce qui constitue une formule trop restrictive – de donner une information complète et suffisante aux consommateurs.
Ce sujet fait, lui aussi, partie des priorités du Gouvernement. Le repas gastronomique français vient d'être, comme l'a dit M. Siré, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'UNESCO. Lors de la première fête de la gastronomie, qui s'est déroulée le 23 septembre, premier jour de l'automne, nous avons donné la possibilité à nos compatriotes de pousser la porte des restaurants, de rencontrer ceux qui exercent des métiers de bouche, pour voir le travail des artisans, des charcutiers, des restaurateurs, des commis de cuisine – le travail de tous ces gens qui travaillent au quotidien des produits frais, et qui font de la qualité.
Mais on sait qu'il existe aussi, dans notre pays, des professionnels qui ne travaillent pas de produits frais ou se contentent de faire de l'assemblage. Cela a conduit le Gouvernement à prendre un certain nombre de décisions dont certaines sont déjà en application, notamment en matière de qualité : ainsi en est-il des mentions valorisantes comme le qualificatif « maison » ou le titre de maître-restaurateur. Au cours des trois déplacements que j'effectue chaque semaine, il m'arrive très régulièrement de remettre ce titre de maître-restaurateur.
J'ai eu l'occasion de dire aux professionnels que je considérais que cela n'allait pas assez vite. En effet, les consommateurs doivent être éclairés sur la qualité des produits et savoir qui travaille les produits frais, ce qui est l'objectif du titre de maître-restaurateur.
Nous en sommes d'ores et déjà à la deuxième réunion de concertation avec les professionnels sur ces questions. Chacun est bien conscient qu'il est nécessaire d'avancer.
Vous proposez, monsieur le député, d'aller encore plus loin en imposant aux professionnels un affichage sur les modalités de préparation des plats, afin que les consommateurs sachent si les produits ont été confectionnés ou non au sein du restaurant. Je comprends parfaitement votre objectif : il est tout à fait légitime que les consommateurs bénéficient de la transparence sur la qualité dans le domaine de la restauration et je vous ai même dit que c'était la politique que je conduisais.
Toutefois, telle qu'elle est rédigée, la disposition proposée soulève des interrogations – les professionnels ont quelques craintes, notamment sur l'équilibre économique d'un certain nombre de petits restaurateurs – mais moins que l'amendement n° 232 , rejeté en commission, qui prévoyait des contraintes que le Gouvernement et le rapporteur jugeaient excessives.
Si l'Assemblée adoptait cet amendement, j'organiserais une nouvelle réunion de concertation, afin de trouver, avec les professionnels, les moyens de l'appliquer,…
…car chacun doit bien être conscient que nous sommes en train de discuter d'un dispositif extrêmement novateur.
Vous l'avez compris, je suis favorable au dispositif sur le fond car j'ai engagé moi-même les concertations, même s'il vient un peu vite par rapport à l'état de nos négociations. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée.
Comme vous le savez, le présent projet de loi ne fait pas l'objet d'une procédure accélérée compte tenu du travail constructif que nous faisons tous ensemble. Aussi, je serai amené à revenir vers vous et à vous faire part des discussions qui auront eu lieu avec les professionnels, afin que le dispositif que nous serions appelés à mettre définitivement en oeuvre soit applicable.
Voilà une préoccupation que nous avons soutenue en commission.
Je signale à nos collègues que nous avions fait, il y a quelques années, un travail similaire pour les artisans boulangers, afin de faire la distinction entre ceux qui fabriquaient et ceux qui se contentaient de vendre, sans que l'on sache où le pain avait été confectionné.
Ce dispositif a permis de maintenir un tissu d'artisans boulangers qui auraient peut-être complètement disparu aujourd'hui. Il n'y a donc aucune raison à ce que la même chose ne soit pas faite en matière de restauration.
Défavorable.
Nous avons déjà débattu de cette question en commission.
Tout ce qui relève de la publicité dépend des stratégies commerciales des entreprises. Cet amendement vise à réglementer la publicité pour les fêtes de Noël et de Pâques. Mais alors, pourquoi ne pas le faire aussi s'agissant des fournitures scolaires qui sont proposées dès le mois de juillet ? Cela n'a pas de fin. Laissons les entreprises s'organiser. Finalement, si la publicité est faite plus tôt, les consommateurs sont d'autant mieux informés. Il ne faut donc pas réglementer excessivement la publicité.
Même avis.
J'estime qu'il s'agit là d'un excellent amendement. Des parents sont venus se plaindre auprès de moi de voir que les publicités pour les jouets de Noël étaient déjà sorties alors que nous ne sommes qu'au tout début du mois d'octobre et que nous connaissons une météo exceptionnellement estivale. Il y a donc une confusion des dates.
Je ne vois pas pourquoi un tel dispositif, qui existe dans d'autres pays, ne pourrait pas être appliqué dans le nôtre. Il faut mettre un peu d'ordre dans notre calendrier.
Monsieur le rapporteur, d'habitude vos arguments sont plutôt convaincants et pertinents. Vous dites qu'on ne réglemente pas la publicité en France.
C'est un non-sens. Vous savez qu'il existe toute une réglementation pour la publicité, y compris pour les dates et qu'on a beaucoup débattu, par exemple, sur les dates des soldes. Parler de la rentrée scolaire au début du mois de juillet et des jouets de Noël au début du mois d'octobre me semble complètement décalé.
On peut ne pas être d'accord avec cet amendement, mais rien ne s'y oppose.
Monsieur Gaubert, cela fait trois ou quatre fois, depuis que nous avons repris nos travaux, que vous me faites des procès d'intention en déformant mes propos. Vous l'avez fait tout à l'heure sur le marché commun et vous le refaites maintenant. Jamais je n'ai dit qu'il ne fallait pas réglementer la publicité en France ! Je suis professeur de droit par ailleurs – vous ne manquez pas de le rappeler de temps en temps –, j'ai enseigné le droit commercial, je crois connaître un peu la réglementation sur la publicité, notamment la publicité mensongère ou comparative.
J'ai seulement dit qu'il ne fallait pas réglementer excessivement la publicité et que si l'on commence à réglementer la publicité pour les jouets de Noël, il faudrait le faire aussi pour ceux de Pâques, pour la rentrée scolaire, etc. Il n'est pas la vocation du législateur que d'entrer dans tel luxe de détails.
Je suis favorable à l'encadrement de la publicité, mais défavorable à un encadrement excessif.
La portée de ce texte m'avait quelque peu échappé. Les explications qui m'ont été données me conduisent à retirer cet amendement qui est un peu trop précis. Il faut réglementer la publicité – c'est déjà le cas avec la semaine du blanc, par exemple – mais je crois que nous sommes allés un peu loin. Aussi, je retire cet amendement.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l'amendement n° 485 .
Cet amendement vise à mieux encadrer les contrats obsèques.
Les Français, de plus en plus nombreux, souhaitent organiser et régler les obsèques de leur vivant en ayant recours à des contrats de prévoyance. Parmi les 2,5 millions de contrats actuellement en portefeuille, 75 % environ sont des contrats en capital et 25 % prévoient des prestations d'obsèques.
Un récent arrêt de la Cour de cassation a mis en lumière la confusion qui entoure ces contrats dans l'esprit des consommateurs qui croient épargner pour leurs obsèques.
En conseillant la transparence pour les publicités de contrats, l'autorité de contrôle prudentiel ne va pas assez loin dans la protection des consommateurs. Il convient donc de limiter strictement l'usage de l'appellation contrat obsèques aux seuls contrats dont l'objet est le financement d'obsèques.
Lors de l'examen de cet amendement en commission, M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État avaient demandé à ce qu'il soit retravaillé, en insistant davantage sur l'information préalable. Voici donc une nouvelle version travaillée avec la chancellerie ainsi qu'avec vos services, monsieur le secrétaire d'État.
La commission a rejeté cet amendement. Bien évidemment, cela ne signifie pas que la question que vous soulevez n'est pas importante ; M. Brottes avait proposé également un amendement en ce sens.
Le rapporteur et le secrétaire d'État auront à émettre des avis plus nuancés, voire favorables sur des amendements qui seront examinés ultérieurement et qui traitent de ce sujet.
Même avis.
Si les précisions qui seront donnés lors de l'examen des autres amendements vont dans le sens de la transparence pour le consommateur – ce mot me paraît peu approprié quand il s'agit de parler de ses propres obsèques –,…
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l'amendement n° 484 .
Cet amendement vise à autoriser le prélèvement sur le compte bancaire d'une personne décédée pour le paiement des frais funéraires.
Très attendu par les professionnels du funéraire et de la marbrerie, il tend à donner un fondement juridique à un usage ancien qui veut que les banques autorisent le prélèvement sur les comptes d'une personne décédée, afin de pourvoir à ses funérailles. Il permettrait à la famille de la personne s'occupant des obsèques de ne pas avoir à supporter l'avance des frais funéraires durant la période séparant le décès du règlement de la succession.
Il s'agit là de la reprise de ma proposition de loi n° 3268 cosignée par une soixantaine de mes collègues.
Lors de l'examen de cet amendement en commission, le rapporteur et le secrétaire d'État avaient demandé qu'il soit retravaillé. C'est ce qui a été fait, là aussi, avec la Chancellerie et avec vos services, monsieur le secrétaire d'État. Aussi, je ne peux imaginer que cet amendement ne soit pas retenu.
Un avis défavorable avait été donné en commission au regard du droit positif puisque les articles 2223-1 et suivants du code général des collectivités territoriales traitent de cette question. Cela dit, cet amendement va un peu plus loin que les textes en vigueur ; c'est pourquoi, à titre personnel, j'aimerais entendre l'avis du Gouvernement afin de voir si notre position sur cet amendement peut évoluer.
Nous touchons là à un sujet humainement essentiel ; François Brottes lui-même propose, après l'article 10, qu'un rapport soit fait sur ces questions. Il faut en effet que nous avancions dans ce domaine.
L'amendement n° 484 a été examiné puis rejeté par la commission. Le souhait avait été émis qu'il soit retravaillé, ce qui a été fait. Il vise à pérenniser une pratique bancaire utile, en particulier pour les familles modestes qui éprouvent des difficultés pour avancer les frais d'obsèques. On note néanmoins des objections à l'idée d'élargir un tel dispositif à ceux qui seraient susceptibles de pourvoir aux funérailles sans pour autant être héritiers. Cela dit, compte tenu des longues discussions que nous avons eues en commission, du fait que l'amendement a été revu et corrigé après un premier refus et compte tenu de la nécessité de poursuivre la réflexion, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Sur ces sujets compliqués, difficiles à traiter sur les plans tant financier qu'affectif, force est d'admettre que nos concitoyens peuvent être victimes d'abus. Je comprends que la question de ne pas avoir à avancer les frais funéraires peut se poser pour des héritiers dépourvus d'argent alors que le compte bancaire du défunt est bloqué en attendant la succession, ce qui peut prendre des mois, voire des années quand ce n'est pas l'éternité…
Je n'ai pas lu avec suffisamment d'attention l'amendement de Jean-Pierre Grand, mais je ne voudrais pas que facilité consistant à prélever de l'argent sur le compte du défunt coupe court à toute négociation sur le coût des obsèques. Le prestataire pourrait être tenté de proposer un « paquet » et de faire prélever lui-même la somme nécessaire sur ledit compte en faisant valoir aux héritiers qu'ils n'auront à s'occuper de rien. Certes, je caricature quelque peu…
Les héritiers sont tout de même intéressés par ce qui reste dans la succession !
Il ne faudrait pas que cette facilité, fondée et utile pour ceux qui ne disposent pas des moyens nécessaires, fragilise un peu plus la relation « commerciale » entre les entreprises des pompes funèbres et les familles à un moment où ces dernières ne sont pas toujours à même de négocier, le drame auquel elles sont confrontées pouvant brouiller leur clairvoyance. Il ne faudrait pas que la présence d'argent sur le compte bancaire du défunt serve de prétexte à des tarifs élevés.
Je compte sur les explications de notre collègue Grand pour que notre groupe sache s'il doit voter ou non cet amendement.
Même si nous débattons dans le cadre du temps programmé, il serait dommage de devoir lever la séance avant que nous n'ayons achevé l'examen de cet amendement. Je vais donc laisser M. Grand répondre à la question que lui a posée M. Brottes et nous passerons au vote.
Laissez-moi vous rassurer, monsieur Brottes : même si les gens sont dans la peine, ils n'en conservent pas moins toute leur lucidité et comprennent fort bien que si les prix pratiqués par les entreprises des pompes funèbres se révèlent prohibitifs, cela réduira d'autant leur héritage. Ils y sont par conséquent très attentifs.
Et il n'y a pas que des voyous ; on rencontre aussi des gens honnêtes…
(L'amendement n° 484 est adopté.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron