Déposé le 27 septembre 2011 par : M. Grand, M. Lazaro, M. Tardy, Mme Boyer, M. Siré, Mme Vasseur.
Après l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier, est inséré un article L. 312-1-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-3. - Nonobstant les dispositions des articles 1939, 784 et 815-2 du code civil, la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles d'un défunt conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur le ou les comptes créditeurs du défunt, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès de la ou des banques teneuses du ou desdits comptes, dans la limite d'un montant fixé par arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce dispositif s'applique sans préjudice de l'ordre des créances privilégiées tel que défini par l'article 2331 du code civil, et sans que la responsabilité des établissements bancaires puisse être mise en cause. »
En vertu de l'article 1939 du Code Civil, le compte bancaire d'un individu est bloqué dès son décès. Deux autres dispositions du Code Civil (les articles 784 et 815-2) prévoit que des actes conservatoires tel que le paiement des frais funéraires peuvent être accomplis par un successible et que tout indivisaire peut prendre des mesures nécessaires à la conservation des biens indivis et notamment employer les fonds de l'indivision détenus par lui.
Néanmoins, l'articulation de ces deux articles avec l'article 1939 est dans la pratique inopérante, voire impossible. En effet, pour qu'une telle articulation soit faisable, il est nécessaire au préalable le processus de succession soit entamé pour identifier les héritiers potentiels eux-mêmes. Or, l'inhumation ou la crémation doivent avoir lieu dans les 6 jours qui suivent le décès. L'articulation des articles 784, 815-2 et 1939 est donc très floue dans la pratique, et le compte peut ainsi légalement rester bloqué jusqu'au règlement de la succession.
Actuellement, ce sont finalement les banques qui autorisent la personne ayant pourvu aux funérailles d'une personne décédée, qu'elle en soit l'héritière ou non, de débiter sur les comptes de dépôt du défunt ouverts dans leurs livres, les sommes permettant de régler tout ou partie des frais d'obsèques. Cette pratique, qui se fonde sur une instruction de la Direction de la Comptabilité Publique du 31 mars 1976 visant les comptes de dépôt ouverts par les particuliers auprès du Trésor Public (et devenue sans objet depuis le 31 décembre 2001 lorsque les comptables du Trésor ont définitivement mis fin à la gestion de comptes de particuliers) est dépourvue de toute base légale. Cela explique donc pourquoi certaines agences bancaires refusent ces débits, tandis que d'autres les acceptent.
Cette pratique, pourtant, permet aux personnes assumant la responsabilité de pourvoir aux funérailles d'éviter de devoir supporter la charge de l'avance du paiement des frais funéraires durant la période plus ou moins longue séparant le décès du règlement de la succession. C'est notamment le cas pour les familles modestes contraintes de faire l'avance des frais funéraires, alors que la situation bancaire du défunt permet sans problème le paiement de la facture.
En outre, parmi les 1 500 décès en moyenne recensés chaque jour, certains sont gérés par des personnes n'ayant pas de lien administratif ou légal avec le défunt (lequel n'a plus de famille, par exemple). C'est notamment le cas des maires qui doivent, en application de l'article L.2213-7 du Code Général des Collectivités Territoriales, prendre en charge l'organisation des obsèques des personnes décédées sur le territoire de leur commune lorsque aucune famille ne se manifeste pour organiser les obsèques.
Cette créance de remboursement est certes privilégiée, en application des dispositions de l'article 2331 alinéa 1 2° du Code Civil, mais ce privilège ne permet pas en soi de pallier les difficultés potentielles que peut présenter, pour la personne qui commande les obsèques, le fait de devoir avancer les sommes correspondant à des frais constitutifs d'une dette de la succession du défunt.
La pratique bancaire susvisée de débit des frais sur le compte bancaire du défunt présente ainsi une utilité incontestable voire, dans bien des situations, répond à un besoin impératif. Il apparaît donc nécessaire de la conforter, de lui donner enfin une base légale, et de la pérenniser.
Seule la voie législative est de nature à permettre de donner un fondement juridique à cet usage, aujourd'hui appliqué sans uniformité sur le territoire. En effet, il ne peut être remédié à cet écueil par voie conventionnelle, notamment dans le cadre des stipulations des conventions de compte : la dette correspondant aux frais funéraires ne naît nécessairement qu'après le décès du titulaire du compte. Elle ne constitue ainsi jamais, en droit, une dette personnelle de ce dernier mais une dette de la succession, de sorte que toute autorisation de prélèvement qu'aurait pu donner par avance le défunt serait en fait dépourvue de validité.
Par ailleurs, l'instruction de la Direction de la Comptabilité Publique du 31 mars 1976, sur laquelle se basaient les banques pour autoriser le déblocage des comptes, avait autorisé un montant maximum de débit qui a ensuite été revalorisé à plusieurs reprises depuis 1976, dont la dernière fois par une instruction de la Direction de la Comptabilité Publique du 9 juin 1992, autorisant un débit de 20.000 Francs (soit 3.050 euros). Si cette somme avait été revalorisée régulièrement depuis 1992, elle serait actuellement de 4.500 euros.
Enfin, en application des différentes dispositions du Code Général des Collectivités Territoriales, l'organisation des obsèques, est en France, du ressort de la «personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles. Une Instruction Générale relative à l'Etat Civil du 11 mai 1999 (Point 426) dispose que la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles n'est pas nécessairement un héritier de la personne décédée. Ce peut être le maire de la commune (dans le cas visé à l'article L2213-7 du Code Général des Collectivités Territoriales) ou une personne porteuse de la dernière volonté du défunt conformément aux dispositions de la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles (concubin par exemple). En cas d'incertitude ou de conflit sur l'identité de la personne qui a le pouvoir d'organiser les obsèques, cette même instruction de 1999 rappelle que c'est le juge civil qui statuera en dernier ressort, dans les 24h.
La notion de « personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles » utilisés utilisée dans l'amendement correspond donc à la fois aux textes en vigueur, à la jurisprudence constante en la matière, et aux différentes situations possibles lors d'un décès. Ils ne contredisent aucunement le mécanisme de subrogation prévu à l'article 51 du Code Civil, lequel n'est pas forcément d'une grande simplicité pour des non spécialistes, ce qui est le cas de la plupart des consommateurs (et de surcroît au moment d'un décès).
Il est donc proposé d'introduire un nouvel article L.312-1-3 au Code monétaire et financier.
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