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Intervention de Tony Dreyfus

Réunion du 3 octobre 2011 à 17h00
Approbation d'une convention et d'accords internationaux — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaTony Dreyfus :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale et le Sénat sont saisis, depuis quelques mois, d'un grand nombre de textes internationaux à vocation fiscale. Ces conventions créent, ainsi que cela a été signalé à la Haute Assemblée une sorte de contexte « proliférant ». Cette « prolifération » serait justifiée par les décisions prises par le G 20 en 2008 et l'OCDE en 2009, afin de renforcer la lutte contre les paradis fiscaux. Il y a, en effet, urgence, nous en convenons tous. Selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires en France, les sociétés du CAC 40 ne paient que 8 % d'impôts sur leurs bénéfices, alors que les PME contribuent à l'effort collectif à hauteur de 30 %. Ce grand écart, qui a ému l'opinion publique et dont le rapporteur général du budget, notre collègue Gilles Carrez, s'est fait le porte-voix, s'explique en grande partie en raison de l'existence de paradis fiscaux. Ce qui était déjà moralement intolérable avant la crise économique et financière est aujourd'hui devenu inacceptable pour beaucoup.

La mise en oeuvre de conventions fiscales parrainées par l'OCDE doit incontestablement être saluée, mais il ne faut pas oublier que le problème a déjà été posé dans cette enceinte, en 2002, à l'initiative d'Arnaud Montebourg et de Vincent Peillon, auteurs d'un rapport sur ce sujet. Cette réflexion a été engagée avec la mission d'information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux. Devant la conférence européenne de la Banque mondiale, un ministre français n'avait pas craint d'affirmer : « Les centres offshore, ces territoires laxistes, véritables trous noirs de la régulation internationale, sont les lieux de tous les blanchiments. […] Que visons-nous ? La France estime que certains territoires sont aujourd'hui défaillants dans leur contrôle bancaire : Antigua et Barbuda, les îles Cayman, les îles Marshall, par exemple. »

Les parlementaires, au contact direct de nos concitoyens, souhaitent aujourd'hui être consultés. Pour autant, les conditions d'examen de conventions fiscales, qui se suivent à un rythme accéléré, ne leur permettent pas de délibérer avec sérieux du contenu et des conditions de mise en oeuvre de ces accords. Les traités se suivent à un rythme trop soutenu pour permettre un véritable échange entre des élus porteurs de bien des interrogations et les représentants du Gouvernement. Tout cela, mériterait d'être remis en perspective avec l'esprit et la méthode d'un gouvernement et d'un président qui ont multiplié les cadeaux fiscaux.

Quand on veut bien se pencher sur les dispositions contenues dans les articles 6 et 7 de chacune des conventions, on constate qu'il est mis tellement d'obstacles aux vérifications à entreprendre que l'on ne voit pas très bien comment on pourrait contraindre tel ou tel gouvernement représentant un paradis fiscal à communiquer à un requérant français un certain nombre d'informations. Je vous demande, par conséquent, de vous reporter aux articles 6 et 7 de ces conventions qui précisent clairement le respect que l'on doit accorder aux dispositions légales et institutionnelles de ces pays. Je comprends très bien la suggestion de mettre la grande compétence de notre administration à la disposition de ces pays. Toutefois, les dispositions que j'ai sous les yeux ne permettront pas davantage à une administration qui aurait la qualification de la nôtre d'aller plus avant, puisque tous les obstacles sont autorisés.

L'acceptation par divers pays épinglés par l'OCDE de signer avec la France des traités de lutte contre la fraude fiscale est un point positif. Mais signer est une chose, encore faudrait-il, d'une part, que tous les fauteurs d'impôt soient concernés et que, d'autre part, les parties prenantes de ces accords prennent des engagements contraignants. Or ces deux préalables ne sont pas aujourd'hui respectés. Ces instruments internationaux ont, certes, le mérite d'exister. Ils tracent une orientation, mais incitent à mieux faire pour approfondir la voie ainsi tracée.

Une part appréciable de la fraude passe, en effet, par un éventail de lieux situés aussi bien en Europe qu'aux États-Unis. Nos collègues Arnaud Montebourg et Vincent Peillon en avaient dressé la liste, mais avaient aussi affirmé, dans leur rapport d'information, la nécessité de poursuivre le travail ainsi engagé. Vous ne serez pas surpris si je vous confirme que, même aux États-Unis, l'État de Delaware est très directement concerné.

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