Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 29 juin 2011 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • congrès
  • guyane
  • nouméa
  • nouvelle-calédonie

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, sur les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique (nos 3437 et 3555).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Cet après-midi, l'Assemblée a continué l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 57 à l'article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Alfred Almont, pour soutenir l'amendement n° 57 .

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Almont

Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'outre-mer, monsieur le rapporteur de la commission des lois, l'amendement n° 57 est un amendement de précaution consistant à insérer, après l'alinéa 40 de l'article 6, l'alinéa suivant : « Il est procédé, par décret pris au plus tard le 31 décembre de l'année précédant le renouvellement de l'Assemblée de Martinique, à la révision du nombre de sièges de chaque section en fonction de l'évolution de leur population. »

Il s'agit d'assurer à chaque élection une juste représentation de l'ensemble de la population martiniquaise, en mettant en place de façon automatique un rééquilibrage du nombre de sièges des quatre sections électorales en fonction de l'évolution et des déplacements de population en Martinique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Même si la Martinique ne connaît pas la même poussée démographique que la Guyane, à titre personnel, je ne suis pas opposé à l'adoption de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Je considère, moi aussi, que l'on peut donner un avis favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Je veux simplement dire que je suis très satisfait de l'avis favorable du rapporteur et de la ministre, car je commençais à craindre que l'on condamnât notre stagnation démographique. Les Martiniquais ont un taux de fécondité aussi élevé qu'ailleurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

…et nous voterons donc cet amendement tout à fait bien venu.

(L'amendement n° 57 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour soutenir l'amendement n° 79 .

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Cet amendement se justifie par son texte même, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Cet amendement a été repoussé par la commission. En effet, nous avons instauré une prime majoritaire de 20 % du nombre total de sièges à pourvoir, arrondi à onze, dans l'objectif de disposer d'une majorité stable ; il ne paraît pas opportun de revenir en arrière en remettant en cause le principe de la prime majoritaire.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Marie-Jeanne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Je ne peux que le maintenir… Si vous attribuez une prime de 20 % au bénéfice de la liste arrivée en tête, alors qu'elle a déjà obtenu la majorité des suffrages, ce à quoi vient s'ajouter un exécutif monocolore, que reste-t-il à répartir ? Dès lors qu'une majorité stable est déjà acquise, ce n'est pas la peine d'écraser les autres… Mon amendement permettrait de régler le problème démocratique ; je ne vois pas pourquoi je devrais le retirer.

(L'amendement n° 79 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Défendu.

(L'amendement n° 63 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 14 présenté par M. le rapporteur est de coordination.

(L'amendement n° 14 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienM

L'amendement n° 10 présenté par M. le rapporteur est rédactionnel, tout comme ses amendements nos 11 et 12 rectifié .

(Les amendements nos 10 , 11 et 12 rectifié , acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 13 de M. le rapporteur est de coordination.

(L'amendement n° 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 6, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues, je vous indique d'ores et déjà que, sur le vote de l'article 9, j'ai été saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Diefenbacher, inscrit sur l'article 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons tous conscience d'aborder, avec l'article 9, un point sensible du texte : il suffit, pour s'en convaincre, de se souvenir des termes de la motion de renvoi présentée hier par notre collègue Letchimy. Et si le sujet est sensible, c'est parce qu'il a trait aux relations entre l'État et la future collectivité.

J'ai bien compris les objections soulevées par M. Letchimy et ses collègues de l'opposition, et je les partage pour partie. En effet, j'ai le sentiment que, même si elle procède des meilleures intentions, la rédaction retenue par le Sénat comporte un certain nombre de ce qu'il faut bien appeler des maladresses. J'en vois au moins trois.

Premièrement, les termes employés, s'ils sont juridiquement irréprochables, peuvent néanmoins blesser. Ainsi, les termes « négligence » et « carence » donnent l'impression qu'avant même d'être née, la nouvelle collectivité est déjà soupçonnée de ne pas être capable d'exercer convenablement ses futures attributions.

La deuxième maladresse concerne la description de la procédure. Là aussi, l'intention était sans doute la meilleure du monde, puisqu'elle consistait à garantir, par les termes de la loi elle-même, que la procédure de substitution comporterait l'information et la contradiction. Toutefois, la froideur avec laquelle cette procédure est décrite la fait apparaître en quelque sorte comme une procédure accusatoire à l'américaine, alors même que ce n'était sans doute pas du tout l'intention de nos collègues sénateurs.

Enfin, la troisième maladresse consiste à faire figurer ces dispositions dans un texte consacré exclusivement à la Martinique et à la Guyane, ce qui laisse penser que le droit de substitution s'exercera uniquement dans ces deux collectivités. En réalité, une lecture attentive de l'article montre bien que la procédure est destinée à s'appliquer à l'ensemble des collectivités de l'article 73…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…et que par conséquent, il n'est pas question de stigmatiser qui que ce soit.

Ces observations faites, il reste tout de même une question de fond. Plus une collectivité dispose de pouvoirs importants, plus elle a l'obligation d'exercer pleinement ses compétences. Lorsque, pour des raisons pouvant être parfaitement légitimes, elle ne parvient pas à le faire, il me semble normal, légitime et nécessaire que l'État puisse intervenir ; toute la question étant de savoir comment il doit procéder et jusqu'où il doit aller.

La solution réside-t-elle dans la substitution, dans un dispositif de mise en demeure, ou encore dans une formule intermédiaire ? Ce sont là des questions délicates, auxquelles notre débat doit permettre de répondre. De mon côté, je souhaite que ce débat soit aussi serein que possible.

Afin qu'il soit tenu compte des sensibilités très différentes qui ont été exprimées sur ce sujet, je voudrais suggérer à notre excellent rapporteur qu'il nous propose une autre rédaction de l'article 9, à même de répondre à trois conditions : premièrement, préserver les préoccupations légitimes de l'État, consistant à assurer le bon fonctionnement des institutions ; deuxièmement, respecter l'image de la nouvelle collectivité, qui ne doit pas naître avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ; troisièmement, enfin, parvenir au consensus que nous souhaitons tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Je ne vais pas revenir sur ce que j'ai dit hier lorsque j'ai présenté la motion de renvoi. Je me contenterai de reprendre à mon compte, s'il le permet, les propos de notre collègue Diefenbacher, qui me paraissent justes et sages.

Plusieurs préoccupations doivent être conjuguées. Premièrement, les élus doivent être respectés dans leurs prérogatives ; comme l'a dit M. Diefenbacher, on ne peut accepter que la nouvelle collectivité soit considérée d'emblée de façon négative, ce qui la ferait naître avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

De la suspicion en effet, et qui plus est bien pensée et circonscrite de manière à ce que l'on ne puisse en sortir.

On ne peut pas non plus ignorer les enjeux spécifiques à l'outre-mer, notamment en matière de santé publique, ni le fait que les préfets disposent d'ores et déjà de possibilités d'intervenir par substitution dans le domaine de la santé, de la police, d'inscription budgétaire, d'inscription d'office des dépenses. Enfin, il y a aussi, et ce n'est pas le moins important, une recherche de consensus, tant dans l'opérationnalité de l'action que dans le financement du projet concerné.

Je propose à Mme la ministre et à M. le rapporteur de demander une suspension de séance lorsque les orateurs se seront exprimés sur l'article 9, afin que l'on puisse consacrer cinq ou dix minutes à la recherche d'une nouvelle rédaction faisant consensus. Il ne sert à rien d'engager une bataille rangée dont l'enjeu consisterait en la suppression de l'article : mettons-nous plutôt autour d'une table pour rédiger, en nous inspirant des amendements de repli que nous avons déposés, un amendement que présentera le rapporteur, ce qui nous permettra de sortir de l'impasse où nous nous trouvons actuellement du fait de la rédaction inacceptable en l'état de l'article 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suspension de séance que vous demandez est de droit. Toutefois, il me paraît plus simple que chacun fasse d'abord connaître ses arguments au sujet de la suppression de l'article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

L'article 9 pourrait, en effet, être sensiblement modifié. J'ai entendu la bonne volonté manifestée par M. Diefenbacher et M. Letchimy ; et là ou il y a une volonté, il y a un chemin…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…et si nous sommes suffisamment près d'en trouver un, je suis tout disposé à ce que nous le cherchions ensemble, surtout si cela peut éviter de laisser penser qu'il serait question de stigmatiser ou d'humilier qui que ce soit – j'aime trop l'outre-mer pour accepter que le texte puisse donner lieu à une telle interprétation.

Je propose donc, car cela me semble effectivement très sage, que la séance puisse être suspendue, si vous en êtes d'accord, monsieur le président, peut-être même dès maintenant. Je souscris très volontiers à la proposition de M. Letchimy. Nous pourrons ainsi travailler sur le sujet dans les minutes qui suivent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis tout à fait d'accord pour suspendre la séance, monsieur le rapporteur ; mais dans la mesure où, de fait, M. Letchimy a défendu en intervenant son amendement de suppression, il serait plus judicieux Mme Berthelot et M. Marie-Jeanne, qui en ont également présenté un, puissent également s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Berthelot

Je serai très brève. Hier, dans la discussion générale, j'ai dit ce qui motivait mon amendement de suppression. Mais avant de nous pencher éventuellement sur une nouvelle rédaction, il me semble bon de rappeler que l'exemple souvent donné par le Gouvernement, celui des déchets, est précisément un mauvais exemple. Tout de même ! Pour ce qui est de la Guyane, lorsque l'État a été sanctionné par l'Europe, qui a prononcé des amendes après avoir procédé à des contrôles, la question relevait de la compétence de l'État, et non des collectivités !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Non, les déchets relèvent de la compétence des collectivités !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Berthelot

Par ailleurs, quelle que soit la latitude où on se trouve, dans l'Hexagone ou dans les océans des différents outre-mer, je tiens à dire que si quelque chose n'est pas fait par les élus, ce n'est pas parce qu'ils ne veulent pas le faire. Parce qu'ils agissent quand même pour le bien de leurs concitoyens. En Guyane en tout cas, si les collectivités n'arrivent pas à exercer les compétences qui sont les leurs, c'est souvent en raison de difficultés financières structurelles. Il serait bon de garder cela présent à l'esprit.

Par conséquent, je veux bien participer à une éventuelle réécriture, mais je pose une condition supplémentaire : que l'État puisse assumer ses propres carences concernant la Guyane. Vous ne pouvez pas, madame la ministre, renvoyer aux collectivités quand il est question de ces champs de compétences régaliens de l'État que sont l'éducation, la santé, la justice. Si j'avais le pouvoir de constater la carence en Guyane, j'aurais depuis longtemps relevé celle de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Je remercie le président d'avoir préféré faire un tour d'horizon de la question avant de suspendre.

Mon amendement n° 78 va dans le même sens, puisqu'il propose la suppression de l'article 9. Celui-ci prévoit une procédure en carence dans des domaines d'intervention de la collectivité territoriale, non seulement dans ses domaines de compétences stricto sensu, mais aussi dans ceux qui relèvent de la compétence de principe de l'État, comme la santé, la sécurité publique, les engagements internationaux.

On risque de rendre la collectivité territoriale responsable des carences de l'État.

La procédure envisagée présente plusieurs écueils : immixtion de l'État dans les affaires de la collectivité territoriale ; risque de voir se manifester une tutelle déguisée et une remise en cause du principe de libre administration des collectivités territoriales ; tendance à la recentralisation.

Ajoutons, sans entrer dans les détails, que la procédure est excessivement lourde.

C'est pourquoi, sans même m'être consulté avec mes collègues des autres groupes, j'ai rédigé cet amendement tendant à supprimer cet article qui instaure un droit d'ingérence exorbitant.

Article 9

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est reprise.

Le Gouvernement m'a fait savoir qu'il demandait la réserve sur l'article 9.

La réserve est de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 42 et 68 .

La parole est à Mme Taubira, pour défendre l'amendement n° 42 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

En vue de la création des collectivités territoriales, le Gouvernement est autorisé à prendre un certain nombre d'ordonnances pour déterminer des règles importantes telles que les règles budgétaires, financières et comptables qui seront applicables à ces collectivités. Un autre élément important est le transfert des personnels, des biens et des finances de la région et du département à ces collectivités.

Bien évidemment, ces projets d'ordonnances seront soumis aux conseils généraux, régionaux et aux commissions tripartites créées par l'article 10 afin d'assurer une réelle concertation et d'éviter de plaquer artificiellement des dispositions.

Conformément à l'article 38 de la Constitution, ces ordonnances devront être ratifiées par le Parlement de manière expresse. À cette occasion, un débat aura lieu pour juger et le cas échéant corriger leur contenu.

Nous avons intérêt à maintenir cette habilitation ; d'où notre avis défavorable à ces deux amendements.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Certes, la procédure des ordonnances induit l'obligation de revenir devant le Parlement, dans un délai de six mois. Il n'empêche que cela reste une procédure exceptionnelle, un auto-désaisissement du Parlement en faveur du Gouvernement. On peut le concevoir lorsque la situation l'exige, essentiellement pour des raisons de délais ; mais ce n'est plus le cas désormais

Lorsque le calendrier était fixé par le Gouvernement à juillet 2012, puis par le Conseil d'État à décembre 2012, nous pouvions considérer qu'il y avait intérêt à régler ces questions particulières le plus vite possible pour permettre des conditions optimales de fusion des deux collectivités, et donc d'installation de la collectivité unique. Mais depuis le calendrier a changé, et cette installation est renvoyée au premier trimestre 2014. Par conséquent, le Parlement a le temps de faire son travail en toute sérénité, et il n'y a pas de raison qu'il se dessaisisse en faveur du Gouvernement en le laissant régler ces questions par ordonnance. Voilà pourquoi ces amendements sont totalement fondés : nous demandons au Gouvernement, plutôt que de se surcharger de travail, d'accepter que le Parlement fasse le sien.

(Les amendements identiques nos 42 et 68 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 35 du rapporteur est rédactionnel.

(L'amendement n° 35 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 88 , présenté par le Gouvernement.

La parole est à la ministre.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Cet amendement permet d'étendre la liste des habilitations afin que le Gouvernement puisse prendre une série d'ordonnances au bénéfice de certaines collectivités. La première concerne Saint-Martin et Saint-Barthélémy ; la deuxième a pour objet d'apporter des modifications de structure et d'articles du code monétaire et financier afin de tenir compte de la départementalisation de Mayotte ; la troisième vise à compléter le droit applicable dans les collectivités du Pacifique ; la quatrième tire les conséquences de l'application de la loi Grenelle II pour Mayotte.

Nous proposons d'utiliser ce véhicule législatif pour avancer dans l'application de textes concernant ces collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Avis favorable. Les véhicules législatifs ne sont pas si courants, il faut bien le reconnaître. Des questions telles que la clarification de la réglementation relative aux chèques ou l'adaptation du code monétaire et financier pour Mayotte sont importantes. Le véhicule étant là, il serait dommage de ne pas y monter.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Je ne suis pas un partisan des ordonnances. Certains véhicules législatifs, voire « turbo-législatifs », peuvent être des véhicules dangereux, notamment pour la démocratie. Je ne suis vraiment pas favorable aux ordonnances, certaines laissent beaucoup de blessures. D'autant que nous connaissons les conditions d'approbation des ordonnances : on se retrouve avec un texte, et puis à la queue toute une série de dispositions à approuver, qui peuvent porter sur des sujets centraux, particulièrement important. Or nous n'en connaissons pas véritablement le contenu et l'Assemblée les vote sans véritable examen.

Quand le Gouvernement prend des ordonnances pour assurer le transfert des personnels, des biens et des finances de la région et du département, qu'est-ce que cela veut dire ? Il y a 2 300 personnes qui travaillent pour le département de la Martinique, et environ 800 ou 850 pour la région. Soit plus de 3 000 personnes. Allez-vous traiter le transfert des personnels par ordonnance ? C'est une question de nomenclature des échelons, des grades et des transferts, me direz-vous. Mais je suis à la tête d'une collectivité et je sais que cela se discute au quotidien, matin, midi et soir, avec les représentants syndicaux. C'est un travail de longue haleine, compliqué, d'autant que, comme il s'agit d'une fusion, vous aurez des doublons à gérer, et beaucoup d'autres problèmes de ce genre.

C'est arrêté, j'en prends acte, mais je répète que je ne suis pas favorable aux ordonnances, particulièrement lorsqu'elles ne se justifient plus, comme Christine Taubira l'a montré. Le schéma de la ministre prévoyait un véhicule très rapide…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Mais nous sommes revenus à un rythme normal, classique, de trois années, pendant lesquelles nous pourrons travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Je suis très heureux que vous soyez revenus sur les modalités de concertation préalable à la mise en place des nouvelles collectivités. Il avait été proposé une sorte de collège dans lequel le préfet jouait un rôle de coordination entre le département et la région, cependant qu'était créé un comité local chargé d'évaluer et de contrôler la réalité des charges, qui ne serait réuni qu'après la mise en place de la collectivité. Ce dispositif a heureusement disparu : à l'issue de nos travaux en commission, c'est la commission tripartite qui évaluera et contrôlera les charges avant l'installation de la collectivité unique, et son intervention se poursuivra pendant deux ans après l'élection. C'est tant mieux, mais, je le répète : les ordonnances et moi, nous ne sommes pas bons copains.

(L'amendement n° 88 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 82 rectifié du Gouvernement, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 94 .

La parole est à la ministre.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Le présent amendement propose la ratification de trois ordonnances : l'une concerne la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna ; la deuxième porte sur le régime de l'épargne-logement en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, et la troisième modifie l'organisation judiciaire dans le département de Mayotte.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 82 rectifié et présenter le sous-amendement n° 94 .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Mes collègues verront que je suis soucieux des droits du Parlement. Je resterai fidèle à mon véhicule : c'est pourquoi mon avis est favorable, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement n° 94 .

En effet, pour être honnête, deux ordonnances seulement concernent réellement l'outre-mer : la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie pour l'une, et le département de Mayotte pour l'autre.

En revanche, pour l'évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participation dans les entités du secteur financier, je veux bien avoir l'esprit large et chercher le véhicule, mais je ne vois ni les roues ni le moteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je vous donne donc indirectement raison, monsieur Letchimy – vous voyez que l'on peut être raisonnable dans cette enceinte.

L'avis de la commission est favorable pour les deux ordonnances qui concernent l'outre-mer, en espérant que l'Assemblée adoptera le sous-amendement n° 94 , qui supprime l'alinéa 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Avis favorable au sous-amendement n° 94 .

(Le sous-amendement n° 94 est adopté.)

(L'amendement n° 82 rectifié , sous-amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 83 .

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

L'amendement proposé vise à mettre en place une législation en matière de lutte contre le dopage en prévision de l'organisation des jeux du Pacifique, qui doivent se dérouler à la fin du mois d'août à Nouméa. Nous avons besoin de cette disposition pour que les Jeux se passent dans de bonnes conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Cette fois, je suis sensible à l'argumentaire de Mme la ministre : il faut aller assez vite. Les XIVe Jeux du Pacifique doivent se tenir du 27 août au 11 septembre. Sans insister sur l'image du véhicule, je pense qu'il serait coupable de ne pas adopter l'amendement. Il faut mettre en place l'arsenal répressif contre le dopage.

(L'amendement n° 83 est adopté.)

(L'article 10, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 36 du rapporteur est rédactionnel.

(L'amendement n° 36 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 11 bis, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 37 du rapporteur est rédactionnel.

(L'amendement n° 37 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 38 du rapporteur est rédactionnel.

(L'amendement n° 38 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 11 ter A, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 15 .

La parole est à Mme Christiane Taubira.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

L'amendement n° 15 tend à habilité le président du conseil régional à délivrer les autorisations d'accès aux ressources génétiques et biologiques en Guyane.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je vais vous dispenser de me dire que j'ai quelque peu compressé la procédure, dans la mesure où la délibération du conseil régional a été postérieure à la date du dépôt de mon amendement. Reste que la procédure est en cours, puisque la délibération adoptée sera ou est transmise au Premier ministre pour publication au Journal officiel. Nous ne sommes pas dans la procédure normale, j'en conviens, puisque les dates se sont trouvées permutées.

Il s'agit de l'habilitation de la prochaine collectivité, et en attendant du conseil régional, pour l'autorisation d'accès aux ressources biologiques et génétiques de la forêt amazonienne, dont la biodiversité exceptionnelle est reconnue. Cette disposition existe déjà dans le code de l'environnement ; nous l'y avions introduite à la faveur de la révision de la loi de 1960 sur les parcs nationaux. Cette compétence a été attribuée au conseil régional qui donne l'autorisation, sur avis conforme du conseil général, sur proposition du Congrès des élus départementaux et régionaux et après consultation du parc amazonien. Reste que cette disposition ne vaut que pour le parc amazonien de Guyane, qui représente 40 % du territoire. Pour les 60 % restants, qui comptent d'autres espaces protégés, de statut différents – des biotopes, des ZNIEFF, des réserves naturelles, etc. – le vide juridique demeure dans la mesure où il n'y a pas de compétence attribuée pour l'accès à ces ressources génétiques. Je propose simplement d'étendre les dispositions actuelles du code de l'environnement à l'ensemble du territoire et non plus seulement au territoire du parc.

Je reconnais qu'il y a un décalage de procédures, mais il me semble intéressant d'entendre tant Mme la ministre que M. le rapporteur sur la faisabilité à tout le moins de cette habilitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

N'y voyez aucune façon de botter en touche ou volonté de finasser, comme je l'ai entendu cet après-midi : la difficulté tient au fait que la demande d'habilitation ne respecte pas la procédure. S'il y a bien eu une délibération du conseil régional, le 20 juin, elle n'a pas été publiée au Journal officiel et elle n'est donc pas en vigueur. Nous ne pouvons donc pas faire droit à votre demande : il faudra revoir ce point le moment venu. Mais je n'exclus pas d'examiner cet amendement sur le fond, si vous le souhaitez.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Madame Taubira, au-delà de la procédure qui exclut que l'on puisse émettre un avis favorable, il est certain, comme M. le rapporteur l'a indiqué, que votre demande appelle examen, en lien avec le ministère de l'écologie, et c'est ce que nous ferons. Nous serons amenés à prendre position ultérieurement sur cette demande d'habilitation. En attendant, le Gouvernement est défavorable à votre amendement, pour des raisons de procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Il existe une procédure et il faut la respecter. Deux habilitations sur la formation professionnelle et sur les énergies renouvelables sont en cours en Guadeloupe. C'est une fort bonne chose. La Guadeloupe est aujourd'hui en position d'édicter la loi et des règlements sur les énergies ; vous savez combien c'est important pour nos régions.

Il est vrai qu'il est indispensable que la procédure passe par la publication au Journal officiel, mais je ne pense pas que Mme Taubira souhaite que son amendement soit accepté alors que des étapes ne sont pas franchies. Mais au moins pourriez-vous prendre un engagement et annoncer clairement qu'à partir du moment où la délibération sera publiée au Journal officiel, la procédure sera mise en oeuvre pour la Guyane.

Le sujet est fondamental. Il est facile de dire que la forêt tropicale guyanaise est immense, européenne, qu'elle est la plus belle et de constater que des ressources génétiques sont abandonnées, des traditions laissées de côté et que l'on ne peut pas donner la possibilité d'entrer dans un processus de recherche, de connaissances, de valorisation de ses produits.

Je souhaite donc qu'à défaut de répondre positivement dès maintenant, la ministre chargée de l'outre-mer prenne un engagement plus ferme et plus précis. Cela nous permettrait de couvrir les trois départements qui peuvent bénéficier d'habilitation – sachant que La Réunion n'a pas souhaité bénéficier de cette possibilité, décision que je respecte

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Je vois, monsieur Letchimy, que vous vous souciez de voir dans quelles conditions les habilitations peuvent être autorisées pour la Guyane.

Je me ferai fort, au même titre que ce que j'ai fait pour la Martinique, puisque vous avez obtenu une réponse très rapide pour votre demande d'habilitation, d'étudier la question en lien avec les services compétents du ministère de l'environnement. J'en prends l'engagement devant vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Je remercie Mme la ministre d'avoir satisfait avec une telle diligence à la demande pressante de Serge Letchimy…

Le sujet est urgent. Actuellement, des organismes de recherche, de grands groupes pharmaceutiques, cosmétiques, biotechnologiques déposent brevet sur brevet à l'Union internationale de protection des obtentions végétales pour obtenir une exclusivité de trente ans sur des espèces végétales. Je parlais tout à l'heure les calendriers qui se télescopaient, mais il existe également celui de l'application de la réglementation sur le partage des avantages issus de l'exploitation de ces ressources génétiques et biologiques et leur application dans les outre-mers. Une réunion s'est tenue hier même à Paris. C'est un réel sujet d'inquiétude qui revêt un caractère d'urgence, dans la mesure où des organismes de recherche sont intéressés, où des industriels procèdent à des recherches et à des prélèvements sans que jamais la Guyane n'en voie la moindre retombée. Il s'agit donc aussi d'un enjeu de financement du développement.

Je retire mon amendement n° 15 .

(L'amendement n° 15 est retiré.)

(L'article 11 ter est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 89 .

La parole est à Mme Christiane Taubira.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

L'amendement n° 89 vise à instaurer une assemblée transitoire par anticipation à l'installation de la collectivité unique. Le calendrier de mise en place de cette collectivité ayant été reporté à mars 2014, il se sera écoulé quatre années entre la consultation qui a abouti au choix de la collectivité unique et sa création effective.

C'est seulement à partir de l'installation de la collectivité unique qu'un certain nombre d'actes pourront être accomplis, car elle seule aura la personnalité juridique permettant la fusion des personnels, le rapprochement des missions, la mise en commun des patrimoines, l'harmonisation des comptabilités, etc.

Avant cette mise en place, on ne pourra que préparer les dispositions concernant la fusion. Nous avions pourtant un espace pour les mettre en place : le congrès. Mais celui-ci n'a pu se tenir à deux reprises en Guyane, faute de quorum.

Il y a manifestement dans le contexte guyanais une réelle difficulté à fonctionner sur l'une des deux hypothèses prévues dans l'étude d'impact. Celle-ci, que j'avais peut-être évacuée avec un peu de précipitation de nos débats, faisait apparaître deux procédures possibles : ou bien des cellules bilatérales qui permettraient aux deux collectivités de procéder à ce travail de préparation, ou bien des dispositions introduites dans la loi, qui créeraient un cadre juridique un peu contraignant pour procéder à cette préparation : par exemple, la création d'un comité technique commun qui permettrait au personnel des deux collectivités de commencer à préparer le rapprochement, mais cela suppose le raccourcissement du mandat actuel des représentants des personnels.

C'est dans le même esprit que je propose la mise en place de cette assemblée transitoire qui permettrait aux deux collectivités de travailler dans un cadre juridique plus stable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

La mise en place d'une nouvelle collectivité nécessite du temps. Nous avons essayé de le démontrer tout au long de nos débats, en donnant un peu de temps au temps. Nous savons qu'il en faut pour préparer non seulement les esprits, mais également les futurs organigrammes, les fusions des personnels, sans oublier, sur le plan géographique et physique, l'attribution des locaux.

Chercher à accélérer le processus par le biais d'une simple réunion conjointe des deux conseils – et non une assemblée unique -, avec, qui plus est, une présidence alternative ou alternée tous les six mois, m'effraie un peu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Certes ! Le premier semestre de l'année par le président du conseil général, le deuxième semestre par le président du conseil régional…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Même l'Europe a renoncé à ces gouvernements à secousses et à ces présidences tournantes pour des raisons de stabilité. Nous avons intérêt à prendre le temps de réfléchir.

Sans être tout à fait d'accord sur le calendrier, nous devrions pouvoir nous retrouver sur la nécessité d'examiner calmement la situation d'ensemble des personnels, les cadres budgétaires et comptables. Dans un premier temps, nous travaillerons mieux en restant chacun chez soi avec l'objectif de 2014 clairement affirmé.

Pour ces raisons, l'avis de la commission est défavorable.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Les amendements nos 89 et 92 de Mme Taubira ne sont pas une mince affaire : l'évolution des collectivités ne se fait pas si naturellement, ne serait-ce qu'en raison des enjeux politiques. Cela étant, deux arguments ne plaident pas en faveur de leur adoption, même s'ils posent une vraie question.

Premièrement, depuis un an, la situation de fait est créée : la population de Guyane s'est prononcée, les deux assemblées continuent de fonctionner, avec une échéance, 2014, connue de tous.

Deuxièmement, le fait que les deux assemblées continuent à fonctionner n'empêchera pas de préparer la transition, car je fais confiance aux élus de la Guyane. Tout le monde connaît les difficultés, les transitions nécessaires au sein du conseil général comme au sein du conseil régional, sans qu'il soit nécessaire de créer une assemblée provisoire pour le moins curieuse, puisqu'elle ne résulterait pas du suffrage universel – ou tout au moins, d'un suffrage universel qui avait pour objet de la désigner.

Il n'en reste pas moins que les élus de Guyane ont la responsabilité, par le vote de l'Assemblée nationale et du Sénat, de préparer cette transition, sans doute par une initiative politique locale dont notre collègue pourrait, comme d'autres, prendre la responsabilité. À défaut d'assemblée instituée, il faudra des réunions régulières. Ce ne sont pas des délibérations officielles, mais la préparation de la transition. Cela me paraîtrait la solution la plus raisonnable.

Si je me permets d'intervenir sur ce sujet, ce n'est pas pour donner des conseils à la Guyane, mais parce que le problème qui se pose chez Mme Taubira se posera également dans votre région, monsieur le président Letchimy. Il faudra bien trouver des processus raisonnables et respectueux des identités et des traditions de chaque territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Chacun son processus. La gouvernance de la Martinique n'est pas celle de la Guyane.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Le suffrage universel a installé les collectivités qui fonctionnent actuellement. Elles sont donc parfaitement légitimes. Quant au fait de travailler ensemble, le suffrage universel est intervenu récemment, aussi bien pour le conseil régional que pour le conseil général, alors que le congrès existe. Autrement dit, il existe déjà un espace qui permet aux élus du conseil général et du conseil régional de travailler ensemble. C'est donc que le suffrage universel les a désignés en sachant qu'ils allaient devoir travailler ensemble.

À plusieurs reprises, madame la ministre, vous nous avez dit que si vous aviez eu une délibération du congrès, vous auriez été clairement fixée sur la volonté des élus en matière de gouvernance. Sauf que le congrès n'a pas pu se réunir. Convoqué deux fois au mois de mai, il ne s'est pas tenu. C'est une réalité, il faut en tirer les conséquences.

Que l'on ne crée pas l'assemblée transitoire, je suis prête à l'entendre. J'ai d'ailleurs interrogé les présidents de collectivités, car je ne fais rien de manière clandestine. Je les ai très clairement informés que j'allais déposer ces amendements. Le président de région notamment m'a longuement écrit pour me dire combien il y était opposé.

Je veux bien que l'on laisse du temps au temps, mais le problème, c'est qu'on ne l'utilise pas puisque le congrès n'arrive pas à se réunir et donc à statuer sur des choses essentielles, notamment sur la gouvernance. Or le congrès a été convoqué entre le débat au Sénat et celui de l'Assemblée nationale. Nous aurions pourtant eu besoin de l'avis de tous les élus sur la collectivité unique, sur tous ces points qui font débat dans notre hémicycle et qui m'amènent, depuis hier, à affronter Mme la ministre qui s'oppose à moi en retour en soutenant qu'il existe une majorité sur la gouvernance sous cette forme, ce que je conteste, et ainsi de suite. Les délibérations du congrès auraient tranché ce débat.

Monsieur le rapporteur, si votre seul souci est la présidence alternée, ce n'est pas un problème. J'ai déposé deux amendements, le premier proposant une présidence alternée semestrielle, sur le modèle du congrès, le second une présidence stable qui serait tirée au sort sur le modèle de ce qui a été fait pour le Sénat lors de son premier renouvellement. J'entends déjà les objections, mais celles qui se sont élevées jusqu'à présent ne sont pas de nature à invalider l'opportunité de ces amendements. Cela dit, libre à vous de les refuser. Je rappelle seulement que, dans l'étude d'impact, le Gouvernement mentionnait explicitement deux options possibles ; l'option du volontariat, c'est-à-dire d'un fonctionnement naturel de rapprochement des collectivités, ou l'option de dispositions législatives qui les contraindraient à travailler ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Je ne me permettrai pas de prendre position sur la Guyane, mais le sujet évoqué par Mme Taubira est fondamental. Je ne cesse de répéter qu'il ne s'agit pas de fusionner deux administrations, mais de construire une nouvelle politique de développement et la préparation en amont est primordiale.

Je ne sais s'il faut légiférer ; à la Martinique, nous avons opté pour des moyens communs que nous mettons en oeuvre. Des commissions se réunissent déjà sur le transport, le logement, l'insertion et définissent des politiques communes. Nous sommes même en train de réfléchir à l'idée d'un même encadrement global pour la politique financière. L'enjeu fondamental, c'est que cette collectivité nouvelle et unique devra être opérationnelle dès le lendemain des élections. Si, à cause d'un mauvais fonctionnement, nous décevions la population, cela serait extrêmement dangereux. Au-delà même du texte, une gouvernance commune me semble essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

C'est plus simple chez vous que chez Mme Taubira.

(L'amendement n° 89 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 92 de Mme Taubira a déjà été défendu.

(L'amendement n° 92 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l'amendement n° 69 .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je n'ai pas envie que ma collègue se fasse battre sur cet amendement, puisque j'avais mois aussi l'intention d'en déposer un dans le même sens… Finalement, je me suis rallié à un amendement du Gouvernement. Sachant que nous sommes d'accord sur l'esprit, chère collègue, acceptez-vous de le retirer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 84 présenté par le Gouvernement.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Je défendrai en même temps l'amendement n° 85 , tous deux ayant trait la date de l'organisation des élections.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Depuis la consultation de janvier 2010, ce sujet est au coeur des discussions et des négociations avec les collectivités. Le Président de la République avait souhaité que l'on puisse mettre en place cette collectivité le plus rapidement possible. C'est pourquoi le texte a prévu que l'élection devait se dérouler au plus tard avant fin 2012. Mais le Président de la République a toujours indiqué qu'il était prêt à entendre les arguments des élus concernant l'organisation de ces élections afin qu'elles se déroulent dans de bonnes conditions. Au regard des arguments des uns et des autres, il a décidé de fixer les élections en 2014.

Les amendements nos 84 et 85 visent donc à préciser la date des élections afin de garantir la concomitance des mandats des élus des nouvelles assemblées avec celui des conseillers territoriaux en 2014. Quand bien même on peut dissocier les calendriers, il faut rester dans le droit commun. Le Président de la République et le Gouvernement ont entendu la demande des collectivités de disposer d'un délai supplémentaire pour prendre le temps notamment sur des questions budgétaires, financières, d'organisation de l'administration, de statut des personnels pour que tout se déroule au mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Lors des auditions, la date de 2014 est revenue avec insistance. J'ai dit tout à l'heure que j'aurais déposé un amendement dans ce sens, comme d'autres collègues. Je me range donc très volontiers aux arguments de Mme la ministre. Avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Certains collègues disent que nous avons perdu trente ans, depuis 1981, huit ans depuis 2003. Il faut croire que la perte de temps est devenue une seconde nature. Devons-nous encore tergiverser ?

Je rappelle que le décret du Président de la République date du 19 novembre 2009. Les deux questions ont été posées avec une rapidité extrême le 10 et 24 janvier 2010. À l'époque, j'avais demandé au Président de la République et au Gouvernement de ne pas autant précipiter les choses. Nous étions en pleine période de Noël et de jour de l'An. En moins de deux mois, on a accéléré les choses. Le Gouvernement a-t-il, oui ou non, engagé la procédure accélérée sur ces projets de loi ? Comment comprendre alors ce coup de frein soudain contraire à la logique amorcée depuis le début ?

Personnellement, je suis contre la date de 2014. Au nom de quel droit commun ? Et vous essayez de me dire qu'il faut encore perdre quatre ans ? Je voterai contre, même si je suis le seul, car je ne suis pas d'accord. J'y vois un reniement de la parole donnée, je ne sais pas ce qui s'est passé entre-temps.

Je ne crains pas d'avancer lentement, je crains seulement de m'arrêter.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

« Il faut penser pour avancer » disait un grand écrivain et combattant de la révolution. Avancer, mais sans s'arrêter en chemin.

Depuis 1982 et même avant, un processus s'est engagé, mais nous avons effectivement perdu trente ans. On a connu beaucoup de ralentisseurs de l'histoire – certains ont introduit des recours –, mais également d'autres formes de statisme incroyable, ce qui a freiné le processus d'assimilation qui est enclenché dans ces collectivités. Disons-le clairement : nous ne sommes pas au bout du chemin. Nous sommes dans un processus continu de liberté, d'émancipation et de développement.

Je ne partage pas l'argument du Gouvernement sur le droit commun – même je suis favorable à la date de 2014, tout le monde le sait.

En revanche, je suis favorable à deux autres arguments. D'abord, en fixant l'élection des futures assemblées uniques en 2012 – avant juillet 2012 – on aurait profité d'une dynamique politique. On peut reconnaître au Président Nicolas Sarkozy le fait d'avoir mis en place cette collectivité unique en organisant la consultation, mais on ne peut pas dire qu'il allait créer un processus d'accélération au profit d'une dynamique politique. J'ai toujours dit que je ne partageais pas ce point de vue. Qui plus est, ce faisant, il allait lui-même remettre en cause le succès dont il avait été à l'origine, ce qui n'avait aucun sens.

Ensuite, procéder aux élections en 2012, conduirait à accélérer un processus et à introduire un incroyable désordre en Martinique et en Guyane. Comment aurait-on pu mettre sur pied des nomenclatures comptables communes entre collectivités ? Il y a une nomenclature comptable départementale et une nomenclature régionale, tous les experts savent cela.

Comment allait-on faire fonctionner les personnels des collectivités ? Il y en a près de 3 400 ? Pour réorganiser l'activité d'une municipalité employant 4 000 salariés ou d'une région comportant 800 salariés, cela nous avait une année. Allait-on faire tchok an blok, comme on dit en créole, tant pis, sans concertation, comme si les syndicats, la démocratie sociale n'existaient pas ?

Aujourd'hui, madame la ministre, nous sommes dans l'incapacité de dire ce que l'État doit vraiment au conseil général de la Martinique au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie. Le conseil général estime légitimement que l'État lui devait 7 millions d'euros ; l'État, de son côté, soutient qu'il ne nous doit absolument rien. Cela veut dire que la fusion budgétaire peut conduire à une catastrophe financière, faute d'avoir préalablement pris le temps d'analyser la situation des deux collectivités de la manière la plus claire. En matière de patrimoine, qui peut me dire exactement quels sont les actifs du département et de la région dans leurs moindres détails ?

S'il s'agit simplement de procéder à une fusion d'administrations, encore faut-il que les droits et les acquis sociaux des hommes et des femmes qui y travaillent soient respectés. Or on ne sait pas en détail quels sont les personnels dits précaires. Si l'on fusionne deux collectivités pour licencier des gens, cela n'a aucun sens.

Enfin, je vous le dis comme je le pense, s'il s'agit de fusionner pour fusionner, je ne suis pas d'accord. Cela ne fonctionnera pas. Il s'agit de donner à la Martinique une nouvelle chance d'impulsion économique, sociale et culturelle. Pour cela, il faut améliorer et structurer les gouvernances internes à ces institutions et les accompagner par des outils externes performants, qu'il s'agisse de l'aménagement, des équipements, des agences d'énergie et des agences culturelles. C'est toute cette réflexion qu'il faut mettre en oeuvre.

En choisissant d'attendre 2014, c'est la raison et la sagesse qui ont prévalu. Tant mieux pour la Martinique, tant mieux pour la Guyane. Même si cela ne correspond pas à votre agenda politique, cela correspond certainement à un nouveau rendez-vous de l'histoire qu'il ne faudra pas manquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Joseph Manscour

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun a ses raisons et les miennes ne sont peut-être pas les mêmes que celles de mon collègue Letchimy.

Le 10 janvier, la population martiniquaise a voté massivement, à 90 %, contre l'article 74. Elle a montré qu'elle voulait être dans le droit commun. Si les élections devaient être organisées à un autre moment que les élections au niveau national, je pense très sincèrement que ce serait une façon de tromper le peuple. Ce n'est pas admissible.

C'est pour cette raison, madame la ministre, que je me réjouis de constater que vous avez écouté ce qu'ont dit les parlementaires. Nous sommes rassurés de savoir que les élections dans nos collectivités se tiendront le même jour qu'au niveau national.

Par ailleurs, et je suis d'accord avec M. Letchimy, ce serait faire preuve de précipitation que de vouloir fusionner les deux collectivités en l'espace de quinze à seize mois. C'est une raison supplémentaire pour moi de me réjouir du choix de 2014 plutôt que de 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Je n'ai pas la chance de mes collègues : ce calendrier ne me fait pas nager dans le bonheur. La date de 2014 ne correspond pas à mon choix. Cela étant, je n'avais pas vraiment de choix : je considérais et je considère encore que le calendrier de travail doit fixer l'échéance à 2012.

Pourquoi ? Parce que le Président de la République, lorsqu'il a décidé de consulter les Martiniquais et les Guyanais en janvier 2010, a annoncé qu'il saisirait les élus aussitôt après et qu'à la fin de l'année, il présenterait devant le conseil des ministres un projet de loi – et je salue, madame la ministre, le respect du calendrier dont vous avez fait preuve : avant la fin de l'année 2010, ce projet a été effectivement proposé en conseil des ministres. Il s'est engagé à déposer un projet de loi auprès du Parlement : ce projet a bien été déposé et a même fait l'objet d'une procédure accélérée, alors même que cela n'avait pas été prévu. Autrement dit, à la fin du premier semestre 2011, la loi organique et la loi ordinaire seront adoptées et disponibles. Dans ces conditions, pourquoi devoir 2014 ?

Seuls deux arguments justifient la modification de la date dans le projet de loi – encore n'émanent-ils pas du terrain. Le premier consiste à dire qu'il faudrait s'aligner sur le calendrier national au motif que les populations ont choisi le droit commun. Or, je rappelle qu'en Guyane, il y a eu presque autant de personnes qui se sont prononcées en faveur de l'article 74 que de gens qui ont voté pour l'article 73.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

Mo ka palé di mo peï, mo pa di anyen a sou to peï ! (Sourires.)

Mais je m'incline devant ces résultats, considérant que ce vote est à la source de la rédaction actuelle.

Le deuxième argument consiste à dire qu'il y aura déjà d'autres élections en 2012 et que, dans la perspective des présidentielles, on demanderait des parrainages à des élus qui ne seraient pas forcément reconduits après le scrutin de la collectivité unique. Autrement dit, les élus sortants pourraient accorder leur parrainage, mais pas les élus dont le mandat commencera juste après. Cela pose en effet problème. Mais ce même problème se pose pour 2014, à propos de l'octroi de mer et les contrats de projets : la préparation dans les dix-huit mois qui précède les élections se fera avec des élus qui risquent de ne pas être réélus en mars 2014. C'est exactement le même cas de figure.

Autrement dit, l'argument massue pour justifier la date de 2014 est celui de l'alignement sur le calendrier national. Qu'il soit assumé en tant que tel. J'entends la nécessité de consacrer du temps à ce processus, cela étant, c'est seulement à partir de la mise en place de la collectivité unique que les rapprochements s'opéreront. Ils ne se feront pas en six mois – pour la première décentralisation de 1982, il a fallu cinq ans pour mettre en place les nouvelles institutions – mais nécessiteront deux ans à cinq ans. Je fais confiance aux élus. Reste que l'argument de 2014 n'est justifié que par la nécessité d'un alignement sur le calendrier national. Je n'hésite pas à dire qu'il ne me paraît pas être d'une extrême densité…

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Monsieur le président, je ne serai pas aussi long : je ne fais pas partie des ralentisseurs de l'histoire, je crois l'avoir suffisamment démontré lors de mon intervention dans la discussion générale hier soir. Je ne fais pas non plus partie de la catégorie des falsificateurs de l'histoire. Que cela soit bien compris et bien entendu !

J'ai pu constater que nous avons travaillé de manière accélérée et que, subitement, il y avait eu un coup de frein. Je rappelle, pour ceux qui l'ont peut-être oublié, que le transfert des routes nationales à la région a été opéré à la Martinique avant même qu'il soit effectué en France, ipso facto, sans consultation, alors que la direction départementale de l'équipement comptait énormément de personnels : des centaines et des centaines de salariés. J'étais alors président du conseil régional et tout le monde criait à la catastrophe : je peux vous dire que nous avons bien été obligés d'assumer.

Dois-je enfin rappeler que lorsque l'institution régionale proprement dite a été mise en place, elle a été créée à la Martinique qui a servi de cobaye, bien avant qu'elle n'entre en vigueur en France même ? Autrement dit, nous avons dû travailler ex nihilo pendant un an et demi à deux ans.

Et que vient-on me raconter aujourd'hui ? Qu'il était impossible d'honorer les engagements de 2012 ! Je le redis : on a consulté un peuple, et même si c'était sur le droit commun, jamais on ne l'a interrogé sur un alignement du calendrier avec les élections en métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Berthelot

Même si j'ai retiré mon amendement n° 69 , j'aimerais m'exprimer sur ce sujet.

Ma particularité, madame la ministre, est d'avoir donné les raisons pour lesquelles j'ai appelé les électeurs à voter non lors de la deuxième consultation : je leur avais clairement expliqué qu'on leur demandait d'acheter chat an sac, comme on dit en créole. Personne ne savait ce qu'il y avait derrière la deuxième question posée par le Gouvernement ; il fallait prendre le temps, de manière positive et active, de proposer un projet de loi bien ficelé et d'attendre jusqu'à 2014.

Je suis satisfaite que la date de 2014 ait été retenue. Entre la consultation et aujourd'hui, des cafouillages sont intervenus, mais en tant que Guyanaise, je les assume complètement. Je fais confiance aux deux exécutifs pour qu'ils assument leurs responsabilités et mettent à profit ce laps de temps pour élaborer conjointement un outil efficace pour 2014.

Nous aurions pu convaincre les électeurs guyanais de voter votre projet de loi, mais doté d'un contenu et non, comme à l'époque, une enveloppe vide.

(L'amendement n° 84 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 85 du Gouvernement a déjà été défendu.

(L'amendement n° 85 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur pour défendre l'amendement n° 90 .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je me réjouis que le nouveau calendrier puisse garantir un rythme électoral similaire à celui des élections organisées dans les régions et les départements en 2014. Cela souligne la proximité de ces collectivités avec le droit commun.

Mais du coup, les alinéas 5 à 9 de l'article 12 prévoyaient des mesures dérogatoires comme l'abrègement des mandats en cours ou la prolongation des mandats des conseillers élus avant 2014, prévues par les sections IV, V et VI, n'ont plus de raison d'être. C'est pourquoi nous proposons à travers cet amendement de les supprimer.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Favorable.

(L'amendement n° 90 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

En conséquence, les amendements nos 86 rectifié , 39 rectifié , 40 rectifié , 70 , 87 rectifié , 100 et 101 tombent.

(L'article 12, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en revenons à l'article 9, précédemment réservé.

Sur le vote de cet article, je rappelle que le groupe SRC avait demandé un scrutin public.

Les amendements identiques de suppression, nos 41, 64 et 78, ont déjà été défendus. Ils ont fait l'objet d'avis défavorables de la commission et du Gouvernement.

(Les amendements identiques nos 41 , 64 et 78 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 66 de Mme Chantal Berthelot est défendu.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Défavorable également.

(L'amendement n° 66 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 102 .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

En effet, cet amendement est le fruit de la précédente interruption de séance. Là où il y a une volonté, il y a un chemin, disais-je. J'espère que nous avons réussi à le trouver.

Cet amendement cherche à prouver notre détermination à prendre en considération la problématique propre à l'outre-mer en tenant d'apaiser les choses, sans volonté de stigmatiser, comme certains l'ont dit, sans relent particulier.

L'idée est, dans certaines situations, si nécessaire, d'asseoir l'État et les élus autour d'une table afin de parvenir à une solution partagée – comme doit l'être toute bonne solution –, après une phase d'écoute et de concertation. C'est la marque ultime de notre volonté d'aller de l'avant.

D'où ce droit nouveau : Lorsqu'une collectivité territoriale néglige de prendre ou de faire prendre par un de ses établissements publics les mesures relevant de ses compétences exclusives et nécessaires à la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité ou de l'environnement ou au respect des engagements internationaux ou européens de la France, autrement dit si l'on constate des négligences ou des manquements, le représentant de l'État pourra engager une procédure de concertation visant à identifier et à remédier aux causes de la carence de cette collectivité.

S'ensuit donc une concertation – ce qui distingue nettement le texte de ses moutures précédentes – avec l'exécutif et le comptable public de la collectivité, afin de faire un état des capacités de la collectivité territoriale à financer et mettre en oeuvre les mesures mentionnées au deuxième alinéa et d'élaborer conjointement – il ne s'agit donc ni de tutelle ni de dépendance, mais de marcher ensemble vers un objectif commun…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…un plan d'action et un calendrier de réalisation. Cette idée de travail en commun devrait dépassionner le débat.

Le plan d'action et le calendrier élaborés seront soumis pour approbation à la plus proche réunion de l'organe délibérant de la collectivité territoriale. J'ajouterais volontiers, comme nous en avons parlé pendant la suspension de séance : au plus tard dans un délai de deux mois suivant leur transmission par le représentant de l'État. La plupart du temps, les réunions ont lieu tous les mois, mais on peut imaginer que des vacances surviennent, par exemple. Ce délai montre que nous ne voulons pas confondre vitesse et précipitation,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

…tout en évitant les manoeuvres dilatoires.

À défaut d'approbation ou d'exécution du plan d'action dans le calendrier prévu, le représentant de l'État saisira le Gouvernement, qui arrête en lieu et place de la collectivité territoriale ou de l'établissement public les mesures mentionnées au second alinéa.

Il n'est donc pas question de jeter l'anathème sur les collectivités. Du reste, cela n'a jamais été l'intention du Gouvernement ni de votre rapporteur, à qui les collectivités inspirent une grande confiance.

Nous voulons aller de l'avant. Nous l'avons tous perçu lors de nos échanges, c'est une page nouvelle qui s'écrit ce soir. Je comprends que l'on puisse obéir à une logique juridique différente. Mais ce texte de compromis, que nous devons à la bonne volonté de tous les élus, sur tous les bancs de cet hémicycle, témoigne de notre volonté de montrer que l'on peut avancer. Ce n'est pas le plus petit dénominateur commun, mais le plus grand !

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Avant de m'exprimer sur l'amendement, je propose de lui apporter la rectification suivante : au dernier alinéa, remplacer « arrête » par « peut arrêter ».

Cette précision résulte de la concertation que nous avons menée pendant la suspension de séance.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Il s'agit de montrer que l'État, s'il entend jouer son rôle en accompagnant les collectivités, doit rester garant de l'unité, d'autant que les populations attendent de lui qu'il intervienne lorsque l'on ne parvient pas à trouver une solution. C'est du reste ce qu'elles lui ont demandé dans des circonstances exceptionnelles.

Nous n'avons jamais considéré que les élus n'assumaient pas leurs responsabilités outre-mer. L'État doit simplement jouer son rôle en s'assurant que tous les équipements indispensables aux besoins de la population sont réalisés en temps et heure, d'autant que, dans le cas contraire, les conséquences financières peuvent être lourdes.

Je me réjouis que nous parvenions à cette rédaction. Et je suis heureuse de le dire, monsieur Letchimy, car vous pouvez imaginer l'effet des propos que vous avez tenus lors de la discussion générale, et qui visaient à toucher ma fibre ultramarine. (Sourires.) Peut-être pourriez-vous les retirer, au moins en partie. Je suis une élue locale et je peux comprendre la démarche des élus ; l'État n'avait aucunement l'intention de stigmatiser les élus d'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Madame la ministre, vous savez qu'il y a, dans ce type de débats, plusieurs manières de toucher la sensibilité de son interlocuteur. Le charme en fait partie, mais il ne m'en reste guère (Sourires) ; reste la persuasion, et le fait de dire la vérité aussi. Il ne s'agissait pas de vous stigmatiser, mais de vous sensibiliser à cette question…

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

C'était pour le moins violent !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

…afin d'éviter une catastrophe.

De fait, nous pouvons déclarer solennellement que nous avons évité le pire. Je remercie mes collègues Diefenbacher et Almont de leur contribution. Et si, par mes propos, j'ai contribué à ce que nous évitions le pire, c'est tant mieux ! Car nous nous apprêtions à enclencher un processus tout à fait regrettable. Les mesures d'exception instituées en 1960, et dont Christiane Taubira a parlé, montrent ainsi que lorsqu'on s'engage dans la voie de l'autoritarisme, on ne sait pas où l'on va s'arrêter.

Je remercie également le rapporteur et la ministre, qui ont su trouver, à partir de notre discussion et de ce que nous avons proposé, les termes composant une rédaction correcte.

Certes, le cadre de l'amendement excède le droit commun : le pouvoir qu'il accorde est quelque peu exorbitant. Mais l'on a considérablement atténué la rédaction initiale : il n'est plus question de pouvoir de substitution, ni de procédure d'état de carence, ni d'humilier des élus. Désormais, un processus de concertation conduit à débattre en plénière, dans un délai de deux mois, d'un sujet qui peut être central. En cas de difficulté, le Gouvernement peut alors s'impliquer davantage pour permettre de mener à bien l'opération. C'est une bonne chose.

Nous ne voterons pas contre cet amendement, mais nous ne voterons pas non plus pour. Nous allons nous abstenir, avec tout le respect dû à cette assemblée, et considérant qu'il vaut mieux se concerter en amont plutôt que d'en venir à s'affronter sur une question aussi essentielle que le respect de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Taubira

En dépit des apparences, j'aime assez les consensus, lorsqu'ils sont exceptionnels. Je suis donc un peu attendrie par celui auquel nous avons abouti.

Cela étant, si nul ne saurait contester l'argumentation du rapporteur, il faut en revenir à la subtilité qui nous a conduits à cette situation. Il ne s'agit pas de combler un vide juridique, puisque des dispositions de droit commun permettent à l'État d'intervenir auprès des collectivités, ou à leur place, si des dispositions obligatoires ne sont pas respectées – la loi parle même de carence, si je ne me trompe. Ces dispositions de droit commun s'appliquent à toutes les collectivités.

La difficulté dans laquelle je ne dirai pas que nous nous sommes mis, mais dans laquelle vous nous avez mis, dans laquelle vous vous êtes mis, et dont vous essayez de vous extraire – avec bonne volonté, incontestablement –, vous l'avez créée à partir du Comité interministériel de l'outre-mer. En effet, celui-ci a décidé d'inclure dans les éléments d'explication des mouvements sociaux de 2008 et 2009 les carences des collectivités, qui les auraient empêchées d'accomplir certaines de leurs missions, ce qui aurait mécontenté les citoyens au point de les jeter dans la rue pendant cinq semaines. Mais il s'agit d'une erreur d'analyse.

De cette erreur d'analyse, on a tiré une disposition que l'on a inscrite dans les conclusions du CIOM ; de ces conclusions, on déduit qu'il faut ajouter à la loi une disposition particulière ; d'où la disposition particulière et parfaitement insupportable dont vous tentez aujourd'hui d'atténuer la portée.

Vous avez créé un problème ; le plus simple est de le supprimer, donc de supprimer l'article. Voilà pourquoi, si attendrie que je sois par ce vaste consensus, et même si je salue les efforts considérables que vous avez tous consentis pour le rédiger, je ne voterai pas cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Berthelot

Premièrement, le mot « carence », dont nous avions critiqué l'emploi, est maintenu à la fin du second paragraphe. Nous lui aurions préféré le terme de « défaillance ».

D'autre part, j'ai évoqué tout à l'heure le CIOM, madame la ministre. Certes, il a formulé des propositions, mais sur quel fondement ? Ce n'est pas une base suffisante pour légiférer. Dans la discussion générale, tout le monde a préconisé la suppression de cet article 9, parce qu'il est stigmatisant.

Voyant que tout le monde avait été très ferme lors de l'examen du texte au Sénat, j'ai déposé un amendement de repli – qui a été repoussé tout à l'heure – tendant à ajouter la mention de l'article 72 à celle de l'article 73.

Ici, on ne cesse de passer du droit commun au droit dérogatoire et vice versa. Je vous l'ai dit lors de la discussion générale : tenons-nous en à l'une des deux logiques, quelle qu'elle soit. S'il s'agit de droit commun, même si je ne suis pas d'accord – je vous l'ai dit d'emblée –, restons-en au droit commun, et étendons le dispositif aux collectivités visées à l'article 72.

Dans ce domaine, nous avons besoin de cohérence et de clarté, pour nous-mêmes, élus, comme pour nos électeurs. On ne peut pas demander tout et son contraire ! J'irai même plus loin : si, dans certaines collectivités, certains sont défaillants, faisons valoir le droit commun et la loi au lieu d'appliquer en permanence à l'outremer des dispositions dérogatoires. Peut-être devrions-nous éviter d'être par trop dérogatoires vis-à-vis de certains de nos responsables.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Monsieur le président, je reconnais en vous un parlementaire breton. (Sourires.) Or, en Bretagne, nous avons connu ce type de situations lorsque des directives européennes n'ont pas été respectées – je n'en dirai pas plus. Pourtant, on n'a pas recouru à des mesures comparables, même si elles relèvent du droit commun.

Je comprends parfaitement la première réaction de nos collègues, qui ont eu le sentiment que leurs collectivités, à la différence des autres, étaient mises sous tutelle. Ce qui est pour le moins déstabilisant à l'heure où nous tentons, tous ensemble, de développer la décentralisation, y compris outre-mer, et, avec elle, les responsabilités – au sens premier, républicain, du terme – de nos élus.

Je reste intimement convaincue que le droit commun suffisait, puisqu'il mentionne les carences en matière de dépenses obligatoires, de sécurité, de police, de santé et de respect des traités. Mais puisque mes collègues ultramarins eux-mêmes ont fait l'effort d'aller vers le rapporteur, je m'abstiendrai. Nous n'avons pas de mandat pour agir autrement. Cela étant, la parlementaire de métropole que je suis respecte ce que nos collègues pensent avoir gagné, symboliquement et en droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis du rapporteur sur la rectification proposée par le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je rectifie volontiers mon amendement : à la deuxième ligne du dernier paragraphe, il faut remplacer « arrête » par « peut arrêter », ce qui ménage une ouverture plus grande encore.

Et puis, mes chers collègues, je veux vous remercier une dernière fois, très sincèrement, de votre bonne volonté. Cela montre que cet hémicycle peut aussi se retrouver et débattre sereinement. Je n'oublie pas l'abstention bienveillante de certains collègues.

J'en tire la conclusion que tout ce qui nous unit nous grandit.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Vous êtes un poète, monsieur le rapporteur. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je donne lecture du dernier alinéa de l'amendement 102 , tel que vient de le rectifier le rapporteur :

« À défaut d'approbation ou d'exécution du plan d'action dans le calendrier prévu, le représentant de l'État saisit le Gouvernement, qui peut arrêter en lieu et place de la collectivité territoriale ou de l'établissement public les mesures mentionnées au second alinéa. »

(L'amendement n° 102 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

En conséquence, les amendements nos 56 , 34 rectifié et 67 tombent.

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'article 9.

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 49

Nombre de suffrages exprimés 40

Majorité absolue 21

Pour l'adoption 35

Contre 5

(L'article 9, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur le président, je ne pensais pas que nos débats seraient si longs mais je ne m'en plains pas : en prenant le temps nécessaire – même si, j'ai bien conscience, cela décale l'examen d'autres textes – nous avons collectivement démontré notre attachement à cet outre-mer qui n'est pas une France lointaine, mais qui est la France. N'oublions jamais cet attachement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

L'outre-mer, c'est aussi une sensibilité, une diversité, qui nous enrichissent et qui enrichissent la République.

Parfois, emprunter des chemins de traverse permet aux hommes et aux femmes de bonne volonté de se retrouver ; c'est ainsi que nous permettrons, me semble-t-il, que s'ouvre en Guyane et en Martinique une ère nouvelle.

On peut formuler des voeux, on peut rêver ; je me limiterai ici à être législateur sans être trop lyrique, mais j'ai envie de dire : bon vent à cette réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Serge Letchimy.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Le 24 janvier 2010, en Guyane et à la Martinique, nos peuples ont tranché et choisi d'instaurer une collectivité unique, donc de donner à nos pays la possibilité d'évoluer vers une gouvernance nouvelle, vers des institutions plus efficaces, plus cohérentes, et qui nous permettront de franchir un degré supplémentaire de responsabilité.

Le processus demeure ouvert, mais c'est une étape fondamentale. Ce texte était très attendu ; les débats ont été longs. Depuis des décennies, des hommes et des femmes politiques se sont battus, à leur manière, avec leurs conceptions, leurs idées, pour en arriver là.

Il s'agit donc d'un texte essentiel pour notre pays. On peut bien sûr améliorer certains points. Je le dis clairement : un statut pour le statut ne suffit pas ; un statut doit s'accompagner d'une stratégie de développement. Il faudra un acte II, avec notamment une loi de programme de développement économique qui dépasse la LODEOM. Les enjeux économiques et sociaux sont en effet extrêmement importants.

La mise en place de ces collectivités en 2014 doit être parfaitement préparée. Cette date me semble essentielle, car il faut réussir cette nouvelle perspective.

Toutes les garanties sont données pour instaurer une véritable démocratie, avec une pluralité d'expression des opinions. C'est fondamental.

Les conditions du succès sont réunies, notamment à la Martinique, parce que nous avons choisi une gouvernance inédite, mais aussi en Guyane, dont il faut respecter le choix.

Pour toutes ces raisons, nous voterons le texte. Nous avons combattu l'article 9 qui ne s'intégrait pas au nouveau schéma institutionnel. Nous voterons néanmoins la loi ordinaire, comme nous avons voté la loi organique, qui constitue à mon sens une avancée tout à fait remarquable notamment sur les processus d'habilitation qui seront mis en oeuvre pour confectionner la loi et les règlements sur place, au plus près de la population, au plus près des réalités environnementales, climatiques, énergétiques et économiques. C'est la responsabilité, c'est le transfert des compétences.

Ce pas franchi démontre parfaitement que l'égalité des droits n'est pas incompatible avec le droit à la différence. C'est, je le sais, difficile à accepter, et même à aborder, dans un pays qui considère la République comme une et indivisible ; mais c'est un sujet majeur. Petit à petit, on constatera que cette République peut être unie dans sa diversité, qui constitue richesse fondamentale.

C'est en ce sens que j'appelle tous nos collègues à voter ce texte très attendu par la Guyane et par la Martinique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Je me réjouis à mon tour du climat et du ton de nos échanges. Quelle longue marche depuis les débats de 1982 sur l'assemblée unique ! Depuis ce temps, la compréhension, le respect mutuel, et peut-être même la confiance, ont fait des progrès tout à fait considérables, et l'on ne peut que s'en féliciter.

À l'évidence, nous ne sommes pas d'accord sur tous les sujets, comme l'a montré le débat sur l'article 9. Mais là aussi, il faut, je crois, s'en féliciter : sur un texte donné, il est normal, inévitable, et même sain, que chacun ne réagisse pas de la même façon. Si tout le monde pensait de la même manière, où serait l'échange, où serait la démocratie ?

Ce qui est important, c'est que chacun respecte la position de l'autre et que l'on essaye de trouver des solutions de consensus. C'est ce que nous avons fait.

Je voulais donc remercier tous ceux qui ont participé à l'échange que nous avons eu tout à l'heure. Je remercie Mme la ministre, qui a permis que la discussion s'ouvre sur le fond de cet article 9 ; je remercie M. le rapporteur, qui a fait de grands efforts de conciliation, et qui a fait montre d'un talent de négociateur que nous avons déjà pu apprécier sur d'autres textes ; je remercie enfin tout particulièrement mon collègue Serge Letchimy des propos qu'il a tenus tout à l'heure à l'égard d'Alfred Almont et de moi-même. Je lui dis très sincèrement, et s'il le permet très amicalement, combien j'y ai été sensible.

Cap maintenant sur 2014 ! Car, comme l'a dit Mme Christiane Taubira tout à l'heure, nous n'avons plus le choix : les institutions départementales et régionales actuelles sont en fonction jusqu'en 2014 ; personne ne peut interrompre le mandat des assemblées. L'Assemblée nationale n'a pas le pouvoir de dissoudre les conseils régionaux et généraux : il faut, par conséquent, que les conseils en place aillent jusqu'au bout de leur mandat.

Cela n'empêche nullement les collectivités territoriales de travailler ensemble ; cela n'empêche pas les administrations régionales et départementales de se rapprocher et de procéder d'ores et déjà aux échanges nécessaires. Un travail considérable doit être accompli avant 2014, afin que les nouvelles assemblées puissent fonctionner de manière efficace dès qu'elles seront en place.

Cette réforme a été menée dans un seul but : doter les collectivités de Martinique et de Guyane de l'instrument institutionnel qui permettra d'aller plus vite, plus loin, en matière de développement économique, social et culturel. C'est l'ambition que nous devons avoir, avec nos collègues d'outre-mer, comme avec tous nos amis d'outre-mer.

Le groupe UMP votera donc de grand coeur la loi ordinaire dont nous venons de débattre, comme il a voté la loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, modifiant l'article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Mesdames et messieurs les députés, la Nouvelle-Calédonie vient de connaître une instabilité institutionnelle inédite.

Il n'appartient pas au Gouvernement d'interférer avec le débat qui s'est ouvert depuis plusieurs mois entre les forces politiques calédoniennes. Ce débat, c'est tout simplement l'expression d'une démocratie vivante.

En revanche, le blocage des institutions n'était pas acceptable. Le Gouvernement, garant du processus de Nouméa, devait agir rapidement.

Mes deux déplacements en Nouvelle-Calédonie, au mois de février puis au mois d'avril, m'ont permis de proposer quatre principes d'action, afin de parvenir à une solution à la fois juridique et politique.

De nouvelles élections ne seront pas provoquées. Une dissolution du Congrès, loin de résoudre cette crise institutionnelle, aurait pu exacerber les tensions.

Nous proposons plutôt une modification limitée de la loi organique : c'est l'objet du texte que j'ai l'honneur, au nom du Premier ministre, de vous présenter.

Il faut également rappeler les principes de collégialité et de proportionnalité qui président au fonctionnement du gouvernement calédonien.

Enfin, le comité des signataires se tiendra à l'échéance prévue, afin de remettre le processus de Nouméa au coeur des priorités de travail.

Les entretiens conduits personnellement par le Premier ministre François Fillon du 17 au 19 mai ont confirmé que les forces politiques calédoniennes adhèrent à la démarche proposée.

Un nouveau gouvernement calédonien a été élu le 10 juin. Il est désormais au travail, avec la plénitude des pouvoirs que lui confère le statut.

Conformément au schéma proposé, le projet de loi que je présente aujourd'hui vise donc à modifier de manière limitée le statut de la Nouvelle-Calédonie. Il s'agit uniquement de corriger l'article 121 de la loi organique du 19 mars 1999.

Cet article prévoit que lorsqu'un membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie cesse d'exercer ses fonctions, le candidat suivant de liste le remplace. Lorsqu'il n'existe pas de suivant de liste susceptible de le remplacer, le gouvernement, dans son ensemble, est démissionnaire de plein droit. Il assure l'expédition des affaires courantes jusqu'à l'élection d'un nouveau gouvernement.

Ce que le législateur organique n'avait pas prévu, c'est l'utilisation de cet article comme substitut à la motion de censure, par le biais de démissions collectives ayant pour seul objet de faire tomber le gouvernement. Ni la lettre du texte, ni la jurisprudence administrative ne l'interdisent. C'est ainsi que le gouvernement a été renversé quatre fois en 2002, 2004, 2007 et février 2011.

Ce mécanisme, c'est pour les institutions calédoniennes un espace de respiration politique auquel les forces politiques calédoniennes sont attachées. Il offre une capacité d'expression supplémentaire à la minorité politique qui peut faire tomber un gouvernement sans recourir à la motion de censure qui, elle, nécessite une majorité.

En revanche, l'utilisation répétée de ce mécanisme dans le seul but d'empêcher le fonctionnement normal des institutions et de créer les conditions d'une dissolution n'était pas acceptable. Ce détournement de l'article 121 est clairement contraire à l'esprit de ce texte et plus globalement à l'esprit du statut de la Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Le Conseil d'État, statuant au contentieux le 8 avril 2011, l'a sévèrement qualifié de « manoeuvre ». Il est donc nécessaire de ne plus permettre une telle utilisation de l'article 121, sans pour autant supprimer le mécanisme lui-même.

Le projet de loi qui vous est présenté a pour objectif principal de garantir une stabilité institutionnelle pendant un délai raisonnable. Il prévoit l'instauration d'un délai de carence de dix-huit mois pendant lequel, lorsque les membres d'un groupe ont démissionné en bloc et fait démissionner d'office le gouvernement, le mécanisme est privé d'effet. Les démissions collectives restent donc possibles, mais elles perdent, pendant dix-huit mois, leur effet paralysant sur le fonctionnement du gouvernement.

Le texte se doit toutefois de respecter la collégialité et la proportionnalité du gouvernement, qui sont des principes issus de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 et qui ont, à ce titre, une valeur constitutionnelle. Il prévoit donc également la possibilité, pendant le délai de carence de dix-huit mois, à un groupe démissionnaire de réintégrer à tout moment le gouvernement, par simple notification d'une nouvelle liste de candidats. Laisser la porte ouverte au groupe démissionnaire, ne pas l'exclure du gouvernement si ce n'est plus sa volonté, c'est permettre de rétablir, à l'issue d'une crise politique, la représentation équilibrée du gouvernement.

Enfin, le texte prévoit une disposition transitoire qui permet de rendre immédiatement applicable le délai de carence de dix-huit mois, en prenant en compte les démissions de plein droit antérieures à l'entrée en vigueur de la réforme.

Lors des entretiens à l'hôtel de Matignon, les groupes politiques calédoniens ont unanimement adhéré à l'objectif de stabilité poursuivi par le Gouvernement et approuvé cette réforme dans son principe. Le texte du Gouvernement, issu d'une très large consultation politique, a repris in extenso la rédaction du Conseil d'État. Le Sénat a apporté, avec mon accord, quelques précisions rédactionnelles qui ont effectivement permis d'améliorer le texte.

Il est désormais indiqué, au II, que le mécanisme joue non seulement lorsqu'il n'existe plus de suivant de liste susceptible de remplacer un membre démissionnaire, mais également « lorsque les membres d'une liste présentent simultanément une démission motivée ». La pratique de la démission collective est ainsi introduite dans le texte.

Au IV, le mot « candidats » a remplacé le mot « représentants », ce qui est en réalité plus conforme aux différentes étapes de la procédure par laquelle un groupe politique réintègre le gouvernement.

Ce texte, ainsi amendé, a été adopté à l'unanimité par le Sénat.

Votre commission, sur la proposition de son rapporteur, Dominique Bussereau, que je veux saluer tout particulièrement, a ouvert la voie à une adoption dans les mêmes termes du projet de loi par les deux assemblées. C'est, bien entendu, le voeu du Gouvernement. Ce sera la confirmation de la qualité du texte qui a été préparé. Ce sera surtout un signal très fort du consensus qui existe sur le fonctionnement des institutions calédoniennes.

Mesdames et messieurs les députés, en matière institutionnelle, il n'y a jamais de dispositif miracle. D'autres failles, qui nous sont encore inconnues, pourront toujours être trouvées par un groupe politique cherchant l'obstruction à tout prix. On ne peut se prémunir contre tout.

Ce qui est la force des institutions calédoniennes, la collégialité, peut devenir demain une faiblesse en l'absence de consensus. Je suis toutefois confiante sur la capacité des forces politiques à oeuvrer, avec respect et franchise, pour construire cet avenir partagé qu'ont voulu les signataires des accords de Matignon et de Nouméa.

Dimanche dernier, au parc de la Villette, ont été présentés, en avant-première, les XIVe Jeux du Pacifique, qui seront ouverts par le Président de la République, le 27 août prochain à Nouméa. Le geste coutumier puis les hymnes de la Nouvelle-Calédonie et de la République ont aussi, en quelque sorte, ouvert une séquence calédonienne qui, de nos travaux d'aujourd'hui jusqu'au déplacement du chef de l'État en Nouvelle-Calédonie, en passant par le comité des signataires du 8 juillet, s'annonce particulièrement importante pour le territoire.

Je le disais en présentant le projet de loi devant le Sénat : le poids des événements, le souvenir des grands hommes, le maintien de la paix civile, la construction d'un futur partagé, tout converge pour aborder la Nouvelle-Calédonie avec une profonde humilité. Cette humilité, celle que l'on retrouve dans le geste coutumier, permettra, j'en suis certaine, aux Calédoniens d'écrire leur destin commun. L'État les accompagnera sur ce chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Dominique Bussereau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bussereau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun dans cette assemblée se souvient des accords de Matignon en 1988 puis de l'accord de Nouméa en 1998. Nous sommes même, dans cet hémicycle, quatre collègues à avoir assisté à la signature de ces accords au nom de la commission des lois de l'Assemblée élue en 1997.

Ces accords mettaient en place une évolution très particulière, avec des institutions spécifiques et un droit constitutionnel particulier, dans un système d'essence quasiment fédérale. Parmi les principes essentiels figurent ceux de collégialité et de proportionnalité du gouvernement, élu à la représentation proportionnelle par le congrès, qui se doit de représenter toutes les communautés et tous les partis pour diriger cette collectivité.

Le présent projet de loi organique, qui nous est soumis dans le cadre d'une procédure accélérée, pourrait être mieux rédigé. En effet, le Sénat, en améliorant, a parfois un peu compliqué les choses. Mais ne chipotons pas : l'objectif est de retrouver une stabilité pour désigner un gouvernement qui ne soit pas immédiatement démissionnaire, ce qui serait une nouveauté puisque tel n'a pas été le cas jusqu'au 10 juin dernier.

L'accord de Nouméa avait un objectif autant économique que politique. L'actuel statut de la Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui fixé par les principes inscrits dans cet accord, ceux-ci ayant acquis une valeur constitutionnelle par la référence qui y est faite aux articles 77 et 78 de la Constitution, ainsi que par la loi organique du 19 mars 1999, qui a transposé les principes et créé des institutions très originales. Au terme de cette évolution institutionnelle, l'État ne conservera plus en Nouvelle-Calédonie que la maîtrise des compétences à caractère régalien.

Parmi les points de cet accord, figure le droit pour la Nouvelle-Calédonie de choisir elle-même ses signes identitaires, dont notamment son drapeau. Reprenant une suggestion de notre collègue Pierre Frogier, le congrès a adopté, le 13 juillet 2010, un voeu pour choisir d'associer le drapeau tricolore de la République à un drapeau présenté comme celui de l'identité kanake. Cela a débouché, mais ce n'était peut-être pas la seule raison, sur une crise politique. Le gouvernement a chuté en février dernier, accusé de ne pas soutenir une décision collégiale. De cette date au 10 juin dernier, il a été impossible de mettre en place un nouvel exécutif.

En application du statut de 1999, le congrès doit, en effet, déterminer le nombre de membres du gouvernement avant de les élire par un scrutin de liste à la proportionnelle. Depuis février 2010, le congrès a élu quatre gouvernements successifs : les trois premiers n'ont jamais pu être mis en place car, sitôt le gouvernement élu, l'ensemble des membres d'une liste présentée par un groupe d'élus au congrès démissionnait systématiquement.

En application des dispositions actuelles de l'article 121 de la loi organique, tout membre du gouvernement cessant ses fonctions, quelle que soit l'origine de cette vacance, ne peut être remplacé par un suivant de liste ; le gouvernement est démissionnaire de plein droit, afin qu'une nouvelle élection permette de rétablir les équilibres politiques initiaux. L'utilisation systématique de ces dispositions constitue un détournement de procédure. Je me souviens de nos travaux parlementaires de la loi organique de 1999 et notamment du rapport de notre collègue René Dosière : jamais nous ne les avons pensées comme un moyen pour un groupe minoritaire de faire chuter un gouvernement, alors qu'existe une procédure de motion de défiance.

Le présent projet de loi, vous l'avez rappelé, madame la ministre, fait le choix de maintenir l'esprit de collégialité de l'accord de Nouméa, tout en empêchant le blocage des institutions par une minorité. Ce texte réécrit l'article 121 de la loi organique en maintenant la possibilité pour un groupe politique de démissionner du gouvernement – c'est la démocratie – mais en empêchant aussi que des démissions collectives répétées ne fassent obstacle au travail l'exécutif.

Si les membres d'une liste démissionnent collectivement, provoquant ainsi la démission de plein droit du gouvernement, ce dispositif ne peut plus être mis en oeuvre pendant un délai de dix-huit mois. Si les membres démissionnaires d'une liste de candidats ne peuvent être remplacés, le gouvernement pourra continuer de fonctionner en leur absence, en effectif inférieur et sans représentant du groupe ayant provoqué la démission, en étant réputé être au complet,

Toutefois, afin de préserver la participation des différentes forces politiques, l'article 1er permet aux groupes démissionnaires qui auraient choisi de perdre leur représentation au sein de l'exécutif de la rétablir sans élection, en déposant une nouvelle liste de candidats. Après validation de cette liste, les membres de celle-ci pourraient retrouver le nombre de sièges que la liste avait obtenu lors de l'élection du gouvernement. Chacun prenant ses responsabilités, le groupe démissionnaire assume seul les conséquences de son choix de sortir du gouvernement et ainsi de renoncer à la collégialité ; cependant, il peut à tout moment reprendre sa place au sein du gouvernement, en application des « principes à valeur constitutionnelle de collégialité et de proportionnalité du gouvernement issus de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 ».

La modification proposée respecte ainsi le principe de stabilité de l'exécutif. Le gouvernement est élu pour la durée de la mandature du congrès, sauf mise en jeu des mécanismes normaux, tels que l'adoption d'une motion de censure.

À l'issue du mandat en cours des membres des assemblées provinciales et du congrès, après les prochaines élections provinciales prévues en mai 2014, commencera la dernière phase prévue par l'accord de Nouméa. Les citoyens calédoniens seront amenés à s'exprimer, par les urnes, pour choisir leur destin.

Je veux dire devant nos collègues Frogier et Yanno que ce projet, qu'ils connaissent bien, répond, avec quelques nuances bien légitimes, à la demande des élus du congrès de Nouvelle-Calédonie d'une modification, dans les meilleurs délais, par le Parlement de l'article 121.

Le projet du Gouvernement, appelé de leurs voeux par les représentants de la Nouvelle-Calédonie et voté par le Sénat n'est pas une réforme d'ensemble mais un ajustement. Après des accords aussi importants que ceux de Matignon et de Nouméa, après les souffrances qu'a endurées la Nouvelle-Calédonie dans sa chair entre 1980 et 1988, on n'a pas le droit de se tromper. Ce dispositif permettant une bonne stabilité du gouvernement, ne remettant pas en cause les institutions, évitant le détournement de leur esprit, correspond à ce que nous souhaitons, c'est-à-dire une Nouvelle-Calédonie moderne, à l'écoute des uns et des autres, telle que les élus ici présents et d'autres la représentent et la font vivre chaque jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. René Dosière.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, au début de cette intervention, de saluer les Calédoniens qui nous écoutent dans cet hémicycle ou au-dehors. La Nouvelle-Calédonie est lointaine de la métropole, mais très proche du coeur des socialistes puisque ce sont deux Premiers ministres socialistes, Michel Rocard et Lionel Jospin, qui ont abouti aux accords de Matignon et de Nouméa. Mais la Nouvelle-Calédonie est mal connue de nos compatriotes, et sans doute aussi de nombre de nos collègues. C'est la raison pour laquelle, je le dis franchement, détournant la procédure parlementaire, j'utiliserai les quelque trente minutes offertes par cette motion de rejet préalable pour fournir un certain nombre d'informations. La Nouvelle-Calédonie est un dossier beaucoup trop important pour être discuté en catimini et rapidement.

Les dispositions contenues dans l'accord de Nouméa et inscrites dans notre Constitution font de ce pays une collectivité tout à fait particulière, sui generis comme on dit en latin, puisqu'elle est dotée d'institutions tout à fait originales qui constituent un bloc, l'une étant inséparable de l'autre aurait dit Clemenceau.

Parmi ces particularités, je citerai les principales.

Première particularité : la citoyenneté calédonienne réserve le droit de vote aux élections provinciales à tous ceux qui étaient présents en 1998 sur le territoire, ce que l'on a appelé un corps électoral figé.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Cette restriction, a priori choquante pour un esprit républicain, est la contrepartie obtenue par les indépendantistes de s'en remettre au suffrage universel pour décider de la souveraineté. Encore convient-il que ce suffrage universel ne soit pas gonflé par l'arrivée opportune de nouveaux métropolitains. Quand on connaît les pratiques électorales utilisées dans nos anciennes colonies, on comprend l'exigence légitime des Kanaks de confier aux seuls Calédoniens présents au moment de l'accord de Nouméa en 1998 la responsabilité de le mettre en oeuvre dans le cadre des élections provinciales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Évitez ce genre de dérapage ! Faites en sorte que le débat soit serein !

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Mon cher collègue, vous connaissez parfaitement le statut de la Nouvelle-Calédonie. Mais les Français de métropole ne le connaissent pas nécessairement !

Deuxième particularité : la citoyenne calédonienne permet également d'obtenir une priorité d'emploi.

Troisième particularité : la possibilité est ouverte au congrès de Nouvelle-Calédonie de voter des lois du pays ayant force de loi et donc qui sont soumises directement au Conseil constitutionnel dans une douzaine de matières, comme la fiscalité, le droit social, l'exploitation des ressources minérales, donnant d'ailleurs, comme le soulignait le rapporteur, une dimension fédéraliste à notre République.

Quatrième particularité : la constitution d'un Gouvernement fonctionnant de manière collégiale et non majoritaire, élu au scrutin proportionnel, de manière à représenter les forces indépendantistes et non indépendantistes.

Cinquième particularité : la reconnaissance et la préservation de l'identité kanake se caractérisant par le recours aux statistiques ethniques.

Sixième et dernière particularité : des transferts de compétences irréversibles, quel que soit l'avenir du territoire.

Toutes ces singularités, qui mettent à mal le caractère jacobin de notre tradition républicaine, ont nécessité une modification de notre Constitution pour les rendre opératoires. Elles sont justifiées par un seul motif : la Calédonie s'inscrit dans un processus de décolonisation pacifique, comme le reconnaît le préambule de l'accord de Nouméa dont je citerai des passages.

« La décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d'établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps.

« Les communautés qui vivent sur le territoire ont acquis par leur participation à l'édification de la Nouvelle-Calédonie une légitimité à y vivre et à continuer de contribuer à son développement. Elles sont indispensables à son équilibre social et au fonctionnement de son économie et de ses institutions sociales. Si l'accession des Kanaks aux responsabilités demeure insuffisante et doit être accrue par des mesures volontaristes, il n'en reste pas moins que la participation des autres communautés à la vie du territoire lui est essentielle.

« Il est aujourd'hui nécessaire de poser les bases d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d'origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun.

« La taille de la Nouvelle-Calédonie et ses équilibres économiques et sociaux ne permettent pas d'ouvrir largement le marché du travail et justifient des mesures de protection de l'emploi local. Les accords de Matignon signés en juin 1988 ont manifesté la volonté des habitants de Nouvelle-Calédonie de tourner la page de la violence et du mépris pour écrire ensemble des pages de paix, de solidarité et de prospérité.

« Dix ans plus tard, il convient d'ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l'identité kanake, préalable à la refondation d'un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté.

« Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L'avenir doit être le temps de l'identité, dans un destin commun. »

L'article 121 du statut de la Nouvelle-Calédonie qu'il est proposé de modifier est celui qui permet le respect de la collégialité, puisque le retrait d'une composante entraîne la chute du gouvernement. C'est ce qui s'est passé le 17 février 2011 avec la démission des membres de l'Union calédonienne qui a entraîné le renversement du gouvernement de Philippe Gomès, élu en mai 2009.

Ce dernier a décidé d'utiliser, à son tour, le dispositif de l'article 121 de manière répétitive, ce que le Conseil d'État a qualifié de « manoeuvre électorale ».

Pour sortir de cette situation de blocage puisque, depuis le mois de février les gouvernements successifs ne font qu'expédier les affaires courantes, le Gouvernement a finalement proposé le texte dont nous discutons ce soir, qui a été adopté à l'unanimité par le Sénat et que l'Assemblée nationale devrait adopter conforme, ce qui accélère sa mise en application.

En nous proposant ce texte, le Gouvernement n'a pas totalement suivi la position majoritaire du congrès de Nouvelle-Calédonie qui s'opposait au remplacement des membres démissionnaires. Mais cette disposition était manifestement contraire à l'accord de Nouméa et donc à la Constitution.

Je voudrais évoquer maintenant la question des deux drapeaux.

À côté de l'hymne et de la devise, désormais officialisés par une loi du pays, l'accord de Nouméa prévoit parmi les signes identitaires un drapeau de la Nouvelle-Calédonie.

Compte tenu de la symbolique des deux drapeaux pendant les troubles de 1984-1988, la recherche d'un drapeau commun est apparue très difficile. Un groupe de travail n'a pas abouti. La plupart des indépendantistes ne veulent pas abandonner leur drapeau issu des luttes. Les non-indépendantistes ne veulent pas de ce drapeau. Un compromis sur un drapeau de type Commonwealth, avec le drapeau tricolore dans un coin n'a pas été non plus possible.

Notre collègue Pierre Frogier a alors proposé que les deux drapeaux, national et indépendantiste, soient désormais hissés côte à côte. L'Union calédonienne s'est ralliée à cette solution des deux drapeaux juxtaposés, en commentant qu'en tout cas le drapeau indépendantiste ne descendrait plus. De son côté, Pierre Frogier explique qu'aucun des deux ne descendra plus.

Comme un double drapeau ne peut passer pour le drapeau, signe identitaire unique prévu par l'accord de Nouméa, le comité des signataires de juin dernier a retenu cette solution comme une avancée politique, en attendant que l'on trouve éventuellement ce signe commun auquel il n'a pas été formellement renoncé.

Le congrès de la Nouvelle-Calédonie a donc voté un voeu sur ces deux drapeaux et non la loi du pays nécessaire, selon la loi organique, pour adopter un signe identitaire, loi du pays dont le Conseil d'État, qui donne un avis sur les projets, et le Conseil constitutionnel, qui peut être saisi de leur conformité à la Constitution, auraient certainement jugé qu'elle était contraire à une orientation de l'accord de Nouméa et donc à la Constitution.

Sur le terrain, la mise en oeuvre de ce voeu a eu lieu. Sur les bâtiments qui portaient un drapeau tricolore a été hissé le drapeau indépendantiste. C'était déjà le cas sur ceux des provinces et mairies indépendantistes. On voit donc le drapeau indépendantiste flotter sur la mairie de Nouméa.

Surtout, le Premier ministre, venu en Nouvelle-Calédonie en juillet dernier, a assisté, en présence des parlementaires et de la plupart des élus, et après une cérémonie coutumière, à la levée du drapeau indépendantiste sur le Haut-commissariat de la République, ce qui a eu naturellement une grande signification symbolique.

Dans ce climat plutôt apaisé mais qui ne résout pas la question du drapeau unique que prévoit l'accord de Nouméa, des réticences sont apparues au sein de Calédonie ensemble, provoquant la crise actuelle.

Il est vrai que, depuis 1999, la vie politique en Nouvelle-Calédonie, comme l'a rappelé incidemment le rapporteur, s'est complexifiée et diversifiée. Le RPCR s'est scindé en plusieurs partis et le FLNKS, le Front de libération nationale kanak et socialiste, qui a toujours été une fédération de partis indépendantistes, a perdu de son autorité, au point que chacune de ses composantes fonctionne de manière beaucoup plus autonome. On constate également l'apparition classique de divergences entre les cadres des partis et les élus.

Alors que nous avions deux positions, deux directions en 1999, chaque camp ne présente plus désormais une position commune. La meilleure preuve en est d'ailleurs la composition du comité des signataires qui comprend de moins en moins de signataires et de plus en plus de non-signataires.

Quoi qu'il en soit, il ne nous appartient pas de nous immiscer dans la vie politique interne de la Calédonie. Notre rôle est de veiller à ce que le processus de décolonisation engagé par les accords de Matignon, poursuivi par l'accord de Nouméa, soit conforme aux accords que le Parlement a validés de manière consensuelle.

Nous allons progressivement vers la fin de la période prévue par l'accord de Nouméa. En 2018 au plus tard, en 2015 au plus tôt, la population de Calédonie devrait s'exprimer sur l'accession ou non à la souveraineté.

Plus on se rapprochera de cette échéance, plus l'incertitude gagnera. Il convient donc, me semble-t-il, d'anticiper l'après Nouméa, comme l'avait fait en 1998 Jacques Lafleur, d'autant que les dispositions constitutionnelles sont elles aussi liées à ces échéances.

À cet effet, trois conditions doivent être remplies.

Premièrement, il convient de disposer du bilan que l'État s'est engagé à faire réaliser par des experts indépendants, sous la conduite d'un comité de pilotage. Le calendrier prévu en juin 2010 lors du dernier comité des signataires est largement dépassé. Les résultats ne sont toujours pas connus. Il serait intéressant, madame la ministre, que vous puissiez nous indiquer où nous en sommes sur ce point.

De même, il avait été décidé la mise en place d'un autre comité de pilotage des travaux d'experts, pour inventorier les problèmes juridiques de la sortie de l'accord de Nouméa, notamment l'étude des exemples étrangers. Où en est la constitution de ce comité ?

Deuxièmement, aucune interférence ne doit se produire entre les échéances électorales nationales de 2012 et la réflexion sur l'après Nouméa. C'est une condition indispensable si l'on veut préserver le consensus politique qui a été obtenu jusqu'à présent sur la Nouvelle-Calédonie. Ce consensus est fondamental si l'on veut réussir cette décolonisation pacifique.

Troisièmement, pour maintenir ce consensus national, il importe également d'associer davantage le Parlement à l'évolution de l'avenir de la Calédonie qui ne peut être laissé à la seule initiative des instances locales.

Voilà plusieurs années déjà que je réclame – en vain jusqu'à présent – la création d'une mission d'information qui permettrait d'associer l'ensemble des partis politiques nationaux sur un sujet aussi sensible et important. Le Parlement ne saurait se contenter de voter les textes qu'on lui présente sans avoir une réflexion autonome sur le sujet. La préparation politique de l'après Nouméa pourrait être l'objectif d'une telle mission.

Mes chers collègues, plus jamais la Nouvelle-Calédonie ne doit connaître les drames qui l'ont endeuillée, qui n'étaient dignes ni d'elle ni de la France. Il nous revient d'aller à l'essentiel : effacer les blessures de l'histoire par une décolonisation sans rupture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Gaël Yanno.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

À cette heure tardive, je serai relativement indulgent à l'égard de René Dosière dans la mesure où il fait partie d'une minorité de députés métropolitains qui s'intéressent activement aux questions ultramarines, et notamment calédoniennes. Mais notre collègue devrait prendre garde à ne pas raviver des divisions qui ne sont plus d'actualité aujourd'hui.

Une partie de son discours m'a rappelé les mauvais procès d'intention que les socialistes faisaient, à une époque, à la Nouvelle-Calédonie et aux Calédoniens. Mme Lebranchu, qui a fait partie d'une mission de l'Assemblée nationale en Nouvelle-Calédonie, a pu s'imprégner des réalités calédoniennes, tout en gardant ses opinions qui peuvent être différentes des nôtres, ce qui est tout à fait normal. Mais faisons attention à ne pas réactiver des différences entre la droite et la gauche sur des questions aussi importantes que celle de la Nouvelle-Calédonie.

Je n'ai pas bien compris les arguments employés par M. Dosière pour défendre sa motion de rejet préalable. Il a fait un état des lieux de la situation en Nouvelle-Calédonie qui mérite, à l'évidence, d'être réactualisé. Je plaiderai donc pour qu'il puisse se rendre en mission là-bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Le groupe UMP votera contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Notre collègue Dosière a été très clair au début de son intervention : c'est l'organisation des débats qui l'a conduit à défendre une motion de rejet préalable. Dresser un état des lieux n'était pas une mauvaise chose pour certains. Je suis moi-même revenue de Nouvelle-Calédonie avec le sentiment que l'ensemble des populations avaient fait oeuvre d'une très grande intelligence.

Même si je ne suis pas censée pouvoir le faire, monsieur le président, permettez-moi de saluer ceux qui nous écoutent depuis les tribunes ou depuis d'autres lieux. Réussir dans des conditions aussi difficiles que celles rappelées par René Dosière, proposer, construire, chercher un équilibre entre les deux provinces avec l'aide des uns et des autres constitue une grande leçon de gestion des crises lourdes et de maîtrise de l'Histoire.

Nous sommes d'accord sur un texte. Le mieux pour moi qui n'ai pas assez travaillé la question mais simplement effleuré le sujet, reste, j'y insiste, de saluer l'intelligence de ceux qui ont décidé de respecter à la lettre les accords de Nouméa et de faire avancer la Nouvelle-Calédonie. C'est surtout à eux que je pense aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Très bien !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Frogier.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je vais peut-être vous surprendre mais il n'y a pas eu de crise politique en Nouvelle-Calédonie. Il n'y a pas eu non plus, d'ailleurs, de crise institutionnelle. Je sais qu'en la circonstance les apparences sont trompeuses parce qu'il est vrai que, depuis le 17 février dernier, il a fallu élire, à quatre reprises, l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie par trois fois démissionnaire d'office aussitôt après son élection.

Je répète qu'il ne s'agit pas là pour autant d'une crise politique. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de remise en cause de l'accord de Nouméa ; parce qu'il n'y a pas de différend grave, encore moins de rupture, entre les signataires historiques de cet accord. Et c'est seulement en cas de différend grave entre partenaires historiques que l'on pourrait parler d'une crise politique et nourrir des inquiétudes sur l'évolution du processus consensuel en cours.

Il ne s'agit donc pas d'une crise politique, mais pas non plus d'une crise institutionnelle car, malgré la chute répétée du gouvernement, les assemblées de province et le congrès ont continué de fonctionner normalement ces derniers mois.

En réalité, aussi incroyable que cela puisse paraître, tout ce que nous avons vécu ces derniers mois n'est qu'un incident de parcours dont un seul homme, leader d'un groupe politique minoritaire, porte la responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Ils ont délibérément et intentionnellement détourné la procédure de l'article 121. Ils l'ont exploité de façon malveillante, aux seules fins de provoquer une instabilité institutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

D'ailleurs, pour qualifier ces agissements, le Conseil d'État a même parlé, ce qui est rarissime, de « manoeuvres à des fins électorales ».

Quoi qu'il en soit, il nous faut aujourd'hui faire en sorte que cette situation ne se renouvelle pas. Nous sommes ici pour modifier l'article 121 de la loi organique afin de garantir la stabilité du gouvernement collégial de la Nouvelle-Calédonie. Il s'agit d'empêcher sa chute systématique en cas de démission à répétition de plusieurs de ses membres.

Je veux, à ce stade, préciser que, contrairement à ce qui a pu être dit, la situation délétère et l'instabilité que nous avons vécue ne sont pas la conséquence d'une faille du statut, mon cher René Dosière,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Certes !

…encore moins d'une négligence du législateur, que nous sommes. Nous avons suffisamment travaillé sur ce texte pour le savoir.

Il s'agit en réalité de la conséquence du calcul politique d'une minorité malintentionnée.

Madame la ministre, l'article 121 que vous nous proposez de réviser ne méritait ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

Tel qu'il était prévu à l'origine, cet article visait, dans l'esprit de l'accord de Nouméa et dans l'esprit du consensus, à garantir aux indépendantistes un droit de retrait.

Personne n'avait imaginé qu'il pourrait être utilisé pour tenter de convaincre les plus hautes autorités de l'État de dissoudre les assemblées élues et d'organiser des élections générales anticipées. En modifiant la loi organique, nous pouvons espérer retrouver la sérénité de nos institutions. Nous l'avions, nous-même souhaité dès le mois d'avril dernier.

Aussi, je reconnais, madame la ministre, que vous n'avez pas ménagé vos efforts pour constater sur place la situation et rencontrer l'ensemble des groupes politiques du congrès, comme le Premier ministre l'a fait lui-même quelques semaines plus tard en recevant l'ensemble des responsables politiques locaux à Matignon.

De ces consultations, il est ressorti la conviction partagée qu'il fallait modifier l'article 121 pour en corriger les instrumentalisations perverses, mais qu'il fallait le faire sans altérer l'esprit de l'accord de Nouméa.

À ce titre, la rédaction qui nous est proposée nous satisfait lorsqu'elle qu'elle vise à rendre dissuasives les démissions collectives à répétition. Je la voterai, même si je reste persuadé qu'un jour l'on en subira d'autres effets pervers.

Mais, Madame la ministre, je ne peux pas et je ne veux pas conclure cette intervention sans évoquer le contexte et l'ambiance dans lesquels est survenue cette péripétie institutionnelle.

En février 2010, j'ai proposé que le drapeau du FLNKS, débarrassé des violences dont il est entaché, devienne l'emblème identitaire kanak et flotte aux côtés du drapeau bleu blanc rouge.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Par ce geste, j'ai voulu faire un acte politique, un acte de reconnaissance mutuelle des deux légitimités historiques qui cohabitent en Nouvelle-Calédonie. Je remercie notre excellent rapporteur et ami Dominique Bussereau de l'avoir rappelé avec ses mots. C'est en effet, vous le savez, l'une des singularités de notre territoire.

Après s'être durement affrontées au début des années quatre-vingt, les deux grandes forces politiques de la Nouvelle-Calédonie ont choisi d'unir leurs efforts. Elles ont décidé de civiliser leurs antagonismes pour proposer, ensemble, aux Calédoniens, un chemin de paix, de confiance, de développement, de partage et de rééquilibrage.

C'est toujours vers cet objectif que nous devons tendre mais, par la force des choses, l'esprit et la volonté qui nous animaient il y a vingt-trois ans se sont effilochés. Cher ami Dosière, même si ce que j'ai proposé n'est pas conforme à la lettre de l'accord de Nouméa, j'ai la conviction que pour redonner un souffle à cet accord, pour relancer le processus engagé en 1988, il fallait un geste fort, un signe tangible, qui parle à l'intelligence, aux coeurs et aux esprits.

Ma proposition de hisser ensemble les deux drapeaux a été avalisée par le comité des signataires réuni il y a tout juste un an. Elle a été validée par le Président de la République et par le Premier ministre, approuvée par la grande majorité des élus du congrès de la Nouvelle Calédonie.

Désormais, les deux drapeaux flottent sur la plupart des édifices publics et je voudrais, madame la ministre, qu'en confiance, vous preniez conscience que ce geste constitue une avancée politique majeure. Je sais que vous y êtes aujourd'hui acquise.

Ce geste a permis de rétablir des relations vraies, directes et sincères entre les partenaires de l'accord de Nouméa. Il a en outre trouvé son prolongement, il y a quelques semaines, à travers un équilibre institutionnel qui se traduit par un partage nouveau des responsabilités au congrès et au gouvernement. Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais saluer la présence, dans les tribunes, de M. Roch Wamytan, président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de M. Gilbert Tyuienon, vice-président du gouvernement et, bien sûr, de M. Charles Pidjot, président de l'union calédonienne, grâce à qui tout a été possible.

Ce geste va nous permettre d'avancer sur des sujets essentiels et de mener des discussions sans arrière-pensée. Vous devez vous convaincre que c'est cette vision et cette inspiration politiques qu'un groupe minoritaire a voulu troubler en provoquant, sciemment l'instabilité de nos institutions. Il s'est ainsi placé délibérément en opposition aux conclusions du dernier comité des signataires et en marge de l'accord de Nouméa. Il porte en cela une très lourde responsabilité.

D'une proposition qui visait à rassembler, ce groupe a fait un sujet de division, en attisant les rancoeurs, en jouant sur les peurs. Ce groupe n'a pas hésité à raviver les tensions, exacerber les divisions, ranimer les passions les plus sombres et les plus dangereuses de notre histoire récente.

Madame la ministre, je reste convaincu que vous auriez pu, que vous auriez dû, et de façon catégorique, affirmer plus tôt que cette proposition d'unir les deux drapeaux, entérinée, je le rappelle, par le comité des signataires et par la majorité des élus du congrès, validée par le Président de la République, ne pouvait pas être « prise en otage » de cette façon. Il en va du respect de nos institutions, du respect de la démocratie représentative.

C'est le rôle que vous assigne aussi l'accord de Nouméa.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à cette heure tardive, j'exposerai brièvement les raisons pour lesquelles le groupe GDR votera le présent texte.

La crise institutionnelle inédite que la Nouvelle-Calédonie connaît depuis le 17 février dernier ne peut être résolue que par le dialogue et l'appel au Parlement pour trouver une solution pratique dans le cadre de la loi organique qui constitue le statut de la Nouvelle-Calédonie depuis 1999.

C'est pour répondre au blocage des institutions que le présent projet, conformément aux souhaits des forces politiques calédoniennes, propose une modification limitée de la loi organique, visant à empêcher que l'article 121 du statut ne soit utilisé de manière contraire à l'esprit de ladite loi.

Le projet entend, heureusement, rappeler les principes de collégialité et de proportionnalité qui président au fonctionnement du gouvernement calédonien. En effet, c'est bien ce principe de collégialité du gouvernement qui a permis de maintenir l'accord entre les différentes parties, en évitant qu'une majorité puisse écraser une minorité.

En ce qui concerne la modification apportée à l'article 121 de la loi organique du 19 mars 1999, nous approuvons cette réécriture qui ne vise qu'à éliminer toute possibilité d'utiliser cet article dans un autre but que celui initialement prévu ; cela tout en préservant le principe de la composition proportionnelle du gouvernement pour garantir son fonctionnement collégial.

L'article 121 dispose que lorsqu'un membre du gouvernement cesse d'exercer ses fonctions, le candidat suivant de la liste le remplace. Lorsqu'il n'existe pas de suivant de liste susceptible de le remplacer, le gouvernement dans son ensemble est démissionnaire de plein droit et assure l'expédition des affaires courantes jusqu'à l'élection d'un nouveau gouvernement.

Or, cette année, l'instabilité institutionnelle est née de l'utilisation répétée de ce mécanisme dans le seul but d'empêcher le fonctionnement normal des institutions et de créer les conditions d'une dissolution. Cet article a donc été utilisé comme substitut à la motion de censure.

Ce détournement de l'article 121 n'est pas acceptable. Cet abus de droit a d'ailleurs été mis en lumière par le Conseil d'État, qui y a vu une manoeuvre électorale. Dans sa décision du 8 avril 2011, la haute juridiction a estimé que les démissions « visaient à vicier la régularité de l'élection du président et du vice-président, et avaient en conséquence le caractère d'une manoeuvre électorale qui doit demeurer sans incidence sur la régularité du scrutin ».

Ce détournement est contraire à l'esprit du texte et, plus globalement, à celui du statut de la Nouvelle-Calédonie. Il est donc nécessaire, pour préserver le fonctionnement normal des institutions calédoniennes, de ne plus permettre une telle utilisation de l'article 121, sans pour autant supprimer le mécanisme lui-même.

Le projet de loi prévoit pour ce faire un délai de dix-huit mois à compter de la dernière démission d'office pendant lequel la démission d'un nombre minoritaire de membres du gouvernement n'entraîne plus celle du gouvernement.

Il permet également aux groupes démissionnaires qui se trouveraient, pendant ces dix-huit mois, privés de la représentation dont ils disposent au sein du gouvernement, de déposer, à tout moment, une nouvelle liste auprès du président du congrès de la Nouvelle-Calédonie et du haut-commissaire. Une fois enregistrée, elle permet ainsi de désigner dans l'ordre indiqué les personnes remplaçant les membres démissionnaires et donc de compléter le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Laisser la porte ouverte au groupe démissionnaire est en effet indispensable afin que, à l'issue d'une crise politique, la représentation équilibrée du gouvernement soit restaurée.

Enfin, le texte prévoit une disposition transitoire qui permet de rendre immédiatement applicable le délai de carence de dix-huit mois, en prenant en compte les démissions de plein droit antérieures à l'entrée en vigueur de la réforme.

Au final, ce projet de loi procède utilement à un ajustement propre à éviter que la crise institutionnelle ne débouche sur une véritable crise politique. Il ne trahit pas l'esprit des accords de Matignon et de Nouméa. C'est pourquoi nous le soutenons, en vertu du respect des principes républicains.

Dans les prochaines années, entre 2014 et 2018, les citoyens de Nouvelle-Calédonie seront amenés à s'exprimer par les urnes pour choisir leur destin. D'ici là, il est essentiel que l'esprit et la lettre des accords signés en 1988 et 1998 soient respectés. C'est sur cette base, nous l'espérons, qu'ils pourront préparer sereinement ce rendez-vous. La modification de la loi organique de 1999 qui nous est aujourd'hui proposée contribue à apporter la sérénité dont la vie néo-calédonienne a besoin. Voilà pourquoi nous voterons ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes ici pour examiner la modification d'un seul article, l'article 121 de la loi organique de 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, à cause du fait qu'un seul groupe politique du congrès de la Nouvelle-Calédonie est sorti des règles institutionnelles et n'a pas respecté la stabilité des pouvoirs qui prévalait depuis de nombreuses années.

Je voudrais saluer le Gouvernement, qui n'a pas hésité à déposer un projet de loi pour modifier un seul article, considérant qu'il était indispensable que le législateur vienne corriger cette particularité de l'article 121, même si, effectivement, comme l'a rappelé Pierre Frogier, ce n'était pas une faille : personne ne pouvait prévoir qu'un groupe, voire un leader politique utiliserait cet article pour essayer de bloquer les institutions.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? L'accord de Nouméa repose sur certains principes que je rappelle rapidement : partage, rééquilibrage, consensus, mais aussi respect des légitimités de chacun. En effet, vous le savez, les institutions de Nouvelle-Calédonie sont uniques, particulières et même spécifiques. Le gouvernement, pour ne citer que lui, est collégial et proportionnel. On pourrait d'ailleurs parler davantage d'un conseil collégial exécutif que d'un gouvernement. Il a également la particularité de pouvoir être renversé par une minorité, ce qui en règle générale, dans les pays démocratiques, n'est pas possible : il faut d'ordinaire que se dégage une majorité pour renverser un Gouvernement. L'article 121 permettait de renverser, ou plutôt de rendre démissionnaire le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie du simple fait de la démission d'un parti, fût-il minoritaire.

Le système a correctement fonctionné pendant douze ans, de 1999 jusqu'au début de l'année 2011. Chaque groupe politique a utilisé les institutions pour que la Nouvelle-Calédonie soit gérée de façon stable. Je dirai même, en présence d'élus indépendantistes dans les tribunes de l'Assemblée nationale, que les indépendantistes ont eux aussi joué le jeu des institutions. Après en être sortis dans les années noires de la Nouvelle-Calédonie et les avoir combattues, ils ont démontré depuis 1988 qu'ils étaient des interlocuteurs, voire des partenaires politiques fiables.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

Malheureusement, un groupe politique n'a pas considéré que cette stabilité devait perdurer et a utilisé cette possibilité de voir le gouvernement démissionner, même du fait d'une minorité.

On nous avait prédit que le président sortant resterait inamovible. Il n'en a rien été. On nous avait prédit que le gouvernement issu des élections serait le plus bref du monde. Il n'en a rien été. On nous avait encore dit que les institutions seraient bloquées. Il n'en a rien été. On nous avait prédit la dissolution du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il n'en a rien été. On nous avait prédit le désordre et certains n'ont pas hésité à demander aux Calédoniens de descendre dans la rue. Heureusement, par sagesse, ils ne l'ont pas fait.

On a vu de quelle manière ceux qui, en Nouvelle-Calédonie, prétendent défendre le peuple…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

…et s'affirment comme les gardiens de l'accord de Nouméa, ont été jugées par certaines instances, notamment le Conseil d'État, qui a considéré que leurs agissements relevaient de manoeuvres électorales. Vous-même, monsieur le rapporteur, avez parlé de « détournement de procédure ». on voit bien là que ceux qui prétendent défendre la démocratie l'avaient en fait combattue.

Ce combat a été détourné, en Nouvelle-Calédonie, sur le thème des deux drapeaux. Comme l'a indiqué mon collègue Pierre Frogier, ces deux drapeaux sont en fin de compte la traduction symbolique de la poignée de mains de Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, qui, à l'époque, le 26 juin 1988, n'avait pas été comprise. Cet événement et ces deux drapeaux permettent de concilier deux légitimités : celle des indépendantistes et celle des Calédoniens qui souhaitent maintenir la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Mais comment peut-on imaginer construire une Nouvelle-Calédonie dans la paix si nous ne demandons pas aux indépendantistes de regarder différemment le drapeau français ? À l'époque, certains disaient que ce drapeau français cachait le soleil qui brille. Comment leur demander de regarder différemment le drapeau français si nous-mêmes n'apprenons pas à regarder différemment le drapeau indépendantiste ? C'est bien l'intérêt et l'originalité de la proposition de Pierre Frogier de rendre indissociable demain ce qui était hier inconciliable.

Je voudrais profiter de cette occasion pour saluer l'initiative de Pierre Frogier, qui est à nos côtés dans cet hémicycle, même si, dans quelques mois, il en rejoindra peut-être un autre,…

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Il ambitionnerait de rejoindre le Sénat ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaël Yanno

…pour lui dire que cette proposition est politiquement courageuse, voire électoralement risquée à court terme. Mais en politique – et il est le premier à le dire –, il faut avoir du courage. Je suis convaincu que, de plus en plus, les Calédoniens comprennent le sens de cette proposition. Quelle que soit leur appartenance politique, quelle que soit leur vision du futur de la Nouvelle-Calédonie, ils aspirent tous à la paix et à la stabilité.

Je suis convaincu que ce projet de loi, qui modifie l'article 121 de la loi organique, contribuera à maintenir cette paix et cette stabilité des institutions de la Nouvelle-Calédonie. C'est la raison pour laquelle je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, habituellement, lorsque l'on parle de nos territoires d'outre-mer, il y a bien peu de députés métropolitains présents dans l'hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Vous aussi êtes de ceux-là, monsieur Pancher.

J'observe que, ce soir, une majorité des députés présents représentent la métropole. Je veux le dire aux députés ultra-marins, car cela ne me paraît pas dénué de sens.

La Nouvelle-Calédonie a beaucoup souffert, plus qu'aucun autre de nos territoires d'outre-mer. Gaël Yanno évoquait tout à l'heure la poignée de mains historique entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur ; on y a vu un dénouement, même si cela n'a pas été simple. Vous comprendrez que le groupe Nouveau Centre, qui compte en son sein celui qui était préfet à l'époque, Christian Blanc, soit attaché à cette poignée de mains et à l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Cette poignée de mains, qui a coûté cher à un camp comme à l'autre, et même coûté la vie à l'un des auteurs de ce geste, est suffisamment précieuse pour que l'accord de Nouméa justifie que, ce soir, même si c'est exceptionnel, les élus de métropole soient un peu plus nombreux qu'à l'accoutumée.

Pourquoi ? Parce que l'on veut nous faire croire qu'il y a, en Nouvelle-Calédonie, une crise institutionnelle. Nos collègues Gaël Yanno et Pierre Frogier me pardonneront de dire les choses plus crûment – j'essaierai tout de même de ne pas être brutal – qu'on ne le fait habituellement. Vous avez raison, monsieur le président Frogier : il n'y a pas de crise institutionnelle en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement des provinces fonctionne. Celui de la collectivité devrait lui aussi fonctionner si nous n'assistons à une prise d'otages dont les raisons n'ont rien de noble ni de politique. Car il n'est pas question de revendications ou d'affrontements somme toute bien légitimes : après tout, nos assemblées en sont coutumières – d'une certaine manière, elles servent à cela. Non, il s'agit bien d'une prise d'otages par un groupe, presque un groupuscule, qui a décidé de bloquer le fonctionnement institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Et si ces gens le font, ce n'est pas qu'ils auraient des revendications : là encore, monsieur Frogier, vous avez raison, ils n'étaient finalement pas si en désaccord que cela avec la politique que vous souhaitiez conduire il y a quelques mois. Non, c'est pour des raisons d'intérêt personnel, politiciennes, honteuses dans un territoire comme la Nouvelle-Calédonie, qui a connu tant de difficultés.

Nous venons d'entendre les deux députés de la Nouvelle-Calédonie s'exprimer avec un grand sens des responsabilités – et je vous le dis, monsieur Frogier, malgré les désaccords que nous avons pu avoir par le passé.

Les évolutions ont été grandes, M. Dosière le sait, tant chez les indépendantistes que chez ceux qui souhaitent le maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française.

Je vous le dis, madame la ministre, et j'ai cet avantage de pouvoir m'exprimer librement les choses parce que je n'engage ni le Gouvernement ni même la majorité : voir surgir ainsi, dans le jeu politique, des gens qui se sont fait élire sous un faux nez et qui, désormais, prennent des décisions qui n'engagent qu'eux-mêmes, qui ne visent que leur propre avenir, et ce depuis quelques années, j'appelle cela une double prise d'otages : une prise en otages de ceux qui souhaitent le maintien de la Calédonie dans la République française, avec toute la démarche d'autonomie et d'accord entre les deux fractions politiques depuis les accords de Nouméa, mais également la prise en otage des Kanaks, en tout cas des indépendantistes, qu'ils mettent dans une situation impossible en bloquant les institutions.

Cette manière de faire est irresponsable, mais je pense, madame la ministre, que cette situation a été créée pour partie par le fait que ces individus imaginent que cette fuite en avant pourrait leur éviter des difficultés judiciaires. La République, et en tout cas l'Assemblée nationale, ne doit pas se laisser forcer la main.

On a voulu forcer la main des élus, locaux, provinciaux, on a voulu forcer la main du Gouvernement, on veut forcer la main de la nation alors que la nation a fait sur elle-même un effort exceptionnel pour arriver à retrouver la paix civile en empruntant une voie exceptionnelle, tout à fait inhabituelle dans la République française.

Monsieur Frogier, je vous ai écouté tout à l'heure avec plaisir, honneur, presque délectation. Vous avez expliqué le symbole. C'est en effet un symbole, et en Nouvelle-Calédonie, les symboles comptent, et même plus fort qu'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Tout à fait.

L'affaire du drapeau, c'est une main tendue. Cette main tendue a été saisie et comprise. Le fait qu'on veuille faire à la majorité d'aujourd'hui, indépendantiste et non indépendantiste, un procès de cette affaire revient à faire un procès aux accords de Nouméa, pour toutes les mauvaises raisons que je viens d'exprimer. Parce que les accords de Nouméa ne sont pas figés dans le temps : ce n'est pas quelque chose de totalement déterminé et fini, c'est un processus qui continue – et tout à l'heure, madame la ministre, vous avez parlé du comité des signataires.

Ce geste d'apaisement, il y a quelques mois, je n'étais pas certain que vous le feriez, monsieur Frogier. Or vous l'avez fait et je veux ici, devant la représentation nationale, vous en rendre hommage. Nous avons eu des différends ; mais vous avez pris vos responsabilités, vous élevant ainsi à un niveau qui n'a rien à voir avec la polémique politicienne de bas étage qui, malheureusement, étreint certains.

Enfin, madame la ministre, je veux dire que si nous n'acceptions pas le texte que vous nous proposez, nous risquerions de revenir aux années 1987-1988. Certes, le temps gère l'oubli. Certes, la vie médiatique fait qu'une semaine sur l'autre, on ne sait plus de quoi on parle, ou on oublie les sujets les plus essentiels. Mais je me souviens du temps où j'avais vingt et un ans, où je voyais un morceau de territoire de ma propre nation se déchirer, s'affronter. Je ne comprenais pas comment des véhicules de gendarmerie servaient à empêcher des affrontements entre Français. Nous ne voulons plus jamais revoir cela.

Nous avons besoin de la responsabilité des élus que vous représentez. Nous avons besoin de la responsabilité des élus qui représentent les indépendantistes parce que le projet calédonien, le projet tel que prévu politiquement par les accords de Nouméa avance et fonctionne – vous en êtes, madame la ministre, la garante en tant que représentante de l'État parce qu'il faut un arbitre là-bas.

Mieux, depuis maintenant presque vingt-trois ans, nous avons connu une évolution économique majeure, qui est la meilleure des garanties politiques. Dans la province nord, le projet Koniambo avance tandis que la province sud continue à se développer. La compréhension s'est développée, mais surtout, la richesse économique commence à mieux se répartir. Cela veut dire que les Calédoniens peuvent vivre ensemble au sein de la République française. Ils n'ont pas besoin de gens qui, par arrivisme, opportunisme ou fuite en avant dans le seul but d'éviter de se voir rattrapés par leur propre turpitude, souhaitent prendre en otage un processus qui fait honneur à la République française au moment même où les élus qui avaient des opinions différentes ont décidé, eux-mêmes, d'accepter, d'intégrer, de développer, d'amplifier le processus.

Par ma voix, le groupe Nouveau Centre votera le texte que vous nous présentez, madame la ministre, d'abord et avant tout parce que c'est un texte de dynamique, qui permet que le développement économique soit mieux réparti, qui permet que les partenaires continuent à travailler et à poursuivre le processus initié à Matignon puis à Nouméa. Oui, c'est un processus dont la France a besoin parce que si vous regardez toutes les problématiques de « lutte » entre indépendantistes et non indépendantistes, c'est sans doute le processus le plus exemplaire, celui par lequel des gens qui s'affrontaient ont commencé à se respecter et à travailler ensemble, celui par lequel des gens qui pensaient se séparer sont en train de construire ensemble, sur un territoire, une prospérité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. René Dosière, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Je voudrais de nouveau demander à Mme la ministre où nous en sommes par rapport aux engagements que l'État avait pris lors du comité des signataires de juin 2010. Le calendrier est un peu glissant : j'aimerais qu'elle nous dise à quel moment il va se figer.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Monsieur le député, le Gouvernement a bien rattrapé le retard notamment s'agissant du transfert des compétences. Vous avez fait état de deux comités qui devaient se mettre en place, pour faire le bilan de l'accord et accompagner les élus de la Calédonie dans la préparation de la sortie de l'accord, en vue des échéances importantes de 2014 et 2018. Tous ces sujets seront abordés avec l'ensemble des élus dans le cadre du prochain comité des signataires qui aura lieu très précisément le 8 juillet sous la présidence de M. le Premier ministre. Vous aurez à ce moment-là toutes les réponses à vos questions.

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?…

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, jeudi 30 juin 2011 à dix heures trente :

Discussion du projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française ;

Discussion de la proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 30 juin 2011, à zéro heure cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma