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Intervention de Dominique Bussereau

Réunion du 29 juin 2011 à 21h30
Modification de l'article 121 de la loi organique n — Discussion après engagement de la procédure accélérée d'un projet de loi organique adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Bussereau, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun dans cette assemblée se souvient des accords de Matignon en 1988 puis de l'accord de Nouméa en 1998. Nous sommes même, dans cet hémicycle, quatre collègues à avoir assisté à la signature de ces accords au nom de la commission des lois de l'Assemblée élue en 1997.

Ces accords mettaient en place une évolution très particulière, avec des institutions spécifiques et un droit constitutionnel particulier, dans un système d'essence quasiment fédérale. Parmi les principes essentiels figurent ceux de collégialité et de proportionnalité du gouvernement, élu à la représentation proportionnelle par le congrès, qui se doit de représenter toutes les communautés et tous les partis pour diriger cette collectivité.

Le présent projet de loi organique, qui nous est soumis dans le cadre d'une procédure accélérée, pourrait être mieux rédigé. En effet, le Sénat, en améliorant, a parfois un peu compliqué les choses. Mais ne chipotons pas : l'objectif est de retrouver une stabilité pour désigner un gouvernement qui ne soit pas immédiatement démissionnaire, ce qui serait une nouveauté puisque tel n'a pas été le cas jusqu'au 10 juin dernier.

L'accord de Nouméa avait un objectif autant économique que politique. L'actuel statut de la Nouvelle-Calédonie est aujourd'hui fixé par les principes inscrits dans cet accord, ceux-ci ayant acquis une valeur constitutionnelle par la référence qui y est faite aux articles 77 et 78 de la Constitution, ainsi que par la loi organique du 19 mars 1999, qui a transposé les principes et créé des institutions très originales. Au terme de cette évolution institutionnelle, l'État ne conservera plus en Nouvelle-Calédonie que la maîtrise des compétences à caractère régalien.

Parmi les points de cet accord, figure le droit pour la Nouvelle-Calédonie de choisir elle-même ses signes identitaires, dont notamment son drapeau. Reprenant une suggestion de notre collègue Pierre Frogier, le congrès a adopté, le 13 juillet 2010, un voeu pour choisir d'associer le drapeau tricolore de la République à un drapeau présenté comme celui de l'identité kanake. Cela a débouché, mais ce n'était peut-être pas la seule raison, sur une crise politique. Le gouvernement a chuté en février dernier, accusé de ne pas soutenir une décision collégiale. De cette date au 10 juin dernier, il a été impossible de mettre en place un nouvel exécutif.

En application du statut de 1999, le congrès doit, en effet, déterminer le nombre de membres du gouvernement avant de les élire par un scrutin de liste à la proportionnelle. Depuis février 2010, le congrès a élu quatre gouvernements successifs : les trois premiers n'ont jamais pu être mis en place car, sitôt le gouvernement élu, l'ensemble des membres d'une liste présentée par un groupe d'élus au congrès démissionnait systématiquement.

En application des dispositions actuelles de l'article 121 de la loi organique, tout membre du gouvernement cessant ses fonctions, quelle que soit l'origine de cette vacance, ne peut être remplacé par un suivant de liste ; le gouvernement est démissionnaire de plein droit, afin qu'une nouvelle élection permette de rétablir les équilibres politiques initiaux. L'utilisation systématique de ces dispositions constitue un détournement de procédure. Je me souviens de nos travaux parlementaires de la loi organique de 1999 et notamment du rapport de notre collègue René Dosière : jamais nous ne les avons pensées comme un moyen pour un groupe minoritaire de faire chuter un gouvernement, alors qu'existe une procédure de motion de défiance.

Le présent projet de loi, vous l'avez rappelé, madame la ministre, fait le choix de maintenir l'esprit de collégialité de l'accord de Nouméa, tout en empêchant le blocage des institutions par une minorité. Ce texte réécrit l'article 121 de la loi organique en maintenant la possibilité pour un groupe politique de démissionner du gouvernement – c'est la démocratie – mais en empêchant aussi que des démissions collectives répétées ne fassent obstacle au travail l'exécutif.

Si les membres d'une liste démissionnent collectivement, provoquant ainsi la démission de plein droit du gouvernement, ce dispositif ne peut plus être mis en oeuvre pendant un délai de dix-huit mois. Si les membres démissionnaires d'une liste de candidats ne peuvent être remplacés, le gouvernement pourra continuer de fonctionner en leur absence, en effectif inférieur et sans représentant du groupe ayant provoqué la démission, en étant réputé être au complet,

Toutefois, afin de préserver la participation des différentes forces politiques, l'article 1er permet aux groupes démissionnaires qui auraient choisi de perdre leur représentation au sein de l'exécutif de la rétablir sans élection, en déposant une nouvelle liste de candidats. Après validation de cette liste, les membres de celle-ci pourraient retrouver le nombre de sièges que la liste avait obtenu lors de l'élection du gouvernement. Chacun prenant ses responsabilités, le groupe démissionnaire assume seul les conséquences de son choix de sortir du gouvernement et ainsi de renoncer à la collégialité ; cependant, il peut à tout moment reprendre sa place au sein du gouvernement, en application des « principes à valeur constitutionnelle de collégialité et de proportionnalité du gouvernement issus de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 ».

La modification proposée respecte ainsi le principe de stabilité de l'exécutif. Le gouvernement est élu pour la durée de la mandature du congrès, sauf mise en jeu des mécanismes normaux, tels que l'adoption d'une motion de censure.

À l'issue du mandat en cours des membres des assemblées provinciales et du congrès, après les prochaines élections provinciales prévues en mai 2014, commencera la dernière phase prévue par l'accord de Nouméa. Les citoyens calédoniens seront amenés à s'exprimer, par les urnes, pour choisir leur destin.

Je veux dire devant nos collègues Frogier et Yanno que ce projet, qu'ils connaissent bien, répond, avec quelques nuances bien légitimes, à la demande des élus du congrès de Nouvelle-Calédonie d'une modification, dans les meilleurs délais, par le Parlement de l'article 121.

Le projet du Gouvernement, appelé de leurs voeux par les représentants de la Nouvelle-Calédonie et voté par le Sénat n'est pas une réforme d'ensemble mais un ajustement. Après des accords aussi importants que ceux de Matignon et de Nouméa, après les souffrances qu'a endurées la Nouvelle-Calédonie dans sa chair entre 1980 et 1988, on n'a pas le droit de se tromper. Ce dispositif permettant une bonne stabilité du gouvernement, ne remettant pas en cause les institutions, évitant le détournement de leur esprit, correspond à ce que nous souhaitons, c'est-à-dire une Nouvelle-Calédonie moderne, à l'écoute des uns et des autres, telle que les élus ici présents et d'autres la représentent et la font vivre chaque jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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