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Séance en hémicycle du 7 avril 2010 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique (nos 1577, 2329, 2389, 2346).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures vingt minutes pour le groupe UMP, quatre heures onze pour le groupe SRC, deux heures cinquante-trois pour le groupe GDR, deux heures dix pour le groupe Nouveau Centre et trente minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Simon Renucci.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Renucci

Monsieur le président, madame la ministre de la santé et des sports, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, le texte qui nous réunit aujourd'hui porte sur la rénovation du dialogue social, sujet important s'il en est, à la veille de la future réforme des retraites prévue pour le mois de septembre.

La réforme des retraites qui s'annonce doit être l'occasion de parler sans tabou de tous les sujets. Les consultations seront indispensables dans le cadre d'une réforme globale. Nous serons amenés à débattre pour construire une réforme équitable pour tous. C'est notre souhait le plus cher.

Le dialogue social suppose un consensus, une consultation démocratique et un respect des partenaires. Il a pour but de promouvoir la bonne gouvernance, et l'État doit en assumer les responsabilités. C'est un contrat de confiance.

Quel paradoxe que cet article 30 au sein d'un texte prônant la rénovation du dialogue social ! Quelle surprise de voir surgir une lettre rectificative portant sur la réforme des retraites pour les personnels infirmiers ! La surprise est d'autant plus grande que, quelques semaines auparavant, face à une infirmière, notre Président avait affirmé que la pénibilité de son métier serait reconnue et que la discussion serait engagée avec les syndicats.

Certes, définir la pénibilité est une tâche complexe. Son évaluation peut-être subjective, sans oublier que les évolutions du travail créent de nouvelles formes de pénibilité. La pénibilité doit être prévenue et la pédagogie est nécessaire.

Cependant, trois critères semblent créer le consensus : le travail de nuit ou alternant ; l'exposition à des produits chimiques ; le port de charge et le travail à la chaîne. Le métier d'infirmier répond à certains de ces critères de pénibilité et c'est pour cette raison que le dialogue social est ici encore plus nécessaire.

L'obtention du diplôme équivalent à une licence dans le système LMD et le classement par conséquent en catégorie A représentent une avancée très significative, une reconnaissance de ce métier qui ne laissait pas présager un tel passage en force.

Le postulat de départ serait que la revalorisation salariale retarderait l'âge de départ en retraite. Malheureusement, je doute de ce raisonnement : nombreux seront celles et ceux qui, près de la fin de leur carrière, choisiront de partir à cinquante-cinq ans, creusant ainsi encore plus le déficit démographique de la fonction publique hospitalière.

S'il est vrai que la fonction publique hospitalière connaît un véritable défi démographique, l'attractivité du métier se trouve pénalisée par ce qui apparaît comme une non-négociation. Le dialogue social a perdu ici toute sa raison d'être.

S'agit-il d'une remise en cause du paritarisme, d'une atteinte au contrat social ?

Ce projet de loi suscite de nombreuses interrogations. Il entend assouplir les conditions de validité d'un accord signé au sein des fonctions publiques. En fait, si l'on évoque « une évolution de la composition paritaire » et une « modernisation du dialogue social » basée sur les accords de Bercy censés ouvrir « une nouvelle ère de la démocratie sociale dans la fonction publique », force est de constater que ce projet de loi introduit des déséquilibres et remet en cause le droit de vote aux employeurs publics jusque dans les comités techniques paritaires.

On peut donc s'interroger sur la volonté du Gouvernement de supprimer le paritarisme comme mode de gestion des fonctions publiques.

Puisque l'heure est aux solutions diverses face à la diversité des situations dans les collectivités locales, pourquoi ce qui fonctionne correctement devrait-il être supprimé ? Pourquoi faut-il transposer des solutions sans doute adaptées à l'État mais qui seront inopérantes pour la fonction publique territoriale ?

Doit-on y voir le signe d'une recentralisation latente et du retour d'une forme de tutelle, ainsi qu'une atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales ?

Il ne peut y avoir de consultation sans dialogue, ni de dialogue social sans volonté commune de réussir ensemble.

Mes chers collègues, il est fondamental de s'opposer à ce texte pour préserver les négociations à venir. Comme le dit Sénèque : « Il n'est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique répond à des exigences d'amélioration et de modernisation du cadre juridique du dialogue social.

Ainsi, je ne comprends pas celles et ceux qui, par principe ou par idéologie, s'opposent régulièrement aux aménagements nécessaires à l'évolution constante de notre société.

Ce texte propose en effet des avancées notoires en matière de représentativité des instances consultatives, de leur fonctionnement, et de la place et du poids du dialogue social.

Il concrétise les travaux conjointement menés par Éric Woerth, alors ministre du budget, et André Santini, alors secrétaire d'État à la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Avec d'autres collègues, j'ai pris part à ces travaux, plus spécialement à ceux concernant la fonction publique hospitalière et portant sur la mobilité des personnels et la mise en place de passerelles ouvrant à des carrières diversifiées.

Il symbolise également la détermination du Gouvernement à faire du dialogue social un enjeu majeur, et je m'en réjouis.

Votre projet de loi a été complété par la lettre rectificative n° 2329, adoptée en conseil des ministres le 23 février 2010…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

…et contrairement à ce qu'a affirmé mon cher collègue Renucci, il ne s'agit pas d'une surprise.

Constitué de l'article 30, ce véhicule législatif doit permettre l'adoption, d'ici à fin juin, d'un plan de revalorisation statutaire et salariale de la profession infirmière, et seulement de cela, n'en déplaise à ce que prétendent celles et ceux qui, à l'instar de M. Bernard Derosier, voudraient y voir une amorce de la réforme des retraites.

Les modalités de cet article sont la traduction législative du protocole d'accord du 2 février 2010, en partie relatif à l'intégration dans la catégorie A de la fonction publique hospitalière, des infirmiers et des professions paramédicales dont les diplômes sont reconnus dans la LMD par les universités.

Cette réforme, conduite avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, est la concrétisation d'une promesse de campagne du Président de la République et d'une très ancienne revendication, de légitimer le niveau licence – bac + 3 – du diplôme d'infirmier, dès 2012, permettant des équivalences au niveau européen.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Écoutez Mme Vasseur : elle est infirmière, elle sait de quoi elle parle, elle !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Elle s'est faite, comme vous l'avez parfaitement rappelé, madame la ministre, après une intense concertation, engagée dès 2007 avec les organisations syndicales.

Cette réforme était l'une de vos priorités, madame la ministre. Elle marque, s'il le fallait, votre volonté de reconnaître tout à la fois les compétences et les qualifications des infirmières qui assurent des responsabilités grandissantes et qui sont un maillon essentiel de notre système de soins, aux côtés du corps médical et de l'ensemble des professionnels paramédicaux.

À cet instant, je reprendrai, pour ma part et contrairement à notre collègue Marisol Touraine, les dispositions de ce texte point par point, parce que j'estime qu'il est trop facile d'éluder l'ensemble des avancées au seul prétexte de la pénibilité.

À Mme Touraine, je dirai que je n'ai pas exercé en cornette. En revanche, je l'ai fait en toute connaissance de conditions de travail particulièrement compliquées. Pendant dix ans, j'ai exercé en travaillant la nuit un mois sur deux, en faisant un week-end sur deux et des gardes de douze heures dans un service de réanimation néonatal.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Ce qui prouve à l'évidence que ce métier n'est pas pénible…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Mais j'avais, comme beaucoup de mes collègues, la passion de mon métier chevillée au corps, une certaine idée de la conscience professionnelle, de l'amour et de l'attention pour les autres. C'est pourquoi je ne pense pas que nous devons évoquer la question de la pénibilité au détour d'un seul article de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

C'est une question bien trop importante et par ailleurs si subjective ! Nous avons tous entendu le Président de la République s'exprimer sur le sujet et je ne doute pas que la représentation nationale en sera saisie en temps voulu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et il s'y connaît en pénibilité, le Président de la République ! C'est lui qui est pénible !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Cette parenthèse fermée, de quoi est-il question dans l'article 30 de ce texte ? D'acter le principe qui dispose que, dans la fonction publique, les personnels recrutés à un niveau licence sont par principe recrutés en catégorie A, la plus élevée de la fonction publique.

Nous devons aussi constater les effets de cette réforme. Deux cas de figure se présentent. Premier cas : les étudiants entrés en formation en septembre 2009 achèveront leur scolarité en juin 2012 avec un diplôme reconnu au grade de licence ; ceux qui choisiront d'exercer dans la fonction publique hospitalière y seront naturellement recrutés en catégorie A. Deuxième cas : les personnels en fonction actuellement peuvent, s'ils le souhaitent, demander à bénéficier de ces mêmes dispositions.

Nous devons aussi noter la revalorisation salariale, d'une ampleur inégalée, qui accompagne cette revalorisation statutaire.

Pour les infirmières anesthésistes, dont la progression salariale peut sembler inférieure à celle des autres infirmières spécialisées, à la lecture du texte, je note qu'une revalorisation avait déjà eu lieu en 2002, à l'époque où Mme Guigou était ministre de l'emploi et de la solidarité et où M. Kouchner était ministre de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Je n'étais pas députée alors. Aviez-vous évoqué la question de la pénibilité à cette occasion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Quoi qu'il en soit, la revalorisation représente un treizième mois de salaire pour toutes les infirmières, tout au long de leur carrière. Le Gouvernement consent ainsi un effort financier important puisque ces mesures coûteront 500 millions d'euros en année pleine dès 2015.

Nous devons aussi relever l'impact de la réforme sur la retraite. En effet, elle crée mécaniquement un treizième mois de pension tout au long de la retraite…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

… à une condition : à l'instar des infirmières de la fonction publique d'État, de la fonction publique territoriale et du secteur privé, les personnels entrent de facto dans le régime de retraite de droit commun. Ils renoncent donc aux conditions dérogatoires de la catégorie active après quinze ans d'exercice, comme le départ à la retraite dès cinquante-cinq ans, la majoration de durée d'assurance d'un an pour dix ans.

Tout ceci se fera dans le respect de la liberté du choix personnel, en fonction des besoins et des projets de vie de chacun, en toute connaissance de cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Le droit d'option systématique sera ouvert dès le mois de juin 2010 pour les infirmiers, et au cours des prochaines années pour les cadres de santé.

Ainsi, les personnels infirmiers qui choisiront le nouveau corps y seront reclassés dès le mois de décembre 2010. Ils percevront donc, dès la fin de cette année, un traitement plus élevé.

Les cadres et cadres supérieurs de santé pourront, quant à eux, soit conserver leur statut actuel, soit opter pour un statut revalorisé, avec une carrière prolongée. Actuellement, bien qu'en catégorie sédentaire, ils conservent les droits liés au classement en catégorie active de leur métier initial. S'ils demandent à être reclassés, ils le seront aussi en contrepartie d'un renoncement aux dérogations retraites.

Comme vous l'avez précisé, madame la ministre, une étape majeure a donc été franchie pour la profession infirmière. Je salue votre décision courageuse, justifiée et nécessaire dans un souci d'équité et de cohésion sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

En conclusion, madame la ministre, je compte également sur votre détermination pour poursuivre les démarches engagées sur la question de la pénibilité au travail et sur celle de l'amélioration des perspectives de carrières.

Par ailleurs, vous avez parlé d'étendre progressivement la réforme aux professions paramédicales bac + 3. Avez-vous d'ores et déjà arrêté un échéancier à ce sujet ?

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous avons entendu beaucoup de choses excellentes sur ce texte ; je vais donc réduire mon intervention à ce que mon expérience me fait tenir pour essentiel, c'est-à-dire à quatre points.

Tout d'abord, la méthodologie n'est pas loyale. Introduire dans un texte de loi dans lequel il n'a rien à faire, un article portant les prémices de la réforme des retraites – présentée comme la grande réforme de cette deuxième partie de quinquennat – ne peut pas être considéré comme correct.

Cette réforme est trop importante pour que nous l'abordions en kit. Ce n'est plus un cavalier législatif ; c'est carrément le cheval de Troie !

Deuxièmement, le troc proposé par l'article 30 ne me semble pas correct non plus. Il me rappelle un adage que nous utilisions en médecine : « On peut avoir à la fois la syphilis et un bureau de tabac… » Je vois Mme la ministre qui traduit pour des oreilles moins aguerries ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Mais nombreuses ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Je veux dire que l'on peut bénéficier du système LMD et avoir un métier pénible : ces deux données ne me semblent pas devoir être mises sur les plateaux d'une même balance. Elles ne sont pas de même nature.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Autrement dit, on ne doit pas avoir à choisir entre l'une et l'autre.

Troisièmement : le métier d'infirmière est un métier pénible. C'est une certitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Mais pas au sens où vous l'entendez, madame la ministre : on ne peut pas dire que l'espérance de vie, par exemple, y est plus faible que dans la population générale. C'est un métier pénible – et Mme Vasseur ne me démentira pas – parce que les infirmières et les infirmiers ont des horaires difficiles, commencent bien souvent leur journée de travail très tôt le matin et la terminent tard le soir ; parce que l'on assure la permanence des soins le dimanche et la nuit ; parce qu'il faut manipuler, soulever ou déplacer les malades ; parce que l'on vit dans une pression permanente, avec des traitements toujours plus difficiles à délivrer et une responsabilité par conséquent toujours plus grande. J'ajoute que, bien souvent, on court d'un malade à l'autre, on se déplace beaucoup et on travaille souvent debout – c'est par exemple le cas des infirmières anesthésistes et des infirmières de bloc opératoire.

Quatrièmement, La pénibilité de ce travail est-elle moindre qu'autrefois ? Non ; je puis, je crois, en témoigner au nom de mes quarante-cinq ans d'expérience hospitalière. Les infirmières ont davantage de malades à leur charge, des traitements plus difficiles à gérer et des responsabilités plus lourdes et plus pressantes.

On ne peut utiliser l'espérance de vie comme mesure d'une pénibilité dont vous avez prétendu, madame la ministre, qu'elle se réduisait. C'est un mauvais paramètre : si on l'utilisait sans réfléchir pour les retraites, il faudrait considérer, par exemple, que les fumeurs, qui ont une espérance de vie plus courte, devraient partir en retraite plus tôt, et que les femmes, dont l'espérance de vie est plus longue de cinq ans, devraient travailler cinq ans de plus !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

C'est un raisonnement un peu douteux, qui part en fumée !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

L'espérance de vie témoigne des conditions de vie davantage que de la pénibilité d'un métier ; nous aurons d'autres occasions d'en débattre.

Enfin, nous aurions accepté de discuter d'une évolution de la carrière des infirmières ; mais, pour le faire loyalement, il ne faut pas nous lier les mains en tranchant d'abord sur l'âge de départ en retraite. La discussion doit rester ouverte ; elle doit être complète et s'inscrire dans le cadre de celle, beaucoup plus globale, que nous aurons sur les retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Pour ces quatre raisons – méthodologie déloyale, troc incorrect, négation d'une pénibilité évidente, aggravation de celle-ci enfin –, nous ne voterons pas l'article 30 : il suffit à lui seul à nous faire douter de la sincérité d'un texte qui prétend améliorer le dialogue social et, au-delà, de la prochaine réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, projet dans lequel le Gouvernement a introduit subrepticement un changement du régime de retraite des infirmiers et infirmières.

Le 23 février dernier, votre gouvernement, madame la ministre, a en effet introduit sournoisement, par lettre rectificative, un article 30 dans le projet de loi, un véritable cavalier législatif qui remet en cause le bénéfice, pour les infirmières, de la majoration de la durée d'assurance égale à 10 % de la période de service prévue par l'article 78 de la loi Fillon de 2003. En clair, le Gouvernement utilise ce projet de loi relatif au dialogue social dans la fonction publique pour introduire une régression législative qui fait passer le droit de partir en retraite des infirmiers et des personnels paramédicaux de cinquante-cinq à soixante ans, en échange d'un passage en catégorie A de la fonction publique : les infirmières se retrouvent sommées de choisir entre la non-revalorisation de leur salaire et le recul de l'âge de départ à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Après avoir imposé les ordres professionnels aux infirmiers et aux personnels paramédicaux, vous voulez une nouvelle fois passer en force sur la question des retraites. Pourtant, 2003, ce n'est pas si loin ! Et c'était bien votre majorité qui avait voté la loi Fillon par laquelle sont reconnues la spécificité et la dureté du métier d'infirmière ! La pénibilité de ce métier aurait-elle diminué à ce point, madame la ministre, depuis sept ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Eh non, c'est le Gouvernement qui a changé d'avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous en doutons, et les infirmières aussi ; je pense qu'elles seront très étonnées par vos déclarations de cet après-midi qui tendent à relativiser, voire à nier, la pénibilité de leur profession.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous vérifierons bien entendu, madame la ministre, la véracité des chiffres que vous avez donnés en matière d'espérance de vie et d'invalidité.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Ce sont les chiffres de la CNRACL !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous ne connaissons guère, il est vrai, la question de la pénibilité : pour ma part j'ai seulement, sur ce sujet, deux missions parlementaires à mon actif et une mission consacrée aux risques psychosociaux ! Bref, nous verrons bien ; mais ces chiffres nous étonnent d'autant plus que nous avons auditionné, ce matin, le président de la CNRACL, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, et qu'il n'a pas été très éloquent sur ce point.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Vous prétendez qu'il n'a pas donné les mêmes chiffres que moi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous voulons dénoncer le double discours de Nicolas Sarkozy sur la réforme des retraites. D'un côté il affirme ne pas vouloir passer en force ; de l'autre, son gouvernement impose en moins de deux mois la modification d'un régime de retraite dans le secteur hospitalier, alors même que les infirmières et leurs organisations syndicales l'ont massivement rejetée. La méthode est inacceptable et le dialogue social bafoué. Elle contredit l'engagement du Président de la République de réaliser, dans la concertation, une réforme au niveau interprofessionnel pour tous les salariés au second semestre de 2010.

En outre, comment admettre que le Gouvernement viole les principes du dialogue social qu'il a lui-même institués – je pense au principe des accords majoritaires – en transformant un accord ultra-minoritaire en projet de loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Plus grave encore : à aucun moment n'a été négociée la pénibilité d'une profession, pourtant reconnue par Nicolas Sarkozy lui-même lors de sa rencontre avec les Français sur TF1 le 25 janvier dernier dans l'émission, désormais célèbre, « Paroles de Français ».

Je rappelle que ce n'est pas le premier « coup tordu » de ce gouvernement,…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…qui vient de remettre en cause sans concertation, par un décret du 31 décembre 2009, le régime de sécurité sociale des mines, en supprimant une partie de la gratuité des soins des retraités mineurs, acquis social obtenu en 1946, en contrepartie de la forte pénibilité de leur métier.

La reconnaissance de la pénibilité au travail, madame la ministre, ne se limite pas à accorder des avantages spéciaux aux salariés exposés à des conditions de travail pénibles – et condamnés à une retraite moins longue en raison d'une espérance de vie plus faible –, c'est aussi accorder des avantages aux salariés qui prennent leur retraite dans un état de santé plus dégradé. Or la pénibilité du travail infirmier est réelle, et de plusieurs natures : physique, psychique et mentale.

La pénibilité physique, par exemple, tient à l'intensification et à l'augmentation de la charge de travail dues au manque d'effectifs, aux horaires perturbant la vie personnelle – travail de nuit ou le dimanche, travail posté, en horaires alternés, en grande équipe, repos décalés ou supprimés –, au port de charges lourdes, à la manipulation des patients, ou encore à l'exposition aux produits toxiques – ceux utilisés en chimiothérapie, par exemple.

Quant aux risques psychosociaux, thème que nous étudions actuellement avec Jean-Frédéric Poisson et d'autres collègues dans le cadre d'une mission d'information parlementaire, ils ont augmenté au cours des dernières années avec, par exemple, la peur des agressions, particulièrement aux urgences, l'explosion du nombre de violences constatées à l'hôpital – 3 500 faits signalés en 2008 selon l'Observatoire national des violences hospitalières, et ce chiffre augmente depuis deux ou trois ans. Et surtout, dans de nombreux services où travaillent des infirmières, il existe un sentiment de solitude, une véritable insatisfaction par rapport à la prescription, et une perte du sens et du travail collectif.

Bref, madame la ministre, la pénibilité au travail est bel et bien une réalité quotidienne de la profession d'infirmière. Je veux à cet égard vous lire le témoignage qu'une infirmière, qui travaille dans un service de médecine adulte au pavillon 5 de l'hôpital Bellevue à Saint-Étienne, m'a fait parvenir en juin 2008 :

« Depuis deux mois, une de mes collègues infirmières a démissionné et n'est pas remplacée, une autre est en arrêt de travail qui risque d'être prolongé, et n'est pas non plus remplacée. Nous ne sommes donc plus que six infirmiers au lieu de huit à assurer un roulement sur quatre semaines, jours de semaine, week-ends et jours fériés compris. Alors nous effectuons un, puis deux, puis trois week-ends supplémentaires (nous en travaillons déjà deux sur quatre habituellement), et ainsi de suite pour que le service tourne, avec des jours de repos qui sautent et des alternances de rythme incessantes. Si bien qu'il devient impossible de prévoir quoi que ce soit en dehors de la vie au CHU. Je dors très mal, et pour être honnête, je pense au boulot constamment. J'ai peur que le stress me fasse oublier un soin, que la pression m'empêche de prendre le temps avec un patient déprimé, que la fatigue me fasse faire un mauvais calcul de dose, administrer un produit au mauvais patient… »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Voilà la réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Tel est, madame la ministre, le témoignage que nous avons tous les jours, toutes les semaines, dans nos circonscriptions. Si l'âge moyen de départ à la retraite des infirmières est aujourd'hui de cinquante-sept ans, c'est qu'elles n'ont pas la possibilité, au regard des annuités, de partir avant. Le chantage du Gouvernement sur une éventuelle revalorisation des salaires contre un départ différé en retraite est inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

L'intégration dans la catégorie A de la fonction publique est de droit. Elle correspond à la reconnaissance du niveau d'étude : licence, master, doctorat.

Votre texte aura pour seule conséquence de baisser le niveau des pensions de retraite des infirmières, alors que ces pensions sont déjà proches du minimum vieillesse ; c'est pourquoi nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'unanimité aurait pu se faire très facilement autour de ce texte. Malheureusement, une nouvelle fois, nous sommes confrontés à une basse manoeuvre parlementaire consistant à introduire dans un texte une mesure qui n'a strictement rien à voir avec lui. On s'interroge d'autant plus sur les raisons qui, soudain, vous ont fait présenter ce texte en urgence au Parlement, que l'on est attentif à certains bruits de couloir : à croire des sources distinctes, mais convergentes, il s'agirait de redessiner intégralement un tout nouveau projet de loi, primes de résultat, intéressement collectif et autres parachutes dorés pour cadres de la fonction publique devant faire une apparition expresse, mais réelle, dans le texte qui nous est soumis.

Les vingt-neuf premiers articles du projet de loi auraient pu constituer l'ossature d'un nouveau type de partenariat social, puisqu'ils traduisaient les accords de Bercy de juin 2008 qu'avaient signés une large majorité des syndicats – six sur huit, seuls FO et la CFTC s'y étant opposés, car ils étaient perdants dans le nouveau rapport de représentativité. À la surprise générale – et en particulier de ces mêmes syndicats –, l'article 30 jaillit tel un OVNI…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

…pour nier complètement l'esprit de consensus qui régnait lors de l'élaboration des accords. Il sort du projet de loi lui-même. Comme le rappelle ma collègue Jacqueline Fraysse, qui connaît particulièrement bien ce secteur, tous les syndicats, sans exception, signalent que, par le biais de ce cavalier législatif, le Gouvernement remet en cause la pénibilité des professions hospitalières.

La mesure est présentée sous la forme d'un chantage inacceptable. La création d'un nouveau corps d'infirmiers en catégorie A est conditionnée au passage en régime dit « sédentaire » qui implique que les agents hospitaliers renoncent à leur droit de partir à la retraite à cinquante-cinq ans. Autrement dit, les infirmiers devront choisir entre une rémunération descente sur le court terme et des avantages sociaux bien mérités sur le très long terme. Avec cette mesure, le Premier ministre annonce clairement que la pénibilité d'une fonction peut se monnayer.

En outre, il apparaît étrange que le Gouvernement, pourtant si favorable à la notion d'individualisation des carrières, freine à ce point l'évolution professionnelle des infirmiers. Ces professionnels ont toujours agi dans l'intérêt collectif. Pourtant, le Gouvernement leur demande aujourd'hui d'opérer un choix de carrière individuel, et c'est l'ensemble de la mission même de service public de santé et la qualité des soins offerts aux Français qui sont remis en cause. C'est proprement scandaleux.

Alors que, il y a moins d'un an, le Premier ministre abordait la question de la pénibilité du travail, il est inconcevable que les infirmiers voient leurs droits ainsi bafoués. Leur travail mérite d'être apprécié à sa juste valeur. Les maigres avantages dont ils bénéficient doivent-ils être déstructurés de la sorte ? Nous souhaitons que leur régime de retraite actuel soit maintenu. Toutefois, si votre volonté est bien de le remettre en cause, il vaudrait mieux que cela se fasse à l'occasion de la réforme globale des retraites à laquelle vous projetez de vous attaquer dans les mois à venir.

La question de la retraite et celle de la pénibilité – qui peuvent d'ailleurs être liées – doivent faire l'objet d'un vrai débat de société. Elles ne peuvent en aucun cas surgir ainsi, de nulle part, pour maltraiter une classe entière des salariés.

Nous espérions que, étant donné la mobilisation syndicale et le hors sujet que représente cet article 30, il serait retiré du projet de loi et que nous ne discuterions que des accords de Bercy validant la rénovation du dialogue social dans la fonction publique. Le maintien de ce cavalier en dit long sur votre respect des notions de dialogue social. Le mot « dialogue » est pourtant central et implique que les deux parties communiquent entre elles afin de convenir d'un accord. Or, au lieu d'un dialogue, il faudra se contenter du surgissement des non-dits, qui empoisonneront le monde de la fonction publique, où la performance en matière de gestion règne en maître absolu.

Ainsi, au mépris du travail et de la procédure législative, en dépit du rejet franc et massif des syndicats, vous persistez à dénaturer la fonction publique française.

À défaut d'accords, les derniers semblants de services publics seront discrètement battus en brèche. La méthode compte peu, tant que le résultat est là. Si notre groupe considère que les fonctionnaires sont au service de l'intérêt général, ils sont, selon vous, intégrés à une logique entrepreneuriale qui a pour indicateur unique le profit.

Comment sera jugé et rémunéré au mérite un agent d'un service public quelconque qui consacrera le temps nécessaire à l'accueil des usagers ? Comment sera jugé et rémunéré un policier qui n'aura pas assez rédigé de contraventions dans sa journée ? Comment sera jugé et rémunéré un agent des impôts qui aura consacré beaucoup de temps à expliquer à des contribuables les méandres de la fiscalité ? Comment sera jugé et rémunéré un infirmer ou une infirmière qui se sera attardé au chevet des malades ?

Petit à petit, vous introduisez un système de concurrence entre fonctionnaires et entre services, opposant les uns aux autres, au nom de la seule culture du résultat qui – même si elle fait encore illusion auprès de certains – est loin de recueillir le consensus auprès de l'ensemble des citoyens et des fonctionnaires. Chacun sait que rien n'est plus facile à trafiquer et à manipuler que des chiffres, qu'on peut leur faire dire ce que l'on veut. Il suffit de regarder ceux du chômage pour s'en convaincre.

Mais revenons au texte qui est censé occuper notre attention et qui entend rénover le dialogue social dans la fonction publique. Nous nous réjouissons que les questions de représentativité et d'accords majoritaires aient été validées. Elles marquent un profond changement, une avancée radicale dans l'approche et l'écoute du dialogue social. Toutefois, la disparition de toute notion de paritarisme nous dérange fortement, car cela implique un affaiblissement de la qualité, voire l'absence des débats entre syndicats et administration. La remise en cause de ce principe pose un problème éthique, du point de vue du respect de la démocratie et de ses valeurs. Cette mesure est d'autant plus étonnante qu'elle s'inscrit dans un texte censé renforcer le dialogue social.

Rappelons que les comités techniques ont pour fonction de permettre des pourparlers entre les représentants du personnel et de l'administration. Or ce fameux dialogue ne peut être sain que s'il est juste, et ne peut être démocratique que s'il met en présence les parties concernées. Si une seule voix peut prendre part au vote, quel est l'intérêt de la discussion ? Elle n'en a plus aucun. Débattre avec soi-même n'a jamais apporté grand-chose à qui que ce soit, en tout cas pas tant que nous nous situons dans un espace démocratique. Le débat, c'est d'abord un affrontement d'idées, un échange continu de concepts et d'expériences.

Aussi, il ne faudra pas s'étonner si un dialogue de sourds s'enclenche en lieu et place d'un véritable dialogue social. En n'octroyant le droit de vote qu'aux représentants du personnel, ce mécanisme pervertit les avancées proposées par le projet de loi. L'administration ne fera plus qu'acte de présence. Comment envisager dans ces conditions qu'elle prête une oreille attentive aux doléances des fonctionnaires ? Quel intérêt trouvera-t-elle à participer – avec de bonnes dispositions – aux comités techniques ? Aucun.

La rénovation du dialogue social dans la fonction publique et la suppression de la parité dans les comités de débat me paraissent inconciliables. Il est étrange de voir la parité disparaître alors que les syndicats souhaitent conserver des garde-fous administratifs, au moins au niveau local.

Dans tout accord, les parties peuvent choisir de mettre de côté certaines de leurs revendications pour peu que d'autres – essentielles à leurs yeux – soient entendues. Ici, c'est donc la parité qui a été sacrifiée sur l'autel de ces accords. Il nous revient de vous rappeler que ce principe est indispensable à un dialogue de qualité.

Reste la question de la concordance des élections qui, telles qu'elles sont organisées aujourd'hui, ne permettront pas une prise en compte globale et immédiate de la réforme du dialogue social. Si l'on souhaite que la représentativité syndicale prenne en compte les nouvelles règles du jeu d'ici à la fin 2013, une période transitoire est indispensable. Or il semblerait que, en dépit de ses déclarations, ceci ne soit absolument pas une urgence pour le Gouvernement. Un système bancal alliant l'ancien et le nouveau régime sera la règle durant plusieurs années, ce qui invalidera de fait, une fois encore, les quelques avancées que propose ce texte.

Au-delà du fond, qui reste largement problématique tant il déstructure presque intégralement le paysage social des fonctions publiques, c'est la méthode que nous tenons à dénoncer une fois pour toutes. Il est étonnant de voir la précipitation avec laquelle vous voulez faire passer ce texte. Rappelons que tous les corps de la fonction publique subissent une saignée sans précédent au moyen d'une révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, qui sabre des secteurs entiers des services publics de notre vie quotidienne. Rappelons aussi que la loi relative à la mobilité dans la fonction publique, votée il y a à peine un an, a fondamentalement remis en cause les principes de base et les missions de ces secteurs. Et je ne parle pas de la réforme à venir des collectivités locales qui, associée à la suppression de la taxe professionnelle, déstructure complètement l'équilibre économique et social des territoires. Écoutez d'ailleurs la grogne des présidents de conseils généraux. Et n'oublions pas non plus le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Tout porte à croire que, au nom de la modernisation de la fonction publique et des institutions, vous souhaitiez mettre au pas un service public que vous osez qualifier d'obsolète. C'est un doux euphémisme pour cacher un acte bien plus grave où c'est la culture du résultat qui compte avant tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Quoi qu'il en soit, il a fallu attendre que ces réformes soient votées ou aient été largement engagées, il a fallu attendre qu'elles aient complètement déstructuré les fondements du secteur public, pour que vous nous présentiez ce texte où les principes rénovés du dialogue social sont, pour reprendre une terminologie qui vous est chère, « pris en otage ».

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Avouez que c'est assez paradoxal et étrange de votre part.

Nous aurions pu approuver ce texte, de la même façon que les syndicats l'avaient accepté, parce qu'il marquait, dans sa version originelle, une avancée notoire dans les fondements du dialogue social. Mais le contexte a changé. Les règles du jeu n'ont pas été respectées.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Nous demandons donc le retrait immédiat de l'ensemble des amendements du Gouvernement qui défigurent les accords de Bercy, la suppression de l'article 30 et la réintroduction du principe du paritarisme dans ce texte. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'ont été rédigés les amendements que nous avons déposés. C'est à ces seules conditions que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera le texte. Si elles n'étaient pas remplies, nous voterions contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est le fruit d'un long travail de concertation entre l'État et les partenaires sociaux…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…le fruit d'un dialogue constructif qui a abouti à un projet de loi équilibré dont il convient de se féliciter.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

À ce titre, je tiens à rendre un hommage tout particulier à mon collègue et ami André Santini qui, en tant que secrétaire d'État, a eu l'initiative de ce projet de loi et a largement contribué à sa rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Le dialogue social est l'un des fondements de notre démocratie sociale. C'est donc aux élus de la représentation nationale qu'il appartient de fixer le cadre adapté qui permettra de le faire vivre, de le développer, de le rendre aussi riche que possible, dans l'intérêt bien compris de notre vie collective.

Je rappellerai aussi que ce projet s'inscrit dans la continuité des actions menées par les gouvernements successifs depuis 2002…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…en faveur du dialogue social et de la négociation collective. Il vient donc compléter des évolutions profondes.

Tous les acteurs, à l'exception de quelques partisans du statu quo, appelaient de leurs voeux un dialogue social plus dynamique au coeur des administrations. Ainsi, la réforme sur sa modernisation constitue une étape importante, à laquelle les partenaires sociaux ont été étroitement associés au travers d'une concertation permanente, n'en déplaise à la gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

J'insisterai en premier lieu sur la nécessité de cette réforme qui entend surmonter des obstacles hérités de l'histoire de l'administration et de la fonction publique françaises. Je veux tout d'abord évoquer le dialogue social dans la sphère publique française.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

L'architecture de notre administration, héritée de l'époque napoléonienne, est aujourd'hui encore empreinte de cette conception, même si, depuis deux siècles, de très nombreux progrès ont été réalisés. À cet égard, l'accélération des réformes engagées a d'ailleurs déjà produit ces dernières années des effets sensibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Aux élections régionales, en particulier ! C'est très efficace ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Le rapport hiérarchique entre l'administration et les hommes limite encore le dialogue social avec les fonctionnaires, et je le regrette.

Notre fonction publique est très structurée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas une raison pour la déstructurer !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Depuis 1945, nous avons abandonné la conception d'une fonction publique d'emplois pour une fonction publique statutaire. C'était un progrès remarquable, car la garantie de la carrière était le corollaire de la neutralité du fonctionnaire, neutralité qui garantit l'étanchéité de la frontière entre le politique et l'administration.

Reste que le dialogue social a longtemps eu une place résiduelle dans la fonction publique, car il apparaissait incompatible avec la conception française du statut et du pouvoir hiérarchique.

Même si, au niveau constitutionnel, le droit syndical a été consacré en 1946, le statut des fonctionnaires a reconnu des dispositifs de participation et de dialogue avec les représentants des agents, cela n'a pour autant pas remis en cause la position statutaire et réglementaire des agents que j'évoquais précédemment.

Or ce même statut a été peu modifié jusqu'à ce jour.

Il est vrai que le postulat sur lequel il repose s'inscrit très clairement dans le cadre de la conception française de l'État et de la fonction publique : l'accomplissement de missions d'intérêt général n'est pas une activité professionnelle comme les autres. Elle justifie l'existence d'un régime spécifique de relations du travail dont l'expression se trouve dans les lois de 1983, 1984 et 1986. Ces textes ont rénové le statut général de la fonction publique et placent le fonctionnaire dans une situation statutaire et réglementaire.

Cet héritage historique explique en grande partie que les progrès du dialogue social dans l'administration française aient été tardifs et lents et que ce dialogue soit encore très incomplet.

Aujourd'hui, le statut général des fonctionnaires prévoit, certes, des instances paritaires traitant soit des personnes, soit de l'organisation des services, soit des conditions de travail, et chacune des trois fonctions publiques est également dotée d'un conseil supérieur, mais le dialogue au sein de ces organismes reste, de l'aveu même des organisations syndicales, strictement cantonné à certains sujets, et trop formel, pour ne pas dire compassé. Ce dialogue est en outre cloisonné : la synthèse entre les travaux de ces différentes instances ne trouve pas de lieu pour s'organiser : pour ne citer qu'un exemple, les résistances que suscite l'éventualité de la création d'instances paritaires interministérielles sont, vous le savez, très fortes.

Enfin et surtout, le rôle de ces instances paritaires reste strictement consultatif : elles se contentent d'émettre, sur des textes ou des projets qui leur sont présentés, des avis qui ne lient pas l'administration, et ce au terme de débats où la parité administrative aboutit à un avis qui ne traduit pas la diversité des échanges qui ont eu lieu.

À côté de ces instances statutaires existent dans les services, au niveau déconcentré et au niveau central, des rencontres informelles avec les organisations représentatives des fonctionnaires. Ces rencontres sont bien sûr indispensables, mais le dialogue qu'elles permettent débouche rarement sur des éléments concrets.

Sur les sujets qui engagent profondément l'avenir de l'administration et de la fonction publique, tels les rémunérations, les projets de réforme de l'État, la gestion des carrières – et plus largement des ressources humaines – et la composition de l'emploi public, il n'existe pas de lieu institutionnalisé de dialogue social, il n'existe pas de temps consacré régulièrement à ce dialogue, et, de fait, aucune obligation de discuter et de négocier. Ce dispositif, peu modifié depuis 1946, apparaît donc en décalage croissant avec la pratique actuelle du dialogue social. En particulier, les négociations entre les autorités administratives et les organisations syndicales abordent un nombre croissant de sujets en dehors du champ prévu par le statut.

La première étape de la mise en oeuvre des accords de Bercy est une étape historique dans la modernisation de la fonction publique.

La signature, le 2 juin 2008, d'accords relatifs à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique avec six organisations syndicales a constitué, je le rappelle, un tournant historique pour la fonction publique.

Ces accords de Bercy, comme on les a appelés, prévoient une série de mesures législatives et réglementaires de nature à moderniser les pratiques du dialogue social et le fonctionnement des instances consultatives.

Dans une démocratie sociale rénovée, nous avons besoin de syndicats dont la légitimité soit incontestable. Un syndicat plus légitime, c'est un syndicat qui négocie plus efficacement au nom des salariés qu'il représente et qui sait trouver avec ses interlocuteurs des solutions adaptées à tous. Tel est l'objet de la réforme de la représentativité, réforme sans précédent depuis l'après-guerre, qui prévoit de substituer le critère de l'audience à la présomption irréfragable de représentativité.

Le projet de loi dont il est question aujourd'hui, constitue donc la première étape de la mise en oeuvre des accords de Bercy conclus le 2 juin 2008 entre le ministre de la fonction publique et six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique : CGT, CFDT, FSU, UNSA, Solidaires et CGC.

Il traduit une convergence forte avec les organisations représentatives sur la question du dialogue social rénové et bénéficie de l'appui des grandes organisations syndicales et professionnelles de notre pays.

Plus précisément, ce texte actualise les modalités du dialogue en modifiant les conditions de représentativité et d'accès aux élections des organisations syndicales dans les différentes fonctions publiques, de sorte que l'accès des syndicats aux élections professionnelles ne sera plus subordonné à une présomption de représentativité.

Il en résulte que tous les syndicats constitués depuis au moins deux ans et satisfaisant aux conditions de respect des valeurs républicaines et d'indépendance pourront présenter des candidats. Ce dispositif concernera les principales instances de concertation de la fonction publique : comités techniques, commissions administratives paritaires, comités consultatifs nationaux.

Enfin, il élargit le champ de la négociation dans la fonction publique à tous les domaines, au-delà des seules questions salariales, et précise les critères déterminant la validité d'un accord : le nombre et le niveau de représentativité des organisations signataires ; l'absence, tout simplement, d'opposition d'organisations ayant recueilli la majorité des suffrages aux dernières élections professionnelles.

J'en viens au protocole d'accord du 2 février 2010.

Ce projet de loi a été complété par une lettre rectificative…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…déposée le 23 février 2010, qui supprime certaines spécificités du régime de retraite des personnels infirmiers et paramédicaux…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Elle ne supprime rien du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…en application du protocole d'accord du 2 février 2010 qui prévoit l'intégration dans la catégorie A des personnels infirmiers ou paramédicaux dont le diplôme est reconnu au niveau de la licence, dans le cadre de l'harmonisation européenne de l'enseignement supérieur.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Cela ne supprime rien du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Vous m'éclairerez à ce sujet, madame la ministre, j'en suis persuadé, en me répondant tout à l'heure.

Au Nouveau Centre, nous nous réjouissons de cette mesure qui reconnaît la formation des professions infirmières en leur offrant la possibilité de passer en catégorie A et, de fait, de bénéficier d'une revalorisation salariale. Cette avancée est méritée.

Nicolas Sarkozy, notre Président de la République,…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Quelle déclaration, monsieur Derosier !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

…lorsqu'il était candidat à la présidentielle, avait répondu dans une lettre datée du 2 mai 2007 qu'il souhaitait que les négociations engagées puissent aboutir « dans les meilleurs délais à la reconnaissance du diplôme d'infirmier au niveau de la licence » et s'engageait à « permettre, au-delà de la réévaluation générale du diplôme à bac +3, à certaines spécialités infirmières de bénéficier d'une reconnaissance de niveau bac +4 voire bac +5 (niveau Master) par le biais de la validation des acquis de l'expérience et, au besoin, de formations complémentaires ».

Ce projet de loi met donc en oeuvre cette promesse,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

..ouvrant ainsi aux infirmiers la possibilité de bénéficier d'une grille indiciaire bien plus favorable. Par là même, il répond à une forte attente des organisations professionnelles et des organisations étudiantes concernées.

À cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir de cette mesure, même si nous pensons qu'il aurait sans doute été plus approprié qu'une question ayant trait aux retraites des infirmiers fasse l'objet d'une disposition spécifique dans le texte de la réforme sur les retraites.

Cette mesure soulève, bien sûr, la question de la prise en compte de la pénibilité du travail à laquelle, au Nouveau Centre, nous demeurons très attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Il en va ici de notre préoccupation constante de justice sociale, et c'est pourquoi nous veillerons à ce qu'une attention toute particulière soit accordée à la question de la pénibilité du travail dans le cadre des réformes envisagées. Nous y serons très attentifs.

Pour conclure, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre approuve l'esprit et les modalités de ce projet de loi, qui va incontestablement dans le bon sens, celui de la modernisation du dialogue social et, ainsi, de la recherche d'un véritable progrès social, construit pas à pas, avec pragmatisme et réalisme.

C'est pourquoi, sans hésitation, nous le voterons.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Je ne voudrais cependant pas terminer sans adresser tous mes voeux de réussite au nouveau secrétaire d'État en charge de la fonction publique. Il continuera, j'en suis persuadé, l'action qui a été celle de notre collègue et ami André Santini.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vais faire plaisir à notre collègue Rochebloine en me situant dans le prolongement de son propos. Puisqu'il s'intéresse à la pénibilité du travail des infirmières et les assure de sa grande vigilance sur ce sujet, allons-y !

Je vais donc vous parler de cette fameuse lettre rectificative,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…devenue article 30 du projet de loi discuté ce soir. C'est là, avant le débat sur les retraites et l'examen du projet de loi dont nous débattrons probablement à l'automne, un passage en force…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…que tout le monde, me semble-t-il, reconnaît, y compris sur les bancs de l'UMP, quand bien même, mes chers collègues de la majorité, vous ne le dites pas explicitement.

Il s'agit clairement d'un renoncement à la prise en considération de la pénibilité des conditions de travail des infirmières. Celle-ci n'a pourtant rien d'abstrait. Je voudrais vous rappeler quelques chiffres issus des études des services des ministères dont vous avez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, la charge, notamment des études menées par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, qui avait sondé à ce sujet à peu près 5 000 personnels soignants en 2003. Les résultats sont éloquents.

Premier constat, les infirmières sont soumises aux risques liés à l'exposition aux virus et bactéries…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Le sujet, vous ne le connaissez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il paraît d'ailleurs qu'il vous reste des stocks, madame la ministre ; peut-être fera-t-on une distribution gratuite tout à l'heure…

Les infirmières sont donc soumises aux risques liés à l'exposition aux virus et aux bactéries mais aussi aux traitements, qui peuvent être toxiques ou irradiants ou nécessiter l'usage de matériel lourd ou dangereux à manipuler. 87 % des infirmières – et des infirmiers, bien sûr – s'estiment exposés à des blessures physiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Vasseur

Il va falloir interdire le métier d'infirmière…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Deuxièmement, la montée des violences dans la société se retrouve dans les couloirs de nos hôpitaux. 73 % des infirmières redoutent d'être exposées aux agressions et 60 % déclarent en avoir été victimes. Contrairement à ce qu'affirmerait sans doute, s'il était présent, M. Hortefeux, la vidéosurveillance ne suffirait pas à régler cette question.

Il ne s'agit pas d'un simple sentiment, puisque l'observatoire des violences hospitalières confirme une forte progression des faits signalés : 3 500 agressions en 2008.

Troisièmement, on constate une grave dégradation des conditions de travail, avec des locaux inadaptés pour 56 % des infirmières, des instructions contradictoires pour 59 %

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Il n'y a pas que les infirmières qui sont concernées !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Effectivement, madame la ministre. La gestion de la grippe A, dont vous avez parlé tout à l'heure, pourrait nous fournir d'autres exemples, c'est un sujet intéressant !

J'en reviens à la dégradation des conditions de travail, avec une pression accrue de la hiérarchie sur le rythme de travail, une amplitude horaire irrégulière, éprouvante et difficilement compatible avec la vie familiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Il fallait accepter la réforme de l'hôpital !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Tout cela concerne, il faut le souligner, une population au sens des responsabilités particulièrement aigu, et pleinement conscient de la gravité des conséquences que pourrait avoir une erreur professionnelle. 93 % des infirmières vivent dans cette crainte.

On retrouve là, vous l'aurez remarqué, l'essentiel des critères de la pénibilité tels qu'ils avaient été définis dans la négociation plus globale – Régis Juanico y a fait allusion tout à l'heure – prévue par l'article 12 de la loi de 2003 sur les retraites. Mais si la négociation sur la définition et la prise en compte de la pénibilité par les régimes de retraite n'avait pas abouti, c'est qu'elle avait achoppé non sur la définition de la pénibilité, mais sur les conséquences de sa prise en compte. Un consensus s'était établi sur trois batteries de critères : les contraintes physiques, comme le port de charges lourdes ou les postures pénibles ; l'agressivité de l'environnement de travail, du fait de l'exposition à des produits toxiques, des températures extrêmes ou des bruits intenses ; les rythmes de travail enfin, avec la question du travail de nuit, le travail répétitif ou l'application d'horaires alternants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Calmez-vous, mon cher Rochebloine, tout va bien se passer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sur ces trois séries de critères, il y avait consensus avec les partenaires sociaux. C'est sur cette base qu'il faudra construire une prise en compte de la pénibilité qui permette d'établir des distinctions entre les régimes de retraite, ou entre les situations des uns et des autres : c'est le seul critère qui puisse être acceptable aux yeux de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis heureux de constater que vous êtes d'accord avec moi, monsieur Bur.

Pour conclure…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Si vous voulez que cela dure plus longtemps, ce n'est pas un problème. (Sourires.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Vous nous avez habitués à de meilleures interventions, monsieur Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Pour conclure, je voudrais revenir sur la spécificité du métier d'infirmière : la difficulté de ce métier est reconnue de tous nos concitoyens. Je n'ai jamais entendu personne dénoncer les infirmières comme privilégiées, bien au contraire ! Lorsqu'elles revendiquent quelque chose, nous ne sommes pas face à une revendication corporatiste, mais face à une vraie question sur la qualité des soins et sur la prise en compte des malades.

Voilà pourquoi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, je rejoindrai les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune pour vous demander, de retirer cet article 30 – ou à défaut de faire voter les amendements de suppression que nous présenterons. Cela nous permettrait d'éliminer une injustice de ce texte, et donc de le rendre acceptable : sans cette lettre rectificative, nous aurions pu aboutir à un accord sur votre projet de loi. Cela nous permettrait aussi de débattre sereinement des retraites – au printemps dans un cadre général, puis dans cet hémicycle à l'automne – pour l'ensemble des catégories professionnelles, de façon à construire un avenir des régimes de retraite acceptable pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

De toute façon, vous ne soutenez jamais aucune réforme !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Mesdames et messieurs les députés, je vais retenir les aspects positifs des interventions que j'ai entendues : il y a matière à voir les choses positivement, dans ce domaine-là comme dans les autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Il y a toujours moyen de tourner les choses pour les présenter négativement – c'est sans doute le jeu normal d'une opposition que d'essayer, sinon de caricaturer, disons de présenter la situation forcément à notre désavantage.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

La pénibilité du travail des infirmières, cela n'a rien de caricatural !

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Pourtant, il n'y a pas lieu de le faire, et je vais tenter de vous le montrer en répondant collectivement aux intervenants, majorité et opposition confondues, en adoptant du reste le ton empreint de courtoisie et de modération qui aura caractérisé cette soirée – à une ou deux exceptions près.

Commençons par rappeler quelques idées générales, mais essentielles. À entendre Mme Fraysse, M. Braouezec ou M. Terrasse, la majorité et le Gouvernement auraient tendance à maltraiter la fonction publique, comme s'il y avait d'un côté ceux qui apprécient la fonction publique et de l'autre ceux qui ne l'apprécient pas.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Nous sommes ici quelques-uns – et je salue les députés de la majorité comme de l'opposition qui en font partie – à nous intéresser à ces questions, avec le réel souci de montrer aux fonctionnaires que nous voulons, quelles que puissent être nos divergences d'idées, tout à la fois améliorer leurs conditions de travail, réformer et moderniser la fonction publique.

Premièrement, notre politique de la fonction publique n'a jamais consisté à tailler les effectifs jusqu'à la réduire à une fonction publique croupion. Je ne rappellerai qu'un seul chiffre, mais il me tient à coeur : depuis 1980, les effectifs de la fonction publique d'État ont augmenté de près de 15 %, ceux de la fonction publique territoriale de 70 %, et ceux de la fonction publique hospitalière de 36 %. Ce qui explique que non seulement les propos entendus ici où là laissant entendre que toute la politique du Gouvernement en matière de fonction publique se limiterait à une réduction des effectifs sont faux, mais que la réduction en question doit être relativisée : la fonction publique compte environ 5,2 millions d'agents, ce qui n'a rien de proportionnellement dérisoire. C'est une fonction publique qui compte et à laquelle nous voulons adresser des messages forts.

Premier message important : restituer à la fonction publique la moitié des gains issus de la réduction des effectifs. Il faut que ces chiffres soient ancrés dans les esprits : quand la réduction des effectifs permet de dégager des économies, plus de 50 % des économies en question repartent vers les fonctionnaires et permettent notamment d'améliorer les situations catégorielles. Cela montre à quel point les propos de Mme Fraysse et de M. Braouezec étaient à cet égard particulièrement excessifs.

Sur le texte lui-même, je voudrais reprendre plusieurs idées que j'ai entendues tant dans la bouche des orateurs de la majorité que de ceux d'une partie de l'opposition.

Nous faisons la preuve avec ce projet de loi d'une véritable culture de la négociation et du dialogue social. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela se traduit, comme pour d'autres textes qui ont précédé celui-ci, par des accords de premier plan : accord sur la santé et la sécurité au travail, accord sur la formation professionnelle, accord sur le dialogue social. Ces différents accords ont été conclus avec les syndicats et ont rendu possibles de véritables avancées en matière de pouvoir d'achat.

Dois-je, par exemple, rappeler que la garantie individuelle de pouvoir d'achat résulte d'accords conclus dans les mêmes conditions avec les syndicats ? Dois-je rappeler que le rachat des comptes épargne-temps, ou la refonte des catégories – j'en profite pour rendre hommage à mon prédécesseur Christian Jacob – relevaient d'accords de même nature ? Autant d'avancées qui ont mis en évidence notre culture du consensus, notre culture d'ouverture dans la discussion.

Avec ce texte, nous sommes dans la même logique : celle d'une culture de la négociation et du dialogue social.

J'ai été choqué, et je ne crois pas avoir été le seul – je suis absolument convaincu que les syndicats auront été surpris d'entendre une chose pareille – par les propos de M. Terrasse qui a laissé entendre que l'accord sur la rénovation du dialogue social ne s'appliquait à la fonction publique d'État. Je tiens à rappeler ici que les trois composantes de la fonction publique sont bien entendu concernées et engagées par la signature des fédérations syndicales.

Cette culture de la négociation peut déboucher sur des accords. Cela nous empêche-t-il pour autant d'y ajouter certains dispositifs qui nous paraissent appropriés ? Évidemment non. Je le dis très clairement, et je laisserai Mme Bachelot parler à ce sujet de l'article 30.

Les fonctionnaires sont dans une situation statutaire et réglementaire, et non contractuelle. Dès lors, il appartient donc à l'employeur de prendre les dispositions qui lui paraissent appropriées pour réaliser des avancées au bénéfice des agents. C'est le cas dans ce texte avec les articles additionnels que vous avez évoqués.

Au demeurant, j'avais déjà annoncé une quinzaine de jours devant la commission des lois que le Gouvernement présenterait ces articles aujourd'hui. Il n'y a donc pas d'effet de surprise, et celles et ceux parmi vous qui auraient le désir de relire le détail du compte rendu de la séance de la commission des lois verront que j'avais prévenu que je déposerais plusieurs amendements créant de nouveaux dispositifs en matière de rémunération.

C'est le cas, par exemple, du grade à accès fonctionnel pour la catégorie A. Cela correspond, je le signale, à une avancée à la fois pour le haut et le bas de la grille pour la catégorie A, suivant ce qui a été fait pour les catégories B et C. Ce sera pour les fonctionnaires de catégorie A une véritable avancée. Nous en avons discuté ; j'ai reçu les syndicats le 26 mars dernier pour essayer de les en convaincre. Nous n'avons pas trouvé d'accord, c'est un fait, mais ce n'est pas une raison pour en déduire que les agents de catégorie A ne sont pas intéressés par un dispositif de cette nature, qui instaure un troisième grade au sein de la catégorie A, destiné à celles et ceux des agents qui ont exercé des responsabilités et pris des risques particuliers.

C'est également le cas de la prime de fonctions et de résultats, avec la reconnaissance du mérite individuel. Cela a été longuement évoqué par plusieurs intervenants, et en particulier par Michel Diefenbacher, qui s'est beaucoup battu pour la PFR, et qui a également évoqué la reconnaissance du mérite collectif, autrement dit la prime d'intéressement. Notre logique, c'est, là encore, consiste à introduire par amendement des dispositifs dont nous croyons qu'ils vont dans la bonne direction.

L'article 30 n'a donc rien de spécifique : nous défendrons plusieurs dispositifs qui nous paraissent aller dans la bonne direction – les agents, je le répète, sont dans une situation statutaire et réglementaire.

Autre constat plusieurs fois entendu, et je salue d'ailleurs le ton modéré dont a usé à l'opposition à cette occasion : les principes de la négociation tels qu'ils sont déclinés dans le texte de loi correspondent à peu près à ce que nous croyons tous opportun. Les syndicats les ont approuvés ; six des huit syndicats les ont signés. L'élargissement de la négociation à différents domaines – aux conditions de travail, au déroulement des carrières, à la formation professionnelle, à l'action sociale – va évidemment dans la bonne direction. Je rappelle que, jusqu'à présent, les négociations se limitaient aux questions salariales : il s'agit donc bien d'une avancée majeure dans le domaine des discussions avec les syndicats, et c'est très bien ainsi.

De la même façon, j'ai constaté qu'il n'y avait pas de critiques sur le principe de l'élection, sauf en ce qui concernait une partie directe liée aux comités techniques paritaires. De plus, les non-titulaires pourront désormais participer aux élections. Enfin, il y a une avancée réelle pour les syndicats, qui ne sont plus soumis à des critères de reconnaissance de représentativité, qui n'étaient pas définis. Là encore, nous allons, je crois, dans la bonne direction.

Restent deux points sur lesquels nous aurons à revenir dans la discussion. Le premier a trait au paritarisme. Le Président de la République a défendu l'idée d'une amélioration du fonctionnement du paritarisme. Notons que la fonction publique hospitalière pratique depuis de nombreuses années le système qui est critiqué aujourd'hui : dans les hôpitaux, les comités techniques d'établissement ne sont pas paritaires. Ce qui ne les empêche pas de fonctionner ; il n'y a donc pas matière à s'en inquiéter particulièrement.

Deuxième point : force est d'admettre que le fonctionnement actuel du dispositif est tout à la fois formaliste – l'administration vient défendre un texte, et participe au vote sur ce même texte : il n'y a rien là qui enrichisse le débat – et chronophage – nombre de fonctionnaires ne se déplacent que pour voter, car en réalité ils ne participent pas à la discussion. Cela n'apporte donc pas grand-chose.

Monsieur Derosier, vous avez posé la question de la fonction publique territoriale. Nous avons, je crois, entendu vos suggestions puisque nous proposons d'instaurer un système particulièrement souple : le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale continuera à fonctionner sur la base de deux collèges, le collège des employeurs et le collège des représentants du personnel. Nous avons donc entendu ce qui nous était demandé.

De plus, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale pourra demeurer composé d'autant d'élus que le souhaite le collège des employeurs, et les avis de chacun des collèges continueront de s'exprimer par un vote. Nous avons là encore entendu ce qui nous était demandé.

Les voix des employeurs et des représentants des organisations syndicales ne s'additionneront pas : chaque collège, et nous pensons que c'est un point positif, prendra donc position. C'est à la fois responsabilisant et essentiel pour le pluralisme.

Enfin, les comités techniques pourront fonctionner sur le même schéma que le Conseil supérieur, dans la mesure où une délibération de la collectivité territoriale pourra le prévoir. Par rapport au projet initial, nous avons donc une avancée et un assouplissement. La fonction publique hospitalière fait ici, en quelque sorte, figure de modèle.

Je ne sais pas si ce texte est historique, comme je l'ai entendu dire plusieurs fois au cours de la soirée…

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

…mais il va en tout cas dans la bonne direction. C'est un texte sur lequel nous nous retrouvons en grande partie…

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

…et il répond aux souhaits des syndicats : nous ne pouvons pas les décevoir, et nous ne les décevrons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Retirez l'article 30, madame la ministre, et nous irons nous coucher !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le débat sur l'article 30 aura été pour l'opposition l'occasion de ressortir les slogans les plus usés et les plus absurdes. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Comment soutenir que l'on veut brader l'hôpital public alors que nous y consacrons les dépenses les plus élevées du monde par tête d'habitant ?

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Comment parler de privatisation alors que le plan Hôpital 2012 consacre 10 milliards d'investissements et que la création de cinq instituts hospitalo-universitaires va mobiliser 850 millions d'euros du grand emprunt ? Comment ose-t-on parler d'« hôpital entreprise » alors que l'ONDAM hospitalier progresse à un rythme très supérieur à la croissance de la richesse nationale ?

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Comment soutenir que la rentabilité serait notre seul moteur alors que le nombre des agents y a augmenté de 11,4 % ces dix dernières années, et encore de 25 000 en 2008 – 5 000 dans le coeur de l'hôpital public et 20 000 dans le post-aigu – et que le non-remplacement d'un agent sur deux partant à la retraite ne concerne pas la fonction publique hospitalière ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

La réalité de l'hôpital, oui, je la connais et l'accusation récurrente portée à mon encontre de mépris, de déloyauté, d'indécence, car ce sont les mots que vous avez utilisés, est indigne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Je peux ne pas être d'accord avec vous, mesdames et messieurs de l'opposition ; je peux vous dire avec force, parfois avec emportement, que vous vous trompez, jamais je ne profère des attaques aussi basses, qui portent atteinte à votre intégrité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je me bats pour préserver notre modèle de solidarité. L'hôpital public est le vaisseau amiral de notre système de santé, il est le théâtre de mutations techniques et sociétales considérables. Les nouvelles technologies réduisent les durées de séjour. Les citoyens veulent toujours plus de sécurité et de performance. Le vieillissement nous impose de libérer les lits de court séjour pour le long séjour et le médico-social. La pluridisciplinarité des prises en charge exige le compactage et le remodelage du patrimoine immobilier. Les hommes et les femmes de l'hôpital devront non seulement accompagner ces transformations, mais les imaginer et les faire vivre.

Les infirmiers et les infirmières auront un rôle moteur dans ces transformations. L'évolution de leur formation, de leur parcours de carrière doit permettre ces évolutions et même ces révolutions ; mais, surtout, il convient de rendre justice à des hommes et à des femmes – surtout des femmes –, qui mettent leur intelligence, leur compétence, leur coeur au service des plus malades et des plus faibles d'entre nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

C'est précisément cela, le sens de l'article 30 que je vous présente : préparer l'avenir et rendre justice au présent, et je veux remercier Michel Diefenbacher, Isabelle Vasseur, François Rochebloine, de l'avoir compris.

Mais je veux répondre aux interrogations de la façon la plus complète possible.

Je l'ai dit dans ma première intervention, cette réforme a bien sa place dans la loi de rénovation du dialogue social, non pas le prochain texte attendu sur les retraites, car précisément ce n'est pas une réforme des retraites.

C'est une réforme de la formation, qui ne change ni les retraites de la catégorie B ni les retraites de la catégorie A. C'est une réforme qui fait passer des personnels qui étaient en catégorie B en catégorie A, une réforme qui ne change pas la retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

C'est vrai que parfois, on peut se poser la question !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

C'est une réforme qui permet enfin de reconnaître les paramédicaux en confortant leur formation et en leur attribuant un grade de licence universitaire.

Après tout, j'aurais pu en rester là et me contenter de dire que les étudiants qui sortiront en 2012 auront le niveau licence parce que transformer un diplôme en niveau licence ne correspond pas seulement à une durée de formation, mais également à une maquette de formation universitaire.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mais la réforme que je propose, c'est aussi et d'abord une réforme statutaire, permettant aux agents actuellement en poste qui le souhaitent, et qui ne disposent pas de la licence, d'intégrer la catégorie A de la fonction publique hospitalière dès 2010, sans attendre que leurs jeunes collègues n'entrent en fonction.

Il est exceptionnel que l'on accorde aux agents une revalorisation salariale d'une telle ampleur, pour tous ceux qui le souhaitent, d'un seul coup et sans aucune autre exigence en matière de conditions à remplir. C'est totalement inédit et c'est bien la preuve de l'estime que je porte à ces personnels, et il n'est pas question pour moi que nous les fassions attendre plus longtemps. Or si nous avions discuté de ces modalités à l'occasion des projets de lois sur la retraite, c'est plusieurs mois, voire plusieurs années, qu'ils auraient dû attendre ces revalorisations.

En vous présentant aujourd'hui cet article, je tiens justement à respecter ces engagements gouvernementaux et à revaloriser la rémunération de ces agents dès cette année.

Les jeunes le savent : ils vont travailler plus longtemps.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Leurs aînés repoussent déjà l'âge de leur départ en retraite puisque celui-ci se situe maintenant à cinquante-sept ans. Certains infirmiers reprennent même une activité professionnelle en clinique privée, en libéral ou en intérim, après avoir quitté la fonction publique.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Ce que les plus jeunes veulent, c'est avoir la garantie d'une carrière épanouissante, diversifiée, ainsi, bien sûr, qu'un niveau de pension qui leur permettra de bien vivre leur retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cette réforme répond donc aussi très directement à leurs aspirations. Elle offre des gains indiciaires considérables, qui vont avoir un effet positif direct sur le niveau de leur pension puisque, comme je l'ai annoncé tout à l'heure, nous leur offrons un treizième mois de salaire, et donc aussi un treizième mois de pension.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Ce protocole est l'aboutissement de plusieurs mois de concertation très intense avec chacune des huit organisations syndicales, et même avec les associations professionnelles les plus diverses.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Les grilles, les niveaux indiciaires, les durées d'échelons, tous ces paramètres ont été discutés point par point avec les représentants des personnels.

Cette discussion continue d'ailleurs puisque j'ai mis en place un comité de suivi du protocole LMD, qui s'est déjà réuni le mois dernier. Plusieurs groupes de travail ont été constitués sur chacun des six volets.

Les textes réglementaires portant statuts particuliers et créant les corps d'infirmiers de catégorie A sont eux-mêmes l'objet de concertation, y compris avec les organisations syndicales non signataires de l'ensemble des volets du protocole.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mes services y travaillaient encore aujourd'hui puisque nous discutions cet après-midi avec les cinq organisations syndicales concernées.

Je m'inscris donc en faux par rapport aux critiques relatives à la concertation qui a entouré et entoure encore aujourd'hui cette grande réforme.

Cette réforme a pleinement sa place dans ce projet de loi de rénovation du dialogue social.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Des questions m'ont été posées sur le droit d'option.

Ces personnels, je tiens à le rappeler, sont tout à fait en mesure de choisir pour eux-mêmes le type de carrière que nous leur proposons. Je leur adresse, en toute transparence, l'ensemble des informations permettant d'éclairer leur choix grâce à un site internet, une plaquette et de nombreuses informations relayées par ailleurs par les employeurs hospitaliers et les revues professionnelles.

C'est faire peu de cas des infirmières et des autres personnels paramédicaux que de penser qu'ils ne seront pas en mesure de faire ce choix.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Chacun a des aspirations, des projets de vie, chacun fait déjà aujourd'hui des choix en matière de trajectoires professionnelles : mobilités professionnelles, périodes de disponibilité, d'exercice en libéral, en intérim. C'est justement la richesse du métier d'infirmier.

Pourquoi ne seraient-ils pas aujourd'hui capables de faire ce choix ? Les personnels ont l'habitude, savez-vous, d'élaborer des stratégies de carrière, et c'est heureux. Je réfute donc avec la plus grande force le terme de « chantage » : les infirmières ne sont pas des petites filles, je leur propose un choix, avec différentes contreparties, et j'ai la plus grande confiance dans la capacité de chacune, de chacun, de faire le meilleur choix pour elle, pour lui, pour ses projets, pour ses proches.

Des questions m'ont été posées sur les masters, notamment par Isabelle Vasseur qui connaît particulièrement bien ces sujets, et sur les masters pour les infirmières anesthésistes que l'on appelle les IADE.

Certains d'entre vous s'interrogent sur la reconnaissance universitaire des IADE, et plus globalement des infirmiers spécialisés. Je tiens à vous rassurer : celle-ci est bien programmée.

La reconnaissance au niveau L des infirmiers en soins généraux était un préalable indispensable. C'est désormais chose faite.

Nous poursuivons la même démarche avec les professionnels concernés et les organisations syndicales, avec lesquelles nous travaillons de manière permanente depuis de nombreuses années sur ces sujets, pour réformer les études des infirmiers spécialisés – infirmiers de bloc opératoire, IADE, puériculteurs.

Deux axes sont actuellement à l'étude : d'une part, la « ré-ingénierie » du diplôme, c'est-à-dire une réécriture du référentiel d'activité et des compétences du métier, puis, dans un second temps, du référentiel de formation ; d'autre part, les pratiques avancées, mises en place à partir de cette année. Ce sujet m'est cher. Le but est de déboucher sur des propositions permettant d'identifier les actes ou les activités susceptibles d'être transférés par les médecins sur les infirmiers spécialisés. Cette réflexion doit également mettre en évidence les activités nouvelles correspondant aux besoins de santé de la population.

Autrement dit, la concertation la plus large est actuellement conduite pour pouvoir inscrire la formation des infirmiers spécialisés dans le dispositif LMD, comme je m'y étais engagée.

Toujours concernant les infirmières anesthésistes, je souhaite m'arrêter quelques instants sur la revalorisation prévue dans le protocole du 2 février 2010. Celui-ci revalorise très sensiblement les IADE en début de carrière : dès 2012, celles-ci auront un gain de rémunération annuel net de près de 2 880 euros, qui s'ajouteront aux 1 024 euros obtenus en 2002. En fin de carrière, les IADE auront un gain de plus de 2 000 euros, qui s'ajouteront aux 3 330 euros obtenus précédemment.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Sans attendre les conclusions des groupes de travail sur les études de IADE, j'ai tenu à revaloriser très sensiblement cette profession, qui joue un rôle tout à fait fondamental dans nos établissements hospitaliers. Le protocole maintient les IADE comme les personnels infirmiers les mieux rémunérés dans la fonction publique hospitalière, ce qui est bien normal compte tenu de leur grande expertise.

Enfin, je souhaiterais conclure sur un thème qui a, fort justement, suscité de nombreux commentaires, je veux parler de la pénibilité.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je ne reviendrai pas sur les chiffres que je vous ai présentés cet après-midi, relatifs aux taux d'invalidité et à l'espérance de vie des paramédicaux. Je suis d'accord avec nombre d'entre vous, ces critères ne suffisent pas à résumer et à évaluer la pénibilité d'une profession.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je veux en revanche revenir sur le principe même de la pénibilité que vous évoquez.

Vous abordez les uns et les autres les contraintes psychosociales inhérentes à certains postes de travail. Je connais bien entendu ces contraintes. J'ai d'ailleurs, dès mon arrivée au ministère de la santé, engagé de nouveaux contrats d'amélioration des conditions de travail, et, dans la circulaire de mise en oeuvre, j'insiste sur une meilleure prise en compte des contraintes psychosociales, liées au rythme de travail par exemple, dans les organisations de travail. Je soutiens ces progrès, notamment grâce à des accompagnements financiers.

Un métier, une activité, n'est pas pénible en tant que tel.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

C'est bien l'organisation du travail, certains ont fait référence à des études – gestes répétitifs ou non, qualité de l'ambiance dans l'équipe, considération de chacun – qui rend cette même activité plus ou moins épanouissante, plus ou moins stressante aussi pour chacun des agents hospitaliers.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

C'est pour cela que la réponse à la pénibilité ne peut pas être une réponse univoque, qui consisterait en un simple abaissement de l'âge de la retraite. Une telle démarche ne serait évidemment pas du tout adéquate.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mon ambition consiste donc à considérer ces nouvelles façons de concevoir les organisations du travail comme facteurs de développement des hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce n'est pas non plus en reculant l'âge de la retraite que vous réglerez le problème !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je veux des organisations « durables » pour les agents, des organisations qui préservent et même qui renforcent le capital santé tout au long de la vie et le capital compétences.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Oui, des marges de manoeuvre résident dans l'amélioration des organisations. Le rapport de Mme Ruellan en 2008 était à cet égard très éclairant. Par exemple, pour 5 000 actes d'anesthésie, le taux d'infirmières anesthésistes passe de quatre à trente-quatre, c'est-à-dire que des infirmières anesthésistes peuvent ne pas effectuer un acte tous les deux jours quand d'autres en effectuent plus de cinq.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Comment ne pas voir que c'est dans ces organisations qu'il faut trouver aussi une réponse à la pénibilité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Vous n'allez pas répondre à cette question en reculant l'âge de la retraite à soixante ans !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

L'allongement de la durée de la vie et des carrières nous invite à penser de nouvelles voies de développement : des parcours professionnels individualisés, riches, variés, adaptés aux différentes phases de la vie professionnelle. Je porte une attention particulière à la fin des carrières professionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est sûr qu'avec la retraite à soixante-quinze ans, il va bien falloir s'en préoccuper !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Oui, ce que je vous propose avec la réforme LMD est une véritable chance pour que les paramédicaux, et spécialement les infirmières, puissent construire des parcours correspondant mieux à leurs aspirations aux différents moments de leur vie. C'est en agissant ainsi que nous parviendrons à surmonter les difficultés liées à la pénibilité des métiers.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

La réforme de la formation des infirmières que je vous propose aujourd'hui, accompagnée d'une réforme statutaire et salariale sans précédent veut rendre justice à ces professionnels, et préparer l'hôpital public de demain, afin qu'il serve mieux ses personnels et ses malades. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je voudrais rappeler en quelques mots àM. Michel Issindou les conditions dans lesquelles la commission des affaires sociales a examiné l'article 30.

Comme il le sait déjà, nous avons rendu l'avis de la commission au lendemain du conseil des ministres, pour trois raisons. Premièrement, il fallait examiner cet article avant la suspension de trois semaines, et chacun était alors pressé de partir faire campagne. Deuxièmement, il fallait l'examiner avant la commission des lois saisie sur le fond, comme le veut la tradition. Troisièmement, ce calendrier serré était parfaitement tenable, car il ne s'agissait que d'un seul article, largement connu à l'avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

La majorité a très largement soutenu ce texte, parce que c'est un texte solide, juste, et surtout, responsable. Nous avons examiné en profondeur cet article 30, et je tenais à le rappeler à M. Issindou.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

En tant que rapporteur du projet de loi, j'ai mené de très nombreux entretiens et auditions avec les organisations syndicales dans un climat très sympathique, ainsi qu'avec les représentants de l'administration. Je voudrais à ce propos remercier M. Jean-François Verdier et surtout M. Paul Peny qui s'était fortement impliqué sur ce texte.

J'ai été frappé par l'engagement des parties sur ces accords. Les termes en sont clairs et simples, sans ambiguïtés ni malentendus – le fait est suffisamment rare pour être rappelé. Deux ans après, l'équilibre n'est pas rompu. Je tiens à souligner l'engagement personnel d'Eric Woerth pour que ce projet de loi soit examiné dans les meilleurs délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Les accords de Bercy ont été signés le 2 juin 2008. L'assemblée a été saisie en avril 2009. J'ai été désigné rapporteur en septembre 2009. Passé le temps nécessaire aux auditions, nous avons ensuite cherché à examiner très rapidement ce texte. M. Eric Woerth m'a également fait part de son souci que les termes de l'accord soient fidèlement transcrits dans le projet de loi. C'est ce qui a été fait. C'est la preuve que l'on peut vouloir profondément moderniser un des dispositifs essentiels de la fonction publique, tout en le faisant avec constance, volonté, et détermination. Je regrette simplement que l'opposition soit en retrait sur ce texte par rapport aux syndicats eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Il faudra nous dire quels syndicats l'ont signé !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, relatif à l'organisation de nos travaux. Nous venons d'entendre, comme c'est l'usage, les représentants du Gouvernement ici présents s'exprimer après la discussion générale, et apporter des éléments de réponse, et même des commentaires : Mme la ministre nous a fait part de son émotion en entendant un certain nombre de critiques dont le Gouvernement a fait l'objet. Mais, dans une démocratie, il faut savoir accepter que l'opposition critique le Gouvernement, dans la mesure où elle n'est pas forcément d'accord avec tout ce que font le Gouvernement et le Président de la République – j'allais l'oublier, mais comme vous le citez tous à chacun de vos propos, je m'en voudrais de manquer à la tradition…

Nous venons d'entendre M. Tron et Mme Bachelot, comme nous avons entendu tout à l'heure M. Woerth qui, après nous avoir donné des leçons de participation aux débats, n'est plus au banc du Gouvernement. Je me demande ce que cela donnera cet art consommé à souffler les uns le chaud, les autres le froid tout au long du débat sur les articles – puisque, vous avez pu le constater, nous avons déposé un nombre important d'amendements.

Je sais que ce procédé est aujourd'hui très encadré par le règlement, auquel je sais notre président de séance particulièrement attaché, qui s'était exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet dans le cadre de la commission du règlement. Reste que nous avons bien l'intention de nous exprimer sur ces amendements, même si les 202 signataires ne sont pas tous là. Nous sommes onze ou douze…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Sans compter ceux qui sont derrière les rideaux ! (Rires)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…et nous avons l'intention de les défendre et de voir de quelle manière le Gouvernement et la majorité vont donner suite à nos propositions.

Si nous avons utilisé cette tactique, c'est par volonté de défendre les infirmières et les infirmiers. Quoi que vous disiez, madame la ministre, et que vous le vouliez ou non, leurs retraites sont bel et bien remises en question puisqu'on les obligera à partir à soixante ans et non plus à cinquante-cinq ans comme c'est le cas aujourd'hui. Si vous teniez absolument à les revaloriser, il y avait d'autres moyens que de prolonger la durée de leur service. Nous aurons l'occasion de développer toutes ces idées devant l'assemblée, puisqu'à travers les amendements que nous avons déposés, il y a matière à défendre ces principes qui nous sont chers, notamment en regard de la pénibilité.

Enfin, madame la ministre, vous avez évoqué le dialogue social – c'est d'ailleurs le thème principal de ce débat législatif – pour vous justifier du rattachement de cette lettre rectificative devenue l'article 30 du projet. Mais vous vous êtes bien gardée d'insister sur le fait que vos propositions n'ont recueilli l'avis d'aucune organisation syndicale : autrement dit, vous êtes en dehors de tout dialogue social ! Vous êtes dans le fait du prince, vous imposez une disposition qui ne convient pas aux représentants qualifiés des infirmières et des infirmiers. Si elle avait recueilli une réelle approbation de leur part, votre approche aurait été sans doute totalement différente.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, je souhaite une suspension de séance de cinq minutes pour que nous organisions le débat au regard des amendements déposés.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, n° 4478 à 4680 , présentés par M. Bernard Derosier et 202 de ses collègues, portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est àMme Marisol Touraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je profite de la discussion de ce premier amendement pour revenir sur la question de la prise en compte de la pénibilité du travail des infirmières, puisque la ministre a répondu à nos interventions sans évoquer précisément ce sujet.

Si nous avons déposé une série d'amendements évoquant la nécessité de mener une réflexion approfondie sur la question des retraites, en se gardant de toute précipitation, c'est pour éviter de saucissonner le débat comme nous le faisons aujourd'hui en examinant le seul cas des infirmières alors que nous serons amenés dans quelques mois à traiter de l'ensemble de la fonction publique – à croire les déclarations des membres du Gouvernement. Nous n'avons pas eu de réponse sur ce point.

L'article 30 introduit deux dispositions nouvelles « en échange » d'une revalorisation salariale pour les infirmiers et infirmières de la fonction publique d'État et de leur passage en catégorie A.

La première contrepartie, induite en quelque sorte par l'abandon de la catégorie active, est le report de la retraite à soixante ans. Quel sens a cette disposition alors que, dans quelques mois, nous allons discuter des retraites, et que les questions de l'âge de départ comme de la durée de cotisation seront susceptibles d'être abordées, certains membres du Gouvernement ayant fait savoir qu'il était impossible qu'il en soit autrement ?

La seconde contrepartie, souvent escamotée, qui n'a fait l'objet d'aucun débat et n'a pas été traitée par les ministres dans leur réponse, est la suppression de la majoration de durée d'assurance instaurée par la loi Fillon qui, pour compenser la pénibilité du travail, permettait de valider un certain nombre de trimestres non cotisés.

Pourquoi avoir demandé ces deux contreparties ? Et comment envisager de débattre dans quelques mois des retraites en faisant de la question de la pénibilité un thème central, si l'on supprime dès aujourd'hui toute référence à la pénibilité du travail des infirmières ?

Vous nous dites que nous vous faisons un procès d'intention lorsque nous affirmons que l'article 30 prépare une réforme des retraites injuste et purement quantitative. Mais lorsque nous soulignons des éléments qui vont dans ce sens, telle la suppression de la majoration de durée d'assurance, vous ne répondez rien. Cela conforte notre analyse. C'est l'une des raisons du dépôt de cette première série d'amendements.

J'y insiste, nous avons besoin de réponses à ces questions précises. Pourquoi supprimer la majoration de durée d'assurance ? Pourquoi ne plus prendre en considération la pénibilité du travail ? Ou, si vous prétendez qu'il n'en est rien, comment la prenez-vous en compte ? Le passage en catégorie A n'est pas une réponse, puisqu'il s'accompagne justement du passage de la catégorie active à la catégorie sédentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Le dialogue social, c'est la discussion, c'est-à-dire l'écoute, l'échange. Les uns avancent une proposition, les autres la comprennent et renoncent à tel ou tel point qu'ils croyaient incontournable. C'est, au fond, la rencontre de deux subjectivités, d'où naît une réalité objective.

Mais, en l'occurrence, il n'y a pas eu le moindre échange. Vous imposez un marché aux infirmières, et vous achetez du temps de travail à des personnes qui, effectivement, ont besoin de gagner plus. Mme la ministre, qui vient de nous quitter au moment où la discussion devenait intéressante, nous a dit que les infirmières ne sont pas des petites filles, qu'elles sont capables de choisir. À mes yeux, c'est de la démagogie pure et simple. Les infirmières sont au bord de l'épuisement. Mais, comme tous les salariés, elles ont des besoins financiers, des enfants à élever. Malgré la fatigue, la lassitude, les vicissitudes d'une journée de travail,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

…elles seront amenées à choisir un peu de revenu supplémentaire, comme vous les invitez à le faire. C'est un marché de dupes. Nous n'en serons pas complices. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Le Gouvernement est fort satisfait de son texte, qu'il qualifie d'« historique ». Il y a pourtant à dire ! Les vingt-neuf premiers articles ne faisaient pas une si mauvaise copie, mais il y a cet article 30, qui fut, de plus, examiné bien vite, malgré les explications données par M. Méhaignerie. Certes, il est court, mais c'est à lui seul une réforme anticipée des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Pourquoi faire un sort particulier à la catégorie des infirmières alors que, pour toutes les autres catégories, toutes les questions, dont celle de la pénibilité, vont être mises à plat dans quelques mois ? Vous avez précipité les choses pour vous débarrasser de 300 000 à 400 000 personnes qui, d'un coup, vont passer à la retraite à soixante ans au lieu de cinquante-cinq ans. C'est peu respectueux à leur égard, et elles vous l'ont dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Si elles étaient à ce point ravies du passage en catégorie A, elles auraient signé des deux mains. Vous dites que le texte est une formidable avancée. Si tel est le bien le cas, pourquoi n'ont-elles pas signé ?

Voilà qui augure mal du débat à venir. Pour dialoguer, il faut être deux. Si c'est toujours le même qui décide de changer la règle du jeu lorsqu'elle ne lui convient plus, cela tourne au monologue. Cet article 30 est très mauvais. Nous vous demandons une nouvelle fois de le retirer, afin que nous revoyions ces questions tranquillement en septembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Nous aimerions que le Gouvernement réponde à nos questions. Mme Bachelot, qui a en charge la question des infirmières, n'est plus là, et je ne nie pas que M. Tron soit capable de répondre, mais le débat est désormais un peu biaisé. Nous souhaitions poursuivre le dialogue après la suspension de séance, mais s'il s'interrompt du fait de la carence de Mme Bachelot, cela pose problème. J'aimerais que le Gouvernement donne son avis, en fonction de quoi nous apprécierons si nous poursuivons le débat sur chacun de nos amendements ou si nous adoptons une autre approche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Il ne s'agit pas d'une disposition législative, et la réforme des retraites fait actuellement l'objet d'une préparation approfondie. La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Les débats de cet après-midi et de ce soir nous ont permis de comprendre que l'article 30 vous posait problème. Penser que nous ne l'avons pas compris serait à la fois désobligeant à notre égard et inquiétant. Mme Bachelot a apporté des réponses précises à vos questions. Vous avez dit à plusieurs reprises pourquoi vous n'étiez pas d'accord et vous venez de le redire encore.

Ce projet sur le dialogue social est, pour nous, fondamental. Depuis trois ans, le Gouvernement s'est attaché, plus qu'aucun autre avant lui, à ce qu'il y ait dans la fonction publique un dialogue social fondé sur la négociation, et se déroulant dans le respect des partenaires sociaux.

Au cours des trois dernières années, trois accords ont été signés : sur le pouvoir d'achat en 2007, sur le dialogue social en 2008, sur la santé et la sécurité au travail en 2009. Ils l'ont été avec des organisations représentant plus de 75 % des personnels. Avec les accords Jacob et l'accord sur la formation professionnelle tout au long de la vie, cela fait cinq accords signés depuis 2006, alors qu'aucun ne l'avait été entre 1996 et 2006.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Nous sommes donc ouverts à la négociation et nous avons la volonté d'aboutir.

Après le long débat que nous avons eu, je vous répète que les grandes réformes qui concernent des millions d'agents de la fonction publique feront évidemment l'objet d'un dialogue social approfondi. L'année 2010 sera l'année de la réforme des retraites, chantier qui donnera lieu à une série de discussions.

S'agissant des infirmières, je ne peux que vous répéter, après Mme Bachelot, que nous ne considérons pas que le texte ait trait aux retraites. Il s'agit de leur offrir un droit d'option, de leur permettre de passer en catégorie A : c'est une demande que la profession formule depuis longtemps. Dans mes fonctions municipales, j'en ai rencontré beaucoup ces derniers temps, et je ne crois pas que vous puissiez vous prétendre leurs porte-parole en présentant les choses comme vous l'avez fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes pour le dialogue social et nous voulons avancer sur le reste du projet, car les syndicats souhaitent aboutir. Je ne peux qu'émettre à mon tour un avis défavorable sur les amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

D'abord, je veux vous rassurer, monsieur le secrétaire d'État : nous ne sommes pas les porte-parole de qui que ce soit, nous portons notre propre jugement sur l'évolution de certaines situations.

S'il y avait eu une majorité d'infirmières favorables à votre réforme, elles auraient commencé par signer votre texte ; elles auraient surtout exprimé leur accord. Or, à ce jour, nous constatons que l'ensemble des organisations syndicales, sauf une, ont refusé de signer le texte…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…et que, la semaine dernière, les infirmières qui manifestaient devant le Palais-Bourbon ne semblaient pas faire preuve d'un enthousiasme excessif pour votre projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Monsieur le secrétaire d'État, vous affirmez que cette réforme respecte le dialogue social. Permettez-nous de considérer que les signes d'un tel respect ne sont guère nombreux. Il nous semble difficile de s'en réclamer lorsqu'un texte rejeté par la totalité des organisations syndicales est présenté au Parlement sans aucune modification. Vous auriez au moins pu nous soumettre un texte modifié afin de donner l'impression que vous aviez tenu compte de certaines des observations et des contestations que vous avez entendues.

Par ailleurs, je constate que, pour le moment, Mme Bachelot est absente. Il est regrettable qu'elle ne soit pas au banc du Gouvernement. Bien que le Gouvernement soit un, nous ne pouvons pas reprocher au secrétaire d'État de ne pas être en mesure d'apporter des réponses précises à des questions portant sur un domaine qui ne relève pas directement de sa responsabilité. Reste que des questions claires ont été posées à Mme Bachelot, auxquelles elle a refusé de répondre. Elle a un talent infini pour n'apporter aucune réponse précise, tout en faisant preuve d'une très grande courtoisie.

À quelques semaines, quelques mois tout au plus, de la réforme des retraites, qu'est-ce qui impose de supprimer toute référence à la pénibilité du travail des infirmières ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Voilà la question précise posée à Mme Bachelot. Tant qu'elle n'aura pas de réponse, nous considérerons que nous n'avons pas les éléments qui nous permettraient de poursuivre la discussion. On ne peut pas prétendre qu'il s'agit d'un élément marginal de notre débat.

(Les amendements identiques nos 4478 à 4680 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, nos 4884 à 5086 .

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je voulais interpeller Mme Bachelot et je regrette qu'elle soit absente.

Pour que nous puissions travailler correctement en tant que parlementaires, il faudrait tout de même que l'on nous respecte. Tout à l'heure, Mme Bachelot s'exprimait à la tribune pour évoquer la « ré-ingénierie » de la formation initiale des infirmières. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous informer votre collègue que, depuis deux mois, Jacques Domergue et moi, dans le cadre d'une mission d'information sur les auxiliaires médicaux, menons des auditions et traitons notamment de la question des infirmières ? Si l'on tenait compte des travaux effectués au sein de notre assemblée, cela permettrait peut-être d'obtenir des résultats cohérents et positifs.

Sur la pénibilité du travail, nous n'avons toujours pas eu de réponse. Peut-être certains chiffres dont vous ne pouvez nier la véracité vous inspireront-il pour nous répondre ? Un tiers des aides-soignantes partent à la retraite pour invalidité, à l'âge moyen de quarante-huit ans ; un cinquième des infirmières de la fonction publique partent à la retraite pour invalidité avant cinquante-cinq ans ; en 2009, le nombre de départs à la retraite de ce type a augmenté de 10 %. Notre collègue Jean Mallot a parfaitement dit la pénibilité du travail des infirmières.

Quand je constate la façon cavalière dont l'article 30 a été introduit dans le projet de loi, je me fais du souci en entendant Mme Bachelot promettre le niveau master aux infirmiers anesthésistes diplômés d'État, qui prennent aujourd'hui leur retraite à cinquante-cinq ans. Sachez que nous serons très vigilants – plus que nous l'avons été pour ce projet de loi – afin d'éviter que l'attribution du niveau master aux IADE permette de les faire travailler jusqu'à soixante ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Nous traitons de la question essentielle de la pénibilité…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…qui est au coeur de ce projet de loi et de son article 30.

Je rappelle à nos collègues de l'UMP que l'article 78 de la loi Fillon de 2003 sur les retraites, qu'ils ont sans doute votée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

…reconnaît la spécificité et la pénibilité du métier d'infirmière. Une majoration de 10 % de la durée d'assurance par tranche de dix années d'exercice s'applique ainsi depuis le 1er janvier 2008. C'est cette loi que vous démantelez aujourd'hui, c'est sur ce texte que vous êtes en train de revenir, c'est donc votre propre vote que vous reniez !

Cette loi comportait également un article 12, issu d'un amendement de M. Xavier Bertrand, alors rapporteur pour avis, qui prévoyait d'organiser, entre les organisations interprofessionnelles représentatives, une discussion sur la pénibilité. La loi fixait comme objectif de parvenir dans les trois ans à un accord sur la définition de la pénibilité et sur sa prise en compte.

Les partenaires sociaux ont finalement trouvé un accord sur la définition de la pénibilité : celle-ci résulte de « sollicitations physiques ou psychiques de certaines formes d'activités professionnelles qui laissent des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé des salariés, susceptibles d'influer sur leur espérance de vie ». À l'issue de trois ans de négociation et de vingt séances de travail entre 2005 et 2008, les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur les critères de la pénibilité : contraintes physiques, environnement de travail agressif, rythme de travail. Mais, le 16 juillet 2008, ils ont échoué, notamment du fait du MEDEF, à trouver un accord sur le financement et sur les conditions d'accès à des dispositifs de prise en compte de la pénibilité.

Il appartenait donc au Gouvernement de prendre la main. Constatant l'échec des négociations, M. Xavier Bertrand, devenu ministre, aurait pu légiférer sur la pénibilité au travail. Mais, entre le 16 juillet 2008 et aujourd'hui, rien n'a été fait.

Alors que le Gouvernement annonce désormais – c'est de bonne guerre, nous ne sommes pas naïfs – que la pénibilité fera l'objet de négociations lors des discussions sur la réforme des retraites au second semestre, nous sommes très surpris de constater que cette question, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi soumis à l'Assemblée nationale au mois d'avril, surgit avant même que la concertation avec les partenaires sociaux ne soit engagée. N'est-ce pas trop tôt, alors qu'une négociation doit avoir lieu au niveau interprofessionnel ?

Mme Bachelot affirmait tout à l'heure que la pénibilité n'était pas seulement une question d'espérance de vie, de compensation ou de réparation. Certes, mais ces questions sont tout de même importantes, notamment pour les infirmières et les infirmiers. Ce soir, j'interroge la ministre – et je suis malheureusement contraint de le faire à distance. Quelles discussions avez-vous engagées, madame la ministre, au sein du ministère de la santé, et notamment des hôpitaux publics, concernant les mécanismes de prévention de la pénibilité au travail ? Que faites-vous dans vos comités techniques paritaires et dans vos comités d'hygiène et de sécurité ? Que faites-vous en ce qui concerne le document unique, la médecine du travail, le temps collectif consacré à la prévention de la pénibilité du travail ?

Las, la ministre n'a pas répondu à ces questions, et nous nous demandons si la pénibilité constitue bien un enjeu majeur pour le ministère de la santé, ou s'il ne s'agirait pas plutôt aujourd'hui d'un moyen de revenir sur un acquis social – ce que, bien sûr, nous regrettons.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Patrick Roy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

La majorité est au pouvoir depuis 2002 ; si je calcule bien, cela ne fait pas moins de huit ans ! (« Bravo ! » et rires sur les bancs du groupe UMP.) Le problème, c'est que, lorsque nous vous rappelons, lors des questions au Gouvernement, que vous avez déjà eu tout le temps d'agir, vous avez tendance à oublier ce calcul !

Aujourd'hui, en matière de dialogue social, nous avons affaire à un Gouvernement sous lequel on atteint le fond du gouffre. La question des infirmières en est un bon exemple : au nom d'un dialogue que vous prétendez fructueux, vous prétendez faire passer en force, dans la discrétion d'une séance de nuit, une réforme qu'aucun syndicat n'a signée, à l'exception d'un seul, très minoritaire, une réforme qui est donc refusée par l'immense majorité des représentants des syndicats d'infirmiers et d'infirmières.

L'article 30 constitue un nouveau coup fourré de ce Gouvernement ; un mauvais coup pour faire passer une réforme dont personne ne veut.

Tout cela nous inquiète beaucoup. Ce soir, j'ai dîné avec M. Mallot ; il avait du mal à manger tant il était angoissé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Lorsque l'on voit, me disait-il, ce que le Gouvernement fait ce soir, qu'en sera-t-il demain de la réforme des retraites ? À quelques-uns, nous avons tenté de lui remonter le moral afin qu'il retrouve des forces, ses forces qui nous sont si utiles sur les bancs de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

À titre personnel, j'espère que vous ne nous préparez pas de coup fourré sur les petites retraites, sujet qui me tient particulièrement à coeur.

Vous semblez nier le problème et ignorer que, dans notre pays, des millions de personnes ne disposent que de quelques euros pour se nourrir. Mais, de ce côté de l'hémicycle, nous sommes bien décidés à apporter des réponses et, en tout cas, à défendre ces personnes.

Vous niez aussi l'évidence sur l'article 30, qui focalise notre courroux, et qui traite bien de l'âge du départ à la retraite des infirmiers et des infirmières. Vous voulez le faire passer de cinquante-cinq à soixante ans, avant même qu'ait eu lieu le grand débat que vous prétendez appeler de vos voeux et qui n'est, en fait, qu'un autre coup fourré.

Non seulement vous repoussez l'âge de départ à la retraite, mais vous passez sous silence la question de la pénibilité. Michel Issindou et Bernard Derosier en ont dit quelques mots, Catherine Lemorton a ajouté à leurs arguments sa connaissance du secteur médical. Quant à Jean Mallot, il a démontré avec talent toute l'importance de la question. Vous supprimez en effet toute référence à la pénibilité, alors que chacun sait combien les infirmières – et les infirmiers, ne les oublions pas – font un travail utile. Lorsque l'on souffre, on est heureux d'avoir à ses côtés des professionnels de talent. Ainsi, chaque jour, on leur demande d'être à 100 %, au sommet de leurs performances, d'où l'aspect extrêmement pénible de leur métier.

Au début de la discussion, nous avions un espoir : trois ministres étaient présents en séance. Nous avions devant nous l'arbre du Gouvernement. Hélas ! il a perdu ses feuilles, ses branches, et il ne reste que le Tron. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, je souhaiterais, moi aussi, que nous réfléchissions un peu plus avant à la question de la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Ça ne sert à rien : la ministre n'est pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

En effet, je ne voudrais pas que nous abordions, en septembre, le débat sur les retraites comme nous avons abordé la réforme hospitalière. Vous vous en souvenez, la question des CHU était examinée par une commission ad hoc et seule une petite partie du texte, qui traitait surtout de l'hôpital, était consacrée à la santé publique, de sorte que nous avons eu l'impression d'avoir un débat en « kit ». Nous n'avons pas pu aborder la totalité du problème, ce qui est pourtant essentiel si nous voulons que chacun prenne ses responsabilités, comme ce devra être le cas pour les retraites.

La question de la pénibilité, qui sera au coeur des discussions organisées dans toutes les branches, est ici niée, alors que le métier d'infirmière est emblématique à cet égard. Au début de la discussion, Mme Bachelot a affirmé que la pénibilité de ce métier diminuait, au motif que l'espérance de vie des infirmières était en train de rejoindre celle des autres femmes. Mais il faut bien être conscient que la pénibilité d'un métier ne se traduit pas de manière directe, fidèle, dans l'espérance de vie de ceux qui l'exerce ; il faut prendre en compte l'ensemble des conditions de vie. Si l'on ne retient que les métiers dont la pénibilité a un impact sur l'espérance de vie, nous régresserons.

La pénibilité est d'abord à considérer sous l'angle de la prévention, car sa reconnaissance doit viser avant tout à la réduire. Or, en ce qui concerne le métier d'infirmière, je le répète, la pénibilité va croissant au cours des années. La tension est en effet de plus en plus importante, en raison à la fois du nombre de malades pris en charge et de la gravité des actes. Le poids des responsabilités et l'inquiétude ne sont pas les mêmes selon qu'on donne de l'eau à boire à un malade ou qu'on lui administre une chimiothérapie ou une immunothérapie. De même, les dispositifs médicaux sont de plus en plus efficaces et performants, mais aussi de plus en plus difficiles à manier.

Pour toutes ces raisons, la pénibilité du métier d'infirmière augmente. Nous devons donc en tenir compte du point de vue du temps de travail hebdomadaire et de la durée des carrières. Mais – et j'espère que ce point vous convaincra de notre sens des responsabilités –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

…il est nécessaire de s'intéresser également à l'évolution des carrières. Prévoir des passages par des postes doux, par exemple, peut avoir un impact favorable sur la date de départ à la retraite. En tout état de cause, si, avant même d'entrer dans la discussion sur la réforme, nous nous lions les mains en acceptant un âge de départ à la retraite, nous tronçonnons la réforme des retraites, qui doit être prise dans son ensemble, et nous perdons en efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

C'est du bla-bla ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

M. Bur est un perturbateur ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Voyez-vous, j'ai reçu beaucoup d'infirmières, très responsables. Elles ne m'ont pas parlé de ce texte ainsi que des jeunes filles innocentes, comme le dit Mme Bachelot.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Allez-y, continuez. Faites du clientélisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vous ne soutiendrez aucune réforme des retraites !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur Bur, ne nous faites pas de procès d'intention ! Il est tout de même extrêmement désagréable qu'on nous reproche, avant même que le débat ait commencé, de n'être disposés à soutenir aucune réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Nous ne soutiendrons peut-être pas les propositions que vous ferez d'emblée, mais vous serez peut-être capables d'avancer dans notre direction, pour une fois.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Jamais vous ne soutiendrez la réforme ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Monsieur le président, tout cela est de très mauvais augure. Il semble que l'on soit forcé de soutenir la réforme de la majorité, mais qu'il ne soit pas question d'obtenir de sa part des avancées telles que celles que nous serons amenés à proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je salue la ténacité de Mme Delaunay et je regrette les interventions intempestives de M. Bur, qui nous avait habitués à un comportement plus courtois. Ne vous en déplaise, monsieur Bur, je vais défendre l'amendement n° 5019 , qui rappelle opportunément que le Gouvernement envisage une réforme des retraites.

J'ai été très étonné d'entendre, tout à l'heure, Mme la ministre de la santé affirmer que le texte, en particulier son fameux article 30, ne portait pas sur les retraites. Je me demande si elle l'a lu ! En effet, le III de l'article 30 dispose : « Les fonctionnaires intégrés dans un des corps ou cadres d'emplois mentionnés au I à la suite de l'exercice de leur droit d'option perdent définitivement la possibilité de se prévaloir des périodes de services, quelle que soit leur durée, qu'ils ont accomplies dans un ou des emplois classés en catégorie active » – le mot est important – «, pour le bénéfice des dispositions prévues par :

« 1° Le 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatif à l'âge de liquidation anticipée de la pension ;

« 2° L'article 78 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, relatif à la majoration de durée d'assurance ;

« 3° L'article 1-2 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public. »

Si ce n'est pas un texte relatif aux retraites, il va falloir m'expliquer ce que c'est !

J'insisterai sur les deux avantages importants que les personnes concernées perdraient « définitivement » si l'article 30 devait être adopté.

Le premier, c'est la possibilité de partir à la retraite dès l'âge de 55 ans. On peut donc penser qu'elles partiraient à 60 ans. Or, c'est bien pire, puisque j'ai entendu dire, de source sûre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…que le Gouvernement envisageait d'aller beaucoup plus loin, en repoussant l'âge de départ à la retraite à 61 ou 62 ans. Ces personnes, qui ne pourront plus partir à 55 ans, partiront donc, non pas à 60 ans, mais à 61 ou 62 ans, selon les intentions du Gouvernement et de sa majorité – puisqu'elle semble très disciplinée.

Le second avantage, c'est la majoration de durée d'assurance d'un an par période de dix années de service effectif, prévue à l'article 78 de la loi Fillon du 21 août 2003 – Régis Juanico y a fait allusion tout à l'heure –, majoration créée pour tenir compte de la pénibilité des tâches effectuées par les personnels hospitaliers en catégorie active. Si elle était supprimée, les infirmières ne pourraient partir qu'à compter de 60 ans, mais, avec l'allongement de la durée des cotisations, elles seraient obligées, pour avoir une retraite à taux plein, de partir à 62 ans – sauf si elles ont eu deux enfants, ce qui leur permettrait de rattraper les deux années perdues. Faites le compte : baccalauréat à 18 ans, plus trois années d'études – 21 ans – et 41 annuités : 62 ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Avec le couperet du III de l'article 30, vous allez beaucoup plus loin que vous ne voulez bien le dire : non seulement vous tapez dans les retraites, mais vous allez amener les infirmières à prendre leur retraite à 62 ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements identiques ?

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

L'avis du Gouvernement est bien entendu défavorable. Je veux redire ici avec force que Mme Bachelot a répondu tout à l'heure à l'ensemble des questions que vous avez posées. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC. – « Si ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

On peut poser le problème en termes de retraite, de rémunération – et je me permets de rappeler que, de ce point de vue, l'avancée contenue dans cette disposition n'est pas négligeable –…

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

…ou en termes statutaires. Mais, ainsi que le Président de la République l'a indiqué, un projet de loi sur les retraites sera présenté au Parlement à la rentrée et, d'ici là, une très grande négociation permettra d'aborder toutes les questions liées aux retraites. Cette question-là n'est pas liée à la retraite, ainsi que Mme Bachelot vous l'a indiqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le secrétaire d'État, je suis, comme mes collègues, très surpris par la réponse que vous venez de nous faire, car Mme Bachelot n'a pas du tout répondu aux questions qui lui ont été posées cet après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Quand bien même aurait-elle répondu, le débat parlementaire doit permettre de poursuivre le dialogue. Or, manifestement, le Gouvernement est aussi affligeant dans ce domaine qu'en matière de dialogue social.

Des questions de fond très précises ont été posées. Qui plus est, Jean Mallot vient de démontrer de manière limpide qu'il s'agit de repousser l'âge de départ à la retraite des infirmières, non pas de cinq ans, mais plutôt de sept ans. Ce n'est pas mince ! Certes, Mme Bachelot a un côté jovial qui est plutôt agréable, mais c'est bien le fond qui compte. Or, sur le fond, nous n'avons eu aucune réponse. Peut-être avons-nous mal compris. Dans ce cas, monsieur le secrétaire d'État, rien ne vous empêche de reformuler la réponse. En pédagogie, on dit que la répétition fixe la notion. Il en va de même en politique. Nous attendons donc des réponses précises du Gouvernement, en espérant qu'il nous les apportera au cours de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Encore du bla-bla !

(Les amendements identiques nos 4884 à 5086 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, nos 3869 à 4071 .

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l'amendement n° 3993 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Le titre de ce projet de loi est empreint d'une grande ironie. Plutôt que : « Rénovation du dialogue social », il devrait s'intituler : « Régression du dialogue social » ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a eu un précédent avec, en juillet 2008, un texte sur la représentativité syndicale. Vous aviez fait asseoir les partenaires sociaux, tout le monde était à peu près d'accord, et nous aurions sans doute été disposés à le voter… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…si vous n'en aviez pas profité pour rajouter un titre II visant à mettre un terme aux 35 heures. En vous asseyant de la sorte sur le dialogue social, vous nous avez obligés à voter contre le texte.

Aujourd'hui, vous rejouez le même mauvais tour aux infirmiers et infirmières, tout en venant déclarer à la tribune que ces personnes placées au coeur du système de soins exercent un métier noble.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Nous proposons de mieux les rémunérer, vous l'oubliez !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Je vais vous rappeler les chiffres des élections syndicales de la fonction publique hospitalière. L'article 30 se décomposait en six volets. Le volet 1 a été accepté par moins de 1 % des personnels, seul le Syndicat national des cadres hospitaliers ayant donné un avis favorable ; il en a été de même des volets 2 et 3 ; quant aux volets 4, 5 et 6, ils ont été acceptés par 32,29 % (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) puisque seuls ont signé les syndicats FO, UNSA, CFTC, SNCH et CGC – mais ils ne concernent pas du tout le sujet qui nous occupe actuellement. Je tiens à souligner que la CGT, la CFDT et SUD, qui n'ont signé aucun des six volets,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…avaient obtenu 64,71 % des voix aux dernières élections professionnelles. Il me semble que le respect de la représentativité syndicale et du dialogue social exige que l'on se demande si ces syndicats ont signé ou non ! En ne le faisant pas, vous opérez bel et bien un passage en force : vous avancez sur les retraites en imposant un troc inadmissible ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Notre amendement vise à insérer, avant l'article 1er, l'article suivant : « Lorsque le Gouvernement envisage une réforme des retraites dans la fonction publique, il s'efforce d'éviter toute précipitation. » Si, en l'occurrence, cette précipitation ne fait malheureusement aucun doute, je me suis demandé pourquoi le Gouvernement voulait aller si vite.

Une indication assez claire nous est donnée à la page 46 du rapport de M. Morel-A-L'Huissier, sous le titre : « Les conséquences sur l'équilibre du régime de retraite ». Le Gouvernement, pris à la gorge par la situation des finances publiques, et cherchant de l'argent par tous les moyens, a trouvé cette solution : « La réforme prévue par le présent projet de loi contribuera à améliorer l'équilibre des régimes de retraite par le jeu de deux mécanismes : d'une part, la charge financière du versement des pensions va diminuer du fait du recul de l'âge du départ en retraite ; d'autre part, les recettes vont augmenter puisque les agents cotiseront sur une période plus longue. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le rapporteur ajoute : « S'agissant des fonctions publiques de l'État et territoriale, l'impact financier de la réforme devrait rester marginal, en raison de la faiblesse des effectifs concernés. En revanche, l'application de la réforme aux infirmiers diplômés d'État de la fonction publique hospitalière devrait permettre de réaliser des économies substantielles. »

Le tableau figurant à la suite est tout aussi instructif : on y apprend qu'à l'horizon 2020, les économies susceptibles de résulter de la réforme, par addition des gains en cotisations et en pensions, s'élèveraient à 120 millions d'euros pour un taux d'option de 25 %, et à 361 millions d'euros pour un taux d'option de 75 % – on peut supposer que la réforme sera présentée de manière à être suffisamment attractive pour les personnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Effectivement, cela représente la moitié du bouclier fiscal ! Le choix politique auquel vous avez procédé est très clair : vous accordez le bouclier fiscal aux très riches – comme l'a démontré Pierre-Alain Muet cet après-midi – et le financez en prenant sur la retraite des infirmières. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Défavorable. L'opposition me reproche de faire des réponses un peu laconiques, mais cela fait une heure que nous sommes sur les articles additionnels avant l'article 1er, une heure que nous entendons parler de l'article 30, de la pénibilité, du statut des infirmières et des difficultés qu'auraient M. Mallot et M. Roy à digérer. À titre personnel, sachez que je trouve cela très affligeant. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 3869 à 4071 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, nos 4681 à 4883 .

La parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'amendement n° 4816 est ainsi rédigé : « Lorsque le Gouvernement envisage une réforme des retraites dans la fonction publique, il est tenu d'éviter tout passage en force qui serait contraire aux règles les plus élémentaires du dialogue social. »

Nous aurons l'occasion de revenir sur la notion de dialogue social, mais je voudrais évoquer les travaux entrepris par notre commission des affaires sociales sous la présidence de Pierre Méhaignerie afin de préparer le fameux débat sur les retraites annoncé pour ce printemps, avant le projet de loi qui doit arriver à l'automne. Nous auditionnons toutes les personnes susceptibles d'avoir un point de vue sur le sujet, qu'il s'agisse des organisations syndicales de salariés, du patronat ou du Conseil d'orientation des retraites.

Certains avis sont connus, d'autres sont en cours d'élaboration, des simulations sont effectuées par le COR : nous utiliserons ces éléments pour nous prononcer sur les propositions qui sont avancées. Parmi les sujets en discussion figure la prise en considération de la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Ce qui est inquiétant, c'est qu'alors même que nous travaillons à construire des argumentations sur ces sujets, notamment sur la pénibilité, le Gouvernement nous dit, avec l'article 30, qu'il a déjà tranché la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

À quoi servent nos travaux en commission, à quoi servent les travaux du COR, à quoi servira le débat à venir (« À rien ! » sur les bancs du groupe SRC) si le Gouvernement à déjà tranché dans le sens de la négation de la pénibilité, y compris pour les professions où elle est la plus évidente ?

La loi Fillon de 2003 avait prévu, en son article 12, qu'une négociation sociale permettrait la prise en considération de ce critère pour distinguer entre les situations – c'est d'ailleurs le seul critère que l'on puisse raisonnablement proposer à nos concitoyens sans crainte de voir celui-ci contesté. Avant qu'il ne soit mis fin aux négociations, les partenaires sociaux avaient d'ailleurs abouti à un consensus sur la définition des critères de pénibilité, critères que j'ai énoncés tout à l'heure à la tribune : contraintes physiques, environnement de travail agressif, rythmes de travail.

Le débat entre les partenaires sociaux a achoppé au moment où ils ont voulu tirer des conclusions. À l'instar des représentants des salariés, nous considérons que la prise en compte de la pénibilité doit permettre aux personnes pouvant l'invoquer de bénéficier d'un départ en retraite anticipé. C'est logique : ils partent plus tôt en retraite parce que leur espérance de vie est plus courte ! De son côté, le patronat estime que la solution est à rechercher du côté du temps partiel en fin de carrière – comme si l'on mourait à temps partiel !

Par ailleurs, plutôt que de définir un dispositif standard applicable à chaque catégorie d'emploi pénible, le patronat préférerait qu'une commission se prononce au cas par cas, en fonction du parcours professionnel de chaque individu, et attribue une note de pénibilité entrant en considération dans les modalités de départ à la retraite, notamment du montant de la retraite versée. Nous considérons que ce n'est pas réaliste : se pencher sur chaque cas individuel ouvrirait un débat sans fin et serait, en tout état de cause, impossible sans définir au préalable des grilles de référence – dans ce cas, autant définir dès le départ des dispositifs transversaux par catégories d'emplois.

La discussion est très avancée sur les critères de pénibilité. Voyant que l'on peut réussir à construire un nouveau système de retraite prenant en compte ces critères, le Gouvernement anticipe sur les travaux et casse, non seulement la négociation entre les partenaires sociaux, mais aussi la réflexion même qui était engagée, en refusant catégoriquement de prendre en compte la pénibilité. C'est contradictoire avec la loi de 2003 votée ici même, mais aussi avec le simple bon sens.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Une fois de plus, le rapporteur et le secrétaire d'État ne nous font qu'une réponse laconique, peut-être en raison de l'abattement qui les atteint en entendant les arguments qui viennent d'être invoqués. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comme l'a indiqué M. Mallot, ce coup bas porté à la retraite des infirmières permet de financer en partie le bouclier fiscal : il s'agit de financer les énormes avantages offerts aux très privilégiés en prenant à ceux qui contribuent à la cohésion sociale de notre pays – malheureusement, monsieur le secrétaire d'État n'a pas répondu.

Par ailleurs, avec le talent qui est le sien, M. Mallot a souligné qu'en dépit de l'annonce que vous avez faite d'un débat collectif, long et fructueux, sur la pénibilité, vous aviez d'ores et déjà tranché avant même que ce débat ne commence. Ce texte, c'est l'enfer pour les infirmières ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 4681 à 4883 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en arrivons donc à l'article 1er, sur lequel je suis saisi d'un amendement n° 5294 .

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Nous abordons l'article 1er de ce projet de loi, qui se voulait initialement la traduction d'accords passés avec les organisations syndicales. Jusqu'à présent, nos amendements tendaient à montrer – et je pense qu'ils l'ont fait – qu'il y avait eu maldonne dans le dialogue social s'agissant des infirmières et des infirmiers.

L'amendement n° 5294 prévoit que les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires, ainsi que les organisations syndicales ayant recueilli aux dernières élections des membres titulaires de ces organismes consultatifs au moins 10 % des suffrages exprimés, pourront participer aux négociations mentionnées au I et au II du texte proposé pour l'article 8 bis de la loi de 1983.

L'objectif, partagé par les organisations syndicales représentées au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, est d'élargir le dialogue social aux organisations ayant un début de représentativité. Celles-ci participeraient ainsi au dialogue social préconisé par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Défavorable. Il est inutile d'aligner les conditions de participation aux négociations sur le droit du travail, puisque le régime prévu pour la fonction publique est plus favorable.

Dans le secteur privé, il faut avoir obtenu plus de 10 % des voix pour obtenir un siège dans les organismes consultatifs. Dans la fonction publique, les sièges seront répartis de manière strictement proportionnelle, sans seuil. Cela permettra à des organisations ayant obtenu moins de 10 % des voix d'être représentées. Je précise d'ailleurs que la grande majorité des organisations syndicales est très attachée à l'absence de seuil, afin de permettre une représentation aussi pluraliste que possible. Les accords de Bercy ne prévoyaient du reste aucune condition de seuil.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

L'alinéa 12 a vocation à préciser qui, du côté des organisations syndicales, est habilité à négocier avec le Gouvernement et les représentants des employeurs publics. Conformément aux accords de Bercy, il s'agit donc de consacrer dans le statut général le principe selon lequel l'administration ne peut négocier qu'avec des organisations syndicales représentatives.

Pour apprécier cette représentativité, un critère, retenu dans ces accords, a été repris fidèlement par le projet de loi : la présence de l'organisation au sein de l'instance de concertation qui correspond à l'objet et au niveau de la négociation.

Il est vrai que ce dispositif diffère de celui qui est retenu pour le secteur privé. Il est cependant cohérent avec l'organisation du dialogue social dans la fonction publique. Dans celle-ci, en effet, il n'y a pas de collèges électoraux distincts selon la catégorie hiérarchique des personnels. Il y a en revanche des instances en charge des questions individuelles des personnels organisées par corps – les CAP – ou par catégorie d'emplois – les CCP. Puis, il y a les instances en charge des questions collectives organisées par services – les CTP, les CTE et les CHS.

L'esprit même des accords de Bercy est de promouvoir le vote de l'ensemble des agents d'un service au comité technique dont ils relèvent, quels que soient leur statut, leur administration d'origine ou leur catégorie. Je ne peux donc accepter un amendement qui modifierait cet équilibre.

Cela dit, je reconnais volontiers avec vous, monsieur Derosier, qu'il s'agit d'une question importante. Je vous invite donc à développer cette analyse avec les syndicats. Nous examinerons tout document qui nous sera remis en la matière. En l'état actuel des choses, donc, ma réponse est défavorable, mais avec une ouverture.

(L'amendement n° 5294 n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

À l'article 4, je suis saisi d'un amendement n° 5295 .

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Nous en arrivons au conseil qui devait initialement, selon la volonté du Gouvernement, se substituer aux trois conseils supérieurs existant pour les trois fonctions publiques. Mais la commission des lois l'a renommé « Conseil commun de la fonction publique » pour bien le différencier des conseils supérieurs prévus par la loi de 1984.

Le présent amendement prévoit une composition légèrement différente de celle proposée par le Gouvernement et retenue par la commission des lois. Il s'agit de garantir la représentation du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Un fonctionnement paritaire du futur Conseil commun de la fonction publique ne permettrait pas d'identifier sur chaque sujet la position respective des personnels, des employeurs territoriaux et des employeurs hospitaliers. Il y aurait un avis unique, qui confondrait des positions éventuellement divergentes.

La transparence des travaux préparatoires sur les textes législatifs et réglementaires serait réduite par rapport à la situation actuelle, dans laquelle le Gouvernement consulte tour à tour les trois conseils supérieurs, qui émettent chacun un avis distinct.

Le vote par collège permettra d'identifier l'avis de chacun. Ce système évitera que les représentants de l'État prennent part au vote. Ils n'ont pas à voter, en effet, puisque, par définition, ils soutiennent le projet proposé par l'État.

Enfin, le fait que le vote s'effectue par collège n'empêchera pas de dégager une tendance générale au sein du Conseil : si un projet est contesté dans plusieurs de ses composantes, cela se traduira dans les résultats de chaque vote.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

S'agissant de l'abandon du paritarisme numérique, dans le même esprit que pour les trois conseils supérieurs, cette nouvelle instance de dialogue ne sera pas composée de manière paritaire. La composition en collèges permet de mieux distinguer les représentants des employeurs territoriaux des représentants des employeurs hospitaliers.

Le nombre de membres au sein de ces deux collèges sera précisé par un décret. Il tiendra compte des effectifs de chaque fonction publique ainsi que du mode de représentation actuelle des employeurs territoriaux et hospitaliers au sein des conseils supérieurs correspondants.

L'objectif est donc de parvenir, non pas à un nombre égal de représentants au sein de chaque collège, mais à une représentation équilibrée de toutes les parties prenantes au dialogue social inter-fonctions publiques.

S'agissant de la présence de droit du président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale dans l'instance, je souligne que les représentants des employeurs territoriaux au sein de la nouvelle instance seront désignés librement par les représentants des communes, des départements et des régions qui siègent au CSFPT. Ce choix vise à conforter l'articulation entre les deux instances.

Il paraît difficile de prévoir que le président du CSFPT siège ès qualités dans le collège des employeurs des collectivités, les présidents des autres conseils supérieurs n'ayant pas vocation à y siéger. Il ne fait guère de doute, par ailleurs, qu'il aura de grandes chances d'être désigné comme membre de ce collège par ses pairs.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement.

(L'amendement n° 5295 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement d'harmonisation rédactionnelle, n° 1, de la commission.

(L'amendement n° 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 5306 .

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 5306 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 5296 .

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Cet amendement vise à défendre le principe du paritarisme. Il propose de rédiger ainsi l'alinéa 11 de l'article 4 :

« L'avis du conseil supérieur de la fonction publique est réputé être rendu lorsqu'il a été émis collectivement par les membres du conseil sur les projets de texte mentionnés au présent article. »

Cette rédaction nous semble apporter une garantie supplémentaire de représentation de tous les collèges, de toutes les composantes et, en particulier pour ce qui est de la fonction publique territoriale, des employeurs comme des employés.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Le fait que la nouvelle instance ne soit pas composée paritairement ne fera pas obstacle à l'expression de l'ensemble de ses membres. Les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers auront d'ailleurs, comme les représentants des organisations syndicales, une voix délibérative. Le vote par collège permet de structurer qualitativement les positions de chacun afin que les points de vue des uns et des autres soient mieux pris en compte dans le débat. Voilà pourquoi je ne peux souscrire à cet amendement.

(L'amendement n° 5296 n'est pas adopté.)

(L'article 4, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, jeudi 8 avril, à neuf heures trente :

Neuf projets de loi en procédure d'examen simplifiée ;

Suite du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique ;

Suite du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 8 avril 2010, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma