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Séance en hémicycle du 17 février 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

M. le Président à reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. David Douillet, député des Yvelines, d'une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative à la neutralité de l'Internet (n os 3157, 3061 rectifié).

La parole est à M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, mes chers collègues, l'internet du futur se fait ou se défait dans des moments comme celui-ci. Il est de notre devoir de légiférer sans céder à la dictature de l'urgence. Pourtant, c'est une course contre la montre, en France et dans le monde. C'est dans cet esprit que notre groupe a souhaité présenter et défendre cette proposition de loi.

Nous sommes en effet à un instant critique : celui où la « société de l'information », conçue par quelques architectes visionnaires, est en passe de devenir notre société tout court, à un moment où la promesse fondatrice de cette société, l'information libre, inspire des millions de gens de tous horizons, partisans de l'ouverture et du contrôle des réseaux par les utilisateurs eux-mêmes, mais également développeurs de logiciels libres ou encore créateurs désireux d'établir, au travers de nouvelles modalités de partage, des relations inédites avec leur public.

Cette oeuvre collective est immense, et je saisis cette occasion de la saluer. Sans réseaux ouverts, sans logiciels libres, Wikipédia et Wikileaks n'auraient jamais existé. Si le courage des citoyens tunisiens et égyptiens est la première cause de la chute des régimes autoritaires, dictatoriaux de ces pays, il semble évident que la révélation sur le net de l'ampleur des systèmes de corruption a joué un rôle, tout comme les réseaux sociaux ont contribué à la mobilisation d'une opposition.

Plus près de nous, en France, l'internet est également un moteur évident de démocratie. Ainsi, c'est sur le réseau des réseaux que des médias d'un nouveau type ont pu s'exprimer, malgré le verrouillage et la concentration. Pour toutes ces raisons, j'ai choisi, avec le groupe SRC, de vous proposer par un amendement, que je crois inattaquable, d'affirmer ce matin un nouveau droit, un véritable droit à la connexion. J'ai observé hier que, par un prompt renfort, Mme Clinton elle-même défendait la liberté de connexion.

En tant qu'homme de gauche, j'aime cette démocratie internet. En tant que démocrates, nous nous devons de la défendre.

Construire la République française, encore bien imparfaite, nous a pris plus de deux siècles. La démocratie internet ne se construira pas en un jour et nous aurons besoin de beaucoup de travaux parlementaires, de missions d'information, qui nous permettront d'affiner notre compréhension et d'améliorer notre régulation.

Face à ces évolutions, la paresse est proscrite ainsi que le retard. Nous ne pouvons penser ce nouveau monde en recyclant à peu de frais le logiciel de l'ancien. La capacité donnée à chacun, non seulement de consulter, mais également d'éditer lui-même des informations, des contenus et des services, a profondément rebattu la donne.

Sur ce nouveau continent, dont encore trop d'entre nous sont exclus faute d'accès au haut débit, le réseau n'est pas tout. Les libertés des logiciels, des services, des contenus sont également essentielles, parce qu'elles sont devenues, peu à peu, elles aussi, des conditions essentielles de l'exercice de nos droits fondamentaux. Le Conseil constitutionnel a donné un statut particulier à l'accès à l'internet dans sa décision censurant la loi Hadopi 1. L'interopérabilité et la possibilité de nouvelles rémunérations pour les créateurs sont des chantiers qu'il nous faudra rapidement ouvrir, enfin et sérieusement.

L'enjeu du texte, aujourd'hui, est donc bien démocratique. Démocratie des citoyens, démocratie des médias, mais aussi démocratie économique. En donnant le contrôle à ses utilisateurs, en étant délibérément construit sans modèle économique a priori, l'internet a permis un foisonnement sans précédent d'innovations, tout comme en d'autres temps, l'invention de l'imprimerie ou l'irruption des radios libres. L'architecture actuelle du réseau a une utilité sociale et économique maximale, puisque personne ne peut le confisquer. C'est cette architecture utile socialement et économiquement que nous voulons défendre avant tout.

Des géants économiques ont surgi sur le net, parfois pour le pire, souvent pour le meilleur. La plupart d'entre eux n'existaient pas il y a encore dix ou quinze ans. Ils ont le plus souvent damé le pion aux grandes corporations préexistantes, grâce à une meilleure intégration des principes fondamentaux du réseau.

Affirmer quelques principes clés est cependant aujourd'hui non seulement souhaitable, mais également urgent.

Cette proposition de loi, si vous la rejetiez, est et restera néanmoins un acte de prévention nécessaire, en quelque sorte un lancement d'alerte, une façon résolue de prendre date et de réagir à trois menaces évidentes et explicites.

La première menace, c'est le risque de discrimination des contenus pour des raisons commerciales, et ce risque est avéré. C'est le risque d'un internet à plusieurs vitesses, vendu comme tel aux éditeurs de contenus.

La deuxième menace tient à l'augmentation considérable du trafic ou, plus précisément, à des modalités de gestion du trafic qui doivent être d'autant plus encadrées qu'elles peuvent être utiles à l'avenir, au moins provisoirement, en cas de saturation pour la sécurité du réseau.

La troisième menace de filtrage du net est d'autant plus constituée que, depuis 2002, votre majorité s'y abonne et s'y adonne sans complexe, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

…chaque fois que cela lui est donné, de la tentation de l'obligation de surveillance lors de l'examen de la « loi pour la confiance dans l'économie numérique », jusqu'à la récente adoption de l'article 4 de la loi d'orientation pour la sécurité intérieure.

Votre commission des affaires économiques, en fait sa majorité UMP, a écarté d'un revers de main cette proposition de loi. Les uns, considérant, naïvement peut-être, qu'il n'y a pas péril en la demeure, font le choix d'attendre. Les autres, plus lucides certainement, mais adeptes déclarés ou discrets de la loi de la jungle, pensent que plus de neutralité, c'est-à-dire plus de régulation, porte atteinte au marché. Ils font le choix du laisser-faire. Pourtant, vous devriez le savoir : en République, la loi protège les plus faibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

D'autres enfin font le choix de l'ignorance, prétextant l'apparence technique du sujet pour refuser de voir qu'il s'agit de liberté d'expression et de démocratie, d'économie numérique, d'innovation marchande ou d'innovation hors du marché, donc, finalement, d'un choix de civilisation.

Cette proposition de loi vous invite à graver sans tarder le principe de neutralité dans la loi de la République, L'article 1er de cette proposition de loi serait un progrès majeur, à partager avec les Européens en priorité.

J'entends des objections : les nouveaux modèles économiques sont installés, il est déjà trop tard. Non, mais bientôt il serait trop tard. Si l'internet s'est révélé au fil des années étonnamment plastique, nous sommes peut-être proches d'un point de rupture. En modifiant l'architecture du réseau, en définissant des priorités entre les contenus, voire des interdictions, nous avons le pouvoir d'imposer, à terme, un modèle unique.

Une telle discrimination discrétionnaire ne peut être motivée que par des objectifs nuisibles au marché, comme celui de favoriser certains sites internet et d'en pénaliser d'autres, ou celui de distordre la concurrence ; par exemple un fournisseur d'accès à internet proposant lui-même certains services d'information pourrait chercher à les privilégier, au détriment de ceux fournis par ses concurrents.

On nous dit que l'innovation doit se faire au coeur du réseau. Pourquoi pas ? Mais pour quoi faire ? Après des décennies d'innovation, il est aussi paradoxal que désolant de voir aujourd'hui l'innovation réduite au déploiement de technologies de contrôle ou de péage.

Les fondateurs du net nous ont donné des services interopérables en nombre incalculable : le courrier électronique notamment, que chacun peut utiliser de la manière qu'il souhaite. Tout cela fait aujourd'hui partie de notre quotidien. L'histoire de l'internet ouvert ne s'arrête pas là. Nous devons inventer et déployer les outils permettant de distribuer de manière optimale les contenus les plus lourds, comme la vidéo, ou, au moins, préserver un cadre rendant possible cette invention. Une première innovation législative serait un arrêt immédiat de la guerre faite au partage qui, en rendant suspects la « superdistribution » et, plus largement, le peer to peer –, quels que soient les contenus concernés – cause un énorme gâchis de ressources.

Les services gérés sont l'avenir de l'économie numérique, nous dit-on. En est-on bien sûr ? Et qu'est-ce exactement qu'un service géré ? Sous prétexte d'une congestion maintes fois annoncée, jamais avérée, de puissants intérêts ne chercheraient-ils pas à se voir conférer des pouvoirs spéciaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Il nous faut résister à la tentation du minitel 2.0.

Voilà pourquoi cette proposition nous invite à renoncer au renoncement.

Oui, la neutralité doit être le principe et non l'exception. C'est après l'affirmation du principe que des exceptions ou des dérogations peuvent être éventuellement envisagées, à titre temporaire et sous le contrôle de la puissance publique.

La FCC, le régulateur américain, évoque ainsi la « gestion raisonnable » du réseau. Pour autant, je vous mets en garde contre l'idée qui circule – y compris du côté du Gouvernement – d'une qualité de service minimal sur l'internet, qui pourrait être faussement protectrice, une sorte de net résiduel, de bande d'arrêt d'urgence sur le bas-côté des autoroutes de l'information.

De vraies questions restent posées. Par exemple comment mieux valoriser le réseau et faire contribuer davantage les grands éditeurs de services ? Les FAI doivent-ils être rémunérés exclusivement par leurs abonnés ? Le revenu de l'abonnement mensuel à l'internet doit-il revenir au seul FAI ? Comment investir sur les réseaux ? Qui doit le faire pour le très haut débit – le privé, le public, ensemble ou séparément – dont le déploiement est aujourd'hui sans pilote public, monsieur le ministre, je le dis solennellement ? Comment soutenir l'innovation ouverte ?

Il s'agit de vrais défis. Cependant faut-il, pour les résoudre, prendre en otage les principes essentiels de l'internet, et ainsi prendre les internautes en otages ?

Nous défendons une autre idée de l'avenir de l'internet, l'image d'une ville libre et non celle d'une galerie marchande confisquée ; la vision d'un système ouvert, où l'innovation n'est pas entravée ; l'idée d'une société à haute qualité démocratique, où la liberté d'expression serait définitivement impossible à brider.

L'internet est, comme la démocratie, la réussite d'un formidable pari sur l'intelligence collective et la capacité de chacun à tirer positivement parti de ses nouvelles libertés. C'est bien d'un pari qu'il s'agit. L'internet que nous connaissons aujourd'hui n'est qu'une étape. Après avoir redéfini le rôle de l'éditeur, nous avons encore beaucoup à construire. La diffusion centralisée de l'information et l'émergence de quelques géants des services, de YouTube à Facebook, appellent une nouvelle étape de l'appropriation sociale des possibilités du réseau. Demain, nous pourrions tous devenir diffuseurs de notre propre information ; garants de notre identité et de nos données personnelles.

En acceptant des exceptions au principe de neutralité qui ne soient pas fondées sur des caractéristiques objectives du réseau, sans intention stratégique, sans autre motivation que le contrôle de la qualité de service, ce sont bien des discriminations économiques, dans le sens le plus négatif de ce terme, que nous autoriserions Nous devons préserver le potentiel libérateur des technologies numériques.

Plus grave, la haine de l'internet est souvent un mépris de la démocratie. À un paternalisme qui proscrit la responsabilité, l'autonomie et la diversité, sur le plan démocratique comme en matière économique, nous préférons l'invention de nouveaux droits, l'extension des libertés fondamentales et un droit réel d'innover. C'est aussi la capacité pour le faible d'innover face au fort.

Ne nous trompons pas de combat. La bataille que nous vous proposons de mener est une bataille pour nos libertés. Ce matin ou demain, ce combat l'emportera, face aux arguments juridiques mobilisés à la hâte, qui dissimulent mal l'impuissance, face aux censeurs, aux intérêts puissants. Nous avons bien conscience d'éclairer l'avenir, de proposer des règles justes. Merci à celles et ceux qui auront le courage, en votant ce texte, de contribuer à oser vraiment la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous sommes d'accord sur le diagnostic : internet est devenu aujourd'hui une commodité essentielle au même titre que l'eau ou l'électricité. Il est l'un des principaux fondements de la révolution numérique. Deux milliards d'individus dans le monde ont désormais – il faut s'en réjouir – accès à internet. Sous une apparence technique, la question de la neutralité des réseaux revêt un caractère éminemment politique.

Les autoroutes de l'information acheminent un grand nombre de services aux caractéristiques différentes. Ces autoroutes font face à deux révolutions.

Premièrement, le trafic échangé sur internet est multiplié par 2,5 tous les deux ans. Sur les réseaux mobiles en particulier, il est multiplié par 10 tous les deux ans. Face au risque de saturation – moment critique évoqué par Christian Paul à l'instant – se pose la question de la régulation du trafic : tous les paquets de données sur les autoroutes de l'information doivent-ils circuler à la même vitesse ? Quelles garanties peut-on apporter pour que des services différents soient fournis avec une qualité suffisante et sans discrimination ?

Prenons un exemple : la téléphonie sur IP remplace progressivement en France la téléphonie traditionnelle. Cette évolution de l'usage est permise par les opérateurs qui garantissent la qualité des conversations téléphoniques. Pour ce faire, ils réservent une partie de la bande passante à la téléphonie sur IP. Cela permet, même lorsque l'on télécharge un fichier et que la bande passante est saturée, de pouvoir continuer à téléphoner. Une forme d'absolutisme de la neutralité nuirait au développement de ces services et se retournerait contre l'objectif qu'il entend poursuivre.

Pour continuer à garantir l'ouverture et la neutralité des réseaux, il faut adopter une approche pragmatique et respecter quelques principes essentiels :

Premier principe : développer les réseaux de très haut débit fixe et mobile pour réduire les congestions. Au cours de l'année 2011, le Gouvernement va attribuer les licences de téléphonie de quatrième génération, c'est-à-dire le très haut débit mobile, et accélérer le déploiement de la fibre optique.

Deuxième principe : garantir les libertés fondamentales, c'est-à-dire le droit à l'information et à la communication. Sur ce point, je souscris à plusieurs des éléments du diagnostic établi par Christian Paul.

Troisième principe : préserver l'innovation sur internet : chaque start up lançant une activité sur internet doit pouvoir accéder à tous les utilisateurs avec un bon niveau de qualité de service.

Afin de garantir le respect des libertés fondamentales et de l'innovation – nous pouvons tous nous retrouver sur ce point –, le Gouvernement va doter le régulateur, dans le cadre de la transposition des directives européennes du paquet Télécom, du pouvoir de fixer un niveau minimal de qualité pour tous les services. D'ailleurs, le respect des libertés fondamentales est parfaitement compatible avec la lutte contre les usages illicites d'internet : j'imagine qu'aucun d'entre vous ne penserait que le blocage de contenus pédopornographiques après la décision d'un juge ou – à une autre échelle – la réponse graduée de l'HADOPI ne menacent pas la liberté d'expression sur internet.

Quatrième principe : renforcer l'information des utilisateurs et leur capacité à choisir entre les fournisseurs d'accès à internet. Avec la transposition du paquet Télécom, une information détaillée sera fournie par les opérateurs sur leurs pratiques de gestion de trafic. En outre, le Gouvernement est attentif à ce que l'ARCEP continue de maintenir un niveau concurrentiel élevé sur le marché. Ainsi, les utilisateurs pourront changer de FAI. dans le cas où la gestion du trafic par leur opérateur ne leur conviendrait pas.

Cinquième principe : préserver l'innovation sur les réseaux avec la possibilité de fournir des services gérés, c'est-à-dire des services dont la qualité est contrôlée par les opérateurs. Le développement exceptionnel en France de la télévision et de la téléphonie sur IP s'est fondé sur cette technique.

Sixième principe : avoir une vision globale de la neutralité des réseaux. Elle dépend également des terminaux et de certains services.

Septième principe : poursuivre un objectif de non-discrimination.

Le Sénat a modifié le texte de la transposition du paquet Télécom pour inscrire la non-discrimination dans l'acheminement du trafic parmi les objectifs de la régulation. Je crois – et je parle sous le contrôle de Laure de la Raudière – que cette disposition a été acceptée par la CMP qui s'est réunie hier.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Double confirmation, donc. Il faudra cependant attendre le vote des conclusions de la CMP, début mars pour en avoir confirmation définitive.

Huitième principe enfin : s'interroger sur le partage de la valeur. Le Gouvernement va doter, dans le cadre de la transposition, le régulateur d'un pouvoir de règlement des différends entre les opérateurs et les fournisseurs de services.

Deuxièmement, les autoroutes de l'information font face à une autre révolution : une modification de la nature des échanges.

Internet a été initialement prévu pour des échanges équilibrés de pair à pair. J'envoie une certaine quantité de données et, en retour, je reçois une quantité équivalente. Le modèle de la gratuité a donc été retenu pour les échanges internes au réseau.

Aujourd'hui, la consommation de certains services remet en cause ce modèle : la diffusion de contenus volumineux, comme des vidéos, est caractérisée par des flux fortement asymétriques. Des investissements importants dans les réseaux sont nécessaires pour supporter cette diffusion de vidéos. Sans incitation à l'utilisation efficace de la ressource, ce modèle n'est pas viable. Il est donc légitime de s'interroger sur la contribution au déploiement des réseaux de fournisseurs de services dont les échanges se font de manière très asymétriques. La réflexion sur un encadrement législatif complémentaire est largement engagée, avec de nombreux travaux en cours.

Au niveau européen, une réflexion a été lancée par la Commission européenne afin de déterminer l'opportunité de prévoir des mesures complémentaires au paquet Télécom. Elle devrait aboutir au printemps par la publication d'un livre blanc de la Commission européenne.

Au niveau national, la commission des affaires économiques a créé une mission d'information sur ce sujet – je salue à cet égard Corinne Erhel et Laure de La Raudière, respectivement présidente et rapporteure de cette mission – et a engagé une analyse de fond sur cette question. Enfin, l'ARCEP a entamé un suivi des pratiques de gestion de trafic des opérateurs et du marché de l'interconnexion entre fournisseurs de service et opérateurs. Dans ces conditions, il me semble, monsieur le rapporteur, qu'il convient d'attendre les conclusions de ces trois instances avant d'engager un débat de fond. En commission, je me suis du reste engagé, dès que l'ensemble des informations sera disponible, à accepter le débat avec vous.

Est-il nécessaire d'avoir un encadrement législatif complémentaire ? C'est une question complexe, avec un risque très important de déstabiliser l'économie d'un secteur par une réglementation inadéquate. La réflexion mérite d'être poursuivie compte tenu de l'importance des enjeux.

Le texte que nous examinons ce matin présente plusieurs défauts majeurs, même si l'on peut partager quelques objectifs.

Premièrement, il ne tient pas compte des réflexions en cours, en particulier de la mission d'information de l'Assemblée nationale. La proposition de loi est donc prématurée.

En second lieu, ce texte pose des difficultés de fond. Ainsi, le fait de viser uniquement les opérateurs rend la proposition de loi incomplète : à quoi cela sert-il d'encadrer les réseaux au moyen de procédures d'une grande complexité si, en parallèle, les moteurs de recherche vous orientent uniquement vers des liens commerciaux et si les équipements terminaux bloquent une grande partie des contenus ?

En outre, la proposition de loi est d'une grande complexité, pour des résultats pour le moins incertains. Elle définit un principe général de neutralité et encadre les cas de dérogation par ce qu'il faut bien appeler une véritable usine à gaz. Comment la téléphonie et la télévision sur IP auraient-elles pu se développer en France si nous avions adopté un tel mécanisme ?

Par ailleurs, si une congestion importante menace le réseau, les opérateurs ne pourront pas réagir pour préserver la fluidité du réseau sans consentement préalable de l'ARCEP dans un délai de sept jours. Cela signifie que le réseau pourrait être bloqué pendant sept jours d'affilée, et la liberté d'expression pénalisée par ce manque de flexibilité.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi, même si, je l'ai dit, nous pouvons nous rejoindre sur plusieurs objectifs dont nous aurons à débattre très prochainement.

En effet, la réflexion sur la neutralité des réseaux est en cours : le livre blanc de la Commission, votre mission d'information et le rapport du régulateur devraient être disponibles avant la fin de cette année, selon toute vraisemblance à l'automne.

Je vous suggère que nous travaillions tous ensemble sur cette question, puis que nous présentions nos analyses et nos propositions. Comme je l'ai indiqué devant votre commission, le moment de cristallisation de nos débats et d'émergence d'une décision pourrait par exemple correspondre aux prochaines assises du numérique, déjà fixées au 30 novembre 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les commissaires du Gouvernement – chers au ministre –, être net ou ne pas l'être : telle pourrait être la question. (Sourires.)

Le concept de neutralité dont nous parlons est devenu affaire de spécialistes ; il est la proie de débats sur le net, mais ils doivent aussi savoir en sortir, car cette question regarde tout le monde, et non les seuls experts du net.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

En effet l'enjeu relève de l'universel, du bien commun, des droits fondamentaux de l'humanité.

Il est sûrement prétentieux, de la part du législateur français, de vouloir poser les principes de base garantissant la neutralité des usages du net.

Il est sûrement ambitieux de définir un cadre législatif permettant d'inscrire une règle du jeu dans un univers aujourd'hui incontournable, mais qui obéit à un mouvement perpétuel, tant social que technologique.

Il est sûrement audacieux d'essayer de se poser un moment pour comprendre de quoi on parle, de quoi on se mêle (Sourires), alors que la toile est un support d'étoiles filantes qui brillent comme des certitudes éphémères, qui peuvent éblouir ou être censurées, qui peuvent faire gagner le jackpot, qui peuvent assassiner, qui peuvent libérer et mobiliser ou qui peuvent anéantir. Bref, le net, c'est toutes les vies, tous les mondes, souvent aussi tous les espoirs.

Alors de quoi parle-t-on ? Ou plutôt : de quoi ai-je compris que nous parlions ce matin ? (Mme Catherine Coutelle rit.)

Je l'ai parfaitement compris, puisque je suis signataire de la proposition de loi ; mais on est en droit de se poser sans cesse des questions : c'est cela, l'humilité !

Je crois que nous parlons d'un principe de neutralité du net qui consiste, monsieur le ministre, à ne pas accorder la qualité d'un service et la liberté de le consulter aux seuls riches et puissants. (M. le ministre approuve.)

Nous parlons d'un principe qui suppose de ne pas autoriser ceux qui fournissent les « robinets d'accès » – pardonnez-moi cette image de quincaillier – à sélectionner le débit et la diversité des services qui circulent, ni à raison de leur forme ni à raison de leur contenu.

Nous parlons d'un principe qui doit rendre toute régulation transparente, et non arbitraire.

Je passe sous silence le fait que la première discrimination dans l'accès au net consiste dans l'impossibilité d'y être raccordé au meilleur débit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Certes, ce texte fait l'hypothèse que cette question est réglée. Toutefois, monsieur le ministre, l'absence de véritable volontarisme des pouvoirs publics lorsqu'il s'agit de desservir tout le territoire à très haut débit…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

C'est faux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…est un sujet politique à lui tout seul.

Certes, il y a les miettes du grand emprunt,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

… mais, comme on dit dans nos bistrots, c'est peanuts !

Vivement que la France soit atteinte du syndrome du kangourou et décide, comme l'État australien, de mailler très vite tout le pays. Je rêve d'ailleurs d'un slogan de campagne qui dirait, sur fond de kangourous souriants : « Le très haut débit, c'est dans la poche ! » (Rires et exclamations.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je cherchais juste à prendre un peu d'élan ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Il s'agit donc de garantir que des contenus ne seront pas pris en otage. Sur ce point, nous avons affaire à des spécialistes, chère Laure de La Raudière !

La première prise d'otages a d'ailleurs eu lieu ici même, à deux reprises, avec l'adoption par la majorité de la loi dite HADOPI,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

…une loi qui ne règle rien en matière de création artistique, qui stigmatise les internautes, qui donne l'illusion d'une régulation et qui, de surcroît, coûte très cher au pays.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

La deuxième prise d'otages pourrait consister dans la manière dont les services proposés en package – pardonnez-moi cet anglicisme – par les fournisseurs d'accès empêchent ou compliquent l'accès à d'autres services, sous prétexte d'encombrement du réseau. Christian Paul l'a expliqué et démontré.

La troisième prise d'otages serait l'instauration d'une régulation qui, encore et toujours sous prétexte, même si ce peut être un véritable problème, d'embouteillage technique – vous avez employé l'argument, monsieur le ministre –, lamine les services qui n'auraient pas choisi le bon portail, la bonne plate-forme ou le bon fournisseur d'accès.

Dès lors, comment rester neutre dans un univers en fusion, où la concentration des acteurs est difficile à éviter, dans un univers où les modèles économiques conduisent à aller chercher la valeur ajoutée chez les autres, où tout le monde a le droit de tout faire, où certains constatent déjà que, plus que les connexions, ce sont les profits qui sont illimités ? Comment gérer la neutralité ?

Moins cher que gratuit, ce n'est pas garanti ; « priorisez, sélectionnez, cliquez, vous êtes filmés » : cela peut arriver ! Et comment éviter de se faire vider son compte par carte bleue ou d'être contrôlé dans sa vie privée, alors que le droit à l'oubli n'est toujours pas garanti, monsieur le ministre, bien que nous ayons voté des dispositions législatives en ce sens ?

Comment éviter de laisser à d'autres qu'à la justice et aux lois en vigueur le soin de résoudre les problèmes de droit au respect, à la dignité, à la liberté d'expression et de devoir de responsabilité ? Ce n'est pas à la régulation du net de se substituer au juge ; mais c'est bien au régulateur de sanctionner ceux qui entravent la neutralité du net. Je tiens à répéter cette phrase car elle a le mérite d'énoncer clairement les principes sur lesquels nous nous fondons : Ce n'est pas à la régulation du net de se substituer au juge ; mais c'est bien au régulateur de sanctionner ceux qui entravent la neutralité du net.

Tel est présenté en quelques mots, l'esprit qui anime la présente proposition de loi. Il n'y a là aucun absolutisme de la neutralité, monsieur le ministre, mais seulement le risque d'un mutisme forcé, organisé, des moins puissants.

Voilà donc un texte dont j'espère qu'il deviendra la lettre de l'esprit du net. Et s'il devait par malheur ne pas être adopté, comme je le subodore, je compte sur la réflexion tout aussi approfondie que pilote notre collègue Corinne Erhel pour faire une nouvelle fois la lumière sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le principe de neutralité de l'internet peut se définir comme suit : tous les contenus doivent être traités de la même façon et acheminés à la même vitesse sur les réseaux. Les propriétaires ne doivent donc pratiquer aucune discrimination, ni en termes de contenu, ni en termes d'accès, ni en termes d'organisation. Il y va de la bonne utilisation d'internet, bien commun, et du respect de l'intérêt général.

On voit immédiatement que la difficulté sur laquelle achoppe ce principe tient au fait qu'internet est aussi un espace marchand. Tous les acteurs privés qui occupent le marché – les FAI, les opérateurs de télécommunications, les sites commerciaux, les intermédiaires – poursuivent par définition des objectifs compatibles non avec l'intérêt général, mais avec leur seul intérêt particulier. La recherche effrénée du profit est antithétique au respect scrupuleux de la neutralité des réseaux ; l'histoire récente l'a montré.

Ainsi, les atteintes à la neutralité des réseaux peuvent être le fait de ces opérateurs, des FAI, des fournisseurs de service qui, pour des raisons purement marchandes, pratiquent des discriminations dans l'accès aux contenus pour accroître leurs profits.

Tel était par exemple le cas d'Orange, qui, en 2008, bridait délibérément le débit des réseaux 3G+ de ses abonnés, afin de ne pas subir des surcoûts liés au mauvais dimensionnement de son réseau. C'est aussi le cas des opérateurs Orange, Bouygues et SFR, déjà condamnés pour entente sur leurs prix, donc pour distorsion de concurrence en matière de téléphonie – faut-il le rappeler ? –, et qui empêchent l'utilisation de logiciels comme Skype sur les téléphones portables connectés à internet. Ainsi, alors que ces opérateurs prétendent offrir un accès internet illimité, il existe en réalité une liste limitée de services autorisés. Ces limitations sont certes stipulées dans les contrats, mais ce n'est pas satisfaisant : ce n'est pas parce que l'atteinte au principe de neutralité est contractuellement explicitée qu'elle est acceptable.

On le voit, les grandes entreprises sont poussées par un intérêt marchand à brider, à filtrer, à discriminer. C'est un cas typique de situation où l'intervention du législateur est nécessaire, et même indispensable.

À ce sujet, la totale privatisation du secteur des télécommunications n'est pas exempte de toute responsabilité, puisque c'est la disparition de tout acteur public et d'une véritable régulation du marché par l'État qui a permis ce type de dérives.

De leur côté, les États et les autorités sont tout aussi tentés de porter atteinte à la neutralité des réseaux. Tout le monde a en tête l'exemple de l'État égyptien qui, face à la révolte légitime de son peuple, a tout simplement décidé de couper l'ensemble des accès à internet à travers le pays.

Toutefois, sur ce point, la France aurait tort de donner des leçons de respect des libertés, l'État, par l'entremise de l'actuel gouvernement et de sa majorité, s'étant déjà rendu coupable d'au moins deux atteintes caractérisées au principe de neutralité des réseaux. En effet, le dispositif HADOPI institutionnalise purement et simplement une discrimination dans l'accès aux services de télécommunication au public en ligne. Quant à la LOPPSI 2, récemment votée ici même, elle permet à l'autorité administrative d'obliger les fournisseurs d'accès à internet à bloquer l'accès à certains sites, sans contrôle du juge et sans recours possible.

Aujourd'hui, le principe de neutralité de l'internet n'est donc pas respecté. Pourtant, les débats en commission, comme la mission d'information, l'ont montré : l'inscription dans la loi du principe de neutralité des réseaux fait l'objet d'un large consensus, parmi les acteurs innovants de l'internet comme parmi les groupes.

Ce consensus est d'autant moins surprenant que le Conseil constitutionnel, juridiction suprême, a d'ores et déjà largement déblayé le terrain, si vous me permettez l'expression. Sa décision n°2009-580 DC du 10 juin 2009 sur la loi HADOPI montre bien que les restrictions d'accès aux réseaux ne peuvent être décidées que par un juge.

Face au risque de contrôle et de filtrage indu des réseaux par les autorités, le Conseil constitutionnel a ainsi proclamé que : « aux termes de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, “la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi” ; […] en l'état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services ». Il s'agit du considérant n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Excellent, en effet.

Cette décision montre donc que la liberté de se connecter est une liberté fondamentale et constitutionnelle.

Le considérant n° 16 de cette même décision enfonce le clou : dans le cas d'une liberté fondamentale aussi précieuse que la liberté de communication, il est totalement exclu qu'une restriction ou un empêchement soit décidé par une autorité autre que juridictionnelle. Le législateur aurait beau prévoir des garanties très strictes de procédure et de fond, il ne pourrait même pas déléguer cette fonction de sanction au pouvoir réglementaire. Il faut donc le répéter : seul un juge peut se voir confier une tâche de sanction aboutissant à restreindre ou à empêcher l'accès à l'internet.

Une fois cette jurisprudence posée, il est très clair que rien ne peut s'opposer à l'inscription dans notre droit du principe de neutralité.

La présente proposition de loi de nos collègues socialistes tient évidemment compte de cette jurisprudence constitutionnelle. Ainsi, elle prévoit les cas de filtrage ou de bridage et les subordonne à l'accord du juge ; elle encadre les pratiques dites de « gestion de priorité ». Elle prévoit également de confier le rôle de régulateur à l'ARCEP, l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes. La commission mixte paritaire a décidé hier soir de supprimer la présence d'un commissaire du Gouvernement dans cette instance.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Sans doute, mais nous verrons comment cela se traduira, eu égard aux textes qui régissent les autorités administratives dites indépendantes, sur lesquelles chacun connaît mon opinion. Il n'est en effet pas sûr, chers collègues, que cela change profondément la donne.

Il est exact que l'on aurait pu attendre les conclusions de la mission d'information. Cela étant, le document de travail qui a été envoyé sur les orientations à suivre en matière de neutralité de l'internet cadrent avec la proposition de loi. Par ailleurs, étant donné le très grand nombre de consultations et de rapports publiés à tous les échelons – ministères, Parlement, instances européennes –, il est impossible de trouver un créneau qui ménage les susceptibilités de chacun. C'est le signe que le débat sur ces questions est bouillonnant, qu'il concerne tout le monde et qu'il est temps de décider. Le législateur, saisi de toute part, doit trancher. De plus, les atteintes au principe de neutralité sont aujourd'hui monnaie courante. L'insécurité juridique actuelle ne doit pas perdurer.

Pour ces raisons, vous l'avez compris, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 17 décembre 2009, nous adoptions la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, loi importante qui était pourtant restée assez évasive sur la question chaque jour plus fondamentale de la neutralité de l'internet.

Je tiens donc, au nom du groupe centriste, à remercier le groupe SRC et notre collègue Christian Paul de nous permettre de lancer le débat sur le fond de cette question. Le développement des technologies numériques est intrinsèquement rapide et foisonnant et il convient que les politiques s'emparent de cet enjeu. À chaque fois que nous avons sous-estimé la dimension politique des lois portant sur ce sujet, nous nous en sommes plutôt mal portés.

Nous pensons que cette proposition de loi est complémentaire de la mission d'information de la commission des affaires économiques dont les travaux sont en cours. Nous avons pu mesurer l'investissement qui a été celui de sa présidente, Corinne Erhel, et de sa rapporteure, Laure de la Raudière, lors de la présentation du pré-rapport en commission, qui a été unanimement salué pour sa qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Enfin, la commission des lois et la commission des affaires culturelles conduisent actuellement une mission d'information commune sur la protection des droits de l'individu dans la révolution numérique.

Nous ne doutons pas que l'ensemble de ces initiatives convergera vers une loi fondatrice du nouvel internet du XXIe siècle.

Quel est-il précisément ?

Il n'est pas inutile de revenir sur la genèse du débat sur la neutralité de l'internet. Il apparaît aux États-Unis au début des années deux mille à la suite de conflits opposants des FAI à des câblo-opérateurs en situation de monopole local leur permettant de privilégier leurs contenus – la télévision payante entre autres – par rapport à ceux transitant par les réseaux des fournisseurs d'accès. Tout autre a été la situation en Europe où le déclencheur du débat a été l'explosion de l'internet mobile et les perspectives de saturation du réseau. L'une des critiques positives que nous adressons à la proposition de loi de notre collègue est de ne pas avoir clairement analysé ce déséquilibre et de ne pas avoir proposé de réponses législatives adaptées.

Aujourd'hui, l'internet qui se dessine est un réseau qui va devoir répondre à un déséquilibre entre offre et demande. La saturation du réseau exigera de notre part une gestion comparable aux actions déjà menées en matière de réseau électrique : la gestion de la pointe sera le problème de demain.

Nous devons tous, sur ces bancs, prendre conscience de cet enjeu fondamental. Nous, centristes, appelons de nos voeux un texte qui prenne acte de ce besoin de gestion éclairé. Nous souhaitons clarifier les règles de gestion avec, pour ligne directrice, l'équité et la non-discrimination sur le réseau.

Si cette question prend une place grandissante, c'est que le débat autour de la neutralité de l'internet tient pour beaucoup à l'augmentation constante des besoins de capacité. D'après les prévisions, d'ici à 2015, la capacité ne serait au mieux multipliée que par douze alors que la demande en matière d'internet mobile serait multipliée par trente, du fait notamment de la croissance exponentielle de la consommation d'images vidéo et de la multiplication des interfaces de l'internet mobile comme les tablettes ou les smartphones. You Tube annonçait dernièrement que les deux milliards de visionnages quotidiens de vidéo sur leur site représentaient plus de 160 millions d'heures visualisées par jour, soit le double de l'année précédente.

L'explosion de l'internet mobile nous pousse à débattre rapidement de ces enjeux. La pénétration croissante des smartphones le montre à elle seule : ceux-ci représentent actuellement 25 % de parts du marché et devraient atteindre 50 % dans un an ou deux, ce qui pèsera d'autant sur le réseau internet. L'amélioration des techniques ne nous exemptera pas de ce débat. Celui-ci est urgent car l'enjeu est à la fois économique et sociétal.

Dans ces conditions, on ne peut plus se contenter d'un « circulez, il n'y a rien à voir ». Il faudra gérer ces nouveaux aspects, et plus rapidement que nous le pensons s'agissant tout au moins de l'internet mobile. Compte tenu de ces enjeux, nous avons été étonnés que cette proposition de loi ne réponde que de manière très restreinte à la problématique posée.

Votre texte, monsieur le rapporteur, s'attache surtout aux fournisseurs d'accès au réseau. Or, si la neutralité d'un réseau renvoie à l'idée que toutes les données doivent être traitées et transportées de la même manière d'un point A à un point B, la neutralité de l'internet ne saurait se réduire à un objectif de non-discrimination dans l'acheminement technique du trafic. La problématique est plus large : elle renvoie également aux pratiques liées aux moteurs de recherche, aux éditeurs, aux fabricants de terminaux, aux opérateurs d'accès. Soyons clairs, nous estimons que votre proposition de loi est trop centrée sur les FAI, qui semblent les seuls concernés par vos dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous ne voyons pas dans votre texte se dessiner l'architecture d'avenir qui comprendrait, d'une part, un service universel de l'internet, dont l'utilité serait reconnue comme essentielle, et, d'autre part, des services commerciaux proposés par chacun des prestataires techniques de l'internet. Plus que des contraintes à imposer aux FAI, c'est de cette architecture qu'il convient de parler.

Quelle définition établir pour le service universel ? Quelle réglementation poser pour les services gérés commercialement afin d'éviter toute discrimination ? Ce débat central est absent de votre proposition de loi et c'est la raison essentielle pour laquelle le groupe Nouveau Centre ne la soutiendra pas : les centristes font de la définition de l'internet comme service universel un de leurs combats majeurs pour les années à venir.

Il est en effet essentiel que nous, élus, préservions le formidable outil que constitue internet et que nous garantissions à l'ensemble des consommateurs un accès équitable à l'information, à la communication et à la culture.

En outre, votre proposition de loi reste muette sur les enjeux de financement du déploiement des capacités nécessaires pour répondre à la demande croissante de bande passante et plus largement de réseau. Quel partage de la valeur ajoutée doit-on envisager alors que celle-ci est aujourd'hui captée de manière prépondérante par les services – moteurs de recherche, réseaux sociaux – s'appuyant sur les recettes de la publicité en ligne et que les opérateurs voient leurs recettes plafonner dans un modèle économique d'abonnements des usagers finaux ?

Enfin, votre texte pose, avec bonheur, je dois le reconnaître, la question des dispositifs de blocage et de filtrage de certains contenus. La loi pour la confiance dans l'économie numérique permet aujourd'hui à l'autorité judiciaire d'imposer aux prestataires techniques de l'internet de filtrer l'accès à certains contenus. Dans l'article 4 de votre proposition de loi, chers collègues, vous prévoyez de restreindre les capacités d'envoi, après accord explicite de l'ARCEP, dans un délai de quatre-vingt-dix jours ou, en cas d'urgence, sous quarante-huit heures sur décision d'une autorité judiciaire compétente.

Il s'agit d'une vraie question, que nous avons déjà abordée lors des débats sur la loi HADOPI. La réponse des juges constitutionnels a été claire, comme l'a rappelé Daniel Paul : ils ont considéré que l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui affirme que « la liberté des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme », impliquait aujourd'hui la liberté d'accès à internet.

Le filtrage sous autorité judiciaire constitue pour nous, centristes, une bonne perspective. Je ne m'étendrai pas davantage sur cette question car vous connaissez l'engagement constant que nous avons manifesté à travers les lois DAVSSI, HADOPI et LOPSSI 2. Je suis heureux de voir naître sur tous les bancs de cet hémicycle, un consensus autour de la nécessité de faire appel à l'autorité judiciaire avant toute mise en oeuvre de mesure de filtrage des contenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous nous réjouissons que cette proposition de loi participe à la construction de ce consensus, auquel, monsieur le ministre, nous vous appelons à participer.

Les centristes militeront en faveur de la neutralité d'internet jusqu'à ce qu'elle trouve une traduction législative forte. Celle-ci passe pour nous par la reconnaissance dans tous les textes européens et français d'un internet de qualité comme service universel d'utilité essentielle, les mots ayant ici leur sens. Elle passe encore par des services commerciaux gérés à l'initiative de chaque prestataire de l'internet selon des principes législatifs garantissant l'absence de discrimination inacceptable, notamment pour ce qui est de la nature du contenu.

Les problématiques liées à l'économie numérique sont complexes et évoluent très rapidement. Elles sont par définition difficiles à appréhender par le législateur. Je vous le répète, mes chers collègues : ne négligeons pas le peuple des internautes, ne refaisons pas l'erreur que nous avons commise dans toutes les lois portant sur ce sujet depuis 2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

L'évolution des débats parlementaires de la LCEN à la loi HADOPI montre que nous devons penser aux usagers. La proposition de loi de Christian Paul a le mérite de lancer dans notre hémicycle ce débat majeur et de poser les bonnes questions mais nous considérons qu'elle y apporte une réponse trop hâtive et partielle. Pour cette raison, nous ne voterons pas en sa faveur.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, comme j'ai l'habitude de le rappeler à l'occasion de chaque texte portant sur internet, pose le principe de la libre communication des pensées et des opinions. Quel support aujourd'hui respecte mieux ce principe qu'internet ?

Comment ne pas évoquer le rôle qu'il a joué récemment en Tunisie et en Égypte, par l'intermédiaire des réseaux sociaux Facebook ou encore Twitter ?

Aussi devons-nous oeuvrer pour préserver les formidables avancées sociétales que représente internet : démocratisation de l'accès au savoir, comme le fut en son temps la révolution de l'imprimerie ; commercialisation universelle des produits et services ; promotion facile de nouvelles idées ; participation des citoyens au débat politique – pour reprendre ce que vient de dire Christian Paul, en tant qu'élue de droite (Sourires) j'apprécie cette façon de dialoguer avec les citoyens – ; diffusion rapide des nouvelles technologies ; développement économique des PME, etc.

Ce sont autant d'opportunités, touchant tous les secteurs d'activité, porteuses de croissance que la France doit saisir. En Europe, dès aujourd'hui, le numérique est la source d'un quart de la croissance. Il compte pour 40 % dans les gains de productivité.

Tous ces enjeux méritent que l'on crée certaines règles pour préserver l'internet universel, immense bien collectif qui ne doit pas être transformé au gré des intérêts de ses différents acteurs en plusieurs internets : l'internet d'Orange ou de Bouygues, l'internet de SFR, ou encore le Free internet. C'est un objectif politique, économique et de société qui est partagé sur l'ensemble des bancs de cet hémicycle.

Aussi, si l'on peut considérer comme acceptable, pour des raisons techniques et objectives, que les acteurs puissent gérer de façon différenciée certains flux, qu'ils soient opérateurs ou fournisseurs de contenus, encore faut-il que cela se fasse dans des conditions transparentes…

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

…et non discriminatoires.

De même, s'il faut être conscient que les opérateurs doivent pouvoir offrir des services gérés, dans le cadre d'offres commerciales spécifiques, cela va de pair avec l'absolue nécessité de fournir une offre internet de qualité, permettant l'accès à tous les services et applications internet.

Le travail du législateur est de parvenir à se situer plus que jamais au point d'équilibre entre la nécessité absolue de garantir un accès à l'internet neutre et universel et la nécessaire liberté d'entreprendre et d'investir. Voilà autant d'intérêts parfois antagonistes qu'il convient certainement de réguler avec doigté.

C'est tout l'objet de la réflexion de la mission d'information sur la neutralité d'internet et des réseaux de la commission des affaires économiques, dont Corinne Erhel est la présidente…

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

…et dont je suis la rapporteure.

Comme vous le savez, cette mission est en cours. Nous avons publié un prérapport fin janvier, afin de recueillir les avis de la centaine de personnes que nous avons auditionnées.

Vous savez aussi que la Commission européenne a lancé une consultation fin septembre sur la neutralité d'internet et qu'elle a l'intention de publier un livre blanc sans doute d'ici à la fin du mois de février.

Nous avons toujours dit, avec Corinne Erhel, que nous prendrions en compte les travaux de la Commission européenne, avant la publication de notre rapport, tant nous savons que la réglementation concernant les réseaux et Internet est issue du contexte européen. Il nous semble donc indispensable d'en tenir compte en termes de calendrier.

Pour ces deux raisons, nous pouvons regretter que l'examen de ce texte ait lieu aujourd'hui, plutôt que dans quelques semaines.

Sur le fond, votre proposition de loi contient des dispositions sur lesquelles nous sommes en phase, comme l'a souligné M. Dionis du Séjour au titre du Nouveau Centre.

En premier lieu, il nous paraît indispensable d'inscrire dans la loi le principe de neutralité. La définition de la neutralité d'internet en termes de non-discrimination à l'égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise sur internet est consensuelle.

Je veux aussi rappeler qu'hier soir les membres de la CMP sur le projet de loi autorisant le Gouvernement à transposer le troisième paquet Télécom par voie d'ordonnances ont validé l'inscription dans la loi du principe de non-discrimination comme objectif du régulateur. Encore faut-il, à notre avis, définir plus précisément ce que l'on entend par non-discrimination. Elle peut, en effet, être interprétée de différentes manières, ce qui rend nécessaire d'en préciser le contenu.

C'est la raison pour laquelle la mission a proposé de définir le principe de neutralité comme l'absence de filtrage, hors mesures techniques nécessaires ou mesures obligatoires prononcées par un juge, la garantie d'une qualité de service suffisante sur internet, l'absence de mesures ciblées de dégradation de la qualité de service, l'accès non discriminatoire aux différents niveaux de qualité de service, la garantie de conditions techniques et tarifaires d'interconnexion équitables.

En second lieu, nous sommes parfaitement en phase sur la nécessité de l'encadrement des pratiques de filtrage qui doivent clairement être une exception. Sauf obligation de bloquer décidée par un juge, ou encore sauf obligation technique nécessaire et réalisée de façon transparente, l'accès à internet doit permettre d'accéder à tout l'internet. Le filtrage doit se faire à l'initiative de l'internaute par des dispositifs de type contrôle parental.

En dépit de ces points d'accord, nous avons aussi quelques doutes concernant la proposition de loi.

Si elle protège l'internet d'aujourd'hui, c'est-à-dire d'hier tant les évolutions sont rapides, elle entrave le développement de celui de demain, notamment des services gérés, comme il en existe déjà avec la téléphonie ou la télévision sur IP. Pourquoi les condamner ? Ils ont répondu à des attentes des consommateurs. Reconnaissons que c'est ce qui a permis à tous les Français de bénéficier de la téléphonie illimitée.

Comme l'a souligné Jean Dionis du Séjour, votre texte est aussi trop centré sur les fournisseurs d'accès à internet. Aujourd'hui, internet dépend également d'une multitude d'intermédiaires techniques – opérateurs de transit, services de type content delivery network – qui vendent notamment de la qualité de service et, précisément, la différenciation que vous semblez souhaiter interdire. Imposer ces obligations nouvelles aux seuls fournisseurs d'accès à internet les défavoriserait et ne permettrait pas d'atteindre l'objectif de neutralité recherché.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Votre proposition n'est pas non plus assez protectrice : d'une part, comme je viens de le relever, elle ne couvre pas tous les acteurs ; d'autre part, elle n'impose pas de qualité de service suffisante sur ce bien collectif, alors qu'il s'agit d'un point crucial.

La qualité de service suffisante est une notion complexe, je l'admets. Elle pourra certainement varier selon les usages et selon le temps. Son niveau devra sans doute être actualisé pour permettre le développement harmonieux des différents types d'innovations, pour l'internet public mais aussi pour les services gérés.

Il est vrai que, jusqu'à présent, les innovations ont surtout eu lieu sur l'internet public. Néanmoins pourquoi exclure qu'il y en ait d'aussi fondamentales venant des services gérés ? Je pense en particulier aux réseaux mobiles pour lesquels il faudra résoudre la quadrature du cercle en répondant à l'augmentation exponentielle des trafics avec des ressources, par nature, beaucoup plus restreintes que pour le fixe.

Vous parlez de vouloir promouvoir l'innovation, mais vous présupposez qu'elles auront toutes lieu sur l'internet public. Je dois vous avouer modestement que je n'ai pas de boule de cristal et que je ne sais donc pas où aura lieu demain l'innovation.

Je veux dire combien le groupe UMP est attaché à la neutralité de l'internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Après avoir réalisé l'ensemble des auditions dans le cadre de la mission de la commission des affaires économiques, ma vision en est néanmoins quelque peu différente de la vôtre. La mission d'information a encore beaucoup d'interrogations sur les modèles économiques et sur le partage de la valeur ajoutée sur les réseaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

C'est d'ailleurs pourquoi elle a adressé son prérapport à l'ensemble des acteurs qu'elle a consultés. Nous souhaitons, en effet, recueillir leur avis sur le dispositif législatif qui leur paraît le mieux à même de protéger cette neutralité.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP est défavorable à la proposition de loi présentée aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Monsieur le ministre, je veux rappeler l'engagement que vous avez pris d'ouvrir ce débat une fois que nous aurons le livre blanc de la Commission européenne et que nous aurons remis notre rapport.

Mes chers collègues, rendez-vous donc dans quelques semaines pour débattre, avec l'ensemble de ces éléments, de la neutralité d'Internet. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus que tout autre innovation technologique, internet constitue une révolution à l'échelle planétaire.

Son accessibilité depuis un nombre sans cesse croissant de terminaux, sa simplicité d'utilisation et son universalité, ont bouleversé et modifié durablement de nombreux aspects de la vie quotidienne des millions d'internautes. Plate-forme unique de distribution de services mais aussi, et surtout, espace public mondial de discussion, d'échanges, caractérisé par une réelle liberté d'expression, internet constitue un bien absolument essentiel, comme cela a déjà été souligné.

Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs rappelé dans sa décision de juin 2009 censurant HADOPI : internet est un média essentiel à « la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions. » En Tunisie et en Égypte, internet et les réseaux sociaux ont permis aux citoyens de se mobiliser, d'échanger en temps réel des informations, mais aussi de rendre compte directement des événements à la terre entière, en évitant ainsi que leur mobilisation soit confisquée, usurpée ou encore récupérée.

La question de la neutralité du net abordée par notre proposition de loi concerne donc tout d'abord des libertés fondamentales et universelles. Elle a également trait à l'avenir d'internet.

S'intéresser à ce sujet, comme nous le faisons également au sein de la mission d'information issue de la commission des affaires économiques que nous dirigeons avec Laure de La Raudière, nécessite tout d'abord de saisir le fonctionnement d'un écosystème complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Entre les fournisseurs d'accès et de contenus, de nombreux intervenants jouent un rôle important : opérateurs de transits, content delivery network ou encore les services de caching.

Force est de constater que chaque acteur tente de se positionner afin de capter la valeur issue de l'acheminement du trafic d'un fournisseur de contenu vers un utilisateur. Aujourd'hui, on assiste donc à des conflits autour de la répartition de la chaîne de valeur, ce qui explique la crispation de certains acteurs face à ce débat.

Internet est un bien essentiel et il nous faut réfléchir et agir dès à présent afin de le protéger en définissant dans la loi le principe de neutralité et les exceptions éventuelles à ce principe. C'est l'objectif de cette proposition de loi mais aussi des premières orientations de la mission d'information, qui a également mené une réflexion sur les problématiques de filtrage, de gestion de trafic et d'interconnexion, point extrêmement important.

Afin de resituer le contexte politique de ce débat, je reviendrai brièvement sur les différents travaux concernant la neutralité qui ont eu lieu depuis une année : les travaux de l'ARCEP ; le rapport gouvernemental apparu brièvement et qui a disparu aussi vite ; une table ronde au Sénat ; la transposition du paquet Télécom par voie d'ordonnances ; l'adoption d'un amendement concernant la neutralité mais qui ne concerne que les relations entre fournisseurs de contenu et fournisseurs d'accès, ce qui en réduit fortement la portée ; la mission d'information parlementaire ; enfin le texte que nous examinons aujourd'hui à l'initiative de Christian Paul.

En Europe, la consultation publique de la Commission européenne sur le sujet fera sous peu l'objet d'une publication. Aux États-Unis, la FCC, le régulateur américain, a publié récemment un corpus de règles sur la neutralité. La séance d'aujourd'hui devrait ainsi vous permettre, monsieur le ministre, de nous préciser votre opinion sur la question, vos récentes interventions suscitant plusieurs interrogations.

Le 30 novembre 2010, au sujet de la neutralité, vous avez déclaré devant la commission des affaires économiques que le Gouvernement avait « choisi de s'en tenir aux dispositions du paquet Télécom avant de procéder à une éventuelle évolution de la doctrine. »

Le 13 janvier 2011, en séance publique, vous demandiez à Laure de la Raudière de retirer son amendement sur le sujet en ces termes : « Pour l'instant, je vous serais reconnaissant de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice du débat que nous aurons prochainement. » Comme l'indiquait déjà un communiqué de presse la semaine dernière, vous annoncez des propositions pour le 30 novembre 2011 ; je vous rappelle que nous sommes le 17 février.

Le rapport de la mission d'information sur la neutralité des réseaux et de l'internet sera rendu public le 12 avril prochain, soit sept mois avant la divulgation de vos propositions. Vos déclarations nous inquiètent donc car vous semblez décidé à repousser le débat jusqu'à le rendre impossible puisque, en novembre 2011, nous serons à quelques mois d'échéances politiques majeures,…

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

…et je crains malheureusement que cette proximité nuise au débat, si elle ne sert pas de prétexte pour l'enterrer.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Comme l'occasion vous en est offerte aujourd'hui, pourriez-vous nous donner votre définition de la neutralité du net ? Êtes-vous favorable à son inscription dans la loi ? Quelle est votre conception de la non-discrimination ?

Votre prudence révèle certainement une frilosité vis-à-vis d'un principe qui, nous le verrons, est en contradiction avec des dispositions législatives adoptées par votre majorité. Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, des déclarations parfois tapageuses mais aussi des dispositions législatives qui ont fait débat, ont concrétisé cette volonté de « civiliser internet ». Nous ne partageons absolument pas cette vision.

Les lois HADOPI et LOPPSI 2 impliquent ainsi la mise en place de dispositifs techniques complexes dont l'utilité est mise en doute et dont les conséquences sur le réseau et les pratiques des internautes sont nombreuses : anonymisation des connexions, surblocage…

Des discours parfois simplistes qui consistent à proposer une mesure technique pour lutter contre tel ou tel problème nourrissent peu à peu l'idée qu'une surveillance généralisée de l'internet est possible. Là encore, monsieur le ministre, nous aimerions avoir votre éclairage sur la manière dont vous conciliez le principe de neutralité avec une décision administrative de blocage.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

À l'opposé de la position défendue par le Gouvernement, nous souhaitons promouvoir et préserver certains principes fondamentaux de l'internet.

La mission d'information que je préside et la proposition de loi du groupe socialiste présentée par Christian Paul s'inscrivent donc en rupture avec la conception du Gouvernement et de sa majorité au sujet de l'internet...

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

…puisque le texte prévoit d'inscrire dans la loi le principe de neutralité et de soumettre toute décision de blocage d'un site à la décision d'une autorité judiciaire indépendante, ce qui revient à supprimer l'article 4 de la LOPPSI 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Les avis sont en effet quasi-unanimes pour dénoncer l'inefficacité des pratiques de blocage. Les critiques émanent de votre propre majorité, de députés qui connaissent bien ces sujets. Ces mesures sont, de plus, potentiellement dangereuses dans la mesure où elles peuvent entraîner des blocages de sites tout à fait légaux. Enfin, le non-recours à un juge suscite de nombreuses questions quant à la définition et à la gestion de la black list, car cette procédure laisse la possibilité d'inscriptions arbitraires.

Au nom du groupe socialiste, nous avons ainsi déposé, à ce sujet, un recours devant le Conseil constitutionnel sur la LOPPSI.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

L'inscription du principe de neutralité dans la loi et les mesures que nous proposons au sujet du blocage sont bien de nature à nous préserver de telles dérives.

Au-delà de ces conceptions fondamentales pour nos démocraties, la question de la neutralité a des implications économiques que le législateur se doit de comprendre. Se pencher sur le fonctionnement du web mondial c'est se rendre compte qu'il dépend d'une multitude d'acteurs économiques dont il est primordial, pour le législateur, de comprendre le rôle. En tant que membre de la commission des affaires économiques, j'estime qu'il faut prendre le temps d'aborder ce sujet essentiel.

Tout d'abord, nous devons nous assurer que les prix de l'abonnement demeurent abordables pour les consommateurs. Gardons aussi à l'esprit que les utilisateurs sont attachés à une certaine qualité de service et attendent donc une bande passante, une latence et une gigue correctes, leur permettant d'accéder à tous les services de l'internet confortablement. Il nous faut par conséquent être attentifs au développement des services gérés afin qu'ils ne nuisent pas au fonctionnement de l'internet ; à titre personnel, je considère qu'il ne faut pas les interdire.

Nous devons ensuite veiller à ce que l'ensemble des acteurs économiques restent en mesure d'innover, afin de préserver le caractère « révolutionnaire » de l'internet, donc de promouvoir un cadre de régulation stimulant.

Les fournisseurs de contenu, d'applications sont, eux, soucieux que l'accès bénéficie d'une bonne qualité de service.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

En ce qui concerne l'innovation, personne ne peut prévoir aujourd'hui les succès ou les échecs de demain. Il faut pouvoir préserver les innovations qui se sont fortement développées en matière de services, mais aussi accompagner celles qui se produiront éventuellement sur les réseaux.

Internet intervient désormais dans de nombreux domaines de notre vie quotidienne. De manière analogue, le débat sur la neutralité du net revêt de nombreuses dimensions. La protection de la liberté d'expression et de communication, mise à mal par la conception d'internet soutenue par la majorité, est une préoccupation qui doit être entendue.

L'inscription du principe de neutralité dans notre législation permettrait ainsi de rompre avec une vision qui nous dérange,…

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

…celle qui considère internet comme une menace, comme un danger et qui conduit à l'adoption de dispositifs dont le seul but est le filtrage et la surveillance.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

J'entendais préciser ces éléments qui nous semblent importants. (Applaudissements sur les bancs du groupes SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Pas de récupération, monsieur Dionis du Séjour !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

La neutralité de l'internet est un sujet très politique et c'est une très bonne chose que nous l'abordions en séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous avez besoin d'un prompteur, monsieur Tardy ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

C'est également une très bonne chose que de nombreux députés de différentes commissions se soient penchés sérieusement sur ce sujet. Il faut souligner que, depuis la discussion de la loi HADOPI, les députés ont pris conscience qu'internet concernait désormais tous les textes…

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

…et donc de la nécessité pour eux de s'impliquer sur le sujet. À cet égard, je tiens à saluer l'excellent travail mené par Christian Paul, ainsi que celui de Laure de la Raudière…

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

…et de Corinne Erhel, car la matière est très technique.

Nous avons eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises sur la neutralité d'internet, notamment lors de l'examen du projet DDUE et de l'habilitation à transposer le paquet Télécom. Reste que nous n'avons jamais eu de débat exclusivement consacré à cette question. Or c'est aujourd'hui chose faite avec cette proposition de loi.

La première question que je me pose est celle de savoir s'il faut vraiment légiférer au niveau national sur un tel sujet. Dans ce domaine, je suis partisan d'une loi qui fixe les grands principes et laisse une grande latitude d'action au régulateur, ici l'ARCEP. Le sujet est extrêmement technique.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Il faut disposer des informations pertinentes, être capable de les analyser pour prendre les bonnes décisions. Seule l'ARCEP peut le faire ; c'est d'ailleurs pour cela qu'elle a été créée.

Nous avons déjà un cadre législatif européen avec le paquet Télécom que nous avons complété à la marge. Je pense en particulier à l'amendement du sénateur Bruno Retailleau qui donne compétence à l'ARCEP sur les questions de non-discrimination. Il faut maintenant le transposer.

Il est donc bien trop tôt pour légiférer ; et il aurait mieux valu que le groupe socialiste dépose une proposition de résolution plutôt qu'une proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Néanmoins, le débat de ce matin ne sera pas inutile puisqu'il va permettre d'exposer et de confronter les positions sur un sujet de fond à propos duquel les clivages partisans ne sont pas opérants.

Je rejoins nombre des propos exprimés sur l'importance de préserver la neutralité de l'internet. Les enjeux sont multiples : liberté d'expression, innovation technologique, compétitivité économique, accès à la culture et au savoir.

Je souhaite insister sur quelques points qui ne me semblent pas encore très bien calés.

À mes yeux, il ne doit pas y avoir de discrimination de trafic sur l'internet public. Seules les discriminations sur les services gérés peuvent être acceptables. Les opérateurs peuvent bien entendu intervenir en cas de congestion pour assurer la sécurité du réseau et des infrastructures, mais à condition de prouver qu'une intervention est nécessaire.

Les opérateurs se plaignent de congestions mais, comme par hasard, quand il s'agit de leurs propres trafics, ils trouvent des solutions. J'attends ainsi la position d'Orange sur les problèmes de congestion dus aux flux vidéo, maintenant qu'ils ont racheté Dailymotion.

Il faut que l'ARCEP soit clairement missionnée pour vérifier la justification des demandes des opérateurs, et puisse éventuellement sanctionner les abus. Cela est d'autant plus urgent que de mauvaises pratiques, équitablement réparties entre les différents opérateurs, sont déjà mises en oeuvre.

J'attache également beaucoup d'importance à l'existence d'un internet public garantissant une bonne qualité de service. Le rapport demandé à l'ARCEP à l'initiative de Laure de la Raudière doit être lu comme le signal d'un fort attachement des parlementaires à ce sujet. Il est hors de question, pour des usages considérés comme basiques, de passer obligatoirement par des services gérés. Ces derniers doivent être un plus, mais il faut qu'un internaute lambda puisse tout faire par le biais de l'internet public.

Un autre axe important est la transparence des marchés et des pratiques entre les différents opérateurs. C'est la condition impérative du respect du droit de la concurrence. Là encore, j'approuve pleinement les orientations qui ont été prises.

Enfin, il est primordial que la liberté d'émettre et de recevoir des informations soit garantie pour tous, avec le moins d'exceptions possibles et, à chaque fois, un contrôle strict de ces exceptions par le juge.

Bien que partageant de nombreux points de vue développés dans cette proposition de loi, je ne la voterai pas car j'estime que le vecteur choisi n'est pas adapté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

C'est ainsi à chaque fois que nous déposons un texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

La réforme constitutionnelle a mis à notre disposition des outils qui semblent plus appropriés dans le cas présent. Nous devons apprendre à les utiliser davantage plutôt que de favoriser systématiquement le vecteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Les libertés d'expression, d'information et de communication sont les fondements de toute société démocratique. Les évolutions technologiques et les modes de communication qui en découlent nous amènent à faire évoluer notre droit pour l'adapter à ces nouvelles pratiques et garantir l'exercice de ces libertés.

En effet, en moins de quinze ans, le rôle joué par internet en tant que vecteur d'information et support d'expression a pris une telle ampleur qu'il s'est naturellement retrouvé au coeur des spéculations les plus folles. Désireux de se saisir de cette incroyable manne financière, les opérateurs de télécommunication et les géants du net n'ont pas hésité à entraver la libre utilisation d'internet en orientant ses utilisateurs vers des contenus à but commercial.

Si nous sommes d'accord pour proscrire des comportements ou des pratiques odieuses, nous ne cautionnons pas pour autant ces pratiques discriminatoires qui consistent à favoriser la circulation de certaines informations et ainsi encourager le développement d'un contenu payant.

Favorables à un internet ouvert et de qualité, nous sommes néanmoins inquiets de son évolution notamment lorsqu'on vous écoute, monsieur le ministre. En décembre dernier, vous vous êtes clairement exprimé contre la neutralité des réseaux et en faveur d'une régulation partielle fondée sur des critères techniques, c'est-à-dire une régulation réalisée par les opérateurs de télécoms eux-mêmes.

Or, dans le même temps, vous affirmez vouloir protéger le droit à l'information et à la communication ainsi que la liberté de création et d'innovation. Comment ne pas s'étonner face à l'antagonisme de vos deux déclarations ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Peut-être m'avez-vous mal lu !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Par essence, une régulation de la communication – d'autant plus si elle est menée par des opérateurs privés – est un frein à ce droit à l'information et à la communication ; elle constitue également une véritable barrière à la création et à l'innovation.

En prônant une gestion modulée du trafic par les fournisseurs d'accès à internet qui pourraient faire payer les plus gros utilisateurs, vous instaurez un internet à deux vitesses avec des utilisateurs prioritaires, c'est-à-dire ceux qui ont payé un abonnement plus cher.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

C'est faux, madame, je n'ai pas dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Nous sommes résolument contre cette conception qui entrave la liberté d'expression et de création en y apposant des contraintes financières donc discriminantes. Nous souhaitons maintenir un internet ouvert et de qualité au sein duquel les opérateurs ne pourront en aucun cas interférer dans les contenus.

Par ailleurs, saisi sur la loi HADOPI par les parlementaires socialistes, le Conseil constitutionnel a reconnu, par sa décision du 10 juin 2009, que l'accès à internet était désormais un droit fondamental. Il est donc indispensable de garantir son accès à tous les usagers.

Le débat sur la neutralité des réseaux peut apparaître à la fois technique et abstrait. Il n'évoque certes pas grand-chose aux internautes tant qu'ils n'en perçoivent pas les conséquences en matière d'usage.

Ce qui s'est passé en Tunisie et en Égypte a malheureusement servi d'illustration et suscite une prise de conscience de ce que peuvent être coupures et censures arbitraires.

Sujet technique mais avant tout politique, le débat autour de la neutralité de l'internet cache des enjeux considérables, à la fois politiques, sociétaux, concurrentiels et économiques. Malheureusement, le Parlement ne travaille pas au rythme d'internet (Sourires) et il aura fallu attendre 2009 pour que la représentation nationale se penche sur ce dossier et septembre 2010 pour qu'une mission d'information parlementaire sur la neutralité de l'internet et des réseaux soit créée. Quant à vous, monsieur le ministre, vous nous demandez d'attendre jusqu'à la fin de l'année 2011 afin que des décisions soient prises.

J'en profite d'ailleurs pour saluer le remarquable travail mené par la mission d'information dont nos collègues Corinne Erhel et Laure de La Raudière sont respectivement présidente et rapporteure, notamment pour le rapport d'étape qu'elles nous ont transmis.

Certes, il est vrai que l'on peut se poser la question de savoir s'il est trot tôt ou trop tard pour en débattre, mais il est urgent de poser un cadre législatif garant de la neutralité et de l'équité d'internet. La neutralité du net doit être envisagée comme une notion qui évoluera dans le temps en fonction de la société. Il faut seulement élaborer un cadre juridique qui permette d'éviter des abus dans un sens ou dans un autre.

C'est ce que cette proposition de loi nous invite à faire aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en théorie, la neutralité d'internet est un principe non écrit de gestion du réseau, qui veut que tous les contenus y circulent sans discrimination, quels que soient leur origine, leur destination ou leur type. Cependant, en pratique, tous les acteurs d'internet ne sont pas d'accord sur les modalités précises de cette neutralité. Certains fournisseurs d'accès à internet estiment, par exemple, qu'ils doivent pouvoir, à certains moments, mettre en place des mesures de régulation de leur réseau en donnant la priorité à certains types de données.

Partant de ce constat, un pré-rapport de nos deux collègues Laure de La Raudière et Corinne Erhel, propose que soit inscrite dans la loi une définition de la neutralité d'internet, qui tranche entre les différentes positions et lève ainsi le flou.

La question est technique, mais aussi économique. En fonction de l'application stricte ou non du principe de neutralité, les investissements que devront réaliser les opérateurs pour faire face à la croissance du réseau seront plus ou moins importants, plus ou moins partagés. C'eset pourquoi, les pouvoirs de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont renforcés. Le gendarme français des télécoms sera chargé d'encadrer la transparence des opérateurs sur la qualité de leur service et de veiller à la bonne application du principe de neutralité d'internet.

Il est également proposé un encadrement strict du filtrage, sans définir cette notion.

Dans cette proposition, même thématique, à une différence près : un travail de fond sur le sujet est en cours. Par conséquent, mes chers collègues, arrêtons d'engorger notre assemblée par des travaux parallèles à d'autres, d'autant que, sur ce sujet, travaillent en concertation deux députées, une de droite et une de gauche. Le calendrier d'examen de la proposition de loi est, de toute évidence, inopportun, d'autant que ce rapport, dans sa version définitive, doit être rendu fin mars.

En outre, sur le fond, plusieurs dispositions de cette proposition de loi SRC peuvent faire l'objet d'objections.

Bref, mes chers collègues, arrêtons de perdre notre temps. Le calendrier parlementaire est assez chargé. C'est une bonne initiative, soit. Pour une fois que la gauche avait une bonne idée ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cependant comme beaucoup de ses idées, elle existe déjà. Je voterai contre ce texte, comme mes collègues du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Quéré

Vous avez été très incorrect, monsieur Calméjane.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion générale sur cette proposition de loi du groupe socialiste, dont tout le mérite revient à son rapporteur, Christian Paul, que nous tenons à nouveau à saluer.

À entendre les différents orateurs, il faudrait presque se réjouir que le principe de la neutralité du net rassemble notre hémicycle, jusqu'au banc du Gouvernement. C'est d'ailleurs moins aux collègues UMP présents ce matin, dont la plupart ont pris part aux grands débats parlementaires de ces dernières années, que je m'adresserai.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Merci, monsieur le président.

C'est donc plutôt au Gouvernement que je vais m'adresser, parce que je trouve qu'il fait preuve d'un certain culot en affirmant à cette tribune qu'il est pour la neutralité d'internet.

Ce n'est pas vous qui êtes en cause, monsieur le ministre, mais tous les choix législatifs des gouvernements de droite depuis neuf ans en la matière sont allés à l'encontre de la neutralité du net.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Que l'on songe à la loi DADVSI, en 2005-2006, qui a été votée au prétexte de protéger juridiquement des DRM que, parallèlement, avant même que la loi ne soit adoptée, les opérateurs abandonnaient.

Que l'on songe aux lois HADOPI 1 et HADOPI 2. Dans HADOPI 1, on voulait confier à une haute autorité administrative le soin de couper l'accès à internet. Il a fallu la décision historique du Conseil constitutionnel en juin 2009 pour rappeler que la liberté de communication et la liberté d'expression, dans ce vieux pays démocratique qu'est la France, avaient encore un sens, tout particulièrement à l'ère numérique.

Il y a eu HADOPI 2 et, plus récemment, comme le rappelait à l'instant Corinne Erhel, le funeste article 4 de la LOPPSI 2, qui, prenant pour prétexte un but qui nous rassemble – lutter contre la pédo-pornographie –, permet de bloquer l'accès à un certain nombre de sites illégaux avec des méthodes qui conduisent au blocage de domaines entiers, donc au blocage de l'accès à des sites légaux. Cette tâche a été confiée à une autorité administrative, faisant fi de la décision du Conseil constitutionnel de juin 2009, et sans que l'autorisation du juge soit nécessaire. C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé un recours devant le Conseil constitutionnel.

Et puis, au moment même où l'on demandait à notre assemblée de transposer ce que l'on appelle le troisième paquet Télécom, qui vise à garantir une plus grande indépendance des autorités de régulation, il est soudain venu au Gouvernement la curieuse idée de vouloir, par la loi, imposer un commissaire du Gouvernement au sein de l'ARCEP.

Si je rappelle ces différentes étapes, c'est que, à chaque fois, – 2005-2006, 2009, 2011 –, tous les choix des gouvernements qui se sont succédé, tout particulièrement celui auquel vous appartenez, monsieur le ministre, ont traduit l'obsession de mettre en place des mesures de filtrage et de bloquer l'accès à internet, avec l'objectif, que nous espérons illusoire, de pouvoir le contrôler, de pouvoir le surveiller.

Il faudrait d'ailleurs, monsieur le ministre, que vous puissiez nous expliquer de manière plus complète ce que veut dire le Président de la République quand il invoque un « internet civilisé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

De l'autre côté de l'Atlantique, où je me suis rendu récemment avec Patrice Verchère, co-rapporteur de la mission d'information sur les droits de l'individu dans la révolution numérique, cette notion ne veut strictement rien dire. L'administration Obama n'était même pas au courant de l'initiative du Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Dans cette affaire, monsieur le ministre, vous nous dites que vous êtes favorable au principe de la neutralité d'internet. Malheureusement, comme nombre de représentants du groupe UMP vous nous demandez aussi d'attendre. Mais pourquoi attendre ? Faut-il attendre, pour internet, que l'on arrive aux situations que l'on connaît d'ores et déjà pour la téléphonie mobile ? Le groupe socialiste pense que non, et il marque ainsi son attachement, non pas de manière nostalgique mais en se situant dans l'actualité, à un internet libre, ouvert, neutre et décentralisé, tel que nous l'avons vécu pleinement ces dernières années. Aujourd'hui, il faut le préserver, car, oui, cet internet libre et ouvert est dangereusement menacé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je tiens d'abord à remercier mes collègues du groupe SRC, ainsi que notre collègue Daniel Paul, pour leur soutien à cette proposition de loi. Je remercie tout particulièrement Corinne Erhel, qui l'a soutenue, forte des très nombreuses auditions auxquelles a procédé la mission et de sa réflexion de longue date sur ces sujets.

Tous ont souhaité éclairer les enjeux du texte, et Corinne Erhel l'a fait à la lumière de tous les travaux qui ont été effectués, depuis maintenant un an, en France et en Europe. Il convenait de dénoncer les hypocrisies qui entourent ce débat.

Je répondrai à la fois à M. le ministre et à une partie au moins de l'intervention de Laure de La Raudière, avec laquelle je suis partiellement d'accord.

Monsieur le ministre, le pragmatisme que vous affichez dans ce domaine me semble dissimuler d'inquiétants renoncements. Nous sommes tous conscients de l'explosion du trafic sur l'internet, y compris d'ailleurs sur les mobiles. À cette question technique majeure, il faut répondre par des investissements, par des innovations techniques. Doit-on aussi y répondre en remettant en cause des principes qui relèvent non pas seulement de l'architecture de l'internet, mais des principes mêmes qui le constituent ? Je crois que c'est vraiment le risque devant lequel nous sommes aujourd'hui.

On nous dit qu'une pénurie s'installe et qu'il faut donc organiser une sorte de restriction.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Non, cela va beaucoup plus loin !

Il n'y a pas une vision du passé et une vision de l'avenir. Il y a deux visions différentes de l'avenir de l'internet et il faut les assumer. Peut-être nous sépareront-elles durablement. C'est en tout cas l'impression que j'ai ce matin, monsieur le ministre, je le dis clairement.

Deux options sont devant nous, et le débat n'est pas franco-français ; il est mondial. Il a cours depuis presque dix ans aux États-Unis, où se sont illustrés de grands juristes, et où les opérateurs prennent position. Peut-être le débat est-il moins feutré là-bas, un peu moins hypocrite que celui qui a cours en France.

Il y a donc deux visions et je les ai entendues s'exprimer dans plusieurs interventions. Quand j'entends dire qu'il faut préserver une sorte de qualité minimale, une sorte d'internet public résiduel, je trouve cela extrêmement inquiétant.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

« Suffisant », cela n'a rien à voir avec résiduel !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je le souligne, madame de La Raudière, à l'attention des intervenants qui ont rappelé qu'internet était un « bien essentiel ». Chacun devrait d'ailleurs savoir que, dans le débat européen, quand on parle d'un « bien essentiel », il faut être très attentif, car l'on n'est déjà plus dans l'affirmation d'un bien commun. Or internet doit rester un bien commun, lequel peut appeler des mesures techniques.

Cette vision, que nous défendons, n'est pas la même que celle qui a été défendue ce matin par plusieurs d'entre vous, selon laquelle il y aurait d'un côté, des services gérés, qui sont absolument indispensables – j'ajoute qu'ils sont très invasifs, et nous courons le risque qu'ils cannibalisent l'essentiel de l'internet –, et, de l'autre, un internet public. Je crois que c'est la négation même d'internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Je vous invite à réfléchir très sérieusement sur ce point. Le vote de cette proposition de loi permettrait d'inscrire le principe de la neutralité d'internet dans notre législation. Cela ne nous dispenserait pas d'aller un peu plus loin dans les enjeux.

Je veux également dire à plusieurs d'entre vous, à M. le ministre, à M. Dionis du Séjour, et peut-être aussi à Mme de La Raudière, que cette proposition de loi n'interdit pas les services gérés. Elle a le souci de les encadrer très sérieusement. Là aussi, c'est une différence entre nous. Elle ne concerne pas exclusivement les fournisseurs d'accès à internet. L'article 1er s'applique à l'ensemble des éléments de la chaîne de l'internet. De même, les sanctions prévues au dernier article de la proposition s'appliquent à l'ensemble des acteurs. Les fournisseurs d'accès sont certes plus concernés par les articles 2 à 6, car ils sont les derniers éléments de la chaîne, et il fallait illustrer très précisément ce que nous entendions en termes de dispositif pratique. Mais cette proposition de loi concerne l'essentiel de l'internet.

Je souhaite également réagir sur la définition même du principe de neutralité. Le diable, une fois de plus, est dans les détails. Nous entendons ces derniers mois dans les débats et les colloques une approche qui pourrait être assez consensuelle du principe de neutralité, considéré comme l'application du principe de non-discrimination. C'est ce qui a été porté par la mission d'information, dit par le collège de l'ARCEP, et inscrit dans cette proposition de loi. Nous pourrions être d'accord sur ce principe de non-discrimination.

Mais j'ai bien écouté ce qu'a ditMme Laure de La Raudière lorsqu'elle a précisé le contenu même de cette définition. La non-discrimination peut recouvrir deux réalités sensiblement différentes. Cela peut signifier la transmission homogène des informations, c'est le point de vue que nous défendons avec le groupe socialiste. L'autre approche est l'accès non discriminatoire à différentes qualités de service. Cette seconde vision, l'accès non discriminatoire, certes, mais à des qualités de service différentes, c'est le début du cloisonnement de l'internet, de sa fragmentation, et c'est donc un risque majeur de disparition du réseau, et en tout cas une atteinte forte aux principes essentiels de l'architecture de l'internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Voilà le coeur du débat. Je comprends que cela dérange un peu, car cela met en lumière deux approches sensiblement différentes.

Enfin, mes collègues de la majorité comme le Gouvernement ont regretté que nous ayons considéré qu'il y avait une certaine urgence. Or nous ne travaillons pas ce matin dans la précipitation. Et nous n'avons pas le pouvoir de décréter l'urgence pour l'examen d'un texte, tandis que le Gouvernement l'a fait à de nombreuses reprises, y compris s'agissant de la loi HADOPI, qui vous a valu tellement de déboires. Oui, il est aujourd'hui nécessaire d'agir sans tarder.

Ce débat, Corinne Erhel l'a rappelé, a déjà lieu depuis deux ans au plan européen. Au plan mondial, les premiers articles sur ce sujet de Lawrence Lessig ou de Timothy Wu remontent à dix ans. Oui, il y a donc bien urgence à agir. Le débat est clairement constitué, au moins sur le terrain des principes. Qu'il faille ensuite des exceptions à ces principes, qu'elles soient encadrées, notamment en donnant un rôle éminent à l'ARCEP, cela pourra venir dans les articles, dans les amendements, ou éventuellement dans d'autres textes.

C'est le principe qu'il est urgent d'inscrire aujourd'hui. Demain, il sera trop tard, et nous voulons prévenir plutôt que guérir. Nous voyons bien que, dans le domaine de l'internet, le législateur et les gouvernements successifs courent derrière la société numérique. Nous vous proposons, pour une fois, de rattraper une partie de ce retard, et d'éviter d'intervenir a posteriori, quand il est généralement trop tard. C'est aujourd'hui qu'il faut le faire, et nous vous invitons à prendre vos responsabilités.

Pour la neutralité, le Gouvernement préconise de façon dilatoire de renvoyer à plus tard. Plusieurs d'entre nous, dont François Brottes et Corinne Erhel, ont parlé d'enterrement de première classe du débat. Je crois vraiment que le risque de déstabilisation de l'internet ne naît pas de la régulation que nous proposons, mais de la façon dont le marché impose ses modèles et ses lois. Oui, cela est déstabilisant pour l'internet que nous voulons.

Je rappellerai une intervention, qui n'est pas récente, ce qui prouve que ce débat n'est pas neuf. Il y a plus de dix ans, c'était en 1999, nous avions invité le grand juriste Lawrence Lessig pour les premières rencontres parlementaires sur la société de l'information. Il nous disait déjà ce jour-là qu'en matière d'internet, il y avait deux codes : le code des législateurs, qui arrive trop tard et qui est souvent impuissant, et le code technique, sur le réseau, qui est celui qui s'impose réellement.

Nous croyons, quant à nous, à la volonté politique et à la possibilité de l'exercer, y compris dans le monde numérique. Nous considérons donc qu'il est nécessaire d'écrire le code du législateur, et c'est ce que nous vous proposons de faire, avant que le code des opérateurs ne s'impose au détriment des valeurs que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

La commission des affaires économiques a volontiers accueilli notre collègue Christian Paul pour qu'il puisse présenter sa proposition de loi le 9 février dernier.

Je n'ai pas voulu intervenir avant la fin de cette discussion, intéressante, comme elle le fut au sein de la commission des affaires économiques. J'ai noté des points de convergence, mais aussi de vrais points de divergence, entre les groupes politiques, et aussi avec M. le ministre, dont je ne doute pas qu'il répondra à M. le rapporteur.

Mon intention n'est pas de revenir sur cette discussion, mais en tant que président de la commission des affaires économiques, je pense qu'il n'est pas opportun de voter cette proposition de loi. Tout d'abord, sous la présidence de mon prédécesseur Patrick Ollier, notre commission a confié une mission sur ce sujet à nos collègues Corinne Erhel et Laure de La Raudière. Sur tous ces bancs, tous nos collègues ont salué l'excellent travail de la présidente et de la rapporteure de cette mission. Elles ont réalisé, avec le groupe de travail, une centaine d'auditions. De premières orientations ont été présentées en commission des affaires économiques le 26 janvier, mais ce travail n'a pas encore abouti, puisqu'il sera présenté au mois d'avril.

J'ajoute que nous attendons également les conclusions de la mission d'information commune des commissions des lois et des affaires culturelles sur les droits de l'individu dans la révolution numérique ; ainsi que le Livre blanc que doit publier la Commission européenne. Vous comprendrez donc qu'il semble opportun d'attendre les conclusions de ces différentes missions, notamment celle de notre commission des affaires économiques, avant toute décision.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je serai bref, car je crois avoir répondu par anticipation à un certain nombre des arguments soulevés.

Je souhaite revenir sur deux points. D'abord concernant le calendrier, j'entends le rapporteur parler de mesures dilatoires, et dire que le Gouvernement ne souhaite pas débattre. Je suis surpris par l'argument. Ce n'est pas moi, en effet, qui fixe le calendrier. Je veux bien, si vous pensez que le 30 novembre est une date trop tardive, que nous débattions dès la publication du rapport de Corinne Erhel et Laure de La Raudière. Le Gouvernement n'a strictement rien à craindre.

Simplement, je connais comme vous les délais : la Commission est en train de différer légèrement la publication de son document ; la présidente et la rapporteure attendent la publication de ce rapport, ce qui me paraît rationnel, pour l'intégrer dans leur propre rapport ; et l'ARCEP se dirige elle-même vers juin, sous toute réserve, pour la publication de ses documents. Cela nous conduit vraisemblablement à l'été pour disposer des différents textes. Il me semble qu'avoir dit que nous pourrions sceller nos accords ou désaccords sur ces points en novembre n'était pas dilatoire. Si cela vous semble trop tardif, je suis tout disposé à en débattre plus tôt avec vous.

Sans créer de fausses polémiques, monsieur le rapporteur, convenez, puisque vous avez parlé d'hypocrisie, qu'il est un peu surprenant de voir avec quelle façon vous vous asseyez par anticipation sur les travaux d'une mission présidée par l'une des vôtres. Vous nous dites en gros que la centaine d'auditions réalisées ne sert à rien, que tout ce qui est en train d'être fait ne sert à rien, et qu'avant même que tout le monde ait publié, vous avez la solution, le talisman par lequel nous allons régler tous les problèmes. Je trouve cela un peu désinvolte, et pour tout dire, un peu prétentieux. Il y a une autre façon de faire.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement n'éludera rien, nous sommes prêts à en discuter avec vous dès que cela paraîtra opportun, c'est l'engagement que je réitère devant vous.

Sur le fond du débat, certaines interventions ont été mesurées et intéressantes, exprimant des divergences ponctuelles sur certains points. Une ou deux interventions ont été caricaturales, dont celle de Mme Massat à laquelle je comptais répondre, mais un engagement important l'ayant malheureusement amenée hors de cet hémicycle, je lui répondrai à une autre occasion. Christian Paul, qui avait fait une intervention liminaire plutôt mesurée, s'est également montré caricatural dans sa réponse. Si je l'ai bien compris, il y aurait, d'un côté, les partisans de la liberté – vous par essence – et, de l'autre, les liberticides. Quelle caricature ! Lorsque l'on en viendra au débat, nous verrons que c'est plus nuancé, et l'on s'interrogera sur la meilleure façon de protéger la liberté.

Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, jouent un rôle crucial dans le développement d'internet. Nous en sommes tous utilisateurs. Au-delà de leur contribution à la diffusion de l'information dans les événements récents qui ont touché le monde arabe, il n'y avait pas besoin de ces révolutions pour que nous constations ce qu'ils apportent dans notre vie quotidienne.

Mais est-il sacrilège de constater qu'ils utilisent de plus en plus de bande passante ? Est-il sacrilège, au regard même des valeurs que vous professez, monsieur le rapporteur, de constater qu'aucune part de la valeur ajoutée n'est construite ni imposée en France ? Est-il sacrilège de constater qu'il y a pour ces réseaux soit des consommateurs, les citoyens, soit des pouvoirs publics, les États, les collectivités locales, qui financent ces réseaux ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Est-il sacrilège de s'interroger sur la compatibilité de la neutralité d'internet, que nous voulons tous préserver, tout en demandant à ces moteurs de recherche, ces réseaux sociaux, qui utilisent cette bande passante, d'apporter leur contribution à l'édification de ces réseaux, que vous voulez tous voir développer, et pour lesquels le Gouvernement agit ?

Je voudrais rappeler que, si internet doit être libre et accessible, il faut pour cela un certain nombre d'outils. C'est le Gouvernement et la majorité qui, actuellement, procèdent au déploiement de la fibre optique de façon accélérée. Nous avons dépassé fin décembre le million de foyers raccordés à la fibre optique, et j'ai fixé pour objectif de doubler ce chiffre à la fin de cette année. Je rappelle aussi que nous allons procéder très rapidement, dans les semaines qui viennent, à l'appel d'offres pour l'internet et la téléphonie mobile de quatrième génération. Nous sommes là dans le concret, pas dans la théorie.

Nous débattrons de ces sujets dès que cela sera possible, et vous verrez que, sur le fond, il n'y a pas, d'un côté, les liberticides, et, de l'autre, ceux qui défendraient internet. Je veux vous inciter, monsieur le rapporteur, à un peu de modestie sur ces sujets. J'ai en tête ce que vous disiez lorsque le Gouvernement avait publié le plan France numérique 2012, j'étais alors secrétaire d'État sur ces questions.Vous nous avez expliqué par anticipation qu'il s'agissait en réalité d'une vaste opération de communication et que cela ne servirait à rien.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Vous n'avez pas changé d'avis ? Fort bien : cela figurera au Journal officiel que je pourrai vous mettre sous les yeux lorsque, avant la fin de l'année et moins de trois ans après son lancement, nous tirerons le bilan de ce plan. Ce sera d'ailleurs extrêmement simple : après avoir rappelé les promesses et les engagements du Gouvernement, nous placerons en regard toutes les avancées, les feux verts, feux oranges et feux rouges obtenus, car il faudra être totalement transparent et ne pas nier les difficultés éventuelles. Vous serez surpris, le moment venu, de constater l'état d'avancement du plan France numérique 2012 et je suis sûr que votre sens naturel de l'honnêteté vous inclinera à la modestie, et que vous voudrez bien le reconnaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

J'ai écouté avec attention toutes les interventions – le rapporteur, la discussion générale, le président de la commission et la réponse du ministre – et je m'aperçois que, comme chaque fois que nous déposons une proposition de loi sur un sujet important, touchant aux libertés publiques ou à l'intérêt général, on nous répète la même chose : il est urgent d'attendre. On vient de nous le dire une fois de plus à propos de la neutralité d'internet. C'est pourtant une question essentielle et le ministre l'a expliqué à sa façon, même si je ne partage pas ses conclusions : une lutte féroce est engagée, pour le contrôle de la richesse des réseaux. Elle oppose les géants du numérique, les éditeurs de contenu aux fournisseurs d'accès et aux opérateurs de télécommunication. Les internautes ne doivent pas en faire les frais. Il n'est pas acceptable de réduire l'internet à un web public résiduel et de freiner l'innovation. Si nous laissons faire, l'égalité d'accès à internet ne sera plus demain qu'un lointain souvenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Avec cette proposition de loi, nous avons une occasion historique de nous prononcer, et vous avez une lourde responsabilité à prendre. Je sais que, comme toujours, vous allez demander la réserve et que le vote n'aura lieu qu'au début du mois de mars, après la semaine d'interruption des travaux de l'Assemblée nationale. Toutefois, ce matin, nous pouvons au moins débattre.

Cela me rappelle notre proposition de loi sur les conflits d'intérêt, il y a déjà de nombreux mois. À l'époque, on nous avait dit que ce n'était pas un sujet important, que ce n'était pas d'actualité, que l'on aurait à travailler plus tard sur ce sujet, que l'on nous ferait des propositions, qu'il était urgent d'attendre. Mais nous avions raison et l'on nous a indiqué, depuis, qu'il y aurait un rapport : il y en eut un, excellent, présenté par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, et dont nous approuvons l'essentiel des préconisations – auxquelles nous souhaiterions toutefois ajouter des dispositions concernant les parlementaires –, mais nous attendons toujours le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

J'ai peur qu'il en aille de même pour la neutralité d'internet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Comme le président Ayrault a bien voulu l'annoncer, en application de l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

C'est la manip habituelle, qui n'honore pas le travail du Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais répondre en deux mots au ministre dont on a bien compris que, pour la modestie et la constance, il ne craignait personne. (Sourires.)

Monsieur le ministre, j'ai une mémoire relativement fidèle et j'ai le souvenir d'une déclaration qui avait couronné votre annonce du plan France numérique 2012. Vous aviez dit qu'un bon plan numérique, c'est un plan qui ne coûte pas un euro à l'État. Heureusement que, depuis – et même si c'est notoirement insuffisant –, d'autres que vous ont décidé de réserver quelques 2 malheureux milliards d'euros pour le déploiement du très haut débit ! Vous comprendrez cependant que, à l'époque, nous ayons plutôt eu le sentiment qu'il s'agissait d'une annonce cosmétique.

Puis-je, en toute modestie, vous demander de bien vouloir éclaircir un point ? Vous avez annoncé que la représentation nationale aurait à débattre du sujet au cours de l'année 2011, mais en commission. Le Gouvernement a-t-il l'intention de présenter au Parlement un texte qui permettra d'inscrire le principe de neutralité dans le droit de notre République ?

Certes, monsieur le président de la commission, il est important que le ministre vienne en commission des affaires économiques, mais vous conviendrez qu'il est plus important de savoir s'il y a une volonté politique claire d'inscrire ce principe et de le faire le plus tôt possible en 2011, car nous savons que l'année suivante sera consacrée à d'autres tâches.

En ce qui concerne le périmètre de la neutralité, c'est vous, monsieur le ministre, qui semblez ne pas avoir lu avec suffisamment de précision le rapport intermédiaire de Corinne Erhel et Laure de La Raudière. La mission d'information s'est intéressée à la neutralité des réseaux. Ce n'est pas que la question de la neutralité des moteurs de recherche soit subsidiaire, mais, aujourd'hui, nous parlons de la neutralité des réseaux. On peut faire diversion en signalant que Google est américain et que les résultats de recherche sont parfois arbitraires. C'est sûrement vrai dans les deux cas, et l'on peut ajouter que c'est commercial, ce qui est tout aussi vrai. Je pourrais également vous donner raison en considérant que, à l'avenir, les grands éditeurs doivent contribuer le plus possible au déploiement ou au financement des réseaux. Mais tel n'est pas le sujet de notre proposition de loi. Aujourd'hui, il s'agit de savoir si, sur le réseau, se bâtissent des architectures qui vont porter atteinte, de façon durable, à la neutralité du net.

Je voudrais agrémenter notre séance d'une dernière citation de M. Besson. N'est-ce pas vous, monsieur le ministre, que j'ai entendu, il y a quelques semaines, un matin à la radio, décider tout seul, sans recourir au juge ni à qui que ce soit, de la fermeture de WikiLeaks ?

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

C'est faux ! Je n'ai jamais dit cela !

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Vous étiez mal réveillé ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

En effet, nous n'avons pas la même conception de la liberté sur internet.

Quant à l'amendement n° 2 , il concerne le périmètre du principe de neutralité et a pour objet de préciser qu'il doit s'appliquer à toutes les communications électroniques, et pas seulement aux échanges numériques de données. C'est plus qu'une précision, c'est un choix politique très clair et une approche très complète de l'application du principe aux réseaux, puisque, je le répète, c'est bien des réseaux que nous parlons ce matin, même si nous sommes prêts à avoir un débat sur les services et les contenus, à condition que ce ne soit pas une opération de diversion.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je voudrais cependant répondre à Christian Paul qui m'a demandé quelle serait la meilleure façon de définir le principe et les modalités de la neutralité du net. À plusieurs reprises, j'ai expliqué que j'attendais le résultat des missions et des débats en cours. Je n'anticipe donc pas sur ce que sera le meilleur outil ou le meilleur véhicule. Nous en discuterons ensemble. J'ai simplement dit que, dès la publication du rapport, j'étais prêt à venir en discuter au sein de la commission des affaires économiques : vous aviez le sentiment que c'était là une échappatoire, mais cela ne préjuge en rien de ce que serait l'outil le plus adapté pour mettre en oeuvre les principes qui seront issus de vos rapports et des réflexions que le Gouvernement mène de son côté.

(Les votes sur l'amendement n° 2 et l'article 1er sont réservés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Le droit à la connexion représente un double enjeu majeur et, au même titre que d'autres principes, nous paraît devoir être inscrit dans la loi de la République. Nous avons abondamment parlé, ce matin, du rôle central qu'a joué internet dans les révolutions récentes sur la rive sud de la Méditerranée. Comme vous, j'ai entendu ces jours-ci Mme Clinton parler d'une liberté de connexion. Je ne dis pas que nous avons, sur tous les sujets, le même avis que le Gouvernement américain – y compris d'ailleurs sur WikiLeaks, que j'évoquais tout à l'heure –, mais, un peu partout dans le monde, en Tunisie, en Égypte, aux États-Unis et en France, s'impose l'idée d'une liberté de connexion et d'un droit de connexion inscrits dans la loi, c'est-à-dire l'impossibilité de couper l'internet, de décréter un blocus, comme en Égypte.

Cet amendement aurait, si la loi était votée, un deuxième effet, en accélérant le déploiement du haut débit dont nous regrettions ce matin qu'il ait lieu, dans nos régions, dans nos départements, dans nos agglomérations, sans pilotage public crédible et reconnu, ce qui est absolument catastrophique. Au demeurant, dans certains territoires, le haut débit lui-même n'est pas réellement déployé et il n'est pas possible de profiter d'un internet à 1 mégabit. Le droit à la connexion serait aussi une façon de leur permettre de sortir de l'impasse dans laquelle ils sont engagés.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Le rapporteur, qui est supposé donner l'avis de notre commission, se trouve être l'auteur de la proposition de loi. Nous étions convenus en commission que la majorité voterait, de façon globale, contre la proposition de loi et contre les amendements. J'en ai expliqué les raisons. J'interviens donc ici une fois pour toutes : la commission aura le même avis sur tous les amendements.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je comprends que, par cohérence, l'avis de la commission, exprimé par son président, soit négatif de bout en bout. Je comprends de même que le ministre suive la majorité ; c'est aussi une preuve de cohérence. On comprend bien pourquoi vous votez contre, mais il serait intéressant, pour faire avancer le débat, que vous nous expliquiez pourquoi, amendement après amendement. Ce n'est pas manquer de respect à la commission et au Gouvernement que de vouloir connaître leurs points de vue. Si nous avons tous le souci de faire avancer cette question dans un texte futur, après la conclusion des travaux de la mission de Corinne Erhel et Laure de La Raudière, il n'est pas inutile que, à l'occasion du présent débat et à propos des points très précis qu'expose Christian Paul, l'on puisse avoir l'éclairage du président de la commission et du ministre – s'ils le veulent bien, personne ne peut les y obliger.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Comment ne pas répondre à la sollicitation bienveillante de François Brottes ? Je le ferai donc très volontiers. Je signale cependant que l'opposition et la majorité m'ont interrogé de la même façon en commission, et je voulais vous épargner des redites, les arguments n'ayant guère varié en quelques jours. Je note cependant que, si Christian Paul trouvait surprenant d'évoquer l'utilisation des bandes passantes dans un débat sur la neutralité du net, cela ne pose visiblement aucun problème de lier, par amendement, le service universel des communications électroniques à l'accès internet haut débit. Je ne vois pas pourquoi le lien serait plus fort dans un cas que dans l'autre.

Sur le fond, j'ai déjà eu l'occasion de préciser que nous n'avons pas de problème majeur en ce qui concerne les objectifs, mais que certaines raisons empêchent le Gouvernement d'émettre une position favorable.

D'abord, la situation juridique peut être qualifiée, pour employer une litote, de non stabilisée au niveau européen. J'entends par là, pour le dire très clairement, que la Commission européenne considère aujourd'hui que le texte de la directive concernant le service universel ne permet pas l'ajout du haut débit dans le service universel. Je ne prétends pas que cette position soit intangible – nous discutons avec la Commission – mais, au moment où nous parlons, telle est la position exprimée.

Deuxièmement, il faudrait envisager les conséquences, les coûts pour les opérateurs. Je ne dis pas que cela doit être écarté d'entrée mais, comme vous le savez, nous demandons aux opérateurs, particulièrement en cette année 2011, des investissements majeurs. Eux-mêmes ont parlé d'un « mur d'investissements » pour l'année 2011. Nous leur demandons effectivement un développement accéléré de la fibre optique, ce qui me paraît correspondre aux voeux de nombre d'entre nous. En outre, il y a cet appel d'offres pour la quatrième génération que j'évoquais à l'instant.

Cela n'empêche pas d'agir concrètement pour la couverture du territoire. Vous vous souvenez que nous avions lancé, à la fin de l'année 2009, le label « haut débit pour tous », qui permet de mettre en valeur les offres d'accès à haut débit disponibles sur l'intégralité d'un territoire dans des conditions équitables, c'est-à-dire pour un montant de 35 euros par mois, et techniquement satisfaisantes. Vous savez que plusieurs offres d'accès à internet disponibles sur l'intégralité du territoire métropolitain bénéficient aujourd'hui de ce label ; elles s'appuient, comme vous le savez, sur la technologie satellitaire.

Par ailleurs, l'investissement des opérateurs dans le haut débit se poursuit, comme en témoigne l'annonce récente par France Télécom du fait que la couverture en haut débit par l'ADSL allait être portée à 99 % des foyers d'ici à 2013. Nous avançons donc bien.

Enfin, dans le cadre des investissements d'avenir, et même si je sais que vous allez trouver ce montant dérisoire, ce qu'il n'est pas, 250 millions d'euros seront consacrés à l'amélioration de la qualité du haut débit sur l'ensemble du territoire national, en ciblant particulièrement les zones où le déploiement du très haut débit n'est pas envisageable dans un avenir proche.

Vous le voyez donc : nous avançons concrètement.

J'en profite pour indiquer que j'ai été auditionné hier au Sénat. Ces questions de couverture ont alors été évoquées, comme je le fais toujours avec vous, et j'ai proposé une séance de travail informelle avant d'éventuelles auditions formelles devant les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat, pour que nous puissions remettre les choses à plat.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je peux comprendre une impatience légitime que je vis moi-même, chaque week-end, en tant que maire d'une commune située dans une zone que l'on peut qualifier rurbaine. Mais entre souhaiter que les choses aillent plus vite et caricaturer en prétendant que rien ne se fait et que les opérateurs et le Gouvernement n'agissent pas,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…il y a une très grande marge. Nous pouvons débattre, cartes sur table, du problème devant la représentation parlementaire.

Je rappelle par ailleurs, pour le cas où cela n'aurait pas été noté, que le Gouvernement, pour les raisons qui ont déjà été exposées, est défavorable à l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous aussi, centristes, sommes réservés à propos de cet amendement. Nous y sommes mêmes opposés.

Tout d'abord, la coordination avec le droit européen est fondamentale sur cette question. La notion de service universel dans les télécoms, c'est un concept européen. Pour cette première raison, qui a aussi été avancée par M. le ministre, nous sommes opposés à l'amendement.

Au-delà, sur le fond, quelle est la pertinence de 1 mégabit alors que la vidéo représente 51 % des usages d'internet ? Un mégabit, est-ce le bon débit ? Le cas échéant, est-ce que cela le restera longtemps ? Tant la télévision par internet que la montée en puissance de la vidéo sur le web nous montrent que ce débit est insuffisant.

Le problème de la congestion de l'internet mobile n'a pas été analysé. Or c'est d'abord cela qu'il faut faire. C'est à partir de ce travail que l'on pourra approcher ce que devra être l'internet service universel.

En outre, la définition de l'internet service universel sera forcément complexe et technique. Dès lors, le pouvoir réglementaire me paraît plus approprié que le pouvoir législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Bien sûr, nous souhaitons une couverture complète de l'ensemble des citoyens, nous souhaitons qu'ils disposent d'un accès internet à bon débit.

Cela dit, tel que l'amendement est rédigé, on peut presque croire qu'il est satisfait, si l'on prend en compte les nouvelles offres d'accès par satellite disponibles depuis le lancement de KA-SAT. Or je sais très bien que le rapporteur vise d'autres types d'offres d'accès à internet que celles délivrées par satellite, qui peuvent poser quelques problèmes de délais de transit pour certaines applications.

En outre, s'agissant de la coordination et du déploiement du très haut débit, dès que Corinne Erhel et moi-même aurons achevé notre mission sur la neutralité d'internet, nous entamerons notre travail de contrôle parlementaire de l'application de la loi de lutte contre la fracture numérique. Nous allons donc faire ce travail d'analyse, et nous allons pouvoir examiner la question de savoir s'il faut aussi légiférer sur un service universel haut, voire très haut, débit. Comme Jean Dionis du Séjour, j'estime que cette analyse de fond doit être faite au préalable pour que nous puissions légiférer sur ces points.

Enfin, le deuxième alinéa de l'amendement nécessite une réécriture : « restreindre le débit de l'accès à internet », est en effet un concept juridique assez flou.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Il ne me semble pas tout à fait inutile de demander à nos collègues de clarifier les choses. M. le ministre et Jean Dionis du Séjour nous disent que cette proposition n'est pas « euro-compatible » et que la notion de service universel ne saurait être étendue au haut débit. C'est sidérant ! Jamais la Commission européenne ne s'est jamais opposée à ce que les États membres procèdent à cette extension ; je crois d'ailleurs que la Finlande l'a fait. Ainsi, si elle n'oblige évidemment pas les États à y procéder, cette extension n'est pas le moins du monde incompatible avec le droit européen.

D'ailleurs, Mme de La Raudière disait à l'instant – et c'est quelque peu contradictoire avec votre position, monsieur le ministre – que la lutte contre la fracture numérique et la possibilité de modifier le champ du service universel seraient abordées une fois terminé le travail engagé avec Corinne Erhel.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Ce n'est pas contradictoire !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

J'invite donc la majorité et le Gouvernement à se rapprocher car, manifestement, leurs points de vue diffèrent quelque peu.

Nous considérons pour notre part que c'est le droit à la connexion et l'impossibilité de couper la connexion qui doivent être assurés, même si l'on pourrait, certes, chercher querelle sur le nombre de mégabits. Or vous avez, par exemple avec la loi HADOPI, reconnu l'impossibilité de couper la connexion.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

À la suite d'une décision du Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

S'agissant du très haut débit, nous prenons connaissance, avec au moins autant d'attention que vous-même, monsieur le ministre, des annonces des opérateurs. Elles sont d'ailleurs parfois beaucoup plus floues qu'il n'y paraît. En outre, forts d'une expérience de quinze ans, nous avons maintenant l'habitude des annonces faites en la matière.

De nombreux territoires français savent bien qu'au rythme actuel et en suivant le modèle de développement actuel ils attendront vingt ans la fibre optique. C'est ce problème que nous voulons soulever.

Toutes les associations d'élus – qu'elles regroupent des élus régionaux, dont je suis, des conseillers généraux, des élus municipaux – sont aujourd'hui profondément persuadées que le modèle de déploiement n'est pas piloté. Je ne veux pas dire qu'il ne se passe rien : les opérateurs vont investir, certes insuffisamment, l'État, contrairement à ce que vous préconisiez il y a quelques années, a enfin réservé quelques crédits et, çà et là, des fonds européens peuvent servir au déploiement de la fibre optique. Cependant, tout cela est mal coordonné et notoirement insuffisant, et ce diagnostic transcende très largement les clivages partisans.

(Le vote sur l'amendement n° 4 est réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 1 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

L'article 1er protège la neutralité du net en posant un principe de gestion. Le risque est évidemment très fort que les fournisseurs d'accès, auxquels ce texte s'intéresse entre autres, brident l'accès à internet, soit pour mieux monétiser le réseau, soit pour le décongestionner, risques que nous comprenons bien, soit pour d'autres motifs.

Par cet amendement, nous voulons empêcher toute forme de filtrage et de blocage, sauf, bien sûr, pour des motifs de sécurité du réseau, par exemple le préserver d'attaques informatiques, ou sur décision d'un juge. Le dispositif proposé définit les droits des internautes eu égard au principe de neutralité, au sens où l'entendent l'ARCEP ou, aux États-Unis la FCC : premièrement, le droit d'accéder à internet et de mettre en ligne toutes les informations de leurs choix ; deuxièmement, le droit de connecter tous les matériels de leur choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Pour répondre à notre collègue François Brottes : je ne peux pas donner l'avis de la commission, dont je suis le président, à la place du rapporteur, mais cela n'empêche pas les groupes politiques, comme – s'il le souhaite – M. le ministre, de donner leurs positions respectives.

Je prends acte, monsieur le ministre, et vous remercie de votre proposition de constituer une sorte de groupe de travail. Je vous remercie également de vous être proposé de venir ensuite vous exprimer devant la commission en audition formelle.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1 . J'invite le rapporteur à ne pas prendre ombrage du fait que j'émettrai systématiquement un avis défavorable.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

J'essaie d'être cohérent. Le Gouvernement est défavorable à cette proposition de loi ; j'ai longuement expliqué pourquoi. Il pense que le temps n'est pas venu de la discuter.

Je me suis engagé à ce que nous ayons prochainement un débat, et à ce que nous ayons, éventuellement, en fonction des conclusions des travaux parlementaires et d'autres que j'ai rappelés, des véhicules pour porter principes et modalités. Je constate que, avec la discussion de ces amendements, nous sommes en train de rouvrir quantité de débats, certes légitimes mais qui n'ont parfois qu'un lointain rapport avec la proposition de loi. Ils portent sur tout le champ de l'économie numérique.

Je vous rappelle, sous le contrôle de M. le président Poignant, que vous m'avez auditionné plusieurs fois à ce propos, mesdames et messieurs les députés. J'ai donc eu l'occasion de rappeler quelles étaient les positions du Gouvernement. Je ne vois donc pas pourquoi redire mal, dans un contexte contraint, des choses que j'ai eu l'occasion d'évoquer devant la commission.

Le rapporteur ne m'en voudra donc pas si je me commente désormais de dire que le Gouvernement est défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 1 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 5 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Cet amendement a pour objet de faire en sorte que la neutralité du réseau ne soit pas entravée par la non-neutralité des « box » des fournisseurs d'accès. Le problème est le suivant : premièrement, dans les faits, ces boîtes sont devenues l'unique voie d'accès au réseau ; deuxièmement, elles restent la propriété des fournisseurs d'accès ; troisièmement, on ne sait pas forcément ce qu'il y a dedans et le contrôle qu'elles permettent.

Cet amendement comporte donc deux volets : d'une part, l'autorisation de la mise à disposition des abonnés des « box » agréées par l'ARCEP ; d'autre part, l'agrément des seules « box » qui permettent l'accès à internet et uniquement cet accès. Il s'agit d'éviter que les « box » soit utilisées pour brider, de façon dissimulée, l'accès à internet.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Défavorable.

(Le vote sur l'amendement n° 5 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 8 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les votes sur l'amendement n° 8 , ainsi que sur l'article 4, sont réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

L'objectif de cet amendement est de garantir que les internautes gardent clairement le contrôle de la façon dont sont acheminées leurs communications sur le réseau internet. C'est l'une des conséquences concrètes évidentes de l'architecture du réseau.

Il peut être justifié de traiter différemment les divers flux internet en fonction des besoins des usagers. Mais ce sont les utilisateurs qui doivent pouvoir le faire. C'est l'une de nos divergences dans ce débat : il nous paraît dangereux de laisser les opérateurs définir eux-mêmes ces besoins.

Nous avons proposé de poser le principe du choix de la classe de service par l'internaute lui-même, et l'exception de l'acheminement non prioritaire de la communication sur demande du fournisseur d'accès à l'ARCEP, ce qui conduit, vous le comprendrez, à renverser la charge de la preuve.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Cet amendement est important. Christian Paul a raison de parler de deux visions. Car cet amendement, s'il était adopté, contesterait aux opérateurs techniques la possibilité de gestion. Or nous voulons une architecture claire, avec, d'un côté, un internet qui soit un service universel dont on débat, et garantissant un internet de qualité à tous et, de l'autre côté, des services gérés. Mais il ne faut pas être ambigu : ils seront gérés à l'initiative des prestataires internet eux-mêmes, certainement pas à l'initiative des utilisateurs et de l'ARCEP. Cette architecture n'est pas la bonne. C'est pourquoi nous contestons fondamentalement cet amendement n° 7 .

(Le vote sur l'amendement n° 7 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 6 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Les votes sur l'amendement n° 6 , ainsi que sur l'article 6, sont réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 3 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

Cet amendement propose de modifier, essentiellement pour des raisons techniques, le mécanisme de sanction prévu à l'article 7.

Ce dispositif n'est pas une usine à gaz, monsieur le ministre. Chacun a pu participer à ce débat sans se réfugier derrière des considérations techniques qui auraient empêché nos collègues d'y participer. Cela étant, il faut une sanction, car s'il n'y en avait pas, ce serait un dispositif totalement « platonique ».

Dans la première rédaction, en lointain écho au dispositif de riposte graduée institué par la loi HADOPI, nous avions proposé de mettre en place une sanction pénale. Finalement, il nous est apparu, pour des raisons techniques, plus efficace…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Paul

…de substituer une sanction administrative qui reste évidemment proportionnée à la gravité du manquement à la neutralité et à la situation financière de ceux qui auraient manqué à ce principe. Le montant, qui reste le même dans cet amendement, peut atteindre 10 millions d'euros.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je maintiens que cet amendement est très compliqué. Mais je suis d'accord sur le fait qu'il ne mérite pas le qualificatif d'usine à gaz d'autant que le ministre de l'énergie, que je suis aussi, est très attaché…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…au gaz et à certaines de ses usines ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Les votes sur l'amendement n° 3 , ainsi que sur l'article 7, sont réservés.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur le président, en application de l'article 96 du règlement et de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auront lieu le mardi 1er mars, après les questions au Gouvernement.

Application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures dix.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle le débat sur les politiques du handicap.

Ce débat étant organisé à la demande du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, premier orateur de ce groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Carrillon-Couvreur

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, mes chers collègues, le débat sur le texte précédent ayant été un peu long, nous allons, en cette fin de matinée, aborder la question des politiques du handicap.

Nous souhaitons refaire le point sur les grands enjeux de la loi du 11 février 2005. C'est en effet un sujet sur lequel nous devons revenir régulièrement afin de vérifier ensemble que les ambitions de cette loi sont toujours au rendez-vous et permettent à nos concitoyens de mesurer l'importance des situations que connaissent bon nombre de personnes, plus de trois millions aujourd'hui dans notre pays à des degrés divers de handicap.

Si cette loi a suscité beaucoup d'attentes, elle a aussi permis des avancées. Cela étant, nous sommes obligés de reconnaître qu'il y a eu également des tentatives de recul, et ce pas plus tard qu'hier. Nous regrettons ainsi ce qui s'est passé sur la question de l'accessibilité, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

Je voudrais évoquer deux points, madame la secrétaire d'État, dont on parle moins. J'aimerais savoir comment nous pourrions obtenir des réponses et des assurances sur ces questions qui concernent la situation des enfants autistes et celle des enfants polyhandicapés.

Le Gouvernement, avec ses différents ministres, avait proposé ces dernières années des plans prioritaires d'action qui devaient permettre aux familles de trouver des solutions et d'assurer l'éducation des enfants dans de bonnes conditions.

Pour bon nombre d'entre eux, on ne peut parler dans un premier temps de scolarisation. Il faut d'abord qu'ils puissent bénéficier d'un accueil en établissement ou d'un suivi en service d'éducation et de soins à domicile. Mais très souvent, malheureusement, nous constatons dans nos départements des difficultés liées au nombre de places et au manque de postes de professionnels. Ce n'est pas que nous voulions toujours demander des postes supplémentaires : il s'agit d'apporter des compétences professionnelles pour accompagner les enfants.

Il serait indispensable de dresser un état des lieux de ces situations pour connaître vraiment le nombre d'enfants pour lesquels les familles restent sans solution. Les chiffres dont nous disposons dans nos départements sont plus ou moins justes. Nous entendons parler de projets qui sont prétendument en attente depuis trop longtemps et, bien sûr, nous sommes alertés par les familles qui nous demandent quand nous pourrons enfin répondre à leurs difficultés.

Les enfants polyhandicapés posent vraiment question, car ils nécessitent un accompagnement rapproché et très professionnel tout au long de la journée et tout au long de l'année. Malheureusement, lorsqu'ils atteignent l'âge de vingt ans, nombre d'entre eux n'ont plus de solution d'accueil. C'est particulièrement sur ce point que je tiens à appeler votre attention. En effet, des associations nous ont alertés et nous ont demandé de veiller à garantir une continuité d'éducation ou d'accompagnement de ces jeunes qui, hélas, n'ont pas l'autonomie suffisante pour demeurer chez eux à temps complet et qui ont besoin d'une équipe pluridisciplinaire à leurs côtés. Qu'est-ce qui est accompli aujourd'hui ? Comment, madame la secrétaire d'État, envisagez-vous le problème ? Comment peut-on améliorer ces situations et comment les familles peuvent-elles obtenir des assurances en matière d'accompagnement ? Il serait intéressant de dresser un état des lieux, d'envisager, sur plusieurs années, un plan d'accueil et, surtout, d'ouvrir le dialogue. De grandes associations ont d'ailleurs fait des propositions à ce titre. Ne serait-il pas temps et intéressant de les reprendre ? La loi a certes permis une évolution sur d'autres sujets, en particulier sur la scolarisation, même si nous serons amenés à faire certaines observations au cours de ce débat. Mais ces enfants et adolescents qui souffrent d'un handicap important doivent obtenir de vraies réponses, à la hauteur des ambitions de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienMarie-Anne Montchamp, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, par le débat que vous proposez aujourd'hui, vous montrez que l'engagement national en faveur de nos compatriotes handicapés ne doit avoir de cesse et qu'il nous appartient ici, dans cet hémicycle, de faire bouger encore les lignes. Nous y étions parvenus en février 2005, lorsque la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été adoptée, même si vous ne vous êtes pas tous prononcés en sa faveur ! Hier soir encore, en adoptant la proposition de loi du sénateur Paul Blanc, vous avez stabilisé et sécurisé les maisons départementales des personnes handicapées.

Cette loi du 11 février 2005, que j'ai eu l'honneur de porter, était animée d'une volonté très forte de rompre avec la conception qui avait prévalu jusqu'alors. Trop longtemps, nous avons voulu ensemble protéger nos compatriotes handicapés en les mettant à l'écart d'une société dont il faut bien reconnaître qu'elle était inadaptée et ignorante de leurs besoins spécifiques. Depuis, l'approche a changé, l'esprit de nos politiques publiques a changé et nous avons changé. La priorité qui doit être la nôtre est désormais celle de l'inclusion sociale des personnes handicapées. Nous devons avoir une vision intégrante et globale du handicap. Le Gouvernement dans son ensemble, François Fillon, Roselyne Bachelot et moi partageons cette priorité et cette vision avec le Président de la République.

Je veux croire que l'esprit de la loi du 11 février 2005 a perduré, qu'il s'est même inscrit de façon pérenne dans nos raisonnements et dans nos moeurs. Grâce à cette volonté, des progrès importants ont, en effet, été réalisés et, grâce à cet état d'esprit, d'autres continuent de se produire par les petites révolutions du quotidien.

Je crois en premier lieu que nous pouvons être fiers de ce qui a été fait pour la participation de nos compatriotes handicapés à ce qui constitue la vie ordinaire de tous les Français, depuis l'école pour les plus jeunes jusqu'au travail pour les adultes. Ainsi, à la rentrée 2010, près de 200 000 enfants handicapés étaient inscrits à l'école de la République, soit un bond de 50 % depuis 2005. Parallèlement, le nombre d'entreprises n'employant aucun travailleur handicapé a chuté de 78 % depuis 2005.

Ces progrès, très concrets, nous les devons à ceux réalisés en amont, dans l'accompagnement du handicap au sein des maisons départementales des personnes handicapées. Les MDPH, parce qu'elles sont devenues l'interlocuteur de référence – ce guichet unique que nous avons tant voulu avec les personnes handicapées et leurs associations – ont permis d'améliorer considérablement l'accueil, l'information et l'orientation des personnes handicapées. Elles ont simplifié les démarches et permis la réduction les délais d'instruction des dossiers. Cette exigence, nous la formons pour nos compatriotes handicapés, pour leur famille, car nous ne pouvons ajouter à leur situation, à leurs difficultés inhérentes, les incertitudes du temps qui passe.

Les progrès réalisés sont le résultat d'une volonté politique très forte, significativement illustrée par l'évolution et le dynamisme de l'allocation aux adultes handicapés. Innovante dès sa conception, l'AAH, qui concerne aujourd'hui près de 900 000 personnes, incarne la volonté politique partagée par le Président de la République et l'ensemble du Gouvernement d'aborder de manière dynamique et très engagée la politique du handicap. Dynamique : l'AAH s'est vue transformée en 2008 dans le cadre du pacte national pour l'emploi des personnes handicapées pour qu'elle soit couplée à la politique d'accès à l'emploi. Ainsi, depuis 2009, la situation par rapport à l'emploi des personnes handicapées est examinée à chaque demande d'AAH, ce qui conduit à accorder, dès que possible, une reconnaissance de la qualité travailleur handicapé – RQTH – et à formuler une orientation professionnelle. Cette réforme permet, dans le même temps, de prendre mieux en compte les conditions de ressources, puisque nous sommes passés d'une évaluation annuelle à une évaluation trimestrielle. Très engagée, la politique du handicap l'est parce que, même au plus fort de la crise économique, le Président de la République a tenu sa promesse de revaloriser l'AAH de 25 % en quatre ans, pour un coût supplémentaire de 2,3 milliards d'euros. Vous conviendrez, mesdames et messieurs les députés, que l'effort dépasse, dans cette politique, les cadres traditionnels du symbole.

En dépit de ces avancées, verser dans l'autosatisfaction serait pour le moins inapproprié. De nombreux chantiers sont en cours. De nombreux défis sont à relever. Je pense notamment aux indispensables travaux sur les auxiliaires de vie scolaire, mais aussi, même si la question est difficile et complexe, sur les barrières d'âge et encore sur l'accessibilité. Les auxiliaires de vie scolaire sont des acteurs clés de la scolarisation des enfants handicapés. Mais ils ne sont pas les seuls, car l'école de la République porte en elle-même des missions d'accessibilité de l'enfant handicapé. Ce dispositif ne résout pas tous les problèmes, mais constitue, en effet, une solution essentielle pour nombre de nos enfants handicapés. C'est pourquoi ce sujet sera à l'ordre du jour de la prochaine conférence nationale du handicap, qui se tiendra au mois de juin, comme l'a annoncé le Président de la République au Conseil économique, social et environnemental le 8 février dernier. Il a précisé que le thème de scolarisation de l'enfant handicapé serait au coeur des sujets traités lors de cette conférence nationale.

Au-delà des efforts financiers consentis dès le projet de loi de finances pour 2011 – soit 20 millions d'euros supplémentaires – j'avancerai, avec mon collègue Luc Chatel, sur le statut des auxiliaires de vie scolaire, en proposant des solutions qui devront partir de l'intérêt de l'enfant et de sa situation propre, que nous devons évaluer. Je le dis souvent : une chose est d'accueillir un élève infirme moteur cérébral à l'école qui, en classe de terminal S, devra se faire aider pour prendre ses cours de maths ; une autre est d'accompagner un enfant porteur d'une trisomie 21 en grande section de maternelle, puis en CP, avec, pour objectif, l'apprentissage de la lecture.

Nous améliorons, par ailleurs, les pratiques d'affectation, en créant notamment un référentiel destiné à garantir une meilleure équité de traitement.

Afin de poursuivre nos avancées sur ce sujet, le Gouvernement a décidé de confier une mission qui nous sera précieuse au sénateur Paul Blanc, grand spécialiste de la question, et dont chacun connaît la sensibilité particulière. Mais, comme je vous l'ai dit, nous nous retrouverons sur ces sujets lors de la prochaine conférence nationale du handicap. Il y a donc une clause de rendez-vous.

Par ailleurs, nous devrons progresser sur la question de la levée des barrières d'âge. Les maisons départementales des personnes handicapées ont, certes, permis d'améliorer la continuité de la prise en charge à tous les âges du handicap et de diminuer les effets de rupture entre les régimes enfants et adultes. Mais, là encore, je souhaite que notre méthode de travail soit pragmatique et inscrite dans la volonté d'améliorer des situations concrètes. Nous devrons évidemment pour cela définir des priorités.

À l'aune du débat national sur la réforme de la dépendance, surgissent de nouvelles barrières, peu connues ou ignorées jusqu'à aujourd'hui, qui sont celles liées au grand âge. Il nous faudra veiller, ensemble, à ce que le vieillissement des personnes handicapées soit bien pris en compte, que l'âge ne conduise pas à des basculements de situations individuelles difficiles à des situations individuelles encore plus difficiles, au simple motif que l'on passerait d'un régime d'allocation pour personne handicapée à un régime d'allocation pour personne âgée. La question de la personne handicapée vieillissante fera l'objet d'une attention toute particulière dans le cadre du débat voulu par le Président de la République. Nous sommes absolument déterminés à ce que, grâce à la contribution particulière du Conseil national consultatif des personnes handicapées et à la présence des associations de personnes handicapées dans le cadre des quatre grands ateliers conduits par les experts sur l'ensemble du champ de la dépendance, cette question spécifique soit abordée comme elle le doit. Il est indispensable de prendre en compte tout ce que le monde du handicap peut apporter, notamment en ce qui concerne l'offre, l'accompagnement et le projet de la personne, et qui bénéficiera, à n'en pas douter, de l'expérience associative, particulièrement importante en ce domaine. Tout cela sera à verser à ce débat et l'enrichira. Nous devrons, bien sûr, pousser l'imagination jusqu'à comprendre que le vieillissement et le grand âge pour une personne atteinte de trisomie 21 se situent, non pas à quatre-vingt-sept ans, mais souvent plus tôt. Nous devons appréhender spécifiquement ce type de vieillissement.

Enfin, notre combat en faveur de l'accessibilité se poursuivra. Celui-ci est transversal, il concerne tous les handicaps, à tous les âges de la vie, dans toutes les situations de la vie ordinaire. Désinhibé, le législateur l'avait été parfois quelque peu en 2005. C'est avec cette envie et ce souhait collectif qu'il a conçu les dispositions essentielles de la loi du 11 février. C'est avec ce même élan que nous continuerons à nous mobiliser pour nos concitoyens handicapés, pour une société d'inclusion. Les ajustements adoptés hier soir sur cette question n'entament en rien ma détermination, celle de Roselyne Bachelot et du Gouvernement d'aller résolument vers l'accueil et le confort d'usage pour tous : c'est bien de cet enjeu qu'il s'agit quand on parle de l'accessibilité. Nous devons pouvoir être ambitieux et réalistes, nous devons pouvoir être mobilisés sur les résultats et leur effectivité.

Pour réussir dans ces chantiers, nous devons poursuivre notre travail selon la méthode qui a été la nôtre, que nous avons élaborée ensemble. Elle consiste simplement à s'appuyer sur des idées fortes – le fameux esprit de la loi – et sur des personnes fortes, celles qui connaissent le mieux ces sujets et qui représentent, pour nous, une ressource.

Il y eut des parlementaires pionniers d'une législation prédictive d'un autre idéal pour le vivre ensemble, un idéal construit avec les exigences et, parfois, les revendications des personnes handicapées, de leurs familles, de leurs amis. Avec elles, nous avons construit un partenariat social nouveau, fait de l'attention portée à ce qu'elles savent d'elles-mêmes et du respect de leur sens des responsabilités. Je revois les visages, j'entends encore les accents et la force des convictions de ces parlementaires, députés, dont certains sont toujours ici, et sénateurs, qui ont forgé au fil du débat l'équilibre exigeant et original qu'est la loi du 11 février.

De ces expériences de terrain, diverses et riches, naissent des idées, des propositions. De ces expériences vit notre démocratie par les solutions qui en naissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Autant vous le dire tout de suite, madame la secrétaire d'État, je ne partage pas la vision qui est la vôtre et que vous venez de rappeler à cette tribune. Six ans après le vote de la loi de 2005, le constat est malheureusement clair : les situations de handicap ne se réduisent pas et les inégalités s'aggravent.

Au-delà d'avancées dans la prise en considération des situations des personnes en difficultés psychiques, le droit à la scolarisation des enfants et les prestations de compensation, notre arsenal juridique ne contient toujours pas les mesures véritablement propres à supprimer, réduire, compenser chaque fois que c'est nécessaire les situations de handicap.

Pour répondre au mieux aux attentes des millions de concitoyens confrontés à des situations de handicap, il convient d'abord de revenir sur la définition même du handicap.

Si le handicap suppose toujours une altération anatomique ou fonctionnelle, quelle qu'en soit la cause, le regard s'est déplacé vers les difficultés qui en résultent pour les personnes handicapées dans leur participation à la vie sociale et le rôle que l'environnement peut jouer dans l'aggravation ou l'atténuation de ces difficultés. Autrement dit, le handicap n'est pas prioritairement consubstantiel à la personne, il est le produit interactif d'une déficience et d'un environnement.

L'Organisation mondiale de la santé en a pris acte dans sa nouvelle classification internationale, et la déclaration de Madrid de mars 2002 va dans le même sens en insistant sur la nécessité d'abandonner l'idée préconçue de la déficience comme seule caractéristique de la personne pour en venir à la nécessité d'éliminer les barrières, de réviser les normes sociales, politiques, culturelle, ainsi qu'à la promotion d'un environnement accessible et accueillant.

Tels devraient être selon nous les fondements d'une véritable politique en ce domaine et d'un nouveau cadre législatif afin de favoriser l'accès des personnes en situation de handicap – locution que nous préférons pour notre part à celle de personne handicapée pour les raisons que je viens de rappeler – aux droits généraux de tout citoyen, et notamment le droit à la liberté effective de circuler et le droit de bénéficier d'un revenu décent. Cela suppose aussi de renforcer la participation sociale des intéressés en généralisant notamment l'intégration scolaire et professionnelle en milieu ouvert ordinaire, le soutien à domicile et l'éducation tout au long de la vie.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je voudrais plus particulièrement insister sur deux objectifs essentiels.

Premier objectif, rendre accessibles le cadre bâti et la voirie par la prévention et la suppression des situations de handicap générées par un environnement architectural inadapté. Ce combat pour l'accessibilité de tous à tous les bâtiments, qu'ils soient publics ou privés, à usage professionnelle ou d'habitation, déjà construits ou à bâtir, suppose évidemment d'en faire une priorité et de redéfinir le cadre législatif et réglementaire. Ce n'est pas une priorité de votre gouvernement comme vous l'avez d'ailleurs montré dans le débat d'hier sur les MDPH.

Second objectif, essentiel, garantir un véritable revenu de remplacement. Conformément à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme, une personne reconnue réellement incapable de travailler devrait pouvoir bénéficier d'un revenu minimum décent pour vivre. C'est la raison pour laquelle nous proposons un revenu d'existence, égal au SMIC brut, de substitution à l'AAH, et indépendamment des revenus du conjoint car prendre en compte le revenu du conjoint constitue une atteinte à la dignité du prétendant à l'allocation à temps plein.

Tels sont les principaux axes de la véritable politique du handicap défendue par les députés communistes, républicains, citoyens et du Parti de gauche que nous voulons rappeler à l'occasion de ce débat initié par nos collègues du groupe socialiste, alors que la marchandisation menace gravement le secteur médico-social et que la politique du Gouvernement contribue, hélas, à faire supporter aussi aux personnes en situation de handicap le poids d'une crise qui n'est pas la leur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

Mme la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est à l'attention qu'elle porte au handicap que l'on reconnaît une société civilisée. Cette considération est au coeur de mon engagement politique en faveur des personnes handicapées, qui a notamment abouti à des rapports d'information sur les aides techniques, les MDPH et la CNSA.

La loi du 11 février 2005 marque incontestablement l'entrée dans un plus haut degré de civilisation. Elle retient une définition large du handicap, qui intègre non seulement les incapacités, physiques, mentales, psychiques, mais aussi les inadaptations à l'environnement.

Elle repose sur trois piliers essentiels : rendre accessibles à tous d'ici à 2015 tous les domaines de la vie sociale que sont l'emploi, l'éducation, les transports et le cadre bâti ; affirmer le droit de chacun à la compensation par la solidarité nationale des conséquences du handicap ; simplifier les démarches des personnes handicapées et de leurs familles, ce qui se traduit par la mise en place d'un guichet unique dans chaque département, les MDPH, nous en avons beaucoup parlé hier.

Tout en me limitant à quelques chiffres, je ne peux que féliciter les gouvernements pour les progrès indéniables accomplis en six ans. Je suis fière, je l'ai répété hier, d'appartenir à une majorité qui a voté et mis en oeuvre des politiques ambitieuses pour les personnes handicapées.

Ainsi, le budget consacré au handicap a augmenté de plus de 27 % en quatre ans, dans un contexte économique dégradé. Il dépassera 41 milliards d'euros en 2011. Non seulement l'AAH a été fortement revalorisée – 25 % en cinq ans –, mais elle peut être cumulée avec un salaire pendant six mois pour favoriser l'insertion professionnelle.

Plus de 200 000 enfants handicapés sont désormais scolarisés, ils n'étaient que 130 000 en 2005. Le nombre d'auxiliaires de vie scolaire a plus que doublé ces deux dernières années, favorisant ainsi leur intégration en milieu ordinaire. Près de 35 000 places d'accueil ont été créées.

L'accès à l'emploi des personnes handicapées est facilité par le développement de la formation professionnelle, la suppression de la limite d'âge pour accéder à l'apprentissage et la mise en oeuvre de bilans professionnels par les MDPH.

En dépit des considérables efforts qui ont été déployés et d'incontestables avancées, des réformes restent à poursuivre et d'autres à engager.

Comme vous le savez, madame la secrétaire d'État, les délais d'instruction des demandes par les MDPH restent très, voire trop longs dans de nombreux départements. Nous avons examiné et voté hier une proposition de loi qui, je l'espère, permettra une optimisation dans le fonctionnement des MDPH. Cette loi devrait contribuer à clarifier les engagements financiers de l'État et à stabiliser les équipes. À l'occasion de l'examen de ce texte, nous avons longuement débattu sur la problématique de l'accessibilité dans les bâtiments neufs. Vous avez rappelé que c'était un principe intangible et qu'il ne fallait surtout pas oublier de la concevoir autour de tous les types de handicap, qu'ils soient moteurs, sensoriels, mentaux, psychiques. Je dois dire que j'ai regretté hier la position de certains de mes collègues.

Parmi les progrès incontestables qui ont été réalisés, la scolarisation des enfants handicapés est exemplaire. Cependant, les emplois des auxiliaires de vie scolaire sont marqués par une forte précarité, et nous aurons bientôt, je l'espère, l'occasion d'examiner leur statut. Je sais qu'ils sont pour vous objet d'attention depuis de nombreuses années.

En ce qui concerne l'aide à domicile, je rappelle au Gouvernement que des centaines d'associations sont menacées de déficits et de cessation de paiement, et la situation risque de s'aggraver. Les principaux financeurs de l'aide à domicile, les départements, sont en effet confrontés à une croissance des dépenses sociales – APA, RSA, PCH – plus rapide que celle de leurs recettes. Cet effet de ciseaux s'accentue dans un contexte de faible croissance et de gel des dotations versées par l'État, tandis que le nombre de bénéficiaires des allocations de solidarité progresse chaque année. Les difficultés budgétaires des départements se traduisent par une diminution des subventions pour l'aide à domicile.

Des centaines d'associations, employant plus de 10 000 salariés et intervenant auprès de 60 000 personnes, sont menacées de déficits, de cessation de paiement, voire ont déjà subi une liquidation judiciaire. Des conséquences dramatiques sont déjà visibles sur le terrain avec la réduction des durées d'intervention à domicile, la diminution des efforts de qualification et l'abandon des prises en charge les plus onéreuses.

Face à cette situation, qu'entend faire le Gouvernement ? Le rapport de l'IGAS d'octobre 2010 développe seize recommandations. Le Gouvernement entend-il les mettre en oeuvre ? Feront-elles l'objet d'un examen à l'occasion du grand débat sur la dépendance ?

Je tiens à présent à insister sur les besoins de financement en matière d'aides techniques et d'aides à domicile, qui sont essentielles pour limiter les conséquences du handicap. Les fonds départementaux de compensation du handicap ont été mis en place par les MDPH en 2007. Ce dispositif répond aux attentes de nombreuses personnes handicapées et complète les financements légaux et extralégaux auxquels elles peuvent prétendre pour mettre en oeuvre les moyens de compensation nécessaires à la réalisation de leur projet de vie. Des excédents ont été constitués sur ces fonds pendant la période de montée en charge du dispositif. À présent, ils sont consommés, l'État n'abonde plus le fond départemental de compensation du handicap depuis 2008 et il est à craindre que ces dispositifs ne cessent dans les mois qui viennent. Ce serait hautement dommageable pour un grand nombre de personnes handicapées, qui se verraient alors dans l'obligation de renoncer à la réalisation de leur projet, notamment en matière d'aménagement de logement ou d'acquisition d'aide technique. Aussi pouvez-vous me dire si le Gouvernement envisage de doter à nouveau ces fonds en 2011 ? Je sais qu'une réflexion est en cours à la Direction générale de la cohésion sociale afin de proposer des mesures de nature à assurer la pérennité de ces fonds de compensation.

Je souhaite à présent soulever la question de la tarification des établissements d'accueil des personnes handicapées. Celle-ci semble en effet source d'iniquité puisqu'elle est trop souvent fixée sur des références historiques et reflète insuffisamment la réalité des besoins des personnes accueillies. Est-il prévu d'engager une réflexion sur cette évolution, fortement souhaitée par les acteurs intervenant dans le domaine du handicap, qui souhaitent d'ailleurs s'impliquer dans cette réflexion ?

Le rapport que j'ai rendu en juillet 2010 sur la CNSA ainsi que celui de l'IGAS soulignent l'insuffisance du système d'information de la CNSA. Pouvez-vous nous dire où en est l'évolution du système d'information de cette agence ainsi que des ARS, afin que nous puissions éviter à l'avenir tout nouveau débasage de l'ONDAM médico-social ?

Le prochain défi à relever est de taille : nous devons mettre en place un cinquième risque dépendance. La convergence des politiques menées en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes est un objectif pour des raisons d'efficacité et de justice. Elle est d'ailleurs inscrite dans la loi de 2005. Le seuil actuel de soixante ans qui marque la frontière entre le handicap et la dépendance ne correspond plus à l'âge légal de départ à la retraite, qui est de soixante-deux ans, et ne recouvre aucune réalité sur le plan physiologique.

Le Gouvernement a-t-il évalué quelles dépenses supplémentaires seraient assumées par les départements et l'État si, sans aller jusqu'à la convergence totale, nous repoussions au moins jusqu'à l'âge de soixante-deux ans la prise en compte de la perte d'autonomie par les politiques du handicap ?

Les problématiques liées au handicap ne concernent pas les seules personnes handicapées mais, par bien des aspects, la société tout entière. En cherchant à construire un appareil pour aider sa mère qui était sourde, Graham Bell inventa le téléphone. De nombreux produits aujourd'hui entrés dans la vie courante, tels que les télécommandes des téléviseurs ou les brosses à dents électriques, ont été à l'origine conçus comme des aides techniques pour les personnes handicapées.

L'attention portée aux personnes handicapées n'est pas dénuée d'intérêt pour les personnes valides. L'expérience montre que les produits conçus peuvent améliorer la vie de tous et que des politiques telles que l'accessibilité dans les transports publics ne sont pas appréciées des seules personnes atteintes d'un handicap, mais aussi, par exemple, des mères de famille accompagnées d'un jeune enfant.

La question du handicap, vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, est notre sujet à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Dupré

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées était censée apporter des réponses appropriées aux problèmes existant dans le domaine du handicap. La déception a, hélas, été à la mesure des espoirs suscités par cette loi. Force est en effet de constater que ce texte, auquel on prête l'ambition d'être le cadre de référence de la politique du handicap, reste un catalogue de bonnes intentions, faute de réelle volonté politique.

Ainsi en est-il du plan handicap 2008-2012 qui était censé apporter un début de réponse aux problèmes qui se posent dans l'accueil des personnes les plus lourdement handicapées. Ce plan pluriannuel prévoyait la création de 51 450 places, fléchées en priorité sur l'accueil des personnes autistes, polyhandicapées et handicapées psychiques.

La construction de ces 51 450 places – 41 450 en structures d'accueil et 10 000 en ESAT – devait être engagée sur cinq ans, avec ouverture au public garantie à l'horizon de sept ans. Ce programme s'est traduit par le financement en 2008 de 9 625 places. Un début prometteur mais, hélas, de courte durée car, en 2009, ce furent 6 965 places et, en 2010, 5 261 places.

La crise a certainement une responsabilité mais elle n'explique pas tout. Elle n'est ici qu'un faire-valoir pour masquer l'indigence de la politique face à la désespérance de dizaines de milliers de familles et de personnes en attente d'une véritable solution d'accueil. Je pense notamment aux personnes handicapées vieillissantes, qui aspirent légitimement à une retraite dans la dignité après avoir consacré, pour la plupart, leur existence au labeur.

Voilà qui m'amène à évoquer la situation des ESAT. Leur succès est indéniable : le taux de remplissage est de l'ordre de 98 %. Or, pour 2011, les crédits accordés n'augmentent que de 1,1 %. Ainsi permettront-ils tout juste la création d'un millier de places nouvelles, comme ce fut d'ailleurs le cas en 2010. L'objectif des 1 400 places fixé par le Président de la République n'est pas respecté.

Chacun sait bien pourtant combien l'insertion des handicapés dans le monde du travail est essentielle. L'emploi plutôt que l'assistance : c'est d'ailleurs ce que ces personnes réclament.

Je rappelle, d'autre part, qu'un tiers environ des entreprises privées, assujetties à l'obligation d'un quota d'embauche de 6 % de personnes en situation de handicap, n'emploie aucun travailleur handicapé. Ce qui visiblement n'émeut guère le Gouvernement, lequel ne paraît pas particulièrement pressé de mettre en place les surcontributions prévues par la loi.

Le Gouvernement a fait preuve de beaucoup plus d'empressement lorsqu'il a décidé de réduire ou de supprimer, au travers de l'AGEFIPH, certaines mesures telles que la prime initiative emploi, qui soutenait l'embauche de salariés en situation de handicap, la prime contrat durable ou encore l'aide à l'aménagement du temps de travail.

Aussi, comment s'étonner que le chômage des personnes handicapées soit de l'ordre de 20 %, c'est-à-dire le double du reste de la population active ? Ce ne sont pas moins de 250 000 personnes injustement écartées du marché de l'emploi.

Tout comme il est nécessaire de respecter les engagements pris au plus haut niveau de l'État en matière de revalorisation des revenus d'existence. L'insuffisance du pouvoir d'achat est une préoccupation majeure des personnes en situation de handicap, sévèrement touchées par la crise mais également par la politique de santé du Gouvernement. Je rappelle que les allocataires de l'AAH sont exclus du bénéfice de la CMU.

Je ne voudrais pas clore mon propos sans évoquer la situation des polyhandicapés, qui doit retenir toute notre attention. La loi du 11 février 2005 a constitué un progrès indéniable en matière de reconnaissance du polyhandicap, concept relativement récent, il faut le savoir, puisque ce n'est que dans les années 1950-1960 qu'a débuté une prise de conscience en la matière.

De très nombreuses familles, regroupées en associations, demandent qu'une nouvelle étape soit franchie à travers une prise en charge adaptée. Cela passe par la garantie de droits spécifiques mettant la personne polyhandicapée à l'abri des interprétations et lui permettant d'avoir sa place, toute sa place, au sein de la communauté nationale. Il y a là une exigence forte qui nous interpelle toutes et tous et que nous avons le devoir de prendre en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Madame la secrétaire d'État, chers collègues, avant de reprendre le débat que nous avons eu hier sur les maisons départementales du handicap, qui a montré des divergences parfois importantes avec certains de nos collègues de droite, je veux rappeler les cinq principes fondamentaux qui, selon les écologistes, doivent structurer toute politique en matière du handicap.

Le premier est le droit à la dignité, c'est-à-dire le droit à un projet individuel, qui vise à l'autonomie, au respect de l'intimité et à la vie privée.

Le deuxième est la participation à la vie de la cité, qui ne peut être effective que par l'accès à l'enseignement, à la formation professionnelle, à l'emploi et aux activités sportives et culturelles.

Le troisième est la non-discrimination.

Le quatrième est le droit à la compensation, en matériel adapté, en aide humaine ou financière.

Le cinquième et dernier principe est la proximité : selon les situations géographiques, le projet de vie peut évoluer, des réponses locales et régionales en termes de santé, d'accueil et de scolarité doivent être apportées.

Tous les aspects de la vie sont concernés : citoyenneté, déplacements, logement, emploi, loisirs... Il s'agit bien d'une politique d'inclusion – comme vous l'avez vous-même dit tout à l'heure, madame la secrétaire d'État – qui garantit la liberté du choix de vie, dans une approche globale.

Faciliter les déplacements, les transports, l'accessibilité à l'environnement public et au bâti est essentiel. Je suis consternée lorsque je vois les moyens financiers et techniques que notre société est capable de mobiliser pour les voitures, et le prétendu pragmatisme de certains de nos collègues quand il s'agit de faire passer un fauteuil roulant sur une place ou de permettre l'accès à un monument classé. Ce « pragmatisme » remet en cause l'accessibilité pour les personnes handicapées.

Il n'est pas inutile de redire que tous et toutes, à un moment de notre vie, nous profitons de l'amélioration de l'habitat, de la signalétique urbaine, de l'accessibilité destinées à améliorer la vie des personnes handicapées.

Je souhaite ici rappeler ma plus vive indignation quant à la volonté du Gouvernement, à travers le texte discuté hier, d'affaiblir la loi de 2005 relative à la mise en accessibilité des bâtiments neufs. Demander au maître d'ouvrage de faire « la preuve de l'impossibilité technique » est un véritable cadeau aux promoteurs immobiliers. Cela n'est ni sérieux ni responsable !

D'ailleurs, la brèche à peine ouverte, nous avons vu apparaître la proposition de quota de chambres accessibles aux personnes handicapées dans la petite hôtellerie, et même, dans des établissements recevant des personnes handicapées ou âgées, des demandes de dérogation à l'accessibilité ont été exprimées au prétexte que du personnel qualifié serait à la disposition de ces personnes.

J'en viens à un autre point tout aussi important dans la construction des politiques du handicap : le rôle primordial des associations, qui doivent être des partenaires incontournables.

Je suis d'ailleurs intervenue hier lors des débats pour indiquer que les représentants de l'État ne peuvent pas avoir la majorité des voix dans les CDAPH. Je serai très attentive à la promesse de Mme la ministre de revoir l'article 3 du fameux « décret qui fâche » dans les discussions en cour avec les associations.

Il est également fondamental que le Gouvernement se donne les moyens de ses ambitions, qu'il s'agisse des moyens humains ou financiers.

Ainsi, l'élargissement – très louable – des horaires d'ouverture des MDPH doit s'accompagner d'une augmentation en conséquence de la contribution de l'État aux conventions d'objectifs et de moyens. J'ai bien compris, malheureusement, que le Gouvernement demandait aux MDPH de faire mieux à budget constant !

Concernant l'emploi, il faut bien sûr faire respecter la loi sur l'intégration des personnes handicapées dans la vie économique, mais je voudrais dire aussi que, dans la gestion des ESAT, les contraintes de rentabilité doivent être désolidarisées de l'accompagnement médico-social.

La politique d'inclusion doit également se décliner dans l'accès à l'information à l'offre culturelle, artistique et sportive, tout comme l'accès aux loisirs. J'en profite pour vous demander, madame la secrétaire d'État, que soit étudiée la possibilité que tous les sports ouverts aux personnes handicapées bénéficient de la même reconnaissance que les sports pratiqués par les personnes non handicapées.

Enfin, ne serait-il pas temps d'élargir le bénéfice de la prestation de compensation du handicap à la prise en charge des aides humaines dans leur ensemble, notamment pour soutenir les personnes souhaitant rester à leur domicile ? Cela éviterait, comme vient de le souligner Mme Poletti, de nombreuses cessations de paiement dans les associations de soutien à domicile.

Les arguments purement comptables ne peuvent se substituer à la nécessité de cette compensation de la perte d'autonomie. Un véritable service public, non délégué à l'assurance privée, doit voir le jour. Les déclarations gouvernementales concernant la réforme de la dépendance peuvent nous laisser craindre le contraire.

J'en viens donc tout naturellement à ce sujet, dont le Président de la République nous entretient beaucoup. Les écologistes ont eu l'occasion de s'exprimer sur ce point et le rediront : nous souhaitons un droit universel sans condition d'âge pris en charge par le financement public, et nous sommes opposés à un transfert de la solidarité à l'assurance privée. Toutes et à tous doivent avoir le libre choix entre le soutien à domicile et la vie en établissement, quels que soient leurs moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Gaudron

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, porte-parole du groupe UMP lors de l'examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2011, j'avais souligné combien ce budget traduisait l'attachement que notre nation porte particulièrement aux plus faibles d'entre nous.

Le 11 février 2005, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dite loi Montchamp, était votée. C'est une bonne loi. Vous avez parlé à juste titre, madame Montchamp, de la « République des solidarités ». Nous souscrivons pleinement à cette formule qui traduit l'attachement que nous portons aux personnes handicapées.

Cette loi a, par exemple, renforcé la scolarisation des enfants handicapés. Même si, chaque année, le nombre d'enfants scolarisés est en augmentation – 197 000 aujourd'hui contre 133 000 en 2004 –, il apparaît que certaines difficultés demeurent, les associations soulignant notamment un manque d'assistance de vie scolaire, alors que nous avons déjà fait un effort dans ce domaine et que 22 000 AVSI sont présents sur le terrain. Cette année, malgré des contraintes budgétaires fortes, 500 postes supplémentaires seront créés pour assurer la scolarisation des élèves handicapés. C'est encore une avancée importante. Il faut poursuivre dans ce sens et pérenniser l'emploi de ces AVSI pour que leur travail soit reconnu.

Nous devions, madame la secrétaire d'État, avant votre entrée au Gouvernement, mener ensemble une étude sur ce dossier, auquel je suis comme vous très attaché. Depuis votre promotion, vous avez annoncé votre souhait que soit conduite une étude concernant les effets sur le milieu scolaire de l'arrivée d'enfants handicapés dans l'école de la République. Je suis évidemment toujours désireux de travailler sur le sujet des auxiliaires de vie scolaire car la scolarisation de l'ensemble des élèves handicapés constitue une exigence de tous les instants.

En juin aura lieu la conférence sur le handicap, qui, une fois encore, nous n'en doutons pas, confirmera l'engagement de l'État pour nos compatriotes handicapés. En prônant une politique dynamique, notre majorité, même s'il reste beaucoup à faire, a déjà agi dans ce domaine : par exemple, l'allocation adulte handicapé, qui a connu une importante réforme depuis le 1er janvier dernier, représente 80 % des crédits du programme « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances » ; cette allocation, rappelons-le, concerne près de 800 000 personnes, ce qui est considérable. Parler d'économies quand on évoque la question du handicap est tout à fait injustifié car les crédits consacrés par le budget de l'État aux personnes handicapées ont augmenté depuis 2005 de plus de 25 %.

La loi de 2005 a notamment permis de diminuer le nombre d'entreprises qui, jusqu'alors, n'embauchaient pas de personnes handicapées. Mais il convient que le secteur public montre l'exemple, et que le secteur privé se rende compte qu'employer des collaborateurs handicapés peut constituer un atout pour les entreprises. Celles qui ne remplissent pas cette obligation verront d'ailleurs leurs pénalités financières augmenter, et ce n'est que justice.

Néanmoins, s'agissant de l'accessibilité de tous les lieux publics, principe intangible et effectif d'ici à 2015, il faut s'assurer que les objectifs poursuivis soient bien compris et que la chaîne des acteurs concernés adhère fortement à un dispositif qui n'a d'autre intérêt que d'éviter aux personnes handicapées le parcours du combattant qui est le leur pour des activités quotidiennes banales.

Le renforcement de l'intégration des personnes handicapées dans la cité est une exigence de tous les instants. Ainsi, l'accès à l'école, à l'université, aux transports, au logement et à l'emploi est fondamental. Le travail des associations est à ce titre indispensable, et il convient de souligner que leur action dans ce domaine est remarquable. Mais il faudra se pencher sur la situation de précarité financière de certaines d'entre elles, pourtant bien gérées.

Le fonctionnement des maisons départementales pour les personnes handicapées, outil qui a fait ses preuves – on en a longuement parlé hier –, doit être soutenu et les dysfonctionnements corrigés. De même, la création de nouvelles places dans les établissements et services d'aide par le travail va se poursuivre cette année encore.

C'est avec une telle politique que le retard de notre pays en matière d'accueil et de prise en charge des personnes âgées dépendantes est ainsi peu à peu comblé.

Il convient également d'évoquer les besoins des personnes polyhandicapées, qui sont multiples et méritent, eux aussi, une meilleure reconnaissance. Les personnes handicapées mentales ne doivent pas non plus être oubliées car elles ont toutes droit à une intégration dans la société.

Mes chers collègues, le prochain chantier de la dépendance va constituer une pierre importante ajoutée aux fondations de notre système de protection sociale. Notre nation doit la solidarité aux personnes handicapées et dépendantes, et à leurs familles qui connaissent au quotidien des situations humaines difficiles. Notre majorité a un devoir d'action dans le domaine des politiques du handicap afin d'assurer une meilleure solidarité, sans bien sûr tomber dans l'autosatisfaction. C'est ce qu'elle a fait. C'est ce qu'elle va continuer de faire, avec notre soutien, madame la secrétaire d'État, soyez-en assurée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMarie-Anne Montchamp, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Je vous en remercie, monsieur Gaudron.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes ;

Suite du débat sur les politiques du handicap ;

Proposition de loi relative à l'étiquetage nutritionnel.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma