La deuxième prise d'otages pourrait consister dans la manière dont les services proposés en package – pardonnez-moi cet anglicisme – par les fournisseurs d'accès empêchent ou compliquent l'accès à d'autres services, sous prétexte d'encombrement du réseau. Christian Paul l'a expliqué et démontré.
La troisième prise d'otages serait l'instauration d'une régulation qui, encore et toujours sous prétexte, même si ce peut être un véritable problème, d'embouteillage technique – vous avez employé l'argument, monsieur le ministre –, lamine les services qui n'auraient pas choisi le bon portail, la bonne plate-forme ou le bon fournisseur d'accès.
Dès lors, comment rester neutre dans un univers en fusion, où la concentration des acteurs est difficile à éviter, dans un univers où les modèles économiques conduisent à aller chercher la valeur ajoutée chez les autres, où tout le monde a le droit de tout faire, où certains constatent déjà que, plus que les connexions, ce sont les profits qui sont illimités ? Comment gérer la neutralité ?
Moins cher que gratuit, ce n'est pas garanti ; « priorisez, sélectionnez, cliquez, vous êtes filmés » : cela peut arriver ! Et comment éviter de se faire vider son compte par carte bleue ou d'être contrôlé dans sa vie privée, alors que le droit à l'oubli n'est toujours pas garanti, monsieur le ministre, bien que nous ayons voté des dispositions législatives en ce sens ?
Comment éviter de laisser à d'autres qu'à la justice et aux lois en vigueur le soin de résoudre les problèmes de droit au respect, à la dignité, à la liberté d'expression et de devoir de responsabilité ? Ce n'est pas à la régulation du net de se substituer au juge ; mais c'est bien au régulateur de sanctionner ceux qui entravent la neutralité du net. Je tiens à répéter cette phrase car elle a le mérite d'énoncer clairement les principes sur lesquels nous nous fondons : Ce n'est pas à la régulation du net de se substituer au juge ; mais c'est bien au régulateur de sanctionner ceux qui entravent la neutralité du net.
Tel est présenté en quelques mots, l'esprit qui anime la présente proposition de loi. Il n'y a là aucun absolutisme de la neutralité, monsieur le ministre, mais seulement le risque d'un mutisme forcé, organisé, des moins puissants.
Voilà donc un texte dont j'espère qu'il deviendra la lettre de l'esprit du net. Et s'il devait par malheur ne pas être adopté, comme je le subodore, je compte sur la réflexion tout aussi approfondie que pilote notre collègue Corinne Erhel pour faire une nouvelle fois la lumière sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)