La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique (nos 2911, 3111).
Cet après-midi, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures vingt-trois minutes pour le groupe UMP, huit heures cinquante-cinq minutes pour le groupe SRC, trois heures trente-trois minutes pour le groupe GDR, trois heures quarante-sept minutes pour le groupe Nouveau Centre et vingt-huit minutes pour les députés non inscrits.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Martine Martinel.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à ce stade de la discussion générale, je ne pourrais commencer mon intervention sans saluer l'intérêt de ce débat complexe et sensible qui permet de confronter des valeurs comme le respect de la dignité humaine, les représentations que chacun a construites tout au long de son histoire sur l'évolution de la famille, de la société et des convictions intimes.
Si je me réjouis de la réflexion menée par la commission spéciale, je suis davantage circonspecte sur le fond, devant l'état final du texte proposé à notre examen.
Certes, le projet de loi, tel qu'il nous est présenté, est consensuel et susceptible de recevoir un accueil favorable de la part de nombre d'entre nous. Mais, face aux extraordinaires enjeux qui nous attendent en matière de recherche, ce texte pèche par sa pusillanimité. À mon avis, il mérite d'être enrichi et d'évoluer. En effet, il ne servirait à rien, à mes yeux, de légiférer pour maintenir un statu quo, voire régresser.
Hier, monsieur le rapporteur, vous avez convoqué Ulysse et Prométhée dans nos débats ; mais il ne faudrait pas y ajouter Sisyphe…
Mais il n'existe pas beaucoup de Sisyphe heureux !
Le rendez-vous législatif que devait constituer ce projet de loi me semble à demi manqué. Que pouvons-nous, en effet, attendre d'un texte qui ne propose pas d'avancée véritable en matière de recherche scientifique et qui maintiendrait une interdiction en matière de recherche sur des cellules souches ?
La révision, en 2004, des lois bioéthiques de 1994 avait ouvert la possibilité de dérogations à l'interdiction de recherches à partir d'embryons à la condition de progrès thérapeutiques majeurs pour une période de cinq ans, période qui vient d'expirer le 6 février dernier. Durant ces cinq années – de 2006, année de parution des décrets d'application à aujourd'hui –, pas moins de protocoles de recherche ont été autorisés par l'Agence de la biomédecine.
L'Agence de la biomédecine a, durant ces cinq dernières années, effectué un travail tout à fait remarquable sur l'encadrement des recherches. Force est de constater aujourd'hui qu'il n'est plus nécessaire de conserver le principe d'interdiction des recherches sur l'embryon avec dérogation. Nous devrions autoriser les recherches sur les cellules souches embryonnaires issues d'embryons surnuméraires : ces recherches sont porteuses de grands espoirs dans le domaine médical – et pas seulement thérapeutique. On sait, grâce à l'éclairage scientifique des chercheurs, que ces recherches sur l'embryon sont aussi indispensables que celles menées sur les cellules souches adultes.
Ces cellules embryonnaires bénéficient d'avantages importants dans le cadre de la médecine régénératrice. Pour commencer, elles sont pluripotentes, autrement dit elles ont la capacité d'engendrer n'importe quelle cellule de l'organisme. En outre, leur capacité d'autorenouvellement est illimitée. En comparaison, les cellules souches adultes, on l'a rappelé en commission, ont un potentiel de multiplication beaucoup plus faible et des facultés de transformation plus limitées. On imagine sans peine le bénéfice que la médecine régénératrice pourrait tirer de recherches sur les cellules souches embryonnaires dans le but de les utiliser afin de remplacer tissus ou organes malades.
C'est donc à mes yeux une nécessité première que d'encourager la recherche ; nous ne pouvons plus nous satisfaire d'une clause de révision quinquennale. J'ajoute, et je tiens cet exemple pour édifiant quand on sait le poids de la religion dans la société américaine, que la première décision, symbolique, de Barack Obama, une fois élu, a été de signer un décret autorisant le financement public sur les cellules souches embryonnaires.
Je déplore aussi dans ce projet de loi une certaine frilosité en ce qui concerne l'AMP, comme cela a déjà été indiqué par nombre de mes collègues de tous bords.
J'aurais souhaité, pour ma part, que l'on puisse aborder ce sujet de manière plus directe, et pas sous le seul angle de l'infertilité des couples hétérosexuels, autrement dit que l'on puisse parler de la question préoccupante des femmes seules et des couples de femmes. Cette question avait été évoquée lors de la dernière élection présidentielle : François Bayrou avait reconnu qu'en la matière on était en pleine hypocrisie. Il avait même établi un parallèle, visiblement toujours d'actualité si l'on en croit les propos de certains, avec la question de l'avortement telle qu'elle était abordée avant la loi Veil : on ferme les yeux, on laisse les femmes partir à l'étranger – dans ce cas précis pour se faire inséminer – et on préfère ne pas légiférer.
Pour ma part, je reprendrai les propos de la sociologue Irène Théry qui pointe cette formidable ambiguïté de notre société : l'engendrement avec tiers donneur est possible mais nous refusons de l'assumer pleinement. On peut, dit-elle, engendrer un enfant ensemble alors que l'un procrée et l'autre pas. Et elle ajoute même : « Le jour où on instituera qu'il existe une troisième façon de devenir parents, ne reposant ni sur l'engendrement procréatif, ni sur l'adoption, alors la France aura fait sa petite révolution des esprits et regardera de façon un peu plus tranquille du côté du XXIe siècle. »
Regarder notre siècle plus sereinement, en toute lucidité, en tenant compte de l'évolution des moeurs, des progrès scientifiques et des besoins médicaux et sans jamais renier nos idéaux humanistes, c'est ce à quoi je vous enjoins tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant d'aborder la question de la levée de l'anonymat dont je déplore que l'article qui y a trait ait été supprimé, je tiens à préciser deux points et poser trois questions.
Je considère que la filiation est avant tout sociale. Je dirai même qu'elle est uniquement sociale…
En aucun cas, elle n'est biologique ou génétique.
La filiation et l'exercice de la parentalité apportent à chaque être humain sécurité, affection et éducation. Je ne reconnais aucune espèce de responsabilité ou lien de type biologique : seuls l'éducation et l'amour filial permettent à chacun d'entre nous de se construire. Aussi, avant d'aborder toutes les autres questions, il faut déjà pouvoir répondre à celle de la filiation.
Reste que l'intervention du médical sur la procréation et l'arrivée d'une donnée nouvelle, le don de gamètes, ont modifié le regard de la société par rapport à la légitimité de la filiation, créant une confusion et une interrogation, sans en mesurer l'impact psychologique sur les enfants – et je dirai surtout les enfants devenus adultes – ainsi conçus.
J'en viens à mes trois questions. de quel droit notre société, et en l'occurrence notre hémicycle, peut interdire à un donneur de faire connaître son identité ? De quel droit peut-on contraindre une famille, à tout le moins lui conseiller fermement, de révéler ce secret de famille, je dirai même ce secret d'État ? Et surtout, de quel droit peut-on interdire à un adulte né de ce don d'accéder à la connaissance de son histoire biologique, même si, on le sait, très peu d'entre eux accéderont véritablement à cette demande – et alors ?
Le titre V qui nous était proposé répondait à la fois à ces principes que j'ai développés et aux interrogations que j'ai posées et il respectait chaque partie, sans bousculer l'ordre établi.
De quoi avons-nous peur ? Car il s'agit bien d'une peur, me semble-t-il. Lever l'anonymat des donneurs de gamètes entraînera, prédisent certains, des bouleversements majeurs. Non, la levée de l'anonymat ne remettra pas en cause la filiation parentale. Qui peut croire qu'un donneur puisse prendre la place du père ? Personne. La levée de l'anonymat ne remettra jamais en cause la primauté symbolique du caractère social et affectif, pour reprendre les termes du rapporteur Jean Leonetti.
La revendication du droit aux origines exprime d'abord une quête personnelle, celle de la totalité de son histoire. Lever l'anonymat, ce n'est donc pas détruire le modèle familial. C'est reconnaître, au contraire, son caractère pluraliste et complexe. Nous n'avons pas encore saisi cette part de complexité que comporte l'histoire parentale de nombreuses familles d'aujourd'hui.
Non, contrairement à ce qu'on a pu entendre, la levée de l'anonymat n'offrira pas la possibilité, pour les futurs parents, de sélectionner le donneur. L'humain n'est pas un matériau biologique à qui l'on prête des qualités particulières ou encore des vertus intrinsèques, fussent-elles génétiques. En levant l'anonymat, nous créons la possibilité, pour l'enfant devenu adulte, de revendiquer librement des informations sur ses origines biologiques ; nous n'ouvrons donc pas un marché de gamètes : nous ouvrons un droit.
Non, la levée de l'anonymat ne renforcera pas les secrets de familles. La commission spéciale a validé, dans son rapport, l'idée selon laquelle la levée de l'anonymat inciterait les couples concernés à cacher à leurs enfants les circonstances de leur conception, en se fondant sur la crainte des parents de voir le père génétique s'immiscer dans leur vie familiale. Cette idée relève du fantasme.
Elle est d'ailleurs démentie par l'expérience suédoise que le rapporteur citait comme exemple.
Ce pays fait effectivement figure d'exemple, puisqu'il est le premier en Europe à avoir levé l'anonymat. Et qu'apprend-on ? Que les couples suédois ayant eu recours à l'IAD souhaitent, dans leur immense majorité, en informer leur entourage, et leurs futurs enfants, le plus tôt possible.
Certes, des difficultés, des appréhensions, des peurs existent, mais elles ne sont pas insurmontables.
Les candidats au don et à l'IAD seront peut-être moins nombreux, du moins provisoirement, comme nous le montrent les exemples britanniques ou suédois. Faut-il s'en inquiéter ? Je ne le crois pas. Certains parlaient tout à l'heure de droit à l'enfant ou de droit de l'enfant ; y a-t-il un droit à l'enfant ? Je ne le pense pas non plus.
La levée de l'anonymat a certes entraîné une baisse momentanée des dons, mais elle a aussi permis l'émergence d'une catégorie de donneurs aux exigences éthiques nouvelles : des donneurs engagés dans une démarche solidaire, des donneurs responsables et conscients du sens que recouvre cet acte altruiste.
De quel droit, dès lors, allons-nous interdire l'accès à leurs origines des personnes issues d'un don ? L'accès aux origines est une idée neuve en Europe ; il s'agit d'un droit reconnu par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, mais qui ne trouve toujours pas sa place en France, en dépit des recommandations du Conseil d'État.
Nos partenaires européens, pour nombre d'entre eux, l'ont reconnu en s'attachant à promouvoir une valeur essentielle : le droit fondamental qu'a toute personne de ne pas être sciemment privée par une autorité administrative quelle qu'elle soit, de l'accès aux informations qui la concernent, à commencer par celles touchant à ses origines.
Pourquoi notre société s'accommoderait-elle du secret, voire du tabou ? Aujourd'hui, un enfant peut avoir des parents et un donneur ; c'est ainsi, et nous devons en assumer les conséquences, notamment sur le plan juridique. Issu d'une histoire complexe, l'enfant doit pouvoir, à ce seul titre, accéder à la connaissance de ses origines.
J'ajouterai pour terminer que nous sommes tous inscrits dans une chaîne humaine. Les personnes issues d'un don de gamètes ont le droit de reconstituer l'histoire de leurs origines, qu'il s'agisse de leur filiation ou de leur origine biologique. À moins d'admettre – et c'est visiblement la position dominante aujourd'hui –, au mépris de ces droits, que le désir d'enfant des parents prime sur toute autre considération.
Dans une société laïque, dans une République laïque, nous devons avant tout faire confiance aux citoyens français, aux êtres humains, à leur intelligence, à leur compréhension et, au lieu d'interdire, la société devrait plutôt les accompagner dans cette démarche ou dans leur recherche de vérité. C'est aussi cela, une société respectueuse des droits de l'homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La révision des lois de bioéthique fait suite à une large concertation. Celle-ci s'est déroulée pendant plusieurs mois, avec la remise du rapport de la mission d'information en janvier 2010, puis les états généraux de la bioéthique qui ont permis aux Français de s'exprimer et à de nombreux rapports d'être publiés, avec la constitution d'une commission spéciale dont les débats ont été denses : je veux à cet égard la qualité et la richesse de ses travaux, et en remercier le président et le rapporteur.
Nous devons à présent fixer des règles qui vont s'imposer à des personnes souvent dans une grande souffrance. Ces règles répondent à des principes forts qui nous animent tous : la dignité de la personne humaine, le respect du corps humain, la protection de l'embryon et l'intérêt de l'enfant. Nous marquons aussi fortement notre opposition à la marchandisation du corps humain.
Pour beaucoup d'entre nous, nous sommes passés par des stades très différents et notre réflexion a mûri au fil des auditions. J'aborderai pour ma part trois sujets.
Le premier concerne l'anonymat du donneur de gamètes : plus de 50 000 personnes sont nées d'une procréation médicalement assistée avec sperme de donneurs. Nous sommes tous sensibles aux interrogations des enfants qui recherchent leur histoire. Cette impossibilité de connaître ses origines peut constituer un vrai préjudice.
Le texte du Gouvernement ne répondait qu'imparfaitement à cette demande. Pour commencer, on aurait pu, au sein d'une même fratrie issue de dons de sperme, avoir un enfant pouvant accéder à ses origines et l'autre non parce que le donneur aurait souhaité que son identité ne soit pas connue. J'avoue mon trouble. Sans oublier l'attachement en France au don anonyme, qu'il s'agisse du sang, des organes ou des gamètes. Envisager une évolution aurait conduit à revenir complètement sur ces principes auxquels je demeure fortement attaché.
J'en viens au don d'ovocytes qui représente une méthode de prise en charge de l'infertilité et fait partie intégrante des techniques de procréation médicalement assistée.
La différence entre le nombre de donneurs et la demande est préoccupante. Le délai d'attente pour une attribution ovocytaire est de vingt-quatre mois en moyenne, mais peut aller jusqu'à cinq ans. Notre intérêt est par conséquent de faciliter le don d'ovocytes et je suis favorable aux dispositions du texte qui prévoit de prélever les nullipares et d'accepter la vitrification des ovocytes.
Au delà, nous devons mieux informer le public sur ce don en organisant des campagnes d'information destinées au grand public ; nous devons en outre améliorer la prise en charge des frais occasionnés par ce don et en proposer une meilleure reconnaissance, ainsi que le prévoit le texte.
La recherche de l'autosuffîsance est un objectif majeur afin d'éviter « le tourisme procréatif » qui soulève de nombreuses questions liées à la diversité des pratiques professionnelles comme des principes éthiques observés dans les pays où se rendent les couples français.
Enfin, pour ce qui est de la recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires, il s'agit de trouver un équilibre entre la recherche médicale – qui doit permettre aux équipes de chercheurs de développer la recherche dans les limites de la loi et sans être entravée par elle – et le respect dû à l'embryon en sa qualité de personne en devenir.
Je suis, monsieur le président de la commission spéciale – puisque vous avez évoqué ce thème –, favorable à la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. J'ai bien entendu les chercheurs qui en ont montré les limites en faisant valoir l'importance de l'expérimentation animale et le rôle des cellules reprogrammées ou des cellules souches adultes. Mais j'ai lu aussi lu le rapport de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques que vous avez rédigé avec notre collègue Jean-Sébastien Vialatte : il montre l'importance des cellules embryonnaires humaines qui ont la propriété de cellules souches totipotentes jusqu'au stade de huit cellules, puis pluripotentes du stade morula jusqu'au stade blastocyste. Ces travaux présentent un indéniable intérêt sur le plan médical.
Pour ces raisons, j'ai été un temps favorable à une autorisation encadrée. Au cours des auditions organisées par la commission spéciale, la plupart des chercheurs ont précisé que le régime actuel n'entravait nullement les programmes de recherche. Dès lors, les conditions du régime actuel me paraissent intéressantes parce qu'elles confirment notre volonté de protéger l'embryon qui, certes, n'acquiert une personnalité juridique qu'à la naissance, tout en reconnaissant qu'il est plus qu'une chose, plus qu'un simple amas de cellules. Aussi comprendrez-vous que, sur ce sujet, je rejoigne l'avis du rapporteur : il s'agit bien de concilier liberté de la recherche et respect de l'embryon humain.
En conclusion, je souhaite que nous abordions cette révision en défendant des valeurs que nous partageons tous. Nous allons les exprimer de façon différente selon nos convictions, notre vécu, notre expérience professionnelle – je pense au professeur Touraine – dont je suis persuadé, étant moi-même gynécologue-obstétricien, qu'elle va nous amener à prendre des positions reflétant nos doutes. Je souhaite en tout cas que nous le fassions dans le respect des positions de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Occasion manquée : tel est incontestablement le désolant constat que l'on peut d'ores et déjà dresser de cette révision, pourtant programmée, des lois bioéthiques. On est même passé, au fil de l'examen du projet en commission spéciale, de l'ambition certes très limitée qu'affichait le texte du Gouvernement, à un statu quo…
…que la frange la plus ultra, la plus conservatrice, la plus intégriste de cet hémicycle…
…a jugé cependant insuffisant au regard des objectifs proprement réactionnaires qu'elle s'est fixés.
En témoigne son offensive, pour l'instant couronnée de succès en commission, qui vise à limiter dramatiquement à trois – pourquoi trois, d'ailleurs, quel est le fondement scientifique de ce chiffre ? – le nombre d'ovocytes fécondés dans un processus de fécondation in vitro.
Les députés socialistes doivent non seulement regretter cette révision pour rien, mais également résister au scandaleux retour en arrière qu'on veut nous imposer.
Finalement, et comme il est ici beaucoup question de filiation sociale, de filiation biologique, force est de constater la filiation politique de cette droite ringarde qui, au milieu des années 70, s'opposait – et avec quels mots ! – à la légalisation de l'IVG, qui, il y a une douzaine d'années, tentait, toujours avec les mêmes mots de haine et d'intolérance, d'empêcher l'adoption du PACS,…
…et qui, aujourd'hui, est une nouvelle fois à la manoeuvre au sein de notre assemblée pour tout simplement réfuter l'idée même de progrès.
Et pourtant, entre 2004 et 2011, en sept ans, la recherche scientifique, et plus particulièrement la recherche médicale, a progressé et la société a bougé. Ainsi, comment ne pas constater que les nouvelles formes de parentalité ont explosé, que le progrès scientifique, justement, permet maintenant de répondre à un désir d'enfant si facilement stigmatisé et trop rapidement opposé à l'intérêt supérieur de l'enfant par ceux-là mêmes qui utilisent régulièrement les droits de l'enfant pour réduire les droits des femmes ?
Il y a un demi-siècle, on imposait aux futurs parents la naissance d'enfants non désirés ; aujourd'hui, on veut continuer à interdire à des parents la naissance d'enfants désirés au prétexte que la procréation devrait rester pour l'éternité le fruit de la rencontre d'un homme et d'une femme.
Comment ne pas constater, à l'heure de la mondialisation et des sociétés ouvertes, que des pays proches culturellement ou géographiquement de la France font preuve d'une grande capacité d'innovation dans leur droit de la famille et d'une attention à la lutte contre les discriminations, sans que les fondements de la société s'en trouvent pour autant ébranlés ? Comment justifier, en ce domaine, une sorte d'exception française ?
Comment ne pas prendre la pleine mesure des évolutions des modes de vie familiaux provoquées par l'explosion du nombre des naissances hors mariage, désormais majoritaires, par la multiplication des recompositions familiales, par le choix d'élever un enfant seul ou avec un compagnon ou une compagne du même sexe, par le succès du pacte civil de solidarité, lequel a déjà répondu à l'attente d'un million de nos concitoyens ?
Comment continuer à privilégier de manière disproportionnée la dimension biologique de la filiation en la considérant comme une garantie de sécurité pour l'enfant ? L'existence de liens biologiques entre l'enfant et les adultes qui l'élèvent n'a pourtant jamais été l'assurance d'une bonne éducation.
Comment ne pas regretter, d'ailleurs, que notre conception de la protection de l'enfance repose encore aujourd'hui sur une idéologie du lien familial, et ne pas préconiser, dans l'intérêt de l'enfant, un recours plus fréquent à une famille d'accueil ?
Fonder la famille sur le lien biologique, c'est faire peu de cas de la souffrance des couples touchés par l'infertilité et avoir peu de considération pour leurs capacités à élever un enfant. C'est oublier trop rapidement toute une dimension de notre droit civil qui, par la possession d'état et la présomption de paternité, permet d'ancrer la filiation en dehors de liens biologiques, en confiant l'enfant à la personne qui l'élève et pas nécessairement à celle qui l'a conçu.
Cette primauté donnée au biologique conduit à justifier les conditions restrictives actuellement requises pour adopter conjointement – former un couple de sexe différent, de plus marié – par la vraisemblance biologique qu'elles offrent. Il faudrait réserver l'adoption aux parents qui pourront faire croire à l'enfant adopté qu'il a été conçu par eux… Peut-on toujours fonder une règle de droit sur un faux-semblant au moment où la société aspire à davantage de transparence ?
L'intérêt de l'enfant est sans aucun doute le critère le plus pertinent pour faire évoluer notre droit de la famille. Faut-il pour autant opposer d'emblée les droits de l'enfant aux aspirations des adultes – assimilées rapidement à une revendication d'un droit à l'enfant –, sans vérifier s'ils peuvent être compatibles ? Pourtant, en offrant à certains couples infertiles la possibilité de procréer grâce à l'aide de la médecine, la loi permet déjà de satisfaire un désir d'enfant que la nature empêche, et reconnaît ainsi une forme de droit à l'enfant, sans que le législateur y ait vu une atteinte aux droits de l'enfant.
C'est la raison pour laquelle, après avoir pris position, en 2004, pour l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe, les socialistes revendiquent aujourd'hui l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation aux femmes sans conditions de situation de couple ou d'infertilité : autrement dit, l'AMP doit devenir, de notre point de vue, accessible à toute femme, stérile ou non, qu'elle soit célibataire, en couple avec un homme ou en couple avec une femme.
Au-delà de l'application couperet de l'article 40 à bon nombre de nos amendements, nous regrettons que l'on n'ait pas saisi l'opportunité de cette révision des lois de bioéthique pour répondre aux coups de boutoir de la jurisprudence. Dans nombre d'affaires, en effet, plaidées tant au sein de nos juridictions nationales qu'au niveau européen, le juge a interpellé le législateur pour lui demander de prendre ses responsabilités.
Mais il est une autre occasion manquée : il ne nous a pas été permis de débattre dans cet hémicycle de la maternité pour autrui.
N'est-il pas paradoxal que ce sujet soit débattu dans la société, mais pas dans notre assemblée ? Au-delà de nos divergences, nous aurions pu échanger sur les valeurs respectables que sont l'éthique du don, l'altruisme, la valeur du consentement. J'ai encore à l'oreille la voix de notre collègue Jacques Domergue citant Emmanuel Vitria qui, chaque année, recevait la mère de l'enfant qui lui avait donné un nouveau coeur, afin qu'elle puisse l'entendre battre encore. C'est cela, l'éthique du don.
Ce sont des valeurs respectables, elles sont au coeur de notre débat.
Un débat sur la maternité pour autrui nous aurait peut-être permis d'évacuer les faux procès. Je suis convaincu que nous poursuivons tous ici le même objectif : bannir toute instrumentalisation, toute marchandisation du corps de la femme ; mais nous divergeons sur les moyens de l'atteindre. Faut-il maintenir une interdiction qui n'a été instituée qu'il y a vingt ans ou aller vers une légalisation évidemment encadrée ?
J'espère au moins que notre assemblée réservera un accueil favorable à l'amendement qui tend à assurer une filiation aux enfants nés par GPA à l'étranger. C'est en effet au nom même de l'intérêt de l'enfant, aux termes de la convention internationale de New York de 1989 dont la France est signataire, que nous espérons que sera autorisée cette inscription à l'état civil qui permettra à ces enfants de ne plus être des orphelins juridiques.
Reste, peut-être, un ultime regret : nous sommes nombreux dans cet hémicycle à appeler de nos voeux le vrai rendez-vous législatif qui permettra d'adapter la loi au progrès scientifique, au progrès médical, à l'évolution de la société. Mais, en ce domaine – et c'est un défaut supplémentaire du projet de loi qui nous est soumis –, nous avancerons désormais sans calendrier ni rendez-vous programmé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis le début de la discussion générale, nous avons tous conscience que ce débat sur la révision des lois de bioéthique occupe une place particulière, sinon unique, par rapport à nos échanges habituels. La réflexion éthique sur la science, sur ses rapports avec le corps humain, l'immensité du champ couvert, son évolution, interrogent chacune et chacun d'entre nous. Ce débat dépasse les clivages politiques traditionnels, ce qui n'exclue pas qu'il ne soit pas aussi politique, comme vient de le rappeler Patrick Bloche, chacun apportant arguments pertinents, respectables, et pourtant parfois contradictoires.
Pardonnez-moi de citer un écrivain originaire de Rouen – ma ville –, Gustave Flaubert…
…qui, dans son Dictionnaire des idées reçues, donnait cette définition de la science : « Un peu de science écarte de la religion et beaucoup y ramène. » Évidemment, sous la plume de Flaubert, la formule n'est pas sans contenir une bonne dose d'ironie ; il n'en reste pas moins que les progrès scientifiques appellent des choix politiques fondés sur des valeurs. J'ai pour ma part été très sensible à la réflexion d'Axel Kahn, longuement auditionné, qui rappelait qu'il existe deux types de valeurs : celles, permanentes, qui fondent notre humanité commune, et celles qui traduisent une parole élaborée, plus stéréotypée ou idéologique, plus changeante.
Je voudrais aborder plus précisément deux sujets, dont je regrette qu'ils ne soient pas ceux que les médias ont choisi de mettre en valeur auprès de l'opinion publique.
Classique, en effet !
Le premier concerne la place que nous voulons accorder à la recherche, la confiance que nous accordons aux chercheurs et aux autorités qui autorisent leurs protocoles, les outils dont nous voulons nous doter pour tenter de répondre aux espoirs de milliers de patients et à ceux de leurs proches. À cet égard, je trouve très regrettable que le Gouvernement ait choisi de maintenir un régime d'interdiction avec dérogation pour la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Dans son rapport, notre collègue Jean Leonetti reconnaît pourtant les potentialités prometteuses des cellules souches embryonnaires pluripotentes ou totipotentes, très différentes des cellules souches adultes.
Ce même rapport dit explicitement qu'il n'y a pas, dans les faits, de différence entre un régime d'autorisation avec encadrement strict et un régime d'interdiction avec dérogation, les conditions de recherche étant en réalité identiques, et que le souhait de garder ce principe d'interdiction est avant tout symbolique. Les symboles sont forts, mais dans les deux sens : quel est le message envoyé aux chercheurs ainsi culpabilisés ? On ne légifère pas sur un symbole. Pensez-vous vraiment que, en passant à un régime d'autorisation, nous ouvririons la boîte de Pandore et que, demain matin, l'Agence de la biomédecine verrait affluer les protocoles de recherche dépourvus de toute considération éthique ? Bien sûr que non ! Aucune audition n'a pu le laisser croire.
Ma collègue Martine Martinel l'a rappelé, l'une des premières décisions qu'ait prises Barack Obama à son arrivée au pouvoir a été d'autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires, interdite pendant l'ère Bush. Voici ce qu'il disait à l'occasion de la signature du décret : « Aujourd'hui, on ne connaît pas encore la portée des promesses contenues dans la recherche sur les cellules embryonnaires, et celle-ci ne doit pas être surestimée. Mais ce potentiel ne se révélera pas tout seul. Les miracles médicaux ne se produisent pas simplement par accident. Ils sont le résultat d'une recherche souvent pénible et coûteuse, d'années d'épreuves souvent solitaires et infructueuses, et d'un gouvernement qui manifeste la volonté politique de soutenir ce travail. »
En contraignant autant la recherche, vous situez la France dans la frange des pays les plus conservateurs, ce qui revient à dire que nous comptons in fine sur d'autres pour faire des découvertes médicales et thérapeutiques.
Quand je pense aux essais de chimiothérapie réalisés sur des enfants et des adultes atteints de leucémie, et aux progrès qui ont été accomplis depuis des dizaines d'années, je me dis qu'on ne peut pas faire obstacle à la recherche à tous les stades de la vie, prénatale comprise.
Par ailleurs, la recherche se fait aujourd'hui sur des embryons surnuméraires voués à être détruits. Je ne vois pas en quoi leur destruction serait une meilleure fin que la recherche et le progrès des connaissances scientifiques, qui pourraient aboutir à une meilleure implantation des embryons et à leur moindre destruction.
Le deuxième sujet qui retient mon attention touche au don d'organes. Je rejoins là ce que disait hier Jean-Louis Touraine. Le déficit de dons d'organes est tellement important qu'il est temps de prendre des mesures concrètes pour les encourager. Aujourd'hui, la loi dispose que le prélèvement d'organes est autorisé sur une personne dès lors que celle-ci ne s'y est pas formellement opposée de son vivant. En pratique, c'est la famille que l'on interroge à cet effet, dans des circonstances que l'on imagine très douloureuses. La volonté de consulter chaque citoyen adulte – ou futur adulte – doit se traduire dans les faits. Il pourrait ainsi être utile de mettre à profit la journée d'appel à la défense, à laquelle se soumettent tous les jeunes avant leurs dix-huit ans, pour diffuser largement l'information.
En conclusion, chers collègues, je regrette, comme d'autres avant moi, le manque d'ambition et la frilosité du texte, et vous demande à nouveau d'autoriser, en les encadrant, les recherches sur les cellules souches embryonnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce n'est pas un débat politique qui nous réunit aujourd'hui, mais un débat de conscience. Ce n'est pas un débat d'experts, mais un débat de citoyens. Chacun se doit par conséquent de l'aborder librement et de se prononcer en son âme et conscience.
Le sujet est difficile, puisqu'il touche au plus profond de la condition humaine : la conception de la vie. Comment le traiter autrement qu'avec ce mélange de gravité et de modestie qui a entouré les travaux de notre commission spéciale ?
Je voudrais à mon tour remercier son président, Alain Claeys, et son rapporteur, Jean Leonetti. Si nos débats ont été tout entiers tournés vers la recherche de ce qui est juste et bon, ce n'est pas seulement parce que le sujet l'imposait, c'est aussi parce que l'un et l'autre l'ont obtenu.
Cette manière d'aborder le débat a permis trois avancées. La première est le retour à l'anonymat intégral du don de gamètes. Ce n'était pas la position initiale du Gouvernement, et j'entends les critiques que cette évolution appelle. La levée partielle de l'anonymat avec l'accord du père aurait, c'est vrai, apaisé la souffrance des enfants nés d'une procréation artificielle et qui souhaitent connaître leur origine. Mais cette levée partielle aurait aggravé la souffrance de tous les autres enfants, ceux dont la demande se serait heurtée au refus du père donneur. Cette souffrance aurait été d'autant plus vive qu'elle se serait doublée d'un sentiment d'injustice. Comment justifier que deux enfants, nés dans les mêmes conditions, animés de la même volonté de connaître leur filiation, ayant présenté la même demande en ce sens, se trouvent dans des situations radicalement opposées, selon la réponse que ferait le père biologique à leur demande ?
Dans ce domaine plus que dans d'autres, la porte doit être ouverte ou fermée. Et personne n'imagine quelle puisse être entièrement ouverte. En disant cela, je n'affirme pas que l'anonymat intégral est une solution parfaite. Mais je crois sincèrement qu'il n'en existe pas de meilleure. Il est donc sage de s'y tenir. Et je voudrais remercier le Gouvernement d'avoir accepté d'évoluer sur ce point.
La deuxième avancée est l'interdiction de la gestation pour autrui. Je l'évoque rapidement, puisqu'elle n'est pas dans le texte. Mais il doit être clair que, si nous y sommes opposés, ce n'est pas parce que nous portons un jugement sur les femmes qui, dans de nombreux pays, se livrent à cette pratique. Elles peuvent le faire dans la meilleure intention, et c'est alors un geste dont il faut saluer la beauté. Mais je ne pense pas que l'on puisse passer un contrat sur une naissance programmée, pas plus que l'on puisse fixer dans un texte de loi les conditions légales d'une mort administrée.
La vie d'un homme, la mort d'un homme, c'est bien autre chose qu'un simple processus biologique.
La troisième avancée concerne le diagnostic prénatal, en particulier le diagnostic de la trisomie 21. C'est évidemment un sujet particulièrement douloureux, que nul ne peut aborder sans une profonde humilité, mais il est clair qu'un diagnostic prénatal systématique n'aurait de sens que si l'on était prêt à en tirer les conséquences, autrement dit si l'on acceptait que la constatation d'une anomalie doive conduire à une interruption de la grossesse. Sinon, qu'est-ce qui justifierait le caractère systématique du dépistage ?
La question est évidemment de savoir s'il est légitime de s'engager dans cette voie. Lors des états généraux, tous les organismes consultés ont répondu par la négative, en relevant les effets potentiellement eugénistes d'une telle pratique. Je partage profondément leur avis. Souhaiter que tous les enfants à naître soient beaux et bien portants, c'est évidemment bien compréhensible ; poser en principe qu'ils puissent être sélectionnés, ce serait totalement inacceptable.
S'agissant enfin, de la recherche sur l'embryon, Alain Claeys disait hier soir que, pour beaucoup d'entre nous, l'interdiction sauf dérogation était ressentie comme un moindre mal. C'est vrai, et je ne cache pas que je me reconnais pleinement dans cette expression. Aucun de ceux pour qui l'homme n'est pas seulement un être biologique, aucun de ceux pour qui la vie humaine, même lorsqu'elle est en devenir, a quelque chose, disons-le, de sacré, ne peut accepter sans les plus vives réticences qu'un embryon utilisé pour la recherche soit ensuite voué à la destruction.
Il faut tirer les conséquences de cela et dire clairement que l'interdiction sauf dérogation n'est acceptable que si les raisons et les modalités de cette dérogation sont elles-mêmes acceptables. Encore faut-il qu'elles soient bien délimitées, ce qui suppose que le texte soit, sur ce point, plus précis qu'il ne l'est aujourd'hui.
Dans ce débat, il n'y a pas d'un côté les progressistes et de l'autre les conservateurs.
Nous sommes tous conscients que la société évolue, que la science progresse, et que c'est une chance pour l'homme.
Pour autant, au-delà de ce qu'il faut bien appeler la contingence ou l'éphémère, n'y a-t-il pas des données permanentes qui sont consubstantielles à la nature humaine elle-même ? Demain comme hier, la conscience et la raison feront de l'homme un être différent ; demain comme hier, la conscience et la raison feront de chaque homme un être unique et irremplaçable. Cela ne changera pas, parce que cela ne peut pas changer.
Gardons-nous, par conséquent, des tentations de la mode et des sollicitations du mimétisme. Soyons nous-mêmes, en toute liberté, et si la France peut ainsi faire progresser la conscience mondiale, ne le regrettons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » : cette phrase de Rabelais était le sujet de mon épreuve de philosophie au bac, il y a un peu moins de trente ans. À cette époque, les lois bioéthiques n'existaient pas. Pourtant, déjà, la science avançait, des progrès étaient réalisés et de nouvelles perspectives pour la recherche sur le vivant s'ouvraient au bénéfice de tous.
Avec les lois bioéthiques, la France s'est dotée d'un encadrement législatif indispensable, jusqu'à présent entièrement réexaminé tous les cinq ans pour s'adapter aux différentes évolutions.
Je m'attarderai plus particulièrement sur la recherche sur l'embryon et la procréation médicalement assistée.
Par dérogation au principe d'interdiction et pour une période limitée à cinq ans, la loi de 2004 a ouvert la possibilité de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Depuis 2004, cinquante-huit protocoles ont reçu l'aval de l'Agence de la biomédecine ; la majorité des projets autorisés ont porté sur les cellules souches embryonnaires.
Récemment interrogé sur ce sujet, le professeur Frydman répondait que l'interdiction de la recherche sur embryon humain, sauf par dérogation et pour un temps limité, empêche des avancées. Il expliquait que tous les médecins qui ont fait progresser la science ces dernières années ont aujourd'hui le sentiment d'être freinés.
Hier, en annonçant la première naissance en France d'un « bébé du double espoir » ou « bébé-médicament », il a dénoncé le « maquis de précautions sur le plan législatif » qui entravent les progrès sur la procréation assistée. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à autoriser et encadrer les recherches sur les cellules souches embryonnaires au regard de leur intérêt pour la thérapie.
En effet, il faut mettre un terme à cette hypocrisie qui consiste à maintenir une interdiction assortie de dérogations. Si le législateur avait opté pour ce régime dérogatoire en 2004, cela traduisait avant tout les incertitudes des parlementaires sur les conséquences d'un passage direct à un régime d'autorisation, mais également sur le bénéfice de ce type de recherche. Plus de six années se sont écoulées et ces incertitudes ont pour la plupart été levées. La décision de 2004 n'est plus d'actualité, il faut donc lever cette interdiction de principe. Par un régime d'autorisation encadrée, la France lancerait un signal fort à destination de ses chercheurs en leur garantissant une visibilité à long terme dont ils ne disposent pas actuellement.
J'en viens à la procréation médicalement assistée.
Partant du postulat selon lequel la PMA répond à un problème d'infertilité et non à une demande sociale, le désir d'enfant n'est pris en charge que lorsqu'il est le fait des familles conformes à un certain modèle traditionnel. Or les familles de 2011 ne sont plus les mêmes que les familles de 1920. Jadis modèle unique, la famille revêt désormais différentes formes. Monoparentale, recomposée, qu'elle repose sur deux parents ou sur plus de deux parents, que les parents soient de même sexe ou de sexes différents, la famille ne se définit plus uniquement par un schéma pyramidal avec, à son sommet, un père et une mère unis par le mariage. C'est pourquoi, si la révision à laquelle nous procédons actuellement doit permettre d'adapter les règles qui régissent la bioéthique aux évolutions de la science et de la technologie, elle doit aussi les adapter aux évolutions de la société.
Lorsque le droit d'adopter a été accordé aux personnes célibataires, ce fut bien la reconnaissance implicite des familles monoparentales. Il nous est aujourd'hui donné l'occasion d'avancer vers une reconnaissance de l'homoparentalité. À l'heure actuelle, le droit français n'autorise la procréation médicalement assistée qu'en cas d'infertilité médicale, ce qui exclut les couples homosexuels et les femmes célibataires.
En 2004, nous, députés socialistes, nous sommes prononcés – cela a déjà été dit – en faveur du mariage et de l'adoption pour les couples homosexuels. C'est dans cette logique que nous défendons l'ouverture de l'accès à la PMA à toutes les femmes sans condition d'infertilité. La procréation médicalement assistée ne doit plus se fonder sur le constat d'une infertilité médicale, mais sur celui d'un projet familial, pour lequel les parents font acte d'engagement.
J'espère, mes chers collègues, que notre assemblée avancera dans ce sens.
Par ailleurs, je tiens à saluer les avancées déjà obtenues en commission. En effet, si le projet de loi, dans sa rédaction initiale, prévoyait d'étendre aux couples liés par un pacte civil de solidarité la possibilité d'avoir recours à la PMA, les débats en commission ont supprimé toute mention du mode d'union du couple, ainsi que la condition de durée minimale de vie commune, qui ne permettait pas de juger de la stabilité d'un couple ni de prendre en compte le fait que les chances de succès de la PMA diminuaient au-delà d'un certain âge.
L'examen des lois bioéthiques nous donne bien sûr l'occasion d'ouvrir une véritable réflexion collective sur des sujets majeurs, ce dont je me félicite évidemment. Sur toutes ces questions qui renvoient bien souvent à des parcours personnels et à nos convictions philosophiques, nous devons avancer, sans pour autant céder aux sondages d'opinion…
…et tout en respectant les grands principes d'égalité, de solidarité, de laïcité et de dignité humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, qu'est-ce donc qui nous interroge ici ce soir ? S'agit-il de la liberté de la recherche, absolue quel que soit son objet, ou d'une liberté qui se demande quel est l'objet de sa recherche, sur quoi elle porte, ce « quoi » pouvant devenir « qui » dans le cas précis de l'embryon ? Que devons-nous analyser ou distinguer ? S'agit-il d'une distinction inopérante, qui serait inutile, entre autorisation de recherche encadrée et interdiction avec dérogations ? Mais quelle distinction s'agit-il pour nous d'énoncer ici ? Est-ce une distinction d'ordre pratique ? Évidemment non !
C'est bien pour cela, me semble-t-il, qu'une ambiguïté doit d'abord être levée. Sommes-nous ici pour valider telle ou telle technique, telle ou telle modalité pratique de recherche ou pour poser un principe au nom duquel ces modalités pratiques pourront ou ne pourront pas s'exercer ? Ne l'oublions pas : ce que nous essayons ici de mettre en forme, c'est de la règle, c'est du droit, c'est-à-dire une théorie au nom de laquelle une pratique est permise ou ne l'est pas. C'est bien la même question difficile que nous nous sommes posée dans le cadre de la mission, puis de l'examen la loi sur l'accompagnement de la fin de vie, qui distingue le traitement impérieux de la douleur, dût-il s'ensuivre une accélération de la fin de vie, et l'euthanasie active.
Dans ce débat sur la vie, chacun voit bien que ce qui se joue n'est pas seulement pratique, mécanique ni même indistinctement technique ; ce qui se joue renvoie à des choix politiques qui présupposent eux-mêmes une éthique. Comment considérer alors l'embryon comme une simple addition de cellules ? Dans le débat fondateur qui oppose nature et culture, qu'est-ce qui fait que cette nature, la nature embryonnaire, porte une telle possibilité de culture ? N'est-ce pas là ce qui permet de justifier en théorie, et non en pratique, de distinguer entre la partie et le tout, entre la cellule et l'embryon, ce qui peut être objet et non sujet de recherche ?
De telles questions, mes chers collègues, ne sont pas seulement actuelles. Elles ne sont pas seulement le signe d'un temps, voire d'un progrès qui ne fait que les aiguiser. Il me semble au contraire qu'ayant traversé toutes les philosophies, elles sont aussi anciennes que l'homme, parce que constitutives de l'homme. Car c'est bien de l'homme, de tout l'homme, qu'il s'agit ici ; de l'homme qui, ne cessant de s'interroger, interroge son rapport aux autres et au monde. Et dans notre quête de savoir éperdue, pour reprendre une distinction qui nous taraude depuis Platon jusqu'à Bergson, il peut même arriver que plus l'on sait, moins l'on connaît.
C'est pourtant dans cette quête, me semble-t-il, que réside toute notre dignité, et c'est encore et toujours cette quête qu'il nous faut, même en l'absence de réponse, poursuivre et protéger. Fragilité de la question de l'homme !
J'ai entendu cet après-midi l'interprétation qu'a faite notre collègue Aurélie Filippetti du mythe de Prométhée. M'en permettra-t-elle une autre lecture ?
Qu'est-ce, en effet, que ce feu dont voulut s'emparer Prométhée, sinon l'impossible réponse des dieux à la question de l'homme ? Que lui ont-ils laissé ? Un coeur dévoré par les questions de l'aigle, qui demeureront peut-être sans réponse, comme demeure sans réponse la mer sans fond où Icare, cherchant aussi la réponse absolue du soleil, a fini par s'abîmer.
Fragilité et dignité de la question, celle de l'homme. N'est-ce pas d'abord ce que ce texte nous propose de respecter ? N'est-ce pas aussi son mérite qui peut emporter notre conviction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Là où il se trompe, c'est qu'Aurélie Filippetti a moins parlé de Prométhée que d'Épiméthée !
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui est important, car il concerne directement le droit, la vie humaine et la question de l'accès à des techniques médicales en constant progrès.
Le recours à ces techniques qui bousculent régulièrement les limites de l'action humaine sur le corps et sur l'origine des individus pose de nombreux problèmes qui ne sont pas seulement juridiques, mais aussi philosophiques et anthropologiques, ou encore liés à la sécurité des soins ainsi apportés.
Vu l'ampleur du sujet, je me contenterai de trois considérations générales montrant, me semble-t-il, que si la législation progresse, elle reste en deçà de ce que nous pourrions espérer lui faire parcourir comme nouveau chemin au service des femmes et des hommes de notre pays.
À ces considérations je ferais correspondre trois idées qui auraient pu guider davantage notre réflexion et notre discussion.
Ma première considération est historique.
La plupart des interventions sur le corps de l'homme qui nous semblent naturelles aujourd'hui ont fait l'objet d'interdictions. La dissection fut interdite jusqu'au XVe siècle. Les recherches en matière de procréation médicalement assistée ont longtemps été privées de crédits publics. Pourtant, depuis le premier bébé éprouvette, 4 millions d'enfants sont nés après qu'on a eu recours à ces techniques. La contraception fut interdite et reste condamnée, notamment par les Églises. Enfin, pendant longtemps, la question des greffes fut largement discutée et certaines furent jugées plus acceptables que d'autres. Ce qui marque l'esprit, c'est qu'aux interdictions ont succédé des règles accompagnant l'autorisation et la pratique de ces nouveaux procédés.
Ma deuxième considération est relative à la méthode de discussion préalable à l'évolution de la loi française.
La discussion bioéthique est vue d'abord comme une affaire de spécialistes, éminents, certes, mais qui dirigent les opérations d'en haut, si j'ose dire.
Comme je l'ai indiqué ici même lors de l'examen de la loi instituant un débat public pour toute réforme amenée par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, il n'y a pas suffisamment de reconnaissance de la diversité des expériences, notamment au travers de ceux qui les vivent comme parents et patients.
Je regrette que les états généraux ayant précédé l'élaboration du projet ou nos débats préalables n'aient pas été l'occasion de présenter des expériences différentes de celle de notre pays en invitant des personnalités étrangères qualifiées, qu'elles soient scientifiques, politiques ou citoyennes et ayant eu la responsabilité concrète de faire adopter et de faire vivre des législations nouvelles.
Je regrette aussi que nous n'ayons pu entendre des témoignages de femmes ou d'hommes ayant fait des choix personnels mettant en jeu les règles existantes, que ces choix aient été heureux ou douloureux. En matière de bioéthique, je peux en témoigner à titre personnel, au-delà de l'accompagnement médical souvent pluriel, toujours utile, mais parfois contradictoire, la décision la plus importante revient à ceux qui vont vivre avec elle tout au long de leur vie.
Ma troisième considération est relative aux motivations très morales qui animent l'État. L'État, qui se refuse souvent à intervenir pour réguler des dysfonctionnements économiques et sociaux très perturbateurs des relations sociales, défend une action très tatillonne sur des sujets moraux de nature intime – on l'a vu récemment au Sénat à l'occasion d'une proposition de loi. Il n'est pas question de prôner son désengagement, mais il convient de s'interroger pour savoir s'il a raison de vouloir contrôler, non le débat, mais le point d'arrivée de celui-ci.
J'en viens maintenant à trois idées qui, discutées plus largement en amont, auraient peut-être permis de faire bouger plus aisément les lignes habituelles de la discussion sur ces sujets, et non, comme nous le faisons, d'aborder le problème sous l'angle de l'accès ou de l'utilisation d'une technique et d'en voir les éventuelles conséquences pour les individus.
Le premier concept est celui que, dans certains pays, on appelle « l'autonomie reproductive ». Il est sous-tendu par l'idée que les décisions des personnes d'avoir ou non un enfant sont intimes et profondément importantes. L'État peut et doit assister leur choix aussi loin que possible ; mais ce n'est pas à l'État de dire s'ils feront ou non de bons ou de mauvais parents.
Je pourrais dire qu'en l'état, il ne viendrait jamais à l'idée de quiconque de priver de ce droit une femme ou un homme, fussent-ils malades ou mauvais.
Certes, il n'y a pas de « droit à l'enfant » à proprement parler ; mais nous sommes dans une société où, quand on a les moyens de satisfaire la demande d'enfant, on le fait.
On autorise le don de gamètes ou d'embryons pour répondre au problème de stérilité de certains couples. Alors, pourquoi limiter cet accompagnement à ces seules techniques et les limiter aux seuls couples tels que le code civil les décrit et les reconnaît ?
À la limite, la seule restriction qui pourrait être apportée serait celle de savoir si les enfants recevront a priori une affection et un soutien parentaux au sens large du terme.
Je pense que cette réflexion aurait dû systématiquement nous guider quant aux possibles évolutions en matière de dons d'ovocytes, d'accès à la PMA et particulièrement de gestation pour autrui.
La deuxième idée est celle de la prévention de la marchandisation de techniques. Cet objectif est totalement justifié. Néanmoins, je dois avouer une certaine perplexité. Si l'on ne statue pas sur un certain nombre de sujets, il est possible que ce qui ne sera pas autorisé et régulé soit source de marchandisation.
Je suis effrayée par toutes les surenchères autour des techniques permettant d'avoir des enfants. Mais, en l'absence d'un accès encadré dans notre pays, on va vers un commerce honteux, non du corps humain, mais de l'accès à des techniques autorisées à quelques centaines de kilomètres de l'endroit où nous discutons ce soir. Les femmes et les hommes qui ont les moyens iront chez nos voisins européens pour y recourir et les autres n'auront pas le droit d'y accéder. Je pense que le refus de l'interdiction de certaines pratiques ne vaut pas marchandisation. D'ailleurs, dans les pays où de nouvelles pratiques ont été autorisées, ni le corps humain ni les individus n'ont vu leur statut et leur protection diminuer, pas plus que leur valeur réduite à de l'argent.
Au contraire, on peut raisonnablement penser que l'État, mais aussi des institutions publiques, des organismes privés et, évidemment, l'éducation sont en mesure de veiller et de promouvoir d'autres valeurs : le don, la réciprocité, le bien commun, le respect, toutes valeurs qui donnent aux échanges individuels un sens que l'argent ne peut fonder.
La troisième et dernière idée est que la recherche médicale a une finalité sociale et que sa régulation doit être commandée par les besoins des vivants.
Il est clair que les scientifiques veulent pouvoir progresser dans leurs recherches et les médecins appliquer leurs découvertes au bénéfice de leurs patients. Leur parole collective va néanmoins au-delà de leurs intérêts propres. Ils parlent pour toutes les personnes qui ont un intérêt encore plus direct aux progrès possibles : ce sont celles chez qui on a diagnostiqué une maladie à l'issue souvent fatale et à laquelle la recherche pourra un jour apporter un remède.
Quand on évoque la recherche sur l'embryon et les cellules souches, nous avons, comme le dit le docteur Sureau, une réaction, instinctive. Notre réponse à cette question est non : on pense au savant fou qui se livre à d'invraisemblables manipulations du vivant humain.
Mais il faut réfléchir, comme l'a fait par exemple le Royaume-Uni : penser au nombre d'anomalies qui grèvent la procréation humaine. La découverte de ces anomalies conduit à des interruptions de grossesse, dont le nombre augmentera sous l'influence des progrès techniques et du rejet encore très fort de la « différence ».
Dès lors, pour ne prendre que cet exemple, la solution passe par la possibilité d'étudier de façon approfondie la fécondation humaine, in vitro, en ayant recours à des gamètes fournis dans ce but, dans un cadre réglementaire nouveau, de manière à comprendre, puis à éviter la survenue de ces anomalies.
Autoriser aujourd'hui la recherche dans ce domaine, c'est éviter demain de ne pas pouvoir faire naître des êtres désirés et de laisser souffrir des êtres aimés.
Au final, que peut-on inférer de ces considérations et de ces idées ?
À titre personnel, je considère que notre pays devrait avoir une approche pratique consistant à estimer un acte éthiquement bon ou mauvais en fonction, certes, de principes, mais aussi de ses conséquences humaines vécues. Le législateur a aujourd'hui plus qu'avant un rôle d'accompagnateur.
Comme j'ai pu le constater derrière la plupart des demandes d'évolution de notre législation, il y a une motivation forte, irréductible au droit et à la science qui est le sens même de la vie : l'amour. Puissent nos débats nous aider à le respecter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis hier, nous parlons tous en conscience, tant la proposition de loi que nous examinons nous renvoie à nous-même, à nos moeurs, à notre morale, à nos habitus.
Ainsi, chaque article a été pensé, pesé à l'aune de nos convictions les plus profondes ; car il s'agit bien de concilier la recherche avec des finalités médicales et des principes éthiques.
À ce stade de la discussion, je m'attarderai donc, simplement, et sans originalité, sur l'article 5 relatif aux dons d'organes et sur la possibilité d'autoriser le transfert d'embryon après le décès du père dans des situations exceptionnelles.
En France, le champ des donneurs d'organes potentiels est toujours restreint à ce que l'on appelle la « famille nucléaire » c'est-à-dire aux conjoints et aux personnes ayant une vie commune. Or aujourd'hui, grâce à l'évolution de la science, des sciences, les besoins en greffes d'organes sont nombreux et sauvent bien des vies humaines. C'est pourquoi, au regard de ces besoins croissants, nous avons le devoir d'encourager la pratique du don et surtout de l'élargir à toute personne ayant un lien affectif et stable avec le receveur, comme cela se fait déjà dans la plupart des pays européens.
Par ailleurs, notre pays a toujours privilégié les prélèvements d'organes à partir de donneurs décédés. Or dans ce domaine aussi, nous avons le devoir d'évoluer. La transplantation rénale, notamment, est encore très insuffisante. C'est cependant la greffe la plus fiable et la plus courante. C'est pourquoi, à partir de ce seul exemple, nous devons aboutir à une meilleure prise en charge financière des donneurs vivants d'organes et de tissus.
Enfin, la France a toujours refusé les dons croisés d'organes. Le Gouvernement a décidé de remédier à cette anomalie en autorisant uniquement les dons croisés anonymes entre deux couples donneur-receveur lorsque le don n'est pas possible au sein de chaque couple. Cette timide avancée demande que nous allions plus loin, en élargissant le cercle des donneurs vivants potentiels.
Plusieurs amendements ont été déposés en commission pour préciser, notamment, les modalités des dons croisés et faciliter les dons d'organes en général. Cependant, les amendements proposés pour élargir le cercle des donneurs vivants n'ont pas été adoptés. Souhaitons ce soir que la sagesse nous guide !
Rappelons enfin que le transfert post mortem d'embryon est une continuité de la vie lorsqu'il a été inscrit dans un projet parental d'AMP exprimé par chacun des membres du couple. Cet embryon doit pouvoir être implanté en cas de décès brutal du père. Ce transfert permettrait de répondre à des situations rares, mais dramatiques.
Des délais de réflexion sont certes nécessaires, car nous devons tenir compte des contraintes juridiques, psychologiques et médicales liées à cette situation, exceptionnelle. Mais ce transfert, s'il est adopté, permettra à la mère de mener à terme son projet de maternité. Vous avez cité Camus, monsieur le rapporteur, et d'autres orateurs Rabelais : c'est en conscience, je l'espère, qu'à travers ce projet de loi, nous ferons avancer la recherche pour toutes les personnes en souffrance qui attendent de nouvelles molécules – et ce soir, je pense tout particulièrement, sans pathos, à nos collègues Patrick Roy et Françoise Olivier-Coupeau. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Alors que s'ouvrent nos débats sur la révision des lois de bioéthique, l'actualité nous rattrape, avec l'annonce, hier, de la naissance du premier « bébé médicament ». On peut l'appeler « du double espoir » pour faire un petit plus spécialiste ; il n'en demeure pas moins que cela soulève un certain nombre de vraies questions. Ce sont encore, il y a une dizaine de jours et, aujourd'hui, par le biais d'amendements que nous examinerons tout à l'heure, les débats sur l'euthanasie ; ces débats sont bien sûr difficiles, ardus, mais ils ne doivent pas être réservés aux spécialistes ou aux scientifiques seulement sous peine d'être sans doute un peu confisqués.
Ils appellent à beaucoup de modestie. Nul ne peut affirmer qu'il détient la vérité. Pour autant, et pour répondre à notre collègue Filippetti, il faut éviter le relativisme : tout ne se vaut pas. Les États n'ont pas tous la même approche. Certains vont loin, peut-être trop loin. Faut-il, néanmoins, tomber dans le dumping social, dans le dumping éthique ? Je constate que ceux qui sont contre les OGM et contre les manipulations génétiques sur le végétal ou sur l'animal sont parfois un peu moins prudents avec l'humain.
À l'ultralibéralisme économique succéderait l'ultralibéralisme sociétal, objet de toutes les surenchères ? Halte au feu ! Il n'y a pas, d'un côté, le progrès qui serait défendu sur ces bancs…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Si !
…et, de l'autre, l'obscurantisme ! Ce serait trop simple ! À ceux qui défendent ou qui se targuent de défendre le mieux-disant culturel, je réponds volontiers : osez le mieux-disant, mais le mieux-disant éthique !
Si vous êtes contre le dumping social, soyez contre le dumping éthique ! Il existe deux approches différentes de l'éthique, l'une et l'autre respectables : celle de l'éthique autonomie, l'éthique liberté quasi absolue où chacun s'en remet à sa propre déontologie, par essence un peu plus contingente, et celle de l'éthique de la vulnérabilité, que je défends, vous vous en doutez. Il me semble fondamental que l'État l'assume. C'est le plus faible que l'État doit protéger au début, comme à la fin de la vie.
Cela renvoie, bien sûr, au débat sur l'euthanasie, à la recherche sur l'embryon ; et si je ne craignais pas le procès en « ringarditude »…
En parlant de « ringarditude », je vous regarde et je pense à la présidente d'un certain conseil régional ! Mais si vous préférez, je dirai « zenitude » !
Halte au feu ! Pourquoi prendre le risque de promouvoir une culture de mort ? Je ne souhaite pas que le texte que nous allons examiner soit un texte de compromis : je préfère un texte d'équilibre, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Il me semble, du reste, et au-delà de mes propos, que nous ne sommes pas nécessairement si loin de cet équilibre. Nous avons, en effet, pu réaffirmer avec force notre accord sur deux grands principes : la dignité de la personne, la non-marchandisation du corps humain, son indisponibilité, l'impossibilité de le réifier. Le corps n'est pas à vendre. Il ne peut y avoir de marché quelconque. Le code civil, entre autres, le précise fort bien. Certes, nous sommes sensibles à la difficulté, à la douleur même des couples qui ne peuvent pas avoir d'enfant, à tous ces patients en attente de greffe : leurs souffrances sont un peu les nôtres et notre empathie est évidemment très présente.
Pour autant, ce regard de quasi-tendresse que nous portons à ces couples ne peut nous conduire à tout accepter.
Dans le domaine de la bioéthique, plus que dans d'autres sans doute, nous savons qu'il existe un effet de cliquet. La porte entrouverte ne se referme jamais ! Alors, soyons prudents avant d'ouvrir cette porte ! Montesquieu lui-même le disait fort bien, et cela a été en partie repris par Sieyès : s'il est parfois nécessaire de changer la loi, il n'y faut toucher que d'une main tremblante. Et sur ce point, il est prudent d'avoir la main tremblante ! Je pense toutefois qu'il est du devoir même, de l'honneur du Parlement de fixer le cadre de ce qui est autorisé ou non, de dire le type de société que nous voulons ou non. Le législateur n'est pas qu'un suiveur.
Les familles sont, bien sûr aujourd'hui, diverses. Elles se recomposent, elles se transforment. À chacun de faire comme il l'entend.
C'est la liberté : nous sommes dans un État démocratique. Je revendique cependant le droit pour le législateur de fixer un modèle de ce qu'il pense être l'idéal. Le législateur n'a pas à habiller de juridisme toute situation de fait. La bioéthique doit être citoyenne. Le débat doit, bien sûr, exister. Les états généraux ont, du reste, été un succès. Nos concitoyens ont été très intéressés et ont été associés, mais c'est à la représentation nationale qu'il revient, me semble-t-il, d'avoir le dernier mot.
C'est ce que l'on appelle le contrôle démocratique. C'est pour cela que certaines gouvernances doivent être revues. Il en va ainsi de l'Agence de la biomédecine. L'Agence n'a pas démérité, loin de là, et je peux attester personnellement de son engagement et je la remercie même très sincèrement de son action. Mais je voudrais lui éviter quelques tentations. Ôtons-lui le risque d'être juge et partie et, donc, rendons à la représentation nationale le droit de dire ce qui lui semble important.
Comme nous, elle peut se tromper. S'il avait fallu attendre que l'opinion publique soit contre la peine de mort, aujourd'hui, nous y serions encore ! Heureusement, un autre choix courageux a pourtant été fait contre l'opinion publique.
Je disais, il y a quelques minutes, que l'équilibre aura été recherché. Quelques améliorations sont encore nécessaires. Nous sommes passés à côté du pire avec la GPA, trois lettres pour « faire technique ». En réalité, ce sont les mères porteuses. On ne peut accepter un « marché de l'utérus », réduire la femme à son ventre. C'est de la réification. Il n'y a pas de droit à l'enfant, faut-il le rappeler ?
Par ailleurs la PMA – « M. » pour médicale – doit rester une réponse à une difficulté médicale, comme son nom l'indique. L'infertilité est un traumatisme, un drame. Il est heureux que la science, si elle en a les moyens, puisse y remédier. Nous sommes au XXIe siècle. Depuis belle lurette, les mentalités ont évolué et les procès en sorcellerie sont évidemment bien loin. Mais, en aucun cas, la PMA ne doit répondre à un autre souci, à une demande sociétale. Dans ce cadre, disons-le clairement, l'homoparentalité ne peut avoir sa place.
En ce qui concerne les recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, je me réjouis, au moins à ce stade de nos échanges, du maintien de la force de l'interdit. Certains diront, je l'ai entendu, que c'est hypocrite, illusoire ! Peut-être, mais si c'est pareil, pourquoi vouloir l'autoriser à tout prix ?
J'apprécie, comme beaucoup, le signal fort donné qui brise le tabou de la diminution du nombre d'embryons surnuméraires. Cela ne résout certes pas la question du stock, mais cela évitera, au moins, à l'avenir une inflation. Les Allemands l'ont fait depuis fort longtemps et, à ce que je sache, l'Allemagne – tout comme l'Italie du reste – n'est pas un pays moins démocratique où les libertés seraient moins protégées que chez nous. La vitrification des ovocytes permettra, notamment, d'atteindre aussi l'objectif de la diminution du nombre d'embryons surnuméraires. Je m'en réjouis, mais prenons garde, cependant, à certaines dérives. La détention d'ovocytes et de sperme congelés ne doit pas aboutir, à terme – car il sera si facile de réunir les deux – à la fabrication d'embryons pour la recherche cette fois. Je sais que c'est aujourd'hui interdit, mais il risque parfois d'y avoir des dérapages à l'avenir.
On peut faire mieux. Les méthodes alternatives sont ainsi à développer : la recherche sur les cellules souches de sang de cordon, les cellules souches adultes reprogrammées. Cela vaut d'ailleurs pour la trisomie 21. Sans entrer dans la polémique d'hier ou de ce matin qui nous a agités, force est de reconnaître que la pratique actuelle est assez eugéniste et porteuse d'une forme de totalitarisme.
Elle doit se rééquilibrer avec une recherche accrue sur les causes et possibilités de résoudre cette maladie ou ce handicap. J'aurai, par ailleurs, l'occasion de revenir sur l'anonymat du don de gamètes, sur la levée qui en est souhaitée et sur un certain nombre d'arguments entendus, sur ma difficulté à accepter la transplantation post mortem d'embryons : il me semble difficile de créer ex nihilo et pratiquement volontairement des orphelins.
Pour terminer sur une note peut-être un peu plus consensuelle et qui nous réunira davantage, je voudrais parler du « don de vie ». L'expression regroupe, vous le savez, le don de sang, de plaquettes, de plasma, de moelle osseuse et d'organes. Ce don de vie a été l'objet d'une grande cause nationale en 2009 à mon initiative et grâce à la volonté du Premier ministre. Sans doute faut-il y ajouter le sang de cordon. La question se pose, peut-être aussi, mais sous une autre forme pour les gamètes. Il faut promouvoir ce don de vie à tout prix. Il faut sans cesse informer, communiquer, sensibiliser, remettre l'ouvrage sur le métier. Il est indispensable qu'on parle à l'école, en ville, mais plus encore dans les familles de ce don d'organes. Les positions de chacun doivent être connues pour pouvoir être anticipées. Trop de personnes – plus de 14 000 – sont en attente de greffe. Trop de personnes – entre 400 et 500 – meurent tous les ans. Le coût humain est terrible. Sans parler, même si cela peut paraître très secondaire, du coût financier, du coût médical, en dialyses et en traitements. Nombre de mes amendements ont été adoptés et je m'en réjouis.
Le projet de loi permet de développer le don croisé, je m'en félicite également. Mais il faut aller beaucoup plus loin : il faut impérativement développer dans notre pays une culture du don pour assurer la relève des donneurs de sang, des donneurs de moelle osseuse et pour favoriser aussi le don d'organes : le taux de refus est de pratiquement 30 % en France, contre 15 % en Espagne. Ce don post mortem est évidemment un moment douloureux et délicat. Notre pays doit être autosuffisant pour éviter ce tourisme transplantatoire qui est un déshonneur et une honte, et pour lutter contre ces trafics d'organes qui ne sont malheureusement pas si loin, aux portes de l'Europe !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Nous ne devons pas importer du sang et de ses dérivés issus de dons payants à l'étranger. Le modèle français du don anonyme, altruiste et gratuit doit être préservé. Sur ce point, nous pouvons être largement d'accord.
Xavier Bertrand, en introduction de nos travaux, hier, disait que nous pouvions faire mieux en matière de don et de greffes. Je dis chiche, madame la secrétaire d'État. Les associations sont prêtes. Je le sais, car je préside un collectif réunissant l'ensemble des associations qui travaillent au don de vie. Les parlementaires sont aussi prêts, si la volonté politique existe et je pense que ce peut être le cas ! Tout est possible ! À l'image du Plan cancer, développé voici quelques années, il est tout à fait possible et réaliste de mettre en oeuvre un plan « don de vie » ou l'équivalent. C'est un engagement national. Je crois que nous y gagnerions et que l'État et la société se grandiraient.
En conclusion, je dirai : soyons prêts à défendre une éthique de conviction et de respect, chère à Weber. Ne soyons pas utilitaristes, obnubilés par la recherche d'un changement à tout prix : hâtons-nous lentement ! Gardons bien en tête que ce qui est techniquement possible, scientifiquement réalisable – je peux, je dois – n'est pas nécessairement souhaitable. Je ne reprendrai pas Rabelais, déjà abondamment cité. Mais ayons la main tremblante. Gardons l'esprit rabelaisien, non pas pour sa table et Pantagruel, mais pour sa sagesse et continuons d'avoir cet état d'esprit qui nous anime : le bien commun, le progrès de la société, c'est vrai, mais sans jouer aux apprentis sorciers. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, de nombreux sujets ne seront malheureusement pas abordés dans ce projet de loi, comme l'euthanasie, l'encadrement de la recherche en neurosciences, les nanotechnologies ou la gestation pour autrui. Le texte qui est soumis à notre examen est une loi de frilosité, quasiment de statu quo, parfois même rétrograde dans le domaine de la recherche. Je déplore que, sur de tels sujets, comme mes collègues l'ont très bien démontré avant moi, notre assemblée ne soit pas capable de suivre l'évolution des aspirations de notre société.
Comme les deux collègues qui m'ont précédée, je vais concentrer mes propos sur le titre II, qui tend à modifier certaines dispositions applicables au sang, aux organes, aux tissus, aux cellules. Il est particulièrement sensible pour moi d'évoquer ce soir les lois de bioéthique, et plus particulièrement ce titre II, puisque je suis porteuse d'une carte de donneuse d'organes délivrée par l'ADOT 16, comme, je l'espère, nombre d'entre vous ici.
Que disent les lois en vigueur ? La loi du sénateur Caillavet dispose que « celui qui ne s'oppose pas est donneur potentiel, généreux sans avis de la famille ». La loi de 2004 reprend les principes de la précédente mais prévoit que les réanimateurs doivent s'enquérir, auprès de la famille ou d'un proche, de la volonté du défunt en état de réanimation artificielle et provisoire. Or le taux de refus avoisine toujours les 30 %.
Quels sont les problèmes qui nous interpellent aujourd'hui ? Les greffes sont quotidiennes, les techniques opératoires maîtrisées, le rejet est jugulé depuis la découverte de la cyclosporine et des autres anti-rejet. Il reste un refus des défunts, ou plutôt des familles, une fois sur trois.
La responsabilité du législateur est donc très simple dans cette affaire : nous devons lever tous les obstacles juridiques pour accroître les possibilités de prélever des organes. Devant les difficultés, est née l'idée des greffes croisées. Pour prendre un exemple simple, deux personnes ont besoin d'une greffe de rein. Il existe des volontaires dans l'entourage, mais ils ne peuvent donner pour incompatibilité dans le groupe ABO. Ils vivent loin les uns des autres, mais X peut donner à Z et Z peut donner X. Deux dialyses sont donc évitées, deux vies sont potentiellement sauvées, tout le monde y trouve son compte grâce au principe de solidarité et avec la protection de l'anonymat.
Il ne s'agit pas dans ce cadre d'évoquer le don cadavérique ; nous parlons d'une chaîne croisée de dons, des dons croisés pour la vie et pour l'espoir. Nous ne devons pas oublier que, chaque année, de nombreux malades en attente d'une greffe décèdent, faute de donneurs.
Le cercle des donneurs a déjà été élargi en 2004 : père ou mère du receveur, conjoint, frères et soeurs, filles ou fils, grands-parents, oncles et tantes, cousins germains, cousines germaines, ainsi que le conjoint de son père ou de sa mère. Je ne comprends pas pourquoi les neveux et nièces ont été exclus, de même que les demi-frères et demi-soeurs. Le donneur peut être concubin, pacsé, ou toute personne pouvant apporter la preuve d'une vie commune. Le délai de deux ans me paraît également arbitraire, et je voudrais qu'on m'en explique les raisons.
Le principe d'une campagne nationale d'information par le biais des différents médias, internet compris, est une proposition majeure ; encore faut-il s'y tenir. Nous pourrions imaginer une campagne encore plus efficace. L'information sera dispensée dans les établissements d'enseignement : cela permettra de faire connaître l'existence du registre des refus, mais ce sera aussi l'occasion de délivrer une carte de donneur aux personnes majeures. Ces séances associeront des membres du corps enseignant et des volontaires militants dans des associations pour la promotion du don, comme France ADOT.
À l'article 5 quater, notre commission a ajouté une disposition précisant que nul ne peut faire l'objet d'une discrimination en raison d'un don d'organes, mais c'est la société tout entière qui doit se reconnaître globalement redevable de ces donneurs. Des manifestations collectives symboliques pourraient être organisées, comme la plantation d'arbres.
Pour conclure je voudrais vous livrer une réflexion sur l'actuelle législation et le fichier des refus. Un adolescent de treize ans peut exprimer sa volonté de ne pas donner ses organes alors qu'il faut attendre l'âge de dix-huit ans pour se positionner en faveur du don… On marche vraiment sur la tête ! La loi favorise une attitude négative alors que le don est altruiste et salvateur, et je remercie M. Mamère d'avoir proposé de créer un fichier des acceptations ou de conserver un fichier unique remanié afin de recueillir les refus et les acceptations, heureusement plus nombreuses.
Mes chers collègues, il est de notre devoir de légiférer dans le sens de la vie en prenant toutes les mesures nécessaires pour faciliter le don d'organes ou de cellules dans notre pays, et je vous invite à voter les amendements déposés par notre groupe. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux dire ma fierté de participer à ce débat sur la révision des lois de bioéthique et me féliciter de la qualité de nos travaux, tant dans la mission d'information qu'au sein de la commission spéciale. Je vous en remercie, monsieur le président, ainsi que vous, monsieur le rapporteur, même si, ces derniers temps, nous n'avons pas toujours suivi parfaitement les fruits de vos réflexions. (Sourires.)
Les travaux de nos commissions ont en effet été de grande qualité. Nous avons écouté les courants religieux et philosophiques : il est nécessaire pour un État laïque d'agir ainsi, mais il ne saurait pour autant être question de laisser telle ou telle religion arbitrer nos décisions.
Je me félicite également de la parole apportée par nos concitoyens lors des états généraux de bioéthique mais, là encore, s'il est important d'écouter et d'entendre, au nom de la démocratie participative, c'est à nous qu'il revient d'assumer nos responsabilités et de trancher le débat. Débat difficile, certes, tant il est impossible de compiler des opinions extrêmement différentes, voire antagonistes, mais nous avons le devoir de trancher, et c'est l'occasion qui nous est offerte pendant ces trois ou quatre jours de discussion du projet.
Oui, nous devons établir un cadre, d'autant que la loi actuelle ne prévoit plus la révision systématique des lois de bioéthique. Ce qui ne nous interdira pas de revenir devant le Parlement si une innovation scientifique nous y oblige. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs.)
Ce cadre est important, mais ce ne doit pas être rien ou presque rien, madame la secrétaire d'État : bon nombre d'entre nous se sont inquiétés de voir le peu d'avancées que nous propose le texte. Deux principes intangibles guident nos travaux : le respect de la dignité de la personne humaine et l'interdiction de la marchandisation. C'est bien évidemment la colonne vertébrale, le fil rouge, et ce qui doit être l'esprit de la loi.
De nombreuses questions reviendront dans le débat. Je voudrais en aborder très rapidement quelques-unes avant d'évoquer le sujet qui me semble être le centre de la loi : notre relation à la recherche.
Notre groupe politique a déposé de nombreux amendements relatifs à la procréation médicale assistée. Nous avons fait des propositions fortes, que nous défendrons avec détermination : en tout état de cause, il me semblerait insensé, inacceptable, d'en rester à un texte actuel qui n'autorise même pas une femme célibataire à accéder à une PMA, y compris pour des raisons médicales d'infertilité !
Je n'évoquerai pas la gestation pour autrui : c'est un sujet lourd dont nous aurons l'occasion de discuter. J'ai une position très claire sur la question, mais je l'exprimerai au moment où ce débat reviendra dans l'hémicycle – il le mérite.
Sur l'anonymat du don de gamètes, je suis les conclusions de la commission spéciale : il me paraît beaucoup plus important de mettre en avant le projet familial, le projet du couple, la qualité des relations entre les enfants et le couple plutôt que les données biologiques et génétiques.
Cela dit, nous devons prendre en compte la désespérance exprimée par certains adolescents ou jeunes adultes, et en analyser les raisons : elle survient souvent lorsque le jeune apprend brutalement les conditions de son existence. Il me paraît nécessaire de mieux accompagner les couples ayant recours à ces techniques, avant même le don de gamètes et en tout cas après : sans vouloir généraliser, c'est peut-être, chez certains parents, parce que la décision n'est pas assumée que se crée une situation conflictuelle à un moment donné de la vie de l'enfant. En tout état de cause, une décision de ce genre doit être largement accompagnée.
Un amendement a été déposé, et c'est l'honneur de notre assemblée, non seulement par notre groupe politique et par le président de la commission, mais également par des membres de la majorité présidentielle, Mme Aurillac en particulier, et qui touche au transfert d'embryons post mortem. Sujet difficile, car on peut se poser la question de savoir si l'enfant à naître ne sera pas un enfant « thérapeutique » destiné à atténuer deuil que vit la mère.
Michèle Delaunay évoquait hier le cas d'une femme qui, arrivant à l'âge de la ménopause, avait perdu son époux alors qu'un embryon pouvait lui être implanté. Il faut savoir être à l'écoute de ce type de situation ; plus simplement, au moment où nous faisons référence à la famille et à la fidélité, à l'histoire d'un couple, il faut savoir accepter qu'une femme veuille être fidèle à l'histoire qu'elle a construite avec celui avec qui elle a voulu faire sa vie et avoir un enfant. On imagine qu'il soit difficile pour ces femmes d'accepter un transfert de leur embryon à un couple qu'elles ne connaissent pas alors même qu'on leur interdit toute implantation… Je me réjouis donc que cet amendement ait été accepté par la commission spéciale, et j'espère qu'il sera validé par le Gouvernement.
Nous avons également discuté du dépistage de la trisomie ; je crains que nous ne soyons tous, collectivement, passés à côté d'un débat. Auparavant, le dépistage se faisait par amniocentèse : cet examen comporte des risques, en particulier celui d'une interruption de grossesse, et sa prescription était du coup assortie d'indications extrêmement précises. Aujourd'hui, grâce aux progrès de la médecine, l'échographie permet de diagnostiquer avec une forte présomption le risque d'avoir un enfant trisomique, et les résultats sont complétés par un examen biologique médical très simple, qui, sans garantir à 100 % l'existence ou non d'une trisomie, permet d'en établir une très forte probabilité. On a donc proposé ces examens à quasiment toutes les femmes, et cela a donné le résultat que l'on sait : un très grand nombre d'interruptions médicales de grossesse. Nous sommes vraiment passés à côté d'un débat ; ce doit être une leçon, une expérience, qui doit nous faire revenir souvent dans cet hémicycle pour discuter de sujets aussi fondamentaux que celui-ci.
J'en viens à ce qui me semble être le coeur de la loi : la relation que nous voulons avoir avec la recherche.
En 2004, il était interdit de pratiquer la recherche sur les cellules souches embryonnaires ni sur l'embryon. Un moratoire de cinq ans avait été décidé, avec possibilité de dérogation dès lors que ces recherches étaient seules, à l'exclusion de tout autre protocole, susceptibles d'amener à des progrès majeurs en matière de recherche fondamentale ou en matière thérapeutique, et dès lors évidemment que l'embryon ne donnait plus lieu à un projet d'implantation et que la recherche avait l'accord de la famille.
Ce fut rendu possible, il faut le souligner, par la qualité des travaux de l'Agence de la biomédecine.
Il est vrai que le sujet est très délicat. Plusieurs chercheurs que nous avons auditionnés nous ont d'ailleurs dit que la distinction n'était pas évidente, quant aux résultats, entre l'interdiction avec dérogations et l'autorisation encadrée. Cependant, la très grande majorité nous a également signalé que, si la loi ne comportait pas de nouvelles propositions en la matière, ce serait un signe négatif pour la recherche, qui pourrait donner lieu au départ d'un certain nombre de chercheurs vers d'autres pays.
Je pense toutefois que cet argument n'est pas suffisant pour déterminer la décision que nous devons prendre. Quant à moi, je pense que nous devons opter pour l'autorisation encadrée. J'ai été convaincue par le président de notre commission spéciale, qui a fait observer que, s'il y a bien transgression, ce n'est pas au stade de la recherche, mais à celui du prélèvement des cellules embryonnaires. Cela, nous l'avons, les uns et les autres, accepté, sauf ceux qui, généralement du fait de convictions religieuses fort respectables, refusent catégoriquement la recherche sur l'embryon et tentent de limiter les dérogations qui la rendent possible.
La majorité d'entre nous a accepté le principe de la recherche sur les cellules souches embryonnaires car elle donne des résultats. Il est toujours possible de conduire des recherches sur les cellules souches adultes, en particulier par la création de cellules souches IPS – lesquelles ont néanmoins pu être créées grâce aux cellules embryonnaires ! – et il est hors de question de considérer que ces démarches s'excluent : nous avons besoin des deux.
Je crois que nous nous honorerions d'inscrire dans la loi l'autorisation encadrée plutôt que l'interdiction avec dérogations.
Il est important que nous donnions un signal fort à nos chercheurs et à la recherche, que nous ayons un contrat clair, posant naturellement en principe le respect de la dignité de la personne humaine. Je participerai activement au débat pour défendre l'autorisation encadrée de la recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission spéciale, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour parler d'un sujet particulièrement difficile. Alors que j'avais souhaité écrire un discours, j'ai finalement décidé de vous parler plutôt avec le coeur, tant ce débat touche à l'intime.
Je voudrais dédier les quelques propos qui vont suivre à Jordan. Jordan avait six ans et a été enterré dimanche dans le cimetière d'un petit village de la montagne tarnaise. Certains diront qu'il était handicapé, je dirai qu'il était différent. L'indicible douleur de ses parents, Sébastien et Florence, l'amour qu'ils n'ont cessé de lui porter m'ont convaincu de monter à la tribune pour dire quelques mots, appuyés sur quelques convictions tout en sachant que la question, s'agissant de l'amour, ne peut être formulée qu'ainsi : « Est-ce codifiable ? »
Je ne suis pas un spécialiste de ces questions. J'ai assurément moins lu, moins écouté, moins participé à des colloques ou à des réunions que d'autres. Je n'ai pas non plus pris part aux travaux de la commission spéciale, dont je salue néanmoins le travail important, ainsi que celui accompli par les états généraux. À cette tribune, je souhaite m'exprimer en qualité de parent responsable, de citoyen vigilant et de législateur attentionné.
Certains ont dit qu'il fallait ne toucher aux lois que d'une main tremblante. Sur ce texte, en effet, peut-être plus que sur tout autre, nous devons avoir la main tremblante et le propos mesuré, tant les questions abordées sont difficiles et complexes. En ce qui me concerne, je le fais avec humilité.
Nous constatons tous les progrès fulgurants de la science : il y a quelques décennies, nul n'aurait pu penser que nous irions si loin, si vite, jusqu'à toucher aux fondements mêmes du vivant. Ce que nous avons à traiter, c'est l'écart grandissant entre ces progrès scientifiques et la capacité d'assimilation de la société.
Il s'agit d'un difficile équilibre à trouver. Certains ont évoqué des situations personnelles touchantes, le vécu de personnes de leur entourage, ayant trait aux difficultés de couples en mal d'enfant, aux problèmes liés à la maladie ou au handicap. Face à ces situations personnelles et à ces demandes très fortes, nous devons, lorsque les moyens techniques existent, apporter des réponses, mais il faut aussi poser des principes dans la loi pour éviter les dérives : l'eugénisme, la marchandisation…
Il existe un certain nombre de bornes auxquelles se réfère chacun d'entre nous, quelles que soient ses convictions intimes et ses croyances. Si toutes sont, à mes yeux, respectables, je crois que, sur un point au moins, nous pouvons nous retrouver : la dignité humaine, qui est inviolable et doit être protégée. La volonté de défendre les plus vulnérables doit également être un moteur de notre action.
L'un des points essentiels de ce texte a trait au statut de l'embryon. Nous sommes souvent revenus sur cette problématique forte – et pour cause : ne l'avons-nous pas tous été ? La réponse à la question de ce qu'est l'embryon – une chose, une personne, une réalité intermédiaire, ce que certains appellent un corps embryonnaire – est un élément essentiel à la compréhension des différentes positions possibles. En ce qui me concerne, je dis oui à la recherche sur l'embryon, mais non à l'embryon comme matériau de recherche.
La question qui en découle est celle des embryons dits surnuméraires, au nombre de 170 000, et conservés en état de congélation. Il est clair que nous devons être très prudents, et je pense personnellement que nous n'avons pas à les conserver. Je le dis de façon responsable : demain la situation peut être différente, et si nous ne mettons pas dès à présent des garde-fous, nous risquons gros.
Il faut qu'il y ait, préalablement à toute volonté de procréer, un projet parental. Les questions du diagnostic prénatal, du dépistage des maladies par le biais des DPI, sont posées. Si le risque d'eugénisme n'existe pas directement, nous ne pouvons exclure qu'il existe de manière larvée. Dans une société où celui qui est jeune, beau, riche, intelligent, a plus de chances et de possibilités que d'autres, il ne faudrait pas qu'un déterminisme scientifique prenne le pas sur le mystère et les hasards de la vie.
Oui à l'assistance médicale à la procréation. Oui au don de gamètes dès lors qu'il reste anonyme. Non à la gestation pour autrui. Oui à l'utilisation du sang du cordon ombilical, aux travaux sur les cellules adultes. Au-delà, il faut favoriser l'information, la recherche, favoriser aussi, pour celles et ceux qui sont en mal d'enfant, l'adoption ; même si le thème n'est pas directement lié au débat, il est important.
De nombreux collègues ont évoqué les dons d'organes. Bien entendu, il faut les favoriser, passer d'une réalité quelque peu statique à des schémas plus actifs. Il est en effet des situations personnelles pour lesquelles il est important de faire que ces dons se généralisent.
« Seul l'amour peut garder quelqu'un vivant », disait Oscar Wilde : l'amour pour donner la vie, l'amour pour sauvegarder la vie, l'amour pour prolonger la vie. Je crois que, pour légiférer sereinement, il faut le respect. Sur ce texte, plus que sur les autres, respectons-nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis de constater une adhésion d'ensemble aux principes auxquels je me référais hier : respect de la dignité humaine, refus de la marchandisation, droit à l'autonomie. Ces principes constituent le socle de nos valeurs républicaines, dont notre législation n'entend pas s'écarter, quelles que soient les pratiques qui se développent dans certains pays. Je pense en particulier à la rémunération des donneurs d'organes, de cellules ou de gamètes. L'affirmation de ces principes ne suffit évidemment pas à tout résoudre. De plus, tout le monde ne s'en fait pas la même idée ni n'est d'accord sur la meilleure façon de les concilier, mais c'est l'essence même de la démocratie.
Les débats sur ce projet de loi montrent, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, à quel point les bons équilibres sont difficiles à trouver d'emblée, et combien l'écoute attentive et respectueuse des positions de chacun est absolument nécessaire pour cheminer vers les plus justes solutions. J'ai été très à l'écoute, mesdames, messieurs les députés, de vos contributions à cette discussion générale. Certaines évolutions présentes dans ce texte, d'autres qui n'y sont plus, font l'objet d'attentes indéniables au sein de la société civile : l'extension du don d'ovocytes et la levée de l'anonymat en particulier, ainsi que l'assouplissement des conditions d'accès à l'assistance médicale à la procréation. Nul ne peut prétexter que l'on ne répond pas favorablement à certaines aspirations concrétisées dans d'autres pays pour dire que ce projet de loi refléterait l'immobilisme et l'absence d'ambition. C'est en effet la méthode qui importe : la prise en considération de l'ensemble des points de vue, la pesée des risques, l'anticipation des différents impacts des évolutions considérées.
La méthode employée pour aboutir à ce projet de loi ne souffre aucune critique à cet égard : la multiplicité des instances consultées, les états généraux de la bioéthique, le travail exemplaire réalisé par votre commission spéciale en témoignent suffisamment. Le changement n'est pas une valeur en soi, surtout dans ce domaine si sensible de la bioéthique, qui concerne les débuts de la vie et l'intimité de chacun. Gardons-nous de céder aux injonctions hâtives de modernité. Nous avons besoin d'une évolution et non pas d'une révolution.
Je commencerai par la révision de la loi. Vous avez préconisé, monsieur Domergue, que l'on restaure une clause de révision. De même, vous avez souhaité, monsieur Jardé, garantir la continuité du débat public pour garantir la révision du texte en cas de nécessité. Votre préoccupation commune est de mieux garantir une réactivité adéquate du législateur en cas d'émergence de nouveaux risques en matière biomédicale. Surtout, vous craignez que ni le Parlement ni les citoyens ne soient suffisamment associés à la continuité de la réflexion sur ces risques et sur les adaptations qui en découleront nécessairement. Il est indispensable, j'en conviens, d'organiser la gouvernance de la vigilance bioéthique pour mieux garantir son efficacité. La démarche doit être précisée, et ses étapes jalonnées. Toutefois, il n'est pas nécessaire de rétablir une clause de révision périodique, pour les raisons que j'ai expliquées hier. Certes, l'édifice législatif, bientôt stabilisé, continuera de nécessiter des ajustements, et je suis en revanche tout à fait d'accord pour mettre en place un dispositif de transparence et de vigilance qui permette aux parlementaires et aux citoyens de conduire les réflexions nécessaires et de proposer des ajustements.
Concernant l'accès à l'assistance médicale à la procréation, le principe posé dans la loi me semble essentiel : l'AMP est d'abord une réponse médicale à un problème médical. Par ailleurs, s'agissant des techniques d'AMP, les intervenants ont presque tous exprimé leur attachement aux nouvelles techniques de congélation des embryons, qui devraient permettre de diminuer le nombre de surnuméraires, conviction que je partage évidemment. Nous aurons largement l'occasion d'aborder ce sujet lors de l'examen des amendements.
Par ailleurs, faut-il rétablir la possibilité de levée de l'anonymat qui figurait dans le projet de loi initial ? Cette question est certainement l'une des plus délicates. De nombreux intervenants, comme Michel Vaxès, Jean-Yves Le Déaut et Hervé Mariton, se sont exprimés contre la levée de l'anonymat, alors que d'autres, comme Patricia Adam etGaëtan Gorce, la souhaitent pour des raisons qu'ils ont parfaitement expliquées. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir à la disposition initiale. L'intérêt de l'enfant n'est pas aisé à déterminer : d'un côté, la grande majorité des personnes issues de l'AMP ne demandent pas à accéder à leurs origines ; de l'autre, certains enfants devenus adultes sont confrontés à une souffrance persistante parce qu'ils ont besoin d'une transparence complète sur leur histoire.
Vous avez été nombreux à souligner les risques de dérives du diagnostic prénatal et l'impérieuse nécessité de renforcer l'information de la femme et sa bonne prise en charge lors du diagnostic initial, et c'est précisément à cet objectif qu'entend répondre l'article 9. Les craintes que se multiplient les interruptions volontaires de grossesse, soulignées par Hervé Mariton et Jean Dionis du Séjour, devraient donc être levées. Cet article encadre et organise la procédure de diagnostic prénatal, avec la préoccupation de donner à la femme une information claire et complète sur cette démarche et sur ses différentes étapes.
Il a par ailleurs été souligné, à juste titre, notamment par Bernard Perrut et par Véronique Besse, qu'il fallait encourager et rendre plus performante la recherche sur la trisomie 21. Il appartient à présent à chacun d'entre vous de vous prononcer sur les choix qui vous sont présentés.
Concernant le développement des tests génétiques réalisés dans des laboratoires non agréés ou à l'extérieur de la France, je partage pleinement le point de vue de M. Le Déaut, qui a insisté sur le danger que cela représentait.
S'agissant du don post mortem, Martine Aurillac a soutenu l'intérêt d'une telle possibilité, mais, j'y reste personnellement opposée et je pense ne pas être isolée dans cette attitude.
Sur le don d'organes, il existe un large consensus en faveur des dons croisés, et je m'en félicite. Il faut aussi, Bernard Perrut l'a évoqué, développer l'information des Français pour promouvoir le don d'organes de personnes décédées. Bien entendu, j'ai écouté les arguments développés par bon nombre d'entre vous sur cette question.
Concernant la recherche sur l'embryon et les cellules souches, les avis divergent. Jean-Louis Touraine, Catherine Quéré et Jean-Sébastien Vialatte ont insisté sur la nécessité, par souci de transparence, d'autoriser cette recherche en l'encadrant plutôt que de continuer à l'interdire tout en accordant des dérogations. Nous en débattrons mais, comme nombre de parlementaires, je reste d'avis de ne rien changer au texte car je suis attachée à la force symbolique de l'interdiction avec dérogations. Grâce au travail de l'Agence de la biomédecine, cette disposition n'a aucunement pénalisé la recherche ces dernières années.
S'agissant enfin de l'euthanasie, vous avez introduit, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, des amendements alors qu'une proposition de loi sur le même sujet a été rejetée par le Sénat il y a quelques semaines. Il convient de reprendre un tel débat dans un cadre approprié et non en exploitant des vecteurs qui ont un autre objet.
Bien entendu, de nombreuses discussions seront consacrées aux différents points que j'ai évoqués, mais je suis d'ores et déjà certaine que nous pouvons être fiers des échanges que nous aurons eus. J'insiste sur le fait que, comme l'a rappelé Paul Jeanneteau, il est important de ne pas se laisser gouverner par les émotions et de ne pas vouloir modifier à tout prix nos règles en fonction de l'état d'avancée de nos connaissances. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
À la demande de la commission, les amendements portant articles additionnels avant l'article 1er sont réservés. La réserve est de droit. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous regrettons la décision prise par la commission, donc par son président et son rapporteur, de réserver les amendements qui sont consacrés non pas à l'euthanasie comme vous l'avez dit, madame la secrétaire d'État, mais au droit de mourir dans la dignité,…
…avec la possibilité pour le médecin d'opposer la clause de conscience. Il ne s'agissait pour nous que de reprendre une proposition de loi que nous avions déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale en mars 2009, et surtout de montrer que l'on ne peut réviser les lois bioéthiques sans analyser ni discuter la question de la fin de vie. De même, on s'est opposé, et d'une manière assez dure, à ce que nous débattions de la gestation pour autrui. Je le dis aux représentants du Gouvernement et de la commission, et à certains de mes collègues : ces deux décisions montrent bien que vous avez voulu limiter le périmètre de cette révision des lois bioéthiques et qu'il y a un certain nombre de sujets qui, dans cet hémicycle, sont tabous alors qu'ils sont débattus dans la société. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cela prouve à l'évidence un grand décalage entre la représentation nationale, qui vit d'une certaine manière hors-sol (Même mouvement), et la société qui, elle, n'hésite pas à débattre.
Je ne rappellerai pas les enquêtes d'opinion menées depuis longtemps sur ces sujets, tels que, par exemple, le droit à mourir dans la dignité. Elles montrent qu'une majorité de Français…
…est favorable à cette disposition, qui compléterait la loi Leonetti, et voudrait que la représentation nationale en discute. Or, vous refusez la discussion.
Cette décision consistant à imposer la réserve de nos amendements est une mauvaise manière, révélatrice d'un état d'esprit étriqué. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je l'ai dit en défendant la motion de rejet préalable : vous cherchez uniquement à maintenir le statu quo. Or, lorsqu'il s'agit de réviser des lois de cette importance, qui ne doivent pas être prisonnières de la biomédecine car elles ont une implication sociale et sociétale, on doit accepter le risque du débat et ne pas maintenir un statu quo qui signifie toujours recul.
Nous aurons en fin de compte une loi qui tiendra davantage du carcan que de la régulation. Or nous sommes ici pour construire l'État de droit, lequel ne consiste pas à se laisser enfermer par la biomédecine, à se laisser emporter par ce que certains appellent le progrès – et qui reste à définir – ni entraîner par la recherche scientifique ; nous sommes ici pour encadrer et pour poser un certain nombre de barrières devant les risques prométhéens que certains voudraient nous faire courir.
Ce n'est pas en esquivant le débat, en ne discutant pas de sujets, certes difficiles mais qui font appel à notre conscience, que nous réglerons le problème.
C'est un rappel au règlement, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Mamère, je vous précise que, jusqu'à présent, votre intervention n'a pas été comptabilisée dans le temps de parole de votre groupe puisqu'il s'agissait d'un rappel au règlement, mais que la suite de votre intervention le sera.
Vous pouvez tout à fait la décompter du temps de parole du groupe GDR, monsieur le président, car je ne peux me contenter de voir des responsables politiques de droite et de gauche – président de la commission spéciale, rapporteur et Gouvernement – botter en touche en me disant que ces amendements ne sont pas dans le cadre de la loi. Qui, en effet, définit le cadre de la loi ? Nous, représentants du peuple, n'aurions-nous donc pas le droit de dire que l'on aurait pu s'étendre un peu plus sur les neurosciences et que la loi sur la bioéthique ne contient rien sur les nanotechnologies ?
Faudra-t-il attendre qu'il y ait des problèmes ? Que la science aille plus vite que nous, que le droit soit encore à la traîne et qu'il fasse du suivisme, alors que nous sommes ici pour poser un cadre ?
Pour terminer, je voudrais réagir à l'intervention de Philippe Gosselin et aux propos d'un de nos collègues de l'UMP qui m'a reproché, lorsque je l'ai croisé tout à l'heure, de préférer la défense des végétaux à celle de l'homme.
Ce n'est pas parce que l'on s'oppose à l'artificialisation du vivant en combattant les OGM qui ont des conséquences sur la nature tout entière que l'on n'est pas pour la défense de la liberté de l'homme et contre la marchandisation de l'humain.
Ne venez pas faire de faux procès à ceux qui sont contre la marchandisation du monde, de la nature et des hommes, qui défendent la liberté individuelle, le choix individuel, mais qui veulent l'encadrer par une loi. Nous sommes cohérents.
Qu'il s'agisse des paysans, de ce que nous mangeons, de ce que nous produisons, de ce que nous sommes dans la société, nous défendons une société de liberté et nous nous battrons pour cela !
Monsieur Mamère, lorsque la commission spéciale s'est mise en place, j'ai souhaité, en accord avec le rapporteur, que soient abordés des sujets qui ne figurent pas dans le projet de loi, en particulier la gestation pour autrui. J'ai souhaité que soit traité de façon large le problème de l'anonymat. Enfin, j'ai souhaité, et mon groupe avec moi, que l'on puisse discuter des problèmes sociétaux liés à l'assistance médicale à la procréation et des conditions de son élargissement. Vous ne pouvez donc dire que nous soyons enfermés dans un carcan.
En revanche, j'assume la décision de reporter la discussion de vos amendements, pour une raison simple : je connais le temps parlementaire, chers collègues.
Combien serons-nous vendredi matin pour aborder les sujets si importants que vous avez évoqués ? Combien serons-nous demain après-midi pour débattre de l'AMP, de la recherche et de certains autres sujets ?
Dans la discussion générale, comme au cours des débats que vous avez eus entre vous, ces sujets ont été centraux. Je pense qu'il faut prendre tout son temps pour les traiter.
Nous n'imposons donc pas de carcan : nous voulons organiser nos débats de façon à pouvoir aborder l'ensemble des sujets. (Applaudissements sur plusieurs sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
L'article 1er a trait à l'examen des caractéristiques génétiques. Il me semble que, dans le cadre du diagnostic d'une anomalie génétique grave, le fait de transmettre à la famille une liste d'associations directement concernées par les anomalies détectées serait une mesure de bon sens.
Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, ces associations, qui font un travail remarquable. Si l'on veut créer des conditions de liberté, de décision éclairée, ce point est extrêmement important. Que ce soient les associations de parents d'enfants trisomiques ou les autres, elles font un travail absolument admirable…
…auquel je tiens à rendre hommage ici de manière solennelle. Elles doivent être intégrées au dispositif créé autour du diagnostic.
L'article lui-même est assez équilibré, mais la présence d'associations de parents d'enfants vivant ces anomalies manque. Je voulais souligner ce point d'emblée.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis très touché de participer à ce qui est certainement l'un des grands débats de notre législature.
Comme je suis arrivé trop tard pour participer à la discussion générale, vous me permettez d'intervenir maintenant et je vous en remercie beaucoup, monsieur le président. Je ne serai pas trop long, mais je voulais participer à cette réflexion parce que l'on n'a pas tous les jours cette responsabilité, qui est peut-être une chance.
Nous parvenant après toute une recherche, toute une préparation, le texte qui nous occupe ce soir apporte la preuve d'une démocratie relativement aboutie. On a beau la critiquer, se faire du mal entre nous, il faut quand même reconnaître que c'est bien de pouvoir en arriver là et de cette manière-là.
Ce texte nous donne aussi l'occasion de revisiter notre relation à l'homme d'aujourd'hui. Il est vivant, adulte ou jeune, et il n'a pourtant pas beaucoup changé au fond : 40 % de nos semblables, sur cette planète, vivent avec moins de deux dollars par jour.
Force est de constater lorsque l'on observe le traitement de l'homme par l'homme, l'esclavagisme et le monde qui nous entoure, que l'on n'a pas encore pour l'humanité toute la considération que l'on devrait avoir. C'est une occasion pour la France et son peuple, avec son supplément d'âme, de rappeler notre attachement à l'histoire humaine.
S'agissant des sujets abordés par le texte que vous nous soumettez, monsieur le ministre – je vais peut-être répéter ce que tous les orateurs ont dit et que je n'ai pas eu l'occasion d'entendre, et vous prie donc de m'excuser si j'enfonce des portes ouvertes –, je crois qu'ils en appellent beaucoup à notre conscience.
Pour cette raison, il est bon de s'inscrire dans une perspective de réflexion, sans obligation de résultat immédiat. Le Parlement, l'Assemblée nationale doivent servir à inspirer et à éclairer le travail des scientifiques, de ceux dont la mission impérative est de réfléchir au devenir de l'homme.
En ce qui concerne les maladies génétiques – dont nous connaissons tous tant de cas autour de nous –, je crois qu'il faut trouver le moyen de laisser la liberté à ceux qui souhaitent savoir. Étant donné le changement de vie radical que cela provoque dans une famille, on peut difficilement le cacher.
Quant aux dons d'organes, ils représentent une chance. Il faut les encadrer et les mettre en oeuvre dans les meilleures conditions. La question étant cependant très avancée déjà, ce n'est pas la peine que je m'y attarde à cette heure.
L'anonymat pose un très grave cas de conscience et, pour ma part, je serais pour sa levée…
Mon intervention ne porte pas sur l'article 1er, mon cher collègue, je l'ai signalé d'emblée : le président a bien voulu me faire bénéficier d'une session de rattrapage car je n'ai pu m'exprimer tout à l'heure, comme vous-même, pendant dix minutes à la tribune. Je ferai plus court, mais je tiens à donner mon point de vue qui, sans avoir rien d'exceptionnel, n'est certainement pas pire que d'autres.
Plus les moyens de communications se développeront, et plus nos enfants voudront savoir d'où ils viennent, quelle est leur origine. Malgré tous les problèmes que cela pose et posera, notamment aux familles, il faut que l'enfant puisse, un jour, savoir d'où il vient.
Enfin, en ce qui concerne l'embryon, je crois en conscience que ma réflexion n'est pas assez avancée pour que je puisse émettre un jugement. Je crains par-dessus tout le commerce qui pourrait s'organiser dans ce domaine. Quand je vois celui qui s'établit déjà autour de l'homme, j'imagine ce qui pourrait se développer autour de l'embryon, en tant que porteur de vie. Si l'on peut trouver d'autres moyens pour faire avancer la science – et j'ai cru comprendre qu'il y en avait –, il ne faut pas hésiter à les utiliser.
Voilà, monsieur le président, ce que je voulais dire. Cette contribution ne sera sans doute pas essentielle, mais j'ai été heureux de pouvoir participer à ce débat. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, pour ma part je parlerai simplement de l'article 1er, qui est important.
En 2004, nous étions restés au milieu du gué puisque nous avions discuté de la responsabilité ou de la faute de la personne qui ne divulguait pas à toute sa famille l'existence d'une anomalie génétique grave. Nous avions même débattu du problème moral que cela posait.
C'est pourquoi je salue cet article, qui préserve le secret médical tout en prévoyant une manière d'informer la parentèle lorsque la personne porteuse de ce type d'anomalie ne souhaite pas le faire elle-même. C'est très important, car des décès peuvent survenir de façon brutale en cas de non-information.
Par mon propos sur l'article 1er, je souhaite illustrer ce que j'ai brièvement évoqué hier dans la discussion générale : si nous avons abordé cette question en 2004, des problèmes continuent de se poser, sans que le texte soit de nature à les résoudre.
En effet, l'article 1er traite du diagnostic d'une anomalie génétique grave et de la manière d'informer la famille via le médecin, l'article 2 des règles de bonne pratique en matière d'analyses médicales, l'article 3 des laboratoires autorisés, l'article 4 de la dénomination « empreintes génétiques ».
N'est donc pas traitée, monsieur le ministre, la question des tests génétiques par internet, qui se développent actuellement. L'article 16-11 du code civil fixe les conditions d'identification d'une personne par empreintes génétiques, que ce soit en matière judiciaire, médicale ou de recherche scientifique. Mais rien n'est dit, rien n'est fait à propos des tests sur internet.
J'ai fait une recherche très simple, en tapant « tests génétiques » sur un moteur de recherche. La toute première page obtenue indique : « Pour être absolument sûr, ne doutez plus ! Paternité, maternité, fratrie, autres tests ADN. Utilisez des échantillons discrets : salive, mégots, cheveux avec racine, sperme, sang, autre échantillon. Une seule qualité 99,9999 % pour un seul prix : 325 euros. Tests informatifs caractère privé. » Le site donne un numéro de téléphone français. C'est la négation de notre loi, qui encadre ces tests de conditions très strictes !
Tout à l'heure, à onze heures du soir, j'ai téléphoné au numéro indiqué. Ce laboratoire doit gagner beaucoup l'argent, car à cette heure tardive quelqu'un m'a répondu. J'ai demandé un test pour vérifier, de manière confidentielle, si une personne était bien de ma famille. Mon interlocuteur m'a répondu : « Pas de problème, monsieur. Envoyez-nous un échantillon et vous aurez les résultats dans les quatre jours, ou dans les deux jours si vous payez un peu plus cher. Ce résultat vous sera donné de manière confidentielle et privée. »
Ce site, vous l'avez, monsieur le ministre, sous les yeux. C'est tout de même incroyable, surtout quand on pense que nous allons discuter tout à l'heure de l'élargissement de ces tests !
J'ai demandé à mon interlocuteur où étaient réalisées les analyses. Il m'a répondu : en Allemagne ou en Espagne. Je lui ai fait remarquer que le numéro de téléphone était en France. Il me l'a confirmé, tout en me rétorquant qu'on avait le droit de téléphoner en France... Il a ajouté qu'un kit de prélèvement était d'abord envoyé au demandeur, puis les résultats.
Il semble donc que, dans ce projet de loi relatif à la bioéthique, l'on n'ait pas pris la mesure du phénomène.
Les conditions d'utilisation des tests ADN n'ont pas non plus été abordées. Un de nos collègues, aujourd'hui membre du Gouvernement, avait proposé que de tels tests puissent être effectués pour vérifier la réalité d'un regroupement familial, ce qui avait provoqué un tollé. Mais l'utilisation du fichier national des empreintes génétiques n'est pas davantage évoquée.
Réviser les lois relatives à la bioéthique sans aborder des questions aussi fondamentales, c'est passer à côté, je vous l'ai dit hier, monsieur le ministre, de pans importants de la réalité.
En citant cet exemple, j'ai voulu, de manière positive, démontrer la nécessité de travailler sur ces questions majeures d'ici à la seconde lecture. Je suis prêt à le faire avec le président de la commission spéciale et le rapporteur.
Il est impensable, alors qu'Internet mondialise notre société, que nous édictions des lois très strictes pour constater finalement que nous ne pouvons les faire respecter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est de nouveau à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l'amendement n° 175 .
Par cet amendement, nous demandons que soit reconnu – dans le cadre fixé, bien entendu, par l'article 1er – le droit à l'intimité génétique. Le fait qu'il soit possible aujourd'hui, en médecine prédictive, de déceler à partir d'une empreinte génétique, sans toutefois en être certain, un risque de développer un cancer à quarante-cinq ou cinquante ans, semble de nature à compliquer la vie psychique des personnes concernées plutôt qu'à la simplifier.
Le droit, pour la personne effectuant le test, de ne pas savoir, sauf dans le cas où des tiers sont exposés à la transmission.
Je demande à M. Le Déaut de bien vouloir retirer son amendement, d'abord parce que l'expression « intimité génétique » est floue, ensuite parce que l'objectif poursuivi est d'ores et déjà atteint dans notre droit positif.
Je suis tout à fait d'accord, en revanche, pour travailler davantage la question des tests génétiques sur Internet, qui posent un problème en droit européen et en droit français.
L'amendement est déjà satisfait par les dispositions relatives à la protection de la vie privée et par le secret médical. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 175 n'est pas adopté.)
Il s'agit de préciser que le document d'information doit être « rédigé de manière simple et compréhensible ».
Elle a repoussé l'amendement, mais il ne me semble pas inutile d'ajouter cette précision. J'y suis donc plutôt favorable à titre personnel.
Même avis.
(L'amendement n° 122 est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 94 rectifié et 136 rectifié , portant article additionnel après l'article 1er.
La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour défendre l'amendement n° 94 rectifié .
Il s'agit de permettre un changement de finalité de la recherche sans qu'il soit besoin de recueillir un consentement exprès de la personne chez qui ont été effectués les prélèvements.
La loi permet déjà la poursuite d'autres recherches que celles prévues initialement sur des cellules tumorales prélevées, à condition que le patient ait exprimé sa non-opposition à la poursuite de ces recherches sous la forme d'un accord exprès et recueilli par écrit. Si ces dispositions étaient maintenues, la non-utilisation d'échantillons réduirait les avancées de la recherche en cancérologie et les espoirs de développer des traitements ciblés permettant d'éviter certains effets indésirables.
Défavorable, car de telles dispositions figurent déjà dans une proposition de loi déposée par M. Jardé et votée par les deux assemblées.
La proposition a été adoptée par les deux assemblées. Elle a été soutenue, ici même, par Cécile Dumoulin et par Jean-Louis Touraine. Je ne vois pas pourquoi nous répéterions une disposition identique dans le présent projet.
L'adoption définitive de la proposition de loi n'est pas encore intervenue. Il serait plus prudent d'en reprendre les dispositions dans ce texte.
C'est exact. Je vous donne la parole, madame Greff, pour défendre l'amendement n° 136 rectifié .
Dans le cadre du groupe d'études sur le cancer, que je préside, cette question a été soulevée. Il me semble important de faire figurer les dispositions dans le texte que nous examinons aujourd'hui, afin que les malades atteints d'un cancer puissent bénéficier d'un traitement personnalisé.
Nous en avons débattu ici même, et vous avez soutenu la proposition de loi !
Les chercheurs ont besoin d'avoir la certitude de pouvoir poursuivre leurs recherches. Il est important de les encourager, car elles ouvrent des perspectives prometteuses. Adoptons l'amendement !
Je propose que, par sécurité, nous adoptions l'amendement, en y associant M. Jardé. Le Sénat aura tout loisir de supprimer cet article additionnel si, entre-temps, la proposition de loi de notre collègue est adoptée définitivement. Nous aurons ainsi une double sécurité.
La proposition de loi a été débattue deux fois dans cet hémicycle. Mme Fraysse et Mme Dumoulin ont pris la parole à cette occasion et l'Assemblée l'a votée à l'unanimité.
Si la première lecture a eu lieu, certes, en janvier 2009, la seconde lecture s'est tenue en mai 2010 dans notre assemblée, en décembre dernier au Sénat, et la CMP doit se réunir le 9 mars prochain.
Je propose, dans ces conditions, de retirer mon amendement et d'attendre que la CMP se réunisse. D'ici là, le texte sur la bioéthique viendra en discussion au Sénat. Si d'aventure la proposition de loi de notre éminent collègue Jardé n'était pas adoptée, le Sénat, dans sa grande sagesse, pourrait réintroduire la disposition par voie d'amendement. Et, de toute façon, le projet de loi relatif à la bioéthique reviendra en seconde lecture devant notre assemblée.
Faisant partie de la CMP qui va examiner la proposition de loi de M. Jardé, je confirme que la disposition dont nous parlons a été votée conforme par les deux assemblées.
La CMP ne pourra donc revenir dessus !
(L'amendement n° 94 rectifié est retiré.)
Dans ce cas, je dois émettre un avis défavorable à l'amendement, d'abord parce que M. Jeanneteau a retiré le sien, ensuite parce qu'il sera satisfait par l'adoption de la proposition de loi de M. Jardé. Je souhaite que les choses soient coordonnées.
L'avis défavorable du Gouvernement est-il maintenu, monsieur le ministre ?
Le Gouvernement suit la commission.
Je retire l'amendement, monsieur le président.
(L'amendement n° 136 rectifié est retiré.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l'amendement n° 174 à l'article 2.
Cet article précise que c'est un arrêté du ministre qui fixe les règles de bonne pratique.
Les exemples récents, monsieur le ministre – et ce n'est pas de votre fait –, montrent que, lorsque la loi laisse les règles de bonne pratique être prises par arrêté, le système est contraint. La congélation ultrarapide des ovocytes, par exemple, n'a pas été autorisée parce que le Conseil d'État l'a assimilée à de la recherche.
Je sais que le contexte actuel est difficile et que le rôle de l'AFSSAPS dans l'autorisation de certains médicaments est mis en cause. Mais nous ne nous trouvons pas dans le même cadre et il me paraît important de différencier les deux situations.
L'Agence de la biomédecine respecte, je pense, la loi, et la loi, c'est nous qui la fixons.
Pour moi, les règles de bonne pratique ne sont pas du domaine de la loi. Les dispositions législatives fixent, en effet, les grandes orientations, comme dans ce texte. Par ailleurs, renvoyer leur fixation à un arrêté peut entraîner des retards importants. C'est l'avis de l'Académie de médecine qui, lorsque nous avons entendu ses représentants, a exprimé le souhait que ce soit l'Agence de la biomédecine qui fixe ces règles.
Tel est le but de notre amendement.
Défavorable. Nous avons tous ici, sur tous ces bancs, assez d'expérience pour souhaiter qu'il y ait, en la matière, une responsabilité politique. Il est donc logique que la décision soit prise par le ministre.
Les exemples que vous citez dans d'autres domaines, monsieur Le Déaut, montrent bien que la fixation des règles de bonne pratique doit rester, in fine, de la responsabilité du politique.
J'entends que cela puisse se discuter, mais une chose est certaine : quand on a tout délégué aux experts – à la fois le contrôle, l'évaluation et la décision –, on n'a pas toutes les garanties pour la société. Plus la responsabilité politique se réappropriera les choses, mieux ce sera. Au moins, on saura exactement qui est responsable. Donner un pouvoir normatif à l'Agence de la biomédecine me paraît excessif. Avis défavorable, donc.
(L'amendement n° 174 n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Cet article a trait au régime d'autorisation des laboratoires réalisant des activités de génétique à des fins médicales. Il prévoit une nouvelle sanction pénale pour les laboratoires qui effectuent ces examens sans y être autorisés. Cette disposition est importante, et doit être étendue au secteur privé.
Il s'agit de supprimer une phrase que l'on retrouve à un autre endroit du code civil : « Les données qui résultent de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne doivent être exclusivement réservées à des fins médicales ou judiciaires ».
(L'amendement n° 81 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l'amendement n° 178 , portant article additionnel après l'article 4.
En commission, M. le ministre avait indiqué que, si la rédaction de cet amendement était affinée sur le plan juridique, il pourrait éventuellement être accepté – ce qu'a fait la commission lorsqu'elle l'a examiné au titre de l'article 88 du règlement.
L'article 16-11 du code civil dispose que : « L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ou d'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées. »
La loi de 2004 a évoqué le consentement de l'intéressé, en précisant qu'il n'était plus possible de réaliser des empreintes génétiques après la mort d'un individu. Cela faisait suite à l'affaire de la « fille » potentielle d'Yves Montand : une jeune femme avait en effet demandé à savoir s'il était réellement son père.
Si l'on doit procéder à des identifications par empreintes génétiques, il faut que cela soit possible dans des cas très exceptionnels, fixés par décret en Conseil d'État, tels que des accidents survenus à l'étranger sans qu'une information judiciaire ait été ouverte. Il existe actuellement un certain nombre de cas où l'on ne peut identifier par leurs empreintes génétiques des personnes décédées, auxquelles leurs familles attendent de pouvoir donner une sépulture. Ce peut être le cas, entre autres, de personnes dont le corps a été retrouvé dans un charnier.
Il se trouve qu'un article de la LOPPSI reprend mot pour mot cet amendement tout à fait justifié de notre collègue Le Déaut. Son article 5 dispose en effet qu'une telle identification est autorisée « aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes décédées ». L'amendement est donc satisfait.
Si cet article de la LOPPSI n'avait pas existé, j'aurais émis un avis favorable, à ceci près qu'il faut respecter le parallélisme des formes par rapport à l'amendement que nous avons examiné tout à l'heure. Sur le fond, je suis d'accord. Mais, pour des raisons de forme, je suis obligé de suivre l'avis du rapporteur.
Cet amendement pourrait faire progresser la recherche de la vérité sur certains événements qui remontent à près de soixante-sept ans. Il se trouve que la commune de Saint-Pierre-du-Jonquet est dans ma circonscription. Vingt-huit corps y ont été découverts, en septembre 1944 puis en novembre 1946. Tous ont été martyrisés, pendus et achevés d'une balle dans la nuque ou dans le front par la Gestapo. Sur ces vingt-huit suppliciés, dix-sept, à l'époque, ont pu être identifiés par un patient travail de reconstitution. Chacun d'eux a donc reçu une sépulture dans le caveau familial. Les onze autres, qui n'ont pu être identifiés à l'époque, ont été inhumés ensemble, sous onze dalles blanches devant l'église de cette commune. Or l'identité de sept d'entre eux peut être considérée comme probable, à défaut d'être certaine.
En 1946, les enquêteurs ne disposaient que d'éléments sommaires pour identifier ces corps. Soixante ans après, l'analyse de l'ADN est régulièrement employée dans de nombreuses affaires. Pourquoi n'utiliserait-on pas la technique des tests génétiques pour tenter d'identifier les onze inconnus ? Pour certains des noms proposés par les historiens, il suffirait de retrouver des collatéraux ou des descendants et de comparer les ADN. Le progrès scientifique permettrait de rendre enfin une identité à ceux qui demeurent dans l'anonymat depuis plus de soixante ans.
Pour cette erreur, je persiste à penser que l'amendement de Jean-Yves Le Déaut est nécessaire. Si l'article 5 de la LOPPSI prévoit effectivement la possibilité d'effectuer des recherches par empreintes génétiques « aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes décédées », il limite cette possibilité, sauf erreur de ma part, aux militaires décédés en opération, aux victimes de catastrophes naturelles ou aux personnes faisant l'objet d'un avis de disparition. Les cas de victimes civiles, hors cause médicale ou militaire et hors enquête pour disparition, ne semblent pas pris en considération à l'article 5 de la LOPPSI.
Je vous demande vraiment de vérifier ce qu'il en est et de ne pas écarter cet amendement a priori. L'historien Yves Lecouturier, qui m'a saisi de la question, y travaille depuis des décennies. Je crois que nous pourrions, par cet amendement, contribuer à la vérité sur le charnier de Saint-Pierre-du-Jonquet, car vous avez peut-être fait de l'article 5 de la LOPPSI une lecture incomplète.
Non, ma lecture de cet article n'est pas incomplète. L'alinéa qui suit celui que j'ai cité aborde certains cas spécifiques, mais l'article est de portée générale. Je maintiens donc que l'amendement est satisfait.
Cela dit, par souci d'apaisement, et si M. le ministre le veut bien, je donnerai, madame Dumont, un avis favorable. L'amendement me semble redondant, mais la situation sera ainsi totalement apaisée. Il est d'ailleurs des cas où il vaut mieux dire les choses deux fois, surtout si c'est de la même façon.
J'ai cru comprendre que M. le ministre était ouvert à une telle disposition. Peut-être me rejoindra-t-il pour donner un avis favorable, ce qui apaisera vos inquiétudes, madame Dumont, ainsi que celles de M. Le Déaut.
Monsieur le ministre, accédez-vous à la suggestion qui vous est faite ?
Je suivrai, une fois de plus, le rapporteur.
(L'amendement n° 178 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l'amendements no 177 .
Je le retire, car il découle d'un autre amendement qui a été rejeté tout à l'heure, et n'a donc plus d'objet.
(L'amendement n°177 est retiré.)
L'ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, telle qu'elle est rédigée, interdit l'exercice de la biologie médicale à des chercheurs non diplômés en biologie médicale, notamment dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation.
L'ordonnance pose de multiples problèmes, que nous avons déjà évoqués dans cet hémicycle. Elle interdit aux infirmières d'effectuer des prélèvements dans leur cabinet. Elle crée des difficultés aux laboratoires d'analyses médicales privés, mais également à ceux des hôpitaux, qui ne peuvent obtenir l'accréditation.
Récemment, le concours d'agrégation a été bloqué du fait de l'impossibilité d'inscrire des candidats devant le Conseil national des universités.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d'abroger cette ordonnance.
Aujourd'hui, au sein des laboratoires de biologie médicale des CHU, un certain nombre de chefs de service ne peuvent plus diriger leur service – c'est d'ailleurs également le cas en génétique, en hématologie ou en bactériologie –, parce qu'ils n'ont pas le diplôme qui est devenu obligatoire. On a créé un véritable problème à l'hôpital public, qui se pose aussi, d'ailleurs, dans les laboratoires privés.
Elle a émis un avis favorable. Je note cependant que cette ordonnance procède à de multiples modifications du code de la santé. J'attends donc l'avis du Gouvernement, qui a entièrement rédigé l'ordonnance son abrogation intégrale aurait sans doute des effets secondaires allant au-delà de l'objectif des auteurs de l'amendement.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Initialement, j'étais tenté d'émettre un avis défavorable et de vous dire que cette ordonnance serait revue à l'occasion de la proposition de loi Fourcade. Mais celle-ci n'a pas vocation à être un fourre-tout. Je ne peux donc pas vous garantir que la question sera examinée dans ce cadre.
Nous serons donc amenés à retravailler nous-mêmes ce qui relève du pouvoir réglementaire, donc de l'ordonnance, dans un climat de totale concertation – je ne dis pas « codécision », car nous ne serons peut-être pas d'accord avec tout le monde. Il y a certainement des sujets qui, comme celui-ci, sont à revoir.
Je suis favorable à l'amendement, que j'avais même proposé de cosigner. En commission, monsieur le ministre, vous nous disiez exactement ceci : « Je suis prêt à examiner la situation et à revenir, au besoin, sur l'ordonnance. Si vous faisiez des propositions à cet égard, ma tâche serait facilitée. » Nous avons à coeur, monsieur le ministre, de vous faciliter la tâche et d'abroger, pour ce faire, l'ordonnance. (Sourires.)
Je suis également prêt à m'associer à cet amendement, dont nous avons été saisis très tardivement lorsqu'il a été présenté dans le cadre de la loi HPST, dans laquelle il faisait un peu figure de cavalier.
Si l'on veut que l'organisation de la recherche, des soins et de la thérapeutique dans les facultés de médecine se fasse de manière pluridisciplinaire, il ne faut surtout pas maintenir cette ordonnance.
J'ai moi-même été, au cours de ma carrière, après mon doctorat ès sciences, assistant de faculté et assistant des hôpitaux. J'ai donc participé à des activités de biologie médicale. C'était possible, comme c'est possible au Canada, aux États-Unis et dans la plupart des pays développés. Depuis cette ordonnance, il n'est plus possible à des scientifiques, à des pharmaciens, de travailler en coopération au sein d'équipes pluridisciplinaires dans des laboratoires de biologie médicale. Je suis donc totalement favorable à la suppression de cette disposition de l'ordonnance, dont les rédacteurs n'avaient sans doute pas perçu toutes les conséquences.
L'hôpital d'Arras va fermer ! (Sourires.)
Non, il n'est pas question d'Arras, je n'en ferai pas une affaire personnelle, comme M. Le Déaut.
Il me semble que ces personnes que l'on évoque conservent la possibilité de participer aux recherches. Ce qu'elles ne peuvent plus être, c'est professeur titulaire de chaire. Mais n'est-il pas logique que, pour être professeur titulaire de chaire au titre d'une spécialité x ou y, il faille avoir des compétences dans ces spécialités ?
Peut-être comprends-je mal l'enjeu, mais je suis un peu dubitative. J'ai été interpellée, inversement, par des personnalités ayant les diplômes ad hoc à qui l'on a refusé une chaire parce que d'autres personnalités, sans doute très compétentes et plus en vue, mais qui n'avaient pas le diplôme, occupaient la chaire, interdisant ainsi à des jeunes ayant la spécialité en question d'y accéder.
J'avoue donc ma perplexité par rapport aux arguments développés par les uns et les autres, à moins qu'il y ait un aspect qui m'échappe.
Nous ne sommes pas dans le cadre de la recherche, mais dans celui du diagnostic. Il s'agit de faire des diagnostics génétiques.
Le texte comportait initialement le terme « laboratoire de génétique », ce qui ne faisait pas problème. Maintenant, il comporte le terme : « laboratoire de biologie médicale », ce qui fait problème puisque les directeurs de laboratoires de génétique ne sont pas des biologistes médicaux. Il s'ensuit qu'un certain nombre de services hospitaliers vont se trouver dépourvus de chefs de service ayant les bons diplômes.
Je répondrai à Catherine Génisson que le Conseil national des universités compte 43 sections ; toutes les spécialités médicales n'y sont donc pas représentées. La biologie, par exemple, n'y existe pas. Un agrégé, qui va passer le concours, peut avoir de multiples antécédents et faire de la biologie médicale : il peut être toxicologue, ou généticien, et pas forcément biologiste. Ces personnes-là ne pourront plus passer le concours. Là est le problème, que vous confirmera Jean-Louis Touraine.
Il y a aussi la question des infirmières. Avec cette ordonnance, une infirmière n'a même plus le droit de procéder à des prélèvements dans son propre cabinet. Il faut qu'elle aille dans un cabinet de biologie médicale. C'est la même chose, comme vient de le dire Jean-Sébastien Vialatte, pour les laboratoires de génétique. Le système est devenu excessivement restrictif.
Je voudrais revenir sur ce que vient de dire Olivier Jardé. Nous avons été interpellés par les infirmières libérales qui vont se trouver empêchées, alors même que nous essayons de favoriser le maillage du territoire par les professionnels de santé libéraux, de faire de prélèvements, à moins de se déplacer à domicile, avec le coût que cela suppose et le temps que cela prend, ou d'aller les faire dans un laboratoire de biologie médicale.
Je crois donc qu'il faut vraiment retravailler cette ordonnance, car nous faisons face à des situations aberrantes dans certains territoires en difficulté.
Je ne souhaite pas allonger inutilement les débats, mais pourquoi ne pas revenir à la dénomination « laboratoire de génétique », ce qui résoudrait tous les problèmes ? J'ai un peu l'impression qu'il s'agit de protéger des prés carrés…
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour soutenir l'amendement n° 176 .
Cet amendement illustre ce que j'ai dit tout à l'heure, je serai donc très court. Nous proposons qu'une personne ne puisse demander – dans les conditions fixées par la loi -l'examen des caractéristiques génétiques la concernant ou concernant un tiers qu'auprès d'un laboratoire agréé par l'Agence de la biomédecine. Cela ne permettra peut-être pas d'éviter ce que j'ai dénoncé tout à l'heure, mais au moins ne verra-t-on plus ces publicités renvoyant à des numéros de téléphone en France…
Favorable, avec cette réserve que l'agrément ne vaudra que pour le territoire national, et que nous rencontrerons donc une difficulté sur le plan européen.
Je me suis laissé convaincre en voyant tout à l'heure avec quelle facilité il est possible d'accéder à certains sites – qui enfreignent d'ailleurs la loi française, puisqu'ils laissent entendre que leurs analyses peuvent être produites en justice, comme je l'ai vu sur un site domicilié en Espagne. Avis favorable, donc, pour la réaffirmation du principe.
(L'amendement n° 176 est adopté.)
Cet article, qui porte sur la transplantation d'organes entre personnes vivantes, a été longuement débattu en commission. Beaucoup étaient pour, d'autres y étaient moins favorables. Je voudrais réaffirmer ma position.
Il existe aujourd'hui en France une pénurie considérable de greffons pour la transplantation rénale, et les greffes de rein représentent environ 8 % des transplantations, contre près de 40 % dans d'autres pays. En 2009, seules 2 826 transplantations rénales ont pu être effectuées, alors que plus de 10 000 personnes sont en attente de rein.
Il faut donc aller plus loin que le cercle familial. Pour éviter tout débordement, de fortes restrictions ont été décidées. Au-delà de la famille nucléaire, les nouvelles situations familiales de vie commune ont été prises en considération, sous réserve d'un vécu commun de deux ans. Tout le monde n'a pas forcément une grande famille, ni des liens très étroits avec elle. Un vieil adage dit qu'on choisit ses amis, pas sa famille. Mais quels amis ? C'est là qu'est la nuance. Il ne s'agit certainement pas des fameux « amis » de Facebook, ni d'amis de passage, mais seulement d'amis proches, avec qui l'on a un lien affectif étroit, stable, et je souhaite y ajouter « avéré ».
Je veux mieux encadrer la notion de don entre proches. Lorsque je propose de prévoir un lien « avéré », c'est dans le cadre d'une saisine du tribunal de grande instance, d'un magistrat, voire du procureur de la République.
Pourquoi refuser à un ami le droit de s'engager au profit d'une personne qui lui est chère ? Quand un malade est en dialyse, quand il attend une greffe car il ne peut pas avoir de donneur compatible dans sa famille, pourquoi ne pas tenir compte de certaines familles qui ne sont plus « nucléaires » mais recomposées, avec des demi-frères et des demi-soeurs ? Il faut prendre tout cela en considération.
Naturellement, il convient aussi de se montrer attentif et vigilant quant au risque de marchandisation au sein même de la famille, risque qui peut évidemment exister. Il peut même y avoir des pressions psychologiques, voire des culpabilisations.
Notre dispositif de contrôle actuel n'est pas négligeable, puisque le donneur est informé par un comité d'experts des risques qu'il encourt et que son consentement doit être exprimé devant le président du tribunal de grande instance.
Tout cela me permet de dire à ceux qui souhaitent la suppression de cet article que le danger n'est pas où ils le croient.
Le dispositif actuel de contrôle offre de solides garanties. Ayons confiance en la probité de nos magistrats, car les fausses déclarations seront lourdes de conséquences. Les nombreux pays européens qui ont autorisé le don entre amis proches n'ont pas observé de dérives majeures.
Naturellement, certains invoqueront les risques potentiels pour le donneur, mais la médecine, dans notre pays, a toujours eu pour principe premier de ne pas nuire au patient, et toutes les études montrent que les personnes ayant donné un rein n'ont pas eu, par la suite, plus de problèmes que la moyenne de la population. De toute façon, la transplantation est précédée de nombreux tests et examens sur le donneur. Donner un rein n'est pas un acte anodin, mais, dans la très grande majorité des cas, un acte généreux, qui rend le donneur fier d'avoir fait un beau geste. La société doit le valoriser, et le Parlement doit autoriser une personne ayant un lien affectif étroit, stable, et avéré, à faire ce don de rein.
Avec cet article, nous entamons la discussion du titre II consacré aux organes et cellules. Nous savons combien le don, qu'il s'agisse du don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse ou d'organes, nécessite la mobilisation de tous. L'avoir déclaré « grande cause nationale » pour 2009 a permis de fédérer tous les acteurs qui s'investissent en faveur de ces différents dons.
C'est en ce sens que j'ai déposé, avec Philippe Gosselin, n un certain nombre d'amendements, dont plusieurs ont été adoptés en commission, et visant notamment à organiser, chaque année, une campagne d'information nationale à destination du grand public, ainsi qu'une campagne dans les lycées et les établissements d'enseignement supérieur.
Un autre amendement adopté en commission s'inspire de la proposition de loi de Philippe Gosselin prévoyant que soit portée sur la carte Vitale de chaque citoyen la mention : « A été informé de la loi sur le don d'organes », afin de renforcer le consentement présumé.
Enfin, nous connaissons la nécessité d'améliorer la procédure de remboursement des frais engagés par les donneurs vivants d'organes, de tissus, et de cellules du corps humain, à l'occasion de leur prélèvement. Un amendement adopté en commission prévoit à cette fin que le Gouvernement nous remette avant la fin de l'année un rapport faisant le bilan des actions engagées dans ce domaine. Un autre rapport nous permettra de faire également le point de l'amélioration de l'indemnisation des donneurs subissant des dommages en raison d'un don.
Nous le voyons : nos travaux en commission ont permis d'améliorer sensiblement l'information, la sensibilisation et la mobilisation en faveur des dons, ce dont nous pouvons nous féliciter.
Quelques chiffres complémentaires, sans pour autant vous en abreuver. Nous comptons environ 250 donneurs vivants par an, 3 000 à 3 500 post mortem, pour 14 400 personnes en attente de don.
Ces quelques chiffres résument la situation. En France, nous connaissons une pénurie d'organes particulièrement préoccupante. Le taux de refus s'élève à un peu plus de 30 % et ne diminue pas d'année en année, malgré les actions menées à cette fin. Il faut donc passer à la vitesse supérieure.
Vous évoquiez hier, monsieur le ministre, la nécessité d'une action importante en faveur du don. La « grande cause nationale 2009 » a été l'occasion de mettre en avant les besoins. Mais il faut aller plus loin et développer en France une vraie culture du don – un don anonyme, gratuit, altruiste, conforme à nos exigences, aux valeurs françaises.
Un vrai signal politique doit être envoyé. Xavier Breton a rappelé qu'un certain nombre d'amendements avaient été adoptés à l'unanimité en commission. Ils portaient sur l'information des jeunes, des lycéens, sur l'information délivrée à l'occasion de la journée « Défense et citoyenneté » – l'ex-JAPD. L'Agence de la biomédecine travaille déjà à une grande campagne nationale. Des campagnes de sensibilisation devraient être menées sur les télévisions et radios publiques.
Il reste encore beaucoup à faire. Il faut sans cesse informer, communiquer, sensibiliser, remettre l'ouvrage sur le métier. Il est important de sensibiliser les individus dès le plus jeune âge – aux dons de sang, de plasma, de plaquettes – afin d'assurer le renouvellement des générations de donneurs réguliers.
Il faut faire du don d'organes une cause permanente, de même qu'il y a eu un grand « plan cancer » et qu'il existe d'autres grandes causes nationales durables. Cela nous permettrait de faire baisser le taux de refus et le nombre des personnes qui, chaque année, décèdent par centaines, faute d'avoir pu recevoir une greffe.
Je voudrais citer, à mon tour, quelques chiffres. L'an dernier, 277 personnes sont décédées du fait du manque de greffons. Il y a eu 4 666 greffés pour 1 500 donneurs. Une personne prélevée donne en moyenne trois greffes.
Mais il reste encore 10 560 personnes en liste d'attente. La baisse du nombre des accidents de la route, dont il faut par ailleurs se réjouir, et l'augmentation de celui des personnes à greffer expliquent cette situation difficile à gérer – surtout lorsque les patients en attente décèdent.
Je crois, comme les orateurs précédents, que les dons croisés et l'extension du champ des donneurs sont des pistes à suivre. Il faut néanmoins rappeler que donner un organe de son vivant n'est pas dénué de risque. Si celui-ci est faible pour le don de rein, il est plus élevé dans le domaine hépatique, et que treize personnes en parfaite santé sont décédées, dans notre pays, à la suite d'un don.
Le taux des refus exprimés par les proches après un accident mortel est tombé sous les 30 % – il se situe aux alentours de 27 %. – mais il reste de l'ordre du tiers.
Mentionner sur un support, quel qu'il soit – carte Vitale ou dossier médical personnalisé –, que la personne a été informée de la législation permettrait aux préleveurs de parler aux familles de manière différente. Dire à une famille dont l'enfant vient d'être tué dans un accident que l'on va prélever son coeur, ses poumons, ses reins, est affreux, et je comprends que près d'un tiers des familles opposent un refus. Aussi partir du fait que la personne décédée a été informée de son vivant et qu'elle a pu en discuter permettrait de faciliter le dialogue.
L'article 5 est très important pour l'avenir de nos greffés.
M. Gosselin a rappelé qu'il y a eu 3 500 greffes post mortem, un taux de refus de plus d'un tiers et que 14 000 personnes sont en attente de dons.
Nous pensons tous qu'il nous faut nous mobiliser. Tout ce qui a été fait, de même que les amendements proposant des campagnes dans les lycées ou une mention sur la carte Vitale, vont dans le bon sens. Mais a-t-on été assez loin dans l'analyse ? J'ai été très intéressé par les propositions faites lors des états généraux par les citoyens eux-mêmes, unanimes à vouloir passer du consentement présumé après la mort à un consentement assumé avant la mort.
Malgré toutes les campagnes d'information engagées, le taux de refus reste important et, surtout, n'évolue pas. C'est finalement assez compréhensible, car le consentement présumé après la mort n'a rien de valorisant ni de mobilisant. De plus, nous savons que le blocage provient surtout des familles en cas d'accident brutal.
Je salue les avancées réalisées, mais je déplore notre timidité et notre frilosité dans l'analyse. Je crains que nous ne restions sur des niveaux de blocage assez importants.
Beaucoup de choses ont été dites et je me réjouis que nous soyons si nombreux à vouloir développer les prélèvements et les transplantations de manière volontariste.
Schématiquement, il y a deux possibilités. La première consiste à recourir dans certains cas au donneur vivant, particulièrement pour les transplantations rénales. Sur ce point, notre pays est très en retard sur la plupart des pays européens : moins de 10 %, alors qu'en Norvège la moitié des transplantations rénales sont réalisées à partir de donneurs vivants – sans parler du Japon, naturellement, puisque les prélèvements sur sujets décédés y sont presque impossibles.
Demain, les dons croisés permettront d'autres greffes, ainsi que des prélèvements réalisés à partir d'un donneur ayant des liens affectifs stables avec le receveur. Je souhaite que soient consenties des incitations en termes d'aides, de conditions matérielles et de reconnaissance envers ces donneurs.
Reste que la plupart des transplantations, tous organes confondus, utilisent des organes prélevés sur un sujet décédé. Nous devons donc trouver le moyen de renforcer la possibilité de tels dons, afin de combler le déficit très préjudiciable que nous connaissons. Il importe de développer les campagnes de sensibilisation, d'explication. La plupart de nos concitoyens sont réticents à réfléchir au devenir de leur corps après leur mort, et nous devons donc tenir compte du fait qu'une grande partie d'entre eux n'explicitent pas ce qu'ils souhaitent à ce sujet.
Nous pouvons raisonnablement présumer que tous ceux qui ne se seront pas inscrits, après avoir été informés de cette possibilité, sur un registre de refus acceptent. Pourquoi ? Parce que tous nos concitoyens sont d'accord sur le principe de la transplantation. Je n'ai jamais rencontré un seul patient, à quelque famille de pensée qu'il appartienne, y compris chez les Témoins de Jéhovah, qui refuse la transplantation pour des raisons philosophiques. Tous acceptent la transplantation.
La probabilité pour chacun d'entre nous de recevoir un greffon est trois fois plus grande que celle de nous trouver en situation de donneur, puisque, sur chaque donneur décédé, trois organes en moyenne sont prélevés pour être greffés à trois receveurs différents. Il y a donc une large acceptation, et tous ceux qui ne se seront pas inscrits sur un registre de refus peuvent être considérés comme ayant envisagé la possibilité d'accepter ce prélèvement.
Il importe que nous réaffirmions, à l'occasion de la révision des lois relatives à la bioéthique, l'esprit de notre législation. Il est que l'on ne doit pas demander à la famille son avis, mais celui, recueilli auprès du défunt, quant à un éventuel prélèvement. Si l'on appliquait cette règle, il y aurait non plus un tiers de refus, mais 10 %. Il n'y aurait alors plus de déficit, de pénurie d'organes.
Je constate, pour m'en féliciter, qu'un large consensus existe pour faciliter les dons d'organes. Mais l'on observe, dans le même temps, un déficit de donneurs, de transplantations possibles, du fait des refus de prélèvement sur des personnes décédées.
Je voudrais insister sur ce point, un peu comme M. Dionis du Séjour. Nous nous trouvons dans une situation paradoxale. Si nous nous en tenions réellement au principe du refus explicite, le taux de refus de prélèvements d'organes sur les personnes décédées devrait être bien inférieur à 30 %.
Je ne crois pas aux affirmations de M. Touraine. On pourrait d'ailleurs se poser la question philosophique des droits que peut revendiquer une famille sur le corps d'une personne décédée. mais c'est un autre débat. Nous savons qu'il est très difficile, après le décès de quelqu'un, de répondre à cette terrible question : « La personne vous avait-elle dit si elle était ou non d'accord pour donner ses organes ? »
Je me souviens d'une terrible affaire, dans les années 1990, qui avait défrayé la chronique et enflammé les esprits. Bernard Kouchner, alors ministre de la santé, avait rédigé une circulaire et l'on avait vu les transplantations chuter dramatiquement, au point qu'il a fallu plusieurs années pour rétablir la situation antérieure et que beaucoup de vies ont été perdues de ce fait.
Dans un amendement déposé avec Noël Mamère nous défendons – comme M. Dionis du Séjour – un registre explicite, afin que l'on sort de cet « entre-deux », où les chirurgiens sont obligés de consulter la famille, ce qui aboutit à un pourcentage élevé de refus.
Je m'étonne par ailleurs que la commission ait rédigé dix articles additionnels après l'article 5. Cela alourdit le texte et risque de brouiller le message. Je vous invite, mes chers collègues, à relire ces dix articles, dont certains d'entre vous se sont félicités, pensant que cela ferait de la publicité pour les dons d'organes – mais rien n'est moins sûr.
L'article 5 bis préconise une information auprès des lycéens – je ne suis d'ailleurs pas persuadé que la cible soit adéquate – tout en usant de notion assez floues, comme celle des « proches ». D'autres articles me paraissent étranges, pour ne pas dire inutiles : lorsque l'on inscrit dans la loi la nécessité de campagnes nationales d'information – ce qui ne relève pas en principe de la loi –, c'est qu'il y a un autre problème que l'on ne veut pas traiter. L'article 5 octies est ainsi relatif à une « campagne d'information à destination du grand public sur la législation relative au don d'organes » – comme si le fait d'informer sur la législation allait changer les choses. Quant à l'article 5 undecies, il dispose qu'« une campagne nationale d'information et de sensibilisation en direction du grand public est menée chaque année et de façon régulière, sur les radios, les chaînes de télévision publiques… » On devrait prévoir aussi, pendant qu'on y est, des dépliants, des affiches dans les pharmacies, les cabinets médicaux, les hôpitaux…
Tout cela, mes chers collègues, ne relève pas de la loi, et je déplore que l'on passe à côté du véritable enjeu, à savoir les transplantations. C'est pourquoi je vous inviterai à adopter notre amendement et, si tel n'est pas le cas, à poursuivre la réflexion en ce sens.
Autoriser les dons croisés d'organes entre personnes vivantes ne doit pas nous empêcher de continuer de réfléchir à la question des prélèvements sur les cadavres.
Pour ma part, je demeure favorable à la disposition législative actuelle, à savoir le principe d'un registre des refus.
Nous avons tous observé que le grand public connaissait mal le sujet et qu'il fallait y remédier.
Je m'interroge sur le pourcentage de familles – 30 % – de familles qui refusent le prélèvement d'organes. Pourquoi est-il si élevé ? En partie, au moins, parce qu'il est rare que le corps de la personne décédée arrive dans un lieu spécialisé, où il soit possible de procéder immédiatement à un prélèvement. La plupart du temps, les personnes décédées arrivent dans des hôpitaux généraux, dans des services d'urgence où règne une hyperactivité qui ne favorise pas la prise en charge de familles qu'il faudrait, au contraire, accueillir dans des lieux dédiés, par des personnes formées. Il n'est en effet pas évident de convaincre, d'accompagner ces familles qui viennent d'apprendre le décès d'un proche.
Nous aurions beaucoup moins de refus de la part des familles si nous les respections, et le respect passe par l'accueil dans des lieux dédiés, par des personnes compétentes.
Si ces conditions sont réunies, je puis vous assurer que nous aurons de bien meilleurs résultats, avec un pourcentage de refus bien inférieur à 30 %.
L'article 5 relatif aux dons croisés d'organes entre personnes vivantes est une réelle avancée. Notre discussion anticipe le débat, qui viendra ultérieurement, sur les prélèvements d'organes sur les personnes décédées.
Concernant le consentement, nous avions, avec la loi Caillavet, pris quelques longueurs d'avance en instaurant la règle du consentement présumé. Par la suite, nous avons alourdi cette législation…
…avec le registre des refus – qu'il ne me semble pas pour autant devoir être remis en question – et avec le recueil auprès des proches d'informations sur la volonté du défunt. Étant donné l'émotion qui accompagne un décès, cette consultation équivaut, dans les faits, à s'enquérir de la position des proches et non de celle du défunt.
Nous sommes un certain nombre à nous interroger sur ce pourcentage important de refus, alors que le besoin de greffons ne cesse de progresser. Afin de le faire baisser, nous avons proposé la création d'un registre positif, permettant à ceux qui veulent clairement affirmer leur volonté de donner leurs organes de le faire. On nous a fait valoir que les pays qui ont instauré un tel registre connaissent une proportion de refus tout aussi importante. Ce n'est pas tout à fait la vérité.
À partir du moment où l'on donne à ceux qui refusent la possibilité de s'exprimer officiellement, il n'y a pas de raison que l'on n'accorde pas cette faculté à ceux qui veulent prendre position dans un sens positif. Dès lors qu'il y aurait deux registres, on réduirait l'incertitude.
Dans les pays que l'on cite en exemple, il n'existe que le registre positif. Instaurer un tel registre permettrait de réduire l'incertitude et d'augmenter le nombre de greffes.
Sous réserve que l'ensemble des dispositions éthiques et non lucratives soient respectées et que les donneurs ne subissent pas de pressions anormales, il me semble qu'un consensus se dégage sur les dons croisés.
L'efficacité de la loi Caillavet a été amoindrie. Cette loi prévoyait que chacun soit un donneur potentiel sauf s'il en a exprimé très clairement le refus de son vivant. Quiconque a partagé ces moments difficiles avec des familles se rend compte que c'est très compliqué pour elles, car le sujet n'a pas forcément été abordé de manière explicite avec le défunt, et elles peuvent, à s'exprimer à sa place, ressentir une sorte de culpabilité.
Proposer la création d'un registre positif en plus du registre des refus est aussi une façon de ne pas trahir la volonté du défunt lorsque celui-ci souhaitait faire don de ses organes sans avoir forcément l'envie ou l'occasion d'en faire état de façon explicite à de sa famille.
Il est indispensable d'augmenter le nombre de centres de prélèvements. L'idéal serait que, dans chaque établissement hospitalier doté d'un service de réanimation, un espace soit dédié à l'accueil des familles et à l'organisation des prélèvements. Il y a eu des avancées dans ce domaine, mais il faut aller encore plus loin.
Je partage tout à fait le point de vue de Mme Génisson sur l'accueil des familles. On constate en effet que les résultats ne sont pas du tout les mêmes d'un endroit à un autre, selon la personnalité du médecin coordinateur.
Les disparités géographiques sont liées à la qualité de l'accueil dans les établissements et au personnel de garde. Il faut agir là-dessus.
Sur le registre positif, je suis extrêmement réservé. Que chacun d'entre nous ait dans sa poche un document indiquant qu'il est donneur, c'est son affaire. Tout autre chose est de créer un registre positif officiel. Cela causerait aux médecins des difficultés considérables.
Dès lors que quelqu'un n'est pas inscrit sur le registre positif, qui prendra la responsabilité de prélever ?
Certains de nos collègues ont émis l'idée de créer un registre positif. C'est compliquer l'existence des médecins, qui ne prendront jamais la responsabilité de prélever si la personne n'est pas inscrite sur ce registre.
Quel constat pouvons-nous dresser ? Les chiffres sont implacables et montrent que trop de personnes décèdent par manque de greffes.
Face à cette situation, devons-nous élargir les possibilités de dons ? Il faut faire très attention à nos choix. S'agissant des dons d'organes, il n'y a pas mieux que la loi Caillavet. Aux termes de l'article 2 de la loi Caillavet, « des prélèvements peuvent être effectués à des fins thérapeutiques ou scientifiques sur le cadavre d'une personne n'ayant pas fait connaître de son vivant son refus d'un tel prélèvement. » C'était simple, très simple.
Mais, depuis 2004, il est précisé en outre que « le prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne n'a pas fait connaître de son vivant son refus d'un tel prélèvement. Ce refus peut être exprimé par tout moyen, notamment par l'inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment. Si le médecin n'a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s'efforcer de recueillir auprès des proches l'opposition au don d'organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen, et il les informe de la finalité des prélèvements envisagés ».
Sur le fond, rien n'a changé, mais, d'une certaine façon, on a reconnu à la famille un droit d'opposition qui, sans se substituer à la volonté du défunt, a pris davantage de place.
Il ne faut donc pas s'étonner que les soignants, en cas d'accident, posent la question à la famille. Or, après le choc de la disparition d'un proche, il est parfois difficile de se rappeler ce que le défunt a dit ou n'a pas dit. L'émotion étant trop grande dans de tels moments, les proches répondent qu'ils ne savent pas. Il n'y aura donc ni prélèvement ni greffe.
Faudrait-il revenir au texte initial ? Je ne suis pas certain que nous puissions en décider ce soir, mais la question doit être posée.
Les choses dépendent aussi, comme certains l'ont dit, des soignants et de la qualité de ces soignants. Faut-il des équipes dédiées ? Je n'en suis pas sûr.
En tout cas, il faut une prise de conscience. On sait bien que l'on fait le maximum à l'hôpital, que la préoccupation du prélèvement, de la greffe est présente chez les soignants, qui savent qu'ils peuvent sauver une vie – ce n'est pas à eux qu'on va l'apprendre.
Il faudrait aussi que, dans chaque famille française, on évoque ces questions. Des initiatives ont été prises. Vous avez devant vous un ministre qui croit à ce sujet depuis longtemps et qui l'a fait évoluer. Les associations ne m'ont pas attendu et font un travail remarquable sur le don sous toutes ses formes.
Lorsque j'ai demandé aux responsables de l'assurance maladie de changer les informations sur la carte Vitale, je suis persuadé que, s'ils ont fini, du fait de mon insistance, par céder, ils n'y ont jamais cru. Je le dis comme je le pense. Et, à mon avis, si l'on demandait les chiffres, on ne serait pas déçu !
Il ne s'agit pas de mettre en place un nouveau fichier. Au moment où la personne remplit un formulaire pour obtenir sa nouvelle carte Vitale, la carte Vitale 2, elle déclare simplement être bien informée de la loi. Rien de plus, rien de moins. Je demanderai les chiffres, mais je crains que les choses n'aient pas beaucoup bougé.
Faut-il être davantage présents dans les établissements ? Je suis prêt à faire des efforts. Faut-il engager des campagnes pour sensibiliser le plus grand nombre afin que plus personne ne puisse dire ignorer la volonté d'un membre de sa famille sur le sujet. Pour autant, il me semble difficile d'inscrire dans la loi l'obligation d'en parler dans chaque famille !
Des campagnes à destination du grand public ? Certainement. Un travail plus soutenu avec les associations ? Certainement. Faut-il engager ce travail avec l'assurance maladie ? Je le pense sincèrement.
En définitive, le texte de la commission demande, si je ne me trompe, un rapport pour la fin de l'année.Vous l'aurez dès le mois de juin.
Car si nous voulons engager une nouvelle action en la matière, ce n'est pas en fin d'année que je pourrai vous présenter ce rapport de telle sorte que l'on en tire les conclusions. Il faudra le faire en tout état de cause avant l'été, afin de pouvoir en parler avec tous les Français et avec les associations et, le cas échéant, d'engager cette nouvelle politique.
Ce qui m'intéresse – je le dis pour expliquer mon refus de vous suivre sur beaucoup d'amendements –, ce n'est pas de modifier la loi ou de l'étendre, mais de conserver le principe de l'anonymat et de la gratuité et de développer, même si le terme est horrible, le don cadavérique, le prélèvement sur les cadavres, qui nous permettra, j'en suis persuadé, d'aller beaucoup plus loin.
Je l'ai dit, c'est un sujet qui me tient à coeur depuis bien longtemps. Et ce n'est pas parce qu'il y a aujourd'hui moins d'accidents de la route que moins de possibilités nous seront offertes. Réjouissons-nous au contraire du fait que le nombre d'accidents de la route diminue. Mais nous devons en tirer les conclusions qui s'imposent en nous donnant de nouveaux moyens de sauver des vies.
J'y crois profondément. Je m'aperçois ce soir que je ne suis pas le seul dans ce cas et que ce débat transcende entièrement les clivages partisans. Je le répète, je m'engage à revenir devant vous avant l'été, non seulement pour aborder ce sujet, mais pour formuler des propositions afin que nous fassions mieux qu'auparavant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, jeudi 10 février, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
(La séance est levée à une heure quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma