À la limite, la seule restriction qui pourrait être apportée serait celle de savoir si les enfants recevront a priori une affection et un soutien parentaux au sens large du terme.
Je pense que cette réflexion aurait dû systématiquement nous guider quant aux possibles évolutions en matière de dons d'ovocytes, d'accès à la PMA et particulièrement de gestation pour autrui.
La deuxième idée est celle de la prévention de la marchandisation de techniques. Cet objectif est totalement justifié. Néanmoins, je dois avouer une certaine perplexité. Si l'on ne statue pas sur un certain nombre de sujets, il est possible que ce qui ne sera pas autorisé et régulé soit source de marchandisation.
Je suis effrayée par toutes les surenchères autour des techniques permettant d'avoir des enfants. Mais, en l'absence d'un accès encadré dans notre pays, on va vers un commerce honteux, non du corps humain, mais de l'accès à des techniques autorisées à quelques centaines de kilomètres de l'endroit où nous discutons ce soir. Les femmes et les hommes qui ont les moyens iront chez nos voisins européens pour y recourir et les autres n'auront pas le droit d'y accéder. Je pense que le refus de l'interdiction de certaines pratiques ne vaut pas marchandisation. D'ailleurs, dans les pays où de nouvelles pratiques ont été autorisées, ni le corps humain ni les individus n'ont vu leur statut et leur protection diminuer, pas plus que leur valeur réduite à de l'argent.
Au contraire, on peut raisonnablement penser que l'État, mais aussi des institutions publiques, des organismes privés et, évidemment, l'éducation sont en mesure de veiller et de promouvoir d'autres valeurs : le don, la réciprocité, le bien commun, le respect, toutes valeurs qui donnent aux échanges individuels un sens que l'argent ne peut fonder.
La troisième et dernière idée est que la recherche médicale a une finalité sociale et que sa régulation doit être commandée par les besoins des vivants.
Il est clair que les scientifiques veulent pouvoir progresser dans leurs recherches et les médecins appliquer leurs découvertes au bénéfice de leurs patients. Leur parole collective va néanmoins au-delà de leurs intérêts propres. Ils parlent pour toutes les personnes qui ont un intérêt encore plus direct aux progrès possibles : ce sont celles chez qui on a diagnostiqué une maladie à l'issue souvent fatale et à laquelle la recherche pourra un jour apporter un remède.
Quand on évoque la recherche sur l'embryon et les cellules souches, nous avons, comme le dit le docteur Sureau, une réaction, instinctive. Notre réponse à cette question est non : on pense au savant fou qui se livre à d'invraisemblables manipulations du vivant humain.
Mais il faut réfléchir, comme l'a fait par exemple le Royaume-Uni : penser au nombre d'anomalies qui grèvent la procréation humaine. La découverte de ces anomalies conduit à des interruptions de grossesse, dont le nombre augmentera sous l'influence des progrès techniques et du rejet encore très fort de la « différence ».
Dès lors, pour ne prendre que cet exemple, la solution passe par la possibilité d'étudier de façon approfondie la fécondation humaine, in vitro, en ayant recours à des gamètes fournis dans ce but, dans un cadre réglementaire nouveau, de manière à comprendre, puis à éviter la survenue de ces anomalies.
Autoriser aujourd'hui la recherche dans ce domaine, c'est éviter demain de ne pas pouvoir faire naître des êtres désirés et de laisser souffrir des êtres aimés.
Au final, que peut-on inférer de ces considérations et de ces idées ?
À titre personnel, je considère que notre pays devrait avoir une approche pratique consistant à estimer un acte éthiquement bon ou mauvais en fonction, certes, de principes, mais aussi de ses conséquences humaines vécues. Le législateur a aujourd'hui plus qu'avant un rôle d'accompagnateur.
Comme j'ai pu le constater derrière la plupart des demandes d'évolution de notre législation, il y a une motivation forte, irréductible au droit et à la science qui est le sens même de la vie : l'amour. Puissent nos débats nous aider à le respecter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)