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Intervention de Frédérique Massat

Réunion du 9 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Massat :

« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » : cette phrase de Rabelais était le sujet de mon épreuve de philosophie au bac, il y a un peu moins de trente ans. À cette époque, les lois bioéthiques n'existaient pas. Pourtant, déjà, la science avançait, des progrès étaient réalisés et de nouvelles perspectives pour la recherche sur le vivant s'ouvraient au bénéfice de tous.

Avec les lois bioéthiques, la France s'est dotée d'un encadrement législatif indispensable, jusqu'à présent entièrement réexaminé tous les cinq ans pour s'adapter aux différentes évolutions.

Je m'attarderai plus particulièrement sur la recherche sur l'embryon et la procréation médicalement assistée.

Par dérogation au principe d'interdiction et pour une période limitée à cinq ans, la loi de 2004 a ouvert la possibilité de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Depuis 2004, cinquante-huit protocoles ont reçu l'aval de l'Agence de la biomédecine ; la majorité des projets autorisés ont porté sur les cellules souches embryonnaires.

Récemment interrogé sur ce sujet, le professeur Frydman répondait que l'interdiction de la recherche sur embryon humain, sauf par dérogation et pour un temps limité, empêche des avancées. Il expliquait que tous les médecins qui ont fait progresser la science ces dernières années ont aujourd'hui le sentiment d'être freinés.

Hier, en annonçant la première naissance en France d'un « bébé du double espoir » ou « bébé-médicament », il a dénoncé le « maquis de précautions sur le plan législatif » qui entravent les progrès sur la procréation assistée. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à autoriser et encadrer les recherches sur les cellules souches embryonnaires au regard de leur intérêt pour la thérapie.

En effet, il faut mettre un terme à cette hypocrisie qui consiste à maintenir une interdiction assortie de dérogations. Si le législateur avait opté pour ce régime dérogatoire en 2004, cela traduisait avant tout les incertitudes des parlementaires sur les conséquences d'un passage direct à un régime d'autorisation, mais également sur le bénéfice de ce type de recherche. Plus de six années se sont écoulées et ces incertitudes ont pour la plupart été levées. La décision de 2004 n'est plus d'actualité, il faut donc lever cette interdiction de principe. Par un régime d'autorisation encadrée, la France lancerait un signal fort à destination de ses chercheurs en leur garantissant une visibilité à long terme dont ils ne disposent pas actuellement.

J'en viens à la procréation médicalement assistée.

Partant du postulat selon lequel la PMA répond à un problème d'infertilité et non à une demande sociale, le désir d'enfant n'est pris en charge que lorsqu'il est le fait des familles conformes à un certain modèle traditionnel. Or les familles de 2011 ne sont plus les mêmes que les familles de 1920. Jadis modèle unique, la famille revêt désormais différentes formes. Monoparentale, recomposée, qu'elle repose sur deux parents ou sur plus de deux parents, que les parents soient de même sexe ou de sexes différents, la famille ne se définit plus uniquement par un schéma pyramidal avec, à son sommet, un père et une mère unis par le mariage. C'est pourquoi, si la révision à laquelle nous procédons actuellement doit permettre d'adapter les règles qui régissent la bioéthique aux évolutions de la science et de la technologie, elle doit aussi les adapter aux évolutions de la société.

Lorsque le droit d'adopter a été accordé aux personnes célibataires, ce fut bien la reconnaissance implicite des familles monoparentales. Il nous est aujourd'hui donné l'occasion d'avancer vers une reconnaissance de l'homoparentalité. À l'heure actuelle, le droit français n'autorise la procréation médicalement assistée qu'en cas d'infertilité médicale, ce qui exclut les couples homosexuels et les femmes célibataires.

En 2004, nous, députés socialistes, nous sommes prononcés – cela a déjà été dit – en faveur du mariage et de l'adoption pour les couples homosexuels. C'est dans cette logique que nous défendons l'ouverture de l'accès à la PMA à toutes les femmes sans condition d'infertilité. La procréation médicalement assistée ne doit plus se fonder sur le constat d'une infertilité médicale, mais sur celui d'un projet familial, pour lequel les parents font acte d'engagement.

J'espère, mes chers collègues, que notre assemblée avancera dans ce sens.

Par ailleurs, je tiens à saluer les avancées déjà obtenues en commission. En effet, si le projet de loi, dans sa rédaction initiale, prévoyait d'étendre aux couples liés par un pacte civil de solidarité la possibilité d'avoir recours à la PMA, les débats en commission ont supprimé toute mention du mode d'union du couple, ainsi que la condition de durée minimale de vie commune, qui ne permettait pas de juger de la stabilité d'un couple ni de prendre en compte le fait que les chances de succès de la PMA diminuaient au-delà d'un certain âge.

L'examen des lois bioéthiques nous donne bien sûr l'occasion d'ouvrir une véritable réflexion collective sur des sujets majeurs, ce dont je me félicite évidemment. Sur toutes ces questions qui renvoient bien souvent à des parcours personnels et à nos convictions philosophiques, nous devons avancer, sans pour autant céder aux sondages d'opinion…

1 commentaire :

Le 23/02/2011 à 12:41, Karl Civis (retraité) a dit :

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Sur le « bébé du double espoir » lire sur http://www.mediapart.fr/club/blog/Denis%20Meriau

[ rétro-forum 3]

Faut-il autoriser la greffe d’embryons spécialement conçus pour venir en aide à un enfant atteint d’une maladie génétique ( le « bébé de l’espoir ») ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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