La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
La réforme des lycées a profondément remis en cause la filière « Sciences et techniques industrielles » en provoquant l'abandon de l'enseignement de la physique appliquée et la réduction d'enseignements en atelier ou en laboratoire au profit d'une filière plus généraliste inadaptée à ce type d'apprentissage pour beaucoup d'élèves. De plus, la suppression, sans autre alternative, d'une passerelle opportune entre le lycée professionnel et le lycée général restreint davantage les possibilités qui leur sont offertes.
Au moment où le rôle fondamental des sciences et des techniques est réaffirmé, ce choix ne me paraît pas des plus judicieux pour la Martinique. Pourtant, la filière STI y a fait ses preuves. Moyen d'ascenseur social, elle a permis à des élèves de bénéficier d'un savoir-faire plus en rapport avec les débouchés proposés par les entreprises.
Face aux évolutions technologiques, la réforme aurait dû plutôt privilégier technique et pratique, et non les amoindrir. Le Conseil supérieur de l'éducation a lui-même émis, à deux reprises, un vote négatif. Ce serait cas très rare que le ministère n'en tienne pas compte.
Face au contexte martiniquais déjà précaire, n'est-il pas préférable, monsieur le ministre, de revenir sur une telle disposition en l'adaptant aux circonstances ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député Marie-Jeanne, je ne partage pas tout à fait votre point de vue, parce que je crois que nous pouvons déjà nous entendre sur la définition du constat. Les sciences et techniques industrielles n'avaient pas évolué depuis 1993. Elles concentraient dix-sept spécificités de spécialisation, d'options particulières, conduisant, comme cela a été récemment constaté, à une désaffection de plus de 20 % des effectifs de cette filière.
C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de la réforme des lycées, une nouvelle spécialisation plus large intègre les filières techniques industrielles et la réflexion, la formation et la qualification des jeunes inscrits dans ces filières pour tout ce qui intéresse de près ou de loin le développement durable. Cela permet de conserver des spécialités et d'élargir la gamme pour des études post-bac, notamment, avec l'enseignement obligatoire de deux langues supplémentaires, favorisant la mobilité, donc le développement de filières indiscutablement d'avenir. Vous me permettrez, avec le recul de mon expérience passée, et puisque nous avons partagé deux années de travail au service de la Martinique, notamment, de constater que, face aux problèmes inhérents à l'Arc caribéen en matière de biodiversité, de risques sismiques et naturels, d'utilisation des énergies naturelles et renouvelables et de développement durable, il est obligatoire et urgent de former des jeunes de Martinique au service du développement économique de cette région.
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation du groupe d'amitié de l'Assemblée nationale du Cameroun, conduite par son président M. Jean-Bernard Ndongo Essomba. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)
Ma question s'adresse à Christine Lagarde, ministre de l'économie.
Madame la ministre, le Président de la République a placé la présidence du G 20 sous le signe de la régulation en annonçant l'ouverture de plusieurs chantiers ambitieux.
Seules une refonte du système monétaire international, une vraie régulation des marchés et des prix des matières premières et la mise en place d'une taxe sur les flux financiers, que le Nouveau Centre défend depuis 2007, permettront de limiter les effets pervers de la spéculation et d'amorcer un virage décisif pour créer les conditions d'une croissance durable.
C'est un chemin difficile, exigeant et indispensable. Nous vous apporterons tout notre soutien pour que les initiatives françaises emportent l'adhésion des grands pays et qu'il y ait bien un avant et un après-crise.
Cela dit, le lancement de ces chantiers ne permettra pas d'apporter la stabilité de l'économie mondiale si nous ne luttons pas chaque jour contre les attaques que subit l'euro.
Face à une crise qui fait peser une lourde menace sur la souveraineté budgétaire de certains États-membres de la zone euro, la succession de plans de sauvetage décidés en urgence ne peut constituer la seule réponse.
Nous avons besoin d'une Europe politique, d'une Europe forte et solidaire qui protège ses citoyens. Il faut opérer la convergence fiscale et sociale des pays membres de l'Union et poser sans délai la première pierre d'un gouvernement économique européen qui adressera un signal sans ambiguïté aux marchés. C'est à cette condition que l'Europe pourra peser de tout son poids et ouvrir la voie à une vraie régulation mondiale dans la perspective du G 20.
Ma question est simple : quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre avec ses partenaires européens pour faire cesser les attaques contre l'euro et permettre ainsi à l'Europe d'être le véritable moteur de la réussite du G 20 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
L'euro est une monnaie solide, monsieur le député, une monnaie de réserve pour un certain nombre de banques centrales. C'est aussi la monnaie d'ajustement des déséquilibres entre d'autres monnaies, entre d'autres zones monétaires. Ce que nous déplorons, c'est l'insuffisance de gouvernance, de cohérence et d'intégration économique au sein de la zone euro.
Le chef de l'État comme l'ensemble des membres du Conseil européen ont demandé aux ministres des finances de mener un certain nombre d'actions. Elles sont de deux ordres.
Il y a d'abord les plans de soutien, les plans d'aide aux États qui sont attaqués et dont la dette souveraine est mise en cause. C'est le plan de soutien à la Grèce, que vous avez voté, c'est le plan de soutien à l'Irlande, en novembre, et c'est surtout le fonds européen de stabilité financière, qui, pour la première fois, hier, a levé avec succès 5 milliards, la demande ayant été neuf fois plus élevée que l'offre.
Ce n'est pas suffisant. Il faut aussi d'autres mesures, des mesures structurelles, des mesures de fond, des mesures qui permettent d'inscrire dans la pérennité la solidité, la stabilité et l'unité de la zone euro. C'est dans ces conditions que le Conseil européen a validé le principe d'un système européen de stabilité qui permette de porter assistance de manière pérenne quand c'est nécessaire.
Au-delà, le Conseil européen a réaffirmé sa détermination à approuver six directives qui consacreront une plus grande gouvernance économique au sein de l'Union européenne. Cela concernera les déséquilibres macroéconomiques, cela concernera aussi la procédure budgétaire, vous en serez évidemment les premiers acteurs.
Vous le voyez, au sein de l'Union européenne, au sein de la zone euro, nous préfigurons un ordre du jour du G 20 qui concernera notamment la coordination macro-économique avec une meilleure intégration. Je sais que votre groupe y est sensible. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse au ministre de la culture et de la communication, et j'y associe mes collègues Pascal Deguilhem et Régis Juanico.
Monsieur le ministre, je suis sûre que, comme nous, vous vous êtes réjoui de la qualification de l'équipe de France de handball, qui détient le plus beau palmarès du sport français féminin et masculin, pour la demi-finale de la coupe du monde. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Si vous avez la chance d'être abonné à une chaîne payante, vous pourrez regarder vendredi le match décisif des Experts contre la Suède. Si tel n'est pas le cas, vous serez dans la même situation que des millions de Français amateurs de sport et de handball, qui devront y renoncer faute de retransmission sur une chaîne en clair, comme ils ont dû y renoncer en 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 lorsque l'équipe de France s'est retrouvée dans le dernier carré de la compétition.
Cette question récurrente est une question de service public. Tous les Français, quels que soient leurs revenus, doivent pouvoir regarder les matchs de l'équipe nationale à ce niveau de compétition. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
Cette question engage France Télévisions, et vous engage à double titre : en tant qu'actionnaire de France Télévisions et responsable de la définition de ses missions, en tant que membre de l'exécutif, car vous avez la possibilité d'élargir le décret du 22 décembre 2004, qui liste les épreuves sportives devant faire l'objet d'une négociation équilibrée en vue de leur diffusion sur une chaîne à accès libre.
À la veille du jour où la fédération internationale de handball va désigner le pays hôte du championnat du monde 2015, j'ajoute que la médiatisation d'un sport, sa popularité, son soutien par des milliers de bénévoles, de licenciés et de scolaires peuvent faire la différence.
Monsieur le ministre, ce problème ne se poserait pas s'il s'agissait de la demi-finale de la coupe du monde de football. Il y a d'autres sports qui valent la peine d'être médiatisés que celui qui se joue à onze. Vous avez les moyens d'y travailler. Comme nos Experts, il faut juste mouiller le maillot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Madame la députée, le handball, dont il convient de prononcer la dénomination germanique, est un sport où les équipes françaises excellent, puisque nous sommes champions olympiques et champions du monde, mais qui souffre effectivement d'un déficit de diffusion à la télévision.
Or la loi de 1986 relative à la liberté de communication dispose que les événements d'importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité d'une manière qui aboutirait à priver une grande partie du public de la possibilité de les suivre en direct.
La liste des événements d'importance majeure, vingt et un, a été fixée par décret en Conseil d'État. Ce décret, élaboré par le ministère de la culture, le ministère de la jeunesse et des sports, les professionnels, les fédérations concernées, a inscrit les matchs de handball, comme ceux de basket-ball par exemple, lorsque l'équipe de France y participe. France Télévisions a donc retransmis la finale du championnat d'Europe de handball masculin remportée par l'équipe de France, alors même que Canal + en détenait les droits exclusifs de diffusion. Le décret instaure un mécanisme de rétrocession des droits de retransmission au profit d'un diffuseur à accès libre. La diffusion des vingt et un événements peut d'ailleurs intervenir indifféremment sur les antennes de France Télévisions, comme c'est le cas pour le tournoi des six nations de rugby, ou celles de TF1, qui retransmet les matchs officiels de l'équipe de France de football.
Cela dit, si les diffuseurs en clair ont la possibilité d'acheter les droits, ils n'en ont pas l'obligation. Aux fédérations de négocier avec les chaînes en clair. On notera cependant que le succès du handball en France semble porteur de promesses d'autres diffusions et que la généralisation de la TNT avec dix-huit chaînes améliorera certainement le modèle général de diffusion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Marc Le Fur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture, avec un certain nombre de collègues, en particulier Isabelle Vasseur, nous étions, il y a quelques instants, à côté de l'Assemblée, au devant des éleveurs de porcs qui manifestaient, très dignement, leur désespoir.
Ils sont confrontés à des prix de vente trop faibles pour leurs produits et, en même temps, à des prix d'achat de leurs matières premières, de leurs intrants extrêmement élevés en raison des cours mondiaux des céréales actuellement trop hauts.
En outre, ils font face à une réglementation franco-française exagérément tatillonne – même si nous avons un peu desserré l'étau à l'occasion de la LMA – ainsi qu'à une grande distribution qui impose ses contraintes à l'ensemble de ses fournisseurs. Il faut que tout cela évolue.
Je sais quelle est la volonté du Président de la République à l'occasion du G20. Je connais également votre combat, monsieur le ministre, pour que l'Europe nous aide. Il n'en demeure pas moins que nous devons progresser sur un sujet précis : celui de l'étiquetage quant à l'origine des viandes. Il faut que les consommateurs sachent d'où viennent les produits qu'ils achètent, en particulier les viandes et les produits élaborés, dont la charcuterie. C'est la condition de la survie de la production porcine en France.
Je sais que vous y travaillez, monsieur le ministre. Sur ces questions, nous attendons des résultats précis, dans un délai contraint. Le temps nous est compté. Un certain nombre de personnes nous affirment qu'entre 10 % et 15 % des producteurs devront, dans les semaines qui viennent, déposer leur bilan. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, cela fait des années que la situation est difficile pour les producteurs de porc en France, dans votre département comme ailleurs, des années que les prix sont trop bas, les revenus trop faibles, et avec la brutale flambée des cours des matières premières et des céréales, leur situation est devenue intenable.
J'invite tous ceux qui pensent que la spéculation sur les matières premières agricoles ne représente pas une difficulté pour les producteurs à venir discuter avec les producteurs de porc qui manifestent à quelques mètres de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La solution immédiate passe par les décisions européennes prises lundi à la demande de la France, après des discussions difficiles, pour stocker le porc en stockage privé et faire remonter les prix. Cela aura, je l'espère, un effet sur les prix d'ici à la fin de la semaine.
Cela passe aussi, vous avez parfaitement raison, par des décisions nationales sur l'étiquetage. J'appelle solennellement tous les distributeurs et transformateurs à jouer le jeu du label Viande de porc française, pour valoriser celle-ci et faire remonter les prix. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je souhaite également que nous prenions la mesure de cette crise et que nous comprenions bien qu'au-delà de la crise conjoncturelle, c'est une crise structurelle qui touche la production de porc en France. Nous avons besoin de mettre aux normes les installations : avec le Premier ministre, nous avons décidé d'y consacrer plusieurs dizaines de millions d'euros. De même, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous voulons développer la méthanisation pour réduire la facture énergétique. En outre, nous allons mettre en place des contrats de filière entre les filières végétale et animale de façon à couvrir les producteurs contre la brutale flambée des prix.
Nous ne laisserons pas tomber les producteurs de porc français,…
Un député du groupe SRC. Baratin !
…qui peuvent compter sur le soutien total du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, nous vous avons interrogé hier à deux reprises, par la voix de nos collègues M. Gorce et M. Le Roux, sur la nature de la coopération entre le Gouvernement français et le régime de M. Ben Ali au moment même où ce dernier réprimait les manifestations de son peuple. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous vous avons notamment interrogé sur la réalité d'une livraison de sept tonnes d'armes que votre gouvernement aurait autorisées.
Aujourd'hui, un grand quotidien du soir nous apprend que ce ne serait pas une mais quatre livraisons qui ont été autorisées par les ministères de la défense, de l'intérieur, des finances et des affaires étrangères. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Or, que nous a répondu hier Mme Alliot-Marie ? Elle nous a dit : « En matière de police, les choses sont très claires. Nous entretenons avec la Tunisie une coopération extrêmement faible, essentiellement institutionnelle, qui se situe dans le cadre d'Interpol. » Ce qui nous semble clair, c'est que Mme Alliot-Marie ne nous a pas dit toute la vérité. Est-ce dans le cadre d'Interpol que ces livraisons d'armes sont intervenues ?
Ce que nous demandons, c'est de comprendre quand et pourquoi ces livraisons d'armes ont été autorisées, et pourquoi, alors que les morts se comptaient par dizaines, ce sont les douanes françaises, de leur propre chef, et non pas le Gouvernement, qui ont bloqué le départ de ces armes le 14 janvier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mesdames et messieurs les députés, les accusations que vous portez depuis deux jours sont des accusations sans fondement (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) qui déshonorent ceux qui les portent, et je vais m'en expliquer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Premièrement, il n'y a eu aucune exportation de matériel de maintien de l'ordre – et nous ne parlons pas d'armes, évidemment –, ni au mois de décembre 2010 ni au mois de janvier 2011. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Deuxièmement, les exportations de matériel de maintien de l'ordre dans notre pays ne sont pas soumises à la même procédure d'autorisation que les exportations d'armes, et vous le savez très bien. Ce sont des exportations contrôlées par les douanes. En l'occurrence, les exportations ont fait l'objet, de manière normale, d'un contrôle des douanes… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Écoutez la réponse !
Les douanes ont constaté que le contenu des envois d'entreprises françaises au Gouvernement tunisien n'était pas conforme aux documents et aux autorisations qui avaient été données. Ces matériels ont donc été bloqués. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Entrons dans le détail : il s'agissait de grenades lacrymogènes, d'uniformes de police et de matraques. (Mêmes mouvements.)
À présent, j'aimerais que le parti socialiste, avant de poser de telles questions et d'accuser, comme l'ont fait hier les députés socialistes, le Gouvernement d'avoir autorisé des exportations d'armes en Tunisie – j'ai même entendu parler hier d'armes à feu –, fasse preuve d'un peu plus de prudence et regarde ce qui s'est passé les années précédentes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Répondez à la question !
Entre 1997 et 2002, ont été livrés au ministère de l'intérieur tunisien des grenades éblouissantes, des grenades fumigènes, des grenades à main fulgurantes, des pistolets de calibre 9 mm, des pistolets automatiques, des fusils d'assaut automatiques. (« Eh oui ! » et huées sur les bancs du groupe UMP.)
Voulez-vous que je continue la liste ? À destination de la Présidence de la République, ont été livrés des fusils semi-automatiques, des fusils à pompe à répétition, des gilets pare-balles et des menottes en plastique.
Nous n'avons pas pratiqué ces exportations à destination de la Tunisie dans la période que vous évoquez. Vous devriez avoir honte de proférer de telles accusations. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Elles sont déshonorantes pour vous et elles ne servent pas la France ! (Mmes et MM. les députés du groupe UMP et plusieurs députés du groupe Nouveau Centre se lèvent pour applaudir. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État aux transports, les députés de Marseille Roland Blum, Valérie Boyer, Renaud Muselier, Jean Roatta, Dominique Tian et moi-même vous lancent un cri d'alarme : Marseille a mal à son port ! (Exclamations et sourires sur divers bancs.)
En effet, alors que l'activité portuaire reprenait son élan après la douloureuse grève de l'automne dernier, un nouveau conflit social, qui touche depuis ce week-end l'ensemble des ports français, pourrait sonner le glas de l'activité marchandise du port de la cité phocéenne. Les dockers cesseront le travail le vendredi et le dimanche, les agents portuaires feront de même le samedi et le lundi, laissant ainsi s'accumuler les retards. L'activité de Fos et de Lavéra ainsi que celle des terminaux pétroliers de Fos sera une nouvelle fois, une fois encore, une fois de plus, largement perturbée. Le président d'Euroméditerranée et l'élu délégué au développement économique de Marseille Provence Métropole que je suis est inquiet de voir ce conflit social pénaliser à son tour l'activité économique de Marseille.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, les agents CGT du port, dans la stratégie suicidaire qui est la leur, refusent de se voir appliquer la réforme des retraites alors même que le Gouvernement s'est engagé à reconnaître la pénibilité des professions portuaires. Ce chantage est absolument catastrophique. Les élus, les responsables économiques, les Marseillais ne comprennent pas et condamnent cette surenchère syndicale qui oblige les navires à charger et à décharger dans les ports de Barcelone et de Gênes.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement doit prendre une initiative forte…
Merci.
La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur Guy Teissier, je vous confirme que le Gouvernement entend bien mener à son terme, à Marseille comme dans les autres ports, la réforme portuaire engagée en 2008, car elle renforcera notre compétitivité économique au niveau de l'ensemble des ports français. Nous sommes aujourd'hui dans la dernière étape, à savoir le transfert des personnels de manutention aux entreprises privées.
Les partenaires sociaux ont engagé en 2008, vous le savez, des négociations sur la reconnaissance de la pénibilité des métiers portuaires, mais elles ont été suspendues en octobre 2010, à l'initiative des partenaires sociaux, dans l'attente du vote de la loi sur la réforme des retraites. Le Gouvernement est prêt à reconnaître la pénibilité de certains métiers portuaires. L'Union des ports de France a donc relancé les négociations, notamment sur la durée d'anticipation des départs en retraite, dans le cadre du mandat qui lui a été donné par le Gouvernement. C'est une chance historique donnée aux organisations syndicales de reprendre le dialogue sur cette question majeure. Comme vous, je regrette qu'elles aient choisi de quitter la table des négociations pour s'engager dans un mouvement social qui paralyse à nouveau le port de Marseille et d'autres dans notre pays. Certes, à Marseille, il y a toujours eu depuis le début de la crise un terminal pétrolier en fonctionnement, celui de Fos Lavéra, mais il s'agit d'un compromis absolument pas satisfaisant.
J'appelle donc tous les partenaires sociaux à faire preuve de responsabilité. Le Gouvernement est prêt à reprendre les négociations, prêt à reconnaître la pénibilité. Ce n'est pas que Marseille qui a mal à son port : c'est toute la France ! J'appelle les organisations syndicales à reprendre le dialogue. Nous sommes prêts à dialoguer autour d'une table, mais pour cela il faut être deux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Promulguée en novembre dernier, la loi relative à la réforme des retraites restera probablement comme l'une des plus grandes régressions sociales de ce quinquennat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Laissons l'histoire en juger, mes chers collègues ! et parions que les Français en tireront les conséquences.
Je souhaite vous interroger uniquement sur un article de cette loi, un des rares, sinon le seul, à avoir été adopté à l'unanimité : il s'agit de l'article 13, qui prévoit que le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er janvier 2011, un rapport sur les conditions de mise en oeuvre du versement des pensions dès le premier jour de chaque mois. Cet article est issu de deux amendements parlementaires : le vôtre, c'est-à-dire l'amendement n° 335, et le mien, l'amendement n° 144 ; leur objectif commun était d'avancer la date de mise en paiement des pensions de retraite du régime général, actuellement fixée au 8 du mois. Les difficultés qui résultent du versement tardif des pensions de retraite, difficultés d'autant plus lourdes que les pensions sont modestes, ont été à nouveau soulignées au cours de cette discussion. Mais celle-ci nous a permis d'apprendre que les contraintes techniques et les impossibilités financières avancées jusque-là étaient largement surmontables… Grâce au député Xavier Bertrand, nous avons même appris que le coût de la mesure se situerait en réalité entre 60 millions et 80 millions d'euros, et seulement une seule fois, à la mise en place de la mesure.
J'ai donc deux questions :…
…la date fixée pour la remise du rapport étant maintenant dépassée, pouvez-vous nous faire part de ses conclusions ? Le ministre Xavier Bertrand fera-t-il preuve de la même détermination que le parlement taire du même nom pour que les pensions de retraite soient enfin versées dès le premier du mois ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Madame la députée, la réponse est claire : c'est oui. Je pense toujours, en tant que ministre, ce que je disais et ce que j'ai fait voter – comme vous d'ailleurs en la circonstance – en tant que député. Vous êtes déjà intervenue sur ce dossier, et j'ai en tête cette remarque d'une dame qui m'a dit, à la suite d'une réunion : « Monsieur le ministre, mon loyer, je le paye le 2, ma retraite, je la touche le 10 : comment je fais entre les deux ? » Depuis lors, je me suis promis de changer les choses. On m'avait indiqué qu'une telle mesure coûterait 15 milliards d'euros ; mais non, il s'agit seulement de prendre en compte le besoin de financement pour les huit jours de décalage entre le 2 et le 10 de chaque mois, c'est-à-dire pour les intérêts à payer.
Quant au rapport, je vais être très franc avec vous : je n'en ai pas besoin. Je l'avais demandé à l'époque parce que l'article 40 empêchait les parlementaires de voter mon amendement. Éric Woerth avait accédé à ma demande. La proposition d'un rapport visait à mettre la pression car nous ne pouvions pas faire autrement.
J'ai bien évidemment demandé aux services, notamment à la direction de la sécurité sociale, de préparer le changement, une fois pour toutes, de la date de versement des pensions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Je suis intimement persuadé que cette mesure, peut-être très simple et dont on ne nous parle pas souvent dans nos bureaux, on en parle très souvent sur le terrain. Je n'ai pas deux discours : celui que j'avais en tant que parlementaire, je l'ai aujourd'hui en tant que ministre. La seule différence, c'est qu'être ministre, cela va me permettre de le mettre en oeuvre avec mes collègues.
Il y a un autre point sur lequel j'aurais aimé que nous soyons aussi d'accord, madame Bello, à savoir que cette réforme des retraites, parce qu'elle permet de garantir le paiement des retraites, et de le garantir plus tôt dans le mois, constitue une avancée sociale. Vous auriez pu le reconnaître. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur quelques bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Maurice Leroy, ministre de la ville, en charge d'un très beau dossier : le Grand Paris.
Monsieur le ministre, voici près de trois ans que chemine le Grand Paris, projet ambitieux du 21e siècle, porté par le Président de la République.
Après l'adoption de la loi du 3 juin 2010, un moment crucial est arrivé, celui de la mise en oeuvre matérielle du projet. Il nous incombe donc maintenant d'aller de l'avant pour que l'espérance du Grand Paris devienne au plus vite une réalité concrète et tangible pour l'ensemble des Français.
Dans son discours du 29 avril 2009, le Président s'exprimait avec force : « C'est sur le transport que va se jouer la partie la plus décisive ! »
Dans cet esprit, il est indispensable de répondre positivement à une double demande urgente et précise. D'une part, il s'agit d'agir immédiatement et massivement pour améliorer substantiellement le réseau de transport existant, en particulier les lignes du RER. D'autre part, il s'agit d'offrir au public un projet unique, porté conjointement par l'État et par la région d'Île-de-France.
Au cours de ces dernières semaines, monsieur le ministre, vous avez engagé des discussions avec le conseil régional. Celles-ci viennent d'aboutir à un accord traduisant au moins une vision commune répondant aux exigences d'aujourd'hui, avec la réalisation prioritaire des investissements prévus par la loi que nous avons votée.
Monsieur le Ministre, où en est-on ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député Yves Albarello, vous qui avez été le rapporteur à l'Assemblée du projet de loi sur le Grand Paris, vous appelez à la convergence des projets de transport portés par l'État et par la région. Vous avez raison.
Il s'agit de répondre dès maintenant aux difficultés quotidiennes que rencontrent les Franciliens dans les transports en commun. Il s'agit aussi, comme vous l'avez dit, de préparer l'avenir de la région capitale dans un monde très compétitif. Paris comptera parmi les villes-monde du 21e siècle.
Nous sommes parvenus, ce matin, à un accord avec le président de la région d'Île-de-France, Jean-Paul Huchon, mais je veux y associer les huit présidents des conseils généraux, toutes sensibilités politiques confondues. C'est effectivement un accord historique, auquel je veux associer les architectes de l'atelier international du Grand Paris.
Je veux aussi remercier Gilles Carrez, votre rapporteur général du budget, qui a fait ici un travail absolument remarquable…
….dans la loi de finances notamment, afin que soient tenus les rendez-vous et engagements financiers du Grand Paris.
Grâce à la mobilisation de tous, la dynamique historique du Grand Paris, voulue par le Président de la République et par le Premier ministre, s'est mise en place. C'est irréversible.
Je veux associer mes prédécesseurs Christian Blanc et Michel Mercier à cette aventure vraiment collective, rassemblant toutes les sensibilités. Toute la représentation nationale ne peut que se réjouir de cet accord historique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, samedi dernier vous êtes venue à Bordeaux à la rencontre des associations pour le lancement de la grande cause nationale 2011 : « Pas de solitude dans une France fraternelle ».
C'est à la demande du collectif de vingt-quatre associations fédérées autour de la Société de Saint-Vincent-de-Paul que le Premier ministre a répondu pour cette grande cause 2011.
C'est un appel à tous afin de combattre un mal social qui porte atteinte aux valeurs de solidarité et de fraternité de notre pacte républicain. Environ un tiers des Français déclare souffrir d'une expérience de vie solitaire et douloureuse, et nous le voyons tous dans nos permanences parlementaires.
À l'heure d'internet et des réseaux sociaux, la solitude a de multiples visages. Elle ne touche pas seulement les personnes âgées ou handicapées, elle peut toucher n'importe qui, y compris les jeunes.
C'est en valorisant la fraternité que l'on combattra la solitude. Cette grande cause nationale sera une belle opportunité pour les associations de se faire connaître auprès des personnes qui ont besoin d'aide et pour rencontrer des bénévoles prêts à donner de leur temps.
Madame la ministre, je sais que le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce chantier et particulièrement votre ministère. Pouvez vous exposer à la représentation nationale les grands axes de vos actions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Madame la députée Chantal Bourragué, nous nous trouvions effectivement aux côtés d'Alain Juppé, samedi dernier, pour cette première journée consacrée à la cause retenue par M. le Premier ministre comme grande cause nationale 2011 : la lutte contre la solitude.
Vous avez raison de rappeler que 30 % de nos concitoyens disent souffrir de solitude dans leur vie de famille ou dans leur vie professionnelle : personnes âgées ; femmes qui élèvent seules leurs enfants dans des familles monoparentales ; jeunes actifs, étudiants ou apprentis qui vivent loin de chez eux et n'ont pas encore reconstitué un cercle familial ou amical.
Il faut nous mobiliser et je salue l'engagement de ce collectif d'associations, avec à leur tête la Société de Saint-Vincent-de-Paul, que nous avons retrouvé samedi avec vous-même, madame la députée et Alain Juppé.
Le Gouvernement se mobilise aussi et il offre à ces associations divers espaces médiatiques pour se faire connaître. Nous étions à Bordeaux samedi ; nous serons chez Luc Chatel,…
… ministre de l'éducation, à Chaumont. Jeannette Bougrab, qui s'occupe de toute la vie associative, est entièrement engagée à nos côtés, et chaque ministre se mobilise.
Évidemment, le ministère de la cohésion sociale et des solidarités sera le chef de file de cette mobilisation à travers toutes les politiques que nous menons dans les domaines de la famille, du handicap, des personnes âgées. Il faudra réfléchir à cette question de la solitude lors du grand débat sur la dépendance, et dans nos actions de lutte massive contre la pauvreté et la précarité.
Oui, c'est un bel acte de fraternité que cette grande cause nationale de lutte contre la solitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, n'était-il pas honnête de dire que les ventes d'armes que vous avez évoquées tout à l'heure s'étaient faites aussi sous la présidence de M. Jacques Chirac ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il n'y a pas de honte pour la Représentation nationale à interroger le chef du Gouvernement. Nous le faisons au nom du peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais ma question est tout autre.En quatre ans, votre majorité a vendu pour 3 milliards d'euros de biens nationaux. Jamais aucun gouvernement n'avait osé brader à ce point le patrimoine de l'État. Et 1 700 édifices supplémentaires sont visés, dont l'Hôtel de la Marine, ce bien remarquable architecturalement, historiquement et symboliquement.
Il appartient au peuple français, à son histoire, et n'est pas un patrimoine ordinaire. Cet édifice est un joyau. Il fut le premier musée de Paris. Ses galeries et salons viennent d'être restaurés avec la bénédiction du ministre de la culture.
Mercredi dernier, le Président de la République, pensant calmer le vent d'indignation qui s'est levé de toutes les classes sociales et de toutes les sensibilités, a déclaré qu'il n'était pas question de le vendre ni de l'aliéner. C'était faire diversion car, dès le 27 novembre dernier, France Domaine mettait en jeu un bail emphytéotique de 80 ans. Cela veut dire que ce joyau de la République sera mis à la disposition d'un promoteur privé libre de tout réaménagement avec pour seul but d'énormes bénéfices.
Est-il acceptable de transformer ce trésor en gîte pour milliardaires aux seuls fins de combler un tout petit bout de la dette abyssale de centaines de milliards que vous avez creusée ?
L'arrivée annoncée du Qatar dans cette opération douteuse laisserait-elle penser que le drapeau de la France ne flottera plus jamais sur ce bâtiment ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si la situation financière de la France est à ce point catastrophique, à quand la vente de la Tour Eiffel, de Matignon et de l'Élysée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le député, l'Hôtel de la Marine suscite, comme on le sait, des controverses très importantes. Elles sont légitimes ; elles témoignent de l'intérêt de l'opinion pour le patrimoine.
Palais commandé par l'État, dessiné par Gabriel, siège d'instants essentiels de notre histoire, comme l'abolition de l'esclavage, autrefois siège du Trésor des collections royales, aujourd'hui affecté à la Marine, le palais ne saurait être aliéné.
Il se présente sous la forme d'une succession de pièces patrimoniales qui ont été restaurées d'une manière remarquable, et de tout un ensemble de pièces plus désuètes dont l'affectation, de toute façon, mérite d'être étudiée puisqu'elles sont quasiment vides. Rares sont ceux parmi nous qui ont eu l'honneur et le plaisir de visiter l'Hôtel de la Marine.
Sur instruction de M. le Président de la République, en liaison avec le ministre du budget, François Baroin, qui a la tutelle de France Domaine, et de M. le ministre d'État, ministre de la défense, Alain Juppé, je suis chargé de mettre en oeuvre la commission qui établira la meilleure manière de protéger et de valoriser ce joyau de notre patrimoine.
Le ministère de la culture a d'ailleurs une certaine expertise puisque c'est lui, je vous le rappelle, qui a « déminé » l'affaire de l'Hôtel Lambert il y a quinze mois.
Cette commission sera constituée par des personnalités éminentes, hors de tout soupçon. Larguons donc maintenant les amarres et finissons-en avec les rumeurs, les allégations et les polémiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, je souhaite appeler votre attention sur les conséquences désastreuses que pourrait avoir l'exploitation de gaz de schiste dans le sud-est de la France.
En mars 2010, trois permis exclusifs de recherche de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux ont été accordés par la France dans la plus grande discrétion : il s'agit des permis dits de Villeneuve-de-Berg en Ardèche, de Montélimar dans la Drôme et le Gard et de Nant dans la Lozère, l'Aveyron et l'Hérault.
L'objectif est d'exploiter un gaz non conventionnel dit « gaz de schiste » à partir d'une technique alliant un forage vertical puis horizontal et une fracturation de la roche. Cette dernière est réalisée grâce à l'injection de milliers de mètres cubes d'eau à très haute pression associés à un mélange de sables et d'additifs chimiques hautement toxiques.
Les retours d'expérience sur cette nouvelle technique, venue d'Amérique du Nord, suscitent les plus grandes inquiétudes en termes d'écologie et de santé publique.
Alors que les travaux d'exploration doivent débuter dans quelques jours, aucun débat public, aucune concertation, aucune étude d'impact n'ont été réalisés. Quelles seront les conséquences sur 1'environnement, sur la ressource en eau, sur la santé de la population, sur l'économie locale ?
Je me fais aujourd'hui le porte-parole d'un mouvement sociétal profond qui s'inquiète pour son avenir et fustige l'absence d'information et de concertation.
La Région Rhône-Alpes a déjà délibéré contre ces projets. Les départements de l'Ardèche, du Gard, de l'Hérault, du Vaucluse et de la Drôme s'apprêtent à faire de même.
Voulues pour de seules motivations financières au profit de multinationales américaines, ces autorisations piétinent les principes fondamentaux du Grenelle de l'environnement. Quid du principe de précaution ?
Je vous demande, madame la ministre, de saisir la Commission nationale du débat public. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) .)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Monsieur le député, les permis d'exploration de gaz de schiste suscitent des inquiétudes et des interrogations grandissantes, qui sont tout à fait légitimes. De nombreux élus de droite et de gauche m'ont déjà alertée sur ce sujet, comme Jean-Claude Flory. Aussi, je veux être très précise.
D'abord, il n'est pas question d'exploiter le gaz de schiste comme cela se fait dans certains pays, et notamment aux Etats-Unis. Des techniques dangereuses pour l'environnement et destructrices y sont utilisées. Il n'est pas question d'engager la France dans cette voie.
Est-il possible d'exploiter le gaz de schiste autrement, non pour augmenter la consommation de gaz mais, par exemple, pour se substituer à des importations ?
C'est l'objet de ces explorations.
Là encore, il faut être précis : un permis d'exploration n'est pas un permis d'exploitation.
Depuis 2004, neuf permis d'exploration ont été donnés sur les gaz non conventionnels, dont le gaz de schiste, et trois en mars 2010. Il n'a été accordé aucun permis d'exploitation.
L'information à ce sujet est transparente. Elle était jusqu'à maintenant méconnue mais elle était publique. La cartographie est présente sur le site du ministère. Des permis d'exploration actifs existent, des demandes sont adressées. Ce n'est pas un secret.
Toute ouverture de travaux nécessitera une enquête publique. Donc aucuns travaux ne seront possibles sans cette procédure.
En revanche, monsieur Terrasse, un moratoire n'est pas possible. Le code minier ne le permet pas.
Mais vous pouvez compter sur ma vigilance pour que nous ne voyions pas en France le type de paysage désolé auquel une exploitation sans retenue et sans contraintes environnementales a conduit les États-Unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Loos, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.
Il y a quelques mois, les stations-service, en France, étaient prises d'assaut par les automobilistes. On évoquait alors la prise de mesures radicales, comme la réquisition des dépôts pétroliers, afin d'éviter la paralysie de notre pays.
Une table ronde avec les professionnels du raffinage, le 15 avril dernier, avait d'ailleurs constaté les difficultés du secteur, du fait d'une surproduction d'essence et d'un manque de gasoil. Le raffinage du pétrole est peut-être surcapacitaire en France, mais son bon fonctionnement reste un facteur clé de garantie d'approvisionnement de notre pays, voire de notre indépendance énergétique.
Or c'est le contraire qui est en train de se passer. Après la fermeture de la raffinerie Total de Dunkerque, d'autres établissements annoncent la fin de leurs activités de raffinage, pour ne conserver que celles de dépôt. La profession s'attend ainsi à une annonce de la part d'une raffinerie de l'étang de Berre. En Alsace, c'est l'exploitant suisse Petroplus, qui veut fermer la raffinerie de Reichstett, près de Strasbourg. Celle-ci est pourtant la seule raffinerie pour le nord-est de la France, et ce site a été conforté en 2009-2010 par plus de 40 millions d'euros d'investissements. Sa fermeture ne créerait que des problèmes, à commencer par des conséquences environnementales extrêmement graves, et ne changerait rien à la surcapacité, puisque la production actuelle serait remplacée par des importations venant de Hollande, de Belgique et d'Allemagne, par le Rhin.
Pour éviter la fermeture, le personnel a accepté de poursuivre l'exploitation, pour ne pas gâcher les chances de reprise par un autre pétrolier. On vient d'ailleurs de vivre un rapprochement de ce type dans la joint venture que PetroChina vient de faire avec le groupe INEOS à Lavera.
Monsieur le ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire pour aider à la reprise de ce site par un producteur qu'il faudra chercher ailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur le ministre François Loos, ce sont des questions que vous connaissez bien dans leur dimension locale et dans leur implication nationale.
Sur le plan local, vous avez parfaitement résumé la situation. Le groupe suisse Petroplus, après avoir recherché un repreneur et d'autres activités, a malheureusement décidé de cesser son activité.
L'État s'est mobilisé, vous le savez, car vous avez participé à des réunions, ainsi que notre collègue Philippe Richert et plusieurs élus locaux. Vous avez eu raison de souligner que les salariés ont eux-mêmes été remarquables. L'État s'est mobilisé pour l'activité et pour l'emploi. L'Agence française des investissements internationaux recherche un repreneur. Nous aurons, dans quelques semaines, le fruit de ses travaux et j'espère que ce sera positif.
Pour ce qui concerne la dimension nationale de votre question, vous avez raison, la France a des capacités de raffinage élevées et est probablement encore surcapacitaire. Il n'empêche que notre détermination à garder sur notre sol des raffineries est totale, pour des raisons que vous connaissez et que vous avez bien résumées : l'emploi, d'une part, l'intérêt stratégique et l'indépendance énergétique, d'autre part.
Votre question touche également à l'avenir du véhicule automobile. Vous avez raison, à court terme, ce seront toujours des véhicules diesel ou à essence, autrement dit des véhicules à moteur thermique. Cependant, nous avançons vers le moteur hybride, mais aussi vers le véhicule électrique qui sera probablement la grande conquête des années à venir, une source de développement industriel et d'emploi très importante.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, le Gouvernement se mobilise à la fois pour gérer le présent, qui est pétrolier, et pour préparer l'avenir, qui est hybride et électrique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
J'associe à ma question Aurélie Filippetti et Pascale Crozon.
En 2010, monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré « la lutte contre les violences faites aux femmes » grande cause nationale. En ce début 2011, on attendait donc avec une certaine impatience les statistiques de la sécurité pour juger des résultats.
Elles viennent d'être présentées à la presse. Le verdict de l'Observatoire national de la délinquance est sans appel ; non seulement les violences contre les personnes ont augmenté, mais surtout, les violences contre les femmes dans l'espace public ont bondi de 13 %. En 2010, en France, 50 000 femmes ont été victimes de ces violences, et 10 000 d'entre elles ont subi un viol.
Le président de l'Observatoire national de la délinquance souligne que c'est le point le plus grave et qu'il va falloir le traiter en priorité. Il est rejoint par l'Observatoire de la parité qui précise que « le sentiment d'insécurité des femmes au domicile, comme à l'extérieur, est très fort ». Car à ces violences dans l'espace public, il faut ajouter les violences conjugales dont sont toujours victimes plus de 4 millions de femmes en France. Dans notre pays, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon.
Alors pourquoi, lors de sa conférence de presse, le ministre de l'Intérieur est-il resté complètement muet sur ce point ?
Pourtant, ces résultats dramatiques ne sont pas une fatalité. Le gouvernement espagnol, qui a pris ce sujet à bras-le-corps, a réduit de moitié les violences contre les femmes en cinq ans. A contrario, nos chiffres signent un véritable échec. Vous n'avez mobilisé ni les moyens financiers ni les moyens pédagogiques attendus par les associations, qui espéraient tant de cette grande cause nationale. Ce qui nous permet de douter de la grande cause de la solitude ! La loi sur les violences faites aux femmes adoptée à l'unanimité n'a pas suffi. Les femmes attendront encore longtemps d'être une priorité. Des femmes continueront à être victimes, victimes de votre silence, victimes de votre indifférence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Madame la députée, vous évoquez les statistiques de l'Observatoire de la délinquance. Cela veut dire que vous leur accordez du crédit et vous avez parfaitement raison, parce que le premier message de cet observatoire, c'est que, cette année, la délinquance globale a diminué nettement dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Par ailleurs, sont aussi évoquées les violences aux personnes et, parmi celles-ci, les violences faites aux femmes. C'est incontestablement un défi à relever.
Il faut distinguer deux types de situations.
Il y a d'abord les violences crapuleuses qui concernent plus particulièrement les femmes, et sont généralement consécutives à des vols. Face à cela, les forces de sécurité sont mobilisées ; tout est mis en oeuvre pour identifier, pour interpeller, pour livrer à l'autorité judiciaire les auteurs de ces violences. C'est un combat extrêmement difficile, mais prioritaire.
Il y a ensuite les violences intrafamiliales qui, je le rappelle, en une année, ont entraîné le meurtre de 165 personnes, dont 140 femmes. Heureusement, le mur du silence, grâce à une action collective, est aujourd'hui tombé.
Cela suppose naturellement que, face à ces situations, il y ait une réponse de l'État. Cette réponse existe : elle passe par la mise en place de dispositifs concrets, comme les brigades de protection de la famille – il y en a 218 –, par les correspondants départementaux d'aide aux victimes, par des psychologues. Au total, il y a aujourd'hui dans notre pays 1 162 agents spécialisés qui ont ainsi accompagné 28 000 femmes victimes. Il s'agit donc d'une réponse très concrète. Avec Roselyne Bachelot, qui présentera un plan début février, nous avançons avec une conviction simple : étant plus attaquées et plus exposées, les femmes méritent d'être mieux protégées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François-Michel Gonnot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, comme vous le savez, mon département, celui de l'Oise, mais aussi les départements de l'Aisne et du Val d'Oise, ont été à nouveau durement frappés, ces dernières semaines, par des inondations. Dans ma seule circonscription, deux cents maisons ont été touchées.
Toutes les études hydrauliques le montrent : la solution réside, au moins en partie, dans la réalisation du canal à grand gabarit Seine-Nord Europe. Avec moi, beaucoup de parlementaires présents ici – Françoise Hostalier, Stéphane Demilly, et bien sûr Alain Gest – croient à ce projet.
Mais, madame la ministre, ce projet est aujourd'hui en panne, bien que, depuis un an et demi, 97 % du financement ait été réuni. Le dialogue compétitif avec les deux groupes candidats à la construction de ce canal n'a pas pu démarrer, ce qui retarde d'autant plus ce grand chantier.
Le canal Seine-Nord Europe, je le rappelle, ce sont 4,3 milliards d'euros d'investissements qui seraient très utiles pour notre économie ; c'est une relance extraordinaire d'un trafic fluvial déjà en croissance ; ce sont des ports fluviaux que nos départements ankylosés par la crise attendent. Bref, madame la ministre, nous sommes quelques-uns à vouloir qu'il soit mené à bien.
Madame la ministre, où en est la procédure de lancement du dialogue compétitif avec les deux groupes candidats à la construction ? Peut-on espérer un démarrage rapide ? Qu'est-ce qui bloque encore ce dossier ?
Quelles nouvelles pouvez-vous nous apporter pour redonner quelque espoir à tous ceux qui, à un titre ou à un autre, de la région Île-de-France à la région Nord-Pas-de-Calais, sont intéressés par ce grand chantier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe NC)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Le canal Seine-Nord Europe est inscrit dans la loi Grenelle 1, dont il est sans aucun doute l'un des projets les plus emblématiques. L'équation est simple : plus de bateaux sur les canaux, c'est moins de camions sur les routes.
Je veille donc à l'avancée rapide de ce projet, conformément aux instructions très claires du Président de la République. Avant de lancer un chantier de cette ampleur, il fallait toutefois s'assurer de son financement. Des inquiétudes existaient sur l'engagement des collectivités territoriales ; il fallait boucler un tour de table pour un coût global de 4,2 milliards d'euros tout de même, dans le cadre d'un partenariat public-privé, qui permet par la suite d'accélérer les délais.
Je vous confirme que les consultations engagées par mon prédécesseur Jean-Louis Borloo ont abouti. L'ensemble des collectivités – certaines tout récemment – ont confirmé leur participation : les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Île-de-France, pour 510 millions d'euros ; les conseils généraux de l'Oise, du Nord, du Pas-de-Calais, pour 200 millions d'euros ; les grands ports du Havre, de Rouen, de Dunkerque, de Paris, pour 106 millions d'euros.
Nous négocions encore avec les conseils généraux d'Île-de-France dont nous espérons une contribution de l'ordre de 75 millions d'euros.
Enfin, la Commission européenne devrait nous confirmer rapidement son engagement, pour 333 millions d'euros.
La participation de l'État s'élevant à 900 millions d'euros, à quoi s'ajoute la couverture du risque de trafic, nous pouvons dire aujourd'hui que le financement est assuré à un peu plus de 97 %.
M. le Premier ministre devrait maintenant autoriser la poursuite de l'opération par le lancement d'un dialogue compétitif. Les dossiers sont prêts, et nous n'attendons plus que l'ultime feu vert. Cette procédure de dialogue compétitif permettra d'effectuer les derniers choix techniques et de préciser la répartition des risques – c'est, vous le devinez, un sujet important. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du travail et de l'emploi, le département de Basse-Normandie compte 83 000 demandeurs d'emploi ; la construction de la centrale EPR de Flamanville aurait dû constituer le moteur d'une dynamique de retour à l'emploi.
Ce n'est pas tout à fait le cas : parmi les 3 200 ouvriers employés sur ce chantier, un millier sont des travailleurs étrangers, provenant essentiellement de Roumanie ; seulement 500 ouvriers sont originaires de Basse-Normandie. Les fiches de paie des ouvriers étrangers transitent par leurs pays d'origine, au grand dam des syndicats qui précisent que Bouygues a confié une partie de ces marchés à ses filiales des pays de l'est, essentiellement la Roumanie.
Bouygues n'a ainsi recruté que 10 % à peine des 1 800 personnes originaires de Basse-Normandie qui s'étaient inscrites en 2007 pour participer à ce chantier. Le groupe invoque l'absence d'une main-d'oeuvre française disposant des compétences requises par certains métiers spécifiques – ferrailleurs, coffreurs, manutentionnaires.
De l'aveu même du directeur de l'emploi de Cherbourg, l'inadéquation entre l'offre de formation et les offres d'emploi est patente, et ce depuis plusieurs années. La situation est tendue dans plusieurs secteurs d'activité, comme le génie civil ou la métallurgie.
Où est, monsieur le ministre, la gestion prévisionnelle des formations ? Avez-vous l'intention de demander un rapport sur les conditions de recrutement du personnel sur ce chantier ? Flamanville est-il un chantier ressource pour l'emploi ou une opération de spéculation financière pour le groupe Bouygues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Sur la question de l'adaptation, sur notre marché de l'emploi, des offres et des demandes, on peut organiser tous les débats que l'on veut : chaque année, ce sont 250 000 offres d'emploi qui ne sont pas pourvues par Pôle Emploi.
Cela ne veut pas dire que ces postes ne sont pas pourvus…
…mais cela veut dire que l'on mettra beaucoup plus de temps pour les pourvoir, notamment dans les secteurs « en tension ».
Je ne savais pas que la vérité énervait tant certains parlementaires.
Ma priorité, en ce moment, c'est que sur le chantier de l'EPR de Flamanville, un salarié d'une entreprise sous-traitante a été victime d'un accident du travail.
Aujourd'hui, ma priorité, c'est de suivre l'enquête, sur place, des inspecteurs de l'Autorité de sûreté nucléaire de Caen, en lien, notamment, avec le procureur de la République.
Je pensais que vous alliez m'interroger sur ce sujet-là : la sécurité sur les chantiers concerne tous les salariés, qu'ils appartiennent ou pas à une entreprise sous-traitante.
Voilà, aujourd'hui, ma priorité sur ce dossier. Pour le reste, je vous dirai que si, au lieu d'alimenter comme certains une polémique permanente, chacun travaillait ensemble, si les régions et l'État s'attelaient ensemble à faire reculer le chômage, nous ferions davantage oeuvre utile.
Emplois sur le chantier de la centrale EPR de Flamanville
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Élisabeth Guigou.)
M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Jean-Luc Warsmann, député des Ardennes, d'une mission temporaire auprès de lui.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage (nos 3042, 3105).
La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, mes chers collègues, la proposition de loi que nous soumettons à l'Assemblée a pour but d'abroger la loi du 3 janvier 1969 qui réglemente la circulation de certaines catégories de citoyens.
La loi de 1969, qui faisait suite à une loi de 1912, impose aux gens du voyage, aux nomades, trois titres de circulation : le premier est un carnet réservé à ceux qui sont sans ressources et qui doivent le faire viser tous les trois mois par les services de la gendarmerie ; le deuxième est un livret de circulation pour ceux qui ont des ressources et qui doivent le faire viser tous les ans ; le troisième est le livret de commerçant, dont il existe deux versions et qu'il était nécessaire de faire viser par les autorités consulaires des chambres de commerce – obligation supprimée en 1988.
Dans une décision de 2007, la Haute autorité de lutte contre les discriminations a considéré que les obligations qui pèsent sur cette catégorie particulière de nos concitoyens qu'on appelle les « gens du voyage » relevaient d'un traitement discriminatoire. Il l'est, en effet, à trois titres. D'abord, ces restrictions à la liberté de circulation ne sont pas imposées à la totalité de la population, mais à une seule catégorie de citoyens, et elles ne se fondent sur aucune raison particulière de sécurité.
Ensuite, la mention de la commune de rattachement sur la carte nationale d'identité en désigne infailliblement le titulaire comme appartenant à une catégorie de population qui se rattache aux gens du voyage. Ce signe distinctif est discriminatoire.
Enfin – et c'est peut-être le plus grave –, la loi de 1969 est discriminatoire en ce qui concerne le droit de vote. Les gens du voyage ne peuvent bénéficier du droit de vote dans leur commune de rattachement que trois ans après s'y être déclarés. En effet, la loi de 1969 n'a pas seulement prévu des titres de circulation particuliers, elle a imposé l'obligation de se rattacher à une commune. C'est le préfet qui, au niveau départemental, organise la gestion du dispositif, proposant aux communes le rattachement d'un certain nombre de gens du voyage. Les communes peuvent accepter ou refuser, mais le préfet a la possibilité d'imposer sa décision : toutefois, en aucun cas le nombre de titulaires d'un titre de circulation ne peut excéder 3 % de la population municipale de la commune de rattachement. L'inscription sur les listes électorales et le droit de vote sont subordonnés à une durée minimale de rattachement de trois années. Le code électoral prévoit, pour les personnes sans domicile stable, une procédure d'élection de domicile qui permet l'inscription sur les listes électorales au bout d'un délai de six mois. Dans les deux cas, ces personnes sont dans la même situation, puisqu'elles n'ont pas de domicile stable. Trois ans pour les uns, six mois pour les autres : le traitement réservé aux gens du voyage est bel et bien discriminatoire.
Il nous semble urgent, nécessaire et opportun, de mettre fin à cette discrimination. C'est même d'autant plus opportun qu'elle ne sert à rien. On pourrait invoquer des raisons d'ordre public, considérer que les sédentaires sont plus faciles à contrôler puisqu'ils ont une adresse et que ceux qui ne sont pas sédentaires doivent pouvoir être contrôlés plus facilement. Mais, en réalité, ces dispositions sont en très grande partie tombées en désuétude. Les services de gendarmerie que nous avons interrogés reconnaissent que cette législation ne sert à rien : bien souvent, les gens du voyage ne font pas apposer les visas, les gendarmes ne dressent pratiquement pas de procès-verbaux et les tribunaux ne sont plus saisis – quand bien même ils le seraient, sans doute ne prononceraient-ils pas de condamnations pour des infractions aussi bénignes.
On ne peut pas non plus invoquer les graves événements qui se sont déroulés cet été à Saint-Aignan dans le Loir-et-Cher : ils impliquaient des gens qui se sont comportés comme des délinquants et qui doivent être stigmatisés, poursuivis et condamnés comme tels. Ces événements ne peuvent en tout cas nullement justifier un traitement discriminatoire à l'encontre de l'ensemble d'une communauté.
J'ajoute que, plus on discrimine, plus on a tendance à renforcer les comportements communautaires, en marge du comportement ordinaire.
Il serait extrêmement simple de mettre fin à cette discrimination : il suffirait d'abroger la loi de 1969. Et il ne serait pas utile de la remplacer par un nouveau dispositif particulier. Nous retrouverions simplement le droit commun : la procédure de l'élection de domicile, qui vaut pour les gens sans résidence stable, pourrait bénéficier aux gens du voyage, lesquels auraient ainsi la possibilité d'exercer plus facilement leur droit de vote. De même, elle permettrait aux gens du voyage d'avoir une adresse ou d'être rattaché à une commune sans le mécanisme de la loi de 1969.
La seule objection que l'on pourrait nous opposer concerne la compatibilité de cette abrogation avec la loi Besson sur les aires d'accueil. Mais rien n'interdit de prévoir que l'accès de ces aires est réservé à ceux qui sont nomades tout au long de l'année et qui, pour une cotisation plus ou moins symbolique, ont adhéré à une association nationale. Ainsi, les aires d'accueil ne risqueraient pas d'être assimilées à des terrains de camping.
Il est urgent d'abroger la loi de 1969, car n'importe quel citoyen peut, en faisant jouer le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité, demander au Conseil constitutionnel de statuer sur un procès-verbal dressé en application de cette loi. Avons-nous vraiment envie de nous retrouver dans la situation où nous avons été à propos de la garde à vue ? Nous avons été obligés de réformer dans l'urgence, parce que nous n'avions pas pris à temps les mesures nécessaires et n'avions ainsi pu éviter une condamnation du Conseil constitutionnel, de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de cassation.
Je n'ignore pas que la mission sur l'application de la loi Besson n'a pas encore rendu son rapport. Les calendriers se télescopent, mais il s'agit d'un simple hasard, n'y voyez aucune manoeuvre, aucune mauvaise manière. Du reste, cela ne change rien : il sera toujours temps de revenir sur les questions générales du stationnement des gens du voyage, des aires d'accueil, de la sédentarisation, du traitement social ou des droits et des devoirs. Aujourd'hui, nous sommes en présence d'un traitement discriminatoire, et c'est l'honneur de la République que de considérer que tous les citoyens sont égaux et doivent être traités de la même manière. C'est pour cela que le groupe socialiste vous demande de voter ce texte qui ferait du bien à notre République, tout simplement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux d'avoir, à la faveur de la discussion de cette proposition de loi déposée par Jean-Marc Ayrault, Pierre-Alain Muet et plusieurs de leurs collègues socialistes, l'occasion de m'exprimer, au nom du Gouvernement, sur les perspectives d'évolution de la loi du 3 janvier 1969 « relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ».
Comme vous l'avez rappelé dans votre rapport, monsieur le rapporteur, le statut des gens du voyage a longtemps été régi par la loi du 16 juillet 1912 qui obligeait certains, parmi les gens du voyage, à posséder un carnet anthropométrique mentionnant « la hauteur de la taille, celle du buste, l'envergure, la longueur et la largeur de la tête, le diamètre bizygomatique, la longueur de l'oreille droite, la longueur des doigts médius et auriculaire gauches, celle de la coudée gauche, celle du pied gauche, la couleur des yeux ». On se demande comment on avait pu en arriver là.
Cette loi de la IIIe République cédait de manière tout à fait déraisonnable à la suspicion. Elle n'était pas respectueuse des personnes. Elle devait donc être abrogée. Elle l'a été le 3 janvier 1969, et ce fut, à l'époque, un progrès important, qui permit de fixer un nouveau régime de droits et de devoirs pour la communauté des gens du voyage. Ce fut, en particulier, l'institution de la « commune de rattachement », grâce à laquelle les gens du voyage purent – dans des conditions certes dérogatoires par rapport au droit commun – accéder aux prestations de sécurité sociale et obtenir l'inscription sur les listes électorales. Ce fut également, vous l'avez rappelé, la création de trois titres de circulation distincts : le livret spécial de circulation, le livret de circulation et le carnet de circulation.
Plus de quarante ans après la loi de 1969, le régime qu'elle instituait a incontestablement vieilli : il mérite d'être revu et modernisé. Les choses sont donc claires, mesdames, messieurs les députés : le Gouvernement est tout à fait disposé à engager la refonte de la loi du 3 janvier 1969. En revanche, monsieur le rapporteur, vous me permettrez de marquer mon désaccord avec vous à la fois sur la méthode et sur le fond de votre proposition.
Sur la méthode, tout d'abord, je m'étonne que vous présentiez votre proposition sans attendre les conclusions et recommandations des missions parlementaires conduites en ce moment même, sur le sujet, par plusieurs de vos collègues.
Je pense, en premier lieu, à la mission d'information sur la législation relative aux gens du voyage constituée par votre commission des lois. Je m'étonne d'autant plus de votre hâte à légiférer, monsieur le rapporteur, que vous faites vous-même partie de cette mission aux côtés du député Charles de La Verpillière et sous la présidence du député Didier Quentin.
Il me semble qu'il aurait été normal et logique d'attendre les conclusions de cette mission qui devraient intervenir, si mes informations sont correctes, au mois de février ou de mars prochain. Mais je pense aussi, monsieur le rapporteur, à la mission confiée par le Premier ministre au sénateur Pierre Hérisson sur proposition du ministre de l'intérieur. En nommant votre collègue parlementaire en mission auprès du ministre de l'intérieur, le Premier ministre lui a confié la tâche de réfléchir à des propositions concrètes concernant la modernisation du régime juridique des gens du voyage.
Le sénateur Hérisson, en sa qualité de président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, dispose d'une grande expérience sur ces sujets et a la capacité de mener une concertation approfondie avec l'ensemble des associations représentant les gens du voyage.
Cette mission est la traduction concrète de la volonté du Gouvernement d'engager la refonte de la loi du 3 janvier 1969 et, là encore, il m'aurait paru logique, pour ne pas dire courtois, d'en attendre les conclusions, prévues pour le 1er avril prochain.
Entre février, mars et avril, plusieurs documents importants, plusieurs réflexions de qualité devraient donc permettre de compléter vos analyses.
Considérant ces deux missions en cours, je comprends mal, monsieur le rapporteur, votre initiative et votre volonté de précipiter les échéances. Il me semble au contraire que, sur ce sujet, nous devrions privilégier une démarche sereine, transpartisane et respectueuse des concertations engagées avec les associations des gens du voyage.
Sur le fond, ensuite, je regrette le caractère quelque peu radical de votre proposition qui ne projette rien de moins que l'abrogation pure et simple de l'ensemble de la loi du 3 janvier 1969.
Vous affirmez, en premier lieu, que cette loi serait contraire à notre Constitution. Il faut pourtant relever que le Conseil constitutionnel, saisi tout récemment d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur deux articles de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, a reconnu – décision du 9 juillet 2010 – que les dispositions de cette loi ne sont pas contraires au principe d'égalité et qu'elles « sont fondées sur une différence de situation entre les personnes, quelles que soient leurs origines, dont l'habitat est constitué de résidences mobiles et qui ont choisi un mode de vie itinérant et celles qui vivent de manière sédentaire ; qu'ainsi la distinction qu'elles opèrent repose sur des critères objectifs et rationnels ». Non seulement il ne me revient pas de mettre en cause les décisions du Conseil constitutionnel, mais il me paraît tout à fait adéquat de les respecter.
En deuxième lieu, votre proposition revient à supprimer le dispositif de la « commune de rattachement ». Comme pour les autres dispositions prévues par la loi du 3 janvier 1969, le Gouvernement est prêt à envisager l'évolution de ce dispositif.
En particulier, je suis ouvert à une réflexion sur l'utilité et l'effectivité du seuil de 3 % de la population municipale, au-delà duquel les personnes détentrices d'un titre de circulation sont invitées à choisir une autre commune de rattachement. Mais l'intégralité du dispositif ne doit pas pour autant être abrogé. En effet, produisant les effets attachés au domicile, le dispositif de la « commune de rattachement » maintient le lien administratif avec les personnes ayant adopté un mode de vie non sédentaire et leur ouvre un certain nombre de droits.
Je ne peux vous suivre lorsque vous indiquez que le système de domiciliation prévu par le code de l'action sociale et des familles semble suffisant pour pallier la suppression du dispositif de la commune de rattachement. J'attire votre attention sur le fait que ce système de domiciliation ne constitue à ce jour nullement une obligation. On ne peut donc supprimer du jour au lendemain la procédure de rattachement administratif à une commune sans en évaluer les effets réels pour les intéressés.
C'est en outre ce rattachement obligatoire qui permet l'accès aux droits civiques, certes dans des conditions différentes de celles applicables aux personnes sans domicile stable. Et je vous rejoins sur un point : la différence qui existe aujourd'hui entre gens du voyage et personnes sans domicile fixe quant à la durée minimale de rattachement à la commune pour l'inscription sur les listes électorales n'a sans doute plus lieu d'être et mérite d'être corrigée.
Mais il n'est pas utile d'abroger la loi du 3 janvier 1969 pour procéder à cet alignement.
En troisième lieu, vous proposez la suppression de l'ensemble des titres de circulation. Si je comprends les griefs formulés à l'égard de ces titres, vous savez comme moi que les associations représentant les gens du voyage sont partagées sur cette question. Certaines d'entre elles tiennent à conserver un tel document, notamment pour l'accès aux aires d'accueil. Il convient de tenir compte de leur position et de tenter de dégager, dans la concertation, une solution consensuelle.
Ce qui est certain, c'est que ce régime des titres de circulation a perdu de sa cohérence et qu'il doit être articulé avec l'intervention de nouvelles législations relatives, par exemple, à l'exercice de la profession de commerçant ou au statut d'auto-entrepreneur. On pourrait, par exemple, envisager la fusion des différents titres de circulation existants et aligner la périodicité des visas.
De même, comme vous l'avez souligné, les peines encourues en cas de circulation sans carnet de circulation semblent excessives et mériteraient d'être ramenées à de plus justes proportions.
Vous le voyez, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, sur tous ces sujets, le Gouvernement n'est pas fermé, mais il refuse d'agir dans la précipitation.
Chacun des aspects du régime instauré par la loi de 1969 mérite un examen approfondi. À ce stade, l'option d'une abrogation pure et simple de l'ensemble de la loi du 3 janvier 1969 m'apparaît donc prématurée et n'est pas nécessairement pertinente.
Enfin, je voudrais revenir un instant sur une problématique ignorée par la loi du 3 janvier 1969, celle du stationnement des gens du voyage. Trois textes de loi sont venus combler progressivement cette lacune de la loi du 3 janvier 1969. Ils ont bâti un délicat équilibre entre les obligations des gens du voyage, qui ne doivent pas s'installer n'importe où et doivent respecter la propriété d'autrui, et les obligations des collectivités territoriales qui doivent respecter les prescriptions légales et se mettre en conformité avec les obligations inscrites dans les schémas départementaux d'accueil des gens du voyage.
L'application de ces dispositions, nous le savons tous, reste encore insuffisante. Ainsi, au 1er janvier 2010, concernant la création des aires d'accueil, 298 communes et 163 EPCI étaient toujours défaillants malgré les subventions de l'État – 287 millions d'euros au total – et la décision de reporter par deux fois les échéances, jusqu'au 31 décembre 2008. Concernant les aires de grand passage, seules 117 aires sur un objectif de 335 étaient réalisées à cette date. Face à cette situation, l'État a souhaité donner une nouvelle impulsion à la politique de création d'aires d'accueil et de grand passage.
Le contexte, d'abord, s'y prête particulièrement bien, puisque la grande majorité des schémas départementaux arrivent à échéance et doivent être révisés. D'ores et déjà, le 28 août dernier, le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'État au logement ont adressé une circulaire conjointe aux préfets pour qu'ils se saisissent de cette occasion pour relancer systématiquement la réalisation d'aires supplémentaires.
Parallèlement, au niveau national, le ministère de l'intérieur et le secrétariat d'État au logement ont la volonté d'étudier de nouvelles possibilités d'adaptations législatives ou réglementaires pour surmonter les difficultés auxquelles se heurte la réalisation de ces aires. À cette fin, une mission d'inspection du Conseil général de l'environnement et du développement durable a rendu ses conclusions en octobre 2010. Elles sont, aujourd'hui, à l'étude dans les deux ministères. Les conclusions de votre mission d'information sur la législation relative aux gens du voyage viendront par ailleurs éclairer les décisions que pourra arrêter le Gouvernement dans les prochains mois.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement est mobilisé sur cette question. Il entend à la fois moderniser la loi du 3 janvier 1969 et mieux faire appliquer la législation sur l'accueil et le stationnement des gens du voyage. Cette mobilisation suppose un effort non seulement de l'État, mais aussi des collectivités territoriales et des membres de la communauté des gens du voyage eux-mêmes.
Vous connaissez tous la responsabilité des départements. J'ai moi-même été président de conseil général et président, avec le préfet, de cette commission départementale. Je sais donc de quoi je parle !
Nous devons bâtir, en étroite concertation avec les associations qui représentent cette communauté, un cadre équilibré et modernisé entre des droits et des obligations, respectueux du choix d'un mode de vie non sédentaire. Le Gouvernement est déterminé. Des travaux sont en cours et je crois que, sur ce sujet, un consensus républicain pourrait utilement s'établir.
Je souhaite que nous y parvenions ensemble. C'est pourquoi j'inviterais volontiers les auteurs de cette proposition de loi à la retirer. À défaut, je demanderai à votre assemblée de la rejeter.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à mettre fin à ce qui constitue à la fois un anachronisme et une discrimination incompatible avec les principes de notre République. Les gens du voyage qui, comme tous les citoyens français, peuvent circuler partout en Europe avec un passeport, ne peuvent pas le faire librement dans leur propre pays, puisqu'ils doivent détenir un livret de circulation ou un carnet de circulation.
La loi du 3 janvier 1969, toujours en vigueur, exige en effet de toute personne ayant une résidence mobile la possession, soit d'un livret de circulation si elle dispose de ressources régulières, soit d'un carnet de circulation si elle n'a pas de ressources régulières. Il s'agit de la seule catégorie de citoyens français pour laquelle la possession d'une carte d'identité ne suffit pas pour être en règle.
La HALDE a souligné, dans sa délibération de décembre 2007, que cette loi était contraire à la Convention européenne des droits de l'homme qui, dans son article 14, interdit toute discrimination dans le droit de circuler ou de choisir sa résidence. Comment refuser à des citoyens français ce droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l'homme.
À cette atteinte à la liberté de circulation s'ajoute une discrimination en matière de droits civiques : les gens du voyage doivent avoir été rattachés trois ans à la même commune pour pouvoir y exercer un droit de vote, alors qu'une personne sans domicile fixe peut exercer ce droit au bout de six mois.
Je me tourne vers nos collègues de la majorité – ils ne sont pas très nombreux ! – dont je sais que beaucoup partagent notre point de vue sur cette loi de 1969 mais qui nous ont dit, en commission, qu'il était urgent d'attendre. Il faut attendre, en effet, le rapport de la mission sur l'accueil et l'adaptation des gens du voyage. Outre que cette mission aurait dû déjà remettre son rapport en décembre, il n'y a pas de lien direct entre ses travaux, qui portent principalement sur les aires d'accueil, et le sujet dont nous parlons.
Nous avons déjà entendu ce discours – « il est urgent d'attendre » – il y a un peu moins d'un an lorsque nous avons présenté une proposition de loi pour imposer la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue. Depuis, le Conseil constitutionnel a obligé le Gouvernement à légiférer et, la semaine dernière, nous avons examiné ici un projet de loi dont l'un des articles reprenait précisément ce que vous aviez refusé il y a moins de un an. La même chose pourrait se produire en ce qui concerne les discriminations dont sont victimes les gens du voyage.
Maintenant que le dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité existe, il est évident que, tant au regard du droit de circuler librement qu'au regard du droit de vote, les dispositions de la loi de 1969 sont appelées à être déclarées inconstitutionnelles.
En abrogeant la loi du 3 janvier 1969, on ne créerait aucun vide juridique, puisqu'on remplacerait le système du rattachement par celui de l'élection de domicile déjà en vigueur. Quant à la question de l'accès aux aires d'accueil, elle pourrait très simplement être réglée par l'adhésion volontaire à une association dont je salue les représentants qui sont dans ces tribunes.
Avant de conclure, je voudrais saluer aussi la mémoire d'une adjointe au maire de Lyon, Guylaine Gouzou-Testud, membre du groupe Europe Écologie et militante inlassable de la lutte contre toutes les formes de discrimination, dont les obsèques ont lieu en ce moment même à Lyon.
Les représentants des associations nous ont rappelé tout à l'heure que beaucoup des gens du voyage étaient français depuis le xve siècle. Être français, c'est d'abord assumer l'héritage d'une nation métissée, qui se veut indivisible, d'une République qui accueille, éduque, rassemble, sans distinction de race, d'origine, de couleur, de religion ou de mode de vie.
Les gens du voyage ne demandent ni passe-droit ni discrimination positive. Ils demandent simplement le droit à l'indifférence, c'est-à-dire le droit de ne plus être considérés comme des étrangers dans leur propre pays. Ils demandent à être des citoyens ordinaires, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.
C'est le sens de cette proposition de loi, et notre assemblée s'honorerait à abroger dès maintenant une loi contraire aux principes de notre République, plutôt que d'attendre une censure du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, en abrogeant la loi de 1969, cette proposition de loi supprime de fait quatre discriminations subies par les gens du voyage. Premièrement, la loi de 1969 oblige les gens du voyage à être en possession soit d'un livret de circulation, soit d'un carnet de circulation si elles n'ont pas de ressources régulières. Le titulaire d'un livret de circulation doit le faire viser chaque année par la police ou la gendarmerie ; le contrôle est trimestriel pour les carnets de circulation. Deuxièmement, les gens du voyage sont soumis à un système de commune de rattachement. Troisièmement, le nombre de personnes détentrices d'un titre de circulation et rattachées à une commune ne doit pas dépasser 3 % de la population municipale, ce qui engendre des difficultés supplémentaires, souvent insurmontables. Quatrièmement, enfin, l'inscription des gens du voyage sur les listes électorales n'est possible qu'après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, alors même que ce délai est de six mois pour les personnes sans domicile fixe. C'est donc très utilement que nos collègues ont déposé cette proposition de loi.
Au cours de l'histoire, les modes de vie nomades ont bien souvent suscité le rejet, voire la haine, de la part des sédentaires, comme si l'absence de lieu de résidence fixe faisait des gens du voyage des personnes différentes, comme si ce mode de vie devait se payer par une différence de traitement de la part des administrations.
Les gens du voyage ont souffert du traitement réservé aux Roms durant l'été et à la rentrée 2010. Aujourd'hui, entre 2 et 4 % des Roms sont des gens du voyage ; il ne faut donc pas confondre les uns avec les autres. Mais la stigmatisation par les autorités, elle, ne fait pas de détail. Car, au-delà de cette vieille loi de 1969, c'est bien la politique de l'actuel Gouvernement qui porte en elle les germes de la discrimination : « Dis-moi d'où tu viens et je te dirais ce que tu es et ce que tu deviendras », telle semble être votre devise.
Les discriminations qui touchent les gens du voyage sont d'autant plus paradoxales que les chantres du libéralisme et de l'Union européenne qui composent ce gouvernement sont habituellement des fervents partisans de la liberté de circulation. Mais il est vrai que seule les intéresse la libre circulation des capitaux ! Lorsque l'absence de résidence fixe correspond à un mode de vie, à des traditions, elle n'est plus valorisée mais devient source de discriminations. Si la circulation des hommes ne se réduit plus à celle de la main-d'oeuvre, si le voyage n'est plus motivé par des impératifs économiques de rentabilité ou de mobilité, alors tout est fait pour multiplier les entraves.
Ce sont d'ailleurs, comme l'ont souligné mes collègues socialistes, les instances européennes elles-mêmes qui risquent de sanctionner la France pour non-respect du droit conventionnel.
D'autre part, une question prioritaire de constitutionnalité déposée sur ces dispositions aurait toutes les chances d'entraîner la censure du Conseil constitutionnel. Nous sommes en effet en présence de ruptures manifestes de l'égalité entre les citoyens.
Nous partageons donc le constat formulé par nos collègues socialistes, et il nous apparaît même nécessaire de l'élargir. En effet, il n'y a pas que les gens du voyage qui souffrent de discrimination du fait de leur résidence, il y a aussi les sédentaires qui vivent dans certains quartiers. Des études récentes ont en effet montré que certains citoyens encouraient des discriminations du fait de leur lieu de résidence. Il existe donc au sein de notre République des discriminations territoriales. Elles touchent les habitants de certaines communes, souvent stigmatisées par la presse à sensation, mais aussi par les pouvoirs publics qui les dénomment improprement « quartiers sensibles » ou « quartiers difficiles ».
De même que les gens du voyage, parce qu'ils n'ont pas de résidence fixe, se voient pénalisés sur le plan administratif, les habitants des quartiers populaires, parce qu'ils y résident, subissent des discriminations et ne bénéficient ni des mêmes droits ni des mêmes chances que leurs concitoyens. C'est pour lutter contre ce phénomène que les députés communistes et du parti de gauche ont cosigné la proposition de loi de François Asensi visant à interdire ce type de discrimination.
Si la loi française retient aujourd'hui dix-huit critères de discrimination, le critère de résidence n'y est pas mentionné. Or, celui-ci, outre qu'il pourrait s'appliquer au cas des habitants des quartiers populaires, permettrait également de lutter contre les discriminations subies par les gens du voyage. C'est bien en raison de leur résidence changeante que ceux-ci doivent observer des règles d'un autre âge, présenter des livrets de circulation, et qu'ils ont toutes les peines du monde à s'inscrire sur les listes électorales.
Bien sûr, ajouter un nouveau critère de discrimination ne saurait suffire à faire disparaître les stigmatisations. Cela peut cependant être un point de départ. La commission des lois a scandaleusement rejeté ce texte, sous le prétexte qu'un rapport allait bientôt être publié sur le sujet et que le débat ne pouvait avoir lieu avant. Mais, puisqu'il s'agit de discrimination, l'abrogation de cette loi ne souffre aucun délai. C'est d'autant plus hypocrite que le rapport de la mission d'information sur la législation relative aux gens du voyage semble – vous l'avez dit, monsieur le ministre – aller dans le même sens que cette proposition de loi. Vous l'aurez donc compris, les députés communistes, républicains et du parti de gauche voteront la présente proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient d'examiner la proposition de loi visant à mettre fin au traitement prétendument discriminatoire des gens du voyage, déposée par le groupe socialiste, dans le cadre du droit d'initiative parlementaire.
Permettez-moi tout d'abord de redire que la commission des lois de l'Assemblée nationale a décidé, fin 2009, de créer une mission d'information sur le bilan et l'adaptation de la législation relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, afin de procéder à un bilan de la loi du 5 juillet 2000, dite « loi Besson », afin d'envisager d'éventuelles adaptations.
Vous n'allez tout de même pas nous reprocher d'aller plus vite que vous ! C'est un comble !
Dans le cadre de cette mission que j'ai l'honneur de présider, nous tâchons de privilégier la recherche d'un équilibre entre le nécessaire maintien de moyens de contrôle et l'impérieuse exigence du respect des libertés fondamentales.
Est-il besoin de rappeler que la loi du 5 juillet 2000 avait pour objet principal la création d'aires d'accueil permanentes, afin de répondre au mieux aux besoins des gens du voyage et de mettre un terme aux stationnements anarchiques, qui provoquent de nombreuses tensions ?
Les travaux de la mission ont permis de dégager plusieurs pistes pour améliorer la situation. Nous aurons l'occasion de présenter nos propositions à nos collègues de la commission des lois au début du mois de mars. Elles seront complétées par les conclusions de la mission que le Premier ministre vient de confier au sénateur Pierre Hérisson.
Ce qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est la question des titres de circulation. Ce débat fait suite à la délibération de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, en date du 17 décembre 2007. Celle-ci a en effet considéré l'obligation de détenir un titre de circulation comme contraire au principe de libre circulation et à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, relatif au principe de non-discrimination.
Néanmoins, l'opportunité d'un tel débat me paraît contestable, alors que les conclusions du rapport de notre mission d'information sur les gens du voyage ne sont toujours pas arrêtées. Cette initiative me semble donc pour le moins prématurée, même si, comme l'a indiqué notre collègue Charles de La Verpillière devant la commission des lois, le 19 janvier dernier, le dispositif issu de la loi du 3 janvier 1969 ne nous semble pas strictement conforme aux exigences constitutionnelles, voire aux exigences conventionnelles.
Il convient donc certainement de le réformer. Je tiens néanmoins à rappeler que, à l'époque, l'adoption de cette loi avait été considérée comme un véritable progrès pour les personnes sans résidence fixe, puisqu'elle mettait un terme à la loi de 1912 imposant la possession d'un carnet anthropométrique.
La loi du 3 janvier 1969 prévoit pour toute personne de plus de seize ans n'ayant pas de domicile ou résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l'Union européenne l'obligation d'être munie d'un livret spécial de circulation, délivré par les autorités administratives.
Ces titres de circulation sont de deux types. Un livret de circulation, destiné aux personnes qui justifient de ressources régulières « leur assurant des conditions normales d'existence, notamment par l'exercice d'une activité salariée », doit être visé à des intervalles qui ne peuvent être inférieurs à trois mois par la police ou la gendarmerie nationales. Un carnet de circulation, destiné aux personnes qui ne justifient pas de ressources régulières, doit être visé tous les trois mois par la police ou la gendarmerie nationales.
Cette loi prévoit aussi que la délivrance d'un titre de circulation n'est possible que si le demandeur indique la commune à laquelle il souhaite être rattaché, le rattachement étant prononcé par le préfet ou le sous-préfet, après avis motivé du maire, sachant que, d'une part, l'article 8 de la même loi limite à 3 % de la population municipale le nombre de personnes titulaires d'un titre de circulation rattachées à une commune et que, d'autre part, le rattachement vaut élection de domicile en matière de célébration de mariage, d'inscription sur la liste électorale, à la demande des intéressés. Mais, après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, celle-ci devient le lieu d'accomplissement des obligations fiscales, sociales ou du service national.
Le régime des titres de circulation est cependant très contraignant, nous en convenons volontiers. En effet, le non-respect des obligations de visa est passible d'une contravention de cinquième classe, et le fait de circuler sans carnet de circulation constitue un délit puni de trois mois à un an d'emprisonnement. À cet égard, notre mission d'information réfléchit à certaines adaptations et simplifications comme, par exemple, un allégement important des contraintes inhérentes au régime des titres de circulation.
Cela pourrait conduire, premièrement, à l'allongement de la durée de validité des titres, actuellement limitée à cinq ans ; deuxièmement, à l'allongement du délai de visa des carnets de circulation, actuellement de trois mois ;…
…troisièmement, à la simplification du dispositif par la fusion des titres ; quatrièmement, enfin, à la suppression de tout caractère délictuel pour le non-respect des obligations précitées.
Ce dispositif permet cependant un contrôle d'identité adapté à la situation objective particulière des gens du voyage.
En outre, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2000, le titre de circulation est générateur de droits.
il est effectivement le moyen d'accès aux aires permanentes d'accueil. Sa suppression pure et simple pourrait donc avoir paradoxalement des conséquences négatives pour les gens du voyage.
D'autre part, il joue un rôle de référent culturel, actant l'appartenance à la communauté des gens du voyage. De fait, de très nombreuses personnes issues de familles de « voyageurs » et aujourd'hui sédentarisées continuent d'en demander la délivrance, et certaines associations auditionnées n'en demandent pas formellement la suppression.
Enfin, à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité du 9 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré la loi du 5 juillet 2000 conforme aux exigences constitutionnelles, et en particulier au principe d'égalité inscrit à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
J'en rappelle la teneur, telle que dégagée par la jurisprudence constante de notre Haute Cour : « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. » Or, les différences de traitement résultant du statut des gens du voyage sont fondées sur une différence de situation entre « les personnes dont l'habitat est constitué de résidences mobiles et qui ont choisi un mode de vie itinérant » et « celles qui vivent de manière sédentaire ».
Aussi, sans dire comme un orateur précédent, qu'il est urgent d'attendre, j'affirme que le maintien du titre de circulation, assorti des assouplissements que j'ai indiqués, notamment en matière de délivrance de visa, permettrait de faire évoluer ce dispositif et de le considérer comme un instrument d'accès au droit…
…et non plus comme un outil répressif.
Voilà pourquoi, dans l'attente – mais cette attente sera de courte durée et ne saurait excéder quelques semaines – des conclusions de la mission d'information, dont Dominique Raimbourg est membre actif et co-rapporteur, je vous invite, au nom du groupe UMP, à repousser cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Comme à chaque fois qu'il y a une mission, il faut repousser notre proposition de loi et attendre la vôtre, qui sera moins bonne ! Cela devient une mauvaise habitude !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors même que notre droit devrait toujours conforter les mesures de lutte contre la discrimination, une discrimination très grave, une injustice, une stigmatisation incompréhensible perdure depuis 1912, et sous une forme renouvelée depuis la loi de 1969, à l'encontre de certains citoyens français, les gens du voyage. Ils ont d'ailleurs été maintenus dans des camps d'internement jusqu'en 1946, et ce souvenir est présent dans leur mémoire collective.
Les gens du voyage sont, pour la plupart, français depuis de nombreuses générations. Mais ils n'ont pas les mêmes droits que les autres citoyens français. Ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone. Ils doivent en effet – eux et eux seuls – tenir à jour des livrets ou des carnets de circulation, selon qu'ils ont ou non des ressources régulières, et faire viser ces documents tous les trois à douze mois par la gendarmerie ou la police, faute de quoi ils sont passibles de peines d'emprisonnement. De plus, ils subissent des restrictions de droits civiques : ils ne peuvent se faire inscrire sur les listes électorales qu'après trois ans de rattachement continu dans la même commune, alors que ce délai n'est que de six mois pour les personnes sans domicile fixe. Le nombre de « voyageurs » inscrits dans une commune de rattachement est limité à moins de 3 % de la population de celle-ci. Enfin, ils sont confrontés à des difficultés pour scolariser leurs enfants et à diverses autres mesures discriminatoires.
Cela est si vrai que la HALDE, le commissaire européen aux droits de l'homme, le Conseil constitutionnel ont tous fait observer que ces dispositions injustes ne respectent pas les droits de l'homme, non plus que le principe d'égalité des citoyens à l'accès aux droits.
Avant que le Conseil constitutionnel ne censure la loi ou que le commissaire européen ne nous rappelle à l'ordre, il serait bien que la France se mette spontanément en conformité avec les impératifs des droits de l'homme, avec sa Constitution et avec les réglementations européennes. Rien ne peut justifier le maintien, même transitoire, des mesures iniques qui frappent les gens du voyage. Ni le contrôle des personnes ni la sécurité n'en sont améliorés, de l'avis même des autorités chargées de ces questions. Il serait incompréhensible, coupable et attentatoire au principe de l'égalité des citoyens de tarder quelques mois de plus pour légiférer en attendant le résultat d'une mission d'information sur un sujet différent, celui de l'accueil des gens du voyage dans les aires prévues à cet effet.
Monsieur le ministre, c'est un euphémisme de dire que la loi de 1969 n'est plus adaptée à notre temps. Elle est intolérable, et il y a urgence à l'abroger. Toute frilosité, sous prétexte que l'on attend les conclusions d'une, deux, trois ou quatre missions ou groupes de travail, serait coupable. Vous avez dit ne pas être fermé à plusieurs de nos propositions, concernant notamment le plafond de 3 % de gens du voyage inscrits dans la commune de rattachement, et le délai de trois ans de rattachement continu pour l'exercice du droit de vote, qui est incompréhensible. Nous vous remercions de bien vouloir nous présenter les amendements du Gouvernement pour entériner dès maintenant ces avancées.
Notre pays s'honorera en envoyant un message de justice et d'humanisme aux « voyageurs » français, dont les enfants ne peuvent légitimement pas attendre plus longtemps pour être traités comme les autres Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes probablement très nombreux, sur tous les bancs de cette assemblée, à partager le constat qu'il faut faire évoluer un certain nombre de règles législatives concernant les gens du voyage. Mais nous sommes nombreux aussi à considérer que ces questions sensibles méritent mieux qu'une simple abrogation et qu'il est nécessaire de s'appuyer, pour améliorer la loi existante, sur les conclusions prochaines de la mission d'information créée à ce sujet par notre commission des lois, dont Didier Quentin a rappelé le travail important.
J'observe que nos collègues des groupes communiste et socialiste demandent souvent le renvoi d'un texte en commission pour y travailler davantage. Mais, quand une commission ou une mission d'information travaille, ils souhaitent ne pas attendre les résultats pour légiférer.
Pour aller à l'essentiel, je dresserai un rapide inventaire des principaux problèmes que nous continuons de rencontrer en matière d'accueil et de condition de vie des gens du voyage, comme j'ai pu m'en rendre compte à nouveau cet été dans ma circonscription à Saint-Aignan-sur-Cher, à Thésée et à Couddes, deux villages dont les mairies ont été incendiées.
En ce qui concerne d'abord les aires d'accueil, les deux tiers des places prévues par les schémas ont été financées à la fin 2009. Il reste à réaliser un tiers des places d'aires d'accueil et les deux tiers des aires de grand passage. Pour aller plus loin, il faudrait rendre moins fortes les pressions locales, qui existent certes, et mieux répartir les coûts de l'équipement : pour cela, il faudrait rendre obligatoire l'exercice par les communautés de communes de la compétence en matière de politique d'accueil et d'habitat des gens du voyage.
Il faut aussi résoudre le problème du financement par l'État, puisque le délai de 2004, fixé par la loi Besson du 5 juillet 2000 avait été repoussé en 2007 et a finalement expiré au 31 décembre 2008. Toutes les aires n'ont pourtant pas été réalisées à cette date, mais l'État n'a plus à financer 50 % des aires d'accueil et 100 % des aires de grand passage. Une nouvelle aide de l'État est nécessaire. La mise en place des aires d'accueil conditionne en effet largement la décision du juge en cas d'occupation illégale.
Enfin, il existe un problème spécifique aux zones urbaines denses où la pression foncière complique la recherche d'un terrain. Là aussi, l'intercommunalité est probablement la meilleure solution.
En ce qui concerne ensuite de la sédentarisation des gens du voyage, une sédentarisation réussie, qu'elle soit partielle ou totale, se réalise trop souvent en marge de la loi – certes sur des terrains dont ils sont devenus propriétaires – mais, comme j'ai pu le constater dans ma circonscription, souvent en construisant sans respecter la règle imposée aux autres propriétaires sur des terrains similaires. Une intégration réussie ne passe-t-elle pas par l'aménagement de terrains familiaux gérés au niveau intercommunal ?
Troisièmement, la scolarisation des enfants de la communauté des gens du voyage est très insuffisante. Le respect de l'obligation de scolarisation est pourtant essentiel pour assurer une éducation donnant à ces enfants les mêmes chances d'intégration dans notre société que les autres élèves.
Quatrièmement, la question du livret ou du carnet de circulation est effectivement très sensible et exige qu'on révise la loi. Certains membres de la communauté des gens du voyage souhaitent cependant leur maintien. Didier Quentin a développé l'état actuel des travaux de la commission. C'est tout le problème de reconnaître des spécificités sans opérer de discrimination.
Cinquièmement, la représentation des gens du voyage est mal assurée. Les pouvoirs publics peinent à dialoguer avec des interlocuteurs qualifiés. Les pasteurs évangélistes ont souvent réussi à se faire valoir dans ce rôle. Certes, ces relais comblent en quelque sorte un vide représentatif. Mais, dans notre République laïque, il ne faut pas réduire une communauté à un culte ni s'abriter derrière la nécessaire liberté de culte que chacun doit respecter pour ne pas respecter la loi, en refusant – comme cela arrive trop souvent, j'ai pu le constater – de stationner dans les lieux prévus pour les rassemblements.
Sixièmement, l'inscription sur les listes électorales est également une question très complexe puisqu'il va nous falloir trouver une solution qui concilie, d'une part, l'existence d'un vrai lien durable avec la commune, bien que les intéressés n'y vivent que par intermittence et n'y possèdent aucun ancrage immobilier, et, d'autre part, la nécessité de favoriser l'intégration rapide dans notre société des gens du voyage comme des sans domicile fixe, intégration qui passe par la possibilité de choisir facilement un lieu où mener sa vie, y compris sa vie civique.
En conclusion, oui, il faut lutter contre toutes les discriminations : contre celles qui pénalisent injustement les gens du voyage, et il nous faudra faire rapidement oeuvre législative ; mais aussi contre celles qui pénalisent injustement les autres citoyens français. Je veux ici porter témoignage que bon nombre de nos concitoyens s'estiment victimes d'une discrimination lorsqu'ils constatent que, par exemple en matière d'urbanisme ou de sécurité routière, on leur impose des sanctions auxquelles échappent un certain nombre de gens du voyage qui ont commis la même faute.
Oui, il nous faut travailler tout à la fois pour rendre la loi plus juste et pour faire respecter la loi par tous.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien entendu, cette proposition de loi ne peut laisser aucun d'entre nous insensible. Je pourrais reprendre à mon compte ce qu'ont dit les uns et les autres, tant ce texte éveille d'échos en nous, à propos du nomadisme et de l'appartenance à un territoire par sédentarisation.
Monsieur le ministre, vous rappeliez que vous avez été président de conseil général ; pour ma part, je n'ai pas eu cet honneur, mais, en tant que président de l'association des maires des Pyrénées-Atlantiques, j'ai pu constater les grandes difficultés que suscitaient très souvent dans notre département frontalier les rencontres entre « deux formes de société ».
J'ai aussi été très sensible à ce qui nous est arrivé il y a une semaine : comme nombre de mes collègues l'ont déjà rappelé, il a fallu légiférer dans l'urgence sur la garde à vue. Il me semble que les députés de la nation doivent éviter ce type de pratiques. Il faut légiférer lorsque le moment est venu, et pas sur l'injonction de quelque organisation extérieure que ce soit.
Monsieur le ministre, votre exposé m'a permis de mieux connaître ce dossier ; j'ai bien noté que des commissions travaillent actuellement sur le sujet et sur les réponses à apporter à ces questions. Néanmoins, dans la mesure où il s'agit ici d'êtres humains, nous ne pouvons pas conserver plus longtemps l'attitude de ségrégation qui est la nôtre aujourd'hui. Le grand pays qu'est la France, avec tout ce qu'il véhicule de positif, non seulement à l'intérieur de ses frontières,…
…mais aussi dans le monde entier, ne peut pas souffrir la moindre égratignure.
Je ne méconnais pas les difficultés, notamment celles relatives à la question très sensible de la mise en place des aires d'accueil ; il n'en demeure pas moins que nous ne pouvons pas permettre qu'un citoyen doive avoir passé trois années sur le territoire d'une commune avant de pouvoir y être électeur. Je ne parle même pas des problèmes de scolarisation ou de la différence, fondée sur les ressources de la personne, entre le carnet et le livret de circulation.
Monsieur le ministre, comme cela arrive heureusement parfois dans cette assemblée – ce fut le cas à propos de la garde à vue –, je souhaite que nous parvenions à un accord qui nous honorerait tous. C'est la raison pour laquelle je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois, le mercredi 8 avril 2009, une délégation d'associations de gens du voyage a été reçue à l'Assemblée nationale, à l'occasion de la journée mondiale des Roms. J'ai eu l'honneur de les accueillir avec une émotion partagée. Ils m'ont remis leur « décalogue du Palais Bourbon », qui contient dix revendications, dont une, la cinquième, concerne les entraves à la libre circulation.
L'appellation « gens du voyage » est une création administrative qui désigne, depuis la fin des années soixante, les populations tziganes, manouches, gitanes, roms, sintis ou yéniches. Or ces populations, que nous traitons comme des étrangers, sont aussi françaises que vous et moi – en fait, elles le sont très souvent depuis plus longtemps que moi. Malheureusement, depuis quelques années, et plus encore depuis mai 2007, l'expression « gens du voyage » est trop souvent utilisée par certains responsables politiques de la majorité afin de stigmatiser nos compatriotes.
Les gens du voyage aiment la France et font partie intégrante de l'histoire de notre pays, auquel ils sont fiers d'appartenir. Je les salue. Fortement attachés, comme nous tous, aux valeurs de la République, ils se sont engagés et ont défendu avec courage leur pays, dans les heures les plus sombres de notre histoire, en particulier lors de la Première Guerre mondiale, de la guerre en Indochine ou encore de la guerre d'Algérie. Ils ont enfin payé le lourd tribut de la folie nazie, période pendant laquelle plusieurs d'entre eux furent internés dans les camps de la mort dont très peu sont revenus
La loi du 3 janvier 1969 prévoit que toute personne âgée de plus de seize ans et n'ayant pas de domicile ou de résidence fixe doit être en possession d'un carnet de circulation si elle n'a pas de ressources régulières, ou d'un livret de circulation si elle exerce une activité professionnelle. La possession du carnet de circulation est obligatoire. Celui-ci doit être visé régulièrement par la police ou la gendarmerie, sous peine d'une contravention de cinquième classe. Selon la juriste Marguerite Gille, cette disposition présente des connotations raciales et criminalise ces minorités en les assimilant à des délinquants de droit commun.
Dans sa délibération du 17 décembre 2009, la HALDE a considéré que ces dispositifs étaient contraires à la Déclaration des droits de l'homme. En définitive, les gens du voyage peuvent circuler librement dans l'Union européenne, mais pas dans leur pays. En effet, l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme garantit un droit de circuler et de stationner pour toutes les personnes, indépendamment de leur identité culturelle, de leur moyen de mobilité ou de tout autre critère. Toute entrave à ces droits est considérée comme un acte de discrimination et d'infraction.
De plus, si les dispositions de la loi de 1969 devaient être déférées devant le Conseil constitutionnel dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, il est quasiment certain que la censure serait prononcée par les sages pour non-respect du principe de liberté. La majorité présidentielle l'a d'ailleurs reconnu à demi-mot lors des débats en commission des lois.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, pour s'exonérer de ses échecs en matière de sécurité, le Gouvernement et le Chef de l'État désignent trop souvent les minorités comme étant responsables de tous les maux. Vous considérez qu'une bonne loi doit être régressive, répressive, stigmatisante et enfermante.
Vous plaisantez ? Voilà qui est incroyable !
Votre comportement face aux minorités est indigne et intolérable au regard de l'idée républicaine que nous portons. Doit-on privilégier l'exclusion plutôt que l'intégration, le rejet plutôt que la tolérance ? En la matière, l'affichage politique du Gouvernement est clair et vise à stigmatiser toujours plus les minorités pour manipuler l'opinion publique. Il est temps que cela cesse.
Les gens du voyage ont le droit de vivre décemment et celui de ne pas être des sous-citoyens. Ils doivent relever du droit commun et être des citoyens français à part entière en matière d'éducation et de droit de vote ainsi que dans tous les autres domaines.
Mes chers collègues, il est temps d'abroger cette loi discriminatoire, non respectueuse de nos valeurs républicaines, et très souvent inappliquée. Nous n'avons pas besoin d'une énième mission ou commission pour que nos concitoyens soient tous égaux devant la loi selon les grands principes de notre République.
Il a fallu cinquante-sept ans pour changer la loi de 1912 ; celle adoptée en 1969 s'applique déjà depuis plus de quarante ans. Si, comme vous le disiez vous-même, ce thème vaut mieux qu'une abrogation, que voulez-vous précisément conserver de la loi de 1969 ? N'attendons pas plus longtemps ! Je vous invite à adopter notre proposition de loi pour rendre à nos concitoyens leur honneur et leur dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour avoir été, plusieurs années durant, l'un des représentants de notre assemblée à la Commission nationale consultative des gens du voyage, je me réjouis de l'examen de cette proposition de loi, dont je suis signataire, et qui vise à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage en abrogeant purement et simplement la loi du 3 janvier 1969.
En effet, si ce texte supprimait l'obligation faite aux gens du voyage, par la loi du 16 juillet 1912, d'être porteurs d'un carnet anthropométrique, il continue de contraindre les personnes sans domicile ni résidence fixe et qui « logent de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile » à détenir et à soumettre régulièrement au contrôle un carnet ou un livret de circulation.
La loi du 3 janvier 1969 maintient donc bien un régime restrictif de la liberté d'aller et venir puisque celle-ci est conditionnée par la possession de titres de circulation dont la délivrance et la prorogation impliquent un examen de la vie privée par les autorités. Ce faisant, elle soumet les gens du voyage à un statut dérogatoire du droit commun en faisant d'eux des « étrangers de l'intérieur » alors que, dans leur immense majorité, ils sont français depuis de nombreuses générations.
Il s'agit d'une restriction de droit contraire à la Constitution de notre République, qui est notre loi fondamentale. En effet, les travaux du Conseil constitutionnel ont régulièrement conclu que la liberté d'aller et venir était un principe de valeur constitutionnelle, corollaire de la liberté individuelle.
Mais, au-delà, vous le savez, l'existence de tels titres de circulation est également en contradiction avec nombre de dispositions en vigueur au niveau de l'Union européenne ainsi qu'avec plusieurs conventions internationales que notre pays a ratifiées.
Les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 relatives aux titres de circulation reposent sur un critère prohibé par la loi et entraînent un désavantage particulier pour les gens du voyage : autant d'éléments constitutifs d'une discrimination indirecte à leur égard. Il convient donc d'y renoncer pour s'en remettre au droit commun.
Cette évolution ne saurait plus supporter quelque délai que ce soit, puisque, dès 1969, un commentateur avisé du Bulletin annoté des lois et décrets estimait que la nouvelle loi « serait sans doute appelée à être remaniée à nouveau assez prochainement en application du traité de Rome ». Aujourd'hui, il est donc plus que temps d'agir.
Mais il y a, dans cette même loi du 3 janvier 1969, d'autres désavantages particuliers, sur lesquels il convient également de revenir, en ce qu'ils constituent autant de discriminations, s'agissant notamment du droit de vote lié au choix de la commune de rattachement. En effet, toute personne qui sollicite la délivrance d'un titre de circulation est tenue d'indiquer « simultanément la commune à laquelle elle désire être rattachée et le motif du choix de la commune ».
Tout d'abord, la loi limitant à 3 % de la population de la commune choisie le nombre maximum de personnes détentrices d'un titre de circulation susceptibles d'y être rattachées, nous sommes, une fois encore, en contradiction avec le principe général de libre choix de la résidence pour tout individu.
Ensuite, cette disposition a une incidence directe sur l'exercice, par les gens du voyage, de leur droit de vote, puisque l'inscription sur les listes électorales pour les titulaires d'un titre de circulation n'est possible qu'après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, contre six mois seulement pour tous les autres citoyens français.
La situation ainsi faite aux gens du voyage est donc, une nouvelle fois, discriminatoire, le Conseil constitutionnel ayant établi que la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et d'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité.
En novembre 2006, j'avais déjà attiré l'attention du Gouvernement sur ce frein à l'exercice du droit de vote des gens du voyage, qui ne pouvait, de mon point de vue, que contribuer à renforcer le communautarisme, contraire à l'esprit même de notre République laïque qui ne reconnaît que des citoyens, à égalité de droits et de devoirs.
En février 2007 – j'insiste sur la date, monsieur le ministre –, il m'avait été répondu que « ce délai dérogatoire au droit commun pouvait effectivement paraître injustifié » et que « Pierre Hérisson, président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, ayant fait des propositions visant à aligner le régime d'inscription sur les listes électorales des gens du voyage sur le droit commun, ces propositions étaient à l'étude et les suites qui y seraient données seraient connues dans les prochains mois ». Nous étions en février 2007 ; quatre ans plus tard, il est temps d'agir.
Notre assemblée s'honorera de procéder au rétablissement des gens du voyage dans leur pleine citoyenneté, à égalité de droits et de devoirs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, nous examinons une proposition de loi déposée par les députés socialistes et qui vise à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage, qui, dans leur grande majorité, sont français.
Chers collègues socialistes, l'intention est louable, mais votre proposition est d'une portée bien modeste. En effet, que proposez-vous, si ce n'est la suppression du carnet de circulation ? Vous mettez en avant les traitements discriminatoires qui portent atteinte aux droits civiques des gens du voyage et à leur liberté de circulation, en soulignant l'obligation qui leur est faite de choisir une commune de rattachement, mais vous ne proposez pas vraiment de solution. Vous insistez sur le manque d'égalité dont ils sont victimes. Vous exigez la fin de leur stigmatisation et leur intégration dans la société par l'application du droit commun. Vous avez raison. Qui pourrait souhaitait le contraire ? Les gens du voyage doivent être assurés de bénéficier des mêmes droits que chaque citoyen français ; ils doivent aussi être tenus de respecter les mêmes devoirs.
C'est dans cette perspective que j'ai déposé une proposition de loi qui vise à rendre facultatif pour les collectivités territoriales l'entretien des aires d'accueil des gens du voyage et à en assurer le financement par leurs utilisateurs. En effet, si la mise en place des aires d'accueil, prévue dans la loi du 5 juillet 2000, a pris un retard important, c'est notamment en raison des charges supplémentaires imposées aux communes et, par conséquent à leurs habitants, pour leur réalisation et leur fonctionnement. Aussi, afin d'encourager l'achèvement rapide du schéma national des aires d'accueil, qui n'est qu'à demi réalisé, je propose de transformer l'obligation de gestion et d'entretien qui pèse sur les communes en une faculté. Cette pratique a d'ailleurs parfois déjà cours, en dehors du cadre légal, certes, mais elle produit de bons résultats.
Les gens du voyage doivent être, et veulent être, des citoyens ordinaires. Très bien. Mais pourquoi bénéficieraient-ils d'un traitement différent des autres citoyens français ? Pourquoi ne s'acquitteraient-ils d'aucune obligation financière liée à leur lieu de résidence, même choisi, même de passage, alors que les populations sédentaires, y compris les catégories sociales les plus modestes, doivent soit acquérir un terrain et y construire, soit supporter les charges de tout locataire d'un logement ? La plupart des membres de la communauté des gens du voyage disposent de moyens suffisants pour assumer les charges liées au stationnement sur les aires d'accueil : eau, assainissement, électricité, prestations de service. Pourquoi imposer à des sédentaires, qui ont parfois du mal à accéder à certains services, une solidarité envers une catégorie de la population qui, elle, en serait exemptée sous prétexte de son mode de vie ?
Ce faisant, l'État n'agit-il pas de façon discriminatoire au détriment des populations sédentaires ? Vous vous rallierez donc, j'en suis certain, à cette proposition de loi afin qu'elle puisse bientôt voir le jour et que tous les Français soient égaux en droits et en devoirs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons vise à revenir sur une grave discrimination inscrite dans notre droit et dont je ne suis pas certain qu'elle soit connue de tous nos concitoyens. Au moins notre débat aura-t-il le mérite de les éclairer sur ce point. Il est en effet intolérable de constater que, en 2011, en France, subsiste une loi telle que celle du 3 janvier 1969, dont les rédacteurs pensaient eux-mêmes qu'il faudrait la revoir rapidement.
Stigmatisés, associés aux vols et à la délinquance, faisant l'objet d'attaques en tous genres, victimes d'une mauvaise réputation, ceux que l'on regroupe sous l'appellation de « gens du voyage » subissent une discrimination organisée et encouragée par la loi elle-même, qui, à l'heure de l'ouverture des frontières, continue de leur imposer d'être en possession d'un titre de circulation qui doit être visé tous les trois mois. La survivance de cette disposition crée dans notre droit une catégorie de citoyens français qui ne bénéficient pas des mêmes droits que les autres. Elle est contraire à la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui dispose que « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État », et elle a été dénoncée par la Commission européenne ainsi que par la HALDE. Une question prioritaire de constitutionnalité établira aisément qu'elle ne respecte pas le principe d'égalité républicaine. Il est donc de notre responsabilité, pour ne pas dire de notre honneur, de parlementaires de l'abolir avant que le juge constitutionnel ne nous y oblige.
Pourtant, l'exécutif hésite à le proposer – nous avons encore pu le constater en écoutant vos propos, monsieur le ministre –, car il a lui-même réactivé, ces derniers mois, les vieux préjugés dont ont toujours souffert les manouches… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est de la provocation !
…perçus comme des populations marginales de par leur choix de vie.
Cet été, le Président de la République n'a pas hésité à rapprocher, dans son discours de Grenoble, la délinquance, les étrangers en situation irrégulière, les Roms et les gens du voyage. Faut-il lui rappeler que ces derniers sont Français depuis 400 ans ? Comment une autorité telle que le chef de l'État, censé garantir la cohésion nationale, peut-elle se permettre de formuler des amalgames aussi douteux et dangereux ? N'est-ce pas précisément parce que nous avons maintenu dans notre droit une catégorie administrative de citoyens français de seconde zone, qui sont les seuls à avoir des papiers spécifiques et à être soumis à des contrôles réguliers, comme des présumés délinquants récidivistes ?
Ressortissants français au même titre que n'importe lequel d'entre nous, les gens du voyage doivent avoir accès à des droits civiques aussi fondamentaux que la possession d'une carte nationale d'identité, le choix de leur résidence et l'accès au droit de vote. Or cette loi de 1969 leur impose un statut administratif particulier, nettement plus restrictif que pour les autres citoyens français.
S'il leur est possible d'obtenir une carte d'identité, nombreux sont les témoignages que nous avons reçus qui tendent à prouver le contraire ou, au moins, les difficultés que les personnes concernées rencontrent lorsqu'elles entament cette démarche. Lorsqu'elles y parviennent, il se trouve que l'adresse est mentionnée de telle manière sur le document que, à sa lecture, on identifie immédiatement le titulaire de la carte comme un membre de la communauté des gens du voyage.
Un tel traitement tend à ethniciser une population, ce qui est contraire à tous les principes de notre République. Ainsi, le dispositif des titres de circulation obligatoires s'appliquant aux descendants dès l'âge de seize ans, il se transmet de facto de génération en génération. Posséder un carnet de circulation est, non pas un choix, mais une obligation, une assignation discriminatoire. De la même façon, comment peut-on encore tolérer le maintien de restrictions s'agissant de l'inscription sur les listes électorales ? La HALDE elle-même a prévu un délai de six mois pour l'inscription sur les listes de toute personne sans domicile stable, délai dont ne peuvent bénéficier les gens du voyage, en raison précisément de l'existence d'un régime particulier qui prévoit, dans leur cas, un délai de trois ans.
Outre l'aspect profondément stigmatisant de ces dispositions, cette volonté de maintenir les contrôles – exprimée par certains, notamment par le ministre – évoque des pratiques appartenant aux sombres heures de l'histoire de France. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Le livret de circulation – et vous l'avez reconnu, d'une certaine manière – s'inscrit dans la droite ligne de l'ancien carnet anthropométrique, qui a conduit à l'arrestation des tziganes en France en 1940.
N'importe quoi !
Je ne peux que vous inviter à voir, si ce n'est déjà fait, Liberté, l'excellent film que Tony Gatlif a consacré à la persécution du peuple tzigane par les forces de l'ordre sous Vichy.
Ce n'en est pas un. Les amalgames, j'ai dit de quel côté ils étaient venus.
Mes chers collègues, en tant qu'élus de la nation, défenseurs de la liberté de circulation et de l'égalité des droits, nous avons le devoir d'abroger cette loi inutile et discriminatoire qui n'honore pas la France. C'est pourquoi je vous invite à voter notre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les précédents orateurs de mon groupe ont rappelé en quoi la loi que nous proposons d'abroger est parfaitement discriminatoire. Cette survivance du passé ne saurait plus être tolérée dans notre République. Pourtant, la majorité semble prête à la tolérer encore quelque temps.
Dois-je rappeler que l'Assemblée nationale a voté, le 11 mai dernier, une résolution destinée à réaffirmer son attachement aux valeurs de la République et à la promotion de l'égalité, dans laquelle nous nous sommes engagés à faire de la lutte contre la discrimination un élément central de toutes les politiques publiques ? Eh bien, nous y sommes ! Nous vous offrons l'occasion, monsieur le ministre, de lutter contre les discriminations, en approuvant notre proposition.
Rien ne justifie que la loi de 1969 continue de priver des citoyens de l'Union européenne et des ressortissants français de la liberté fondamentale de circulation et d'établissement, en les soumettant à l'obligation de détenir un carnet de circulation, en prévoyant un délai particulier pour leur inscription sur les listes électorales et en fixant un quota de 3 % de la population, susceptible de les empêcher de s'établir dans la commune de leur choix. Des droits fondamentaux, reconnus à tous nos concitoyens et aux ressortissants de l'Union européenne, sont bafoués quand il s'agit des gens du voyage.
Au nom des engagements que, toutes et tous, nous avons pris dans une résolution votée il y a quelques mois, et au nom des démarches entreprises actuellement par le Gouvernement pour corriger les graves atteintes portées à la directive sur la libre circulation dans l'Union européenne dans le cadre du projet de loi relatif à l'immigration, je vous demande d'adopter cette proposition de loi. J'ajoute qu'il serait étonnant, monsieur le ministre, que, au moment où nous allons reconnaître le droit des ressortissants européens à circuler et à s'installer librement en France, nous en privions nos propres concitoyens. Le vote de ce texte – est-il besoin de le rappeler ? –, ne présente aucune difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage que nous examinons à l'initiative de nos collègues socialistes pourrait paraître de prime abord assez séduisante. À l'heure de la libre circulation des Européens dans l'espace Schengen, certains de nos concitoyens peuvent en effet être choqués de constater que les gens du voyage sont soumis à des dispositions particulières, comme le titre de circulation ou la restriction de l'accès au droit de vote.
En janvier 2008, saisie de nombreuses plaintes émanant des gens du voyage, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a adressé au Gouvernement des recommandations afin que soit rétablie l'égalité de traitement à l'égard de cette population. Bien que citoyens français, les gens du voyage, qui ont adopté un mode de vie nomade, sont en effet victimes de discriminations qui résultent aussi bien de comportements individuels que de textes en vigueur, notamment la loi du 3 janvier 1969.
Ainsi, en vertu de cette loi, toute personne de plus de seize ans n'ayant pas de résidence fixe doit être en possession d'un carnet de circulation si elle n'a pas de ressources régulières ou d'un livret de circulation si elle exerce une activité professionnelle. Le premier doit être visé tous les trois mois par un commandant de police, de gendarmerie ou une autorité administrative, le second tous les ans. Tout retard dans le renouvellement entraîne de lourdes amendes. Toute personne qui ne serait pas en possession de ce document est même passible d'une peine pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement.
Ce dispositif est, selon la HALDE, contraire à la Déclaration universelle des droits de l'homme et à la Convention européenne des droits de l'homme, car il enfreint le droit à la liberté de circulation des personnes et crée une discrimination dans la jouissance de ce droit. Certes, la CEDH prévoit que des restrictions peuvent être apportées à l'exercice d'une liberté dès lors qu'elles sont justifiées par des mesures nécessaires à la sécurité nationale, à la sécurité publique ou au maintien de l'ordre public – ce qui est le cas, par exemple, de l'interdiction du port du voile intégral. Mais la réglementation applicable au carnet de circulation apparaît comme mettant en oeuvre des moyens de contrôle disproportionnés, que ce soit au regard de leur fréquence ou au regard de la gravité des peines encourues. Je partage donc l'idée qu'il faut redéfinir les conditions de délivrance et de suivi de ce titre de circulation, et revoir les peines encourues pour défaut de présentation.
Pour ce qui est du droit de vote, je ne comprends pas non plus pourquoi on exige toujours trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, alors que les personnes sans domicile fixe ne doivent, elles, justifier que d'un rattachement de six mois.
Néanmoins, je ne peux pas voter ce texte, car j'estime qu'il faut attendre le rapport de la mission d'information, qui aboutira très certainement à un texte validé par les groupes politiques. Je suis, en effet, nettement plus favorable à une modernisation de la législation, plutôt qu'à une abrogation pure et simple des dispositions en vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai quatre brèves remarques.
Premièrement, l'existence de la mission ne fait pas obstacle à ce que nous adoptions ce texte.
C'est par un hasard du calendrier que ce texte est examiné aujourd'hui : alors que nous souhaitions attendre que la mission dépose son rapport, elle a décidé, lors de sa réunion du 14 décembre dernier, de proroger ses travaux. Or, compte tenu des délais d'inscription dans ce que nous appelons des « niches » parlementaires, il était nécessaire que nous déposions ce texte avant le 14 décembre. Je me devais d'apporter cet éclaircissement sur la façon dont ce texte vient devant vous : comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il ne faut y voir ni manoeuvre, ni mauvaise manière, mais simplement un facteur impondérable.
Sur le fond, il n'y a pas d'opposition à ce que nous sortions ce texte de la mission : du fait de sa spécificité, le sujet dont il est question peut parfaitement être traité à part.
Deuxièmement, je crois que vous avez eu raison, monsieur le ministre, de rappeler le texte de la loi de 1912. Avec près de cent ans de recul, nous ne pouvons que trouver extraordinaire que le législateur de l'époque ait osé rédiger et adopter un tel texte.
Tout à fait !
Cependant, si nous considérons le texte actuel avec un certain recul, nous risquons de trouver tout aussi extraordinaire que l'on ait pu laisser perdurer plus de quarante ans des dispositions que, tous – il y a en effet consensus sur le fond, sinon sur la méthode –, nous estimons bien difficiles à défendre en raison de leur caractère discriminatoire.
Troisièmement, j'entends bien les arguments évoquant les obstacles techniques à notre proposition qui, si elle était adoptée, serait créatrice de droit – la question la plus préoccupante étant celle de l'accès aux aires d'accueil. Cela dit, le texte était amendable, et l'on aurait pu prévoir un dispositif spécifique : l'adhésion à une association, par exemple, aurait pu permettre de faire en sorte que les aires de stationnement ne soient pas assimilées à des terrains de camping.
Nous avons envisagé d'amender le texte, mais il nous a semblé que les dispositions concernées étaient de nature réglementaire plutôt que législative, ce qui fait que nous y avons renoncé.
Enfin, j'ai noté avec satisfaction que le texte allait être repris et amendé. Tous les orateurs s'accordent sur la nécessité de modifier le dispositif actuel, et ce consensus m'inspire deux remarques. D'une part, il me semble qu'une communauté nationale se construit petit à petit, par des gestes chaque jour renouvelés qui donnent le sentiment d'une communauté de destins et d'appartenance – disons-le, le sentiment d'une certaine fraternité. D'autre part, je me permets de recommander que, mardi prochain, nous adressions un signe fort d'appartenance à la communauté, plutôt que de nous perdre dans des détails techniques. En adressant un signe positif à notre société, que l'on dit parfois souffrante, nous pourrions conforter la communauté nationale et lutter contre le communautarisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, comme vient de le faire M. le rapporteur, je fais le constat que nos analyses sont très largement convergentes. Ainsi, nous nous accordons à reconnaître que nous avons, vis-à-vis de la communauté des gens du voyage, un devoir, mais aussi un besoin de proximité et de reconnaissance – comme à l'égard de l'ensemble des membres de la communauté nationale. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ce point.
J'ai été étonné de l'interprétation que M. Gille a pu faire de mes propos : elle me paraît procéder d'une analyse tronquée, à moins qu'il ne s'agisse, de sa part, d'une volonté d'engager une polémique stérile. Lorsqu'on est confronté à un problème, il est plus constructif d'essayer de le résoudre que de dresser les uns contre les autres. Pour ma part, c'est l'attitude que je privilégie, aussi bien à titre personnel que dans le domaine politique, où il faut savoir s'affranchir des clivages habituels pour agir.
Par ma voix, le Gouvernement a pris position sur le fond du dossier, mais aussi sur ses aspects pratiques, à savoir l'abrogation de la loi existante. Je ne suis pas favorable à cette mesure, pour deux raisons. Premièrement, il n'est pas d'usage de déposer une proposition de loi sur un sujet lorsqu'une commission est en train de travailler sur le même sujet : en principe, on attend que la commission dépose son rapport. Deuxièmement, une mission a été confiée par le Gouvernement à un parlementaire, en l'occurrence le président de la Commission nationale consultative sur les gens du voyage. Ceux d'entre vous qui connaissent Pierre Hérisson – je suis moi-même de ses amis – savent qu'il ne saurait être suspecté d'avoir, sur la question qui nous intéresse, une position contraire à celle qui fait consensus au sein de votre assemblée. La mission qui lui a été confiée ne peut donc, en aucun cas, être vue comme une manoeuvre dilatoire.
Deuxièmement, si nous sommes d'accord sur le fond, il convient d'admettre que l'appartenance à la communauté des gens du voyage n'entraîne pas seulement la reconnaissance d'une égalité de droits, mais aussi l'octroi de droits supplémentaires. Si cela ne me pose pas de problèmes majeurs, il me semble que, comme l'a suggéré M. Vandewalle, nous ne pouvons pas faire l'économie d'un vrai débat, afin de déterminer dans quelles conditions ces droits peuvent être accordés. Nous sommes en retard sur ce point, et devons donc progresser efficacement.
Tout à l'heure, M. Lassalle a affirmé qu'il n'était pas tolérable de conserver le texte actuel…
…ce qui, à ses yeux, justifiait que l'on adopte la proposition de loi visant à sa suppression.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à une suppression pure et simple des dispositions existantes, qui constituent un cadre juridique certes imparfait, mais qui a le mérite d'exister. Ainsi, si nous supprimons ces dispositions, comment les gens du voyage sauront-ils dans quelle commune, dans quelle circonscription ils doivent aller voter ? Un travail de réflexion devant être accompli sur ce point par la mission d'information et par M. Hérisson, il me paraît préférable d'attendre que la mission ait rendu son rapport avant de prendre position. En tout état de cause, la suppression du dispositif actuel me paraît tout à fait prématurée, comme je l'ai dit à l'ouverture de ce débat.
J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, inscrit sur l'article.
Il existe, au sein de notre assemblée, un consensus pour considérer que le livret et le carnet de circulation sont inacceptables en l'état – comme il est inacceptable que les gens du voyage soient obligés d'attendre trois ans après leur rattachement pour exercer leur droit de vote, alors que les personnes sans domicile fixe peuvent voter au bout de six mois. Nous avons donc décidé de déposer une proposition de loi visant à la suppression des dispositions relatives à ces deux questions. Toutefois, approfondissant notre réflexion, nous nous sommes dit que, finalement, aucune des dispositions de la loi actuelle ne méritait d'être conservée.
La question du droit de vote peut être réglée au moyen du principe de domiciliation, qui peut s'appliquer à tout Français ne disposant pas d'un domicile fixe – donc, a fortiori, aux personnes ayant un domicile mobile. Quant au carnet de circulation, s'il confère quelques droits, il impose en contrepartie des restrictions absolument inacceptables au regard des principes de notre République. La préservation des droits accordés par le carnet de circulation – c'est-à-dire, principalement, la possibilité d'accéder à une aire d'accueil – peut s'obtenir très simplement, par l'adhésion à une association, ce qui ne relève même pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Nous en sommes donc arrivés à la conclusion qu'il était préférable d'abroger purement et simplement la loi existante, le droit commun assorti de quelques mesures réglementaires permettant de répondre à toutes les questions susceptibles de se poser.
Vous dites, monsieur le ministre, que vous préférez attendre le rapport de la mission. Or ce rapport qui devait être déposé en décembre ne l'a toujours pas été ; par ailleurs, la mission confiée à M. Hérisson n'a pas pour objet principal les questions de citoyenneté que constituent le carnet de circulation et le droit de vote. Je ne vois donc pas ce qui pourrait justifier que nos collègues de la majorité ne votent pas l'abrogation proposée. Peut-être vous faudra-t-il, mes chers collègues, plus de temps que nous pour en arriver aux mêmes conclusions, et peut-être la semaine qui vient sera-t-elle suffisante pour vous faire changer d'avis avant le vote sur notre proposition de loi. Je le souhaite et, en tout état de cause, suis persuadé d'une chose : il est important que notre assemblée s'honore à légiférer elle-même sur ce sujet, plutôt que d'avoir à le faire après un avis du Conseil constitutionnel. Si j'en crois les propos tenus par les orateurs de la majorité, chacun sait parfaitement que les dispositions actuelles sont contraires à la Constitution et à la Déclaration universelle des droits de l'homme, et que nous serions bien obligés de légiférer si un recours était formé. Je vous invite donc, mes chers collègues, à mettre vos actes en cohérence avec vos discours. Il me semble qu'une position unanime de notre assemblée constituerait une belle réponse de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'article unique de la proposition de loi auront lieu le mardi 1er février, après les questions au Gouvernement.
Article unique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues portant dispositions particulières relatives à l'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer (nos 3043, 3084).
La parole est à M. Serge Letchimy, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, il s'agit d'un moment extrêmement important pour les peuples d'outre-mer, en particulier pour les 70 000 familles – soit 200 000 personnes environ – qui vivent dans des conditions difficiles en raison d'un habitat insalubre. Ce sont 65 000 à 70 000 maisons qui sont concernées. Ces familles vivent cette situation comme un déni du droit au logement, une absence d'équité et un manque de reconnaissance.
C'est aussi un moment important pour les professionnels, les acteurs locaux et les collectivités. J'insiste sur le fait que certaines opérations de traitement de l'habitat insalubre durent depuis vingt-cinq ans et qu'il faut en moyenne une dizaine d'années pour traiter quatre cents logements.
C'est également un grand moment de justice sociale.
C'est, enfin, un grand moment pour le Parlement, puisqu'il s'agit d'un texte de fond pour les départements et régions d'outre-mer, qui reconnaît une appréciation différenciée et adaptée du droit.
En deux mots, de quoi s'agit-il ? Dans les quartiers dits « spontanés », 70 à 90 % de l'habitat est informel, c'est-à-dire autoconstruit. Cet habitat informel est en grande partie – à hauteur de 85 % – sans droit ni titre.
Les familles concernées sont propriétaires de la maison, mais pas du sol, que celui-ci appartienne au secteur public – État, collectivités ou établissements publics – ou au secteur privé. En effet, compte tenu du droit en vigueur, le propriétaire du sol l'emporte sur la propriété qui est au-dessus.
Or les types d'occupation sont très divers et ces familles, qui sont là depuis de très nombreuses années, parfois cinquante ans – voire davantage – et sont issues pour la plupart de l'exode rural, paient la taxe sur le foncier bâti, comme tout propriétaire, tout en n'étant pas propriétaires du sol. La situation est donc bloquée.
Dans la seule ville de Fort-de-France, qui compte environ 100 000 habitants, 20 % de l'habitat est informel. Les choses sont d'ailleurs comparables à Cayenne, à Saint-Denis de la Réunion et dans les autres capitales d'outre-mer.
La situation juridique des occupants sans droit et sans titre a des conséquences extrêmement diverses et graves.
Premièrement, la non-reconnaissance de la valeur de leur bien. Comme ils n'ont aucun droit, si l'on doit les déplacer pour une raison quelconque, par exemple des travaux de voirie, leur bien n'a aucune valeur. Quelle injustice !
Deuxièmement, le blocage de toutes les opérations dites de résorption de l'habitat insalubre, sauf à la Réunion où l'on continue à en réaliser quelques-unes – j'expliquerai pourquoi tout à l'heure, dans le débat.
Troisièmement, l'inadaptation du droit en matière de police de l'insalubrité, de procédures de péril et surtout de terrains vacants, dans le cadre des procédures d'abandon manifeste.
Quatrièmement, l'absence de critères d'appréciation globale de l'habitat informel dans le droit relatif à l'habitat indigne, ce qui peut apparaître évident pour certains, mais se révèle extrêmement contradictoire lorsque l'on connaît la situation.
Cinquièmement et surtout, l'absence de procédures adaptées inscrivant le traitement de l'habitat insalubre dans une stratégie globale d'aménagement. Toutes les maisons ne sont pas nécessairement insalubres et le fait de traiter des quartiers ne signifie pas seulement que l'on s'occupe de la question de l'insalubrité : il y a une dimension urbaine, mais aussi une dimension sociale, culturelle et identitaire.
Pour débloquer la situation et répondre au défi, il existe plusieurs solutions dans le cadre de la partie législative que nous examinons aujourd'hui, et tout en sachant, madame la ministre, qu'il reste bien sûr à réécrire la circulaire de 2004 pour rendre opérationnel le dispositif.
La première étape – j'y insiste –, c'est la reconnaissance de l'habitat informel et sa définition, dans le cadre de la loi Besson. En effet, la reconnaissance est une chose, mais la définition est encore plus importante car elle n'existe pas pour l'instant. Dès lors, en droit, on ne sait pas de quoi l'on parle.
Ensuite, il faut reconnaître à l'habitat informel une valeur chiffrée et un droit dans le cadre des opérations d'aménagement, surtout celles concernant la résorption de l'habitat insalubre.
L'article 1er du texte pose la problématique du droit à une aide financière pour perte de domicile s'agissant des terrains publics, tandis que l'article 2 concerne les terrains privés.
Pour les propriétaires bailleurs et pour les propriétaires occupants, ainsi que dans le cas des locaux professionnels, il est prévu que s'applique le même dispositif de reconnaissance et de valorisation du bien.
Bien entendu, cela ne peut pas se faire n'importe comment ; il y a des conditions précises. Par exemple, il faut avoir résidé de manière paisible dans les lieux depuis au moins dix ans.
Il faut aussi que les conditions de relogement, notamment pour les propriétaires bailleurs, soient claires, de façon à éviter que les marchands de sommeil abusent de la situation.
Il faut aussi une convention de fléchage pour l'aide indiquée, de telle sorte que les moyens financiers permettent le relogement éventuel de la personne concernée. Ceux qui ont fait l'objet de procédures de péril ou d'insalubrité, c'est-à-dire de mesures de police, ne doivent surtout pas pouvoir bénéficier du dispositif, si l'on veut lutter, et c'est essentiel, contre les marchands de sommeil.
Une procédure adaptée à l'habitat informel est nécessaire pour les opérations d'aménagement tenant compte de l'hétérogénéité du bâti. En effet, ceux qui se rendent dans nos pays savent pertinemment que, dans un même quartier, tout habitat informel n'est pas nécessairement insalubre.
Une réécriture très claire et très nette en matière de police de l'insalubrité et de sécurité publique est indispensable. Je veux parler du péril de l'insalubrité et de l'abandon manifeste.
Nous devons créer, ce qui est paradoxal, les conditions d'une bonne utilisation des fonds Barnier pour le relogement des familles, notamment dans le cadre des PPR « rouges ». Il n'est pas normal que, dans un pays à risque sismique, il n'existe aucun dispositif puissant pour reloger les familles concernées. Nous savons pertinemment – et nous avons l'exemple d'Haïti – que nous sommes face à des risques extrêmement importants.
Une solution spéciale doit être trouvée pour Mayotte, qui compte 40 % de logements précaires et 23 000 logements insalubres. Elle est intégrée dans le texte.
Il faut aussi porter un regard – et je pense à Christiane Taubira – sur la situation alarmante de la Guyane aujourd'hui, où l'habitat insalubre est important.
Nous devons être attentifs à l'opérationnalisation du traitement de l'habitat insalubre par la création d'un périmètre ad hoc, et à l'amélioration et à la simplification des procédures d'arrêté d'insalubrité. Le texte le prévoit.
Parallèlement aux mesures incitatives que nous mettons en place, nous devons, bien entendu, prendre des mesures coercitives – c'est l'article 12.
S'agissant des périmètres insalubres, il convient de permettre l'application claire de la loi Vivien, sauf à Mayotte où elle ne s'applique pas.
Il faut assurer la fongibilité des aides. L'aide à la pierre de la LBU, l'aide au financement RHI – résorption de l'habitat insalubre –, l'aide sociale, l'aménagement au titre du FRAFU, le traitement de la restauration du patrimoine existant propriétaire bailleur, propriétaire occupant : toutes ces opérations exigent de nombreux intervenants auxquels on ne peut faire face sans fongibilité. Nous proposons donc la création d'un groupement d'intérêt public.
Il faut aussi mettre en place un dispositif spécial pour permettre des opérations de type « résorption d'habitat insalubre » dans le cadre des cinquante pas géométriques, notamment à Mayotte, par l'extension de l'amendement que j'ai eu l'occasion de présenter ici.
Avant de conclure, je souhaiterais adresser mes remerciements aux quatre ministères qui m'ont commandé ce rapport, lequel est à l'origine du texte que je vous présente aujourd'hui. Je remercie spécifiquement le président Serge Poignant pour son esprit d'ouverture…
…et, surtout, sa très bonne compréhension du texte et du principe de réalité. Je remercie également François Brottes, Jean-Yves Le Bouillonnec et Alfred Almont qui ont particulièrement veillé à ce que cette proposition de loi soit bien appréhendée. Permettez-moi aussi, même si ce n'est pas habituel, d'exprimer mes remerciements aux fonctionnaires qui m'ont accompagné dans le cadre de la mission.
Je tiens, enfin, à rappeler, madame la ministre, que, si la circulaire d'application n'est pas rapidement publiée, tout ce qui sera voté ici n'aura aucun sens. Mais je sais que vous y travaillez avec beaucoup de précision et d'ardeur.
J'en viens à ma conclusion. Ce texte est, de mon point de vue, la première législation aussi poussée sur l'habitat informel, bien entendu en France et certainement dans le monde. C'est une première pour l'Assemblée nationale que je salue. On peut ainsi démontrer que l'indivisibilité de la République n'est synonyme ni de conformité ni d'immobilisme, que l'espace public est propice à l'expression de la différence à partir du moment où l'on peut laisser ce droit à l'identité et à la culture. L'égalité des droits n'est pas incompatible avec le droit à la différence, je ne cesse de le dire. C'est l'intégration et la reconnaissance d'une culture de vie, d'un mode d'habiter, d'une architecture vernaculaire et surtout de nouvelles formes urbaines qu'il faut accepter en tant que tels. L'acceptation possible d'un droit de domicile par l'aide financière est obtenue dans le cadre de ce texte. C'est aussi l'acceptation d'une nouvelle problématique foncière, celle d'une superposition de volumes bâtis sur des terrains. C'est la régularisation des occupants sans titre et un chantier foncier considérable que nous ne faisons qu'entamer à travers ce texte.
C'est aussi de la justice sociale vis-à-vis de ceux, issus de l'esclavage, qui ont subi l'exode, les discriminations, ceux qui, très souvent au cours des 300 dernières années, se sont retrouvés à la périphérie des habitations ; ceux qui sont justement venus occuper les faubourgs des villes dans des conditions exceptionnelles de survie à qui vous rendez justice et à qui vous donnez la possibilité, comme cela a été fait il y a trois siècles pour certains, de régulariser et de reconnaître leurs biens acquis dans la survie, dans la souffrance et dans la misère ! C'est la reconnaissance d'un droit assis sur le droit du domicile et d'une valeur financière basée sur la propriété.
En votant ce texte, vous construirez une espérance pour ces peuples, pour ce petit peuple des mangroves urbaines. Vous ouvrirez un champ opérationnel urbain nouveau qui respecte l'homme, rétablit la dignité et reconnaît l'effort individuel et collectif. C'est un acte de justice qui, pour le droit rénové, participe d'une ville et d'une société plus solidaires. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je tiens, tout d'abord, à vous exprimer toute ma satisfaction d'être parmi vous pour l'examen de la proposition de loi relative aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. Vous connaissez mon engagement personnel et celui du Gouvernement pour le logement outre-mer.
Depuis ma prise de fonction, j'ai eu le souci que nos bailleurs sociaux disposent de moyens pour développer l'offre de logements et je constate, depuis plusieurs mois, que les effets de cette mobilisation se font sentir. Mais j'ai toujours dit que la politique du logement outre-mer reposait sur deux piliers : l'accroissement de l'offre de logements sociaux, mais également l'habitat privé, qui concerne notamment outre-mer beaucoup de propriétaires aux ressources modestes. C'est de ce second pilier de la politique du logement outre-mer dont nous parlons aujourd'hui et c'est d'un phénomène de masse dont nous traitons, M. le rapporteur l'a évoqué tout à l'heure. Dans le rapport de mission qu'il m'a remis en octobre 2009, il est précisé que les situations d'habitat indigne, insalubre et informel toucheraient 200 000 personnes. Ces personnes habitent souvent des logements qui ne répondent pas aux conditions minimales de confort et de dignité, dans des zones dépourvues d'aménagements primaires pour l'alimentation en eau potable, la collecte et l'assainissement des eaux usées. De ce fait, les populations sont exposées à des risques pour leur santé. Aussi est-il, je le pense, nécessaire de mettre en perspective le débat que nous avons aujourd'hui et l'engagement affirmé du Gouvernement, depuis le début, en faveur du logement social et de la reconstitution des tissus urbains dégradés.
Cet engagement s'est appuyé sur des mesures importantes. Il s'agit, tout d'abord, de la mise en oeuvre de la défiscalisation au bénéfice de la construction de logements sociaux avec le vote de la LODEOM. Nous disposons désormais, vous le savez, de deux instruments fondamentaux que sont la défiscalisation et la ligne budgétaire unique.
Je constate, d'ailleurs, que cette nouvelle ressource a un véritable effet de levier sur la production neuve, puisque je peux vous annoncer que, grâce à la défiscalisation, ce sont 3 199 logements sociaux qui sont financés fin décembre 2010. Cet engagement a été concrétisé, vous le savez, dans le budget de l'outre-mer pour 2011, la loi de finances ayant sanctuarisé la défiscalisation pour le logement social comme la ligne budgétaire unique dont les crédits sont d'environ 275 millions d'euros.
Mais vous avez également voté une nouvelle disposition pour l'outre-mer qui permet à l'État de céder gratuitement ses terrains dès lors qu'ils sont destinés à accueillir des programmes de logements sociaux ou des équipements publics. Cette mesure également importante et très attendue répond à la pénurie de foncier caractéristique dans les départements d'outre-mer et à la cherté du coût des aménagements puisque la décote totale est de nature à compenser significativement le coût lié à l'aménagement des terrains. Je rappelle, en outre, depuis le décret du 9 novembre 2010, la possibilité pour l'État d'intervenir seul dans la compensation de la surcharge foncière, dès lors que la situation financière des collectivités ne leur permet pas de le faire.
Nous nous trouvons donc aujourd'hui dans une situation inédite où des conditions favorables à l'équilibre financier des opérations de construction et de production de foncier aménagé sont simultanément réunies. Mais la mobilisation sans faille du Gouvernement pour développer l'offre de logements sociaux outre-mer ne doit pas placer au second plan l'enjeu fondamental qu'est l'amélioration de l'habitat privé. Je peux vous confirmer que la résorption de l'habitat insalubre continue, à cet égard, d'être une priorité pour le ministère que j'ai l'honneur de diriger. Cette priorité s'inscrira dans le cadre des interventions qui visent à réparer les tissus urbains dégradés. La ligne budgétaire unique est d'ailleurs pleinement mobilisée en ce sens. J'en veux pour preuve, même si l'on n'en parle pas suffisamment, les actions contractualisées pour la rénovation urbaine au travers de treize conventions pluriannuelles dans les quatre départements d'outre-mer et à Mayotte et du programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés qui concerne la ville de Fort-de-France. Avec ces programmes, ce sont plus de 1,8 milliard d'euros de travaux pour les économies d'outre-mer, ce qui n'est pas négligeable en termes de soutien à l'économie.
Dans le cadre de cette politique globale, le Gouvernement a souhaité donner un nouveau souffle volontariste à la politique de lutte contre l'habitat indigne et informel. La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de cette orientation voulue par le Gouvernement. En avril 2009, le Gouvernement avait demandé au rapporteur du texte qui vous est soumis aujourd'hui de formuler des propositions pour relancer la politique de lutte contre l'habitat insalubre outre-mer. Le constat était, en effet, largement partagé : les procédures existantes, singulièrement les opérations de RHI, ne démontraient pas leur efficacité. Bien au contraire, elles s'enlisaient, elles s'éternisaient dans des procédures administratives trop lourdes, trop complexes. Au-delà du sentiment partagé, monsieur le rapporteur, vous avez analysé les imperfections de l'action publique sur ces quartiers d'habitat spontané. À la suite des propositions que vous avez formulées et qui ont été inscrites dans les conclusions du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009, le Gouvernement a pris immédiatement des mesures destinées à pallier ces dysfonctionnements. Vous avez, avant tout, relevé certains manques dans la gouvernance de la lutte contre l'habitat indigne et insalubre. Par circulaire interministérielle en date du 17 mai 2010, le Gouvernement a, d'ores et déjà, demandé aux préfets de mettre en place des pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne et l'institution de plans communaux de lutte contre l'habitat indigne. Nous avons organisé, vous le savez, avec le réseau du pôle national de lutte contre l'habitat indigne, des formations sur place à destination des services déconcentrés de l'État et des collectivités territoriales.
Mais ce travail sur la gouvernance, nous le savons tous, ne suffit pas. Le rapport que vous m'avez remis en octobre 2009 montrait que des évolutions législatives étaient nécessaires sur deux aspects principaux : d'une part, il fallait cerner avec une meilleure acuité les quartiers d'habitat spontané, lesquels ne sont pas réductibles aux zones d'habitat insalubre et, d'autre part, il fallait prendre en compte une situation fréquente outre-mer, celle de l'occupation sans droit ni titre. Ce sont les deux aspects de la proposition de loi sur lesquels je veux insister.
Mais, avant d'aborder ces deux aspects, je tiens à saluer le travail réalisé par le rapporteur Serge Letchimy, missionné sur ce sujet par le Gouvernement le 6 avril 2009. Je veux aussi saluer M. le président Serge Poignant, dont je sais combien il est attentif à la situation de nos outre-mer ; sa vigilance sur ce texte en témoigne.
Enfin, je remercie tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce texte, en particulier les membres de la commission des affaires économiques.
J'en viens aux deux aspects de la proposition de loi qui apportent des améliorations significatives pour lever les obstacles enlisant les procédures de résorption de l'habitat insalubre et engager sur des bases plus adaptées un traitement des quartiers d'habitat spontané.
Trop souvent, il est vrai, les dispositions du code de la santé publique relatives à l'insalubrité peinent à s'appliquer outre-mer parce que le propriétaire foncier n'est pas à l'origine des constructions édifiées sur son terrain, mais les personnes ayant construit sur ces terrains sans droit ni titre l'ont fait dans des conditions déterminées par l'Histoire. La proposition de loi contient sur ce point une grande avancée en permettant le versement d'une aide financière aux occupants sans droit ni titre dans le cadre d'une opération d'aménagement. Cette aide financière va faciliter la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt public et la réinstallation des personnes concernées.
Nous avons eu des échanges sur le sens qu'il fallait donner à cette aide. Est-elle une indemnisation pour perte de jouissance ? Il nous semble que cette appellation prête à contestation, jusque devant le juge constitutionnel, car évoquer une indemnisation de ce type, faire intervenir le juge de l'expropriation, place incontestablement l'occupant sans droit ni titre dans la sphère du droit de propriété. Or nous ne pouvons lui reconnaître un tel droit sans toucher au droit du propriétaire lui-même. C'est pourquoi il nous paraît plus conforme aux normes constitutionnelles de prévoir une aide financière en lieu et place de l'indemnisation pour perte de jouissance.
Par ailleurs, et c'est le second point sur lequel je souhaite insister, l'institution par arrêté du préfet d'un périmètre à contenu adapté pour les secteurs d'habitat informel, moins rigide dans son contenu et ses effets que le périmètre d'insalubrité figurant à l'article L. 1331-25 du code de la santé publique, est une démarche nouvelle et très attendue des acteurs locaux de la lutte contre l'habitat indigne. De telles dispositions sont par ailleurs en cohérence avec les actions déjà engagées que j'évoquais tout à l'heure.
Pour conclure, je note avec intérêt les opportunités ouvertes par cette proposition de loi pour traiter des enjeux spécifiques à l'habitat spontané outre-mer. Vous proposez, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, de nouveaux outils pour répondre à des situations marquées le plus souvent par une grande précarité. Le Gouvernement partage votre préoccupation et adhère dans une large mesure aux réponses que vous proposez et qui recueillent, je le constate, un large consensus, au-delà des clivages que nous connaissons trop.
Je n'oublie pas également qu'au-delà des outils, aussi nouveaux et aussi adaptés aux situations soient-ils, nous parlons non pas seulement de logements mais bien de quartiers, d'espaces de vie et de lieux de rencontres. C'est cette ambition, cette vision au-delà de l'habitation qui doit nous guider tout au long de nos débats.
Je ne m'exprimerai pas sur le fond puisque c'est un rappel au règlement fondé sur l'article 58, alinéa 1, M. le Bouillonnec se chargera de répondre à Mme la ministre.
C'est un texte très concret, indispensable pour bon nombre de nos concitoyens, qui a une symbolique forte dans le travail de l'Assemblée nationale. C'est assez rare pour être souligné et chacun doit en mesurer l'importance.
Cette proposition est née d'un travail considérable réalisé par Serge Letchimy. Elle est au service de la dignité, et c'est tout de même la principale mission des parlementaires de s'occuper des plus faibles, des plus fragiles.
Les députés de l'hexagone et ceux des départements et territoires d'outre-mer ont constamment travaillé ensemble. Ce n'est pas toujours le cas, il faut donc le souligner.
C'est un texte de consensus, ce qui est aussi exceptionnel. Après Serge Letchimy, je tiens à souligner le travail réalisé par le président de la commission des affaires économiques, Serge Poignant. Il a pris toute sa part sur le fond mais il a également veillé à ce que le calendrier soit tenu, à ce que cette proposition puisse être adoptée dans les délais que nous souhaitions. Je l'en félicite et je l'en remercie.
Lorsqu'elle est respectée, l'initiative parlementaire est belle et utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Comme vient de le rappeler François Brottes, madame la ministre, nous n'avons ménagé aucun effort de part et d'autre de l'hémicycle pour aboutir à ce texte riche. Je ne gâcherai donc pas cet instant privilégié en critiquant les propos que vous avez tenus et auxquels nous ne pouvons adhérer. Nous ne partageons pas votre satisfecit sur la politique du logement dans les DOM-TOM, son financement, son opérationnalité, les processus fiscaux. En cet instant, puisque ce n'est pas le coeur du débat, je veux simplement m'attacher à la réalité dans laquelle nous nous sommes trouvés.
Voilà des décennies que, dans des stratégies législatives concernant l'habitat insalubre et le logement, l'acteur public rencontrait une difficulté pour les DOM-TOM, et toutes les tentatives pour régler la question n'ont abouti à rien. C'est Serge Letchimy qui, dans les débats de 2009, a expliqué que la situation ne pouvait pas durer. Il a été relayé, soutenu par l'ensemble de nos collègues des territoires et départements d'outre-mer de part et d'autre de l'hémicycle, et nous avons heureusement partagé la volonté d'engager une réflexion.
Parmi tous les éléments qu'il a apportés, son rapport a été utile notamment sur deux points.
Il nous a d'abord montré l'ampleur, la réalité de ce qui était une véritable catastrophe sociale et humaine, l'importance du mauvais abri, du mal logement, de l'impossibilité de combattre l'insalubrité dans ces territoires, et cette réalité a bien entendu été comprise par les élus de la nation.
Il a aussi souligné une autre réalité sur laquelle nous butions. Tous les instruments législatifs et réglementaires, placés dans le cadre constitutionnel qui est le nôtre, se heurtent à l'usage, la tradition, la coutume qui font que, à côté du propriétaire, de celui qui a le titre d'occupation ou de location, il y a une autre réalité, humainement forte, qui demande socialement à être visitée. Cela soulevait des problèmes, et il fallait savoir comment y répondre.
Serge Letchimy, avec le concours de la commission, et François Brottes a exprimé notre gratitude commune à l'égard du président, a suggéré que l'on contourne l'obstacle constitutionnel, sans nous écarter bien sûr de la Constitution, en nous rapprochant un peu notamment de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a commencé également à caresser des processus d'indemnisation pour des gens n'ayant pas la qualité de propriétaires.
Avec ce texte, nous allons donner des instruments forts pour débloquer des opérations d'aménagement de territoires laissés en friche depuis des années, assurer l'équité territoriale, qui nous demande de revoir les instruments nécessaires aux actions de développement de ces territoires, et, enfin, bien sûr, adopter une vraie stratégie de justice sociale en rendant concrètement disponibles des instruments de développement et, du même coup, éviter que certains de nos concitoyens ne soient pas laissés pour compte dans notre République.
Nous avons ainsi abouti à un accord dans le cadre de notre travail de commission, et je remercie, madame la ministre, l'ensemble des membres de votre cabinet qui ont concouru à ce que l'on s'éloigne du risque constitutionnel, en transformant notamment la notion d'indemnité à laquelle les occupants pouvaient prétendre. On va leur verser une aide financière, tout en rappelant, et c'est ce qui était important pour nous tous, je crois, que c'est de leur domicile que l'on parlait.
Cette forme d'approche va permettre d'engager les procédures. On tiendra compte de la situation à la fois pour l'indemnisation et pour le relogement. Cela rend du même coup efficaces et concrètes toutes les stratégies qui seront développées par l'acteur public.
Ce texte constitue donc une offre incontestable pour nos compatriotes ultramarins. C'est aussi un signal, une sorte de réponse, une caresse sur la joue pour tous ceux qui, dans la métropole, ont souffert de la situation dans nos territoires d'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, destinée à lutter contre l'habitat indigne dans les régions d'outre-mer, cette proposition de loi vise surtout à donner un socle juridique à des pratiques élaborées au fil des années sur le terrain qui ont été soumises à l'épreuve des faits. Ces modes de faire sont largement issus des adaptations que les acteurs locaux ont dû apporter à des textes législatifs qui n'étaient pas forcément en adéquation avec la réalité du logement insalubre dans nos régions.
C'est ainsi que le droit à l'indemnisation – ou, plutôt, si j'en crois les toutes dernières évolutions du texte, l'aide financière – prévu à la première section du texte pour les personnes ayant édifié des constructions d'habitation sans droit ni titre de propriété renvoie à une pratique déjà ancienne, largement en cours dans les opérations de réhabilitation de l'habitat insalubre. Il est bienvenu que la loi vienne clarifier ces usages.
De même, l'article 8, qui prévoit d'instituer un périmètre insalubre à contenu adapté, est-il la généralisation et la reconnaissance juridique d'une pratique en cours à la Réunion, selon laquelle, dans un projet de réhabilitation, les constructions sont traitées en fonction de leur état réel et ne sont pas toutes considérées comme insalubres.
Nous saluons par ailleurs l'innovation contenue dans l'article 7, qui introduit la notion d'habitat informel dans la loi Besson de 1990. Les outils prévus pour lutter contre l'habitat indigne pourront désormais être mis au service des quartiers d'habitat informel, notamment le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.
Ces avancées juridiques devraient conforter les pratiques en cours à la Réunion, où les intervenants, qu'il s'agisse des opérateurs, de l'administration ou des élus, ont toujours eu le souci d'un urbanisme opérationnel, et n'ont pas hésité à innover pour lancer et mener à bien des opérations de résorption de l'habitat insalubre.
Du fait de cette politique volontariste, les grandes opérations de résorption de l'habitat insalubre ont été lancées dans les années 80 et, pour l'essentiel, menées à bien. Le deuxième inventaire réalisé par l'agence d'urbanisme de la Réunion, l'Agorah, fournit un tableau de la réalité d'aujourd'hui. En dix ans, le nombre de logements insalubres aurait diminué et serait passé de 22 500 à 16 235. Il s'agirait davantage à présent d'une insalubrité diffuse, plus rurale, et localisée dans les Hauts. Enfin, 89 % de ces logements se situeraient sur des terrains privés.
L'habitat insalubre, on le voit, ne présente pas des caractéristiques communes dans l'ensemble de l'outre-mer : aux Antilles, par exemple, ce sont surtout les terrains publics qui sont concernés. Il est donc nécessaire, pour continuer à lutter contre l'habitat insalubre, que le texte que nous adopterons tienne compte des situations de chacune de nos régions. En effet, selon qu'elle est groupée ou diffuse, rurale ou urbaine, l'insalubrité ne requiert pas les mêmes solutions.
À Saint-Paul, qui compte environ 2 500 logements insalubres, le plan communal de résorption de l'habitat insalubre en a localisé 2 000 en zone agricole ou naturelle. Il s'agit le plus souvent d'un habitat issu directement de l'histoire du peuplement de la Réunion, notamment de l'engagisme et du mode d'exploitation du colonat partiaire. Constituant des hameaux comptant entre cinq et plusieurs dizaines de logements, ces constructions occupent des surfaces qui peuvent aller jusqu'à plusieurs dizaines d'hectares. Les habitants n'y ont aucun titre foncier et ne peuvent ni rénover ni agrandir leur logement.
La commune souhaite évidemment traiter ces poches d'insalubrité et améliorer les conditions de logement des familles qui y vivent, ce qui, dans ce cas, passe par une structuration assortie d'une densification relative des hameaux, grâce à de nouvelles constructions dans ce que l'on appelle les « dents creuses », pour reprendre une image des urbanistes.
Mais, pour cela, il est nécessaire de classer les secteurs concernés en zone naturelle bâtie, comme le permet d'ailleurs l'article 19 du Grenelle 2. Un classement en zone urbaine ou à urbaniser exigerait en effet des investissements très lourds et difficilement envisageables. De plus, prendre en compte l'habitat existant suppose que ces zones ne soient pas comptabilisées comme des extensions urbaines.
Autre difficulté particulière que nous souhaitons voir rapidement résolue : celle créée par les cas d'indivision ou de succession non réglée.
Avec le manque crucial du nombre de logements sociaux, ce sont là les principales causes du renouvellement continu de l'habitat insalubre. Rappelons que, désormais, à la Réunion, à peine plus de 10 % des logements insalubres se situent sur des parcelles publiques. Les solutions nous seront-elles apportées par le GIP en voie de création ? Si ce n'est pas le cas, cet aspect du problème mériterait d'être abordé dans le texte.
La maîtrise du foncier est un préalable incontournable à toute opération d'aménagement. Nous soutenons ce texte, qui propose des solutions aux impasses juridiques actuelles. Toutefois, lorsque l'on considère la situation des finances des collectivités locales, madame la ministre, on comprend que la question de l'habitat indigne risque de ne pas être résolue pour autant. Certaines communes ont déjà des difficultés pour assurer l'équilibre financier des opérations de RHI. Le gel des dotations de l'État aux collectivités ne va certainement pas arranger les choses.
Au-delà des aspects juridiques, le problème qui risque de se poser dans les années qui viennent est celui de la capacité financière des communes à lancer de nouvelles opérations. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui entend répondre à une problématique importante. Il s'agit de l'habitat indigne et insalubre dans les départements et territoires d'outre-mer.
Le rapport qui nous avait été présenté en octobre 2009 par M. Serge Letchimy avait révélé encore un peu plus, s'il en était besoin, l'ampleur du problème. Mes chers collègues, j'éprouve doublement du plaisir à prendre la parole devant vous, au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés : tout d'abord parce que j'ai consacré une dizaine d'années de ma vie professionnelle au secteur du logement social, ensuite parce que j'ai eu l'occasion de réfléchir et d'écrire il y a quelques mois sur la problématique de notre France sur mer et ultramarine.
Sur le fond, je rappellerai quelques chiffres et quelques faits : entre 50 000 et 60 000 habitats précaires en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion ; 23 000 logements insalubres à Mayotte ; une bidonvilisation rampante et accélérée, notamment du fait de l'immigration clandestine, en Guyane.
Au total, monsieur le rapporteur, votre rapport fait état de 200 000 personnes vivant dans des conditions de logement indigne ; rapporté aux 2,4 millions d'habitants de l'outre-mer, cela fait presque 10 % de la population, chiffre énorme et choquant. Imaginons un instant, mes chers collègues, qu'il s'applique à la métropole : aurions-nous si longtemps toléré, collectivement, une telle situation ?
C'est, au fond, une mesure de justice et d'équité, ne serait-ce que territoriale, que nous prenons avec ce texte. Il s'agit d'un problème éminemment social, mais nous devons aussi corriger une criante inégalité territoriale entre la métropole et l'outre-mer.
Vivre dans une maison relevant de l'habitat indigne n'est pas sans conséquences sur la santé, l'éducation et la vie quotidienne de nos concitoyens.
Si nous voulons véritablement traiter cette problématique, il faut tout d'abord répondre – le rapport le souligne bien – à la question de l'autoconstruction sans permis ni terrain personnel, ce que vous appelez, monsieur le rapporteur, l'habitat sans droit ni titre. Il ne s'agit pas de stigmatiser le principe de l'autoconstruction. Je n'oublie pas qu'en métropole, le mouvement des Castors, par exemple, a dans les années soixante beaucoup oeuvré, par le biais de l'autoconstruction, au développement de l'accession très sociale à la propriété. La question de la propriété du sol est le véritable noeud de la problématique, eu égard à une utilisation abusive du droit de ce sol.
Il me paraît important de ne pas stigmatiser non plus les départements et collectivités d'outre-mer, car nous avons aussi connu une telle situation en métropole, tout récemment encore. Je pense notamment à ce qui se passe dans certaines zones touristiques, en particulier sur la côte languedocienne, où un certain nombre de nos concitoyens ont installé des caravanes près des plages, avant d'y ajouter un abri de jardin, puis une structure en bois autour… De fil en aiguille sont apparues sur des terrains interdits à la construction, en toute illégalité, de véritables maisons.
L'habitat informel outre-mer tire sa spécificité de sa construction sans permis, du fait que les personnes ne sont pas propriétaires des terrains et ne possèdent parfois ni droit ni titre sur le foncier. Aujourd'hui, bien que les terrains appartiennent, sur le papier, aux collectivités publiques ou à des personnes privées, l'urbanisation est bien là. Elle est anarchique, non organisée, ne bénéficie souvent ni de réseaux d'évacuation des eaux pluviales ni d'alimentation structurée en eau potable, voire d'électricité ou d'équipements publics structurants.
Ceci a une double conséquence : sur l'environnement, tout d'abord, en raison, par exemple, de l'absence de systèmes d'épuration, mais aussi sur les finances des collectivités locales, car les habitants de ces quartiers ou lieux-dits demandent des services identiques à ceux offerts dans les quartiers plus conventionnels.
Nous ne pouvons fermer plus longtemps les yeux et il convient d'analyser les conclusions du rapport commandé par le Gouvernement à notre collègue Serge Letchimy. La situation du logement indigne en outre-mer requiert une intervention adaptée qui tienne compte, comme l'a souligné l'oratrice précédente, des spécificités pouvant exister dans tel ou tel territoire.
Notre intervention doit être adaptée, car comment résorber cet habitat insalubre quand la propriété du sol est dissociée de la possession du bâtiment ? Le paradoxe va même jusqu'à ce fait qui nous a été rapporté lors de l'examen du texte en commission des affaires économiques : de nombreuses personnes ayant construit leur habitation sur un terrain qui ne leur appartient pas payent tout de même la taxe d'habitation, parfois aussi – ironie cruelle – la taxe sur le foncier bâti.
Aujourd'hui, il est impossible d'indemniser ces familles lorsque sont engagées des procédures de relogement ou encore d'appliquer toutes les procédures permettant le financement des opérations de résorption de cet habitat à la suite d'une déclaration d'insalubrité.
Alors que le paiement des impôts locaux leur confère une forme de titre de propriété, il n'est pas pensable, pour les centristes, de demander à des gens de quitter un logement qu'ils occupent de manière paisible et continue depuis plus de dix ans sans leur offrir la moindre indemnité. La proposition de loi de M. Serge Letchimy et de son groupe, ainsi que le travail mené en commission par l'ensemble des groupes et le Gouvernement, ont permis d'apporter des réponses pragmatiques.
J'en cite quelques-unes : la prise en compte de l'habitat informel dans les opérations publiques d'aménagement en cas de démolition des lieux occupés ; l'indemnisation du bailleur en cas de démolition de locaux donnés à bail aux fins d'habitation édifiés sans droit ni titre sur des terrains propriété de personnes publiques ; la faculté offerte aux maires d'édicter des arrêtés de péril ; la faculté aussi de créer des groupements d'intérêt public pour conduire des opérations de résorption de l'habitat indigne dans les quartiers d'habitat dégradé ; ou encore la mise en place de sanctions pénales en cas de méconnaissance par le bailleur de locaux d'habitat informel de ses obligations résultant d'un arrêté d'insalubrité ou de péril.
Le groupe centriste avait soulevé en commission la question de l'appétit de promoteurs privés et marchands de sommeil face à ces propositions législatives bienveillantes. En effet, il ne faudrait pas se montrer naïf car les enjeux et les conflits d'intérêt potentiels sont considérables. Nous avons été rassurés et nous croyons que ce danger a été écarté, le texte ayant été sécurisé quant à cet aspect.
En ce qui concerne le dernier blocage, le problème d'inconstitutionnalité apparu il y a quelques jours sur l'article 1er, il a donné lieu à un travail de fond entre le rapporteur, la commission des affaires économiques et les services du Gouvernement. Nous ne pouvons que saluer ce travail main dans la main en vue de dépasser les blocages et de faire avancer les choses pour qu'une solution soit trouvée.
En conclusion, les députés du groupe Nouveau Centre et apparentés saluent cette initiative constructive entre le Parlement et le Gouvernement. Une initiative suivie dans le temps : le rapport a été concrétisé par une proposition solide qui vise les bonnes questions. Une initiative qui a fait l'objet d'un consensus large : en tant que centristes, nous nous félicitons de ce travail transpartisan ; chaque fois qu'un consensus de ce type est trouvé, le Parlement, et surtout la République, en sortent grandis. Une initiative qui a réussi à appréhender de façon pragmatique la réalité du logement insalubre en outre-mer. Enfin, une initiative guidée par un souci d'équité et de solidarité avec ces territoires.
Je souhaite rendre plus particulièrement hommage au rapporteur et lui dire que c'est son travail de fond, relayé par celui de la commission, qui nous permet de parvenir à cette solution consensuelle dont nous ne pouvons qu'être très heureux.
Aussi, compte tenu du fait que les derniers blocages constitutionnels ont été levés, le groupe Nouveau Centre et apparentés votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur divers bancs.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons l'avantage – je dis bien l'avantage – d'examiner aujourd'hui la proposition de loi portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer, déposée par Serge Letchimy et nos collègues du groupe SRC.
Ce texte fait suite aux conclusions de l'excellent rapport produit par Serge Letchimy dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par le Gouvernement et remis par ses soins en octobre 2009. Ce rapport avait pour objectif d'accélérer les processus de résorption des formes d'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer, objectif que nous soutenons et auquel nous nous associons.
Le rapporteur, parfaitement qualifié sur le sujet, nous le savons, a réalisé une analyse objective de la situation dans les quartiers d'habitat informel, faisant notamment ressortir qu'il s'agit moins d'un problème de financement que d'un problème de gouvernance.
Pour preuve, malgré les crédits importants déjà engagés pour lutter contre l'habitat indigne outre-mer et les opérations de résorption de l'habitat insalubre mises en oeuvre au cours de ces dernières années, le phénomène grave de l'habitat informel et indigne persiste dans les départements et régions d'outre-mer, avec parfois le développement de la bidonvilisation.
Mes chers collègues, cette situation, à laquelle nous devons porter remède sans délai, nécessite bien l'adoption par le Parlement de mesures législatives visant à mieux prendre en compte l'habitat insalubre dans l'action publique destinée au logement.
Pour répondre à ces difficultés, la proposition de loi prévoit notamment deux séries de mesures majeures : il s'agit, d'une part, d'octroyer une aide financière aux occupants sans droit ni titre afin de les inciter à quitter les lieux et de permettre ainsi la réalisation d'opérations d'aménagement urbain, et, d'autre part, d'adapter les mesures de police en matière d'insalubrité et de péril pour imposer aux édificateurs de locaux sans droit ni titre de réaliser les travaux nécessaires.
Je m'associe pleinement à tout ce qu'on dit les orateurs précédents. Nous ne pouvons que soutenir les objectifs de ce texte, comme nous l'avons fait en commission, car ils visent à réduire les situations d'habitat insalubre et indigne, et constituent autant de signaux forts en direction du vrai développement de nos régions et de l'épanouissement des populations concernées. Lors de l'examen en commission, plusieurs amendements présentés par le rapporteur ont du reste été adoptés afin de préciser certaines dispositions. À titre d'exemple, il est dorénavant prévu que les travaux d'amélioration, prescrits par le préfet dans le cadre du périmètre insalubre, devront s'inscrire dans le projet d'aménagement et d'assainissement prévu dans le périmètre concerné. Par ailleurs, la protection des occupants de locaux déclarés insalubres ou frappés d'un arrêté de péril est renforcée en empêchant la perception, de manière rétroactive, de loyers ou de toute autre indemnité d'occupation.
Néanmoins, le groupe UMP s'est abstenu en commission car les contraintes sont telles qu'un certain nombre de réponses restent à préciser face aux incertitudes évoquées par le Gouvernement, concernant en particulier le respect du principe du droit de propriété. Le groupe UMP, qui tient au vote de ce texte, a estimé dès lors opportun de poursuivre le travail entre l'examen en commission et sa présentation en séance, en lien avec le Gouvernement, le rapporteur, la commission ainsi qu'un grand nombre de collègues, qu'ils soient ou non commissaires, pour consolider pleinement la proposition de loi. C'est chose faite, mes chers collègues. Je tiens à ce titre à saluer la qualité du travail que nous avons réalisé avec le président de la commission des affaires économiques, qui s'est fortement impliqué et à qui je tiens à exprimer ma reconnaissance.
Au terme de nos travaux, nous avons abouti au dépôt d'amendements appropriés, dont certains sont cosignés par le rapporteur et par plusieurs collègues de toutes les sensibilités. Ces amendements permettent de sécuriser le texte, en particulier en le rendant compatible avec le respect du droit de propriété. J'entends évoquer brièvement devant vous les principaux d'entre eux.
Pour se conformer au droit de propriété, il était souhaitable de remplacer l'indemnisation pour perte de jouissance par une aide financière – Mme la ministre l'a très clairement souligné – visant à compenser la perte de domicile pour les occupants sans droit ni titre d'habitations qui doivent être démolies dans le cadre d'une opération d'aménagement public.
Une aide financière pourra également être versée aux occupants sans droit ni titre de locaux affectés à l'exploitation d'établissements à usage professionnel qui doivent être démolis dans le cadre d'une opération d'aménagement ou d'équipement public.
Il est par ailleurs proposé que le barème de l'aide financière soit fixé par arrêté interministériel. À défaut de publication de l'arrêté dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la loi, le montant de l'aide sera fixé par convention.
Il faut donc se réjouir, mes chers collègues, qu'un consensus intervienne désormais sur un enjeu fondamental pour nos régions. C'est pourquoi je souhaite vivement que ces amendements, qui rendent la rédaction de ce texte irréprochable, recueillent l'approbation de notre assemblée. Le texte en lui-même est juste, équilibré et efficace. Bien entendu, le groupe UMP votera cette proposition de loi, et j'invite l'ensemble des collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois, un texte portant dispositions particulières relatives à l'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer nous est proposé et va faire l'objet d'un examen attentif par notre assemblée. Il est donc de portée historique. Nous ne pouvons que remercier le rapporteur, notre collègue Serge Letchimy, qui connaît très bien les questions de logement et d'urbanisme. Cette proposition de loi est l'aboutissement d'une réflexion issue d'un rapport produit par ce dernier, diligenté par le Gouvernement en mars 2009, rapport dont la qualité a été reconnue par tous.
L'élu de terrain que je suis en tant que maire connaît bien, à l'instar de ses collègues de l'ensemble des outre-mer, les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des opérations de résorption de l'habitat insalubre, tant il est difficile de mettre en application localement les dispositions et les procédures en vigueur. Je tiens donc ici à saluer la méthode choisie, qui décomplexifie toutes ces procédures et tente d'apporter, de manière globale, de vraies solutions concrètes et pérennes à un problème vieux de plus de trente ans. Cette démarche garantit la pertinence des mesures proposées en se plaçant à la hauteur des enjeux. Faut-il rappeler que le problème de l'habitat insalubre et précaire concerne plus de 50 000 logements, soit plus de 150 000 habitants, dans nos départements et régions d'outre-mer ?
Il est fort intéressant de noter que notre collègue Serge Letchimy aborde la question en termes d'habitat et non pas de logement. Car, contrairement à la sémantique habituelle, habitat et logement ne sont pas exactement synonymes. Autant le logement correspond à des données techniques homogènes de construction ou d'habitabilité plus proches des formules HLM, autant l'habitat met en avant la sociologie du mode d'habiter sous les multiples contraintes sociales et urbanistiques exploitées par les marchands de sommeil. De plus, l'habitat fait ressortir à quel point les groupes humains, notamment les plus défavorisés, ceux qui ne bénéficient pas, par exemple, de mesures comme la défiscalisation – qui cible plus particulièrement les classes moyennes –, développent des stratégies pour s'adapter et participer tantôt à la ville, tantôt aux mutations de la ruralité. La conceptualisation utilisée traduit bien la distance existant entre les réalités sociales de l'habitat en France hexagonale et dans l'outre-mer. Les notions d'habitat indigne, d'habitat informel ou spontané, de bidonvilisation, d'insalubrité sont des expressions qui font sens dans nos territoires de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de Réunion et de Mayotte.
Mes chers collègues, une telle approche était indispensable pour montrer pourquoi le droit au logement, édictée par la loi Besson de 1990, reste, en dépit de la grande avancée qu'il représente, inefficace dans nos régions. D'où la pertinence de cette proposition de loi, qui constitue le fondement même d'une nouvelle politique de l'habitat pour les outre-mer. Nous voyons bien que les dispositions contenues dans cette proposition de loi apportent des éclairages nouveaux, des réponses nouvelles, tant juridiques que techniques et urbanistiques, au traitement de l'habitat spontané dans les opérations publiques menées par les collectivités et autres institutions publiques. C'est ainsi que certaines dispositions viennent souvent corriger les imperfections qui nuisaient à l'efficacité de nombreux textes antérieurs. Le texte apporte aussi des réponses à la question de l'aide financière, de l'indemnisation, dans le cadre des opérations publiques d'aménagement, aspect non négligeable dans nos territoires.
Par ailleurs, le texte montre clairement comment le code de la santé et celui de la construction occultaient l'habitat informel alors que, précisément, ils couvrent des domaines qui permettent d'établir l'insalubrité. On peut évoquer le cas de la circulaire du 26 juillet 2004 régissant les RHI – les résorptions de l'habitat insalubre –, qui reste inadaptée aux situations concrètes des opérations RHI que l'on retrouve dans toutes les communes des départements et territoires d'outre-mer, et qu'il faudra faire évoluer.
Je n'ai pas voulu faire une approche exhaustive des dispositions de cette proposition de loi, mais son grand mérite, je le redis, est d'apporter des réponses là où précisément les anciennes dispositions sur l'habitat insalubre dans nos territoires aboutissaient à des blocages qui ont ruiné leur efficacité. C'est pourquoi on peut, encore une fois, féliciter notre collègueSerge Letchimy.
Au terme de mon propos, ce dont je suis convaincu, c'est que l'adoption de ce texte permettra de mettre à la disposition des acteurs locaux un nouvel outil pour lutter plus efficacement contre l'habitat indigne, trop présent dans nos territoires, et ainsi restituer la dignité humaine à ceux qui, depuis des décennies, n'ont vu s'ouvrir devant eux aucune autre perspective que de vivre dans des conditions d'habitabilité précaires.
C'est là toute la dimension humaniste de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la proposition de loi de Serge Letchimy revêt un intérêt difficilement contestable. Elle rappelle opportunément qu'existent toujours des zones d'habitat en état d'insalubrité chronique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, sans oublier Mayotte.
Pour illustrer mes propos, je citerai l'exemple de Trénelle-Citron, à Fort-De-France. En ce lieu vivent au moins 8 000 habitants, dans des maisons, pour la plupart sans espace vital environnant, accrochées au flanc d'un morne où le risque sismique est des plus élevés. Le hic supplémentaire, c'est que de très nombreuses familles ne possèdent aucun titre de propriété, leur demeure ayant été construite sur terrain d'autrui. Comment alors sortir de cette impasse, une de plus, de ce casse-tête, un de plus, si l'on n'a pas tous la volonté de rénover enfin en profondeur les quartiers concernés, ici et ailleurs ?
« Nécessité fait loi », dit un proverbe approprié. C'est ainsi que la proposition de loi suggère, pour l'instant – je prends cette précaution oratoire, pensant que les choses évolueront –, qu'en cas de démolition obligatoire, une indemnisation soit prévue pour perte de jouissance au profit des habitants sans droit ni titre au regard de la loi. Toutefois, il faut bien reconnaître que pour surmonter les difficultés dans lesquelles elles se trouvaient plongées, ces populations se sont débrouillées pour construire tant bien que mal un toit, besoin vital à satisfaire. Une telle indemnisation, ou toute autre aide, peut paraître surprenante car elle vise en fait à légaliser l'illicite et, par là même, les multiples accords tacites consentis à l'époque.
Mais devant un tel dilemme, peut-on faire autrement ? Va-t-on encore tergiverser en renvoyant aux Calendes grecques la recherche d'une solution à la fois juste et équitable, et surtout humaine ? Non, cette attitude n'est plus concevable ; elle serait plutôt coupable, au regard de la gravité de telles situations. Et, puisque cette proposition de loi a vocation à devenir loi opérationnelle, mieux vaut s'accorder un temps précieux s'il le faut – comme vous l'avez fait, madame la ministre –, pour parfaire les conditions de son approbation.
Tout travail bâclé irait à l'encontre du but recherché, à savoir soustraire des personnes à leur inhumaine condition de vie et d'hébergement. En ce sens, la proposition de loi s'impose à nous, quand bien même ses attendus sont parfois inattendus.
D'ailleurs, cette question cruciale n'intéresse pas seulement les quatre ou cinq territoires précités. La France est elle-même concernée. N'a-t-elle pas été récemment épinglée, dans ses rapports tumultueux avec l'Union européenne, sur des sujets plus ou moins apparentés ?
Cela dit, il convient de ne pas jouer à l'ingénu, au naïf. Les opérations envisagées vont s'étaler sur plusieurs années et devront mobiliser des fonds relativement importants, car la finalité est de mener à terme les rénovations promises de longue date, depuis un demi-siècle dans certains cas.
Tout plaide donc en faveur d'une régularisation intelligente et opportune, débarrassée de toute considération électoraliste.
Certains décasements prévus inquiètent les impécunieux. Insolvables aujourd'hui, ils le resteront après leur relogement dans le cas précis où ils auront à honorer un loyer qui dépasserait leurs moyens de subsistance.
Une telle question n'est pas marginale, d'où l'idée d'un recensement préalable des desiderata en vue d'étayer les solutions à retenir. Il faut trouver un accord par syllepse où le sens et le bon sens prédominent.
Cette procédure n'a rien d'original, me direz-vous. Encore faudrait-il se décider à la mettre en oeuvre de façon non parcimonieuse.
En outre, j'entends trop souvent dire et répéter que rien d'essentiel n'a été fait en cette matière. Si des opérations exemplaires ont été menées avec succès ailleurs qu'en Martinique, sans plus de précisions, on ne saurait nier qu'il y a eu des réalisations non moins exemplaires en Martinique aussi.
Face à la lenteur constatée de certains travaux qu'il faut amèrement regretter, il est écrit : « La deuxième problématique est, en dehors de l'habitat informel, celle de l'habitat indigne imposé dans les pays d'outre-mer. » Imposé par qui, alors que dans certaines contrées des parcelles vulnérables sont encore données en fermant l'oeil ?
S'il est vrai que nous ne sommes pas tous des bâtisseurs de paradis, nous ne sommes pas pour autant des lucifers constructeurs d'enfers.
En conclusion, au-delà de l'imbroglio juridique, de la profusion des textes, des procédures absconses, de l'inextricable complexité des dossiers, de l'inconstitutionnalité soulevée, il faut se rendre à l'évidence qu'en ce domaine si préoccupant, intention pertinente n'a pas toujours rimé avec action déterminante.
Pour bien mesurer l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir, retenons que, pour la seule Martinique, la demande de logements sociaux en instance se situe actuellement à 12 000, alors que le niveau de production atteint seulement 200 à 300 par an. Ajoutez-y le fait que le foncier est devenu une denrée rare.
Tenant compte de tous ces paramètres, quelques principes élémentaires doivent guider nos démarches : il faut innover pour rénover ; il faut habiliter pour réhabiliter ; il faut différencier pour adapter.
Je voterai donc pour la proposition de loi du collègue Serge Letchimy dans l'espoir d'un engagement ferme à tenir, pour la résorption des zones d'habitat humainement insoutenables. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi portant dispositions particulières relatives à l'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer que nous examinons cet après-midi à l'initiative de nos collègues est tout à fait pertinente.
Ce texte de bon sens fait suite aux conclusions du rapport de notre collègue Serge Letchimy, président du conseil régional de la Martinique et urbaniste de profession – n'a-t-il pas dessiné le nouveau Fort-de-France lui-même ? Ce rapport, il l'a remis en septembre 2009 au Gouvernement, afin d'accélérer le processus de résorption des formes d'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
Selon ce rapport, environ 150 000 personnes habiteraient 50 000 logements indignes en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion, auxquels s'ajoutent 23 000 logements précaires ou insalubres à Mayotte.
La notion d'habitat indigne est définie par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009 : « Constituent un habitat indigne les locaux ou installations utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. »
Cet habitat est, en outre-mer, principalement composé de constructions et d'installations à usage d'habitation, construites par ou pour des personnes sans droit ni titre sur les terrains, sans permis de construire et souvent en autoconstruction. Ont ainsi été créées, au fil du temps, des aires sans desserte, assainissement, eau potable ou autres équipements publics propres à assurer leur salubrité et la sécurité des résidents.
Malgré les opérations publiques de résorption de l'habitat indigne mises en oeuvre depuis plus de vingt-cinq ans et l'importance des crédits consacrés à cette politique, le phénomène d'habitat informel et indigne persiste dans les départements et régions d'outre-mer, avec le développement de la « bidonvillisation » notamment à Mayotte.
Pour répondre à ces difficultés, la commission des affaires économiques a adopté le 12 janvier dernier la présente proposition de loi qui prévoit notamment la possibilité, sous certaines conditions, d'indemniser la perte de jouissance de ces habitants sans droit ni titre, « lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipements publics rend nécessaire la démolition des locaux à usage d'habitation des occupants à l'origine de leur édification sur la propriété d'une personne publique, ou de son concessionnaire ». Pour bénéficier de cette indemnisation, ces personnes doivent justifier « d'une occupation paisible et continue » depuis au moins dix ans et n'avoir pas fait l'objet d'une procédure d'expulsion à l'initiative de la personne publique ou de son concessionnaire.
Pour des raisons de constitutionnalité, les dispositions de cette première section s'appliquent à l'ensemble du territoire français, même si elles ne concerneront dans les faits que les départements d'outre-mer.
La proposition de loi tend également à donner aux autorités publiques les moyens d'une intervention efficace contre l'habitat informel. Pour cela, le texte introduit la notion d'habitat informel dans la définition de l'habitat indigne donnée par l'article 4 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, dite loi Besson.
Ceci doit permettre de passer d'une approche individuelle – l'habitat indigne – à une approche collective – le quartier d'habitat informel – et d'utiliser pour ce dernier les outils prévus par la loi, comme le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.
La proposition de loi opère de même avec les dispositions du code de la santé publique relatives à l'habitat insalubre. Elle prévoit aussi la possibilité, pour le préfet, d'instaurer par arrêté un « périmètre insalubre à contenu adapté aux diverses constructions dans les secteurs d'habitat informel », moins rigide dans son contenu et dans ses effets que le périmètre insalubre prévu par l'article L.1331-25 du code de la santé publique.
En pratique, cela permettra notamment d'éviter d'avoir à prononcer une interdiction définitive d'habiter portant sur toutes les constructions incluses dans ces périmètres, alors que certaines d'entre elles pourraient, au vu de leur état technique, être conservées et améliorées. C'est donc bien un texte de bon sens qui nous est soumis.
Au cours de l'examen du texte par la commission, le risque d'inconstitutionnalité – en particulier de l'article 1er – a été évoqué. Les amendements rédactionnels et de coordination adoptés ont permis de lever les inquiétudes, et comme Alfred Almont l'a dit, je soutiendrai ce texte et je voterai bien sûr en sa faveur. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, voyant que chacun fait un effort pour être gentil et consensuel, je m'en voudrais de gâter la sauce ; je vais donc éviter de le faire.
Permettez-moi cependant de dire, en essayant d'y mettre une certaine élégance, que votre discours d'autosatisfaction était assez déplacé. Point n'est besoin d'en rajouter car l'existence même du texte et son contenu apportent un démenti cinglant à vos propos préliminaires.
Je vais donc me contenter d'éclairer l'assemblée sur la situation très particulière de la Guyane, marquée par quelques paramètres. D'abord, l'État est propriétaire privé de 90 % du territoire et le parc national amazonien occupe 40 % de cette surface.
Le deuxième paramètre est lié à « l'entropisation » de ce territoire : nous occupons un peu plus de 10 % de sa superficie en présence et en activité, et pourtant nous sommes confrontés à une rareté foncière qui a un caractère inflationniste important. Le foncier aménagé est encore plus rare pour ce qui concerne les zones recherchées ou convoitées.
Les opérateurs, qu'il s'agisse des administrations, des aménageurs ou des bailleurs sociaux, conviennent qu'il faudrait livrer chaque année 300 hectares de foncier aménagé, alors que le rythme annuel est actuellement de 100 hectares, et ceci malgré la fongibilité de la ligne budgétaire unique et du fonds régional d'aménagement foncier urbain. Monsieur le rapporteur a d'ailleurs proposé, par l'intermédiaire d'un GIP, d'élargir le principe de fongibilité des fonds qui contribuent au financement des logements.
Le troisième élément particulier en Guyane est la disparité de la densité démographique. Les statistiques affichent un taux de deux habitants au kilomètre carré. C'est totalement absurde car nous avons une très grande disparité : une surdensité urbaine et des communes rurales qui sont frappées de désertification, en raison de l'exode dû au manque d'activités sur place mais surtout à un fort enclavement.
Le quatrième paramètre est pratiquement aussi important que le premier auquel il donne justement de la nervosité : le taux de croissance démographique atteint 3,8 %. L'INED vient de publier toute une série de statistiques démontrant des choses qui nous sont devenues familières, à savoir que le taux de croissance démographique le plus soutenu est en Guyane, où la pression sur la demande de logement va donc s'accroître.
Quel est l'état des lieux ? Nous avons actuellement un parc locatif social de 11 000 logements, avec un stock de demandes en souffrance de plus de 13 000 dossiers. Il faut y ajouter les besoins en logements intermédiaires parce que la classe moyenne a le droit de souhaiter une accession à la propriété. Elle paie des impôts et elle est en droit de considérer que ses besoins doivent aussi être satisfaits, évidemment à chacun selon sa capacité contributive.
Les conséquences de cette pression sont considérables et nous les connaissons. Elle a d'abord un effet inflationniste sur le parc locatif privé. Elle entraîne aussi le développement d'un commerce interlope, avec des sous-locations illégales, abusives, pour ne pas dire plus – je pense notamment aux marchands de sommeil. Elle provoque aussi une extension estimée à 10 % des zones d'habitat insalubre et indigne.
Au passage, je vous informe qu'hier le conseil régional de Guyane a fait procéder à l'expulsion de plusieurs familles brésiliennes qui occupaient des logements sur un terrain lui appartenant. Il l'a fait sans offrir de solution de relogement. Certes la loi ne l'y oblige pas, mais de simples considérations humaines auraient dû le contraindre à étudier et accompagner des solutions de relogement avant de procéder aux démolitions.
Ces démolitions sont possibles parce qu'on s'attend à l'impunité et, si on s'y attend, c'est parce que les tensions sont telles sur le marché que les uns et les autres deviennent inhumains, indifférents et, parfois, égoïstes.
Nos besoins sont considérables. Ils sont liés à la fois au taux de croissance démographique très élevé, à la part de la population en âge de demander un logement – plus de 54 % de la population en Guyane a moins de vingt-cinq ans et les jeunes adultes souhaitent quitter le domicile familial –, à la nécessaire résorption de l'habitat insalubre, indigne, informel et à la réhabilitation du parc vieillissant, aux besoins de la classe moyenne que j'ai évoqués tout à l'heure et aux flux migratoires qui viennent accroître la demande de logements.
En Guyane, 11 % des logements n'ont pas l'électricité, 14 % n'ont pas l'eau courante et 40 % seulement sont reliés au tout-à-l'égout.
Je dois également vous rappeler, madame la ministre, qu'en 2008, les aides d'État ont baissé de 10 % et que le rattrapage n'a jamais été effectué depuis.
Comme l'a souligné Louis-Joseph Manscour, il ne s'agit pas seulement des logements mais également de l'habitat. Alors qu'en Guyane, nous avons de l'espace et un mode d'habiter et une architecture qui ont fait leur preuve, il est inconcevable d'imposer des normes aussi exiguës en hauteur, alors que nous pourrions avoir un habitat en extension.
La question du financement se pose, bien évidemment, à la fois pour les bailleurs sociaux eux-mêmes – notamment la caution de leurs emprunts – et pour les particuliers, qu'il s'agisse de l'accession à la propriété pour le logement social et très social, du prêt à taux zéro ou de l'accession à la propriété pour les logements intermédiaires.
Je vais conclure en rappelant qu'il y a quand même quelques programmes en cours : des opérations de résorption de l'habitat insalubre concernent 5 800 logements, un programme d'intérêt général s'applique aux centres anciens des villes. Quant au programme de développement et de rénovation urbaine – PDRU – on ne comprend pas encore très bien s'il est maintenu et sera enfin réalisé.
J'espère, madame la ministre, que, pour rattraper vos propos liminaires, vous montrerez de la bonne volonté pour faire aboutir les dispositions contenues dans cet excellent texte et que, après avoir pris en considération les besoins des départements d'outre-mer en matière de logement et d'habitat, vous ne manquerez pas, à l'avenir, de prendre ceux-ci en considération pour répondre aux besoins en éducation et en santé.
Nous reviendrons sur la circulaire de juillet 2004 dans la discussion des articles. La question du guichet unique se posera également. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens, avant toute chose, à remercier et féliciter notre collègue Serge Letchimy pour l'excellent travail qu'il a réalisé. Le sujet qui nous occupe aujourd'hui concerne l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer et marque les limites du principe d'égalité dans notre République. La proposition de loi soumise à notre examen, qui s'appuie sur les constats et les recommandations du rapport sur la résorption de l'habitat insalubre et indigne, constitue un enjeu majeur pour nos territoires puisque, en 2011, dans un pays industrialisé comme la France, cinquième puissance mondiale, des citoyens français vivent encore dans des bidonvilles et payent même parfois – ce qui est un comble ! – des impôts pour ces constructions indécentes.
En dépit des moyens financiers mis en oeuvre depuis plus de trente ans et des dispositifs juridiques en vigueur, force est de constater que, loin de régresser, l'habitat indigne dans les départements d'outre-mer a, au mieux, stagné et, au pire, progressé.
Cette réalité est révélatrice de la détresse sociale que connaissent bon nombre de nos concitoyens. Je ne suis guère confiant dans l'avenir au vu de la situation de décrochage économique et social que vivent nos départements.
En Réunion, par exemple, le chômage a connu, en vingt et un mois, une augmentation de près de 35 % et le niveau de vie médian représente, selon l'INSEE, seulement 62 % de celui des Français – et ce pourcentage tombe à 44 % quand on prend pour assiette de la comparaison la moitié la plus modeste de la population !
Par ailleurs, on ne peut guère compter sur les effets de la LODEOM ou sur une éventuelle application des mesures annoncées par le Comité interministériel de l'outre-mer pour espérer réduire ces scandaleuses inégalités.
Dans un tel contexte, on comprend mieux l'émotion suscitée par les propos du Président de la République dans ses voeux à l'outre-mer lorsqu'il nous a exhortés à sortir de l'assistance. Pour ma part – je le dis fermement –, là où le Président de la République voit de l'assistance, je vois une nécessaire remise à niveau pour combler les retards accumulés. Sans ce rattrapage, en effet, comment pourrions-nous surmonter la crise structurelle du logement dans nos territoires ?
Cette remise à niveau exige des moyens nouveaux, exceptionnels et originaux. Si la situation a pu perdurer, c'est par manque non seulement de moyens financiers, mais aussi d'outils juridiques aptes à permettre le traitement de ce problème : ceux qui existent actuellement ne sont pas suffisants ou ne sont pas adaptés à la situation de nos régions. Dans la configuration juridique actuelle, le droit à un logement décent devient un objectif quasi inaccessible et le droit au logement opposable, voté par la majorité sous la précédente législature, déjà très complexe à appliquer en France hexagonale, n'est plus qu'un droit virtuel dans nos territoires.
La proposition de loi soumise aujourd'hui à notre assemblée est cruciale. Elle propose une multitude de moyens à mettre en oeuvre, dans des conditions bien déterminées, qui ont été évoqués par les orateurs qui se sont exprimés avant moi à cette tribune.
Il me paraît essentiel de pouvoir trouver une solution, sous une forme ou sous une autre, pour l'indemnisation des propriétaires des constructions que l'on désigne à La Réunion par les termes de « bois sous tôles » suite à une opération publique ou privée réalisée sur le terrain occupé. En effet, les personnes qui vivent dans ces habitations n'ont qu'un patrimoine très modeste et même, dans de nombreux cas, n'ont aucun patrimoine. Dès lors, cette construction de bric et de broc constitue l'unique bien matériel qu'ils possèdent et représente toujours l'effort de toute une vie.
Cette proposition de loi nous donne les moyens de commencer à changer les choses. Il nous appartient, à nous parlementaires, de prendre nos responsabilités face aux défis majeurs que nous avons à relever. Les mêmes constats sont faits sur tous les bancs de notre assemblée, sans considération partisane.
Il reste à espérer que le sentiment unanime qui nous anime se traduira dans les votes et que les propositions contenues dans ce texte, qui semblent recueillir l'assentiment du Gouvernement, feront rapidement l'objet de textes d'application.
En visite en Guyane en juillet dernier, madame la ministre, votre collègue Benoist Apparu s'est déclaré scandalisé par les conditions de vie des personnes vivant dans des poches d'habitats insalubres à Cayenne. Selon ses propres termes, « ces gens vivent dans des conditions indécentes dans une République comme la nôtre ».
Je forme le voeu que la représentation nationale et le Gouvernement ne laissent pas passer l'occasion qui nous est offerte de contribuer à mettre fin à ce scandale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens, avant toute chose, à remercier le député Serge Letchimy pour la proposition de loi qu'il nous propose, à la suite de l'excellent rapport qu'il a produit l'an dernier sur la situation du logement insalubre et indigne en outre-mer dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par le Gouvernement.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui témoigne un peu plus de la volonté collective des institutions de la République française d'assurer aux familles et à l'individu les conditions nécessaires à leur développement.
Si le droit au logement est désormais reconnu comme un droit fondamental dans la Constitution française, tant que la puissance législative ne garantira pas l'exercice plein et entier de celui-ci, notre nation manquera à son devoir de solidarité envers ceux qui désirent disposer d'un logement pour vivre dans des conditions dignes.
Les dispositions contenues dans cette proposition de loi témoignent d'une volonté de résoudre enfin les problèmes liés à l'habitat indigne et insalubre dans les outre-mer, en proposant d'adapter aux spécificités des départements d'outre-mer certains outils des polices administratives.
Elle permettra également d'engager des opérations de résorption de l'habitat insalubre – RHI – groupées ou multisites dans les zones des cinquante pas géométriques et favorisera la création de fonds locaux pour régler les problématiques de ce secteur.
Les outre-mers vivent aujourd'hui un tournant décisif en ce qu'ils s'acheminent vers une prise de responsabilité. Que celle-ci soit imposée ou consentie, ils sont prêts à faire face à un changement de posture.
Depuis la loi Vivien du 10 juillet 1970, les cadres juridiques et réglementaires permettant de relever le défi de l'insalubrité ont beaucoup évolué. La lutte contre l'habitat indigne s'est enrichie d'une multitude de textes qui permettent de conduire, dans l'hexagone comme en outre-mer, de nombreuses opérations publiques de résorption de l'habitat insalubre – à ceci près que des études récentes ont démontré que, dans les outre-mer, les inadaptations de certaines dispositions prévues par la loi et les règlements aux contextes historique, social et économique de ces territoires ont favorisé la persistance de l'habitat indigne et informel.
Je rappellerai, pour étayer mon propos, que le rapport entre droit de propriété – en particulier du foncier – et développement économique a pris naissance dans les sociétés post-esclavagistes de la fin du XIXe siècle. Cette construction s'est poursuivie après la réforme foncière au milieu des années 1950 et à la fin des années 1960 qui ont sonné le glas des usines à sucre. Cette dernière période importante de l'histoire de l'Outre-mer, et notamment de la Guadeloupe, a occasionné d'importants flux migratoires de la campagne vers la ville ou vers des terrains libres des cinquante pas géométriques.
Mes chers collègues, en adoptant ce texte, nous aurons l'assurance d'offrir un cadre juridique permettant d'appréhender les problématiques responsables de la persistance de l'habitat informel et indigne, source de conflits de toutes sortes.
Je suis fermement convaincue que nous saurons dépasser nos clivages habituels – je l'ai d'ailleurs déjà constaté – pour faire du vote de cette loi un symbole fort de l'attachement de notre honorable institution à ses outre-mers.
La proposition de loi de Serge Letchimy propose des dispositions législatives spécifiques à l'outre-mer pour améliorer en profondeur et dans le temps les conditions d'habitat dans les secteurs d'urbanisation informelle et les faire sortir des zones actuelles de non-droit.
Il est important que les décrets d'application soient publiés dans les meilleurs délais et que, malgré les difficultés budgétaires, cette initiative législative trouve rapidement son aboutissement.
En d'autres termes, ce texte de loi doit donner aux opérateurs et autorités publiques la possibilité juridique, technique et financière de croire en l'outre-mer, en leur donnant les moyens de terminer ou d'initier les opérations de résorption de l'habitat insalubre et de réaliser des projets urbains qui contribuent non seulement à la construction d'habitats décents et d'équipements publics, mais aussi à la réinsertion de ces quartiers populaires dans la cité, dans un cadre législatif suffisant pour réparer la diminution de la LBU. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
En 2010, la France compte 3,5 millions de personnes mal logées, auxquelles s'ajoutent plus de 6,6 millions de personnes en situation de réelle fragilité de logement à court ou moyen terme. Le logement constitue un problème social incontournable, un problème de société face auquel la mobilisation de tous les acteurs est indispensable.
En métropole, alors qu'il y a une cinquantaine d'années, il n'était pas illégitime de penser que « la guerre contre les taudis » serait bientôt gagnée, aujourd'hui, les situations d'habitat indigne redeviennent nombreuses.
On assiste ainsi au développement d'un marché du logement de la misère dont on aurait pu croire qu'il était une réalité dépassée. C'est un marché qui s'insinue dans les failles du marché ordinaire et investit souvent des locaux non prévus pour être habités – caves, garages, remises ou anciens bâtiments d'activité –, des immeubles d'habitation devenus dangereux et insalubres, à moins qu'il ne s'agisse de logements précaires, tels des caravanes, des baraquements de chantier, des cabanes…
L'habitat indigne se niche aussi bien dans les villes que dans les villages ou à la campagne dès lors que l'offre en logements ne peut satisfaire toutes les demandes et surtout pas celles des ménages les plus modestes et les plus précarisés.
La lutte contre l'habitat indigne en France, en métropole et en outre-mer doit être érigée en priorité nationale, en enjeu majeur de la politique du logement ; elle répond non seulement à un devoir humanitaire de premier ordre, mais aussi à un devoir de solidarité envers nos concitoyens les plus défavorisés,
C'est pourquoi, aujourd'hui, on ne peut que se réjouir de l'examen et de l'adoption probable de cette proposition. Étant la dernière intervenante dans la discussion générale, il me semble avoir remarqué que ce texte faisait l'unanimité. À mon tour, je remercie Serge Letchimy pour cette proposition de loi qui vise à lutter contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
On ne peut que le regretter, jusqu'à présent, les politiques publiques menées outre-mer en faveur du logement ont été conduites de manière « hasardeuse » et assez timide. Pourtant ce n'est pas faute d'avoir répété qu'on ne pouvait légiférer sur les mêmes bases en métropole et en outre-mer.
Nombreuses ont été nos interventions et nos amendements pour faire prendre en compte ces spécificités, notamment dans la dernière loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, cela sans succès. Tous nos amendements ont été refusés, de même que nos nombreuses propositions dans les lois Grenelle concernant l'exposition aux risques naturels de ces territoires et de leur habitat.
Aujourd'hui, on ne peut qu'être satisfait de l'écoute attentive du Gouvernement pour révolutionner fondamentalement les outils nécessaires à ces territoires afin de rendre possible la lutte contre l'habitat indigne.
Il y a urgence. « Une proportion significative d'habitants des DOM est en dehors de la loi républicaine… Le droit constitutionnel à un logement décent n'existe pas dans les DOM ; comment le droit au logement opposable peut-il n'être pas considéré comme virtuel ou fictif ? ». Tels sont les propos du rapporteur dans son rapport de septembre 2009, intitulé : « L'habitat insalubre et indigne dans les départements et régions d'outre-mer : un défi à relever ». Cette simple phrase nous laisse entrevoir l'ampleur de la tâche.
L'adaptation des outils législatifs aux réalités locales va permettre aux acteurs publics et privés de s'attaquer au chantier d'éradication de l'habitat indigne en débloquant des situations inextricables dans les conditions actuelles du droit.
L'accès à la maîtrise foncière, l'ouverture de nouveaux droits à indemnisation pour les occupants, la prévention en cas de risque naturel avéré visant à reloger les populations situées sur des zones répertoriées à risque, seront à même de transformer l'habitat dans les outre-mer, de sécuriser des populations dans des logements répondant aux conditions de respect de la dignité humaine. Nous sommes loin de l'article 32 ter de la loi LOPPSI qui organise l'expulsion des populations des habitats informels…
Plus de 200 000 personnes sont actuellement en situation de non-droit sur ces territoires. Ce texte, fortement attendu, sans pour autant être la baguette magique – car il faudra beaucoup de moyens –, va ouvrir de nouvelles perspectives et des espérances nouvelles pour vivre dans un logement décent.
Ce 26 janvier 2011 marquera un tournant historique dans l'histoire des outre-mer, grâce à l'adoption de cette proposition de loi de Serge Letchimy, qui va doter ces territoires d'un cadre législatif adapté pour développer des logements décents.
Merci, monsieur Letchimy, de nous avoir associés à ce travail audacieux et d'avoir permis qu'aujourd'hui, ce 26 janvier, une proposition de loi socialiste, examinée dans le cadre d'une niche parlementaire socialiste, puisse faire l'unanimité sur tous les bancs, parlementaires comme ministériels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que président de la commission des affaires économiques, je tiens à saluer l'excellent travail de notre rapporteur Serge Letchimy et de ses collaborateurs qu'il a fort judicieusement cités.
Cette PPL fait suite à un rapport commandé par le ministère en avril 2009 et présenté par notre collègue Letchimy en septembre devant la commission des affaires économiques, alors présidée par mon prédécesseur Patrick Ollier. Au-delà d'un constat partagé sur tous les bancs et par le Gouvernement, madame la ministre, ladite proposition de loi portant sur un sujet d'importance cruciale pour l'outre-mer et tous les domiens, celui de la lutte contre l'habitat indigne, méritait un vote unanime. Je me réjouis donc du soutien réaffirmé des différents groupes de notre assemblée.
Lors du passage en commission à la mi-janvier, alors que nous nous interrogions sur la constitutionnalité des articles de la section 1 du texte, j'avais proposé que nous y travaillions ensemble avec vos services, madame la ministre, ce que nous avons fait et, je le crois, bien fait.
Mes chers collègues, le travail réalisé en commission fait honneur au Parlement. Nous étions en étroite liaison avec vous-même, madame la ministre, et votre cabinet, et je tiens à souligner notre parfaite interaction visant un même objectif. Je veux aussi remercier Serge Letchimy, François Brottes, Jean-Yves Le Bouillonnec, Alfred Almont et tous les intervenants de cette discussion générale. Je n'oublie pas non plus tous ceux qui n'ont pu être présents ce soir. Nous avons tous ensemble fait oeuvre utile et je vous remercie à mon tour pour l'issue – dont je ne doute pas qu'elle soit positive – que vous donnerez à ce texte après la discussion des articles et des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je ne peux que me réjouir du ton de nos débats, car cela a permis d'ouvrir des perspectives nouvelles. Le sujet est fondamental pour nous, mais ce n'est pas parce que nous traitons de l'outre-mer que nous oublions les millions de personnes qui vivent dans des conditions difficiles dans l'Hexagone. Ce texte ne concerne pas que l'outre-mer ; la première et la dernière section peuvent s'appliquer à l'ensemble du territoire national.
Par ailleurs, monsieur le président Poignant, l'initiative que nous avons prise, avec François Brottes et Jean-Yves Le Bouillonnec, de travailler ensemble pour bien fixer le curseur a permis d'aboutir à un texte essentiel, grâce à la majorité et à l'opposition.
Je souhaite maintenant apporter quelques réponses aux différents intervenants.
Huguette Bello a indiqué à juste titre que la Réunion pratique depuis de nombreuses années ce que l'on appelle le « marronage » sur le plan de l'application des règlements à la marge et a inventé la question du périmètre d'intervention, ce qui a permis d'aller très loin – avec sans doute l'assentiment de l'État, mais c'est cet exemple qui a bien marché.
À la Réunion, l'AGORAH – l'agence pour l'observation de la Réunion, l'aménagement et l'habitat – a déjà lancé l'identification de l'ensemble des maisons dites « informelles » ou « insalubres » inscrites dans l'observatoire, mais aussi dans le PDLPD – le programme départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.
Je veux dire à Mme Bello que le texte ne concerne pas seulement les terrains publics occupés, mais aussi les terrains privés occupés. Aux Antilles, beaucoup de quartiers comptent des terrains privés sur lesquels s'élèvent des maisons en béton de deux ou trois niveaux dont les propriétaires ne sont pas propriétaires du terrain. Je pourrais citer au moins cinquante exemples du côté de Fort-de-France.
D'autre part, contrairement à ce que pense peut-être Mme Bello, le texte s'intéresse très fortement à l'insalubrité diffuse. Il ne s'agit pas seulement de traiter la question des quartiers périphériques en bloc, mais de lutter contre les marchands de sommeil, l'insalubrité et les périls qui y sont attachés.
Nous devrons assurément aborder la question de l'indivision qui pose problème. Mais il est vrai aussi que la maîtrise foncière est essentielle, notamment pour construire des logements nouveaux, ainsi que pour régler les problèmes des terrains. Si, avec ce texte, nous créons un droit, il ne s'agit pas d'un droit à indemnisation comme pour un propriétaire, mais – c'est historique – d'un droit nouveau et reconnu en cas de perte de domicile. Ce n'est pas pour autant que nous réglerons le problème de la propriété foncière…
…autrement dit, le problème du propriétaire de la maison qui devrait un jour devenir propriétaire du terrain. S'agissant de maîtrise du foncier, nous devrons recourir à une procédure encore plus complexe pour rétrocéder aux propriétaires soit des terrains publics, soit des terrains privés, soit des terrains parapublics.
Monsieur Marie-Jeanne, l'enjeu fondamental est le caractère opérationnel qui devra s'ajouter au caractère législatif. Pour l'instant, nous réglons la question législative. Mais si, tant sur le plan foncier que sur le plan opérationnel, on ne met pas les moyens, si, pis encore, les collectivités ou les gouvernances locales ne lancent pas une dynamique pour résorber l'habitat insalubre, le dispositif ne pourra pas fonctionner. Les moyens financiers exceptionnels consacrés, notamment au titre du FRAFU – le fonds régional d'aménagement foncier urbain – permettront d'accompagner le dispositif législatif.
Je souhaiterais également – peut-être l'obtiendrons-nous dans un autre texte –qu'il y ait une incitation financière en faveur des maires qui font preuve d'audace. Nous ne devons pas oublier non plus les maires qui subissent, c'est-à-dire ceux qui accueillent toutes les misères liées à l'exode. Je suis moi-même un enfant de l'exode, sortant de Gros-Morne pour arriver au quartier de Trénelle – où ma mère vit toujours. C'est grâce à cette localisation que l'on a pu assurer la survie de très nombreuses familles dans ce quartier.
Par ailleurs, monsieur Marie-Jeanne, la réponse au problème du relogement n'est pas nécessairement dans le locatif. Il est peu satisfaisant de reloger dans du locatif un propriétaire établi sur le terrain d'autrui. Il vaut mieux le reloger en accession. C'est ce que je fais en Martinique depuis au moins trente ans : j'essaie de reloger ces familles en accession à la propriété.
Enfin, la section 1 du texte comportait un risque d'inconstitutionnalité si nous l'avions limitée aux départements d'outre-mer. C'est pourquoi nous avons appliqué toutes ces dispositions à l'ensemble du territoire national.
Le deuxième risque d'inconstitutionnalité portait sur le maintien de la notion d'indemnité pour perte de jouissance. Nous avions des arguments pour démontrer que ce risque pouvait être évité ; mais nous avons préféré que cette question fasse l'objet d'un consensus. Nous avons accepté, avec les élus, le principe d'une aide financière assise sur la valeur du bâtiment, non sur la situation sociale de l'occupant – ce qui aurait été injuste et aurait détourné la notion de « propriété du dessus ». Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir également accepté que l'estimation du bâtiment ne dépende pas du bon vouloir d'un opérateur quelconque, mais relève des services des domaines.
Ce soir, nous ne créons pas seulement un droit. Derrière ce droit, il y a une valeur et, derrière cette valeur, il y a une reconnaissance de l'histoire du peuplement des périphéries de ces villes.
Pour conclure, je veux dire à Frédérique Massat et à Louis-Joseph Manscour que c'est effectivement d'habitat que nous avons choisi de parler. L'erreur, ce serait d'ignorer qu'il y a, derrière la question technique, étroite, de l'insalubrité, des histoires de vie ; on peut aussi être confronté à l'insalubrité d'un environnement – on peut avoir une bonne maison, mais desservie par des réseaux défaillants. C'est pourquoi nous avons redéfini l'habitat informel et insalubre selon des critères bien précis.
Au-delà, je l'ai dit tout à l'heure, nous voulons dessiner une nouvelle forme de politique urbaine, qui pourrait concerner l'ensemble de l'hémisphère sud – l'Amérique du sud, l'Afrique, la Caraïbe, d'autres encore. Un simple quartier dit « populaire » au Brésil, une favela, c'est 200 000 habitants !
Cette législation que nous mettons sur pied peut être un exemple à l'échelle internationale. Si nous avons le courage de réinventer l'urbain dans le cadre d'un projet global qui ne laisse de côté ni la culture, ni la personne, ni son identité, ces quartiers populaires seront, je le pense vraiment, regardés comme des quartiers dignes, et non comme des lieux marginaux. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le rapporteur ayant longuement expliqué la philosophie de ce texte, je me contenterai d'indiquer que cette proposition de loi s'inscrit bien dans la logique ce que le Gouvernement veut faire en matière de logement social pour prendre en compte la situation des habitants de nos régions d'outre-mer.
J'ai entendu un certain nombre de critiques ; tout n'est pas parfait, et je ne viens pas chercher un satisfecit. Mais dans le domaine du logement social, je veux le dire, nous avons depuis un certain nombre d'années mis en place un dispositif qui va dans le bon sens ; et si nous avons soutenu cette proposition, c'est parce que nous avons conscience qu'il faut régler cette question de l'habitat indigne.
Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à tous les parlementaires, y compris ceux de la majorité, qui ont travaillé depuis longtemps avec le rapporteur.
Ce soir, peut-être pourrions-nous adopter un discours un peu plus consensuel et reconnaître l'engagement des uns et des autres, afin de faire avancer cette question, au bénéfice de l'outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi portant dispositions particulières relatives à l'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer ;
Discussion de la proposition de loi visant à concilier la préservation de l'intégrité des oeuvres culturelles et artistiques avec les objectifs de la lutte contre le tabagisme.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma