Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi portant dispositions particulières relatives à l'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer que nous examinons cet après-midi à l'initiative de nos collègues est tout à fait pertinente.
Ce texte de bon sens fait suite aux conclusions du rapport de notre collègue Serge Letchimy, président du conseil régional de la Martinique et urbaniste de profession – n'a-t-il pas dessiné le nouveau Fort-de-France lui-même ? Ce rapport, il l'a remis en septembre 2009 au Gouvernement, afin d'accélérer le processus de résorption des formes d'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer.
Selon ce rapport, environ 150 000 personnes habiteraient 50 000 logements indignes en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion, auxquels s'ajoutent 23 000 logements précaires ou insalubres à Mayotte.
La notion d'habitat indigne est définie par la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion du 25 mars 2009 : « Constituent un habitat indigne les locaux ou installations utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. »
Cet habitat est, en outre-mer, principalement composé de constructions et d'installations à usage d'habitation, construites par ou pour des personnes sans droit ni titre sur les terrains, sans permis de construire et souvent en autoconstruction. Ont ainsi été créées, au fil du temps, des aires sans desserte, assainissement, eau potable ou autres équipements publics propres à assurer leur salubrité et la sécurité des résidents.
Malgré les opérations publiques de résorption de l'habitat indigne mises en oeuvre depuis plus de vingt-cinq ans et l'importance des crédits consacrés à cette politique, le phénomène d'habitat informel et indigne persiste dans les départements et régions d'outre-mer, avec le développement de la « bidonvillisation » notamment à Mayotte.
Pour répondre à ces difficultés, la commission des affaires économiques a adopté le 12 janvier dernier la présente proposition de loi qui prévoit notamment la possibilité, sous certaines conditions, d'indemniser la perte de jouissance de ces habitants sans droit ni titre, « lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'équipements publics rend nécessaire la démolition des locaux à usage d'habitation des occupants à l'origine de leur édification sur la propriété d'une personne publique, ou de son concessionnaire ». Pour bénéficier de cette indemnisation, ces personnes doivent justifier « d'une occupation paisible et continue » depuis au moins dix ans et n'avoir pas fait l'objet d'une procédure d'expulsion à l'initiative de la personne publique ou de son concessionnaire.
Pour des raisons de constitutionnalité, les dispositions de cette première section s'appliquent à l'ensemble du territoire français, même si elles ne concerneront dans les faits que les départements d'outre-mer.
La proposition de loi tend également à donner aux autorités publiques les moyens d'une intervention efficace contre l'habitat informel. Pour cela, le texte introduit la notion d'habitat informel dans la définition de l'habitat indigne donnée par l'article 4 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, dite loi Besson.
Ceci doit permettre de passer d'une approche individuelle – l'habitat indigne – à une approche collective – le quartier d'habitat informel – et d'utiliser pour ce dernier les outils prévus par la loi, comme le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.
La proposition de loi opère de même avec les dispositions du code de la santé publique relatives à l'habitat insalubre. Elle prévoit aussi la possibilité, pour le préfet, d'instaurer par arrêté un « périmètre insalubre à contenu adapté aux diverses constructions dans les secteurs d'habitat informel », moins rigide dans son contenu et dans ses effets que le périmètre insalubre prévu par l'article L.1331-25 du code de la santé publique.
En pratique, cela permettra notamment d'éviter d'avoir à prononcer une interdiction définitive d'habiter portant sur toutes les constructions incluses dans ces périmètres, alors que certaines d'entre elles pourraient, au vu de leur état technique, être conservées et améliorées. C'est donc bien un texte de bon sens qui nous est soumis.
Au cours de l'examen du texte par la commission, le risque d'inconstitutionnalité – en particulier de l'article 1er – a été évoqué. Les amendements rédactionnels et de coordination adoptés ont permis de lever les inquiétudes, et comme Alfred Almont l'a dit, je soutiendrai ce texte et je voterai bien sûr en sa faveur. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)