…perçus comme des populations marginales de par leur choix de vie.
Cet été, le Président de la République n'a pas hésité à rapprocher, dans son discours de Grenoble, la délinquance, les étrangers en situation irrégulière, les Roms et les gens du voyage. Faut-il lui rappeler que ces derniers sont Français depuis 400 ans ? Comment une autorité telle que le chef de l'État, censé garantir la cohésion nationale, peut-elle se permettre de formuler des amalgames aussi douteux et dangereux ? N'est-ce pas précisément parce que nous avons maintenu dans notre droit une catégorie administrative de citoyens français de seconde zone, qui sont les seuls à avoir des papiers spécifiques et à être soumis à des contrôles réguliers, comme des présumés délinquants récidivistes ?
Ressortissants français au même titre que n'importe lequel d'entre nous, les gens du voyage doivent avoir accès à des droits civiques aussi fondamentaux que la possession d'une carte nationale d'identité, le choix de leur résidence et l'accès au droit de vote. Or cette loi de 1969 leur impose un statut administratif particulier, nettement plus restrictif que pour les autres citoyens français.
S'il leur est possible d'obtenir une carte d'identité, nombreux sont les témoignages que nous avons reçus qui tendent à prouver le contraire ou, au moins, les difficultés que les personnes concernées rencontrent lorsqu'elles entament cette démarche. Lorsqu'elles y parviennent, il se trouve que l'adresse est mentionnée de telle manière sur le document que, à sa lecture, on identifie immédiatement le titulaire de la carte comme un membre de la communauté des gens du voyage.
Un tel traitement tend à ethniciser une population, ce qui est contraire à tous les principes de notre République. Ainsi, le dispositif des titres de circulation obligatoires s'appliquant aux descendants dès l'âge de seize ans, il se transmet de facto de génération en génération. Posséder un carnet de circulation est, non pas un choix, mais une obligation, une assignation discriminatoire. De la même façon, comment peut-on encore tolérer le maintien de restrictions s'agissant de l'inscription sur les listes électorales ? La HALDE elle-même a prévu un délai de six mois pour l'inscription sur les listes de toute personne sans domicile stable, délai dont ne peuvent bénéficier les gens du voyage, en raison précisément de l'existence d'un régime particulier qui prévoit, dans leur cas, un délai de trois ans.
Outre l'aspect profondément stigmatisant de ces dispositions, cette volonté de maintenir les contrôles – exprimée par certains, notamment par le ministre – évoque des pratiques appartenant aux sombres heures de l'histoire de France. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)