Je constate, d'ailleurs, que cette nouvelle ressource a un véritable effet de levier sur la production neuve, puisque je peux vous annoncer que, grâce à la défiscalisation, ce sont 3 199 logements sociaux qui sont financés fin décembre 2010. Cet engagement a été concrétisé, vous le savez, dans le budget de l'outre-mer pour 2011, la loi de finances ayant sanctuarisé la défiscalisation pour le logement social comme la ligne budgétaire unique dont les crédits sont d'environ 275 millions d'euros.
Mais vous avez également voté une nouvelle disposition pour l'outre-mer qui permet à l'État de céder gratuitement ses terrains dès lors qu'ils sont destinés à accueillir des programmes de logements sociaux ou des équipements publics. Cette mesure également importante et très attendue répond à la pénurie de foncier caractéristique dans les départements d'outre-mer et à la cherté du coût des aménagements puisque la décote totale est de nature à compenser significativement le coût lié à l'aménagement des terrains. Je rappelle, en outre, depuis le décret du 9 novembre 2010, la possibilité pour l'État d'intervenir seul dans la compensation de la surcharge foncière, dès lors que la situation financière des collectivités ne leur permet pas de le faire.
Nous nous trouvons donc aujourd'hui dans une situation inédite où des conditions favorables à l'équilibre financier des opérations de construction et de production de foncier aménagé sont simultanément réunies. Mais la mobilisation sans faille du Gouvernement pour développer l'offre de logements sociaux outre-mer ne doit pas placer au second plan l'enjeu fondamental qu'est l'amélioration de l'habitat privé. Je peux vous confirmer que la résorption de l'habitat insalubre continue, à cet égard, d'être une priorité pour le ministère que j'ai l'honneur de diriger. Cette priorité s'inscrira dans le cadre des interventions qui visent à réparer les tissus urbains dégradés. La ligne budgétaire unique est d'ailleurs pleinement mobilisée en ce sens. J'en veux pour preuve, même si l'on n'en parle pas suffisamment, les actions contractualisées pour la rénovation urbaine au travers de treize conventions pluriannuelles dans les quatre départements d'outre-mer et à Mayotte et du programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés qui concerne la ville de Fort-de-France. Avec ces programmes, ce sont plus de 1,8 milliard d'euros de travaux pour les économies d'outre-mer, ce qui n'est pas négligeable en termes de soutien à l'économie.
Dans le cadre de cette politique globale, le Gouvernement a souhaité donner un nouveau souffle volontariste à la politique de lutte contre l'habitat indigne et informel. La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité de cette orientation voulue par le Gouvernement. En avril 2009, le Gouvernement avait demandé au rapporteur du texte qui vous est soumis aujourd'hui de formuler des propositions pour relancer la politique de lutte contre l'habitat insalubre outre-mer. Le constat était, en effet, largement partagé : les procédures existantes, singulièrement les opérations de RHI, ne démontraient pas leur efficacité. Bien au contraire, elles s'enlisaient, elles s'éternisaient dans des procédures administratives trop lourdes, trop complexes. Au-delà du sentiment partagé, monsieur le rapporteur, vous avez analysé les imperfections de l'action publique sur ces quartiers d'habitat spontané. À la suite des propositions que vous avez formulées et qui ont été inscrites dans les conclusions du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009, le Gouvernement a pris immédiatement des mesures destinées à pallier ces dysfonctionnements. Vous avez, avant tout, relevé certains manques dans la gouvernance de la lutte contre l'habitat indigne et insalubre. Par circulaire interministérielle en date du 17 mai 2010, le Gouvernement a, d'ores et déjà, demandé aux préfets de mettre en place des pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne et l'institution de plans communaux de lutte contre l'habitat indigne. Nous avons organisé, vous le savez, avec le réseau du pôle national de lutte contre l'habitat indigne, des formations sur place à destination des services déconcentrés de l'État et des collectivités territoriales.
Mais ce travail sur la gouvernance, nous le savons tous, ne suffit pas. Le rapport que vous m'avez remis en octobre 2009 montrait que des évolutions législatives étaient nécessaires sur deux aspects principaux : d'une part, il fallait cerner avec une meilleure acuité les quartiers d'habitat spontané, lesquels ne sont pas réductibles aux zones d'habitat insalubre et, d'autre part, il fallait prendre en compte une situation fréquente outre-mer, celle de l'occupation sans droit ni titre. Ce sont les deux aspects de la proposition de loi sur lesquels je veux insister.
Mais, avant d'aborder ces deux aspects, je tiens à saluer le travail réalisé par le rapporteur Serge Letchimy, missionné sur ce sujet par le Gouvernement le 6 avril 2009. Je veux aussi saluer M. le président Serge Poignant, dont je sais combien il est attentif à la situation de nos outre-mer ; sa vigilance sur ce texte en témoigne.
Enfin, je remercie tous ceux qui ont participé à la réalisation de ce texte, en particulier les membres de la commission des affaires économiques.
J'en viens aux deux aspects de la proposition de loi qui apportent des améliorations significatives pour lever les obstacles enlisant les procédures de résorption de l'habitat insalubre et engager sur des bases plus adaptées un traitement des quartiers d'habitat spontané.
Trop souvent, il est vrai, les dispositions du code de la santé publique relatives à l'insalubrité peinent à s'appliquer outre-mer parce que le propriétaire foncier n'est pas à l'origine des constructions édifiées sur son terrain, mais les personnes ayant construit sur ces terrains sans droit ni titre l'ont fait dans des conditions déterminées par l'Histoire. La proposition de loi contient sur ce point une grande avancée en permettant le versement d'une aide financière aux occupants sans droit ni titre dans le cadre d'une opération d'aménagement. Cette aide financière va faciliter la mise en oeuvre d'opérations d'intérêt public et la réinstallation des personnes concernées.
Nous avons eu des échanges sur le sens qu'il fallait donner à cette aide. Est-elle une indemnisation pour perte de jouissance ? Il nous semble que cette appellation prête à contestation, jusque devant le juge constitutionnel, car évoquer une indemnisation de ce type, faire intervenir le juge de l'expropriation, place incontestablement l'occupant sans droit ni titre dans la sphère du droit de propriété. Or nous ne pouvons lui reconnaître un tel droit sans toucher au droit du propriétaire lui-même. C'est pourquoi il nous paraît plus conforme aux normes constitutionnelles de prévoir une aide financière en lieu et place de l'indemnisation pour perte de jouissance.
Par ailleurs, et c'est le second point sur lequel je souhaite insister, l'institution par arrêté du préfet d'un périmètre à contenu adapté pour les secteurs d'habitat informel, moins rigide dans son contenu et ses effets que le périmètre d'insalubrité figurant à l'article L. 1331-25 du code de la santé publique, est une démarche nouvelle et très attendue des acteurs locaux de la lutte contre l'habitat indigne. De telles dispositions sont par ailleurs en cohérence avec les actions déjà engagées que j'évoquais tout à l'heure.
Pour conclure, je note avec intérêt les opportunités ouvertes par cette proposition de loi pour traiter des enjeux spécifiques à l'habitat spontané outre-mer. Vous proposez, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, de nouveaux outils pour répondre à des situations marquées le plus souvent par une grande précarité. Le Gouvernement partage votre préoccupation et adhère dans une large mesure aux réponses que vous proposez et qui recueillent, je le constate, un large consensus, au-delà des clivages que nous connaissons trop.
Je n'oublie pas également qu'au-delà des outils, aussi nouveaux et aussi adaptés aux situations soient-ils, nous parlons non pas seulement de logements mais bien de quartiers, d'espaces de vie et de lieux de rencontres. C'est cette ambition, cette vision au-delà de l'habitation qui doit nous guider tout au long de nos débats.