…autrement dit, le problème du propriétaire de la maison qui devrait un jour devenir propriétaire du terrain. S'agissant de maîtrise du foncier, nous devrons recourir à une procédure encore plus complexe pour rétrocéder aux propriétaires soit des terrains publics, soit des terrains privés, soit des terrains parapublics.
Monsieur Marie-Jeanne, l'enjeu fondamental est le caractère opérationnel qui devra s'ajouter au caractère législatif. Pour l'instant, nous réglons la question législative. Mais si, tant sur le plan foncier que sur le plan opérationnel, on ne met pas les moyens, si, pis encore, les collectivités ou les gouvernances locales ne lancent pas une dynamique pour résorber l'habitat insalubre, le dispositif ne pourra pas fonctionner. Les moyens financiers exceptionnels consacrés, notamment au titre du FRAFU – le fonds régional d'aménagement foncier urbain – permettront d'accompagner le dispositif législatif.
Je souhaiterais également – peut-être l'obtiendrons-nous dans un autre texte –qu'il y ait une incitation financière en faveur des maires qui font preuve d'audace. Nous ne devons pas oublier non plus les maires qui subissent, c'est-à-dire ceux qui accueillent toutes les misères liées à l'exode. Je suis moi-même un enfant de l'exode, sortant de Gros-Morne pour arriver au quartier de Trénelle – où ma mère vit toujours. C'est grâce à cette localisation que l'on a pu assurer la survie de très nombreuses familles dans ce quartier.
Par ailleurs, monsieur Marie-Jeanne, la réponse au problème du relogement n'est pas nécessairement dans le locatif. Il est peu satisfaisant de reloger dans du locatif un propriétaire établi sur le terrain d'autrui. Il vaut mieux le reloger en accession. C'est ce que je fais en Martinique depuis au moins trente ans : j'essaie de reloger ces familles en accession à la propriété.
Enfin, la section 1 du texte comportait un risque d'inconstitutionnalité si nous l'avions limitée aux départements d'outre-mer. C'est pourquoi nous avons appliqué toutes ces dispositions à l'ensemble du territoire national.
Le deuxième risque d'inconstitutionnalité portait sur le maintien de la notion d'indemnité pour perte de jouissance. Nous avions des arguments pour démontrer que ce risque pouvait être évité ; mais nous avons préféré que cette question fasse l'objet d'un consensus. Nous avons accepté, avec les élus, le principe d'une aide financière assise sur la valeur du bâtiment, non sur la situation sociale de l'occupant – ce qui aurait été injuste et aurait détourné la notion de « propriété du dessus ». Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir également accepté que l'estimation du bâtiment ne dépende pas du bon vouloir d'un opérateur quelconque, mais relève des services des domaines.
Ce soir, nous ne créons pas seulement un droit. Derrière ce droit, il y a une valeur et, derrière cette valeur, il y a une reconnaissance de l'histoire du peuplement des périphéries de ces villes.
Pour conclure, je veux dire à Frédérique Massat et à Louis-Joseph Manscour que c'est effectivement d'habitat que nous avons choisi de parler. L'erreur, ce serait d'ignorer qu'il y a, derrière la question technique, étroite, de l'insalubrité, des histoires de vie ; on peut aussi être confronté à l'insalubrité d'un environnement – on peut avoir une bonne maison, mais desservie par des réseaux défaillants. C'est pourquoi nous avons redéfini l'habitat informel et insalubre selon des critères bien précis.
Au-delà, je l'ai dit tout à l'heure, nous voulons dessiner une nouvelle forme de politique urbaine, qui pourrait concerner l'ensemble de l'hémisphère sud – l'Amérique du sud, l'Afrique, la Caraïbe, d'autres encore. Un simple quartier dit « populaire » au Brésil, une favela, c'est 200 000 habitants !
Cette législation que nous mettons sur pied peut être un exemple à l'échelle internationale. Si nous avons le courage de réinventer l'urbain dans le cadre d'un projet global qui ne laisse de côté ni la culture, ni la personne, ni son identité, ces quartiers populaires seront, je le pense vraiment, regardés comme des quartiers dignes, et non comme des lieux marginaux. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)