Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois, le mercredi 8 avril 2009, une délégation d'associations de gens du voyage a été reçue à l'Assemblée nationale, à l'occasion de la journée mondiale des Roms. J'ai eu l'honneur de les accueillir avec une émotion partagée. Ils m'ont remis leur « décalogue du Palais Bourbon », qui contient dix revendications, dont une, la cinquième, concerne les entraves à la libre circulation.
L'appellation « gens du voyage » est une création administrative qui désigne, depuis la fin des années soixante, les populations tziganes, manouches, gitanes, roms, sintis ou yéniches. Or ces populations, que nous traitons comme des étrangers, sont aussi françaises que vous et moi – en fait, elles le sont très souvent depuis plus longtemps que moi. Malheureusement, depuis quelques années, et plus encore depuis mai 2007, l'expression « gens du voyage » est trop souvent utilisée par certains responsables politiques de la majorité afin de stigmatiser nos compatriotes.
Les gens du voyage aiment la France et font partie intégrante de l'histoire de notre pays, auquel ils sont fiers d'appartenir. Je les salue. Fortement attachés, comme nous tous, aux valeurs de la République, ils se sont engagés et ont défendu avec courage leur pays, dans les heures les plus sombres de notre histoire, en particulier lors de la Première Guerre mondiale, de la guerre en Indochine ou encore de la guerre d'Algérie. Ils ont enfin payé le lourd tribut de la folie nazie, période pendant laquelle plusieurs d'entre eux furent internés dans les camps de la mort dont très peu sont revenus
La loi du 3 janvier 1969 prévoit que toute personne âgée de plus de seize ans et n'ayant pas de domicile ou de résidence fixe doit être en possession d'un carnet de circulation si elle n'a pas de ressources régulières, ou d'un livret de circulation si elle exerce une activité professionnelle. La possession du carnet de circulation est obligatoire. Celui-ci doit être visé régulièrement par la police ou la gendarmerie, sous peine d'une contravention de cinquième classe. Selon la juriste Marguerite Gille, cette disposition présente des connotations raciales et criminalise ces minorités en les assimilant à des délinquants de droit commun.
Dans sa délibération du 17 décembre 2009, la HALDE a considéré que ces dispositifs étaient contraires à la Déclaration des droits de l'homme. En définitive, les gens du voyage peuvent circuler librement dans l'Union européenne, mais pas dans leur pays. En effet, l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme garantit un droit de circuler et de stationner pour toutes les personnes, indépendamment de leur identité culturelle, de leur moyen de mobilité ou de tout autre critère. Toute entrave à ces droits est considérée comme un acte de discrimination et d'infraction.
De plus, si les dispositions de la loi de 1969 devaient être déférées devant le Conseil constitutionnel dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, il est quasiment certain que la censure serait prononcée par les sages pour non-respect du principe de liberté. La majorité présidentielle l'a d'ailleurs reconnu à demi-mot lors des débats en commission des lois.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, pour s'exonérer de ses échecs en matière de sécurité, le Gouvernement et le Chef de l'État désignent trop souvent les minorités comme étant responsables de tous les maux. Vous considérez qu'une bonne loi doit être régressive, répressive, stigmatisante et enfermante.