Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi visant à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage que nous examinons à l'initiative de nos collègues socialistes pourrait paraître de prime abord assez séduisante. À l'heure de la libre circulation des Européens dans l'espace Schengen, certains de nos concitoyens peuvent en effet être choqués de constater que les gens du voyage sont soumis à des dispositions particulières, comme le titre de circulation ou la restriction de l'accès au droit de vote.
En janvier 2008, saisie de nombreuses plaintes émanant des gens du voyage, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a adressé au Gouvernement des recommandations afin que soit rétablie l'égalité de traitement à l'égard de cette population. Bien que citoyens français, les gens du voyage, qui ont adopté un mode de vie nomade, sont en effet victimes de discriminations qui résultent aussi bien de comportements individuels que de textes en vigueur, notamment la loi du 3 janvier 1969.
Ainsi, en vertu de cette loi, toute personne de plus de seize ans n'ayant pas de résidence fixe doit être en possession d'un carnet de circulation si elle n'a pas de ressources régulières ou d'un livret de circulation si elle exerce une activité professionnelle. Le premier doit être visé tous les trois mois par un commandant de police, de gendarmerie ou une autorité administrative, le second tous les ans. Tout retard dans le renouvellement entraîne de lourdes amendes. Toute personne qui ne serait pas en possession de ce document est même passible d'une peine pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement.
Ce dispositif est, selon la HALDE, contraire à la Déclaration universelle des droits de l'homme et à la Convention européenne des droits de l'homme, car il enfreint le droit à la liberté de circulation des personnes et crée une discrimination dans la jouissance de ce droit. Certes, la CEDH prévoit que des restrictions peuvent être apportées à l'exercice d'une liberté dès lors qu'elles sont justifiées par des mesures nécessaires à la sécurité nationale, à la sécurité publique ou au maintien de l'ordre public – ce qui est le cas, par exemple, de l'interdiction du port du voile intégral. Mais la réglementation applicable au carnet de circulation apparaît comme mettant en oeuvre des moyens de contrôle disproportionnés, que ce soit au regard de leur fréquence ou au regard de la gravité des peines encourues. Je partage donc l'idée qu'il faut redéfinir les conditions de délivrance et de suivi de ce titre de circulation, et revoir les peines encourues pour défaut de présentation.
Pour ce qui est du droit de vote, je ne comprends pas non plus pourquoi on exige toujours trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, alors que les personnes sans domicile fixe ne doivent, elles, justifier que d'un rattachement de six mois.
Néanmoins, je ne peux pas voter ce texte, car j'estime qu'il faut attendre le rapport de la mission d'information, qui aboutira très certainement à un texte validé par les groupes politiques. Je suis, en effet, nettement plus favorable à une modernisation de la législation, plutôt qu'à une abrogation pure et simple des dispositions en vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)