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Intervention de Patrice Martin-Lalande

Réunion du 26 janvier 2011 à 15h00
Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Martin-Lalande :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes probablement très nombreux, sur tous les bancs de cette assemblée, à partager le constat qu'il faut faire évoluer un certain nombre de règles législatives concernant les gens du voyage. Mais nous sommes nombreux aussi à considérer que ces questions sensibles méritent mieux qu'une simple abrogation et qu'il est nécessaire de s'appuyer, pour améliorer la loi existante, sur les conclusions prochaines de la mission d'information créée à ce sujet par notre commission des lois, dont Didier Quentin a rappelé le travail important.

J'observe que nos collègues des groupes communiste et socialiste demandent souvent le renvoi d'un texte en commission pour y travailler davantage. Mais, quand une commission ou une mission d'information travaille, ils souhaitent ne pas attendre les résultats pour légiférer.

Pour aller à l'essentiel, je dresserai un rapide inventaire des principaux problèmes que nous continuons de rencontrer en matière d'accueil et de condition de vie des gens du voyage, comme j'ai pu m'en rendre compte à nouveau cet été dans ma circonscription à Saint-Aignan-sur-Cher, à Thésée et à Couddes, deux villages dont les mairies ont été incendiées.

En ce qui concerne d'abord les aires d'accueil, les deux tiers des places prévues par les schémas ont été financées à la fin 2009. Il reste à réaliser un tiers des places d'aires d'accueil et les deux tiers des aires de grand passage. Pour aller plus loin, il faudrait rendre moins fortes les pressions locales, qui existent certes, et mieux répartir les coûts de l'équipement : pour cela, il faudrait rendre obligatoire l'exercice par les communautés de communes de la compétence en matière de politique d'accueil et d'habitat des gens du voyage.

Il faut aussi résoudre le problème du financement par l'État, puisque le délai de 2004, fixé par la loi Besson du 5 juillet 2000 avait été repoussé en 2007 et a finalement expiré au 31 décembre 2008. Toutes les aires n'ont pourtant pas été réalisées à cette date, mais l'État n'a plus à financer 50 % des aires d'accueil et 100 % des aires de grand passage. Une nouvelle aide de l'État est nécessaire. La mise en place des aires d'accueil conditionne en effet largement la décision du juge en cas d'occupation illégale.

Enfin, il existe un problème spécifique aux zones urbaines denses où la pression foncière complique la recherche d'un terrain. Là aussi, l'intercommunalité est probablement la meilleure solution.

En ce qui concerne ensuite de la sédentarisation des gens du voyage, une sédentarisation réussie, qu'elle soit partielle ou totale, se réalise trop souvent en marge de la loi – certes sur des terrains dont ils sont devenus propriétaires – mais, comme j'ai pu le constater dans ma circonscription, souvent en construisant sans respecter la règle imposée aux autres propriétaires sur des terrains similaires. Une intégration réussie ne passe-t-elle pas par l'aménagement de terrains familiaux gérés au niveau intercommunal ?

Troisièmement, la scolarisation des enfants de la communauté des gens du voyage est très insuffisante. Le respect de l'obligation de scolarisation est pourtant essentiel pour assurer une éducation donnant à ces enfants les mêmes chances d'intégration dans notre société que les autres élèves.

Quatrièmement, la question du livret ou du carnet de circulation est effectivement très sensible et exige qu'on révise la loi. Certains membres de la communauté des gens du voyage souhaitent cependant leur maintien. Didier Quentin a développé l'état actuel des travaux de la commission. C'est tout le problème de reconnaître des spécificités sans opérer de discrimination.

Cinquièmement, la représentation des gens du voyage est mal assurée. Les pouvoirs publics peinent à dialoguer avec des interlocuteurs qualifiés. Les pasteurs évangélistes ont souvent réussi à se faire valoir dans ce rôle. Certes, ces relais comblent en quelque sorte un vide représentatif. Mais, dans notre République laïque, il ne faut pas réduire une communauté à un culte ni s'abriter derrière la nécessaire liberté de culte que chacun doit respecter pour ne pas respecter la loi, en refusant – comme cela arrive trop souvent, j'ai pu le constater – de stationner dans les lieux prévus pour les rassemblements.

Sixièmement, l'inscription sur les listes électorales est également une question très complexe puisqu'il va nous falloir trouver une solution qui concilie, d'une part, l'existence d'un vrai lien durable avec la commune, bien que les intéressés n'y vivent que par intermittence et n'y possèdent aucun ancrage immobilier, et, d'autre part, la nécessité de favoriser l'intégration rapide dans notre société des gens du voyage comme des sans domicile fixe, intégration qui passe par la possibilité de choisir facilement un lieu où mener sa vie, y compris sa vie civique.

En conclusion, oui, il faut lutter contre toutes les discriminations : contre celles qui pénalisent injustement les gens du voyage, et il nous faudra faire rapidement oeuvre législative ; mais aussi contre celles qui pénalisent injustement les autres citoyens français. Je veux ici porter témoignage que bon nombre de nos concitoyens s'estiment victimes d'une discrimination lorsqu'ils constatent que, par exemple en matière d'urbanisme ou de sécurité routière, on leur impose des sanctions auxquelles échappent un certain nombre de gens du voyage qui ont commis la même faute.

Oui, il nous faut travailler tout à la fois pour rendre la loi plus juste et pour faire respecter la loi par tous.

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