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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 26 janvier 2011 à 15h00
Lutte contre l'habitat indigne en outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira :

Madame la ministre, voyant que chacun fait un effort pour être gentil et consensuel, je m'en voudrais de gâter la sauce ; je vais donc éviter de le faire.

Permettez-moi cependant de dire, en essayant d'y mettre une certaine élégance, que votre discours d'autosatisfaction était assez déplacé. Point n'est besoin d'en rajouter car l'existence même du texte et son contenu apportent un démenti cinglant à vos propos préliminaires.

Je vais donc me contenter d'éclairer l'assemblée sur la situation très particulière de la Guyane, marquée par quelques paramètres. D'abord, l'État est propriétaire privé de 90 % du territoire et le parc national amazonien occupe 40 % de cette surface.

Le deuxième paramètre est lié à « l'entropisation » de ce territoire : nous occupons un peu plus de 10 % de sa superficie en présence et en activité, et pourtant nous sommes confrontés à une rareté foncière qui a un caractère inflationniste important. Le foncier aménagé est encore plus rare pour ce qui concerne les zones recherchées ou convoitées.

Les opérateurs, qu'il s'agisse des administrations, des aménageurs ou des bailleurs sociaux, conviennent qu'il faudrait livrer chaque année 300 hectares de foncier aménagé, alors que le rythme annuel est actuellement de 100 hectares, et ceci malgré la fongibilité de la ligne budgétaire unique et du fonds régional d'aménagement foncier urbain. Monsieur le rapporteur a d'ailleurs proposé, par l'intermédiaire d'un GIP, d'élargir le principe de fongibilité des fonds qui contribuent au financement des logements.

Le troisième élément particulier en Guyane est la disparité de la densité démographique. Les statistiques affichent un taux de deux habitants au kilomètre carré. C'est totalement absurde car nous avons une très grande disparité : une surdensité urbaine et des communes rurales qui sont frappées de désertification, en raison de l'exode dû au manque d'activités sur place mais surtout à un fort enclavement.

Le quatrième paramètre est pratiquement aussi important que le premier auquel il donne justement de la nervosité : le taux de croissance démographique atteint 3,8 %. L'INED vient de publier toute une série de statistiques démontrant des choses qui nous sont devenues familières, à savoir que le taux de croissance démographique le plus soutenu est en Guyane, où la pression sur la demande de logement va donc s'accroître.

Quel est l'état des lieux ? Nous avons actuellement un parc locatif social de 11 000 logements, avec un stock de demandes en souffrance de plus de 13 000 dossiers. Il faut y ajouter les besoins en logements intermédiaires parce que la classe moyenne a le droit de souhaiter une accession à la propriété. Elle paie des impôts et elle est en droit de considérer que ses besoins doivent aussi être satisfaits, évidemment à chacun selon sa capacité contributive.

Les conséquences de cette pression sont considérables et nous les connaissons. Elle a d'abord un effet inflationniste sur le parc locatif privé. Elle entraîne aussi le développement d'un commerce interlope, avec des sous-locations illégales, abusives, pour ne pas dire plus – je pense notamment aux marchands de sommeil. Elle provoque aussi une extension estimée à 10 % des zones d'habitat insalubre et indigne.

Au passage, je vous informe qu'hier le conseil régional de Guyane a fait procéder à l'expulsion de plusieurs familles brésiliennes qui occupaient des logements sur un terrain lui appartenant. Il l'a fait sans offrir de solution de relogement. Certes la loi ne l'y oblige pas, mais de simples considérations humaines auraient dû le contraindre à étudier et accompagner des solutions de relogement avant de procéder aux démolitions.

Ces démolitions sont possibles parce qu'on s'attend à l'impunité et, si on s'y attend, c'est parce que les tensions sont telles sur le marché que les uns et les autres deviennent inhumains, indifférents et, parfois, égoïstes.

Nos besoins sont considérables. Ils sont liés à la fois au taux de croissance démographique très élevé, à la part de la population en âge de demander un logement – plus de 54 % de la population en Guyane a moins de vingt-cinq ans et les jeunes adultes souhaitent quitter le domicile familial –, à la nécessaire résorption de l'habitat insalubre, indigne, informel et à la réhabilitation du parc vieillissant, aux besoins de la classe moyenne que j'ai évoqués tout à l'heure et aux flux migratoires qui viennent accroître la demande de logements.

En Guyane, 11 % des logements n'ont pas l'électricité, 14 % n'ont pas l'eau courante et 40 % seulement sont reliés au tout-à-l'égout.

Je dois également vous rappeler, madame la ministre, qu'en 2008, les aides d'État ont baissé de 10 % et que le rattrapage n'a jamais été effectué depuis.

Comme l'a souligné Louis-Joseph Manscour, il ne s'agit pas seulement des logements mais également de l'habitat. Alors qu'en Guyane, nous avons de l'espace et un mode d'habiter et une architecture qui ont fait leur preuve, il est inconcevable d'imposer des normes aussi exiguës en hauteur, alors que nous pourrions avoir un habitat en extension.

La question du financement se pose, bien évidemment, à la fois pour les bailleurs sociaux eux-mêmes – notamment la caution de leurs emprunts – et pour les particuliers, qu'il s'agisse de l'accession à la propriété pour le logement social et très social, du prêt à taux zéro ou de l'accession à la propriété pour les logements intermédiaires.

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