Il existe, au sein de notre assemblée, un consensus pour considérer que le livret et le carnet de circulation sont inacceptables en l'état – comme il est inacceptable que les gens du voyage soient obligés d'attendre trois ans après leur rattachement pour exercer leur droit de vote, alors que les personnes sans domicile fixe peuvent voter au bout de six mois. Nous avons donc décidé de déposer une proposition de loi visant à la suppression des dispositions relatives à ces deux questions. Toutefois, approfondissant notre réflexion, nous nous sommes dit que, finalement, aucune des dispositions de la loi actuelle ne méritait d'être conservée.
La question du droit de vote peut être réglée au moyen du principe de domiciliation, qui peut s'appliquer à tout Français ne disposant pas d'un domicile fixe – donc, a fortiori, aux personnes ayant un domicile mobile. Quant au carnet de circulation, s'il confère quelques droits, il impose en contrepartie des restrictions absolument inacceptables au regard des principes de notre République. La préservation des droits accordés par le carnet de circulation – c'est-à-dire, principalement, la possibilité d'accéder à une aire d'accueil – peut s'obtenir très simplement, par l'adhésion à une association, ce qui ne relève même pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Nous en sommes donc arrivés à la conclusion qu'il était préférable d'abroger purement et simplement la loi existante, le droit commun assorti de quelques mesures réglementaires permettant de répondre à toutes les questions susceptibles de se poser.
Vous dites, monsieur le ministre, que vous préférez attendre le rapport de la mission. Or ce rapport qui devait être déposé en décembre ne l'a toujours pas été ; par ailleurs, la mission confiée à M. Hérisson n'a pas pour objet principal les questions de citoyenneté que constituent le carnet de circulation et le droit de vote. Je ne vois donc pas ce qui pourrait justifier que nos collègues de la majorité ne votent pas l'abrogation proposée. Peut-être vous faudra-t-il, mes chers collègues, plus de temps que nous pour en arriver aux mêmes conclusions, et peut-être la semaine qui vient sera-t-elle suffisante pour vous faire changer d'avis avant le vote sur notre proposition de loi. Je le souhaite et, en tout état de cause, suis persuadé d'une chose : il est important que notre assemblée s'honore à légiférer elle-même sur ce sujet, plutôt que d'avoir à le faire après un avis du Conseil constitutionnel. Si j'en crois les propos tenus par les orateurs de la majorité, chacun sait parfaitement que les dispositions actuelles sont contraires à la Constitution et à la Déclaration universelle des droits de l'homme, et que nous serions bien obligés de légiférer si un recours était formé. Je vous invite donc, mes chers collègues, à mettre vos actes en cohérence avec vos discours. Il me semble qu'une position unanime de notre assemblée constituerait une belle réponse de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)