La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, au moment où l'on nous prédit une forte mobilisation pour une grève qui, demain, bloquera les transports publics, pénalisera des millions de Français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et coûtera 150 millions d'euros à notre économie, au bas mot, dont une cinquantaine à la seule SNCF (« Et les 15 milliards de cadeaux ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), je voudrais vous assurer de notre soutien. Du soutien plein et entier de la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Ce soutien empreint de sérénité et de détermination, monsieur le Premier ministre, il est légitime. Il puise sa légitimité dans la représentation nationale, dans ces femmes et dans ces hommes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), députés de la majorité qui ont reçu au mois de juin, aux élections législatives, mandat des Français pour réformer.
Cette légitimité, il la puise ensuite dans la légitimité même du Président de la République qui, chacun s'en souvient, avait pris avant l'élection présidentielle, devant nos concitoyens, l'engagement de réformer les régimes spéciaux de retraite.
Enfin, cette légitimité, il la puise dans la réforme elle-même : un projet juste, équilibré et longuement négocié. Juste et équilibré car perçu comme tel par une majorité de Français, ceux qui cotisent quarante ans pour leur retraite, qu'ils soient issus du secteur public ou privé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Juste et équilibré si l'on rappelle que, dans ces régimes spéciaux, 500 000 actifs cotisent pour 1,1 million de retraités, entraînant un déficit de 5 milliards d'euros supporté par l'ensemble des Français. Juste et équilibré au point qu'il aurait pu recevoir quelques encouragements de la part d'une opposition qui se prétend à l'écoute des Français et dont certains membres s'avouent même favorables à la réforme, mais sans jamais en préciser les modalités, frisant là une posture de double langage, voire de duplicité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le Premier ministre, ma question est une invite : tenez bon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre ; « Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mesdames, messieurs les députés, demain, des millions de Français risquent d'être privés d'une liberté fondamentale, celle de se déplacer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) et, parfois même, celle de travailler.
Comme chacun d'entre vous, je respecte le droit de grève. Mais ma pensée va d'abord à celles et à ceux qui, demain, risquent de vivre une journée de galère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Depuis deux mois, le Gouvernement négocie avec les organisations syndicales.
Depuis deux mois, le Gouvernement a montré qu'il respectait les cheminots,…
…qu'il respectait les employés de la RATP, qu'il respectait les employés des entreprises de transports publics, les électriciens et les gaziers.
Mais c'est justement parce qu'il les respecte que le Gouvernement leur dit, une nouvelle fois aujourd'hui, qu'il faut réformer les régimes spéciaux de retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.
En 1993, pour tenir compte de l'allongement de la durée de la vie et des évolutions démographiques, il a été décidé de porter la durée de cotisation de tous les salariés du régime général à quarante annuités C'était en 1993 ! Depuis 1993, plusieurs majorités se sont succédé ; aucune n'a jamais remis en cause le principe de l'allongement de la durée de cotisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Dix ans plus tard, en 2003, nous avons porté la durée de cotisation des régimes de la fonction publique, représentant 5 millions de fonctionnaires, à quarante annuités. Aujourd'hui, seules les 500 000 personnes ressortissant des régimes spéciaux restent à 37,5 annuités. Rien ne justifie cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est d'autant moins justifiable que le déficit de ces régimes atteint plus de 5 milliards d'euros et qu'il pèse sur tous les Français.
Attentif aux demandes des organisations syndicales, Xavier Bertrand a proposé un assouplissement des conditions d'application de cette réforme, et notamment de la mise en oeuvre de la décote. Il s'est engagé à faire en sorte que les salariés de ces régimes spéciaux qui travailleront deux ans et demi de plus ne verront pas leur pension diminuer.
Il a ouvert le cadre des négociations dans les entreprises : sur les salaires et les aménagements de postes pour les personnes en fin de carrière, sur la mise en place d'un régime additionnel pour tenir compte des primes non intégrées dans le calcul des retraites, sur l'utilisation du compte épargne temps, sur la prise en considération de la pénibilité du travail.
La négociation est ouverte dans les entreprises. Mais, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement ne renoncera pas à mettre en oeuvre les principes de cette réforme. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Il ne le fera pas parce qu'il n'en a pas le droit. Il la doit aux Français auprès desquels il est engagé et qui financent les déficits. Il la doit aux salariés des entreprises concernées eux-mêmes, car aucun gouvernement ne peut prétendre maintenir leur pension sans réformer leur régime de retraite.
Maintenant, chacun doit prendre ses responsabilités.
Mon gouvernement prendra les siennes. Il ne transigera pas sur les principes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La porte du dialogue restera en permanence ouverte. Il veillera à la sécurité des infrastructures de transport et à la liberté du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il veillera à ce que les usagers soient informés et aidés à surmonter cette épreuve.
Mesdames, messieurs les députés, avec votre soutien, le Gouvernement fera tout simplement son devoir ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre se lèvent et applaudissent .)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, depuis six mois et encore à l'instant, vous ne cessez de placer votre action sous le signe du courage. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est une qualité éminemment respectable et estimable, dans la mesure où on la met au service de l'intérêt général. Et c'est bien là le problème.
Où est le courage quand vous refusez de taxer les ahurissants profits des compagnies pétrolières ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et de la Gauche démocrate et républicaine.
Où est le courage quand vous n'hésitez pas à frapper les malades avec la franchise santé ? (Mêmes mouvements) Où est le courage quand vous faites voter une loi sur la prétendue autonomie des universités et que votre budget ne prévoit que 40 millions d'euros réellement disponibles pour répondre aux besoins criants de l'enseignement supérieur ? (Mêmes mouvements)
Où est le courage quand vous fermez plus cent tribunaux d'instance là où la justice de proximité est rendue à la satisfaction de tous ? (Mêmes mouvements) Où est le courage quand vous donnez acte au président du groupe UMP de l'Assemblée de la nécessité pour ses amis, victimes comme d'autres de l'autoritarisme de la garde des Sceaux, d'obtenir des compensations ?
Mais je ne fais que poser des questions ! Où est le courage quand vous prétendez reformer les régimes spéciaux alors qu'en réalité vous cherchez l'affrontement avec les syndicats – espérant en tirer gloire –, en refusant de répondre à leurs propositions de négociation ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, si le climat social n'est pas bon, c'est parce que, contrairement à ce que vous semblez penser de vous, les Français ne vous voient pas courageux mais simplement brutal à l'égard de ceux qui ne peuvent se défendre et complaisant à l'égard des puissants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire pour servir l'intérêt général ?
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le député, il est bon de vous entendre parler de courage, mais il serait bien aussi que vous sachiez en faire la preuve pour les réformes indispensables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sans passion aucune, je tiens à dire qu'il est des défis, comme la maladie d'Alzheimer, et des réformes, comme celle de la carte judiciaire, qui ne sont ni de droite ni de gauche (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) mais qui servent l'intérêt général. Vous avez le droit aussi de nous rejoindre pour répondre à ces questions d'intérêt général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous savez pertinemment que nous sommes arrivés au bout d'un cycle et que notre pays ne peut plus se permettre le statu quo. Les réformes doivent être engagées, toutes et en même temps. Les Français ne veulent pas attendre.
D'ailleurs, un véritable choix de société était au coeur de la campagne présidentielle : soit le statu quo – et les Français n'en ont pas voulu –, soit mener les réformes qui préparent notre pays aux défis de l'avenir.
Nous sommes tout simplement au rendez-vous de tous ces engagements, sans exception. Ce que nous mettons en place aujourd'hui, nous l'avons annoncé. Les franchises médicales ? Le Président de la République en a parlé pendant toute la campagne.
Nous savons pertinemment que si on ne les met pas en place, vous ne ferez que de beaux discours sur la maladie d'Alzheimer, alors que nous avons la possibilité de relever ce défi avec courage et avec des moyens ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).
Sur tous ces sujets, à certains moments, il faut se souvenir du passé. Je me souviens qu'en 2000, alors que j'étais conseiller général, des émissaires du ministère de la justice étaient venus dans mon département préparer une réforme de la carte judiciaire. Cette réforme, c'était la même que celle qui est présentée aujourd'hui. Mais vous n'avez pas eu le courage de la mener parce qu'il y avait des élections ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Eh bien, servir l'intérêt général c'est savoir entendre et servir les Français, quelles que soient les échéances électorales. Et c'est ce que nous faisons, monsieur le député ! (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ; applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du Nouveau Centre.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, le 18 octobre dernier, les salariés de la SNCF, de la RATP et d'EDF-GDF s'élevaient contre la remise en cause unilatérale de leurs régimes de retraite.
Vous avez présenté ces agents comme des nantis, faisant fi de leurs conditions de travail et de leurs rémunérations pour tenter de les isoler des autres salariés. Vous avez voulu les diviser en espérant casser leur unité. Rien n'y a fait ! Alors, après avoir cherché à diviser, vous dramatisez la situation, en cherchant à réduire la portée de leur lutte.
Vous voulez éviter que nos concitoyens réalisent que cette bataille n'est pas seulement celle des salariés des régimes spéciaux, mais celle de tous les travailleurs et celle du financement de tous les régimes de retraite. (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous voulez faire oublier que votre objectif est que, dès l'an prochain, tous les salariés cotisent pendant quarante et un ans – en attendant quarante-deux puis sans doute davantage. Vous voulez cacher qu'avec cette réforme engagée sur fond de précarité de l'emploi et de chômage massif des plus de cinquante ans, vous visez une baisse généralisée du montant des retraites.
Droit dans vos bottes, vous refusez – comme vous venez de le faire – toute discussion de fond avec les syndicats, confirmant votre volonté de passer en force au mépris d'un vrai dialogue social, mais au risque d'un affrontement réel. Avec l'assurance maladie, la retraite est pourtant un enjeu transversal de notre système social, et même de notre cohésion nationale. Avec le pouvoir d'achat, c'est un grand motif d'inquiétude et de colère pour tous nos concitoyens.
Monsieur le Premier ministre, vous voulez adapter notre pays aux exigences du capitalisme financier (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…et vous veillez à bien servir le MEDEF et les plus nantis de notre pays : le cadeau de 15 milliards d'euros qui leur a été offert au mois de juillet dernier en témoigne. (Mêmes mouvements.) Mais les franchises médicales, c'était pour les autres ! Allez-vous entendre les inquiétudes et la colère des salariés, allez-vous enfin vous mettre à la table des négociations ?
Je termine, monsieur le président.
Allez-vous, monsieur le Premier ministre, discuter sur le fond des moyens de garantir les retraites autrement qu'en utilisant les recettes passées, qui, comme vous le savez bien, ont toutes échoué ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
La question des régimes spéciaux, monsieur le député, avait déjà été évoquée dans cet hémicycle au début du mois d'octobre : j'ai en effet souhaité que chacun puisse s'exprimer et faire part de ses propositions. Tel n'a pas été le cas de votre groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous devons, sur ce dossier, apporter des réponses aux agents : ils savent pertinemment que, faute de réforme, personne ne pourra dans dix ou quinze ans leur garantir le montant de leurs pensions. Nous avons ainsi décidé un cadre gouvernemental visant à préciser que les règles devront être les mêmes pour tous les Français : quarante années de cotisation ; application d'une décote, mais aussi, afin de garantir le pouvoir d'achat, indexation des pensions sur les prix.
J'ai beaucoup écouté les uns et les autres et reçu, pendant plus d'une centaine d'heures, les organisations syndicales. Mais j'ai aussi indiqué très clairement que l'heure était aux négociations au sein des entreprises. Vous avez, monsieur Paul, parlé de pénibilité. Mais où en parle-t-on le mieux pour les agents de la SNCF ? Dans mon bureau au ministère ? Évidemment non, mais à la SNCF : vous le savez fort bien.
Et puisque vous parlez de dialogue, je recevrai à seize heures quinze une délégation de la CGT, ainsi que, cet après-midi, une délégation de l'UNSA, et demain une délégation de la CFTC.
Cela vous montre bien que le fil du dialogue n'est jamais rompu : nous sommes tout aussi déterminés à mener cette réforme jusqu'au bout qu'à le faire par le dialogue.
Au moment où les salariés de ces entreprises font part de leurs inquiétudes et s'apprêtent à entrer dans la grève, je veux leur dire qu'il faut trouver les solutions qui permettront d'en sortir par le haut : telle a toujours été la logique qui nous a guidés. Mais je tiens à vous le dire, monsieur Paul : revenir sur le cadre de cette réforme, c'est revenir sur la réforme elle-même, et aller contre ce que souhaitent les Français.
Nous serons au rendez-vous de la justice sociale,…
…laquelle consiste à prendre en compte le pouvoir d'achat des personnes concernées par les régimes spéciaux comme des autres, mais aussi à conduire jusqu'à son terme la réforme de ces régimes, car elle est attendue par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'associe MM. Hillmeyer, Dionis du Séjour et Fasquelle à cette question.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, la réforme des universités, annoncée depuis une vingtaine d'années, a toujours été reportée. L'université poursuit un double objectif : transmettre le savoir et faciliter l'insertion professionnelle, essentielle pour nos jeunes.
Or 53 % des titulaires d'un « bac + 4 » éprouvent des difficultés pour trouver un emploi. Une réforme était donc nécessaire et, après une large concertation avec les syndicats, elle a été votée il y a quatre mois. Elle est donc toute récente, et permet non seulement d'améliorer la gouvernance des universités et de les responsabiliser quant à leur budget, mais aussi de leur apporter du personnel.
Nous sommes tous d'accord sur le droit de manifestation et de grève : ce principe fait partie de notre démocratie. Mais doit-on aller jusqu'à un blocage dont sont victimes les étudiants qui ne demandent qu'à travailler ? Tel est le problème, la situation étant liée à une dérive idéologique.
Ma question, madame la ministre, est simple : comment entendez-vous expliquer votre réforme et faire en sorte que les étudiants qui souhaitent travailler et préparer leurs examens puissent le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Vous avez évoqué, monsieur le député, la situation de blocage qui touche certaines universités. Je veux le dire solennellement devant la représentation nationale : je condamne avec vigueur toute forme de violence et toute dégradation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Rien ne justifie la violence. L'université ne la mérite pas, non plus que les étudiants et les personnels. C'est pourquoi je condamne les blocages, qui sont précisément sources de violences et d'affrontements. Ils sont contraires à l'intérêt des étudiants et entravent leur réussite : plusieurs jours de blocage à quelques semaines des examens peuvent mettre en danger l'année entière d'un étudiant. (Mêmes mouvements.) J'appelle donc tous les syndicats à dire non à la violence et à ne pas cautionner les blocages. Pour la réussite des étudiants, la seule méthode est le dialogue : c'est la mienne depuis le début, et je m'y tiendrai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, notre collègue Olivier Jardé vient de rappeler les violences qui s'exerçaient à l'occasion de tentatives de blocage d'universités.
Je voudrais pour ma part revenir sur les slogans utilisés lors de ces tentatives de blocage, et vous demander d'y opposer des réalités.
Le premier slogan concerne les droits d'inscription, que la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités permettrait d'augmenter : pouvez-vous nous confirmer qu'ils restent de compétence nationale et rappeler le combat – l'un des plus forts menés depuis longtemps – que vous avez engagé pour réprimer la perception de droits illégaux par certains établissements ?
Le deuxième slogan a trait à l'inégalité entre les universités. Pourriez-vous rappeler que le nouveau statut s'appliquera d'ici à 2012 à l'ensemble des universités, lesquelles bénéficieront toutes d'un surcroît d'initiative dans la gestion des ressources humaines, des ensembles immobiliers et du projet pédagogique, à l'instar de toutes les grandes universités européennes ?
Le troisième slogan concerne le désengagement de l'État. Il est curieux de l'entendre alors que le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche augmente de 8 % – soit 1,8 milliard d'euros, effort sans précédent – et que des réponses concrètes sont apportées aux étudiants, tant au sujet de l'échec dans les premiers cycles – lequel touche un étudiant sur trois – qu'en matière de logement universitaire. La commission des finances vous proposera d'ailleurs vendredi en séance d'aller plus loin, notamment en abondant de 30 millions d'euros les crédits du logement – 10 millions pour le CNOUS et 20 millions pour les contrats État-régions –…
…et en dotant de 5 millions d'euros les établissements qui proposeraient aux bacheliers de la filière technologique et professionnelle, les plus touchés par l'échec en licence des filières supérieures professionnalisantes orientant vers des métiers où les débouchés sont réels. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pourriez-vous, madame la ministre, confirmer l'ensemble de ces réalités et rappeler les chantiers que vous ouvrez pour les cinq ans à venir, lesquels sont des priorités de la présente législature, comme l'avait indiqué le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Nous partageons la même préoccupation, monsieur le député : celle de la réussite de nos étudiants. L'ensemble de vos travaux dans le cadre du débat relatif au budget de mon ministère le prouve, puisque vous avez proposé des amendements visant à augmenter les crédits destinés au logement des étudiants et au chantier que nous avons ouvert s'agissant de la réussite en licence.
Aujourd'hui, des craintes s'expriment à l'université. Je les ai entendues ; je veux les dissiper et rassurer les étudiants. En premier lieu, la réforme ne se traduira pas par un désengagement de l'État mais tout au contraire par un investissement sans précédent de celui-ci en faveur des universités, avec 1 milliard d'euros de crédits supplémentaires en 2008 : 8 % d'augmentation pour le budget de mon ministère. Cela signifie que nous allons dépenser cette année 400 euros de plus par étudiant.
C'est un engagement financier inédit : depuis vingt ans, on n'avait pas fait autant pour l'université. Telle est la réalité financière de cette réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La loi n'entraîne pas non plus de sélection : le mode d'accès à l'université est toujours le baccalauréat. Quant aux frais d'inscription, ils resteront fixés par le ministère : ils sont aujourd'hui de 165 euros en licence et de 215 euros en mastère.
La crainte de la privatisation, enfin, ne repose sur rien : les universités décideront seules de l'usage qu'elles feront des dons des entreprises et des mécènes, et les diplômes resteront nationaux.
Ni désengagement de l'État, ni sélection, ni hausse des frais d'inscription, ni privatisation : c'est cela, la réalité !
Notre priorité sera, dans les mois qui viennent, de mener un grand programme de lutte contre l'échec universitaire en premier cycle, cette plaie qui gangrène notre université. Comme vous le voyez, il est urgent d'agir, et nous agissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je suis élu d'un département, le Val-d'Oise, qui est le plus jeune de France. Il a à sa tête un brillant président, M. Scellier, ici à mes côtés, mais il est aussi, malheureusement, l'un des moins bons élèves pour ce qui concerne les résultats des collégiens. Jusqu'à maintenant, les moyens supplémentaires mis dans les zones d'éducation prioritaire n'ont pas assez porté leurs fruits.
L'éducation nationale doit pleinement prendre ses responsabilités, comme les collectivités le font, peu ou prou, pour se substituer aux parents défaillants. Il n'y a pas loin des mauvais résultats scolaires aux appels à la délinquance, et nous devons combattre, les uns comme les autres, ces deux fléaux.
Nos concitoyens attendent une école plus juste, qui offre à chaque élève les mêmes chances de réussir. À la rentrée de 2007, vous avez demandé aux collèges de l'éducation prioritaire de mettre en place un accompagnement éducatif dès le retour des vacances de la Toussaint. Ce dispositif doit permettre à celles et ceux qui en ont le plus besoin de profiter d'une aide aux devoirs, mais aussi de se consacrer à des activités sportives, culturelles ou artistiques.
Cela appelle de ma part trois questions. Où en sommes-nous dans la mise en place effective de cette « école après l'école » ? Quels sont les moyens supplémentaires qui concourent à la réussite de ce dispositif ?
Enfin, pouvez-vous nous confirmer la généralisation de cette démarche à l'ensemble des collèges, et dans quels délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans la lettre de mission que m'avaient adressée le Président de la République et le Premier ministre figurait en effet, monsieur le député, la mise en oeuvre de cet accompagnement éducatif pour les élèves des collèges qui, en fin de journée, n'ont pas – que ce soit dans leur famille ou dans leur quartier – les moyens de recevoir l'aide dont ils ont besoin pour réussir à l'école.
Nous avons mis cet accompagnement en place depuis la semaine dernière dans l'ensemble des 1 100 collèges qui relèvent de l'éducation prioritaire – soit pratiquement un collège sur cinq –, et même dans quelque 250 autres qui ont souhaité s'associer au dispositif. Quatre jours par semaine, pendant deux heures à la fin de la journée, celui-ci permet d'offrir des aides pour les devoirs, des activités culturelles ou sportives, et plus généralement un accompagnement éducatif qui rend d'abord service aux plus démunis.
Le Président de la République et le Premier ministre ont très rapidement procédé à des arbitrages afin de consacrer au financement de ce dispositif 140 millions d'euros, dont 20 millions venant du Centre national pour le développement du sport, dans le budget pour 2008. De plus, la demande étant légèrement supérieure aux prévisions, notamment pour les activités sportives, j'ai immédiatement débloqué 3,4 millions d'euros sur le budget de mon ministère.
Je rends hommage aux enseignants, qui se sont massivement portés volontaires,…
…ainsi qu'aux assistants d'éducation, grâce auxquels le dispositif fonctionne très bien. Il sera généralisé à tous les collèges dès la rentrée prochaine, en insistant sur les classes de sixième. Il sera ensuite élargi à l'école primaire ; dès la rentrée de 2009, il n'y aura plus d'"orphelins de seize heures" et tous les élèves qui en ont besoin bénéficieront d'un accompagnement éducatif en fin de journée. C'est une politique scolaire, et surtout une politique sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la justice et concerne la réforme de la carte judiciaire.
Madame la ministre, je veux témoigner ici de l'incompréhension et de la colère de centaines d'élus, de tous bords et de toutes régions…
…de milliers de magistrats, d'avocats, de citoyens, tous révoltés par vos annonces récentes.
Bien sûr, après Outreau et les disparus de l'Yonne, une réforme était nécessaire, mais pas celle que vous imposez derrière des cordons de CRS ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd'hui, les Français ne comprennent plus. Ils attendaient une amélioration du service public de la justice, vous leur répondez par la brutalité, en fermant les tribunaux de proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ils attendaient de l'équité et ils constatent que certains tribunaux de Vendée, chez M. de Villiers, ou de l'Aisne, chez M. Bertrand, échappent curieusement à votre couperet. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. — Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans mon département de la Mayenne, votre politique conduit à la disparition de nos deux tribunaux d'instance, de Mayenne et de Château-Gontier, et du pôle d'instruction de Laval.
Tout un département va perdre sa capacité d'instruction. Votre politique, ce seront des centaines de kilomètres supplémentaires à parcourir – ce sera la justice sur les routes !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Démagogue !
Ce qui est vrai en Mayenne l'est aussi pour de nombreux autres départements. Les territoires ruraux, les citoyens modestes, les justiciables et les contribuables feront les frais de votre entêtement ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Démagogue !
Vous parlez de courage, madame la ministre, mais on ne mesure pas la qualité d'une réforme à l'affrontement qu'elle suscite. Le courage, ce serait d'organiser un débat et un vote ici même, à l'Assemblée nationale, sur cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la ministre, quand écouterez-vous enfin les parlementaires de toutes les sensibilités et de tous les départements ? Quand organiserez-vous ce vote que vous semblez craindre aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le député, il y a deux manières de réformer la justice : en parler mais ne pas la faire, ou essayer de la faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La justice de 2007 ne correspond plus à la justice de 1958, pas plus que les difficultés et les besoins des Français qui, comme vous l'avez souligné, ont été profondément marqués par le drame d'Outreau.
Les Français ne veulent pas vivre un nouveau drame comme celui-là ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
J'ai donc fait le choix d'aller dans chaque région, pour présenter les réformes nécessaires devant chaque cour d'appel.
Ce n'est pas du courage, c'est ma responsabilité ! D'autres que moi ont essayé avant moi mais n'y sont pas parvenus. J'ai rencontré les élus et tous les acteurs judiciaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) pour leur rappeler que cette réforme est indispensable,…
…dans l'intérêt de la justice et des Français. Nous la mènerons donc à son terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Où est Laporte ?
La médecine a fait d'immenses progrès et la durée moyenne de vie s'allonge chaque année : elle est aujourd'hui de quatre-vingt-quatre ans pour les femmes. Un enfant qui naît aujourd'hui a toutes les chances de vivre plus de cent ans. Mais, bien souvent, les victoires sur la maladie ont leur revers, et c'est la maladie d'Alzheimer. Cette maladie, qui n'existait quasiment pas quand la moyenne de vie était de cinquante ans, apparaît maintenant comme une véritable épidémie. En France, plus de 250 000 personnes en sont atteintes et, à terme, une famille sur quatre y sera confrontée.
Or cette maladie bouleverse profondément la vie du malade, mais aussi celle de son entourage. Le malade perd ses repères habituels, ce qui le rend dépendant, puis, progressivement, il s'extrait de la vie et sombre dans un état dramatique. Ses proches ressentent un grand désarroi face à un malade qui ne les reconnaît plus et dont les troubles de l'humeur peuvent aller jusqu'à l'agressivité.
Cela a des conséquences parfois importantes sur la santé physique et psychologique des « aidants ». La recherche doit impérativement disposer des moyens nécessaires pour essayer de trouver un remède à cette épouvantable maladie. Toutes les pistes sont bonnes à explorer, dont la thérapie génique qui apportera peut-être un jour des solutions jusqu'à présent inespérées. Il ne faut pas oublier l'entourage des malades, dont la vie devient très difficile.
Un plan de lutte contre la maladie d'Alzheimer devrait donc avoir pour priorités la recherche du traitement, l'aide aux familles, pour que les malades restent autant que faire se peut à domicile, mais aussi la multiplication des établissements spécialisés, qui ne doivent pas être trop éloignés du domicile de la famille.
Le Président de la République, qui a fait de ce combat une de ses priorités, a demandé au professeur Ménard de lui remettre un rapport visant à jeter les bases d'un « plan Alzheimer ». Ce rapport est actuellement examiné par le Comité national d'éthique, dont je fais partie.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous en présenter les grands axes et le calendrier de mise en oeuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le député, vous avez parfaitement analysé, car vous connaissez remarquablement ce dossier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), les ravages causés par la maladie d'Alzheimer.
Dans le rapport qu'il a remis le 8 novembre dernier au Président de la République, le professeur Joël Ménard recommande une approche globale et transversale de cette maladie, suivant les orientations que vous avez décrites. Tout d'abord, il relève l'importance de la recherche fondamentale et se prononce en faveur de partenariats entre recherche publique et recherche privée. Il souligne ensuite le rôle central du médecin traitant dans la prise en charge du malade et souhaite la généralisation de centres « mémoire » sur l'ensemble du territoire, ainsi que l'ouverture d'un centre national de prise en charge des malades jeunes – car, on l'ignore trop souvent, la maladie d'Alzheimer frappe aussi des personnes jeunes.
Il faut aider les malades par le biais d'un portail unique d'information, assurant la liaison entre les secteurs médical, médico-social et social, mais aussi les aidants, en développant les alternatives à la prise en charge comme les centres d'hébergement temporaire et les nouveaux métiers que cette maladie va générer.
Nous allons maintenant étudier en détail ce plan, qui couvrira la période 2008-2012, et travailler sur tous ces axes avec le Gouvernement, en particulier avec Valérie Pécresse pour ce qui concerne la recherche et avec Xavier Bertrand et Valérie Létard pour ce qui concerne les secteurs social et médico-social.
Les propositions du professeur Ménard ont soulevé un immense espoir, monsieur Debré. Nous n'avons pas le droit de décevoir, et nous ne décevrons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports. Au risque de surprendre ceux qui nous écoutent, je vous signale, mes chers collègues, qu'il y a aussi d'excellentes nouvelles en France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous rentrez, monsieur le secrétaire d'État, du salon aéronautique de Dubaï, où Airbus vient de signer une commande historique – je dis bien historique – de soixante-dix A 350 et onze A 380 par la Compagnie Emirates. S'y ajoute une commande de soixante-dix A 320 et trente A 350 par la compagnie Dubaï Aerospace. N'est-ce pas une bonne nouvelle ?
Ces commandes, qui complètent celle, récente, du Qatar, sont un succès considérable pour l'avionneur européen, dans lequel, vous le savez, la France joue un rôle prépondérant. Elles assurent le succès des deux avions les plus modernes du monde. Surtout, elles constituent le socle d'un plan de charge à moyen et long terme. C'est donc une source d'espoir pour la filière, inquiète de bruits médiatiques récents – que cette assemblée ne s'est pas privée de répercuter – et de la nécessaire restructuration d'Airbus. Je pense bien entendu aux salariés de l'entreprise…
…mais aussi à tous les sous-traitants, du Sud-Ouest et d'ailleurs, soumis au plan Power 8 et qui s'inquiètent de ses conséquences.
Monsieur le secrétaire d'État, vous qui avez vécu en direct ce succès commercial, pouvez-vous nous en préciser les conséquences en termes de plan de charge, d'emploi et de chiffre d'affaires, et nous dire en quelques mots ce que l'État français, actionnaire d'EADS, donc d'Airbus, envisage comme partenariat avec la filière pour lui permettre d'être compétitive dans cet immense défi technologique et commercial de portée internationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez raison, monsieur Léonard, cette commande par Emirates de cent vingt A 350, qui ne voleront que dans quelques années, et de onze A 380, qui représente environ 23 milliards d'euros, est une commande exceptionnelle.
Vous l'avez également rappelé, un fonds d'achat de Dubaï Aerospace a pour sa part commandé cent vingt A 350. S'y ajoutent la commande passée ce matin même par la compagnie yéménite, la commande d'Oman Air de cinq A 330, et celle d'une compagnie pakistanaise de huit A 320. Ainsi, en trois jours, dans le cadre de ce salon qui n'est pas terminé, l'industrie européenne – donc française – a réalisé 290 commandes et 70 options.
Je crois que nous pouvons applaudir les ingénieurs, les techniciens et les ouvriers d'Airbus, dont c'est le succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons été heureux, Hervé Morin, Hervé Novelli et moi-même, de le partager à Dubaï.
Tout ne sera pas facile pour autant, car les commandes se font en dollars, dont vous connaissez le cours par rapport à l'euro. C'est donc une prouesse industrielle qui va être demandée à EADS et à Airbus.
Airbus a enregistré à ce jour 1 156 commandes, ce qui lui assure, monsieur Léonard, six années complètes de plan de charge. Le Premier ministre avait annoncé dans la région PACA un plan d'action pour la sous-traitance. Nous allons pouvoir le mettre en oeuvre entièrement, ce qui signifie, dans toutes les régions de France et dans tous les pôles aéronautiques, des embauches, plus d'emplois, pour Airbus et pour tous les sous-traitants,…
…et une grande réussite pour notre industrie ! Cela méritait d'être dit devant l'Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. François Hollande. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, six mois après l'élection présidentielle, la France connaît un grave et profond malaise social.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ne serait-ce pas plutôt le parti socialiste ?
Il porte d'abord sur la question du pouvoir d'achat, qui était au coeur de la campagne présidentielle, et à laquelle aucune réponse n'est apportée aujourd'hui, que ce soit aux salariés du secteur privé, qui ne peuvent toujours pas décider du volume de leurs heures supplémentaires, aux fonctionnaires dont on supprime les postes, mais dont on n'augmente pas les traitements, ou aux retraités, qui sont les principales victimes des franchises médicales. La question du pouvoir d'achat est encore avivée par la hausse du prix des carburants, et on convoque le président de Total sans rien lui demander que de lisser les hausses de prix !
Le malaise concerne un certain nombre de catégories sociales, qui sont confrontées à des « réformes » – nous dit-on –, engagées sans aucune concertation, sans aucun dialogue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il ne s'agit pas simplement des agents relevant des régimes spéciaux, mais aussi des avocats (Mêmes mouvements), qui ne sont généralement pas les plus prompts à descendre dans la rue, des magistrats, des professionnels de santé et des étudiants. Alors que règne aujourd'hui un tel malaise,…
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Au PS ?
…force est de le constater, ce n'est pas l'idée de réforme qui est en cause, mais votre méthode et le contenu même de votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Votre méthode – et vous l'avez démontré ces dernières semaines – est caractérisée par l'arbitraire et l'autoritarisme. Ainsi en est-il de la carte judiciaire : vous avez convoqué les élus, sans jamais aucune discussion. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Et le verdict est tombé : nombre de tribunaux vont fermer ! Certes, on convoque – soyez-en fiers – les députés de la majorité avant ceux de l'opposition pour leur annoncer la mauvaise nouvelle. (Mêmes mouvements.) C'est aussi l'arbitraire et le défaut de concertation, quand un dirigeant syndical, qui n'est pas le plus radical,…
Posez votre question, monsieur Hollande ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
…M. Chérèque, dit qu'il veut négocier et discuter, mais qu'on le pousse à la grève.
C'est le contenu de votre politique qui est en cause : après avoir accordé 15 milliards de cadeaux fiscaux, comment voulez-vous appeler à la solidarité, à l'effort, au sacrifice ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, il n'est pas trop tard : si vous voulez éviter l'agrégation des conflits, n'oubliez pas deux principes manquent à vos réformes, la justice sociale et le sens de la négociation ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.
Monsieur Hollande,…
C'est de M. Fillon que j'attends une réponse ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se lèvent et protestent.)
…vous avez parlé tout à l'heure de négociation : nous n'avons pas fait le choix des 35 heures imposées comme méthode de gouvernement ! (Exclamations et huées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – M. le ministre poursuit dans le brouhaha.) Sur un sujet aussi important que celui-ci, et vous le savez, monsieur Hollande, nous avons choisi la méthode de la négociation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
…car, lorsqu'on organise un débat parlementaire, on n'a aucune proposition de votre part ! S'agissant de justice sociale, il serait intéressant que vous nous disiez si, oui ou non, vous êtes favorable aux quarante annuités pour tous. Nous attendons toujours votre réponse !
Quant à la négociation, nous avons joué comme jamais la carte de la concertation, et nous avons rencontré les partenaires sociaux : cela étant, vous savez pertinemment que l'ensemble des syndicats ne souhaite pas la négociation tripartite dont vous parlez. Voilà pourquoi je recevrai les uns, puis les autres. (Les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, toujours debout, scandent : « Fillon ! Fillon ! »)
Enfin, monsieur Hollande, vous êtes à la tête du parti socialiste depuis dix ans, et aucune réforme n'a été proposée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous n'avez même pas accompagné, ne serait-ce qu'une seule réforme, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent. – Huées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité. J'espère que cette question, du fait de son importance, sera l'objet d'un plus grand consensus. (Sourires.)
Les lois votées en 1987 et en 2005 ont posé le principe de l'accès à l'emploi pour les personnes handicapées, et son principal objectif était d'atteindre 6 % d'emplois occupés par les personnes handicapées. Or nous sommes loin du compte, puisqu'il n'y a aujourd'hui que 4,1 % de personnes handicapées employées dans le secteur privé, et 3,7 % dans le secteur public, ce qui représente à peu près 715 000 personnes. Le taux de chômage des personnes handicapées est d'environ 19 %, soit deux fois plus que pour les personnes valides. Les handicapés cumulent en effet de nombreuses difficultés, puisque plus de 80 % d'entre eux ont un niveau de qualification inférieur au BEPC.
Au-delà des nouveaux principes qu'elle a instaurés, la loi du 11 février 2005 a suscité un espoir en renforçant l'obligation d'employer des travailleurs handicapés dans les secteurs public et privé. La contribution versée par les entreprises du secteur privé de plus de vingt salariés qui n'emploieraient pas 6 % de personnes handicapées, est ainsi passée de 500 à 600 fois le SMIC par bénéficiaire manquant.
Dans le secteur public, un fonds spécifique a été créé – le FIPHFP – afin de collecter les sommes correspondantes.
Ces nouveaux moyens ont été affectés au service de l'emploi des personnes handicapées, et les résultats sont encourageants : 590 millions d'euros ont été collectés par l'AGEFIPH, et 150 millions d'euros par le FIPHFP, ce qui a permis d'augmenter de 4 % le nombre de travailleurs handicapés et de diminuer de 8 % le nombre de chômeurs handicapés.
Toutefois, une société comme la nôtre peut et doit faire plus et mieux. Quelles initiatives entendez-vous prendre, madame la secrétaire d'État, afin d'accroître le taux d'emploi des travailleurs handicapés ? Comment comptez-vous améliorer leur environnement de travail pour favoriser leur accès à l'emploi ? Comment lèverez-vous les obstacles à leur insertion professionnelle ? Comment, enfin, augmenterez-vous leur niveau de qualification ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme vous l'avez rappelé, l'objectif de la loi du 11 février 2005 est l'accès de tous à tout. Et si, aujourd'hui, nous mettons l'accent sur l'accès à l'école, à l'éducation, à la culture et à la santé, un autre aspect essentiel est l'insertion professionnelle et le maintien dans l'emploi des personnes handicapées.
C'est pourquoi j'ai installé, le 23 octobre dernier, un comité de suivi de la politique du handicap et de sa mise en oeuvre. En son sein, un groupe de travail sera exclusivement réservé à l'articulation entre emploi et ressources liées au handicap : toute personne handicapée qui accède à l'emploi doit voir son revenu augmenter et non diminuer. Nous tiendrons l'engagement pris par le Président de la République d'améliorer le pouvoir d'achat des personnes handicapées. Tel est l'objectif que s'est fixé, pour 2008, ce groupe de travail.
Pour compléter ma réponse, madame Hostalier, nous avons retenu quatre pistes pour l'emploi des personnes handicapées, qui sont le fruit d'un travail collectif mené avec Xavier Bertrand, Christine Lagarde, Éric Woerth etAndré Santini.
La première piste porte sur l'amélioration de l'accessibilité des locaux professionnels, qui conditionne très largement l'accès au monde du travail. Car un poste de travail adapté, dans des locaux qui ne sont pas accessibles aux handicapés, pose problème
La deuxième piste concerne l'aide au recrutement dans les PME. Les petites, très petites et moyennes entreprises sont de véritables gisements d'activités. Il nous faut, avec l'AGEFIPH, accompagner l'ingénierie de ces entreprises pour faire en sorte que l'absence d'une direction des ressources humaines n'agisse pas comme un obstacle au recrutement de personnes handicapées.
La troisième piste consiste à améliorer le niveau de qualification des personnes handicapées grâce à un meilleur accès à la formation professionnelle. Notre objectif est de mettre en place un partenariat, région par région, afin de mutualiser les politiques de formation.
La quatrième piste vise à mettre en place un accompagnement personnalisé dans la recherche d'emploi, grâce à des bilans d'employabilité.
En cette semaine de promotion et de valorisation de l'insertion des personnes handicapées, je lance un appel à toutes les entreprises : « Osez recruter ! Il faut franchir le pas ! » J'espère qu'elles m'entendront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), à qui je donne ainsi l'occasion de se racheter ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La question de François Hollande, adressée au Premier ministre – lequel conduit la politique de la nation – portait sur la méthode employée par son gouvernement. La question que je vais lui poser concerne aussi l'ensemble de la politique du Gouvernement, et le pouvoir d'achat, qui est au premier rang des préoccupations de la majorité de nos compatriotes.
En 2006, le pouvoir d'achat moyen des ménages de salariés a baissé. À l'occasion de la Conférence « Emploi-pouvoir d'achat » du 23 octobre dernier, une donnée inquiétante a été présentée par l'INSEE : il s'agit de l'évolution du poids des dépenses incompressibles, c'est-à-dire des dépenses obligatoires dans le budget des ménages. Pour un quart d'entre eux – c'est-à-dire pour les plus modestes –, la part des dépenses incompressibles est passée, entre 2001 et 2006, de 50 % à 75 % ! Cela revient à dire qu'en moyenne, les trois quarts des ressources sont déjà dépensées quand tombent les salaires et les pensions !
Face à l'aggravation dramatique de la situation de tant de familles, désormais plongées dans l'angoisse du lendemain, êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à augmenter significativement l'allocation logement, la prime pour l'emploi et l'allocation de rentrée scolaire ? Pour financer ces mesures, qui encourageraient la consommation des familles, il suffirait d'annuler les milliards d'euros de cadeaux fiscaux – inutiles – que vous avez votés en faveur de nos compatriotes les plus aisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ma seconde demande, formulée dans une proposition de loi du groupe socialiste dont nous débattrons le 29 novembre dans cet hémicycle, vise à généraliser le chèque-transport, mis en place par le précédent gouvernement, mais rendu inopérant par son caractère facultatif : son financement pourrait aisément être assuré par une taxation exceptionnelle des superprofits réalisés cette année par l'industrie pétrolière !
Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous ces propositions, simples et aisément finançables, qui bénéficieraient à une grande majorité des familles françaises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Si le pouvoir d'achat est au coeur de l'action du Gouvernement, et je vais vous en apporter la preuve. Nous nous battons comme jamais personne ne s'est battu pour le pouvoir d'achat. Ainsi, grâce aux dispositions applicables aux heures supplémentaires, il est désormais possible de travailler plus pour augmenter sa rémunération de 10 à 15 %.
Nous combattons également l'augmentation des prix du pétrole. Christine Lagarde a reçu récemment l'ensemble des industriels du secteur, et nous mettons en place un certain nombre de mesures orientées vers les plus démunis, comme la revalorisation prochaine de la prime à la cuve ou le lissage des fluctuations de prix. La fiscalité écologique, décidée dans le cadre du Grenelle de l'environnement et dont nous aurons à discuter bientôt, va également dans ce sens, celui d'une société plus juste et moins consommatrice de pétrole.
En ce qui concerne la lutte contre la vie chère, des négociations sont en cours avec les fournisseurs pour faire diminuer les prix dans la grande distribution, et Christine Lagarde et Luc Chatel présenteront un projet de loi sur le problème des marges arrière.
Nous avons pris des mesures très concrètes. Ainsi, dans le budget 2008, la prime pour l'emploi est augmentée de 260 millions d'euros. De même, grâce aux efforts de Martin Hirsch, le revenu de solidarité active, auquel sont attachés les élus de droite comme de gauche, va être expérimenté dans les départements, et peut-être généralisé dans les mois et les années qui viennent. Enfin, des négociations sont en cours sur les salaires, que ce soit dans le domaine public ou privé.
Comme vous pouvez le constater, le pouvoir d'achat est au coeur de l'action du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Sur cette question, nous ne vous avons pas attendus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pouvoir d'achat
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Rudy Salles.)
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'agriculture, à la pêche, à la forêt et aux affaires rurales.
La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission, des finances, de l'économie générale et du plan, pour l'agriculture, la pêche, la forêt, et les affaires rurales et le développement agricole et rural.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, mes chers collègues, les crédits dont je suis rapporteur spécial sont ceux de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dite APFAR, et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », le CASDAR.
Je présenterai les principales caractéristiques du projet de budget pour 2008, puis, j'insisterai sur le nécessaire renforcement de la promotion du modèle agroalimentaire français et la contribution du ministère de l'agriculture à la réforme de l'État, enfin, j'évoquerai brièvement les grands défis que notre agriculture aura à relever dans les années à venir.
D'un montant total de 2 988,5 millions d'euros prévu en 2008, les crédits de la mission APFAR et du CASDAR représentent une faible partie de l'effort public en faveur du secteur agricole. Il faut en effet leur ajouter les crédits de la PAC : 9,8 milliards d'euros, ceux des collectivités territoriales : 1 milliard, ainsi que les contributions publiques au financement du Fonds de financement de la protection sociale agricole – le FFIPSA –, pour environ 12 milliards d'euros, les crédits du ministère de l'agriculture hors mission APFAR et CASDAR : 2 milliards d'euros et 3,8 milliards de dépenses fiscales. C'est donc un effort très important qui est consacré au développement de l'agriculture, de la pêche, de la forêt et de la ruralité.
S'agissant des efforts consentis par le ministère, au-delà du périmètre budgétaire dont je suis le rapporteur spécial, je tiens à saluer la progression de près de 2 % des crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles dans un contexte budgétaire contraint. Comme vous, monsieur le ministre, je pense que ce sont là des dépenses d'avenir, qui doivent être considérées comme prioritaires, lesquelles s'inscrivent, il convient de le souligner, dans la suite logique des efforts conduits ces dernières années dans ce domaine, notamment pour l'enseignement supérieur agricole. J'apporterai un seul bémol sur lequel, je le pense, notre collègue Marc Censi, entre autres, aura l'occasion de revenir : il concerne la situation budgétaire de l'enseignement technique agricole.
Je dirai un mot du CASDAR. Les recettes du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » sont constituées par 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles, soit 102,5 millions d'euros prévus en 2008. L'objectif général du CASDAR est essentiel, puisqu'il doit accompagner le monde agricole afin qu'il se prépare aux évolutions futures : adaptation aux risques, développement durable, innovation. Ces actions seront menées avec l'appui des chambres d'agriculture.
Les crédits de paiement de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » sont en recul de 2,1 %, qui les ramène à 2 878 millions d'euros. Cette réduction s'explique notamment par une opération budgétaire exceptionnelle. En effet, dans ce projet de loi de finances, les crédits d'intervention des offices agricoles diminuent de 68 millions d'euros par rapport à 2007, mais se verront restituer en contrepartie, en cours d'année, le produit de la vente de l'ancien siège de l'Office national interprofessionnel des céréales – l'ONIC –, immeuble situé dans le VIIe arrondissement de Paris, ainsi que le ministère du budget s'y est engagé ; votre rapporteur y veillera.
La nécessité de recourir à une ressource extrabudgétaire pour financer le budget courant du ministère traduit le caractère extrêmement contraint de ce budget.
Au-delà des contraintes pesant sur l'ensemble de nos finances publiques, la situation du budget de l'agriculture est particulière. En effet, le ministère de l'agriculture gère le vivant ; il est le seul dans ce cas et se doit d'être présent et réactif. Il doit régulièrement faire face à des crises, qu'elles soient climatiques, sanitaires ou de marché. Elles sont le plus souvent prises en charge par le seul ministère de l'agriculture, qui ne reçoit pas du budget de l'État des dotations suffisantes pour y faire face. Le présent projet de loi de finances l'illustre bien : si les crédits destinés à inciter au développement de l'assurance récolte sont en progression, passant de 30 à 32 millions d'euros, le Fonds national de garantie des calamités agricoles – le FNGCA – n'est pas doté. La sous-dotation du budget de l'agriculture, depuis plusieurs décennies, se traduit par des reports de charges budgétaires d'une année sur l'autre, qui le grèvent lourdement et entravent sa capacité de réaction. Notre pays se doit d'être vigilant sur ce point, et modifier ce qu'il faut bien appeler une regrettable habitude. Il y va de la capacité de la France à anticiper et à relever les grands défis auxquels son agriculture va être confrontée. L'évaluation de ces reports de charges reste, de plus, incertaine. Le rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel concernant l'année 2006 évaluait à 474 millions d'euros les reports sur 2006. Selon les informations que j'ai pu recueillir, les reports de charges pourraient dépasser 1 milliard d'euros fin 2007. Dans les mois qui viennent, je souhaite donc étudier ce point au plus près, en collaboration avec vous, monsieur le ministre, afin que votre budget soit véritablement «rebasé » en 2009 ou dans les années futures. L'une des pistes qui pourrait être explorée est la possibilité de pré-affecter les crédits du ministère mis en réserve pour financer des mesures de crise. En outre, il pourrait être envisagé de solliciter davantage la solidarité nationale en cas de crise. Il ne revient pas au seul ministère de l'agriculture de faire face à toutes les crises qui nécessitent, bien souvent, la solidarité nationale.
Quoi qu'il en soit, il me paraît plus que nécessaire de travailler au retour de bases budgétaires plus claires pour l'avenir afin de mieux répondre aux défis et aux opportunités qui se présenteront pour notre agriculture et afin de vous donner, monsieur le ministre, une véritable marge de manoeuvre en début d'exercice pour réagir à ces crises inévitables.
Malgré les contraintes que je viens d'évoquer, le projet de budget préserve l'essentiel des mesures à destination du monde agricole. Je pense que vous l'évoquerez.
Les principaux dispositifs évoluent de la manière suivante : la division par deux des crédits de l'aide en faveur du redressement des exploitations en difficulté – AGRIDIFF – qui seront de 5 millions d'euros en 2008, est le fruit des arbitrages rendus nécessaires par la contrainte budgétaire globale ; la progression des crédits de paiement destinés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage – PMBE –, de 35 à 46 millions, est destinée à résorber la file d'attente constituée en 2006 et 2007. L'Union européenne poursuit le cofinancement de la prime herbagère agro-environnementale – la PHAE – grâce à une réserve de crédits communautaires qui permettra l'engagement de 457 millions d'euros en 2008. La mesure rotationnelle ne fera l'objet d'aucun nouvel engagement à compter de 2008, mais les engagements passés continueront bien sûr à être honorés à hauteur de 4,5 millions en 2008. Les indemnités compensatrices de handicap naturel – ICHN – sont stabilisées à 232 millions d'euros. L'effort en direction de la pêche est maintenu, avec une dotation en légère hausse, à plus de 60 millions. Le financement de la part nationale supplémentaire à la vache allaitante – PNSVA – est stable, à 165 millions d'euros.
Tels sont les grands traits de ce budget.
Je souhaite maintenant, dans le temps qui m'est imparti, insister notamment sur la nécessité pour la France de promouvoir son agriculture et son secteur agroalimentaire.
À cet égard, le budget du ministère de l'agriculture doit s'inscrire dans une véritable stratégie nationale de soutien. Notre pays est en effet l'un des rares à disposer d'un véritable modèle alimentaire, ce qui est une chance face à l'évolution prévisible de la demande alimentaire mondiale. La promotion de ce modèle passe par quatre vecteurs principaux. Premièrement, la communication autour de l'agriculture et du monde rural : force est de constater que l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale – AFICAR – n'a pas les moyens de coordonner l'ensemble des actions de communication.
À ce titre, j'envisage de mener, en tant que rapporteur spécial, une étude afin d'identifier les crédits publics concourant à la communication autour de l'agriculture et de réfléchir, avec vos services si vous en êtes d'accord, à une meilleure mutualisation. Deuxièmement, la promotion des signes de qualité : la réforme engagée par l'Institut national de l'origine et de la qualité mérite d'être saluée. L'INAO a en effet fusionné avec la Commission nationale des labels et des certifications, la CNLC. L'INAO réformera en 2008 les procédures d'agrément et de contrôle et est doté d'un budget de 15 millions d'euros que j'espère suffisant. Je crois savoir, monsieur le ministre, que vous aviez demandé un effort supplémentaire, qui n'a malheureusement pas pu être satisfait en raison des contraintes budgétaires. Il faut toutefois saluer ce travail. Troisièmement, le soutien aux industries agroalimentaires : rappelons-le, mes chers collègues, il s'agit de la première industrie nationale en termes de chiffre d'affaires et du deuxième employeur industriel français avec plus de 420 000 salariés. Là aussi, une vraie politique des filières, « de la fourche à la fourchette » s'impose. J'ai lancé en mai 2005, lorsque j'étais secrétaire d'État, le partenariat national pour le développement des industries agroalimentaires – PNDIAA – en concertation avec tous les acteurs de l'agroalimentaire. L'objectif, en termes d'emplois, était un accroissement net de 80 000 salariés en dix ans, pour atteindre environ 500 000 emplois. Cet objectif possible et raisonnable passe par une reconquête de parts de marché, la France n'étant plus que le troisième exportateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires, derrière les États-Unis et les Pays-Bas, ce qui est tout de même honorable, même si elle reste le premier exportateur mondial de produits agroalimentaires transformés.
La délégation interministérielle aux industries agroalimentaires et à l'agro-industrie, créée en novembre 2005, entend notamment relancer le PNDIAA qui a démontré son utilité depuis sa mise en oeuvre, ce dont je me félicite. Quatrièmement, enfin, la promotion à l'international est essentielle, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre. La réduction des crédits qui y sont consacrés en 2008 – de 20,3 % en autorisations d'engagement et de 18,4 % en crédits de paiement – s'explique essentiellement par la réduction des crédits d'intervention des offices, déjà décrite. Il me paraît essentiel de rétablir le soutien des offices à la promotion internationale au niveau de 2007 au cours de l'exercice budgétaire, en fonction de la restitution du produit de cette cession qui a fait l'objet d'un engagement du ministère des comptes publics.
Enfin, je dirai quelques mots de la contribution du ministère de l'agriculture à la réforme de l'État.
À partir de 2008, la gestion de l'ensemble des crédits de personnel de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » relèvera du programme support « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture ». Cette décision bienvenue simplifiera la cartographie des budgets opérationnels de programme, en confiant au seul niveau régional la responsabilité des BOP déconcentrés. La commission des finances a salué cette démarche.
En outre, le ministère participe à l'effort de meilleure gestion des effectifs, puisque 575 postes, dont 200 vacataires, ne seront pas remplacés en 2008.
Par ailleurs, une expérience intéressante est menée depuis janvier 2006 : le ministère chargé des transports et de l'équipement et le ministère de l'agriculture ont engagé la fusion des directions départementales de l'équipement – les DDE – et des directions départementales de l'agriculture et de la forêt – les DDAF – dans huit départements, je crois avec succès. Je vous remercie de nous le confirmer, monsieur le ministre. Je ne peux donc que vous encourager, au nom de la commission des finances, à poursuivre dans cette voie.
De leur côté, les offices agricoles poursuivent leur réforme. Ils ont été rassemblés en trois pôles : un pôle élevage – l'ONIEP – un pôle grandes cultures – l'ONIGC – et un pôle fruits et légumes, vins, horticulture – VINIFLHOR. Ils ont été réunis à Montreuil, sans difficulté particulière, alors même qu'il s'agit d'une « petite révolution » dans le fonctionnement quotidien. À moyen terme, cette réforme présente, là aussi, des vertus budgétaires.
En matière de gestion immobilière, le ministère cherche à rassembler sur deux sites ses implantations, aujourd'hui éclatées en une dizaine de lieux. C'est une bonne démarche. Pour ce faire, l'acquisition semble avoir été préférée à la location. Je m'interroge sur ce point, alors que certaines opérations de rénovation peuvent paraître urgentes.
Ainsi, les retards d'investissement et parfois la vétusté de certains locaux d'enseignement supérieur agricole et vétérinaire deviennent préoccupants. Il serait souhaitable que les futures cessions d'actifs servent à financer des opérations de réhabilitation plutôt que les dépenses courantes. À ce titre, pourriez-vous vous engager, monsieur le ministre, à investir au cours des prochains exercices une somme au moins équivalente à ce que rapportera la vente de l'ancien siège de l'ONIC, ou en tout cas nous donner bon espoir ?
Plus globalement, le projet de budget pour 2008 doit permettre de préparer l'agriculture française à relever les défis considérables qui lui sont posés, défis qui sont autant d'opportunités pour notre modèle agroalimentaire et agricole.
L'agriculture devra en effet répondre au défi alimentaire mondial. La population mondiale va s'accroître de 3 milliards de personnes en cinquante ans, augmentant en conséquence très fortement les besoins de production agricole. La progression de la demande sera également qualitative : 450 millions d'Indiens et de Chinois ont d'ores et déjà un pouvoir d'achat comparable à la moyenne européenne, et orientent leur consommation vers des produits de qualité, dont la traçabilité est assurée. Une telle demande est une véritable chance pour notre pays, mondialement reconnu pour la sécurité sanitaire de ses produits alimentaires, pour leur traçabilité, pour l'excellence de son modèle alimentaire.
Il est important de privilégier une démarche de développement durable. Seule une agriculture protégeant et valorisant la biodiversité et les équilibres du paysage pourra satisfaire à la fois les besoins de production et les attentes de la société. La tenue récente du Grenelle de l'environnement a d'ailleurs accordé une place majeure à l'agriculture dans ses travaux.
L'agriculture devra contribuer au renouvellement des sources d'énergie comme à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les quelques interrogations suscitées par les biocarburants de première génération appellent un développement des biocarburants de deuxième génération. De même, il faut soutenir les efforts engagés récemment pour développer ce que l'on appelle la chimie du végétal, qui permet de substituer l'utilisation des matières végétales à celle des matières fossiles.
Enfin, la question de l'utilisation des terres agricoles et de l'équilibre entre productions à des fins alimentaires et productions à des fins non alimentaires devra être posée, dans un contexte de renchérissement de la demande alimentaire mondiale, d'augmentation du prix des matières premières et du besoin d'un développement durable.
S'agissant de la PAC, la Commission fera une première communication sur son bilan de santé le 20 novembre. Cela permettra à la France de préparer le grand rendez-vous de 2008, d'autant plus qu'elle assurera la présidence de l'Union européenne à partir du 1er juillet prochain. La France aura l'occasion de faire passer un certain nombre de messages auprès de nos partenaires, notamment sur la gestion des crises. C'est là aussi une occasion qu'il faut saisir, et donc préparer.
Consciente de la nécessité de préparer notre agriculture à ces défis, la commission des finances a, sur ma proposition, adopté les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » ainsi que du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». Je vous invite donc, mes chers collègues, à émettre un vote favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour l'agriculture, la pêche, la forêt et les affaires rurales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la première fois depuis de longues années que le budget de l'agriculture est présenté dans un contexte économique aussi favorable.
Ici même, l'an dernier, je déplorais les résultats économiques mitigés du secteur agricole, soulignant qu'ils se traduisaient par la baisse, pour la septième année consécutive, du revenu agricole moyen et par un ralentissement inédit de la production agricole.
Cette année, nous assistons à une spectaculaire envolée des cours qui tire l'ensemble du secteur vers le haut. Ainsi, en juillet, les prix pour les grandes cultures étaient en hausse de plus de 38 % par rapport à ceux de 2007, ceux des vins d'appellation de près de 10 %, et on a assisté en septembre à une augmentation des prix des fruits, des produits carnés, des oeufs, du beurre.
Bien sûr, la hausse du prix des céréales se répercute sur ceux des aliments pour animaux, qui enregistraient en juillet une hausse de plus de 12 % sur l'année, hausse qui affecte particulièrement et déséquilibre les exploitations d'élevage porcin et avicole.
Nous avons donc des raisons de nous réjouir, mais il convient néanmoins d'être extrêmement prudent face à une situation aussi volatile.
Tout d'abord, si cette hausse spectaculaire des prix des céréales résulte de la conjonction de plusieurs facteurs, à la fois économiques et climatiques, elle est aussi le résultat de forts mouvements de spéculation qui ont contribué à accroître l'orientation à la hausse des marchés mais qui pourraient tout aussi bien demain parier sur un retournement de tendance et finalement provoquer un effondrement des cours. Il ne faudrait pas en effet que la situation actuelle débouche sur une nouvelle période de volatilité des cours et d'instabilité des marchés.
C'est pourtant en s'appuyant sur cette nouvelle conjoncture économique que la Commission européenne entend proposer la révision à mi-parcours des instruments de régulation des marchés agricoles à l'occasion du bilan de santé de la PAC alors que, parallèlement, elle semble réticente à s'engager dans l'instauration de mécanismes de gestion des risques et des aléas au niveau communautaire.
Je note, monsieur le ministre, que vous souhaitez à ce propos être une force de proposition et que vous avez d'ores et déjà lancé les assises de l'agriculture, ce dont je vous félicite.
Si cette situation exceptionnelle doit grandement faciliter la tâche du ministère de l'agriculture et de la pêche en 2008, il faut espérer qu'elle se confirmera l'année prochaine et qu'aucune crise sanitaire ou sectorielle ne viendra contredire les prévisions. L'année 2007 n'a en effet pas été très florissante pour les finances du ministère et celui-ci aborde le nouvel exercice budgétaire avec des marges de manoeuvre financières réduites et donc des possibilités d'intervention restreintes.
Par ailleurs, alors que les orientations gouvernementales sont clairement dirigées vers la réduction des déficits et la maîtrise de la dépense publique, le ministère de l'agriculture et de la pêche doit se contenter d'une enveloppe en baisse de 2,1 % en crédits de paiement pour la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».
Aussi a-t-il dû opérer des choix stratégiques parmi ses multiples axes d'intervention, en privilégiant les dispositifs les plus emblématiques et les plus efficaces, notamment ceux qui bénéficient d'un effet de levier grâce aux cofinancements communautaires. Je pense en particulier aux aides à la modernisation des exploitations, dont la hausse sensible des moyens permettra de résorber les files d'attente qui se sont formées sur certains dispositifs, mais également à la politique d'installation, aux mesures agroenvironnementales et au soutien aux zones de montagne défavorisées.
Je ne reviendrai pas sur la diminution de 9,2 % en crédits de paiement des moyens affectés au programme 227 et tout particulièrement, en leur sein, au budget d'orientation et d'intervention des offices agricoles. M. Forissier l'a souligné, c'est un mode de financement peu orthodoxe qui a été choisi.
Nous allons ensemble l'observer avec beaucoup d'attention.
La baisse constatée sur le programme 227 intervient après que plusieurs crises sectorielles ont touché notre territoire cette année, avec parfois des conséquences budgétaires importantes. Je pense notamment au plan proposé au secteur ovin à la suite de la crise de la fièvre catarrhale, doté de 12 millions d'euros, mais on pourrait également citer les mesures de distillation en alcool de bouche pour la viticulture ou encore le soutien à la filière des veaux de boucherie.
À cet égard, il convient de rendre hommage au ministre de l'agriculture et de la pêche, qui a toujours su répondre aux sollicitations des agriculteurs en difficulté et mobiliser ses services, non seulement pour trouver des solutions concrètes aux problèmes rencontrés mais, au-delà, pour engager les réformes nécessaires et développer une vision prospective des besoins et des ambitions de l'agriculture française.
Monsieur le ministre, vous nous l'avez dit en commission, votre action s'inscrit dans le cadre d'un grand projet alimentaire, agricole et rural que vous souhaitez promouvoir au niveau national comme au niveau communautaire et à tous les échelons de votre administration. Nous vous en sommes reconnaissants, mais, nous vous parlons avec franchise, nous sommes également inquiets des baisses de crédits observées cette année.
En effet, comme je l'ai dit en introduction, la conjoncture actuelle ne doit pas nous conduire à baisser la garde face aux défis qui attendent l'agriculture de demain.
Ces défis, quels sont-ils ?
Il y a d'abord un défi sociétal, qui ressort des discussions menées récemment lors du Grenelle de l'environnement. C'est le premier défi pour notre agriculture, qui doit répondre aux attentes.
À cet égard je ferai juste une parenthèse. Il y a quelques heures encore, j'étais en déplacement dans le Bas-Rhin avec mon collègue Jean Gaubert, à la demande du président de la commission, Patrick Ollier, pour contrôler l'application de la loi d'orientation agricole. En rencontrant des exploitants qualifiés en agriculture biologique et en agriculture raisonnée, nous avons pu constater que les annonces suscitent à la fois beaucoup d'attentes sur le terrain et un certain nombre d'interrogations, aussi bien pour les objectifs fixés que pour les moyens de les réaliser.
Ainsi, le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, maintenu en 2008, qui devrait coûter à l'État environ 10 millions d'euros, n'est pas compatible avec l'aide au maintien prévue dans le cadre des dispositifs déconcentrés du PDRH, le plan de développement rural hexagonal, et mise en oeuvre dans deux régions, Poitou-Charentes et Bretagne. Ce crédit d'impôt reste-t-il pertinent ? Sera-t-il reconduit, et selon quelles modalités ?
Plus généralement, plusieurs questions se posent sur la mise en oeuvre du plan de développement rural hexagonal. Ainsi, s'agissant de la PHAE, la renationalisation de la prime à l'herbe nous avait été annoncée dès la discussion du projet de loi de finances pour 2007. Or on s'aperçoit, à la lecture du projet annuel de performances, que vous avez à nouveau choisi le cofinancement. Que s'est-il passé entre-temps ? Pourquoi ce changement de stratégie ? Est-il lié à l'abandon de la MAE rotationnelle ?
Enfin, en ce qui concerne les ICHN, l'objectif était d'augmenter de 50 % le taux de majoration applicable aux vingt-cinq premiers hectares. Nous constatons que nous sommes en dessous de cette annonce. Qu'en est-il exactement ? L'objectif est-il toujours d'actualité ?
Le deuxième défi majeur qui attend l'agriculture française et européenne, c'est la gestion des risques et des aléas.
À cet égard, la hausse de 2 millions d'euros des crédits consacrés au développement de l'assurance récolte constitue un signal positif, à défaut d'être véritablement déterminant. Là encore, la bonne conjoncture actuelle pourrait reléguer cette question au second plan, la meilleure assurance étant pour beaucoup d'avoir un bon marché, un bon prix pour les produits. Toutefois, si l'on doit s'orienter, comme le préconise le rapport du sénateur Dominique Mortemousque, vers l'abandon du régime des calamités agricoles et une diffusion rapide de l'assurance récolte, il faudra en revoir les cadres.
De nombreuses questions concernant les modalités concrètes de cette diffusion sont par ailleurs encore en suspens. Alors que l'on trouve les pourcentages les plus élevés de surfaces assurées en grandes cultures, comment inciter les cultures spécialisées à s'assurer ? Comment convaincre également les petites exploitations, qui sont le plus souvent au forfait et ne peuvent pas amortir le coût de l'assurance, à néanmoins franchir le pas et à s'orienter vers ce mode de couverture de risque ? Une modulation du taux d'aide de l'État est-elle envisagée par le ministère pour répondre à ces cas de figure ? Je pense en particulier au secteur de l'agriculture biologique, qui, en renonçant à la fois à un certain nombre de progrès génétiques et aux produits phytosanitaires, prend des risques supplémentaires. Faudrait-il prévoir un dispositif particulier pour le bio ?
J'en viens au troisième défi que devra relever l'agriculture : la valorisation des produits agricoles et forestiers.
Cette année, l'État fournit un très gros effort financier en faveur de l'ONF, qui se traduit par une subvention supplémentaire de 26 millions d'euros au titre des pensions des fonctionnaires de l'établissement. Le développement économique de la filière bois-forêt n'en constitue pas moins une priorité, avec notamment une hausse des crédits au bénéfice du plan de relance de la compétitivité des scieries, maillons essentiels de la valorisation des produits forestiers, la préservation des crédits en faveur du développement des usages de la biomasse ou encore de nouvelles mesures pour l'investissement sylvicole.
On constate toutefois que l'État continue de privilégier ses instruments d'action classiques – établissements publics, centres techniques, associations et coopérations forestières –, alors que, parallèlement, apparaissent dans ce secteur des acteurs privés, comme les experts forestiers, qui ne bénéficient d'aucun soutien public.
Alors qu'en 2009, dix ans après la tempête de 1999, le plan chablis approchera de son terme, de même que plusieurs autres dispositifs mis en place par la loi d'orientation sur la forêt, n'est-il pas temps, monsieur le ministre, de tirer le bilan des mesures mises en oeuvre ces dix dernières années et de réexaminer les modalités d'intervention de la puissance publique en faveur de la forêt ? Il s'agirait, entre autres, de tenir compte du fait que le marché du bois est actuellement à la hausse, ce dont les communes forestières ne peuvent que se réjouir.
Des orientations fortes sont également fixées en faveur du développement des biocarburants, ainsi que des mesures financières à la hauteur de ces orientations. Toutefois la conjoncture actuelle et les récentes remises en cause des « agrocarburants » nous imposent de nous interroger sur ces orientations. Ainsi, le coût pour les finances publiques de l'exonération partielle de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers pour les biocarburants devrait être de 1 milliard d'euros en 2008, contre 610 millions d'euros en 2007 et 259 millions d'euros en 2006. Cette réduction d'impôt, qui profite à soixante entreprises contribuables, et indirectement à l'ensemble du secteur agricole, est, aux termes de l'article 49 de la loi d'orientation agricole, « modulée en fonction de l'évolution des cours des matières premières agricoles et des énergies fossiles et de la productivité des filières agro-industrielles concernées. Elle doit permettre d'assurer la compétitivité des biocarburants par rapport aux carburants fossiles sans toutefois aboutir à une surcompensation de l'écart de prix de revient entre ces produits. » J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si ce mode de calcul est la cause de la hausse programmée du coût de l'allégement fiscal pour 2008, et quel bilan nous pouvons en tirer.
Je voudrais aborder en conclusion, après Nicolas Forissier, la question de la révision générale des politiques publiques. Puisque M. Forissier est entré dans les détails les plus précis, je me contenterai, monsieur le ministre, de vous demander quels enseignements vous tirez de l'expérimentation de fusion entre les directions départementales de l'agriculture et celles de l'équipement, actuellement menée dans huit départements, et s'il faut envisager de l'étendre à l'ensemble du territoire national.
Les défis auxquels l'agriculture est confrontée sont nombreux et j'en ai sans doute oublié. Nous avons la chance de bénéficier d'une conjoncture extrêmement propice à certaines réformes et certaines réflexions, comme celles qui s'annoncent dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Je n'ai aucun doute quant à la capacité du ministère de l'agriculture et à votre engagement, monsieur le ministre, de mener à bien notre projet pour l'agriculture française, et ce en dépit des baisses de crédits que nous constatons malheureusement cette année pour le budget de l'agriculture. C'est pourquoi la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » pour 2008, avis que je vous invite à suivre, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous ne quittez pas la tribune, monsieur Herth, puisque je vous donne à nouveau la parole, cette fois en tant que suppléant de M. Gilles d'Ettore, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour la pêche.
Suppléant en effet, monsieur le président, à l'absence de mon collègue Gilles d'Ettore, je vais vous donner la teneur de son avis.
Député de la septième circonscription de l'Hérault comprenant, comme vous le savez, les ports d'Agde et de Sète, deuxième port français de Méditerranée, mais également de Mèze, de Frontignan et bien d'autres, M. d'Ettore tient d'abord à rendre hommage à nos pêcheurs, qui exercent un métier difficile et pas toujours reconnu à sa juste valeur.
Il souligne que vous êtes, vous, monsieur le ministre, pleinement conscient des efforts fournis par les professionnels de ce secteur et convaincu de la nécessité de soutenir nos filières halieutique et aquacole, comme en témoigne votre engagement aux côtés des pêcheurs.
Cet engagement, on le mesure notamment à l'aune des crédits qui seront accordés à la pêche en 2008 – plus de 60 millions d'euros – alors que l'on aurait pu s'attendre à ce qu'ils subissent le même sort que ceux d'autres actions du programme 154, étant donné, en outre, la forte hausse déjà observée l'an passé. Cette hausse des crédits a contribué en 2007 à la mise en oeuvre du plan d'avenir pour la pêche ; leur consolidation dans le projet de loi de finances pour 2008 devrait notamment permettre de reconduire le plan de sauvetage et de restructuration, PSR, avec une enveloppe de 10 millions d'euros. Cette enveloppe servira à la réalisation d'audits financiers, au financement d'allégements de charges et à la modernisation d'environ 500 navires, afin de les réorienter vers des pêcheries moins sensibles et les rendre plus économes en carburant.
La question du carburant est en effet très sensible pour les pêcheurs : pour certaines techniques de pêche, comme le chalut, et dans certaines zones, comme la Méditerranée, le poste du gasoil peut en effet représenter jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires des navires.
M. d'Ettore souligne, monsieur le ministre, qu'il a pu mesurer la semaine dernière votre engagement sur ce sujet précis de la hausse du coût des carburants lorsque vous avez accompagné le Président de la République au Guilvinec pour rencontrer les marins pêcheurs en grève. Nous savons que vous n'avez pas épargné vos efforts pour avancer des propositions concrètes afin d'améliorer la situation et faire en sorte que les pêcheurs aient de réelles garanties pour leur avenir.
À cet égard, M. d'Ettore tient à rappeler que vous aviez déjà lancé un certain nombre de pistes devant le Conseil supérieur d'orientation des politiques halieutique, aquacole et halio-alimentaire réuni le 30 octobre dernier. Qu'il s'agisse de mesures ponctuelles, comme le report des cotisations sociales, la décision d'abonder la caisse de chômage intempéries ou l'exonération des charges portuaires, ou de mesures plus structurelles, comme la recherche d'une harmonisation entre le régime d'assurance chômage des marins et le régime de droit commun, ou encore le lancement d'une réflexion sur l'instauration d'un mécanisme assurantiel spécifique au secteur de la pêche, toutes ces propositions sont porteuses d'avenir.
Enfin, la création du Conseil de prospective et de stratégie des pêches maritimes permettra de mettre en oeuvre ce partenariat national pour la pêche. Le CPSPM rassemblera en effet professionnels, élus, scientifiques, pour qu'ils décident ensemble des réponses à apporter aux principaux enjeux concernant l'avenir des pêches maritimes : la gestion des ressources, la valorisation des produits, la réduction de la facture énergétique. Pouvez-vous à ce propos, monsieur le ministre, préciser les modalités d'intervention de cette nouvelle instance et ses priorités d'action pour 2008 ?
S'agissant des mesures annoncées mardi dernier, mon collègue s'interroge également sur les pistes qui pourraient être suivies pour instaurer un mécanisme de compensation de l'augmentation du prix des carburants qui soit compatible avec les règles communautaires. Pouvez-vous à ce stade nous en dire plus sur ce qui sera proposé aux pêcheurs à ce titre ? Où en sont d'autre part les travaux préparatoires à l'utilisation d'huiles végétales pures pour le ravitaillement des navires, conformément aux dispositions de la loi d'orientation agricole ?
Enfin, pour en revenir au projet de budget pour 2008, M. d'Ettore tient à signaler les fortes augmentations des crédits consacrés à la gestion de la ressource et au contrôle des pêches. La gestion de la ressource connaîtra en effet une hausse de plus de 250 % de ses crédits, qui nous permettra non seulement de remplir nos obligations communautaires en termes de recueil de données, et donc d'éviter à l'avenir tout contentieux avec la Commission européenne, mais également de renforcer la surveillance de la qualité sanitaire des ressources aquacoles. Quant au contrôle des pêches, ses crédits sont doublés à hauteur de cinq millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008. Là aussi, ces hausses de crédits permettront à la France de répondre aux nouvelles exigences de l'Union européenne concernant l'embarquement d'observateurs sur les navires et l'équipement des bateaux en cahiers de bord électroniques.
M. d'Ettore estime que ce nouveau renforcement des contrôles voulu par Bruxelles est malheureusement révélateur du climat de suspicion à l'encontre des marins pêcheurs, qui continue de régner du côté de la Commission européenne. Il espère cependant que la charte de contrôle élaborée par le ministère de l'agriculture et de la pêche et, plus généralement, le renforcement du dialogue entre les pouvoirs publics et les professionnels permettront d'apaiser les tensions dans ce domaine.
En effet, si les efforts financiers en faveur de la gestion de la ressource paraissent à tous indispensables pour nous permettre d'atteindre le rendement maximal durable des ressources halieutiques, comme la France s'y est engagée lors du sommet de Johannesburg, les moyens consacrés aux actions de contrôle paraissent parfois disproportionnés aux yeux des professionnels. Vous pouvez être sûr que ceux-ci sont cependant pleinement conscients de la rareté de certaines ressources, ne serait-ce que parce qu'elle se traduit par la précarité de leur outil de travail. Les pêcheurs d'anchois en savent quelque chose, eux qui se sont vu dénier par la Commission le droit d'aller en mer alors même que le stock d'anchois se reconstitue et qu'une pêche raisonnable, raisonnée et limitée de cette espèce dans le Golfe de Gascogne, comme le proposait la France, semblait possible. Là encore, monsieur le ministre, vous n'avez pas abandonné les pêcheurs, faisant valoir leurs arguments auprès de Bruxelles ou encore débloquant en leur faveur un soutien exceptionnel de 12 millions d'euros.
Monsieur le président, chers collègues, étant donné les évolutions positives du projet de budget concernant les crédits de la pêche et l'engagement personnel du ministre au service des pêcheurs, M. d'Ettore invite l'Assemblée à suivre l'avis favorable donné par la commission des affaires économiques en adoptant les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales pour 2008 ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans la discussion, la parole est à M. François Sauvadet, premier orateur inscrit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget intervient dans un contexte nouveau et tout à fait particulier, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, et comme chacun le sait ici : celui d'une année de grands rendez-vous pour la France et pour l'Europe, et d'un contexte économique marqué par le renchérissement du coût des matières premières et des denrées. Il ne s'agit pas là d'un fait purement conjoncturel, mais d'une tendance lourde, comme vous l'avez rappelé.
Parmi ces rendez-vous, je commencerai par le Grenelle de l'environnement, dans lequel les acteurs agricoles et ruraux se sont beaucoup investis. Il a donné lieu à des débats d'une bonne tenue. L'implication du monde agricole montre que des efforts ont été faits en France, notamment en matière d'agriculture raisonnée, dans un intérêt à la fois économique et écologique bien compris.
On a ainsi eu la démonstration que l'agriculture entendait assurer pleinement toutes ses missions, et d'abord celle de produire plus. Il faudra en effet être capable de répondre à la demande alimentaire mondiale, et la responsabilité de l'Europe sera grande dans ce domaine.
Il faudra aussi produire mieux, afin d'être au grand rendez-vous de la protection de notre environnement, tout en continuant d'occuper l'espace, et je voudrais insister sur ce dernier point : lorsqu'on parle d'agriculture, il faut aussi parler d'aménagement du territoire. L'agriculture reste en effet le dernier rempart face à la désertification de nos territoires, dont elle assure la valorisation par l'activité économique qu'elle génère, via un réseau de PME et de TPE. Nous devrons d'ailleurs, monsieur le ministre, mieux organiser nos filières, non seulement celle des fruits et légumes, dont on parle beaucoup, mais aussi toutes les autres. Il faut notamment encourager les microfilières, sources de valeur ajoutée – je pense ainsi à l'époisses, pour lequel le député de Côte d'Or que je suis éprouve un attachement tout particulier.
Même si le nombre d'agriculteurs a nettement diminué, ils sont encore plus de 800 000 équivalents temps plein à travailler dans ce secteur et autant dans l'agroalimentaire. C'est l'occasion de rappeler la vitalité et la performance de ce secteur, présenté parfois comme dépassé. L'agriculture reste une grande force économique et une grande chance pour la France et pour l'Europe. Dois-je rappeler que le secteur agricole et agroalimentaire reste largement excédentaire. Je souhaiterais à ce propos, monsieur le ministre, que vous engagiez avec votre collègue chargé du commerce extérieur une réflexion, dans le cadre de la réorganisation générale des politiques publiques, sur les moyens de mieux accompagner nos PME et nos TPE à l'export.
La diversité agricole et agroalimentaire française est une chance pour nos exportations. Il faudra là aussi conduire une réflexion plus globale sur le commerce extérieur français et les conditions dans lesquelles on va accompagner, voire restructurer cette activité, à travers le réseau de nos ambassades, voire avec l'appui des professionnels. Il y a là un travail à faire, et je serais très intéressé par votre réflexion sur ce sujet.
Ce contexte général durablement porteur pour l'agriculture est, bien entendu, celui d'une demande mondiale croissante, qui est une tendance durable. Nous devrions d'ailleurs engager aussi une réflexion sur les conditions de mobilisation de notre ressource. La question se pose notamment pour la forêt, à propos de laquelle je vous avais déjà interrogé. Il serait en effet très intéressant que vous puissiez nous indiquer les conditions générales de l'exploitation de nos forêts – non pas tant pour ce qui concerne l'éclatement de la forêt privée, dont l'exploitation rationnelle est parfois difficile, que pour ce qui est des conditions de mobilisation du bois. En effet, de nombreux professionnels s'interrogent aujourd'hui sur le renchérissement du bois et sur les exportations, ainsi que sur la gestion des forêts. Quel que soit notre attachement envers l'Office national des forêts, il serait utile de nous donner des précisions sur les conditions de mise en marché du bois.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Nouveau Centre reste très attaché aux engagements pris dans la loi d'orientation agricole en matière de débouchés non alimentaires : il importe de ne pas faire passer à la trappe l'effort qui a déjà été accompli pour les biocarburants et que le renchérissement durable du coût de l'énergie fossile ne rend que plus impératif de poursuivre. Sans doute faudra-t-il engager à cet égard une nouvelle réflexion, portant sur les conditions dans lesquelles nous progresserons aux côtés des industriels, mais, j'y insiste, nous devons nous garder de désarmer et respecter les engagements pris devant le Parlement à propos de l'introduction de biocarburants lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, où nous avions inscrit dans la loi des objectifs en la matière. Si nous voulons une énergie propre, les biocarburants restent une chance pour notre pays.
En tout état de cause, il ne faut pas opposer l'orientation alimentaire aux biocarburants ou aux nouveaux débouchés de l'agriculture, notamment en matière de recherche. Notre réflexion doit se situer au niveau plus global de l'avenir de la politique agricole commune et s'attacher à découvrir comment, après une période où nous avons dû gérer des excédents, nous pourrons gérer la recherche d'une croissance nécessaire. Tel sera l'enjeu des grandes négociations que vous aurez prochainement au niveau de la politique agricole commune, et c'est là le deuxième sujet que je souhaitais aborder.
Après le Grenelle de l'environnement et dans l'attente de la loi-cadre qui sera soumise au Parlement, je tiens à insister sur le fait que rien ne pourra se faire sans l'implication des agriculteurs et des professionnels et qu'il nous faut fixer des objectifs sérieux, pragmatiques, partagés et présentant nécessairement une dimension européenne, en matière notamment de recherche et d'OGM. Si légitime soit le débat qui s'engage dans le pays à cet égard, la recherche doit nous permettre de faire avancer la réflexion afin que nous puissions, lorsqu'une expertise partagée à l'échelle européenne nous aura donné l'assurance d'avoir satisfait à toutes les exigences et répondu aux préoccupations qui s'expriment, ne pas rester en retrait. Il nous faut en tout cas être très engagés sur cette question. Nous ne gagnerons pas la bataille de l'environnement sans les acteurs de l'économie – et pas, en particulier, sans les acteurs de l'économie agricole.
Ce contexte général nous invite à faire de la révision à mi-parcours de la politique agricole commune plus qu'un simple examen, un bilan de santé de la PAC. Le Président de la République a d'ailleurs dit lui-même, et je souscris à cette orientation, qu'il doit s'agir là d'un grand rendez-vous pour l'agriculture européenne et française. Comment allons-nous, dans ce contexte nouveau, préparer les grandes étapes de 2013 et de l'après 2013 – puisque nous avons déjà fixé une orientation générale ? Tel est donc l'enjeu de ce débat. Je sais bien, monsieur le ministre, que vous êtes engagé dans cette voie et je tiens à vous assurer que le groupe Nouveau Centre soutient l'action que vous menez pour que ce rendez-vous prenne en compte la nouvelle problématique environnementale et agricole mondiale.
À cet égard, je souhaite aussi que, lors des débats qui auront lieu dans le cadre de l'OMC, vous demandiez à nos partenaires de se fixer des exigences et des calendriers visant à ce que nos agriculteurs ne se voient pas imposer, en matière d'importations de produits agricoles et dans les échanges, des mesures de protection qui ne s'imposeraient pas à ceux qui entendent importer chez nous. Dans le cas contraire, en effet, on saisit l'incompréhension des consommateurs et la colère des producteurs auxquels on impose des contraintes que l'on n'impose pas à ceux qui viendraient commercialiser sur notre sol. C'est là un des véritables enjeux de ces débats.
Ce contexte porteur présente aussi, je l'ai dit, des éléments d'instabilité : vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, avec votre longue et solide expérience, les marchés de l'économie agricole sont des marchés hautement spéculatifs, à la baisse comme à la hausse. L'Europe doit se doter d'outils de régulation économique pour peser dans l'ordre du monde, à défaut de quoi se produiront, dans une tendance à la hausse des produits agricoles liée à la demande mondiale, des fluctuations telles qu'elles seront insupportables et destructrices pour certaines de nos filières qui ont besoin de tendances lourdes. Je souhaite que l'Europe ne se prive pas d'outils de régulation économique et qu'elle pèse dans l'ordre du monde, car tel est son rôle. La France ne peut le faire seule, mais c'est sa responsabilité de grand pays que de porter cette exigence au niveau européen.
Il y a aussi une bonne nouvelle : le fait d'avoir fait de la Pologne et des grands pays producteurs agricoles nos alliés, plutôt que de les désigner comme des concurrents potentiels. Nous avons des problématiques à partager et un avenir à construire ensemble. Je souhaite que ce dialogue nouveau qu'a voulu le Président de la République avec les grandes puissances agricoles de l'Europe soit prometteur d'un accord que nous pourrions trouver.
Face à cette instabilité des marchés, et si ferme soit la tendance porteuse, il nous faut être très engagés sur les outils à mettre au service de l'agriculture, comme les mécanismes de l'assurance récolte. Cela suppose une implication forte de la puissance publique. Je reconnais que, comme l'ont rappelé MM. les rapporteurs, un effort a été fait en ce sens. Cet effort est cependant limité. Or nous savons bien que nous ne pourrons pas gagner la bataille de l'assurance récolte sans un véritable partenariat avec la puissance publique. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit en Espagne, comme l'ont montré nos collègues auteurs d'un rapport très éclairant.
J'évoquerai enfin la recherche et l'enseignement. En effet, les enjeux internationaux ne doivent pas nous exonérer de notre responsabilité nationale. Dans un cadre contraint d'économies budgétaires, il faut – et nul ne vous en fera le reproche – réorienter l'argent public pour le rendre utile et faire en sorte de réduire les prélèvements obligatoires : je ne tiendrai pas deux langages sur ce point. C'est à juste titre que vous avez voulu donner à votre budget une orientation en faveur de l'enseignement et de la recherche, qui répondent à une nécessité. Vous connaissez notre attachement à la spécificité de l'enseignement agricole, qui a été une chance pour notre pays, et à l'alternance. Derrière la formation se profilent en effet les enjeux et les défis auxquels nous serons confrontés dès demain : ceux de la transmission et de l'installation des jeunes sur nos territoires. Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que l'on étudie les nouveaux moyens que l'on pourra mettre à la disposition des jeunes agriculteurs. Nous ne sommes, je le sais, pas assez audacieux en la matière, mais je souhaiterais que nous puissions, avec la profession agricole, avancer pour relever le défi de la transmission des exploitations.
Je ne reviendrai pas sur la recherche, qu'il faudra intensifier, et notamment la recherche partagée que nous devrons mener, avec les autres pays, sur les OGM.
La sécurité sanitaire est, quant à elle, un enjeu majeur et je souhaiterais, comme M. Forissier, que nous puissions engager une vraie réflexion sur la gestion des crises dans ce domaine, et notamment sur la communication en situation de crise, qui doit savoir rassurer nos compatriotes. Tous les outils permettant d'attester la sécurité alimentaire des produits mis sur le marché existent. Dans ce domaine aussi, cependant, la communication doit être partenariale.
Parallèlement aux problématiques sanitaires se présentent aussi des problématiques économiques, comme on l'a vu avec la crise de la fièvre catarrhale. Je souhaiterais d'ailleurs que vous puissiez faire le point sur cette crise économique majeure, causée par une maladie bovine et ovine qui, si elle n'a aucun effet sur la santé humaine, a des conséquences sur les troupeaux et sur les exportations. Je souhaiterais également que vous nous indiquiez dans quelles conditions les vaccins seront mis à la disposition des éleveurs.
J'y viens, monsieur le président.
Je souhaite, monsieur le ministre, que nous saisissions l'occasion des grands rendez-vous qui sont devant nous : les débats de l'Organisation mondiale du commerce, où nous devrons défendre des règles nouvelles – car nous ne pouvons pas continuer à ne pas imposer à nos importations ce que nous imposons à nos propres producteurs – et la révision de la politique agricole commune, pour laquelle il faut tracer des perspectives d'avenir, avec des défis qui devront être partagés.
Nous devrons faire tout ce qui sera en notre pouvoir, tous ensemble, pour faire comprendre, même si nous ne sommes ici ce soir qu'une douzaine de parlementaires à parler du budget de l'agriculture, qu'à travers l'avenir de l'agriculture se joue un enjeu sociétal majeur : celui de l'occupation de l'espace et d'une production qui garantisse l'autosuffisance alimentaire. Monsieur le ministre, je souhaite que vous soyez le ministre de la perspective. Nous serons à vos côtés dans cet esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la pêche pour 2008 entre en discussion sur fond de crise – une crise récurrente depuis que la nécessité de la protection de la ressource halieutique entrave le développement harmonieux de nos armements et de nos ports.
Cette année, cependant, la crise est aiguë, avec notamment la flambée des cours du gasoil, qui a porté la part du poste carburant à 30 % à 40 % du chiffre d'affaires des chalutiers, la suppression des quotas sur les anchois et le thon rouge et les divergences entre les observations tirées du pragmatisme quotidien de nos marins et de nos professionnels et les directives issues des organismes nationaux ou européens détenteurs du pouvoir de décision.
Fin 2007, la pêche, c'est encore 5 232 navires, dont une grande majorité de navires de moins de 12 mètres, qui ont tous plus de vingt ans de navigation. Rappelons qu'ils étaient plus de 11 500 en 1984. C'est aussi 25 250 marins, avec, pour les « patrons » en charge du commandement, une moyenne d'âge de 43 à 47 ans – pour une limite à 52 ans. C'est, enfin, un tonnage de 585 millions de tonnes et un chiffre d'affaires de 1,04 milliard d'euros.
Sommes-nous satisfaits de voir un bateau sur deux sortir de flotte depuis 1980 ? Certes non !
Si le budget pour 2008, avec 60,461 millions d'euros, n'a pas progressé par rapport à celui de 2007, nous devons rappeler qu'un effort considérable avait été fait l'an dernier, puisque le montant avait doublé par rapport à 2006.
L'examen analytique de la répartition des postes laisse cependant apparaître de sensibles variantes et des différences importantes d'orientation.
Le budget fait apparaître des efforts, avec une augmentation de 56 % des dépenses de fonctionnement du budget de l'OFIMER, qui s'élèvent à 17 795 500 euros en crédits de paiement, et, surtout, du budget alloué au contrôle des pêches maritimes, qui augmente de 83 %, passant de 2,7 millions à 5,045 millions d'euros.
Si tous les professionnels reconnaissent le bien-fondé et la nécessité de contrôles, en particulier en mer, pour assurer la moralité de la profession et sa sécurité, nombreux sont ceux qui ont du mal à comprendre une telle augmentation de ce poste, car les moyens dont dispose la France sont, avec les affaires maritimes les douanes, la gendarmerie et la marine nationale, déjà très importants. On voit bien que ces moyens ne peuvent être indépendants des prises de position européennes, et c'est bien dommage, car ces dernières, par manque de transparence et de concertation, ne semblent pas adaptées au but louable qu'elles prétendent poursuivre. En revanche, leurs conséquences sur notre économie de la pêche restent très dommageables.
Nous souhaitons en effet que les contrôles soient de la même qualité dans tous les pays de l'Union européenne que ceux qui sont effectués en France et portés à la connaissance de tous. Les limites de capture qui en découlent doivent être la conséquence d une évaluation scientifique en tous points irréprochable, recoupée quotidiennement par l'observation régulière de nos marins. Si les conditions ne sont pas réunies, c'est tout l'équilibre économique de la filière qui se trouve rompu. Il est évident que nous ne pouvons rester sans réagir en attendant que la situation de la pêche évolue jusqu'à atteindre ou dépasser le point de non-retour.
De la même manière, nous constatons une baisse de 28,5 % des sommes consacrées à la modernisation et à la restructuration de la flottille. Nous le regrettons car notre flottille vieillit et son renouvellement, s'il conditionne certes la qualité de vie qu'attendent légitimement nos marins dans l'exercice d'une profession très pénible, conditionne aussi et surtout, dans un souci prioritaire de sécurité, l'assurance que nous pourrons éviter au mieux les drames de la mer, toujours trop nombreux et trop cruels.
Nous constatons également une diminution de 28 % des sommes transférées aux caisses de garantie chômage, intempéries et avaries. Ce choix mérite une explication détaillée, car il paraît difficilement compatible avec les difficultés structurelles considérables que cumule ce secteur fondamental de notre économie du littoral.
Nous saluons l'augmentation importante des crédits consacrés au suivi de la qualité de la ressource aquacole, qui passent de 2,2 millions à 4 millions, soit une augmentation de 82 %. Outre l'évaluation quantitative de l'aquaculture, c'est tout le devenir de nos estuaires et la protection de nos activités ostréicoles et conchylicoles qui sont en jeu, activités qui représentent 3 700 entreprises produisant 185 000 tonnes.
Ce budget permet donc d'espérer une gestion favorable de la pêche, mais répond-il pour autant aux difficultés du moment ? La crise pétrolière, notamment, fait réapparaître le déséquilibre financier des armements. La gestion contestée de la ressource halieutique, le renouvellement attendu de la flottille, la défense du niveau de vie des équipages, la recherche des moyens nécessaires à la défense du mareyage sont à l'origine de difficultés auxquelles il n'est plus possible de faire face avec les solutions habituelles.
Il faut faire preuve d'imagination, car la balance commerciale des produits aquatiques reste déficitaire. Les organisations professionnelles travaillent en ce sens, en investissant notamment dans la recherche de nouveaux types de navires, de nouvelles méthodes de pêche plus protectrices du milieu et dans le projet « Pêche-C02 ». Ce projet, qui vise à réduire, conformément au protocole de Kyoto, les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de la pêche maritime et professionnelle, repose sur des investissements nouveaux, ainsi que sur des modifications des pratiques et des comportements.
Une orientation nouvelle est prise avec la création d'un fonds de couverture des risques pêche réservé aux seuls adhérents du Fonds de prévention des aléas pêche, le FPAP. Il serait réservé aux navires de plus de six mètres et exclurait les navires qui s'approvisionnent à l'étranger. Rappelons que la pêche consomme 355 millions de litres de gazole et produit 1 million de tonnes de gaz à effet de serre. Le projet « Pêche-C02 » aurait deux avantages immédiats : la diminution de la consommation de carburant et une meilleure rémunération des équipages.
Le groupe UMP, monsieur le ministre, votera votre budget et vous aidera dans votre tâche, qui est très difficile. La pêche ne peut se satisfaire d'expédients ex temporis et conjoncturels. Elle mérite un programme responsable, transparent et concerté, en particulier au sein de la Communauté européenne. Avec le CSPM, je suis heureux de voir enfin naître l'instance reposant sur trois piliers – les marins, les scientifiques et les élus du littoral – dont je réclame, ici même, la création depuis plusieurs années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je rappelle que les prochaines interventions sont limitées à cinq minutes.
La parole est à M. Jean Gaubert.
Monsieur le ministre, l'examen des crédits du budget de l'agriculture nous offre l'occasion de vous interroger sur la révision à mi-parcours de la politique agricole commune. Quel en est le bilan pour la France ? Nous avions, dès l'origine, critiqué la mise en place des DPU et les résultats nous donnent raison : Mme Fischer Boel elle-même l'a reconnu devant la commission.
En effet, un système injuste a été mis en place en France. Il est injuste entre les agriculteurs, puisqu'il fonctionne selon le principe : « Tu en avais, tu en auras. Tu n'en avais pas, tu n'en auras pas » : « Tu en avais pour faire du maïs irrigué avec des pesticides, tu en auras encore. Tu n'en avais pas, ou peu, pour faire de l'herbe qui, elle, est moins polluante, tu n'en auras toujours pas. » Il faudra tout de même tenir compte du Grenelle de l'environnement dans les actes, et pas seulement en paroles.
Ce système crée également un écart très important entre les régions et il ne tient pas compte de la situation réelle des agriculteurs : « Tu n'en avais pas en PACA, tu n'en auras toujours pas. Tu en avais beaucoup en Picardie, tu en auras encore beaucoup. »
Par ailleurs, dans la mesure où nous n'avons pas fait la même application des DPU que d'autres pays, la concurrence est faussée, et pas uniquement pour des raisons qui tiennent aux salaires. Dans certains pays, par exemple, les maraîchers perçoivent des DPU, alors que dans d'autres pays, chez nous notamment, ils n'en perçoivent pas.
Allez-vous saisir l'opportunité de la révision de la PAC à mi-parcours pour la remoduler, notamment en direction du deuxième pilier, afin de financer un certain nombre de mesures nécessaires ?
Qu'en sera-t-il après 2012 ? Mme Fischer Boel a tracé un certain nombre de perspectives et il serait souhaitable qu'en tant que ministre de l'agriculture de la France, vous nous indiquiez la manière dont vous voyez les choses, notamment quel degré de libéralisation vous êtes prêt à accepter. Car Mme Fischer-Boel a été très claire : elle nous a indiqué qu'elle ne voulait plus des quotas laitiers, mais qu'elle pouvait éventuellement les prolonger deux ans de plus. Or les gens attendent une vraie perspective à plus long terme. Quelle sera la position du gouvernement français ?
De même, quelle sera votre position sur les conséquences – que l'Union européenne ne veut pas voir – de l'augmentation du prix des céréales et du lait sur d'autres productions françaises : le porc, la volaille, le veau de boucherie ?
Je vous encourage enfin, puisque les autres ne le font pas, à être très rigoureux et à ne pas baisser la garde à l'OMC.
J'en viens maintenant à l'examen rapide de votre budget. Tout d'abord, il me semble que, lors de son bref passage à la tête du ministère de l'agriculture, Mme Lagarde avait demandé un audit afin de connaître la situation exacte du ministère. Il serait intéressant que vous en communiquiez les résultats au Parlement, afin que l'on sache ce qui n'a pas été financé et ce qu'il en est des décrets d'avance ou d'autres artifices de ce type qui ont été employés par les uns et les autres.
Le budget diminue de 2,37 % en euros constants, c'est-à-dire de 4 % en euros courants. Qu'aurait dit l'UMP s'il avait été présenté par un ministre de gauche ? Entre 1997 et 2002, mes chers collègues, lorsque le budget augmentait de 3 ou 4 %, vous trouviez que ce n'était pas assez. Cette fois-ci, vous avez au moins le mérite de reconnaître que ce n'est pas brillant.
J'insisterai sur certains points : 67 millions d'euros de moins pour l'adaptation des filières à l'évolution des marchés. Certes, on vendra les bijoux de famille en cours d'année, mais comment fera-t-on l'année suivante ? La crise de l'immobilier ne nous permettra peut-être même pas de les vendre au juste prix. Et ce n'est pas tout : il manque en effet 10 millions pour l'appui au renouvellement des exploitations agricoles – les DJA et les prêts bonifiés –, 7,5 millions à la promotion internationale, pourtant nécessaire.
Je vais abréger mon propos, monsieur le président.
On ne peut pas à la fois déplorer le déficit du commerce extérieur et diminuer les crédits que le ministère de l'agriculture y affecte.
Enfin, je veux brièvement évoquer la pêche. Il est vrai que vos moyens sont extrêmement limités, mais on aurait pu faire plus en matière d'investissements à terre, puisqu'ils ne sont pas concernés par l'Union européenne. Cela aurait permis aux collectivités locales de baisser leurs taxes sur les pêcheurs. Hélas ! ce ne sera pas possible.
Il y avait par ailleurs quelques sujets de satisfaction mais, puisque nos collègues de l'UMP n'ont pas manqué de les relever, je m'en dispenserai. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas accepter comme seule excuse à ce mauvais budget le fait qu'il n'y ait plus d'argent car, l'été dernier, nous n'avons pas accepté votre décision de faire des cadeaux aux riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le ministre, je suis certes le député d'une circonscription majoritairement urbaine, mais ma commune d'Orvault, à la lisière de Nantes, reste l'une des premières de Loire-Atlantique en matière de production laitière. Au reste, l'avenir de l'agriculture et de la pêche est, comme cela a été dit, un sujet sociétal qui concerne tous les Français.
L'examen du budget de l'agriculture est un peu différent des autres, puisque l'essentiel de la politique agricole se décide au niveau européen. Or, si la politique agricole commune a pu contribuer à une forte augmentation de la production agricole française, elle a également produit des effets pervers non seulement pour l'emploi, puisqu'elle a provoqué la disparition de dizaines de milliers d'exploitations, mais aussi pour l'environnement et la qualité de l'alimentation. Ainsi, dans ma région de Bretagne, la situation est catastrophique. Dans des centaines de communes, l'eau n'est plus potable et nos concitoyens sont obligés de payer leur eau à un prix exorbitant, ce qui n'est pas sans effets sur d'autres secteurs de l'économie, comme le tourisme. Tout le monde est favorable au développement des activités agricoles et agroalimentaires, mais personne ne devrait tolérer plus longtemps cette situation catastrophique.
Je profite de l'examen de votre budget, monsieur le ministre, pour vous demander quelle position vous adopterez au nom de la France lors des négociations européennes. Défendrez-vous le statu quo ou accepterez-vous d'engager la France dans une fuite en avant vers le productivisme et une intensification accrue de la production, au prétexte notamment de développer les filières de carburants agricoles ? Vous remarquez que je n'emploie pas l'expression « biocarburants » car, comme de plus en plus de Français, je ne vois pas en quoi ces carburants sont « bio ».
Pensez-vous, comme semble-t-il le Président de la République, qu'il faille se lancer à corps perdu dans la compétition mondiale, alors que la plupart des débouchés de l'agriculture française se trouvent sur le marché européen ? Comptez-vous privilégier les productions de qualité – notamment, mais pas seulement, celles issues de l'agriculture biologique – qui font la réputation de la France dans le monde ?
Par ailleurs, et sans ouvrir un grand débat sur le sujet, pouvez-vous garantir aux producteurs qui le souhaitent le droit de produire sans OGM, ce qui suppose le refus des cultures en plein champ et de la dissémination ?
Pouvez-vous également nous éclairer sur la baisse de 1,3 % des crédits consacrés à la modernisation des exploitations du point de vue agro-environnemental, baisse qui a été relevée dans le dernier rapport de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture, tout comme la diminution de moitié des crédits consacrés aux agriculteurs en difficulté, qui a été relevée par M. Forissier ? Enfin, s'agissant de la production laitière, quelles évolutions préconisez-vous dans l'utilisation des quotas ?
Voilà une série de questions auxquelles nous attendons des réponses aussi précises que possible, monsieur le ministre. Le Grenelle de l'environnement a ouvert la voie à des changements profonds. Les Français ne comprendraient pas que, dans le domaine de l'agriculture, tout continue comme avant. Ainsi que je l'ai dit au ministre d'État chargé de l'écologie, il faut, en la matière, mener une politique de rupture. Vous l'avez prônée dans d'autres domaines, appliquez-la à l'agriculture, mais à condition qu'elle soit maîtrisée et qu'elle associe tous les acteurs de la filière, conformément à l'intérêt général.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons l'examen du budget de l'agriculture, de la pêche, de la forêt et des affaires rurales dans un contexte inédit, pour quatre raisons.
La première est la flambée des prix à laquelle on assiste actuellement pour un certain nombre de produits agricoles : les grandes cultures, la forêt et, dans une moindre mesure, le lait. Ce phénomène ne doit cependant pas masquer les difficultés que rencontrent d'autres filières, notamment les productions hors-sol, au premier rang desquelles l'élevage porcin, mais aussi l'élevage bovin et ovin, touché par la fièvre catarrhale.
Je souhaite insister sur une question que j'ai déjà soumise au ministère de l'agriculture, et sur laquelle nous avons travaillé ensemble, celle de la nécessité d'une véritable évaluation de la ressource forestière. Mon département, très forestier, est l'un de ceux où l'on débite les plus gros volumes de chêne. Les scieurs souffrent, car ils manquent de matière première, mais peinent tout de même, aussi contradictoire que cela puisse paraître, à répercuter les effets de cette pénurie sur les prix de leur production.
La deuxième raison tient au Grenelle de l'environnement, ce grand débat à la fois environnemental, scientifique et sociétal. Bien qu'il s'agisse d'un fait marquant, je ne m'étendrai pas sur ce sujet que plusieurs orateurs ont déjà abordé.
La troisième raison est l'établissement du « bilan de santé » de la PAC, prévu pour 2008. Plus que d'un bilan, il s'agira certainement d'une réflexion préalable à la réforme de 2013. C'est pourquoi nous devons prendre des initiatives dès maintenant afin de ne pas être réduits à formuler uniquement des contre-propositions dans quelques mois.
Enfin, le quatrième élément de ce contexte inédit est le fait que la France prendra la présidence de l'Union européenne à compter de juillet 2008.
La réflexion sur la politique agricole doit prendre en compte, comme chaque année, les évolutions du contexte international. Il s'agit en premier lieu des négociations commerciales multilatérales du cycle de Doha, portant notamment sur les soutiens et l'accès au marché ; or une baisse des tarifs douaniers contribuerait certainement à exacerber l'instabilité des marchés. S'y ajoutent les exigences du protocole de Kyoto : la société doit devenir plus sobre en énergies fossiles. Pour l'agriculture, cette nécessité est une contrainte à laquelle elle devra s'adapter, mais aussi une chance : en la possibilité de stocker le carbone dans les sols agricoles et forestiers grâce à ce merveilleux processus qu'est la photosynthèse.
Le budget doit également s'analyser au regard d'un quadruple défi.
Le défi alimentaire, d'abord, dans la mesure où la population mondiale va passer de 6,5 milliards d'habitants aujourd'hui à 9 milliards en 2050 – nous ne répéterons jamais assez ces chiffres – tandis que, dans le même temps, les surfaces agricoles utiles mondiales ne feront que se réduire. Ce budget répond en partie à la question avec un certain nombre de mesures très positives, notamment les crédits à l'installation, les prêts bonifiés, la simplification de la DJA.
Le deuxième défi est le défi environnemental, qui comprend la lutte contre les pollutions, la nécessité de préserver les ressources naturelles et la biodiversité. Ce budget y répond, notamment par la PMTVA – prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, d'un montant global de 135 millions d'euros –, la prime à l'herbe et les MAE : mesures agro-environnementales.
Le troisième défi est celui de l'aménagement du territoire, auquel ce budget répond avec les ICHN – indemnités compensatoires de handicaps naturels. Comme nous sommes malheureusement amenés à le faire chaque année, je soulignerai une fois de plus, monsieur le ministre, que les crédits prévus pour les agriculteurs en difficulté sont insuffisants, et qu'il serait bon d'y remédier.
Le quatrième défi, enfin, est le défi scientifique, qui s'inscrit dans l'objectif de développement durable que nous nous sommes assigné. Il s'agit d'un défi à la fois quantitatif, sanitaire et concurrentiel. La science, qui répond depuis des siècles à nombre de besoins et de difficultés de l'homme, doit continuer à remplir ce rôle à l'avenir, en particulier dans le domaine de l'agriculture.
Monsieur le ministre, nous commençons tout juste l'élaboration du système d'assurance récolte, appelé à remplacer prochainement le régime des calamités agricoles, en vigueur depuis des décennies. Le nouveau système est encore insuffisant, mais nous devons continuer à travailler ensemble, professions agricoles et parlementaires, à son perfectionnement.
Je conclus en encourageant M. le ministre – en qui j'ai évidemment toute confiance – à insister, lors des négociations européennes, sur le concept de « filets de sécurité », dont la mise en oeuvre doit permettre d'éviter les à-coups en termes de production d'une année sur l'autre, ce qui contribuera à assurer la pérennité de l'agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, je voudrais débuter cette intervention en rappelant les termes employés par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il vous a adressée le 11 juillet dernier : « Votre mission première, aussi bien en Europe qu'au niveau mondial, sera d'assumer la vocation agricole de la France et de préserver notre agriculture de production. Vous devrez affirmer le principe de préférence communautaire et de soutien à l'agriculture européenne mis en oeuvre dans le cadre de la PAC afin de répondre à la demande fondamentale de nos agriculteurs qui veulent vivre de leur travail, c'est-à-dire du prix de leur production. » À la lecture de votre budget, la désillusion est malheureusement à la mesure de l'espoir qu'avait fait naître le Président.
Les réalités agricoles de notre pays ne sont déjà pas un modèle d'équité ! Le 20 juin 2007, les services statistiques de votre ministère notaient que les zones d'agriculture intensive, principalement céréalière, étaient les mieux servies par les aides européennes. Ainsi, 6,2 % des exploitations françaises bénéficient en moyenne de 73 000 euros par an, soit 29 % du budget global alloué par Bruxelles. Comme toute médaille a son revers, ces aides ont leurs parents pauvres, notamment les agriculteurs du Massif Central.
Par ailleurs, l'élevage est plongé dans une crise grave qui déstabilise toutes les filières – bovine, ovine et porcine. Les orientations de ce budget vont amplifier le phénomène et créer d'irréparables déséquilibres sociaux et territoriaux. Ainsi, les contraintes que font peser les nouvelles mesures d'éco-conditionnalité pour accéder à la PHAE – prime herbagère agro-environnementale – ainsi que le refus de revaloriser l'ICHN – indemnité compensatrice de handicaps naturels – de 50 % pour les 25 premiers hectares, comme s'y était engagé votre prédécesseur, constituent deux traits marquants d'un budget qui sacrifie l'élevage extensif. C'est la « marque de fabrique » de notre agriculture que votre politique abandonne ; ce sont ses labels et ses signes de qualité, qui font pourtant sa renommée internationale, que votre budget sacrifie de fait.
Que sont devenus les engagements que vous aviez pris devant de la commission des affaires économiques le 24 juillet en annonçant « la mise sur pied d'un système de mutualisation des risques » ? Seulement trois petits millions supplémentaires sont prévus pour soutenir le développement de l'assurance contre les dommages causés aux exploitations, alors que les agriculteurs ressentent de plus en plus fortement la nécessité d'une véritable mutualisation des risques à l'échelle européenne.
De même, les dispositifs essentiels que sont la DJA et les prêts bonifiés subissent, du fait de vos choix budgétaires, un recul dramatique. Ce sont les exploitations familiales, celles qui participent avec le plus d'efficacité à l'aménagement du territoire, qui, une fois de plus, paieront le prix fort.
Enfin, il est impossible de ne pas évoquer la filière des fruits et légumes, étranglée par la grande distribution, qui rançonne, sans états d'âme, les producteurs et les consommateurs. La loi Galland a bien peu atténué les effets ravageurs de l'ordonnance de 1986 qui a supprimé l'encadrement des prix au nom de la libre concurrence. Monsieur le ministre, allez-vous enfin proposer une loi prenant le contre-pied des propos alarmants de M. Leclerc, annonçant, dans l'émission télévisée Capital, son désir de faire prendre en charge en amont de la distribution, c'est-à-dire par les producteurs, la hausse du prix des matières premières ?
Êtes-vous prêt à mettre un terme aux scandaleuses « marges arrière » qui gavent les actionnaires de la grande distribution sur le dos des agriculteurs ? Allez-vous agir en faveur d'un vrai coefficient multiplicateur, appliqué à l'ensemble des produits agricoles ? Enfin, qu'attendez-vous pour restaurer une authentique préférence communautaire, comme le Président de la République vous invite à le faire dans sa lettre de mission ?
En plein débat sur le Grenelle de l'environnement et à la veille d'une échéance aussi décisive que la réforme de la PAC, ce budget constitue un signe très inquiétant. C'est à juste titre que les agriculteurs, mais aussi les consommateurs, s'interrogeront sur la volonté de votre gouvernement de peser en faveur d'une agriculture respectueuse des hommes et des territoires, d'une agriculture solidaire des régions du monde et conforme à la souveraineté alimentaire des peuples.
Nous regrettons que pas un seul programme de ce budget ne s'émancipe de la tutelle libérale de Bruxelles. C'est une bien mauvaise nouvelle, qui ne met pas la France en position de force à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous votions contre ce budget de régression qui, non seulement ne répond pas aux défis du xxie siècle, mais porte un nouveau coup à la vocation agricole de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est à dessein que je souhaite évoquer devant vous la question de l'enseignement technique agricole, bien que celui-ci fasse partie du programme 143 de la mission interministérielle « Enseignement scolaire ». En effet, je considère qu'au vu de sa spécificité, cet enseignement relève autant, si ce n'est plus, de la politique agricole que de l'enseignement proprement dit.
À première vue, les crédits alloués à l'enseignement et à la recherche agricoles sont globalement stables pour 2008. Mais à y regarder de plus près, en isolant les différents postes, il apparaît très nettement que l'enseignement technique agricole subit une diminution significative, qui suscite interrogations et inquiétudes.
S'il y a matière à se féliciter de l'augmentation des crédits dédiés aux calamités naturelles, on ne peut, en revanche, que déplorer la baisse de 17,6 % des autorisations d'engagement du programme « Enseignement technique agricole ». Ainsi, 108 nouveaux départs sont prévus pour la rentrée 2008, parmi lesquels 74 enseignants : 45 dans le public et 29 dans le privé. Si l'on ajoute à ces chiffres les suppressions intervenues en 2007, il apparaît que la rentrée 2008 se soldera par une suppression de 319 emplois dans l'enseignement public agricole sur deux ans, dont 120 postes d'enseignants.
Cette évolution budgétaire et ses conséquences sur l'offre de formation ne laissent pas indifférents le corps enseignant et les acteurs du monde rural, d'autant qu'une note récente de la direction générale de l'enseignement et de la recherche est venue attiser ces inquiétudes. Dans ce contexte à la fois budgétaire et conjoncturel, il y a tout lieu de s'inquiéter pour les filières professionnelles du secteur de la production agricole, dont l'existence même pourrait, à terme, être remise en cause.
Ces suppressions d'emplois risquent fortement de se traduire par la fermeture d'une soixantaine de classes, principalement de quatrième et de troisième technologique, jugées non prioritaires. Or il ne faut pas sous-estimer, pour des motifs comptables, le rôle joué par ces classes, notamment en termes de remédiation et de lutte contre les sorties prématurées du système éducatif. Qui plus est, la suppression de ces classes entrerait en contradiction avec la mission d'insertion scolaire dévolue à l'enseignement technique agricole, inscrite dans la loi d'orientation agricole.
La diminution du budget consacré aux moyens de l'enseignement technique agricole – qui relève aussi de votre compétence, monsieur le ministre – et les conséquences en termes de suppressions de postes mettent en péril ces établissements qui sont pourtant des acteurs essentiels de l'insertion professionnelle dans les territoires ruraux et le secteur agricole.
Les inquiétudes sont vives dans ma circonscription de la Mayenne, en particulier au lycée agricole de Château-Gontier. Elles le sont également dans tous les départements où l'agriculture ne se résume pas à un simple concept déshumanisé ou empirique, mais fait vivre des hommes et des femmes fiers de leur métier et attachés au travail de la terre dans ce qu'il a de plus noble et de plus précieux.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de budget qui permet de faire face aux nouveaux défis de l'agriculture, mais cela ne suffit pas : il importe également que vous apportiez des garanties à l'enseignement technique agricole. Les agriculteurs ne comprendraient pas que le ministre de l'éducation nationale soit le seul responsable du devenir de cet enseignement.
Je voterai ce budget, sous la réserve dont je viens de faire part à notre assemblée, en espérant que vous aurez à coeur d'offrir à l'enseignement technique agricole les moyens dont il a besoin pour assurer sa mission à l'égard des futurs exploitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, durant les cinq minutes qui me sont imparties, je n'évoquerai qu'un seul sujet, celui de la crise porcine. En effet, alors que la situation peut être considérée comme satisfaisante dans bien des filières – végétales, lait, volailles, oeufs, ces deux dernières ayant connu des difficultés très importantes il y a un an –, en matière porcine, la crise est à la fois violente, rapide et sans précédent.
En outre, cette crise est très singulière. Ce n'est pas une crise classique car elle ne porte pas simplement sur le prix de vente. Certes, celui-ci est bas : à peine plus d'un euro le kilo au marché de Plérin, ce qui est dû à une forte augmentation de la production porcine en Allemagne et en Espagne, contre une hausse de 1 % environ chez nous. Cette crise est singulière, surtout, parce qu'elle porte sur le prix de revient, qui a explosé du fait de l'augmentation du coût des aliments, à la suite de la hausse mondiale du prix des céréales. Deux chiffres simplement : le blé est aujourd'hui à 262 euros la tonne, contre 140 euros voilà un an, soit une augmentation de l'ordre de 90 %.
La conjonction de prix de vente bas et de prix de revient élevés rend la situation dramatique. La perte est ainsi de 40 centimes par kilo de porc produit et de 35 euros par cochon qui quitte l'exploitation. Pour un élevage moyen de 150 truies, elle atteint 10 000 euros par mois. Cela ne pourra pas tenir longtemps. Il est à craindre, hélas ! que la crise ne soit pourtant durable. Si l'on peut espérer une augmentation des prix de vente au printemps prochain – et ce n'est qu'une espérance –, tout laisse à penser en effet que les prix de revient vont rester élevés, notamment du fait du coût des céréales. Tout cela se traduit par un endettement très important des exploitations. Les choses vont très vite et il importe de réagir.
On peut redouter que nos bassins de production, essentiellement dans l'Ouest et en Bretagne, ne souffrent particulièrement parce qu'ils sont moins concurrentiels que ceux de nos partenaires, allemands notamment. Ainsi, la grande usine allemande située à côté de Düsseldorf, qui abat énormément de porcs, a un coût de production horaire de 13 ou 14 euros, contre 21 ou 22 euros chez nous, et ce parce qu'elle fait massivement appel à une main-d'oeuvre originaire d'Europe orientale. Donc, au-delà de nos paysans, nos ouvriers risquent aussi de souffrir de cette situation, demain.
Face à tout cela, la réponse de l'Europe est quasiment inaudible. Nous demandons des restitutions ; vous nous avez relayés et je vous en remercie. Mais hélas, nous ne les avons toujours pas obtenues. Une restitution, ce n'est pas l'aumône, c'est une subvention momentanée pour corriger un écart de compétitivité excessif. Rappelons-le, nous produisons en euros alors que nos concurrents en Amérique du Nord ou du Sud le font en dollars et ont ainsi des facilités d'exportation que nous n'avons pas.
Pour l'heure, l'Europe s'est bornée à accorder le stockage privé, demandé par les Danois et accepté par Mme Fischer Boel, sans doute sensible aux intérêts de ses compatriotes. Mais cela ne saurait suffire. Ce faisant, nous subventionnons des éleveurs qui auraient de toute façon stocké leur production pour vendre au printemps. Cette disposition aura donc peu d'effet.
Au plan national, monsieur le ministre, nous disposons du levier de la baisse des charges. Il faut activer très vite le FAC, le fonds d'allégement des charges. Grâce à ce fonds, nous pourrons relayer les efforts de la MSA. Il s'agit en quelque sorte d'appliquer à la production porcine ce qui a été décidé pour la pêche. C'est indispensable.
Cette crise doit également être l'occasion de remettre à plat un certain nombre de dispositifs. Monsieur le ministre, lorsque le Président de la République vous a nommé, il vous a adressé une lettre de mission dans laquelle il vous demandait de favoriser l'organisation de l'offre, et je sais que vous êtes très sensible à cette préoccupation. Les paysans veulent en effet se regrouper désormais en organisations de producteurs, les OP. On peut donc imaginer des associations d'OP qui soient autant d'occasions de créer des fonds de mutualisation pour mieux résister aux crises. Il faut aider à mettre de tels dispositifs en oeuvre. Cela va dans le sens du rapport Porry, rédigé il y a quelques années, et dans celui de la loi d'orientation agricole votée en 2005 – je parle sous le contrôle de mon excellent collègue Herth.
En Bretagne, nombreux sont ceux qui pensent à des organisations de ce type. Il faut profiter de cette crise pour avancer puisque c'est hélas par temps de crise qu'on réforme. Il faut que nous ayons le courage de le faire, même si cela touche à l'organisation de la filière et si cela remet en cause un certain nombre d'habitudes.
Je souhaite que chacun soit bien conscient que la filière porcine, notamment en Bretagne, est essentielle à la prospérité de notre agriculture. Monsieur le ministre, je suis convaincu que vous saurez trouver les voies et moyens pour nous permettre de progresser et d'atténuer les conséquences dramatiques de cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, par sa capacité productive et son haut niveau de qualité, l'agriculture française est une réponse à la mondialisation. Au moment où l'alimentation constitue un défi global pour les pays pauvres et émergents comme pour les sociétés développées, en termes de santé et d'environnement, notre mode de production est une référence sur les marchés internationaux.
La France est engagée. Certes. Le Président de la République, ainsi que le Gouvernement ont pris la mesure de l'enjeu et nous soutiendrons ce budget qui en est la traduction. Mais les défis restent considérables. La responsabilité de la France dans la refondation de fa politique agricole commune sera l'un des points essentiels de notre présidence. C'est dire si, dans le cadre de votre tournée préparatoire à la présidence française de l'Union européenne dans quelques mois, la consultation de nos partenaires sur ce dossier comptera pour l'avenir. Le Parlement pourrait être utilement associé à cette démarche, qui conditionne le devenir de nos agriculteurs. Je suis sensible au fait que vous ayez déjà proposé d'associer dix parlementaires aux travaux des assises de l'agriculture, qui contribueront au bilan de santé de la PAC.
Sur le plan national, sommes-nous assez solidaires de nos forces agricoles ? Oui, car nous connaissons votre volonté politique. En revanche, au plan local, mon sentiment est que nous n'affirmons pas encore assez la place et le rôle d'une agriculture moderne, viable, durable et rentable dans notre société contemporaine.
En effet, l'agriculture est trop souvent en situation défensive. J'en prendrai un exemple : la réduction chronique des espaces ruraux dans nos régions littorales, où, confrontée aux nombreux conflits d'usage des sols, d'importance inégale, l'agriculture n'est plus placée au premier rang. Pourtant, et ainsi que le Président de la République l'a rappelé, l'espace rural est avant tout un espace de production. Comment pourrait-il en être autrement ? Si l'on veut défendre notre agriculture à Bruxelles, nous devons commencer par la valoriser là où nous sommes.
Je soutiens votre projet de budget dont je souligne les efforts en matière d'enseignement et de recherche mais aussi d'installation des jeunes agriculteurs. C'est en effet la priorité des priorités. Vous consacrez 226 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour la dotation à l'installation et les prêts bonifiés. Cependant, si un effort doit être consenti dans votre budget, il doit l'être sur cette ligne car c'est un enjeu de confiance et d'avenir. Je m'associe donc à la demande de Marc Le Fur de revoir l'enveloppe des prêts bonifiés dont chacun mesure, sur le terrain, l'efficacité et le besoin.
Vous avez également donné une priorité au renouvellement des contrats de la prime herbagère agro-environnementale, et je vous en félicite. Nous y sommes particulièrement sensibles dans les régions d'élevage. Je me permets toutefois d'attirer votre attention sur les conditions d'octroi de cette prime, qui doit rester très accessible.
Je tiens également à souligner les efforts consentis en matière de promotion des productions agricoles sous signes officiels de qualité. Ces filières de qualité, si importantes pour nos pays ruraux tant d'un point de vue économique et culturel qu'en termes d'aménagement du territoire, sont certainement une des réponses à la mondialisation et à la nécessaire traçabilité des produits.
Je tiens enfin à saluer les efforts consentis en matière de poursuite de la dynamique des pôles de compétitivité agricole, qui concourent justement à la structuration des filières dynamiques et fortes comme celle du cheval, qui représente un secteur d'activité en pleine expansion. Je m'associe à cet égard à la demande de la profession, largement exprimée aujourd'hui dans les négociations en cours avec la Commission européenne. Le monde des courses a besoin du soutien du Gouvernement. Ces domaines économiques permettront à la France de s'affirmer plus encore comme un leader international des produits de haute qualité. Je note par ailleurs avec satisfaction que les crédits de promotion sur les marchés internationaux sont maintenus.
Néanmoins, il me paraît important, monsieur le ministre, de renforcer les mesures de classement d'espaces en zones agricoles protégées et de redonner aux agriculteurs une pleine confiance dans leur avenir, avec une stabilité dans l'exploitation de leurs terres.
Je vous demande donc de renforcer les modes d'intervention des organismes fonciers, dont la SAFER. Elle constitue l'un des seuls opérateurs mais n'a plus véritablement la capacité d'intervention qu'exigeraient ces nouveaux enjeux.
Il faut en recentrer la mission sur la restructuration foncière et, parallèlement, conforter les services de l'État dans leur responsabilité d'aménagement du territoire dans le respect des équilibres agricoles et ruraux.
Héritages précieux mais aussi voies d'avenir, l'agriculture comme la pêche, que vous avez puissamment aidée dans cette crise difficile liée au prix du gazole, méritent une place essentielle dans le développement durable de nos sociétés et dans la projection de la France face aux enjeux économiques globaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette nouvelle législature a placé au coeur de ses préoccupations les questions énergétiques et environnementales, et a pris conscience de l'importance du monde agricole dans ces thématiques. Votre budget, monsieur le ministre, se fait l'écho des problématiques écologiques, tout en s'inscrivant dans la volonté de maîtrise des dépenses et de réduction des déficits publiques. Je salue cet engagement ainsi que votre disponibilité et votre écoute.
Vous menez une politique pertinente sur le plan économique, utile sur le plan social et efficace sur le plan écologique. Le sujet sur lequel je souhaite centrer mon intervention est l'illustration parfaite de ces caractéristiques. Il s'agit des biocarburants, secteur en plein envol.
Du point de vue économique et social, le secteur des biocarburants offre à la France une certaine indépendance énergétique, indispensable dans le contexte actuel du renchérissement du coût de l'énergie.
Si, pendant longtemps, les coûts de production des biocarburants, sortis d'usine, étaient plus élevés que ceux des carburants d'origine fossile, tel n'est plus le cas aujourd'hui. Nous arrivons à un coût équivalent, compte tenu du prix du baril de pétrole. Les biocarburants sont par ailleurs créateurs de richesses en France. Ainsi, nous comptabilisons déjà plus de 1,5 milliard d'euros d'investissements. Ce secteur crée aussi des emplois : en 2005, 3 900 personnes travaillaient dans la filière biocarburants, alors que, pour 2010, les perspectives font état de 6 000 emplois industriels et agricoles, dans des régions désindustrialisées et rurales.
Du point de vue environnemental, les biocarburants représentent un moyen de lutter contre le changement climatique et la pollution de l'air. Certains pourraient me reprocher de trop m'avancer alors que les résultats de l'étude menée par l'ADEME ne seront connus qu'en janvier 2008. Mais je ne veux pas arrêter de croire aux conclusions de l'immense majorité de la communauté scientifique rendues en faveur des biocarburants.
Avec des émissions de CO2 nulles « du puits à la roue », puisque le CO2 rejeté correspond au CO2 absorbé lors de la croissance de la plante, l'utilisation des biocarburants a des effets positifs sur notre climat.
Je connais votre ambition, monsieur le ministre, de veiller à ce que le mode de production des denrées agricoles soit respectueux de l'environnement. Une part importante de l'enjeu écologique des biocarburants réside dans les conditions d'exploitation des plantes et je sais que vous aiderez les agriculteurs afin que la France puisse continuer ses efforts pour la préservation des sols et des forêts, le respect des modes de culture et l'usage modéré des pesticides.
Aujourd'hui, la France est leader mondial en matière d'efficacité énergétique dans le secteur des transports. Soyons fiers de cette performance et maintenons-la, mais ne perdons pas de vue tous les aspects de l'éthique écologique.
Je souhaite donc un soutien accru à cette filière porteuse de tant d'espoir pour notre agriculture et notre environnement. Je sais que la vocation première de l'agriculture est de nourrir les hommes, et elle le restera toujours, mais quel beau défi de coupler cette destinée vitale à la capacité de fournir des matières premières pour des activités d'avenir. Avec l'entrée en vigueur de nouvelles règles européennes et nationales de production, la filière biocarburants offre de nouveaux débouchés au moment où certains quotas de production sont appelés à diminuer. Dans mon département, l'Aisne, les producteurs de betteraves sont directement concernés.
Pour rassurer la population, il est important de souligner qu'à moyen terme, l'homme s'apprête à utiliser toute la plante et non plus uniquement le fruit, ce qui crée un rapport biocarburants obtenus par hectare de plantation utilisé plus favorable.
Le développement des biocarburants tel qu'il est prévu en France et en Europe garantit la compatibilité des deux débouchés : alimentaire et énergétique. Les biocarburants n'ont de toute façon pas vocation à remplacer le pétrole, ce n'est qu'un complément, il ne peut pas satisfaire plus de 15 à 20 % de nos besoins énergétiques.
Les biocarburants ne doivent pas nous faire peur. Nous devons prendre conscience que c'est une formidable chance de résister aux pressions qui s'exercent de plus en plus sur le pétrole, parce que c'est une énergie renouvelable et directement disponible et parce qu'ils nous garantissent une meilleure indépendance énergétique.
Il est nécessaire de poursuivre le soutien gouvernemental à cette filière pour améliorer encore son utilisation. Ce soutien revient, au niveau national, à maintenir pour les usines, jusqu'à la fin de leurs investissements, des mesures fiscales particulièrement incitatives, à réduire partiellement la taxe intérieure sur les produits pétroliers, à favoriser l'ouverture de pompes distribuant du bioéthanol et à rester vigilant, à l'écoute des constructeurs automobiles. Cela revient, au niveau européen, à être vigilant sur les normes de volatilité de l'essence.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, connaître les intentions du Gouvernement pour soutenir ce secteur d'avenir, en collaboration avec la commission européenne. Je voterai votre budget et vous remercie pour votre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, vous nous proposez un projet de budget doté de 5,19 milliards d'euros. Il s'agit incontestablement d'un budget de transition, dans la mesure où l'actualité est très prégnante sur les problèmes agricoles. J'en veux pour preuve que le Gouvernement a lancé une réflexion, lors du Grenelle de l'environnement, sur la place majeure que doit tenir l'agriculture, laquelle doit répondre aujourd'hui à un défi alimentaire mondial, avec 6,5 milliards d'habitants sur la terre ; j'en veux pour preuve aussi que 2008 sera l'année du bilan de santé de la PAC ainsi que des Assises de l'agriculture, associant les acteurs majeurs du monde agricole.
Dans un contexte budgétaire difficile, vous avez su orienter ce budget vers l'enseignement et la recherche agricoles, premier poste budgétaire, mais aussi vers l'appui au renouvellement des exploitations agricoles, l'ICHN, les mesures agro-environnementales régionales, la PHAE, la promotion de la qualité de la production agricole, le soutien à l'amélioration de la génétique animale, le soutien à la forêt française et la maîtrise des dépenses de personnel de vos services.
Au-delà de ces observations générales, qui me permettent de saluer votre engagement personnel en faveur de l'agriculture de notre pays et votre implication forte et reconnue au niveau européen, je voudrais attirer votre attention sur l'agriculture de montagne.
La montagne souffre et les éleveurs éprouvent bien des difficultés. Ils ont des problèmes de trésorerie – je le vois tous les jours dans mon département – mais également de lisibilité de l'avenir en matière de production, que ce soit pour les bovins – lait et viande – ou pour la filière ovine, qui connaît à l'heure actuelle une très grave crise, et je sais, pour en avoir reçu l'assurance par votre conseiller, M. Dantin, que vous y êtes très sensible.
Cela m'amène à aborder un certain nombre de sujets, que vous connaissez, mais sur lesquels je souhaite tout particulièrement insister devant la représentation parlementaire.
Ce budget entérine pour la première fois le cofinancement communautaire de la PHAE et des MAE. Ces deux outils doivent être dotés de véritables moyens, à la hauteur des besoins ainsi que des ambitions issues du Grenelle de l'environnement, qui sont le reflet des attentes de notre société.
Concernant tout précisément la PHAE 2, au regard des nouvelles contraintes issues du cahier des charges, il est à craindre une baisse importante des aides en faveur des exploitations liée à la sous-consommation de l'enveloppe prévue. Si je note avec satisfaction le relèvement du taux de retournement, qui passe de 20 à 35 % – 40 ou 50 % seraient encore mieux ! – en zone de montagne, je vous demande de mener une réflexion sur le principe d'une fongibilité entre les crédits de la PHAE et ceux des MAE. L'obtention d'une telle mesure, que vos services connaissent bien, permettrait de continuer à donner un véritable sens à la politique de l'herbe.
Par ailleurs, concernant les MAE, outre la nécessité de conforter l'enveloppe financière dévolue – j'y reviendrai dans une question –, il est nécessaire de ne pas créer de distorsions entre les éleveurs sur un même territoire. À cet égard, plusieurs pistes sont possibles, notamment l'élaboration de plusieurs MAET en fonction de petites régions naturelles dont l'agrégation permettrait de couvrir au mieux l'ensemble d'un territoire départemental. Si je prends le cas de la Lozère, une MAET agropastorale déclinée en trois ou quatre zones offrirait une solution permettant d'éviter les dissensions entre éleveurs.
Deuxième sujet important, celui de la revalorisation de l'ICHN. Deux pistes sont possibles : d'une part, l'élargissement au conjoint exploitant ; d'autre part, la revalorisation de 50 % pour les 25 premiers hectares, mesure annoncée à maintes reprises et limitée, aujourd'hui, à 35 %. Les plafonds européens n'étant pas atteints, cette mesure doit permettre de pérenniser et de clarifier la politique de soutien à l'agriculture de montagne.
Un autre dossier concerne le plan de modernisation des bâtiments. Je connais les efforts du Gouvernement en la matière, avec une enveloppe qui est passée depuis 2004 de 23 millions à 100 millions d'euros, dont 42 % pour la montagne, soit 42 millions d'euros. L'aide moyenne était à l'époque de 10 000 euros, elle est aujourd'hui de 19 000 euros en zone de plaine et de 32 000 euros en zone de montagne. En 2005, le nombre de bâtiments à financer était de 5 000 par an ; nous en sommes aujourd'hui à 19 000, soit le double de ce qui était prévu. Ce plan a incontestablement rencontré du succès auprès des agriculteurs. Cela étant, 9 000 dossiers se trouvaient en attente de financement fin août. Vous avez débloqué une enveloppe complémentaire de 23 millions d'euros, portant la participation française à 75 millions. Il est nécessaire aujourd'hui, monsieur le ministre, pour ne pas créer de distorsions, de solder tous les dossiers en attente selon les conditions financières en vigueur lorsqu'ils ont été déposés. Il s'agit d'une mesure d'équité et de justice, et ce d'autant plus que les agriculteurs ont connu une hausse importante du coût de la construction en zone de montagne, aggravée par le fait que les PSM ont été supprimées l'année dernière malgré l'amendement que j'avais déposé.
Il s'agit aussi de ne pas mettre en péril les projets d'installation des jeunes agriculteurs dont les investissements sont d'ores et déjà programmés. Dois-je, monsieur le ministre, vous rappeler ce que représentaient les prêts bonifiés pour nos éleveurs et le poids des investissements agricoles dans notre économie rurale de zone à handicaps. Sans vouloir revenir sur le principe de la suppression des prêts bonifiés, à un moment malheureusement où les taux augmentent, permettez-moi d'insister sur le fait qu'il faudra mettre en place un dispositif supplétif permettant d'investir en zone de montagne, en dehors des bâtiments. J'aurai l'occasion de vous poser une question très précise à ce sujet en m'associant à M. Le Fur.
En conclusion, je voudrais insister sur la nécessaire simplification de toutes les aides à l'agriculture, notamment celles concernant les contrats agri-environnementaux. Je sais que vous êtes d'ores et déjà mobilisé à cet égard, tout comme vous l'êtes en faveur d'un vrai plan de relance de la filière ovine, lait et viande. Vous avez déjà débloqué quelques mesures en urgence, mais je sais que vos services, à votre demande, étudient un corpus de règles venant vraiment au secours de cette filière en crise. Il s'agit d'une production concernant des zones difficiles et pour lesquelles rien d'autre n'est possible. Sa disparition dans de grands espaces du territoire à haute valeur environnementale aurait un tel impact qu'elle n'est pas acceptable.
Au bénéfice de ces quelques observations, monsieur le ministre, je soutiendrai très fortement votre projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, mes premiers mots seront pour vos trois rapporteurs, Nicolas Forissier, Antoine Herth et Gilles d'Ettore, pour la qualité de leur travail. Je vous ai écoutés avec beaucoup d'attention, messieurs les rapporteurs, et je voulais vous remercier très sincèrement, ainsi que vos collaborateurs, pour l'analyse objective, constructive et pro-active que vous avez proposée du budget que j'ai l'honneur de vous présenter.
Un budget n'est pas un projet. C'est un outil au service d'un projet, et ce projet que je voudrais bâtir avec vous, c'est celui d'une grande politique de l'alimentation, de l'agriculture, de la pêche et des territoires ruraux pour la France et pour l'Europe.
Notre projet, c'est de relever le défi alimentaire pour notre continent. C'était, je le rappelle, le principal objectif assigné à la première PAC : j'en parlais récemment avec le ministre de l'agriculture du général de Gaulle, Edgar Pisani, qui fut chargé de concevoir cette PAC, et qui a évoqué avec moi la manière dont les agriculteurs avaient relevé ce défi et rempli leur contrat.
Mais le défi alimentaire est aussi celui du reste du monde : la faim touche gravement 854 millions de personnes dans le monde, et nous serons 9 milliards en 2050 ; selon les calculs et les prévisions de l'INRA, il faudra doubler la production alimentaire pour faire face à ce défi démographique.
Nous avons aussi la responsabilité de préserver en Europe notre indépendance et notre sécurité alimentaire. Nous devrons donc produire plus et exporter plus – je pense, monsieur Forissier, à votre remarque justifiée sur le programme national que vous aviez élaboré pour aider les industries agroalimentaires à être offensives, sans complexe, sur l'ensemble des marchés internationaux.
Mais, dans le même temps, nous devrons préserver les ressources naturelles de la planète et de notre pays, l'eau, l'air, la terre, qui ne sont ni gratuites ni inépuisables. C'est une urgence, comme l'a mis en lumière le Grenelle de l'environnement : nous devrons donc produire mieux.
Par ailleurs – Antoine Herth et Michel Raison l'ont évoqué – nous sommes dans un contexte de forte augmentation des prix des matières premières agricoles, avec un impact positif pour certains – il est heureux qu'on puisse être mieux payé du prix de son travail grâce aux cours des marchandises plutôt qu'aux subventions – mais négatif pour d'autres, notamment dans les secteurs du porc, de la volaille ou du veau de boucherie, qui connaissent de graves difficultés, comme l'a rappelé Marc Le Fur.
Je tiens d'ailleurs à dire à Marc Le Fur que les modifications apportées à la loi Galland par le projet de loi de Luc Chatel, auquel j'ai beaucoup contribué, préserveront la spécificité du secteur agricole, qui sera prise en compte, conformément au discours de Rennes du chef de l'État. Le caractère intangible des conditions générales de vente, le maintien du seuil de revente à perte et l'élargissement du champ des contrats types dans les relations interprofessionnelles seront ainsi confirmés.
Ce contexte d'augmentation des prix – et j'aurais pu, au-delà des matières premières, évoquer le prix du lait qui a recommencé à monter après de nombreuses années de baisse ou de stagnation, ou encore celui du bois – nous offre, avec ses ombres et ses lumières, la chance de reconstruire une politique agricole que je qualifierai, parce que c'est mon ambition, de durable et de plus équitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) C'est l'ambition que je me suis fixée pour les Assises de l'agriculture, auxquelles l'Assemblée nationale et le Sénat seront associés, comme l'a rappelé Nicole Ameline.
Nous voulons bâtir un projet, passer, monsieur de Rugy, d'une logique de guichet à une logique de projet. Nous voulons bâtir ce projet avec l'ensemble des responsable agricoles, mais aussi avec les autres acteurs de la société. Nous allons en effet ouvrir le débat, en prenant en compte un certain nombre de contraintes ou de bornes que je voudrais rappeler ici.
D'abord les conclusions du Grenelle de l'environnement, que nous respecterons. Ensuite, le bilan de santé de la PAC, qui va être ouvert dans quelques jours par le rapport de la Commission. Oui, monsieur Sauvadet, ce sera en effet un premier grand rendez-vous, que nous ne manquerons pas.
Notre troisième borne est le débat que le Président de la République nous a demandé d'ouvrir sans tarder sur la future PAC, pour l'après 2013. L'expérience que j'ai acquise comme commissaire européen en charge de ce qui était à l'époque le deuxième budget de l'Union européenne, celui des politiques régionales et des fonds structurels – que j'ai proposé de sauvegarder en les modifiant –, me conduit à affirmer que le Président de la République a raison d'anticiper l'ouverture de ce champ de réflexion sans attendre 2011 ou 2012, de sorte que pour une fois le débat d'idées précède le débat budgétaire et non l'inverse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Comme l'a dit hier Nicolas Sarkozy avec Mme Merkel, nous ouvrirons ce débat dès le début de la présidence française par un document d'orientation qui sera soumis au conseil des ministres d'Annecy au mois de septembre 2008.
Quatrième borne : l'OMC, qui poursuit ses discussions. La France, je vous le confirme, continuera de faire preuve, jusqu'au bout, d'une extrême vigilance, d'une grande fermeté, sans naïveté ; vous avez d'ailleurs appelé à beaucoup de rigueur sur ce point, monsieur Sauvadet. Je pense notamment à tout ce qui touche ce que j'appellerai le dumping écologique et sanitaire. Nous ne pouvons pas accepter qu'entrent sur le marché européen des produits qui ne respectent en rien les contraintes écologiques ou sanitaires que nous imposons à nos propres producteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Mesdames et messieurs les députés, vous avez raison de marquer votre vigilance : cette politique doit s'appuyer sur un budget à la hauteur des ambitions et un ministère modernisé capable d'accompagner les mutations.
Ainsi, le budget 2008 de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » s'établit en crédits de paiement à 2,878 milliards d'euros – avec, c'est vrai, une baisse des crédits de paiement de 2,1 %. En revanche, les autorisations d'engagement sont en hausse, à 3,118 milliards – plus 5,3 % –, surtout en raison du renouvellement massif en 2008 des contrats de la prime herbagère agro-environnementale.
Dans ce contexte, que je qualifierai, comme d'autres à cette tribune, de maîtrisé, je me suis attaché à préserver la capacité d'intervention du ministère : une capacité nationale – et je n'oublie pas le partenariat général et positif avec les régions, les départements et, souvent, les communes –, mais aussi une capacité qui s'appuie sur l'Union européenne.
Je veux rappeler, en regard des chiffres de ce budget, que les crédits communautaires représentent en France, pour les politiques du ministère, plus de 10 milliards d'euros.
Tout en répondant à l'ambition de développement de l'ensemble des secteurs dont j'ai la responsabilité, le ministère de l'agriculture et de la pêche prend sa part de l'effort général de maîtrise des dépenses publiques. Il nous appartiendra pour les exercices suivants – je veux être prudent, mais je le souhaite très fortement –, de réduire le report de charges, comme le demande votre rapporteur spécial, Nicolas Forissier. Je pense que cela témoignerait d'une bien meilleure gestion du budget de l'État, au lieu d'accumuler un certain nombre de dépenses et de charges au fil des années.
Au-delà de la sécurité sanitaire de l'alimentation, dont nous avons débattu la semaine dernière assez tard en séance de nuit, et de l'enseignement agricole technique et supérieur, dont il sera question ici même jeudi et vendredi prochains, la mission « Agriculture » que je vais vous présenter s'articule autour de quatre priorités.
La première priorité, pour ce qui me concerne, est celle d'une agriculture durable, en 2008 et pour les années suivantes. C'est d'ailleurs ce à quoi m'invitait Mme Pascale Gruny dans son intervention.
Le Grenelle de l'environnement ne s'est pas fait sans ou contre les agriculteurs, comme on aurait pu le craindre. Et ce n'est pas un hasard. En arrivant au Gouvernement il y a cinq mois à peine, le Grenelle commençait et j'ai clairement vu que c'était un grand rendez-vous démocratique auquel tenait beaucoup le Président de la République, un engagement de la campagne d'ailleurs pris par tous les candidats, et qu'il ne pouvait pas ne pas réussir. La question était de savoir s'il allait réussir, comme on pouvait le craindre, sans ou contre les agriculteurs. Au terme de cette première grande étape, j'observe objectivement que le Grenelle s'est terminé, notamment au moment de l'allocution du chef de l'État, avec les agriculteurs. Et il faut en remercier non seulement les dirigeants agricoles de toutes sensibilités qui ont été positifs en initiatives, « proactifs » dans les groupes de travail, mais aussi l'ensemble des fonctionnaires de l'État qui étaient dans le même état d'esprit.
Monsieur Sauvadet, c'est ce que vous avez su rappeler clairement.
C'est un résultat légitime, quand on sait l'engagement et le rôle des agriculteurs non pas pour aménager le territoire dont ils ont la charge, mais pour le ménager. Ensemble, avec eux, nous allons relever le défi du Grenelle et améliorer encore les pratiques durables et respectueuses de l'environnement.
Le Grenelle de l'environnement nous engage dans toutes ses dimensions. J'ai par exemple été chargé par le Président de la République d'animer un groupe de travail pour la réduction de moitié de l'usage des produits phytosanitaires dans les dix ans qui viennent,…
… – si possible, oui – tout en veillant à la viabilité économique des exploitations. Ce « si possible » me donne une soupape de sécurité, mais ne m'empêchera pas d'essayer d'aller au plus vite, notamment en augmentant les efforts de recherche pour trouver des solutions ou des traitements alternatifs.
Quels sont les outils pour atteindre cet objectif ambitieux d'une agriculture durable ? Je voudrais citer cinq mesures, que vous avez évoquées les uns et les autres.
D'abord, le renouvellement des contrats de la prime herbagère agro-environnementale. Je vous propose de renouveler ce soutien, ce qui représente un montant de 457 millions en autorisations d'engagement pour les cinq prochaines années. Pour répondre à Antoine Herth, je confirme que le cofinancement sera en effet obtenu en 2008 en mobilisant une réserve de crédits communautaires non utilisés.
Plus globalement, je réfléchis dans le cadre de l'évolution de la politique agricole commune à une réelle politique de soutien aux productions valorisant l'herbe et permettant de maintenir une activité agricole de production dans l'ensemble de nos territoires, en particulier dans les territoires fragiles. Dès le bilan de santé de la PAC, je souhaite engager ces évolutions. C'est une réponse précise à vos questions, messieurs Gaubert et Sandrier. Je ne travaillerai d'ailleurs pas tout seul, dès le bilan de santé, pour introduire ces évolutions ; il faut que ce soit une décision communautaire. Voilà pourquoi tout en allant le plus souvent possible sur le terrain à la rencontre des agriculteurs ou des pêcheurs de France, je veux prendre le temps de visiter les vingt-six autres partenaires de la France pour aboutir, dans le bilan de santé et pour le grand débat sur la future PAC, à une vraie politique qui prenne en compte notamment cette inflexion que je souhaite introduire le plus tôt possible pour l'ensemble des productions valorisant l'herbe.
Deux autres outils soutiennent l'élevage dans nos territoires ruraux.
L'indemnité compensatoire pour handicap naturel, ICHN, est maintenue à 232 millions d'euros. Compte tenu de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires, cela pourrait permettre l'augmentation de l'indemnité moyenne, dont je vous rappelle qu'elle a doublé en dix ans, progressant de 2 650 euros à 5 370 euros.
Et puis il y a la part nationale de la PMTVA, prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, qui s'établit à 165 millions d'euros.
Un quatrième outil pour le développement durable est celui des mesures agro-environnementales territorialisées, dont je vous propose le doublement des crédits à hauteur de 54 millions d'euros. Elles sont simplifiées, dans le cadre du PDRH, qui connaîtra sa première année de croisière en 2008. Mais j'ai bien entendu Pierre Morel-A-L'Huissier me faire une proposition, que je retiens, pour faire jouer au maximum la souplesse en 2008 afin d'équilibrer la PHAE là où ce sera nécessaire. J'ai pu observer dans tel ou tel département, notamment le Massif Central, que ce sera nécessaire.
Les crédits des mesures agro-environnementales territorialisées seront utilisés pour répondre aux engagements pris dans le cadre du Grenelle de l'environnement, notamment pour soutenir le développement de l'agriculture biologique et satisfaire les objectifs de la directive cadre sur l'eau et de la directive Natura 2000.
Sur l'agriculture bio, évoquée avec force par Antoine Herth, le Gouvernement est favorable à la reconduction du crédit d'impôt et j'étudierai le point de compatibilité avec les aides régionales, à la lumière d'une proposition, que je soutiendrai, du doublement de ce crédit d'impôt pour l'agriculture biologique.
Monsieur Sauvadet, vous avez invité le ministre à remonter la ligne d'horizon, à mettre de la perspective. C'est précisément mon intention que de gérer ces crises, sans les nier, en les remettant dans une perspective, et nous avons la chance de pouvoir le faire. Perspective signifie recherche, monsieur Sauvadet. C'est cela qui permet de relever la ligne d'horizon et d'apporter précisément sur les pesticides et sur bien d'autres sujets des réponses plus rapidement. Je vais consacrer 10 millions d'euros sur cinq ans à la recherche dans le domaine de l'agriculture bio.
Enfin, cinquième outil pour le développement durable, le plan nitrates, sur lequel j'ai beaucoup travaillé depuis mon arrivée au Gouvernement, en juin, juillet et septembre, avec ceux d'entre vous qui représentent la grande région qu'est la Bretagne. Je me suis attaché, en bonne intelligence avec Jean-Louis Borloo, à recréer les conditions d'une confiance qui avait disparu sur le terrain, d'une part, et avec la Commission européenne, d'autre part.
Ce plan est à la fois très difficile à mettre en oeuvre et totalement nécessaire. Nous y consacrerons sur cinq ans 86 millions d'euros, dont 68 millions exclusivement à l'agriculture, dans le cadre du programme d'intervention territoriale de l'État. L'objectif, c'est de ramener les eaux des bassins versants concernés à un taux de nitrates conforme à la norme.
Mesdames et messieurs les députés, au-delà de cette très grande et fondamentale priorité qu'est l'agriculture durable, la seconde priorité de ce budget est celle de la pêche durable et de l'aquaculture.
Je le dis à votre rapporteur Gilles d'Ettore, que je connais bien : je crois en l'avenir de ces deux secteurs qui contribuent à l'équilibre de nos littoraux en métropole et outre-mer, et qui se trouvent, eux aussi, au coeur du défi alimentaire. Je crois en leur capacité de création de richesses. Cette conviction est aussi celle du Président de la République, qui a tenu à la dire lui-même, au Guilvinec, à l'ensemble des marins pêcheurs de métropole et d'outre-mer. C'est aussi celle du Premier ministre.
Nous devons consacrer à ce secteur beaucoup d'efforts pour l'aider à relever trois défis.
Le défi de l'environnement et de la ressource, qui doit être gérée avec précaution.
Le défi de l'économie, avec un problème réel, évident, grave, de viabilité de ce secteur que la crise du gazole a aggravé. Une vraie crise, a dit Louis Guédon avec beaucoup de justesse.
Le défi de la réglementation, avec la politique commune de la pêche, un cadre à la fois exigeant et nécessaire. Imaginez, s'agissant de ces ressources halieutiques qui ne connaissent naturellement pas les frontières politiques, ce que serait la situation si nous n'avions pas le cadre de cette politique commune de la pêche et si c'était le chacun pour soi ou le chacun chez soi qui l'emporte ! Il nous faut donc un cadre exigeant et nécessaire, que je veux mettre au clair et auquel je veux donner davantage de lisibilité.
Pour mettre nos actes en accord avec nos convictions, je vous propose de consolider les moyens consacrés à la pêche à hauteur de 60 millions d'euros. Il s'agit de poursuivre l'effort entrepris en 2007, année qui avait vu le budget de la pêche augmenter de 50 %. À ce montant, s'ajoutent plus de 30 millions annuels de crédits du Fonds européen de la pêche.
De plus, en concertation avec mon collègue Jean-Louis Borloo, dont dépend l'administration des affaires maritimes, nous allons renforcer substantiellement les moyens de la direction des pêches de mon ministère.
Enfin, pour donner à ces activités la perspective qui leur manque, la lisibilité, je viens de lancer deux missions sur la pêche et sur l'aquaculture.
La première, confiée à M. Paul Roncière, conseiller d'État et ancien secrétaire général de la mer, s'attachera à trois objectifs principaux : une meilleure structuration de la profession ; la gestion de la ressource et les droits à produire ; le contrôle des pêches – M. Guédon et M. D'Ettore ont demandé des contrôles européens rigoureux, mais équitables entre tous les pays de l'Union européenne.
La seconde mission, consacrée au développement durable de l'aquaculture, est interministérielle puisqu'elle associe le ministère de l'agriculture et de la pêche et le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables. Jean-Louis Borloo et moi-même l'avons confiée à votre ancienne collègue, Mme Hélène Tanguy, maire du Guilvinec.
Sur les conséquences de la hausse du gazole pour les entreprises de pêche, dans le prolongement des décisions annoncées par le Président de la République au Guilvinec et des décisions prises le 7 novembre, dans nos bureaux, avec les professionnels de la pêche, nous nous sommes engagés à mettre en oeuvre rapidement, en concertation avec les autres membres du Gouvernement et avec la Commission européenne, des décisions qui permettront de conforter la filière de la pêche. Je veux dire à M. D'Ettore et à M. Guédon que j'ai simplement besoin de quelques semaines pour travailler sur ces propositions. Naturellement, j'informerai l'Assemblée nationale dès qu'elles seront arrêtées.
Enfin, nous avons accueilli avec grand intérêt l'annonce, faite il y a quelques jours par la Commission, d'un projet de grande politique maritime pour l'Union européenne. C'est un sujet auquel tiennent beaucoup le commissaire Borg et le président de la Commission européenne, M. Barroso.
Nous partageons la conviction du commissaire chargé de la pêche et des affaires maritimes : la mer est une ressource productive que les Européens doivent valoriser de manière durable. Seule une politique maritime européenne ambitieuse permettra d'atteindre cet objectif.
Notre pays, dont les espaces maritimes sont parmi les plus étendus et les plus riches en ressources du monde – 11 millions de km2 –, continuera de soutenir résolument le projet de la Commission. Je prendrai une part active aux travaux qui seront menés en ce sens lors des présidences portugaise et française de l'Union.
Une troisième priorité pour 2008 doit être d'améliorer les outils de gestion des aléas climatiques, sanitaires et économiques. Depuis cinq mois, en tant que ministre de l'agriculture et de la pêche, je suis confronté chaque semaine, avec vous, à des crises économiques liées à la volatilité croissante des prix : les producteurs de porcs, de volailles, d'ovins ou de veaux sont durement éprouvés ces derniers temps. D'autres secteurs sont également touchés par des aléas climatiques, tel celui des fruits et légumes. Enfin, est-il besoin d'insister sur les crises sanitaires : influenza aviaire, dioxines, sharka, chrysomèle du maïs, et surtout cette fièvre catarrhale ovine que les éleveurs de soixante-sept départements, les services de l'État, les vétérinaires et les laboratoires affrontent, depuis plusieurs mois, avec un grand sens des responsabilités ?
Votre rapporteur, M. Forissier, l'a dit, et j'en ai acquis la certitude au cours des cinq mois qui viennent de s'écouler : la France ne dispose pas, aujourd'hui, des outils nécessaires pour bien gérer ces risques économiques, pour prévenir et traiter ces crises sanitaires et climatiques. (Approbation sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et je ne parle pas seulement, comme l'a dit M. Sauvadet, de la communication partagée, qui doit être liée à une bonne gestion de crise. Aussi le Président de la République m'a-t-il demandé de travailler, avec Christine Lagarde, à une généralisation des mécanismes de gestion des risques à partir de l'expérience de l'assurance récolte.
Nous allons placer ces questions, à commencer par celles de la prévention des risques économiques, de la bonne gestion et de la réparation des aléas climatiques et sanitaires, au coeur du débat européen. Ce sera l'une de mes priorités pour le bilan de santé de la PAC puis sous la présidence française. En attendant, nous allons nous efforcer de mieux utiliser les outils dont nous disposons.
MM. Raison, Sauvadet et Le Fur ont plaidé pour des mécanismes communautaires de régulation de marché. À ce propos, je veux insister sur un point. Nous avons tous parlé de la très grave crise qui touche les producteurs de porcs : je suis opposé, pour l'avenir, au démantèlement de certains outils qui existent déjà au niveau européen…
…et qui sont d'ailleurs assez modestes : les restitutions, c'est-à-dire les aides aux exportations, ou la gestion des stocks privés.
Non seulement je suis opposé à leur démantèlement, mais je voudrais qu'on les utilise en ce moment. Il y a quelques jours, nous — c'est-à-dire pas seulement les Danois — avons obtenu de Mme Fischer Boel qu'elle veuille bien mettre en place les aides au stockage privé. Et je ne désespère pas de convaincre la Commission de mettre en place des aides pour les restitutions : c'est urgent, et j'en ai encore parlé hier, à Berlin, avec mon collègue allemand. La filière du porc en a besoin et nous ne négligerons rien pour l'aider à exporter.
M. Sandrier me reprochait tout à l'heure d'avoir évoqué cette question en commission et de ne pas l'avoir traitée dans le budget. Vous savez bien que l'on ne peut pas, en quelques jours, mettre à plat l'ensemble des outils dont nous disposons aux niveaux national et européen et faire des propositions fortes pour l'ensemble de ces risques. Laissez-moi quelques semaines pour préparer, aussi précisément que possible le bilan de santé de la PAC et le grand débat qui l'accompagnera.
Quels sont les outils de prévention dont nous disposons ? Depuis 2005, 35 % des primes d'assurance récolte sont prises en charge — 40 % pour les jeunes agriculteurs. Dans le domaine des grandes cultures, plus de 25 % des surfaces sont déjà couvertes par des contrats d'assurance. Quelque 32 millions d'euros, soit 5 millions de plus que ce qui devrait être dépensé en 2007, sont inscrits dans le projet de budget de 2008 et devraient permettre une augmentation des taux de prise en charge de ces contrats dans les secteurs de l'arboriculture et du maraîchage. Ces augmentations s'inscrivent dans la lignée des propositions du rapport de votre collègue sénateur, M. Mortemousque.
Conformément aux usages, le second outil, le Fonds national de garantie des calamités agricoles, n'est pas doté en loi de finances initiales. La dépense de l'État sera abondée en cours d'année et s'établira, sur la durée, à parité avec la participation des professionnels, à environ 80 millions d'euros. Cet outil continue à assurer de manière forfaitaire les indemnisations des aléas climatiques.
Enfin, je voudrais évoquer, comme l'a fait Mme Ameline avec beaucoup de force, une quatrième priorité — les quatre étant d'égale importance à mes yeux. Il s'agit de l'installation des jeunes agriculteurs, dans un contexte de hausse des taux d'intérêt. Une agriculture durable, ce n'est pas seulement une agriculture qui produit plus et mieux, c'est une agriculture qui dure, qui se renouvelle, qui se prolonge à travers les générations. Voilà pourquoi nous continuerons de soutenir les jeunes qui, très nombreux, veulent s'installer. Je tiens à dire à Marc Bernier que j'attache de l'importance à la formation des jeunes, notamment dans ce très grand et très efficace enseignement agricole – dont nous reparlerons ici dans deux jours – qui est dispensé par 847 établissements relevant de mon ministère. Mon projet de budget enregistre d'ailleurs une progression de 2 % des dépenses qui lui sont dévolues, en dehors des dépenses de personnel pour lesquelles on note la même diminution que celle prévue pour l'éducation nationale.
La hausse des taux d'intérêt a eu pour effet de renchérir, pour l'État, le coût de la bonification des prêts. J'ai effectué en 2007 autant de redéploiements que j'ai pu : 7 millions sur les crédits nationaux, 7 millions sur les crédits européens en faveur du financement de ces prêts. En 2008, le budget se montera à 60 millions d'euros pour la dotation jeunes agriculteurs et à 63,4 millions d'euros pour les prêts bonifiés jeunes agriculteurs. Je rappelle que ces dépenses sont cofinancées, ce qui conduit à une dépense réelle proche du double de ces sommes. Monsieur Sandrier, je comprends bien que vous devez jouer votre rôle d'opposant, mais il est faux de dire que ces crédits diminuent : ils augmentent au contraire.
Mais cet effort ne sera pas suffisant et nous devons travailler à une adaptation du mécanisme d'attribution des prêts bonifiés en 2008, pour éviter les files d'attente et tenter de faire, en concertation avec les jeunes agriculteurs — dont nous allons bientôt rencontrer le président — l'effort que nous avons déjà consenti pour résorber une autre file d'attente de 9 000 dossiers sur les bâtiments d'élevage, que j'ai découverte en arrivant au Gouvernement.
Je travaillerai d'ailleurs sur un autre dossier, que Mme Ameline a eu raison d'évoquer : la sécurisation foncière, la stabilité dont ont notamment besoin les jeunes qui s'installent.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au-delà de ces grandes priorités, je voudrais maintenant évoquer trois points plus spécifiques qui ont été cités ici ou là.
J'ai proposé de suspendre la souscription de nouveaux contrats d'aides rotationnelles en 2008. Dans un contexte de forte augmentation des cours, cette aide – dont le montant est de 32 euros par hectare – ne paraît plus assez incitative, surtout si on la compare aux revenus de la filière grandes cultures, qui étaient de 3 milliards d'euros en 2006 et qui augmenteront encore très fortement en 2007. Je n'abandonne pas pour autant le principe de cette mesure de diversification des assolements, dont l'utilité est réelle. Nous réfléchissons à des dispositifs favorisant ces pratiques.
Par ailleurs, je pense que la priorité du secteur des grandes cultures réside aujourd'hui davantage dans la capacité que nous aurons à mettre en place avec lui, au niveau communautaire, des dispositifs de stabilisation et de régulation des marchés pour faire face à la grande volatilité des prix.
Le deuxième point concerne la baisse des crédits des offices, telle qu'elle apparaît mécaniquement dans le projet de budget. Malgré une diminution de 63 millions d'euros, je confirme que la capacité d'intervention des offices agricoles sera maintenue en 2008 au niveau de 2007, grâce à ce que Nicolas Forissier a appelé une « mesure exceptionnelle » : la vente de l'ancien siège de l'Office national interprofessionnel des céréales.
Cependant, je voudrais rassurer ceux qui, légitimement, s'inquiètent : le ministère du budget m'a assuré que, dans le prochain budget pour 2009, la dotation de base des offices serait réévaluée à due concurrence.
Enfin, vous avez évoqué un troisième secteur en faveur duquel je suis très engagé : la forêt. Parmi les acquis du Grenelle de l'environnement, l'importance de la forêt a été reconnue, à la fois pour la biomasse et pour le bois. Ce grand moment démocratique a même donné lieu, en la matière, à une rencontre assez improbable, puisque l'on a vu la Fédération nationale de l'environnement, regroupant toutes les organisations non gouvernementales d'écologistes en France, l'ONF et les communes forestières se rapprocher sur des positions communes.
Vous le savez, notre massif forestier est le troisième d'Europe et, dans notre pays, la forêt gagne la superficie d'un département tous les dix ans. La croissance actuelle de la forêt permet la captation d'un volume de C02 identique à l'effort de réduction des émissions demandé à nos industriels. La forêt est donc très importante pour relever les défis liés au changement climatique.
Pourtant, la filière bois se caractérise par une balance commerciale déficitaire de 4,9 milliards d'euros : c'est le troisième poste déficitaire après le pétrole et l'informatique.
La semaine prochaine, j'ouvrirai les Assises de la forêt, qui nous permettront de rénover notre politique forestière et la filière bois avec un double objectif : mieux mobiliser la ressource, comme l'a souhaité Michel Raison, et mieux valoriser la matière première. Je pense même que nous pouvons envisager, après l'improbable reconnaissance obtenue lors du Grenelle de l'environnement, un doublement de la récolte commercialisée à l'échelle de dix ans, ce qui est compatible avec les capacités physiques de notre forêt, mais qui nécessite une gestion soutenue.
Pour ce faire, nous prendrons des mesures afin d'obtenir une augmentation rapide de la récolte, non seulement dans les forêts domaniales, où beaucoup d'efforts ont été faits, mais aussi dans les forêts privées.
Les crédits consacrés à la forêt s'établissent à 311 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 321 millions d'euros en crédits de paiement. Le programme « Forêt » est marqué par le maintien du versement compensateur, conformément au contrat d'objectifs, dans un contexte d'augmentation des cours du bois et de très nette amélioration des résultats de l'Office national des forêts.
L'ONF constitue un levier puissant pour développer un exemple concret de politique de croissance écologique et de gestion durable sur un vaste territoire. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai pu constater sur le terrain, en forêt, le travail des agents de l'Office. Cet été, j'ai mesuré leur capacité d'expertise, leur savoir-faire, en me rendant, dans le Midi, sur des sites récemment dévastés par des incendies ou en sollicitant les agents de l'ONF pour aller aider, en Martinique et en Guadeloupe, à la reconstitution de la forêt détruite par le cyclone Dean. Plus récemment, j'ai proposé de mettre les compétences de l'ONF au service de nos amis grecs, dont la forêt a été tragiquement détruite en grande partie — plus de 300 000 hectares — par des incendies.
Enfin, le plan chablis sera lui aussi conduit à son terme, tandis que nos aides à la restructuration de la filière et à la modernisation des scieries, que Michel Raison a évoquées, seront amplifiées avec le concours de fonds européens inscrits dans le plan de développement rural de l'hexagone.
Mesdames et messieurs les députés, ce budget, je l'ai souligné au début de mon propos, est un outil au service d'une politique ambitieuse mais, au-delà, il est un autre outil dont nous avons besoin, je suis bien placé pour le dire, c'est un ministère moderne de l'agriculture et de la pêche.
C'est un grand, un très grand ministère. Et je suis fier – pourquoi ne l'avouerais-je pas à la tribune de l'Assemblée nationale ? – d'animer à mon tour ses équipes porteuses d'une longue tradition, d'une vraie culture et d'une expérience reconnue dans un grand nombre de métiers. Je souhaite que ce ministère vive avec son temps, tout en gardant son âme, sa force et son identité.
Une critique nous est faite quelquefois, notamment dans certains journaux ou dans certains discours, sur la baisse du nombre d'agriculteurs et la stagnation, voire l'augmentation concomitante du nombre de fonctionnaires du ministère. À cette remarque, je peux répondre objectivement :
D'abord, que ce ministère est le partenaire de 1,6 million de personnes dans notre pays, qui travaillent dans l'agriculture, l'agro-alimentaire et la pêche.
Ensuite, que la moitié des agents du ministère – je vous invite à le dire autour de vous – sont rattachés à l'enseignement agricole, dont les effectifs, eux, n'ont pas diminué.
Enfin, que les missions de ce ministère augmentent continuellement, que ce soit pour la sécurité sanitaire de l'alimentation, la préservation de l'environnement ou le développement rural.
Ayant dit cela, je pense que nous devons bouger, comme l'État doit être en mouvement. C'est en tout cas l'objet de la révision générale des politiques publiques. Et naturellement, nous prenons notre part dans l'effort de réduction des effectifs de la fonction publique en diminuant de 198 emplois le nombre de fonctionnaires de la mission.
Un ministère en mouvement pour être le grand ministère de l'alimentation, des territoires ruraux, de l'agriculture et de la pêche : telle est mon ambition à la tête de cette administration. Et pour cela, je vais m'appuyer sur quelques orientations que je voudrais rapidement décrire devant vous.
Premièrement, nous voulons assurer le regroupement des établissements publics. Il s'agit d'en simplifier l'organisation et d'en clarifier les missions, dans la continuité de la réforme mise en place par la loi d'orientation agricole. Ainsi, nous souhaitons la création d'une agence interministérielle de paiement des aides, sur la base d'un rapprochement du CNASEA – le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles – et de l'Autorité unique de paiement, dans le respect des implantations de Montreuil et de Limoges.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Nous voulons également poursuivre le regroupement des offices agricoles.
Deuxième orientation : nous voulons constituer sur le territoire national un niveau régional fort, plus fort qu'il ne l'est aujourd'hui, qui assurera, je parle là des directions régionales de l'agriculture, de la forêt et de l'alimentation, le pilotage de l'ensemble des politiques du ministère, y compris cette fonction essentielle qu'est la sécurité alimentaire. Ce renforcement sera obtenu en poursuivant la déconcentration et en donnant des marges de manoeuvre aux structures déconcentrées, qui adapteront les politiques aux territoires.
Troisième orientation : il paraît logique au niveau départemental de rassembler toutes les compétences de contrôle de la sécurité sanitaire de l'alimentation, aussi bien animale que végétale, autour des directions départementales des services vétérinaires, auxquelles j'ai rendu hommage pour leur travail et leur disponibilité, notamment pour faire face à la crise de la fièvre catarrhale ovine mais pas seulement.
Par ailleurs, je réponds là à une question de vos rapporteurs, Nicolas Forissier et Antoine Herth, nous allons, à partir de l'expérience conduite, je crois, avec succès, dans huit départements, poursuivre le rapprochement entre les directions départementales de l'agriculture et de la forêt et les directions départementales de l'équipement, sans préjudice de la future organisation de l'administration territoriale de l'État. Je voudrais essayer de conduire ce rapprochement sur les trois prochains exercices budgétaires.
Enfin, pour l'administration centrale, je proposerai – c'est un point sur lequel votre rapporteur m'a encouragé à avancer – le regroupement des services dans deux pôles immobiliers au lieu de cinq actuellement, afin de décloisonner les services et de favoriser les synergies et les échanges.
Mesdames et messieurs les députés, s'il fallait encore souligner l'importance de l'agriculture pour répondre aux défis de notre temps, je reprendrais à mon compte et vous inviterais à lire le rapport sur le développement publié il y a quelques jours par la Banque mondiale, sous la direction de son nouveau président, M. Robert Zoellick. Cela faisait vingt-cinq ans que la Banque mondiale n'avait pas consacré son rapport principal à l'agriculture.
Ce document rappelle quelques vérités : que 3 milliards de personnes dans le monde vivent ou survivent grâce à l'agriculture aujourd'hui ; que les trois quarts des pauvres des pays en développement sont des ruraux ; enfin, que l'investissement dans l'agriculture est l'instrument de développement le plus efficace pour répondre à l'un des objectifs du Millénaire pour le développement : réduire de moitié d'ici à 2015 la population vivant dans l'extrême pauvreté.
Voilà le contexte mondial dans lequel nous vivons aujourd'hui et qui va s'accentuer avec le défi démographique.
Et puis il y a, plus près de nous, le contexte européen, qui est celui d'un retour, d'un « grand retour » de l'agriculture, titrait il y a quelques semaines un journal du milieu de journée.
Pour nourrir d'abord : c'est la priorité, vous l'avez rappelé, madame Ameline. Pour préserver ensuite, pour ménager l'équilibre des territoires, leurs productions de qualité, leur identité, ce qui fait au fond l'originalité de notre modèle agricole européen, qui a des goûts, des couleurs, des saveurs, et dont nous n'accepterons jamais qu'il soit un modèle agricole aseptisé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Pour aider enfin à réduire notre dépendance au pétrole à travers les agro- et biocarburants et la chimie verte.
Vous avez été plusieurs, notamment M. Sauvadet et Mme Gruny, à évoquer cette question. Je veux dire à quel point je soutiendrai l'orientation fixée par le chef de l'État d'intensifier la recherche sur les bio- et agrocarburants de la deuxième génération puisque nous savons qu'ils vont permettre d'augmenter les rendements par cinq. Je veux également rappeler l'objectif fixé par le chef de l'État d'introduire, en 2020, 20 % d'énergie renouvelable dans notre bouquet énergétique.
Nous avons tous beaucoup parlé il y a quelques années, au niveau européen, de la stratégie de Lisbonne, qui visait à la compétitivité de l'Union européenne. Faire de notre continent européen le plus compétitif reste un objectif majeur – et nous avons des soucis à nous faire quand on voit ce qui se passe aux États-Unis, en Inde ou en Chine.
Cela passe par la recherche, l'emploi, la formation, les nouvelles technologies. Mais quand nous regardons les efforts de modernisation des exploitations agricoles et de la pêche, quand nous regardons les efforts de recherche qui sont conduits depuis de nombreuses années dans ces filières, quand nous regardons la part prépondérante que tient le secteur agro-alimentaire dans l'emploi et ses performances à l'exportation, que votre rapporteur M. Forissier a soulignées, nous pouvons affirmer franchement notre conviction : pour atteindre l'objectif de compétitivité qu'elle s'est fixé, l'Union européenne a besoin impérativement de préserver une économie agricole forte, elle a besoin d'une forte et d'une grande politique européenne. Je rappelle que la PAC est la première politique économique européenne depuis 1957. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai la chance d'être à la tête de ce grand ministère au moment où l'agriculture et la pêche trouvent une nouvelle légitimité. On leur reconnaît de nouvelles missions, on trouve de nouvelles raisons à cet acte fondamental de produire : pour nourrir d'abord, pour faire face aux défis énergétiques ensuite.
Ce budget et ce ministère sont en mouvement, ils veulent servir, avec leur ministre, cette légitimité. Ils sont les outils au service de la nation pour préparer, mesdames et messieurs les députés, la grande politique de l'alimentation, des territoires ruraux, de l'agriculture et de la pêche dont l'Union européenne et notre pays ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en arrivons aux questions.
Nous commençons par celles du groupe Nouveau Centre.
La parole est à M. Michel Hunault.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre discours, qui a resitué les enjeux de cette discussion budgétaire pour l'avenir de l'agriculture française. Vous avez décrit ce qu'elle était devenue grâce au travail extraordinaire d'adaptation accompli par tant d'hommes et de femmes qui n'ont pas compté leur temps pour s'adapter aux défis d'aujourd'hui et pour faire en sorte que notre agriculture soit une force de frappe au service de notre économie. Vous avez rappelé en conclusion les enjeux du développement durable, de la préservation de l'environnement, et puis la mission première de l'agriculture, qui est de nourrir l'humanité.
Je voudrais vous interroger sur la situation des retraités agricoles : tous ces hommes et ces femmes qui ont tant donné touchent des pensions très faibles. Depuis une quinzaine d'années, tous les gouvernements, quels qu'ils soient, ont déclaré qu'il fallait réformer le système de protection sociale et améliorer le montant des prestations vieillesse pour les agriculteurs, et en particulier pour les femmes d'agriculteur, les veuves, qui ont participé, elles aussi, à cette formidable évolution de l'agriculture française. Quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour faire en sorte que les retraites agricoles soient à la hauteur de ces années de labeur au seul service de l'agriculture française ?
Je remercie M. Hunault d'évoquer ce problème important. Depuis 2003, nous avons déjà obtenu des avancées sur cette question grave et sensible des retraites de l'agriculture. Nous avons créé en effet le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire qui garantit, après une carrière complète de chef d'exploitation agricole, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire au moins égal à 75 % du salaire minimum de croissance net. C'est un premier progrès. Cette retraite complémentaire assure un complément de revenus d'environ 1 000 euros par an à plus de 450 000 retraités. Elle est revalorisée chaque année pour respecter l'objectif de 75 % du SMIC.
Ensuite, la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 permet de prendre en compte les périodes d'affiliation à l'assurance vieillesse du parent au foyer. Cette mesure concerne 34 500 retraités, essentiellement des agricultrices, et je vous en remercie d'avoir rappelé le rôle des femmes, qui se lèvent aussi tôt et travaillent aussi dur que leurs époux. Ces personnes bénéficient d'une majoration de leur pension de 945 euros par an en moyenne.
Enfin, depuis le 1er janvier 2007, la durée minimale d'activité pour bénéficier des revalorisations a été abaissée à vingt-deux ans et demi, et la minoration de pension par année manquante, qui était de 15 %, est ramenée à 5,5 % par an. À compter du 1er janvier 2008, elle sera abaissée à 4 %. Ces mesures bénéficient à 300 000 personnes, pour un coût de 162 millions d'euros en 2007 et de 205 millions d'euros par an à partir de 2008.
Il reste, vous l'avez rappelé, des situations difficiles pour lesquelles de nouveaux efforts sont souhaitables, et même nécessaires. Je veillerai à ce que la situation des anciens agriculteurs les plus modestes, et plus particulièrement des agricultrices, soit prise en compte dans le cadre du rendez-vous sur les retraites de 2008. C'est d'ailleurs une orientation que le Président de la République lui-même a fixée – vous vous en souvenez, monsieur Hunault, vous étiez présent – à Rennes lors de son intervention sur les questions agricoles.
Monsieur le ministre, ma question concerne les biocarburants : vous en avez déjà parlé dans votre discours mais j'aimerais prolonger l'échange.
Nous sommes aujourd'hui en attente d'objectifs clairs – et la remarque de M. Peiro le montre bien. En effet, nous avons vécu, de 2004 à 2006, une politique très volontariste en matière de biocarburants de première génération, éthanol, diester, et puis, brutalement, la remise en cause de cette politique, que traduit le glissement sémantique de biocarburant à agrocarburant.
Si nous revenons seulement deux ans en arrière, sous la double pression de la hausse du pétrole, que nous revivons cet automne, et de la nécessité de trouver de nouveaux débouchés aux agriculteurs, nous avons légiféré – loi d'orientation énergétique puis loi agricole – en fixant d'un commun accord des objectifs très ambitieux de taux d'incorporation de biocarburants dans nos carburants. La France s'est fixé des objectifs qui allaient au-delà des projets européens.
De manière encore plus concrète, l'État a donné son autorisation pour la détaxation des volumes très importants de biocarburants, permettant le lancement de projets industriels, aujourd'hui opérationnels en Picardie, dans la Marne, dans les Pyrénées-Atlantiques et en Aquitaine.
Et puis, brutalement, en 2006, sous la double pression de la hausse des matières premières agricoles et de la montée en puissance des objectifs liés au réchauffement climatique, la politique française de soutien aux biocarburants a été remise en question.
Nicolas Sarkozy tenait les propos suivants : « Nous devons revoir la politique de soutien aux biocarburants pour l'avenir, sans remettre en cause les engagements pris. Je souhaite qu'une priorité soit donnée au développement des biocarburants de deuxième génération, plus pertinents face au défi environnemental et alimentaire. »
Mes questions portent sur cette révision de la politique de soutien aux biocarburants. Comment comptez-vous la mener ? Peut-on espérer qu'elle s'appuie sur une évaluation rationnelle des performances de chaque filière de biocarburants, aussi bien sur le plan énergétique que sur le plan économique ? Qui va conduire, de manière indépendante et pluridisciplinaire, l'évaluation des filières de production des biocarburants de première et deuxième génération ? L'éthanol, ce n'est pas les huiles végétales pures ! Enfin, quel calendrier vous fixez-vous pour procéder à cette révision ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
C'est en effet une très bonne question, si je puis me permettre de porter un jugement. Dans son discours de clôture de la première grande étape du Grenelle de l'environnement, le Président de la République a en effet indiqué que les engagements pris en faveur des agro- et biocarburants ne seraient pas remis en cause. Pour atteindre l'objectif d'incorporation de 7 % d'agro- et de biocarburants dans les carburants en 2010, cinquante-trois usines ont été agréées, dont vingt-et-une nouvelles unités qui seront construites dans quatorze régions pour un investissement global estimé à plus de 1,2 milliard d'euros, et près de 30 000 emplois seront créés ou maintenus dans les filières agricoles et industrielles concernées. Il s'agit donc d'une activité économique fondamentale.
Pour être viabilisé, cet investissement nécessite le maintien du dispositif actuel de soutien aux filières de production, qui associe une exonération partielle de la taxe intérieure de consommation et un prélèvement supplémentaire au titre de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP payée par les distributeurs n'atteignant pas les objectifs d'incorporation fixés par la loi.
Comme vous l'avez rappelé, le Gouvernement a souhaité que l'on y voie clair sur les chiffres et les faits. Nous pouvons faire confiance à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie pour réaliser d'ici au 1er février 2008, comme elle en a été chargée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, un bilan environnemental des biocarburants. Sans doute faudra-t-il y ajouter un bilan économique et, quand on voit l'augmentation des prix du pétrole qui nous est imposée, on peut imaginer sans trop se tromper que ce bilan sera de plus en plus favorable.
Mais il ne faut pas qu'il y ait de mauvais débat sur le bilan écologique ou énergétique, donc j'approuve que l'on ait chargé l'ADEME de mener rapidement cette étude.
Enfin, d'ici à cinq ans, il faudra disposer d'une expérimentation et d'un bilan énergétique et économique des biocarburants et des agrocarburants de la seconde génération, et éviter toute rupture entre la première et la seconde génération. Certaines unités de bio-raffinage de seconde génération pourront s'appuyer sur les unités de première génération.
Je voudrais ajouter deux remarques. D'abord, puisque nous avons parlé de la crise des pêcheurs, je veux dire que nous allons, certes, trouver un mécanisme pour compenser l'augmentation du coût du gazole, mais que la modernisation de la flottille permettra sans doute de résoudre le problème. En effet, si les moteurs des bateaux peuvent utiliser facilement des agro- et biocarburants cela réduira la dépendance au pétrole de la flottille de pêche.
Ensuite, j'étais la semaine aux Etats-Unis, où j'ai rencontré beaucoup de parlementaires, Mme Condoleezza Rice et la représentante des États-Unis pour le commerce extérieur, Mme Schwab. La filière américaine des biodiesters est encouragée de façon anormale par des détaxes généralisées – cela coûte près de 175 millions de dollars au budget américain –, au point que 70 % de la production est exportée vers l'Europe. Les contribuables américains y perdent et cela déstabilise nos propres productions. Or un engagement assez clair a été pris au Sénat et à la Chambre des représentants pour démanteler ce système de détaxes et revenir à une concurrence plus loyale.
Je salue votre réponse sur les biocarburants, monsieur le ministre.
Ma question concerne l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale – l'AFICAR. Lors de la discussion de la loi d'orientation agricole, nous avions unanimement souhaité qu'un effort de communication soit fait pour montrer comment a évolué le milieu agricole, comment il s'inscrit dans la modernité et quelle est la vision sociétale globale qu'il affiche. On ne peut en effet résumer les enjeux agricoles au problème de l'avenir du monde strictement agricole comme on l'appelle parfois. Cet effort de communication est d'autant plus nécessaire à l'heure des grands débats : Grenelle de l'environnement, OGM, alimentation.
Depuis dix ans, les structures professionnelles ont fait beaucoup de communication. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de faire le point sur cette question ? Il y a un éparpillement des moyens. Il faut les coordonner davantage pour apporter un soutien plus actif aux TPE et PME qui souhaitent être présentes sur les marchés internationaux. En tout cas, l'image de l'agriculture dans l'opinion reste confuse et il faudrait avoir une communication organisée. Comment l'AFICAR, présidée par Philippe Vasseur, ancien ministre de l'agriculture, pourrait-elle mieux assurer cette communication sur le monde agricole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Établissement public national à caractère industriel et commercial, l'AFICAR a pour objet d'élaborer et de mettre en oeuvre un dispositif de communication propre à améliorer la connaissance par le public du monde agricole et rural, de promouvoir l'image de l'agriculture auprès des consommateurs, de valoriser les métiers et les produits issus des territoires ruraux. En 2006, seul le ministère de l'agriculture a contribué au fonctionnement de l'AFICAR, à hauteur de 1,133 million d'euros. En 2007, la subvention du ministère s'est élevée à 1,412 million d'euros – elle a donc augmenté – et les financements privés ont atteint 363 000 euros. La subvention de l'État est reconduite en 2008.
En 2006 et 2007, les crédits de l'AFICAR ont été consacrés quasi exclusivement aux actions de communication, notamment à la campagne intitulée « Le train de la terre ». Cette campagne, engagée en 2007, consiste en une exposition itinérante sur le thème de l'agriculture et de la forêt dans le quotidien. Elle s'est déroulée sur l'ensemble du territoire, notamment en vue de la préparation du salon de l'agriculture. Beaucoup d'autres bonnes campagnes ont été faites, comme celles des jeunes agriculteurs ou du CNIEL pour l'industrie laitière, mais elles sont éparses et parfois se juxtaposent. L'idée était donc de coordonner et de mutualiser tous ces efforts sous la responsabilité de l'AFICAR. Malgré les efforts de son président, Philippe Vasseur, nous n'y sommes pas parvenus.
Il faut que l'Agence renforce son autonomie de fonctionnement par rapport à mon ministère par la recherche de partenariats extérieurs, afin de financer ses activités et ses actions, comme le prévoient d'ailleurs précisément ses statuts. L'objectif pour cet établissement est en effet de parvenir à un réel cofinancement public-privé. J'ai déjà fait le point, monsieur Sauvadet, en réunissant, il y a quelques jours, les dirigeants agricoles en présence du président de l'AFICAR. Nous n'allons pas en rester là ! J'ai entendu tout à l'heure votre rapporteur spécial, Nicolas Forrissier, dire qu'il allait s'intéresser à l'ensemble de ces crédits de communication et je suis très heureux de cet engagement supplémentaire de sa part. L'AFICAR est un bon outil pour faire de grandes campagnes ensemble, à condition que ce soit vraiment ensemble ! M. Vasseur, mes services et moi-même nous sommes mis au travail pour qu'il en soit ainsi.
Comme vous le savez, le ministère de l'éducation nationale a prévu la présence, dans les établissements scolaires relevant de sa tutelle, d'auxiliaires de vie scolaire permettant l'intégration de jeunes élèves handicapés « en milieu scolaire ordinaire », selon l'expression employée par la circulaire de ce ministère en date du 15 juillet 2004.
D'après les informations qui m'ont été communiquées, ces AVS n'existent pas dans les établissements d'enseignement agricole. En particulier, rien n'est prévu pour en financer la présence dans les maisons familiales rurales qui sont pourtant sous contrat avec l'État.
Il y a là une différence de traitement qu'évidemment aucune raison de fond ne justifie. Je serais heureux, monsieur le ministre, de connaître les dispositions que vous envisagez de prendre pour y mettre fin.
Prés de 60 % des élèves de l'enseignement agricole sont internes. La vie scolaire y tient donc une place essentielle. L'encadrement des élèves en dehors des cours est assuré par 1 145 assistants d'éducation employés dans les établissements publics, soit un assistant pour 40 internes. Des actions d'insertion spécifique sont menées, et le financement des visites médicales préalables aux stages est assuré par un crédit de plus de 1 million d'euros. Vingt postes d'auxiliaire de vie scolaire ont été prévus pour accompagner les élèves handicapés. L'accompagnement par des assistants dans les lycées privés et les maisons familiales est possible depuis 2005. À ce jour, deux assistants sont recrutés pour des élèves de maisons familiales rurales, quatre pour deux autres composantes de l'enseignement agricole privé sous contrat et cinq pour l'enseignement agricole public. Un recensement exhaustif est en cours et les résultats seront connus à la fin du mois. Nous pourrons ainsi prévoir des moyens spécifiques en 2008, notamment pour la formation à des ordinateurs et matériels adaptés, ainsi que pour l'apprentissage de la langue des signes.
Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Jean-Marie Binetruy.
Alors que le projet de budget pour 2008 de la mission « Agriculture » est globalement « maîtrisé », pour reprendre votre vocabulaire, monsieur le ministre, le Gouvernement montre une nouvelle fois sa confiance dans les projets agricoles en maintenant le mécanisme des prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs. Cet outil est essentiel pour l'installation des jeunes, dont vous avez fait une priorité, notamment dans le Doubs qui se caractérise par une installation dynamique.
La validité de ces prêts est subordonnée au respect impératif du principe d'antériorité de l'autorisation de financement émanant des DDAF par rapport à la réalisation des investissements. Compte tenu de l'annualité budgétaire, un problème se pose pour les jeunes agriculteurs qui s'installent au 1er janvier. Cela représente environ 40 % des quatre-vingt-dix installations annuelles dans mon département, où le taux de remplacement est proche de un départ pour une installation.
Pour résoudre cette difficulté qui pénalise l'installation des jeunes agriculteurs, particulièrement ceux qui s'installent au 1er janvier, deux solutions sont possibles : abonder les crédits de l'année en cours pour que les DDA disposent d'un volume suffisant de droits à engager – je soutiendrai l'amendement déposé en ce sens par mon excellent collègue Marc Le Fur – ou assouplir le principe d'antériorité pour les prêts bonifiés, en considérant que la validation du plan de développement de l'exploitation justifie l'accès aux prêts bonifiés. Quelle est, monsieur le ministre, votre position sur ce point ?
Je confirme, monsieur le député, que nous attachons une grande importance à la politique de soutien à l'installation, qui conditionne la durabilité, au sens économique et humain du terme, de l'agriculture. Cette politique est dotée de 226 millions d'euros en autorisations d'engagement. Elle met en valeur le territoire rural, participe au maintien de l'emploi et donne une place centrale au renouvellement des chefs d'exploitation et aux conditions de transmission des entreprises agricoles.
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit de consacrer 52 millions aux dotations en capital destinées aux jeunes agriculteurs désireux de s'installer et 63 millions aux prêts bonifiés à l'installation.
Ces montants devraient permettre de maintenir le rythme actuel des installations, qui est environ de 6 000 par an. La DJA et les prêts bonifiés à l'installation s'inscrivent dans le programme communautaire pour 2007-2013. Ils sont cofinancés pour 50 % par le FEADER, depuis le 1er janvier 2007. C'est ainsi que, dans votre région, la Franche-Comté, l'enveloppe globale de l'État atteint 3 millions d'euros, pour environ 1 million d'euros d'origine européenne, soit un total de 4,878 millions destinés aux installations à titre individuel et en GAEC. Cet exemple permet de mesurer ce que représente l'enveloppe globale pour une région particulière.
Le problème est que la hausse des taux d'intérêt, tout au long de l'année 2007, a accru mécaniquement le coût de la bonification, ce qui pèse sur le budget, sans permettre pour autant d'autres d'installations. En arrivant au Gouvernement, j'ai ainsi constaté que la consommation des crédits avait augmenté de 30 % en un an, sans dotations ni installations supplémentaires, par le seul effet de la compensation de la hausse des taux d'intérêt.
Le coût de la bonification est désormais de 13 300 euros en moyenne en zone défavorisée, ce qui donne de l'attrait à ce dispositif. En 2006, nous avons versé 57,3 millions d'euros de crédits nationaux pour les prêts bonifiés. Actuellement, nous atteignons la somme de 64 millions d'euros en mobilisant 7 millions supplémentaires de crédits nationaux. Dans le même temps, comme je l'ai annoncé à la tribune, un montant de 7 millions d'euros a été mobilisé sur les crédits communautaires.
Je suivrai attentivement – malgré un budget difficile, comme je l'ai annoncé avec sincérité – l'évolution des besoins d'ici à la fin de l'année, afin d'éviter que les demandes de prêts bonifiés ne créent les mêmes files d'attente qu'en 2007. En liaison avec la profession, notamment avec les jeunes agriculteurs, je veux mettre à l'étude un dispositif permettant de lisser leur traitement et peut-être, grâce à certains ajustements, de prendre un peu plus de dossiers en charge dans un volume de crédits qui, malgré des abondements en cours d'année, ne sera – disons-le franchement – ni doublé ni triplé. Nous devrons par conséquent trouver les moyens d'éviter les files d'attente, avec des crédits sensiblement maintenus ou faiblement augmentés.
Je vous remercie, monsieur Binetruy, de m'avoir donné l'occasion d'apporter ces précisions complémentaires.
Monsieur le ministre, il est nécessaire de réaffirmer avec détermination, comme vous le faites, que l'agriculture conserve toute sa place dans notre société car, pas plus que vous, je ne crois à une société sans agriculture. Cette activité d'avenir s'inscrit pleinement dans la modernité ; pour nos sociétés, elle est au coeur de tous les défis d'aujourd'hui et de demain : croissance, sécurité alimentaire, développement durable, indépendance énergétique...
Depuis 1994, les agriculteurs se sont engagés dans la mise en oeuvre du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole. Le PMPOA 1 représentait la première procédure permettant la modernisation des bâtiments d'élevage. Il s'agissait de favoriser, dans les exploitations agricoles, les investissements de nature à réduire les pollutions dues aux effluents d'élevage et à mieux raisonner la fertilisation azotée.
Le PMPOA 2, engagé en 2002, doit être prioritairement mis en oeuvre dans les zones vulnérables au regard de la pollution par les nitrates. Son application entraîne des investissements souvent très importants pour les agriculteurs, qui ne pourront réaliser les projets de mise aux normes assurant la viabilité de leurs exploitations que s'ils bénéficient d'un accompagnement financier suffisant.
Je n'ignore pas que des sommes importantes seront affectées en 2008 à la poursuite du plan de modernisation des bâtiments d'élevage et à la mise en place du plan végétal pour l'environnement.
Malgré ces engagements de l'État, les besoins restent très forts et, aujourd'hui, de nombreux agriculteurs, notamment dans mon département, l'Isère, s'inquiètent de ne pas pouvoir bénéficier des soutiens nécessaires à la réalisation des travaux. Beaucoup d'exploitations, aux projets porteurs d'emplois, risquent donc d'être mises en danger. Jeudi dernier, une réunion de travail s'est tenue à ce sujet dans votre ministère et je remercie vos services de l'avoir tenue.
Quelles garanties pouvez-vous donner aux agriculteurs pour qu'ils puissent continuer à assurer la mise aux normes de leurs installations dans de bonnes conditions et répondre ainsi aux exigences environnementales ?
Monsieur le député, vous appelez mon attention sur un programme très important…
…relatif à la maîtrise des pollutions d'origine agricole. L'année 2007 constituait la dernière année d'engagement dans ce programme.
Grâce aux efforts financiers consentis par l'État, qui a mobilisé 190 millions d'euros entre 2002 et 2007, par les collectivités territoriales et par les agences de l'eau, ce programme aura permis à près de 53 000 éleveurs de bénéficier des aides pour mettre leur exploitation en conformité. La France est même allée au-delà de son engagement vis-à-vis de la Commission européenne, qui était de soutenir 42 200 dossiers avant la fin de 2006. La forte mobilisation des acteurs, associée aux mesures de simplification de la procédure, a permis d'accompagner efficacement un plus grand nombre d'éleveurs dans leur effort de mise aux normes.
Plus précisément, afin d'honorer nos engagements, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit un montant de 34 millions d'euros en crédits de paiement. À l'avenir, la gestion des effluents d'élevage relèvera du plan de modernisation des bâtiments d'élevage. Le stockage des effluents sera financé, hors zone vulnérable, dans les zones nouvellement classées, et, pour les jeunes agriculteurs, dans la France entière.
Monsieur le ministre, notre filière viticole a besoin d'une politique de soutien volontariste, digne du plan de modernisation que vous avez lancé il y a quelque temps. On ne peut que se féliciter d'une telle politique, car cette initiative est nécessaire. En effet, si certains vignobles et certains vignerons français connaissent une grande réussite, il existe aussi des viticultures et des viticulteurs dont la situation est préoccupante. Je pense particulièrement à ceux qui, en Languedoc-Roussillon, ont réussi leur révolution qualitative, mais se heurtent aujourd'hui à la mévente du vin, du fait de la baisse de la consommation en France et de la difficulté de gagner des parts de marché à l'exportation. En effet, en recourant à des procédés industriels d'élaboration du vin et en mettant en oeuvre des politiques de marketing parfois agressives, les pays du Nouveau Monde arrivent à bien se positionner sur les marchés internationaux, alors que la filière française, qui produit pourtant le meilleur vin du monde, y rencontre des difficultés. Votre plan est donc nécessaire.
Mes questions concernent les moyens que vous dégagerez afin de le mettre en oeuvre, en particulier pour conquérir des marchés, restructurer la filière et améliorer la situation sociale de certains vignerons.
Pour conquérir des marchés, quel accompagnement envisagez-vous, au-delà de la promotion nécessaire, afin d'aider les entreprises qui se lancent sur le marché de l'export ? Je pense aussi à des pays potentiellement aussi porteurs que la Chine, l'Inde, la Corée, et à toute l'Asie en général. Comment sensibiliser les futurs consommateurs qui s'y trouvent à la culture des vins de France, dont l'élaboration n'est pas liée aux procédés industriels ?
Pour ce qui est de la restructuration de la filière,…
…plus précisément de la modernisation du secteur coopératif, un accompagnement est nécessaire. Que prévoyez-vous dans ce domaine ?
Enfin, comment garantir une pension décente aux viticulteurs qui partent à la retraite aujourd'hui ? Comment les jeunes passeront-ils le cap difficile, en attendant les résultats de votre plan de modernisation ? Envisagez-vous des mesures spéciales, notamment au titre des cotisations sociales ?
Chers collègues, je vous rappelle que l'orateur ne peut poser qu'une seule question au ministre. S'il souhaite l'interroger plusieurs fois, il doit solliciter une autorisation de son groupe, qui la lui accordera certainement. En tout état de cause, je vous demande de ne pas dépasser le temps qui vous est imparti.
La parole est à M. le ministre.
Vous m'interrogez, monsieur le député, sur un sujet qui est au coeur de l'actualité de mon ministère, puisqu'il s'agit de la négociation de l'OCM vin. Nous avons reçu une proposition de la Commission à cet égard et, en arrivant au Gouvernement, j'ai indiqué clairement – certains ont dit brutalement – ma position sur ce sujet fondamental.
Nous avons besoin d'une OCM forte. Cependant, il faut éviter que, par un excès de libéralisme, elle ne vienne détricoter, démanteler ce qui fait l'identité des vignobles français et européens : les droits de plantation. Nous attendons par conséquent de la Commission qu'elle évolue. Sa proposition de libéraliser les droits de plantation risquerait en effet de provoquer, à partir de 2013, de nouvelles surproductions, sans parler d'un dépaysement des productions, si tant est que l'on puisse produire certains vins ailleurs. En même temps qu'elle proposait de démanteler les droits de plantation, la Commission envisageait du reste un important plan d'arrachage de près de 400 000 hectares, qu'elle a finalement réduit à 200 000. Nous attendons, je le répète, que sa position évolue.
Ses propositions contiennent cependant des points positifs, comme la fixation d'enveloppes nationales, que la France, pour sa part, aimerait pouvoir utiliser, en particulier pour les distillations de crise. Pour la promotion des vins, des opérations seront bientôt possibles, du fait d'une augmentation des crédits. Je signale d'ailleurs que nous avons dégagé 11 millions d'euros pour la promotion de nos appellations par VINIFLHOR. J'ai également lancé un plan pour l'avenir de la viticulture française, qui dépend largement de l'OCM vin.
J'ai donc clairement indiqué quelles étaient les limites – j'ai parlé tout à l'heure de « bornes » – que nous voulions voir respecter. Je m'attache à créer une majorité qualifiée autour de ces positions, qui ne sont pas seulement celles de la France, mais reflètent une certaine idée de la viticulture européenne. Voilà pourquoi je suis allé hier en Allemagne et, lundi dernier, en Hongrie, pays producteurs de vin. Les vins ne sont pas les mêmes, mais partout, on observe un attachement à la tradition, un enracinement de la production vinicole dans le territoire, une identité et même une authenticité identiques. C'est pourquoi nous n'accepterons pas le démantèlement de cette filière.
Je vous répondrai par écrit sur les autres aspects de votre question, notamment sur le volet social, afin de pouvoir le faire plus précisément. Mais je veux que l'OCM soit forte et conquérante. Compte tenu de la qualité de nos vins, nous n'avons aucun complexe à avoir à l'égard des nouveaux pays producteurs – au demeurant respectables – d'Amérique latine, d'Afrique du Sud ou d'Australie.
C'est pourquoi nous avons décidé de promouvoir nos produits sans complexe. J'ai indiqué l'autre jour en souriant que je voulais être le ministre du commerce extérieur agricole et viticole. Je le serai, en allant soutenir moi-même l'exportation de nos vins. De même, nous attendons de la Commission qu'elle écoute les propositions des États membres et qu'elle évolue, pour qu'un accord soit conclu, si possible, avant la fin de l'année. Le temps est compté. Certains souhaitent qu'il intervienne sous la présidence portugaise, mais on ne parviendra à un accord que si la Commission évolue pour tenir compte de notre position.
Nous en venons aux questions du groupe du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à M. François Brottes, qui veillera à ne poser qu'une seule question.
Vous êtes trop aimable, monsieur le président. (Sourires.)
Monsieur le ministre, je crois avoir quelque droit de me réjouir, en toute modestie, des propos que vous avez tenus sur la forêt et la filière bois. Pour avoir été le rapporteur de la loi d'orientation forestière, adoptée en 2001 à l'unanimité des assemblées, je me réjouis que le Gouvernement affirme haut et fort que, dans ce domaine, il est indispensable de mieux mobiliser la ressource et de mieux valoriser la récolte. Je vous signale d'ailleurs que le dispositif « Compétitivité plus », que vous avez bien connu en Savoie, avait permis aux sylviculteurs de montagne de récolter beaucoup plus qu'aujourd'hui. Peut-être – ce n'est pas une question, monsieur le président, mais une suggestion – le Gouvernement pourrait-il remettre cette disposition au goût du jour.
On le sait : la forêt, c'est la production de papier, la tonnellerie – pour saluer nos collègues qui défendent la viticulture – et l'exploitation du bois énergie ou du bois de construction. Mais j'ai déjà fait part d'une inquiétude à M. Darcos, qui ne m'a pas rassuré : des baccalauréats scientifiques et techniques liés à la filière bois sont actuellement supprimés, au prétexte que le ministère de l'éducation nationale a engagé une réflexion dans ce domaine. Je souhaite que vous accompagniez cette réflexion, afin de rappeler à votre collègue que la filière bois a de l'avenir. Il est important de continuer à former des femmes et des hommes qui s'impliqueront dans son développement.
J'en viens à ma question, qui concerne cette nouvelle possibilité de développement de la filière bois que sont les biocarburants. Le bois est en effet une source de biomasse qui peut être utilisée pour produire de l'énergie par combustibles directs ou par la production de biocombustibles solides, liquides ou gazeux. J'ai remarqué l'enthousiasme dont a fait preuve – une fois n'est pas coutume – Mme Fischer Boel pendant son audition. Quand nous lui avons demandé quel intérêt l'Union européenne portait à la filière bois, elle a répondu que celle-ci présentait un intérêt majeur pour le développement de la deuxième génération des biocarburants.
Le Président de la République a indiqué qu'il y était lui-même très attaché. D'où ma question : comment le Gouvernement va-t-il ouvrir des perspectives à l'industrie papetière, qui en a besoin, et encourager la filière bois à développer des biocarburants ?
L'Assemblée nationale débattra dans deux jours du budget de l'enseignement agricole au sein de la mission « Enseignement scolaire ». Certes, pour maîtriser un tel budget, il faut éviter les redondances, s'adapter, mieux coordonner la carte scolaire – d'autant que parfois des sections d'enseignement sont trop peu nombreuses, même si je ne dis pas que ce soit le cas pour les sections forestières. Mais je vais m'attacher à ce que se poursuive la formation des jeunes dans les métiers de la forêt. J'ai moi-même affiché une ambition forte pour ces métiers d'avenir et j'en ferai une priorité lors des prochaines assises de la forêt. Je considère comme vous, monsieur Brottes, que la valorisation intelligente et durable de la forêt a un véritable avenir. Vous disiez, après m'avoir écouté, qu'il n'était pas trop tôt pour en reconnaître l'importance ; c'est en tout cas l'un des acquis du Grenelle de l'environnement.
La recherche se poursuit sur les biocarburants de la deuxième génération ; leur promotion s'opère grâce au programme national de recherche sur les bioénergies de l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, auquel coopère le ministère de l'agriculture et de la pêche ainsi que l'institut technologique de l'Office national des forêts. Une première phase de démonstration consiste à maîtriser la gazéification de la biomasse à l'horizon de 2010, que je trouve trop tardif. À partir de 2015, une deuxième phase verrait le développement industriel de la filière, tandis qu'une troisième phase, à compter de 2030 et au-delà, devrait permettre de développer ces investissements à grande échelle.
Parallèlement, il nous faut travailler avec la filière à la mobilisation de la ressource forestière. C'est l'un des enjeux des assises de la forêt qui se tiendront à l'occasion de la réunion du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois le 21 novembre prochain. Voilà le calendrier tel qu'il était prévu au moment où s'est ouvert le Grenelle.
Si le Grenelle doit avoir une utilité, dans ce domaine-là comme dans des autres, et donner une impulsion, je pense qu'il devrait permettre de resserrer le calendrier. Je ne peux pas m'engager immédiatement devant l'Assemblée sous prétexte de vous faire plaisir, monsieur le député, mais je vérifierai s'il est possible d'améliorer ce calendrier en intensifiant l'effort de recherche.
Monsieur le ministre, ma question portera sur la politique du cheval, dont le budget est en diminution de 3,4 % en euros constants par rapport à 2007.
Le cheval, souvent affaire de passion, est avant tout une filière économique à part entière. On dénombre dans ce secteur 43 000 éleveurs, 62 000 emplois, 5 000 centres équestres et 500 000 licenciés en équitation, ce qui place la fédération au quatrième rang national. C'est également une filière facteur d'aménagement du territoire et créatrice d'activités, notamment en milieu rural et périurbain. L'équitation est un fait social, basé sur la relation avec l'animal et la nature, c'est un sport qui continue à se démocratiser même si beaucoup reste encore à faire pour permettre son accès au plus grand nombre.
L'élevage de chevaux s'est fortement développé et spécialisé comme l'illustre, entre autres disciplines, le dressage, le saut d'obstacle, l'attelage ou l'endurance.
Le cheval est un outil de diversification pour certains éleveurs. Les débouchés quasi inexistants en matière de vente de poulains de loisir ou de sport, poussent les producteurs à conserver leurs chevaux jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de trois ans – voire cinq ou six ans pour les chevaux à fort potentiel – ce qui constitue une charge d'immobilisation importante pour les petits éleveurs, même lorsqu'ils sont passionnés.
La France s'est longtemps illustrée – c'est encore le cas aujourd'hui – dans la production de chevaux de niveau olympique ou mondial, tirant ainsi toute la filière vers le haut.
Monsieur le ministre, la filière équine suscite des interrogations sur son organisation et son mode de financement. Dans ce contexte de baisse budgétaire, je voudrais savoir quelles orientations vous souhaitez donner à la politique publique du cheval en France afin que la filière équine demeure une filière de renommée mondiale, attractive et créatrice d'emplois . Quels objectifs fixez-vous aux haras nationaux et quelle sera la mission des cinq directeurs territoriaux nommés récemment ?
Madame Erhel, je vous remercie de m'avoir posé cette question. Dans mon intervention initiale sur le projet de loi de finances, je ne pouvais pas évoquer tous les sujets et la phase des questions me permet de m'exprimer sur un secteur auquel j'attache une grande importance.
Le Gouvernement souhaite avoir une approche globale et concertée de la filière cheval. Cette volonté se traduit par des actions concrètes que vous me permettrez de rappeler puisqu'elles s'inscrivent dans le cadre de ce budget – même si vous avez constaté sa légère diminution, nous nous attacherons à mieux utiliser l'argent disponible.
Premièrement, le caractère agricole du secteur cheval a été reconnu en 2005 par la loi de développement rural.
Deuxièmement, la structuration de la filière se poursuit avec la mise en place de la Fédération interprofessionnelle du cheval de sport, de loisir et de travail, la FIVAL, et des responsabilités accrues et mieux définies pour les associations nationales de race.
Troisièmement, la labellisation d'un « pôle de compétitivité cheval » en Basse-Normandie est soutenue notamment par des crédits déconcentrés du ministère de l'agriculture : votre collègue Nicole Ameline, élue de la région, est très attentive à ce sujet.
Quatrièmement, l'accord de partenariat entre l'État et l'institution des courses a permis le financement de projets novateurs et structurants par le fonds ÉPERON à hauteur de 9 millions d'euros depuis 2005 ; il a encouragé des projets équestres régionaux ou nationaux et la labellisation de pôles d'excellence rurale autour de la thématique du cheval.
Pour l'avenir, madame Erhel, la consolidation du secteur des jeux et du retour sur la filière nous semble un enjeu central et névralgique. Dans le secteur des courses, l'action des haras nationaux sera recentrée dans le cadre du futur contrat d'objectifs entre l'État et l'établissement public pour la période 2008-2011. Avec mon collègue Eric Woerth, nous menons actuellement une négociation difficile et exigeante avec la Commission européenne au sujet des remarques qu'elle nous a faites, mais je tiens absolument à ce que soit préservée l'autonomie, l'indépendance et la capacité d'action que permet le retour sur la filière.
Mon-sieur le président, je tiens à associer à cette question mon collègue Jean Mallot, député de l'Allier.
Vous ne méconnaissez pas, monsieur le ministre, le contexte plus que difficile dans lequel évolue notre élevage ovin, avec une baisse constante du nombre de têtes et une situation financière de plus en plus intenable pour nos éleveurs, dont les revenus sont les plus bas de la profession agricole.
Les mesures que vous avez annoncées en septembre dernier ne sont toujours pas en vigueur, que ce soit le fonds d'allègement des charges ou l'aide spécifique. Concernant cette dernière, et malgré quelques avancées, nombre de troupeaux mixtes restent pénalisés, particulièrement dans les plus petits élevages, pourtant nombreux, et singulièrement dans les territoires les moins favorisés. C'est tout l'avenir de la filière ovine qui se joue en ce moment, alors même que celle-ci a fait des efforts considérables pour améliorer la qualité, mais aussi pour étaler la production tout au long de l'année afin de répondre aux besoins du marché.
Alors que les louanges du Grenelle de l'environnement sont chantées sur tous les tons, il est impératif de prendre des mesures favorables à l'élevage ovin, particulièrement respectueux de l'environnement et de l'occupation de l'espace national, afin qu'il ne soit pas définitivement mis à mal.
Monsieur le ministre, même si les éleveurs les jugent légitimement insuffisantes, pouvez-vous vous engager à mettre en oeuvre immédiatement les mesures annoncées il y a maintenant deux mois ? Pouvez-vous vous engager à plaider pour un rééquilibrage du premier pilier de la PAC ? Comment entendez-vous, dans le cadre du budget d'austérité qui nous est proposé, dégager des marges en faveur de la production ovine ? En effet, il ne suffit pas de se tourner vers l'Europe, il est possible de prendre des mesures franco-françaises comme les contrats d'exploitation territoriaux, les CTE, créés en 1998 et inopportunément démantelés en 2002, alors qu'ils avaient apporté une véritable bouffée d'air à l'élevage ovin
Au moment où à la crise structurelle ovine s'ajoute la fièvre catarrhale, nos éleveurs ont le moral en berne : que peuvent-ils attendre de ce budget ?
En effet, madame Pérol-Dumont, l'élevage ovin traverse une vraie crise due à la baisse des cours au deuxième semestre 2007, notamment causée par des importations à bas prix. Positive pour certains, l'augmentation du prix des matières premières alimentaires a également été défavorable à ce secteur. En outre, vous l'avez rappelé à juste titre, les revenus dégagés par cet élevage sont parmi les plus bas de l'économie agricole.
Or je pense, comme beaucoup d'entre vous, que cette production respectueuse de l'environnement joue un rôle essentiel dans les zones les plus défavorisées. Ancien élu et président d'un département montagnard, je sais que dans ces territoires, l'élevage ovin demeure souvent la dernière activité économique. Il fallait prendre des mesures d'urgence pour aider cet élevage à surmonter une telle crise, mais aussi des mesures à moyen terme, pour « remonter l'horizon », pour rendre un peu d'espoir à des gens qui ont beaucoup de raisons de perdre confiance.
Dans le cadre d'un budget sous tension, des mesures conjoncturelles d'urgence ont été prises à hauteur de 12 millions d'euros. Elles permettent d'allier une prise en charge des intérêts d'emprunt à long et moyen terme pour les éleveurs les plus en difficulté, un report et une prise en charge des cotisations sociales et une aide de minimis complémentaire. Vous m'avez dit que ces aides n'étaient pas en place, j'ai l'information contraire. Je vérifierai ce point dès demain matin afin que ces 12 millions d'euros soient effectivement disponibles aussi vite que possible pour les éleveurs qui en ont besoin.
Par ailleurs, à la demande de la France, la Commission européenne a accepté le paiement d'une avance de 50 % de la prime à la brebis dès le 16 octobre. Des mesures structurelles doivent également être négociées avec la profession pour renforcer l'organisation de l'offre et la qualité des produits dans la filière ovine, mettre en oeuvre une politique de limitation des effets de distorsion de concurrence, organiser les capacités d'amélioration génétique ovine autour de six pôles régionaux, prendre mieux en compte le secteur ovin dans les programmes d'enseignement et, enfin, réussir une meilleure adéquation entre la recherche et les besoins des professionnels.
Madame Pérol-Dumont, je veillerai avec beaucoup de soin à la mise en oeuvre rapide de ces mesures en concertation avec les responsables professionnels. À l'occasion du bilan de santé de la PAC et dans les grands débats qui s'ouvrent sur la future PAC, je présenterai des orientations qui permettront d'affecter de nouvelles aides européennes, au sein du premier pilier, à cette production, en particulier à destination de toutes les zones défavorisées.
J'ai dit à la tribune que je voulais une PAC durable, mais aussi équitable. Je pense que la PAC actuelle n'est pas équitable à l'égard de l'élevage ovin et je vais m'attacher aussi vite que possible à réparer cette injustice. (Approbation sur divers bancs.)
La suite de l'examen des crédits relatifs à l'agriculture est renvoyée à la prochaine séance.
Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008, no 189.
Suite de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » :
Rapport spécial, n° 276, annexe 3, de M. Nicolas Forissier, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan ;
Avis, n° 278, tome I, de MM. Antoine Herth et Gilles d'Ettore, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton