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Intervention de Antoine Herth

Réunion du 13 novembre 2007 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2008 — Agriculture pêche forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour l'agriculture, la pêche, la forêt et les affaires rurales :

Nous allons ensemble l'observer avec beaucoup d'attention.

La baisse constatée sur le programme 227 intervient après que plusieurs crises sectorielles ont touché notre territoire cette année, avec parfois des conséquences budgétaires importantes. Je pense notamment au plan proposé au secteur ovin à la suite de la crise de la fièvre catarrhale, doté de 12 millions d'euros, mais on pourrait également citer les mesures de distillation en alcool de bouche pour la viticulture ou encore le soutien à la filière des veaux de boucherie.

À cet égard, il convient de rendre hommage au ministre de l'agriculture et de la pêche, qui a toujours su répondre aux sollicitations des agriculteurs en difficulté et mobiliser ses services, non seulement pour trouver des solutions concrètes aux problèmes rencontrés mais, au-delà, pour engager les réformes nécessaires et développer une vision prospective des besoins et des ambitions de l'agriculture française.

Monsieur le ministre, vous nous l'avez dit en commission, votre action s'inscrit dans le cadre d'un grand projet alimentaire, agricole et rural que vous souhaitez promouvoir au niveau national comme au niveau communautaire et à tous les échelons de votre administration. Nous vous en sommes reconnaissants, mais, nous vous parlons avec franchise, nous sommes également inquiets des baisses de crédits observées cette année.

En effet, comme je l'ai dit en introduction, la conjoncture actuelle ne doit pas nous conduire à baisser la garde face aux défis qui attendent l'agriculture de demain.

Ces défis, quels sont-ils ?

Il y a d'abord un défi sociétal, qui ressort des discussions menées récemment lors du Grenelle de l'environnement. C'est le premier défi pour notre agriculture, qui doit répondre aux attentes.

À cet égard je ferai juste une parenthèse. Il y a quelques heures encore, j'étais en déplacement dans le Bas-Rhin avec mon collègue Jean Gaubert, à la demande du président de la commission, Patrick Ollier, pour contrôler l'application de la loi d'orientation agricole. En rencontrant des exploitants qualifiés en agriculture biologique et en agriculture raisonnée, nous avons pu constater que les annonces suscitent à la fois beaucoup d'attentes sur le terrain et un certain nombre d'interrogations, aussi bien pour les objectifs fixés que pour les moyens de les réaliser.

Ainsi, le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, maintenu en 2008, qui devrait coûter à l'État environ 10 millions d'euros, n'est pas compatible avec l'aide au maintien prévue dans le cadre des dispositifs déconcentrés du PDRH, le plan de développement rural hexagonal, et mise en oeuvre dans deux régions, Poitou-Charentes et Bretagne. Ce crédit d'impôt reste-t-il pertinent ? Sera-t-il reconduit, et selon quelles modalités ?

Plus généralement, plusieurs questions se posent sur la mise en oeuvre du plan de développement rural hexagonal. Ainsi, s'agissant de la PHAE, la renationalisation de la prime à l'herbe nous avait été annoncée dès la discussion du projet de loi de finances pour 2007. Or on s'aperçoit, à la lecture du projet annuel de performances, que vous avez à nouveau choisi le cofinancement. Que s'est-il passé entre-temps ? Pourquoi ce changement de stratégie ? Est-il lié à l'abandon de la MAE rotationnelle ?

Enfin, en ce qui concerne les ICHN, l'objectif était d'augmenter de 50 % le taux de majoration applicable aux vingt-cinq premiers hectares. Nous constatons que nous sommes en dessous de cette annonce. Qu'en est-il exactement ? L'objectif est-il toujours d'actualité ?

Le deuxième défi majeur qui attend l'agriculture française et européenne, c'est la gestion des risques et des aléas.

À cet égard, la hausse de 2 millions d'euros des crédits consacrés au développement de l'assurance récolte constitue un signal positif, à défaut d'être véritablement déterminant. Là encore, la bonne conjoncture actuelle pourrait reléguer cette question au second plan, la meilleure assurance étant pour beaucoup d'avoir un bon marché, un bon prix pour les produits. Toutefois, si l'on doit s'orienter, comme le préconise le rapport du sénateur Dominique Mortemousque, vers l'abandon du régime des calamités agricoles et une diffusion rapide de l'assurance récolte, il faudra en revoir les cadres.

De nombreuses questions concernant les modalités concrètes de cette diffusion sont par ailleurs encore en suspens. Alors que l'on trouve les pourcentages les plus élevés de surfaces assurées en grandes cultures, comment inciter les cultures spécialisées à s'assurer ? Comment convaincre également les petites exploitations, qui sont le plus souvent au forfait et ne peuvent pas amortir le coût de l'assurance, à néanmoins franchir le pas et à s'orienter vers ce mode de couverture de risque ? Une modulation du taux d'aide de l'État est-elle envisagée par le ministère pour répondre à ces cas de figure ? Je pense en particulier au secteur de l'agriculture biologique, qui, en renonçant à la fois à un certain nombre de progrès génétiques et aux produits phytosanitaires, prend des risques supplémentaires. Faudrait-il prévoir un dispositif particulier pour le bio ?

J'en viens au troisième défi que devra relever l'agriculture : la valorisation des produits agricoles et forestiers.

Cette année, l'État fournit un très gros effort financier en faveur de l'ONF, qui se traduit par une subvention supplémentaire de 26 millions d'euros au titre des pensions des fonctionnaires de l'établissement. Le développement économique de la filière bois-forêt n'en constitue pas moins une priorité, avec notamment une hausse des crédits au bénéfice du plan de relance de la compétitivité des scieries, maillons essentiels de la valorisation des produits forestiers, la préservation des crédits en faveur du développement des usages de la biomasse ou encore de nouvelles mesures pour l'investissement sylvicole.

On constate toutefois que l'État continue de privilégier ses instruments d'action classiques – établissements publics, centres techniques, associations et coopérations forestières –, alors que, parallèlement, apparaissent dans ce secteur des acteurs privés, comme les experts forestiers, qui ne bénéficient d'aucun soutien public.

Alors qu'en 2009, dix ans après la tempête de 1999, le plan chablis approchera de son terme, de même que plusieurs autres dispositifs mis en place par la loi d'orientation sur la forêt, n'est-il pas temps, monsieur le ministre, de tirer le bilan des mesures mises en oeuvre ces dix dernières années et de réexaminer les modalités d'intervention de la puissance publique en faveur de la forêt ? Il s'agirait, entre autres, de tenir compte du fait que le marché du bois est actuellement à la hausse, ce dont les communes forestières ne peuvent que se réjouir.

Des orientations fortes sont également fixées en faveur du développement des biocarburants, ainsi que des mesures financières à la hauteur de ces orientations. Toutefois la conjoncture actuelle et les récentes remises en cause des « agrocarburants » nous imposent de nous interroger sur ces orientations. Ainsi, le coût pour les finances publiques de l'exonération partielle de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers pour les biocarburants devrait être de 1 milliard d'euros en 2008, contre 610 millions d'euros en 2007 et 259 millions d'euros en 2006. Cette réduction d'impôt, qui profite à soixante entreprises contribuables, et indirectement à l'ensemble du secteur agricole, est, aux termes de l'article 49 de la loi d'orientation agricole, « modulée en fonction de l'évolution des cours des matières premières agricoles et des énergies fossiles et de la productivité des filières agro-industrielles concernées. Elle doit permettre d'assurer la compétitivité des biocarburants par rapport aux carburants fossiles sans toutefois aboutir à une surcompensation de l'écart de prix de revient entre ces produits. » J'aimerais savoir, monsieur le ministre, si ce mode de calcul est la cause de la hausse programmée du coût de l'allégement fiscal pour 2008, et quel bilan nous pouvons en tirer.

Je voudrais aborder en conclusion, après Nicolas Forissier, la question de la révision générale des politiques publiques. Puisque M. Forissier est entré dans les détails les plus précis, je me contenterai, monsieur le ministre, de vous demander quels enseignements vous tirez de l'expérimentation de fusion entre les directions départementales de l'agriculture et celles de l'équipement, actuellement menée dans huit départements, et s'il faut envisager de l'étendre à l'ensemble du territoire national.

Les défis auxquels l'agriculture est confrontée sont nombreux et j'en ai sans doute oublié. Nous avons la chance de bénéficier d'une conjoncture extrêmement propice à certaines réformes et certaines réflexions, comme celles qui s'annoncent dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Je n'ai aucun doute quant à la capacité du ministère de l'agriculture et à votre engagement, monsieur le ministre, de mener à bien notre projet pour l'agriculture française, et ce en dépit des baisses de crédits que nous constatons malheureusement cette année pour le budget de l'agriculture. C'est pourquoi la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » pour 2008, avis que je vous invite à suivre, mes chers collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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