Il faudra aussi produire mieux, afin d'être au grand rendez-vous de la protection de notre environnement, tout en continuant d'occuper l'espace, et je voudrais insister sur ce dernier point : lorsqu'on parle d'agriculture, il faut aussi parler d'aménagement du territoire. L'agriculture reste en effet le dernier rempart face à la désertification de nos territoires, dont elle assure la valorisation par l'activité économique qu'elle génère, via un réseau de PME et de TPE. Nous devrons d'ailleurs, monsieur le ministre, mieux organiser nos filières, non seulement celle des fruits et légumes, dont on parle beaucoup, mais aussi toutes les autres. Il faut notamment encourager les microfilières, sources de valeur ajoutée – je pense ainsi à l'époisses, pour lequel le député de Côte d'Or que je suis éprouve un attachement tout particulier.
Même si le nombre d'agriculteurs a nettement diminué, ils sont encore plus de 800 000 équivalents temps plein à travailler dans ce secteur et autant dans l'agroalimentaire. C'est l'occasion de rappeler la vitalité et la performance de ce secteur, présenté parfois comme dépassé. L'agriculture reste une grande force économique et une grande chance pour la France et pour l'Europe. Dois-je rappeler que le secteur agricole et agroalimentaire reste largement excédentaire. Je souhaiterais à ce propos, monsieur le ministre, que vous engagiez avec votre collègue chargé du commerce extérieur une réflexion, dans le cadre de la réorganisation générale des politiques publiques, sur les moyens de mieux accompagner nos PME et nos TPE à l'export.
La diversité agricole et agroalimentaire française est une chance pour nos exportations. Il faudra là aussi conduire une réflexion plus globale sur le commerce extérieur français et les conditions dans lesquelles on va accompagner, voire restructurer cette activité, à travers le réseau de nos ambassades, voire avec l'appui des professionnels. Il y a là un travail à faire, et je serais très intéressé par votre réflexion sur ce sujet.
Ce contexte général durablement porteur pour l'agriculture est, bien entendu, celui d'une demande mondiale croissante, qui est une tendance durable. Nous devrions d'ailleurs engager aussi une réflexion sur les conditions de mobilisation de notre ressource. La question se pose notamment pour la forêt, à propos de laquelle je vous avais déjà interrogé. Il serait en effet très intéressant que vous puissiez nous indiquer les conditions générales de l'exploitation de nos forêts – non pas tant pour ce qui concerne l'éclatement de la forêt privée, dont l'exploitation rationnelle est parfois difficile, que pour ce qui est des conditions de mobilisation du bois. En effet, de nombreux professionnels s'interrogent aujourd'hui sur le renchérissement du bois et sur les exportations, ainsi que sur la gestion des forêts. Quel que soit notre attachement envers l'Office national des forêts, il serait utile de nous donner des précisions sur les conditions de mise en marché du bois.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Nouveau Centre reste très attaché aux engagements pris dans la loi d'orientation agricole en matière de débouchés non alimentaires : il importe de ne pas faire passer à la trappe l'effort qui a déjà été accompli pour les biocarburants et que le renchérissement durable du coût de l'énergie fossile ne rend que plus impératif de poursuivre. Sans doute faudra-t-il engager à cet égard une nouvelle réflexion, portant sur les conditions dans lesquelles nous progresserons aux côtés des industriels, mais, j'y insiste, nous devons nous garder de désarmer et respecter les engagements pris devant le Parlement à propos de l'introduction de biocarburants lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, où nous avions inscrit dans la loi des objectifs en la matière. Si nous voulons une énergie propre, les biocarburants restent une chance pour notre pays.
En tout état de cause, il ne faut pas opposer l'orientation alimentaire aux biocarburants ou aux nouveaux débouchés de l'agriculture, notamment en matière de recherche. Notre réflexion doit se situer au niveau plus global de l'avenir de la politique agricole commune et s'attacher à découvrir comment, après une période où nous avons dû gérer des excédents, nous pourrons gérer la recherche d'une croissance nécessaire. Tel sera l'enjeu des grandes négociations que vous aurez prochainement au niveau de la politique agricole commune, et c'est là le deuxième sujet que je souhaitais aborder.
Après le Grenelle de l'environnement et dans l'attente de la loi-cadre qui sera soumise au Parlement, je tiens à insister sur le fait que rien ne pourra se faire sans l'implication des agriculteurs et des professionnels et qu'il nous faut fixer des objectifs sérieux, pragmatiques, partagés et présentant nécessairement une dimension européenne, en matière notamment de recherche et d'OGM. Si légitime soit le débat qui s'engage dans le pays à cet égard, la recherche doit nous permettre de faire avancer la réflexion afin que nous puissions, lorsqu'une expertise partagée à l'échelle européenne nous aura donné l'assurance d'avoir satisfait à toutes les exigences et répondu aux préoccupations qui s'expriment, ne pas rester en retrait. Il nous faut en tout cas être très engagés sur cette question. Nous ne gagnerons pas la bataille de l'environnement sans les acteurs de l'économie – et pas, en particulier, sans les acteurs de l'économie agricole.
Ce contexte général nous invite à faire de la révision à mi-parcours de la politique agricole commune plus qu'un simple examen, un bilan de santé de la PAC. Le Président de la République a d'ailleurs dit lui-même, et je souscris à cette orientation, qu'il doit s'agir là d'un grand rendez-vous pour l'agriculture européenne et française. Comment allons-nous, dans ce contexte nouveau, préparer les grandes étapes de 2013 et de l'après 2013 – puisque nous avons déjà fixé une orientation générale ? Tel est donc l'enjeu de ce débat. Je sais bien, monsieur le ministre, que vous êtes engagé dans cette voie et je tiens à vous assurer que le groupe Nouveau Centre soutient l'action que vous menez pour que ce rendez-vous prenne en compte la nouvelle problématique environnementale et agricole mondiale.
À cet égard, je souhaite aussi que, lors des débats qui auront lieu dans le cadre de l'OMC, vous demandiez à nos partenaires de se fixer des exigences et des calendriers visant à ce que nos agriculteurs ne se voient pas imposer, en matière d'importations de produits agricoles et dans les échanges, des mesures de protection qui ne s'imposeraient pas à ceux qui entendent importer chez nous. Dans le cas contraire, en effet, on saisit l'incompréhension des consommateurs et la colère des producteurs auxquels on impose des contraintes que l'on n'impose pas à ceux qui viendraient commercialiser sur notre sol. C'est là un des véritables enjeux de ces débats.
Ce contexte porteur présente aussi, je l'ai dit, des éléments d'instabilité : vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, avec votre longue et solide expérience, les marchés de l'économie agricole sont des marchés hautement spéculatifs, à la baisse comme à la hausse. L'Europe doit se doter d'outils de régulation économique pour peser dans l'ordre du monde, à défaut de quoi se produiront, dans une tendance à la hausse des produits agricoles liée à la demande mondiale, des fluctuations telles qu'elles seront insupportables et destructrices pour certaines de nos filières qui ont besoin de tendances lourdes. Je souhaite que l'Europe ne se prive pas d'outils de régulation économique et qu'elle pèse dans l'ordre du monde, car tel est son rôle. La France ne peut le faire seule, mais c'est sa responsabilité de grand pays que de porter cette exigence au niveau européen.
Il y a aussi une bonne nouvelle : le fait d'avoir fait de la Pologne et des grands pays producteurs agricoles nos alliés, plutôt que de les désigner comme des concurrents potentiels. Nous avons des problématiques à partager et un avenir à construire ensemble. Je souhaite que ce dialogue nouveau qu'a voulu le Président de la République avec les grandes puissances agricoles de l'Europe soit prometteur d'un accord que nous pourrions trouver.
Face à cette instabilité des marchés, et si ferme soit la tendance porteuse, il nous faut être très engagés sur les outils à mettre au service de l'agriculture, comme les mécanismes de l'assurance récolte. Cela suppose une implication forte de la puissance publique. Je reconnais que, comme l'ont rappelé MM. les rapporteurs, un effort a été fait en ce sens. Cet effort est cependant limité. Or nous savons bien que nous ne pourrons pas gagner la bataille de l'assurance récolte sans un véritable partenariat avec la puissance publique. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit en Espagne, comme l'ont montré nos collègues auteurs d'un rapport très éclairant.
J'évoquerai enfin la recherche et l'enseignement. En effet, les enjeux internationaux ne doivent pas nous exonérer de notre responsabilité nationale. Dans un cadre contraint d'économies budgétaires, il faut – et nul ne vous en fera le reproche – réorienter l'argent public pour le rendre utile et faire en sorte de réduire les prélèvements obligatoires : je ne tiendrai pas deux langages sur ce point. C'est à juste titre que vous avez voulu donner à votre budget une orientation en faveur de l'enseignement et de la recherche, qui répondent à une nécessité. Vous connaissez notre attachement à la spécificité de l'enseignement agricole, qui a été une chance pour notre pays, et à l'alternance. Derrière la formation se profilent en effet les enjeux et les défis auxquels nous serons confrontés dès demain : ceux de la transmission et de l'installation des jeunes sur nos territoires. Je souhaite vivement, monsieur le ministre, que l'on étudie les nouveaux moyens que l'on pourra mettre à la disposition des jeunes agriculteurs. Nous ne sommes, je le sais, pas assez audacieux en la matière, mais je souhaiterais que nous puissions, avec la profession agricole, avancer pour relever le défi de la transmission des exploitations.
Je ne reviendrai pas sur la recherche, qu'il faudra intensifier, et notamment la recherche partagée que nous devrons mener, avec les autres pays, sur les OGM.
La sécurité sanitaire est, quant à elle, un enjeu majeur et je souhaiterais, comme M. Forissier, que nous puissions engager une vraie réflexion sur la gestion des crises dans ce domaine, et notamment sur la communication en situation de crise, qui doit savoir rassurer nos compatriotes. Tous les outils permettant d'attester la sécurité alimentaire des produits mis sur le marché existent. Dans ce domaine aussi, cependant, la communication doit être partenariale.
Parallèlement aux problématiques sanitaires se présentent aussi des problématiques économiques, comme on l'a vu avec la crise de la fièvre catarrhale. Je souhaiterais d'ailleurs que vous puissiez faire le point sur cette crise économique majeure, causée par une maladie bovine et ovine qui, si elle n'a aucun effet sur la santé humaine, a des conséquences sur les troupeaux et sur les exportations. Je souhaiterais également que vous nous indiquiez dans quelles conditions les vaccins seront mis à la disposition des éleveurs.