Monsieur le ministre, je voudrais débuter cette intervention en rappelant les termes employés par le Président de la République dans la lettre de mission qu'il vous a adressée le 11 juillet dernier : « Votre mission première, aussi bien en Europe qu'au niveau mondial, sera d'assumer la vocation agricole de la France et de préserver notre agriculture de production. Vous devrez affirmer le principe de préférence communautaire et de soutien à l'agriculture européenne mis en oeuvre dans le cadre de la PAC afin de répondre à la demande fondamentale de nos agriculteurs qui veulent vivre de leur travail, c'est-à-dire du prix de leur production. » À la lecture de votre budget, la désillusion est malheureusement à la mesure de l'espoir qu'avait fait naître le Président.
Les réalités agricoles de notre pays ne sont déjà pas un modèle d'équité ! Le 20 juin 2007, les services statistiques de votre ministère notaient que les zones d'agriculture intensive, principalement céréalière, étaient les mieux servies par les aides européennes. Ainsi, 6,2 % des exploitations françaises bénéficient en moyenne de 73 000 euros par an, soit 29 % du budget global alloué par Bruxelles. Comme toute médaille a son revers, ces aides ont leurs parents pauvres, notamment les agriculteurs du Massif Central.
Par ailleurs, l'élevage est plongé dans une crise grave qui déstabilise toutes les filières – bovine, ovine et porcine. Les orientations de ce budget vont amplifier le phénomène et créer d'irréparables déséquilibres sociaux et territoriaux. Ainsi, les contraintes que font peser les nouvelles mesures d'éco-conditionnalité pour accéder à la PHAE – prime herbagère agro-environnementale – ainsi que le refus de revaloriser l'ICHN – indemnité compensatrice de handicaps naturels – de 50 % pour les 25 premiers hectares, comme s'y était engagé votre prédécesseur, constituent deux traits marquants d'un budget qui sacrifie l'élevage extensif. C'est la « marque de fabrique » de notre agriculture que votre politique abandonne ; ce sont ses labels et ses signes de qualité, qui font pourtant sa renommée internationale, que votre budget sacrifie de fait.
Que sont devenus les engagements que vous aviez pris devant de la commission des affaires économiques le 24 juillet en annonçant « la mise sur pied d'un système de mutualisation des risques » ? Seulement trois petits millions supplémentaires sont prévus pour soutenir le développement de l'assurance contre les dommages causés aux exploitations, alors que les agriculteurs ressentent de plus en plus fortement la nécessité d'une véritable mutualisation des risques à l'échelle européenne.
De même, les dispositifs essentiels que sont la DJA et les prêts bonifiés subissent, du fait de vos choix budgétaires, un recul dramatique. Ce sont les exploitations familiales, celles qui participent avec le plus d'efficacité à l'aménagement du territoire, qui, une fois de plus, paieront le prix fort.
Enfin, il est impossible de ne pas évoquer la filière des fruits et légumes, étranglée par la grande distribution, qui rançonne, sans états d'âme, les producteurs et les consommateurs. La loi Galland a bien peu atténué les effets ravageurs de l'ordonnance de 1986 qui a supprimé l'encadrement des prix au nom de la libre concurrence. Monsieur le ministre, allez-vous enfin proposer une loi prenant le contre-pied des propos alarmants de M. Leclerc, annonçant, dans l'émission télévisée Capital, son désir de faire prendre en charge en amont de la distribution, c'est-à-dire par les producteurs, la hausse du prix des matières premières ?
Êtes-vous prêt à mettre un terme aux scandaleuses « marges arrière » qui gavent les actionnaires de la grande distribution sur le dos des agriculteurs ? Allez-vous agir en faveur d'un vrai coefficient multiplicateur, appliqué à l'ensemble des produits agricoles ? Enfin, qu'attendez-vous pour restaurer une authentique préférence communautaire, comme le Président de la République vous invite à le faire dans sa lettre de mission ?
En plein débat sur le Grenelle de l'environnement et à la veille d'une échéance aussi décisive que la réforme de la PAC, ce budget constitue un signe très inquiétant. C'est à juste titre que les agriculteurs, mais aussi les consommateurs, s'interrogeront sur la volonté de votre gouvernement de peser en faveur d'une agriculture respectueuse des hommes et des territoires, d'une agriculture solidaire des régions du monde et conforme à la souveraineté alimentaire des peuples.
Nous regrettons que pas un seul programme de ce budget ne s'émancipe de la tutelle libérale de Bruxelles. C'est une bien mauvaise nouvelle, qui ne met pas la France en position de force à quelques mois de la présidence française de l'Union européenne.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous votions contre ce budget de régression qui, non seulement ne répond pas aux défis du xxie siècle, mais porte un nouveau coup à la vocation agricole de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)