La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, sans reprendre l'intégralité des points qui ont été évoqués par les différents intervenants lors de la discussion générale, je tenterai, monsieur Gille, d'être le plus exhaustif possible.
Je tiens, tout d'abord, à remercier de nouveau Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure du texte, pour son travail, et à souligner qu'au-delà de son soutien au projet de loi, dont je la remercie évidemment, son rapport a permis d'apporter des clarifications qui nous seront précieuses tout au long du débat, notamment sur deux points.
Le premier concerne l'emploi des seniors : l'amendement de Mme Dalloz relatif à la dispense de recherche d'emploi permettra dès le 1er janvier 2009 de faire avancer la situation de l'emploi des seniors, sujet sur lequel le service public de l'emploi a déjà commencé à progresser puisque, depuis le 1er janvier 2008, un accompagnement personnalisé des seniors a été mis en place. Je reviendrai devant la représentation nationale pour donner les résultats de l'amélioration du retour à l'emploi des seniors que permet ce dispositif.
Le second point sur lequel vous avez insisté, madame la rapporteure, concerne les temps partiels subis, notamment leurs conséquences pour les femmes. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner devant le Sénat, il est hors de question, à travers ce projet de loi, d'acheter une quelconque amélioration de l'emploi au prix d'une plus grande précarité. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu des filets de sécurité visant à interdire tout dumping salarial, afin qu'on ne puisse imposer des contrats précaires ou des contrats à temps partiel. Cela étant, par-delà les propos du ministre, le plus stable demeure la loi, qui est, par définition, écrite et adoptée par la représentation nationale. Votre amendement, qui tend à bien préciser la problématique des temps partiels subis, me semble tout à fait utile.
Monsieur Albarello, vous avez également, en tant que rapporteur pour avis, soulevé de façon complémentaire des points très intéressants, en insistant tout d'abord sur la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, qui n'intervient pas sur un terrain vierge. Je ne peux que dénoncer très vigoureusement les caricatures visant à faire croire que, depuis deux ou trois ans, les agents du service public de l'emploi n'ont pas fait des efforts pour améliorer la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il suffit de relire le Journal officiel. Vous sentez-vous accusés ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cela me rassure, d'autant plus que je n'ai cité personne. Ceux qui se sentiraient concernés se dénonceraient eux-mêmes car mon propos n'était pas de vous accuser.
Monsieur Albarello, vous avez eu également raison de rappeler qu'il existe déjà un dispositif de sanction applicable à l'égard des demandeurs qui ne répondraient pas à une démarche active d'emploi. Toutefois, ce dispositif est arbitraire. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Monsieur Gremetz, vous qui êtes sensible à la problématique de l'équité, vous ne pouvez pas laisser subsister un tel dispositif en l'état.
Que faites-vous de la proposition de loi de M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales ?
Je vous donnerai un simple exemple : un demandeur d'emploi qui ne se présente pas à une convocation de l'ANPE risque une radiation automatique de deux mois, quel que soit le motif de son absence. En revanche, s'il refuse un emploi qui lui est proposé, ce qui, à mes yeux, est beaucoup plus grave, il risque seulement une radiation de quinze jours. Où est la logique ?
L'objectif du projet de loi est d'améliorer le système actuel, qui est arbitraire parce qu'il repose sur une approche purement subjective.
Vous avez enfin, monsieur le rapporteur pour avis, souligné la problématique de la fraude aux allocations chômage, dans laquelle il convient effectivement de distinguer plusieurs situations.
Il y a tout d'abord la situation de ceux qui, découragés de chercher un emploi, glissent progressivement sur le toboggan du chômage de longue durée. Ceux-là ont besoin d'être profondément aidés et accompagnés. C'est notamment pour eux que nous devons considérablement améliorer le fonctionnement du service public de l'emploi. En effet, chaque jour perdu pour une recherche d'emploi rendra celle-ci plus difficile.
Oui, il faut du temps, et c'est pourquoi le service public de l'emploi ne doit pas, de son côté, en faire perdre, au risque de laisser les demandeurs d'emploi s'enfermer progressivement dans l'illusion qu'ils ont du temps alors que le compteur du chômage tourne. Cette apparente sécurité qu'on leur offre n'est qu'une illusion parce qu'au bout de deux ans les demandeurs d'emploi n'ont plus aucun filet de sécurité.
La deuxième situation concerne ceux qui, étant dans des domaines où ils pensent pouvoir retrouver très facilement un emploi, considèrent que leurs allocations sont un dû et qu'ils peuvent donc faire tourner le compteur durant deux ans en fonction de leurs indemnités. Nous avons eu une illustration de cette situation, qui n'est pas acceptable, dans un dossier du journal La Croix, dans lequel une éducatrice spécialisée avouait attendre des offres lui convenant parfaitement parce qu'elle savait pouvoir trouver un emploi dans son domaine.
C'est exactement ce qu'elle disait, et son propos m'a choqué parce qu'il était très représentatif.
Monsieur Juanico, je vous ai écouté très respectueusement et avec beaucoup d'attention. Je vous demande de faire de même.
C'est une situation très choquante à laquelle nous devons remédier. On ne saurait en effet accepter que, d'un côté, certains fassent l'effort, tous les jours, d'aller à leur travail ou de chercher un emploi jusqu'à désespérer d'en trouver un et que, de l'autre, une tout petite minorité jouisse d'une situation plus luxueuse et profite du système grâce à une position confortable, étant sûre de pouvoir retrouver facilement un emploi. Je le répète, cette situation n'est pas acceptable.
La dernière situation, que nous n'avons pas le droit d'esquiver, résulte des fraudes massives et organisées aux allocations, situation que vous avez évoquée en vous référant au rapport présenté par Dominique Tian sur la question en décembre 2006.
Oui, monsieur Gremetz, il faut s'attaquer aux fraudeurs qui pourraient en profiter.
C'est exactement ce que j'ai dit. Nous devons être attentifs au sujet et je sais que plusieurs de vos interventions iront en ce sens.
Je tiens également à souligner votre intervention, madame Valérie Rosso-Debord, notamment en ce qui concerne l'individualisation, qui me semble conditionner l'avenir du service public de l'emploi. Vous connaissez bien le sujet grâce à votre pratique du terrain. L'objectif est effectivement de changer notre logiciel en passant d'une politique de l'emploi qui consiste à indemniser massivement le chômage sans être capable de faire du surmesure et du cas par cas, à une logique d'accompagnement individualisé de chaque demandeur dans son retour à l'emploi. J'ai compris que votre soutien sera exigeant et que vous serez vigilante sur la montée en puissance des différentes réformes du marché du travail.
Je n'oublie pas l'intervention de Lionel Tardy sur la nécessaire amélioration de la collecte des offres d'emploi et le service rendu aux entreprises.
Comme d'autres, notamment dans vos rangs…
L'ANPE a déjà beaucoup progressé en la matière en augmentant de plus de 7 % la collecte en quatre ans : les choses bougent donc, mais des marges de manoeuvre subsistent. Si vous le souhaitez, je rendrai compte devant la représentation nationale de la montée en puissance de la réforme du service public de l'emploi, qui n'est pas une réforme big-bang permettant de tout changer au 1er janvier 2009 : elle a déjà commencé à porter ses fruits grâce aux efforts, que je tiens à souligner, fournis quotidiennement sur le terrain par les agents de l'ANPE et des ASSEDIC.
Monsieur Vercamer, chacun sait à l'Assemblée nationale que vous êtes expert depuis de nombreuses années dans toutes les questions sociales liées à la politique de l'emploi.
Vous avez eu surtout raison de souligner que le projet de loi méritait mieux qu'une caricature en termes de stigmatisation des demandeurs d'emploi.
Son volet le plus important – vous avez eu raison de le souligner également – concerne la personnalisation du retour à l'emploi. Aujourd'hui, tous ceux qui suivent cette question à l'ANPE et aux ASSEDIC savent que le déroulement des entretiens est encore trop administratif, quels que soient les efforts déjà consentis. Au sein des ASSEDIC, l'entretien consiste surtout à expliquer au demandeur d'emploi quels sont ses droits à indemnisation. Il peut alors avoir des questions à poser sur son droit à formation ou sa situation familiale, mais aucune réponse ne pourra lui être apportée. Le premier entretien à l'ANPE, quant à lui, n'est pas véritablement personnalisé, contrairement à ce qui se passe notamment en Suède, où il dure une heure. En France, ce premier entretien ne permet pas de définir véritablement le champ de la recherche, les engagements du service public de l'emploi et les obligations attendues en contrepartie : chercher activement un emploi et répondre à une offre d'emploi raisonnable. Le principal apport du texte, c'est vrai, réside d'abord dans l'amélioration que constitue la mise en place d'un service personnalisé qui permette de ne plus considérer le demandeur d'emploi comme un simple numéro dans une file administrative, mais de prendre le temps, dès le départ, de voir en lui une personne qui vit dans un lieu – une ville ou une commune –, a une famille, un passé et des qualifications et cherche à construire son emploi de façon personnalisée.
C'est, je le répète, en matière de politique de l'emploi, le principal apport que doit permettre à terme le projet de loi.
Mme Hoffman-Rispal, qui n'est pas là...
Voulez-vous que je l'attende pour lui répondre ? (« Non » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Rires.)
Mme Hoffman-Rispal, disais-je, a évoqué la flexisécurité. Je ne peux pas la laisser dire que la flexibilité résumerait à elle seule la flexisécurité en Europe et en France. (« En France ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je vous rappelle d'abord le chantier lancé en matière de formation, les efforts fournis pour améliorer l'emploi des seniors, le travail mené sur le terrain – notamment avec les agents de l'AFPA – sur la validation des acquis de l'expérience, la mise en place progressive, entreprise par entreprise, en liaison avec les partenaires sociaux, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et l'amélioration, enfin, de l'offre de service du futur opérateur unique et la mise en place, qui a demandé d'importants efforts aux agents, d'un entretien si possible le jour même. Non, on ne peut vraiment pas dire, à moins de caricaturer le travail réalisé quotidiennement sur le terrain, que rien n'a changé et que les agents n'auraient travaillé que sur le volet de la flexibilité.
Je me permets par ailleurs de vous rappeler que la mission Larcher-Spidla, qui s'est rendue en France en mai dernier à notre initiative, vise à généraliser, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, toutes les problématiques de sécurité et de sécurisation des parcours professionnels.
Monsieur Gremetz, vous avez insisté notamment – et c'est un sujet sur lequel le ministère travaille très activement et en lien avec vous – sur la situation des salariés de Goodyear dans votre département. Ce cas doit nous amener à réfléchir. En effet, lorsque, tout à coup, dans un bassin d'emploi, survient un drame aussi difficile à gérer pour des centaines de licenciés, c'est précisément le moment où l'on peut avoir besoin d'un accompagnement personnalisé. Pour avoir moi-même vécu récemment, dans mon département, une situation difficile avec une entreprise, je sais très bien à quel point, dans ces circonstances, nous avons besoin d'un accompagnement personnalisé. Nous tâchons de traiter la question en lien avec vous et je sais à quel point vous êtes attentif à ce que les réponses de l'État soient à la hauteur des attentes des personnes concernées.
Pour le reste, et je comprends bien que nous ne soyons pas d'accord sur tout, je reste profondément convaincu que nous ne pourrons, à terme, continuer à garder des systèmes de protection sociale généreux que si, dans le même temps, nos concitoyens perçoivent bien que nous sommes attentifs à l'équilibre entre les droits et les devoirs. Derrière un enjeu de fond sur notre conception des politiques sociales, ils doivent bien percevoir que la charge est équitablement répartie et que les sommes importantes que notre pays consacre avec raison à des systèmes de protection sociale sont correctement dépensées et qu'elles sont utiles.
Dominique Tian a rappelé que de très nombreux pays européens, dont plusieurs dirigés alors par des gouvernements socialistes – l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni, le Danemark, le Portugal –, ont mis en place des dispositifs tout à fait similaires. J'ajoute que le système que nous vous proposons est beaucoup plus équilibré, beaucoup plus raisonnable que ce qui se pratique notamment dans certains pays gouvernés actuellement par des socialistes.
Ainsi, en Espagne, on peut vous imposer de déménager dès le troisième mois, sur tout le territoire national ; en Italie, l'obligation de mobilité porte sur cinquante kilomètres ; en Allemagne, on peut vous imposer d'accepter un emploi dès le premier jour, quel que soit le niveau de rémunération.
Je n'ai pas voulu que nous adoptions ce genre de dispositifs, mais j'ai cherché à définir un système conforme à notre tradition en matière de politique sociale et de politique de l'emploi, un système mesuré et équilibré. Travailler à trente kilomètres de son domicile constitue déjà une réalité pour plus de 70 % des Français.
Et combien sont ceux qui, dans cette situation, ne disposent que du SMIC ?
Je dois vous dire, ensuite, que j'ai été choqué par ce qu'a dit Mme Delaunay…
…au moment où nous avons évoqué la situation des salariés en zone rurale et où elle s'est permise de dire qu'ils n'avaient qu'à « prendre leur tracteur » ! Je trouve cela scandaleux.
Ce n'est pas à l'intervention de Mme Delaunay mais à celle de Mme Lemorton que vous vous référez !
Je vous le dis, madame Lemorton, je suis très choqué. J'habite moi-même dans une zone rurale et j'ai le regret de vous apprendre qu'aujourd'hui, même dans les zones rurales on trouve des voitures qui servent à de nombreux salariés pour leurs déplacements. Cette caricature des zones rurales, et de la situation salariale et de l'emploi dans les zones rurales me choque profondément. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je ne pouvais passer sous silence cette caricature de la situation dans nos différents territoires.
Un membre du Gouvernement n'a-t-il pas recommandé aux Français de se déplacer à vélo, par hasard ?
En effet : quid de la recommandation de Mme Lagarde de faire du vélo, monsieur le secrétaire d'État ?
Monsieur Mallot, vous qui venez de l'Allier, je ne doute pas que vous serez avec moi un défenseur de ces zones rurales !
Mme Delaunay, pour ce qui la concerne, pose de vraies questions auxquelles je suis tout à fait prêt à répondre. D'abord, y aura-t-il un dumping salarial ? C'est un problème sérieux sur lequel nous devons rester vigilants. Il ne faudrait pas, en effet, que l'offre raisonnable d'emploi aboutisse, M. Vercamer est aussi intervenu sur le sujet, à ce que l'on tire vers le bas les salaires dans une région. C'est pour cette raison que nous avons souhaité prévoir explicitement un filet de sécurité, qui consiste à ne pas pouvoir imposer à un demandeur d'emploi une offre à des conditions salariales qui ne correspondent pas aux salaires pratiqués habituellement dans la profession et dans la région. À la suite de nos échanges avec les partenaires sociaux, nous avons décidé de faire figurer cette disposition en toutes lettres dans le texte.
Par ailleurs, pour ce qui est du risque de déqualification, là encore, je répondrai à une interrogation de M. Vercamer.
Tout le raisonnement sur lequel nous avons essayé de fonder l'approche en termes d'offre raisonnable d'emploi consiste à ne pas introduire trop de critères objectifs qui impliqueraient de considérer tous les Français de la même manière. Il s'agit de faire en sorte, le plus possible, que l'engagement réciproque entre le service public de l'emploi et le demandeur d'emploi soit personnalisé. C'est pour cette raison qu'il n'y a pas d'obligation en termes de type de contrat.
Un jeune pourra avoir envie de signer un CDD pour accumuler de l'expérience, et intérêt à le faire. À l'inverse, un senior considérera que sa situation familiale ne lui permettra pas d'accepter un tel contrat. Une jeune mère ou un jeune père qui souhaitera concilier sa vie professionnelle avec sa vie familiale peut faire le choix d'un temps partiel, mais personne n'a le droit de le lui imposer.
Il faut autant que possible essayer de prendre en compte l'histoire personnelle, les qualifications de chacun. C'est pour cette raison que, là encore, l'offre raisonnable d'emploi n'impose pas de recherche dans un champ de qualification spécifique.
Dans leurs interventions, MM. Gille et Juanico…
Il s'est agi en effet de remarquables interventions qui, surtout, me permettent d'apporter une précision.
Monsieur Juanico, vous avez très justement souligné que la situation du marché de l'emploi était la meilleure depuis vingt ans, ce qui nous ramène à l'époque où nous sommes entrés dans le chômage de masse, au début des années quatre-vingt. Cette amélioration, notamment depuis les trois dernières années, n'a pas été acquise au prix d'une augmentation de la précarité. Deux indicateurs le montrent très bien : y a-t-il une variation, sur cette période, du taux de CDD ?
Y a-t-il une augmentation du nombre de contrats à temps partiel ? Il est en fait resté parfaitement constant depuis trois ans, dans le cadre de l'amélioration du marché de l'emploi, même si, entre 2000 et 2002, on a pu noter une petite dégradation. On peut donc parfaitement parvenir, j'insiste, à une amélioration de la situation du marché de l'emploi sans que ce soit au prix d'une plus grande précarité.
Madame Lemorton, vous avez évoqué la concertation qui a abouti à ce texte. Je vous en rappelle les principales étapes : les partenaires sociaux ont été sollicités en 2000 ; dans le cadre de la campagne présidentielle, ce projet avait été explicitement mis sur la table par le Président de la République...
Rien n'était donc caché sous le tapis. En juin 2007, par une lettre, le Premier ministre a saisi les syndicats qui n'ont pas souhaité – et je peux parfaitement le comprendre – y donner suite dans le cadre de la négociation sur l'assurance chômage. Nous avons eu une réunion de concertation au cours de laquelle certains ont explicitement indiqué qu'ils ne souhaitaient pas se saisir de ce sujet.
Ce n'était pas à ce moment-là ! Il ne faut pas être jeune et mentir, c'est mauvais pour l'avenir !
Il faut juste ne pas mentir, monsieur Gremetz, et j'ose espérer que même les députés expérimentés ne le font pas.
En ce qui concerne certains points du projet, nous avons veillé à ce que les interventions des partenaires sociaux et leurs remarques puissent y être en partie intégrées. Bien entendu, nous ne sommes pas d'accord sur tout,…
…et c'est parfaitement légitime. Cela étant, je vous informe malgré tout de la situation du débat qui a eu lieu avec les partenaires sociaux.
Je reviendrai sur trois points.
Je souhaite que, sur le premier d'entre eux, il ne subsiste aucune ambiguïté et que nous résistions aux caricatures.
Ce projet comporte deux améliorations. La première consiste à passer d'une logique administrative de relations entre le service public de l'emploi et le demandeur d'emploi,…
…à une logique personnalisée prévoyant un accompagnement sur mesure en fonction de la situation de chacun. Les agents de l'ANPE et des ASSEDIC ont entamé ce mouvement, montrant que c'est parfaitement possible. Le but du texte est de sanctuariser définitivement cette approche et de la généraliser sur l'ensemble du territoire. Plutôt qu'un contact anonyme, dès le premier entretien, nous souhaitons être capables de faire du sur-mesure dans l'accompagnement du retour à l'emploi. C'est pour moi le principal apport de ce projet de loi.
Je ne veux pas que l'on donne dans la caricature non plus à propos de la seconde amélioration. Il s'agit de contrôler davantage la petite minorité qui abuse du système et profite des allocations chômage. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C'est une réalité, et je serais surpris que certains la nient. À un moment, il faut dire les choses : cette réalité est insupportable.
En effet, parce que ce système est alimenté par des cotisations assises sur l'ensemble des salariés,…
…parce qu'il s'agit d'un système d'indemnisation reposant sur une solidarité nationale, il est légitime que l'on contrôle la bonne allocation des fonds impartis.
Le but n'est donc pas, en faisant planer la menace d'une radiation, de forcer quelqu'un à prendre un emploi au rabais. Notre objectif est juste, d'une part, de mieux accompagner ceux qui cherchent un emploi et, d'autre part, de mieux contrôler la petite minorité qui profite du système. Je serais surpris que, sur ce point, nous ne nous retrouvions pas.
Ensuite, vous avez fait référence à d'autres réformes : qu'en est-il de la formation professionnelle, de l'ANPE et des ASSEDIC, de l'emploi des seniors ?
Sur l'ensemble de ces sujets, soit les réformes sont déjà en vigueur, soit elles sont en cours et seront opérationnelles à partir du 1er janvier 2009. Vous avez ainsi, à travers vos questions, tout simplement souligné que la politique de l'emploi est en train d'être réformée sur l'ensemble de ses composantes : emploi des seniors, insertion des jeunes, formation professionnelle, amélioration du lien avec les entreprises,…
…pénibilité – sujet lancé par Xavier Bertrand –, mise en place du service public de l'emploi. Vous avez donc eu raison de souligner, sur l'ensemble de ces bancs, que la tendance de fond consiste à moderniser l'ensemble du marché de l'emploi.
Pour finir, je dirai que ce sujet et l'Assemblée méritent mieux qu'un débat d'obstruction.
J'ai noté avec intérêt, pendant la discussion générale, que les interventions, en dépit des excès des uns et des autres, permettaient de souligner les points que ce débat doit clarifier.
J'espère qu'au cours de l'examen de ce projet, qui compte trois articles et qui, au Sénat, a fait l'objet d'une discussion où les divergences se sont nettement exprimées au cours d'un vrai débat, nous donnerons une image constructive de part et d'autre, et non l'image d'une simple obstruction au moment où l'on réfléchit sur la réforme de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.
La parole est à Mme Martine Billard.
A-t-on le droit de ne pas l'être ?
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, il y a longtemps que nous n'avions pas eu droit au registre des chômeurs qui ne font pas assez d'efforts pour retrouver un emploi, registre qui avait été laissé de côté depuis la mise en vigueur des dispositifs de contrôles des demandeurs d'emploi de la loi Borloo de 2005 et des décrets afférents.
Une fois de plus, malgré les grandes déclarations sur le dialogue social, vous vous êtes passés de toute négociation avec les partenaires sociaux et les associations de chômeurs avant de légiférer. Ces dernières n'ont d'ailleurs pas été auditionnées par la commission. On n'imagine pas un texte de loi concernant d'autres catégories de nos concitoyens dont les représentants ne seraient pas entendus.
Voici une première raison pour renvoyer ce texte en commission. En effet, les associations de chômeurs n'ont pu que remettre, de leur propre initiative, des contributions écrites qui, de plus, n'ont pas été transmises aux membres de la commission.
Ensuite, pour discuter des prétendus « droits et devoirs » des demandeurs d'emplois, il nous faudrait disposer d'une étude sur le marché du travail, qui fait malheureusement défaut.
Le rapport fournit peu d'éléments, et ceux qu'il contient sont fort discutables. Ainsi, la baisse du chômage n'est pas analysée, mais affirmée comme un fait absolu. Or, toutes les études montrent que c'est grâce à la forte augmentation des départs en retraite que le chômage a beaucoup diminué ces dernières années. Et pourtant, seulement 45 % des offres d'emploi proposées par l'ANPE sont des CDD de plus de six mois ou des CDI.
Malheureusement, selon les chiffres de l'INSEE, les créations d'emplois ont été trois fois moins nombreuses au premier trimestre 2008 qu'au premier trimestre 2007. Aussi, le nombre de chômeurs a augmenté de 8 000 personnes pour la première fois depuis 2005. Il ne faudrait donc pas trop vite croire qu'il n'y a pas de politique à mener en matière de lutte contre le chômage. Et, s'agissant des chiffres du premier trimestre 2008, je dirai, à l'instar de notre rapporteure, que ces faits ne sont pas discutables.
Votre axe principal d'approche pour justifier cette loi, ce sont donc les tensions croissantes sur le marché du travail. Mais le rapport nous donne très peu d'éléments sur ce sujet. Or, l'INSEE estime que les effectifs du secteur marchand n'augmenteraient que de 145 000 postes en 2008, contre 310 000 en 2007, avec l'accélération de la baisse des effectifs industriels, qui pourrait, hélas, encore empirer si l'euro continue sa hausse par rapport au dollar, fragilisant d'autant les exportations et poussant les industries, dont Airbus, par exemple, à la délocalisation. La construction et le secteur tertiaire créeraient, eux, deux tiers d'emplois en moins.
En fait, les emplois difficilement pourvus relèvent de deux catégories. Il y a, d'une part, les métiers très qualifiés, très spécialisés – je pense à la médecine, ou encore à l'informatique. Il y a, d'autre part, les métiers que l'on peut qualifier de pénibles, par exemple un certain nombre de métiers du bâtiment, ou des métiers de bouche, dont les horaires et les salaires sont très peu attractifs, et où les heures supplémentaires sont rarement payées.
Du reste, la loi que vous venez de nous présenter, en urgence, sur le temps de travail ne va certainement pas améliorer les choses, ni rendre plus attractifs ces métiers. Elle risque de détourner un peu plus encore les salariés de s'y engager.
Vous comprendrez que ces éléments, non exhaustifs, méritent une étude approfondie : l'évolution des autres secteurs économiques ; l'impact précis de la crise économique mondiale ; celui de la politique européenne ; l'impact négatif sur les embauches à venir de la politique de hausse du temps de travail individuel, aggravée par votre dernière loi. Légiférer, avec autant d'inconnues, sur le contrôle des demandeurs d'emploi frise donc l'arbitraire.
Le titre même du projet de loi pose aussi question. En effet, la notion même de « droits et devoirs des demandeurs d'emploi » implique qu'il s'agit d'une catégorie de personnes qui aura un statut bien particulier dans notre société. Pourquoi ne pas légiférer de la même façon sur les droits et devoirs des dirigeants d'entreprise ?
On pourrait ainsi réfléchir : à leurs droits en matière de salaires exorbitants ; à l'augmentation de leurs salaires alors que le pouvoir d'achat de leurs salariés diminue ; au non-paiement massif des heures supplémentaires – je rappelle que 74 % des heures supplémentaires ne font l'objet d'aucune contrepartie et que l'essentiel des recours devant les prud'hommes concernent justement le contentieux sur ce sujet – ; aux stock-options, que certains vendent pour réaliser des bénéfices alors que la société qu'ils dirigent est en difficulté – on pense, par exemple, au président d'EADS – ; …
…aux parachutes dorés ; aux résidences fiscales exotiques. Je pourrais ainsi continuer assez longtemps.
On pourrait également s'interroger sur leurs devoirs en matière de formation à l'égard de leurs salariés, en matière de gestion des licenciement, et sur leurs responsabilités concernant, par exemple, les délocalisations, le respect de l'environnement et la santé au travail.
Enfin, je remarque que, lorsqu'il s'agit des droits des salariés, le Gouvernement transfère une part de la protection sociale de la partie législative du code du travail vers sa partie réglementaire, au nom de la simplification du droit, mais que, pour les chômeurs, il fait l'inverse. Ce n'est pas anodin.
Par ailleurs, s'agissant des demandeurs d'emploi, il est surtout question, dans ce projet de loi, de devoirs et assez peu de droits. Ainsi, les demandeurs d'emploi ont le droit de postuler à des emplois, mais les employeurs n'ont absolument pas le devoir de répondre aux demandes qu'ils reçoivent de la part de ces chômeurs. Il n'y a donc pas d'équilibre entre les devoirs des uns et des autres.
Mme la rapporteure répète que le projet personnalisé d'accès à l'emploi n'a pas de valeur contractuelle, à savoir qu'il ne crée pas un droit opposable, en faveur des demandeurs d'emploi, vis-à-vis du service public de l'emploi. Mais pourquoi donc avoir transféré le PPAE du domaine réglementaire au domaine législatif si c'est pour lui refuser de lui donner un caractère contractuel, alors même qu'il est élaboré et défini conjointement ? Cela ressemble pourtant à un contrat synallagmatique, avec échange d'obligations. Ne manque que la signature entre les parties.
Or, comment un document non signé pourrait-il engager les parties ? Sauf – et c'est ce qui va se passer – à ne créer que des obligations unilatérales pour les demandeurs d'emploi. Mais, visiblement, vous avez gardé un très mauvais souvenir du contentieux des recalculés. Les devoirs ne seront donc que d'un seul côté.
Dans la crise sociale et économique que nous traversons, n'aurait-il pas été plus indiqué de légiférer sur la solidarité à l'égard des salariés touchés par le chômage ? Vous ne parlez d'ailleurs pas « des » chômeurs, mais « du » chômeur, au singulier, pour marquer un peu plus, s'il était possible, le caractère individuel de la situation de chômage, alors même que nous continuons, hélas, à connaître un chômage de masse depuis plus de trois décennies. Ce ne sont pourtant pas les salariés, que je sache, qui sont chargés de la gestion des entreprises.
Chacun sait que le niveau de l'emploi est directement lié à celui de l'activité économique. Faut-il rappeler comment vous bombez le torse quand les chiffres du chômage baissent ? Vous expliquez alors que c'est grâce à votre politique économique qu'il y a amélioration. Je ne vous ai jamais entendus dire que, dans ce cas, c'était dû à d'autres facteurs, par exemple à une volonté accrue, de la part des chômeurs, de retrouver du travail.
Mais quand la situation se dégrade, vous n'invoquez jamais, comme par hasard, les effets de la politique économique que vous menez. Dans ce cas, c'est la faute de la situation internationale, et, secondairement, la faute des chômeurs, qui ne feraient pas assez pour chercher du travail.
Selon les statistiques officielles, 95 % des demandeurs d'emploi cherchent réellement du travail, et 5 % auraient besoin d'être soutenus et remotivés. Le chômage n'est ni une situation confortable, ni une solution de facilité. Il conduit souvent les chômeurs à se replier sur eux-mêmes, à perdre confiance, particulièrement quand leur situation se prolonge. Ils n'ont pas besoin de sanctions, mais d'accompagnement.
L'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier sur le marché du travail, en dehors des dispositifs de flexibilisation tels que la rupture conventionnelle ou le contrat à objet défini – qui, eux, ont bien sûr été transposés immédiatement dans la loi –, avait aussi prévu l'engagement de négociations entre partenaires sociaux sur la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le bilan d'étape sur l'assurance chômage.
Il avait été retenu que les questions du retour à l'emploi et de la sécurisation des parcours professionnels devaient être appréhendées dans leur complexité, en y associant les partenaires sociaux. Il est donc inopportun de discuter maintenant de cette loi sans avoir pu faire, en commission, le bilan de ces thématiques de négociation entre partenaires sociaux.
À l'inverse, le projet de loi se concentre autour de la seule élaboration du projet personnalisé d'accès à l'emploi, obligeant les demandeurs d'emploi, sous peine de sanction, à accepter les offres dites raisonnables d'emploi. Le travailleur demandeur d'emploi semblerait ainsi porter seul la responsabilité de sa réinsertion professionnelle, et ce alors que cette notion d'offre raisonnable d'emploi s'appuie sur une vision purement marchande du marché du travail, faisant fi de la formation professionnelle, des expériences et compétences professionnelles acquises, ainsi que de la personnalité et des envies mêmes des travailleurs, comme si tous étaient interchangeables.
Il est aussi surprenant de renforcer le contrôle des demandeurs d'emploi avant même la mise en oeuvre de l'accompagnement. Or, le suivi mensuel personnalisé est mis en oeuvre depuis 2006, on l'oublie un peu trop souvent. Il rencontre visiblement des difficultés, si l'on en croit une étude en cours.
Ainsi, en théorie, un conseiller doit recevoir onze chômeurs par plage d'une demi-journée, soit dix-neuf minutes d'entretien par demandeur d'emploi. Croyez-vous vraiment que l'on puisse construire un PPAE en dix-neuf minutes ? Croyez-vous qu'un salarié licencié après trente ans d'entreprise puisse arriver, en dix-neuf minutes, à se projeter à nouveau dans l'avenir ?
La moyenne nationale est fixée à 80 demandeurs d'emploi suivis par référent. Mais il semblerait, par exemple, que près d'un quart des conseillers ANPE du Nord-Pas-de-Calais doivent suivre plus de 130 demandeurs d'emploi, et que plusieurs centaines de dossiers aient été attribués à des agents inexistants, parce que mutés, partis en retraite,…
…ou décédés.
L'ANPE reconnaît qu'il s'agit d'une mission difficile pour le service public. Nous avons donc besoin de beaucoup plus d'informations sur les capacités de l'ANPE, ou de la future institution regroupant ANPE et ASSEDIC, à affecter le nombre de référents nécessaires, et ce dès l'entrée en vigueur de la loi. Voilà une raison de plus pour reprendre nos travaux en commission et pour auditionner de nouveau le directeur de l'ANPE, maintenant que cette étude a été rendue publique.
Il nous faudrait aussi savoir ce qu'il en est du suivi, quand le principal interlocuteur des demandeurs d'emploi est, aujourd'hui, une cabine téléphonique, et qu'il est devenu quasiment impossible d'obtenir un rendez-vous en dehors des rendez-vous obligés prévus par les contrats de suivi individuel.
Nous pouvons aussi nous interroger, cela a été dit hier, sur les moyens affectés par la puissance publique à l'accompagnement vers l'emploi. On nous a expliqué que la France avait une politique généreuse. Or, le montant de ses dépenses représentent 2,52 % du PIB, contre 4,26 % au Danemark et 3,32 % en Allemagne.
L'autre grand facteur qui joue sur la possibilité de trouver un emploi, c'est le niveau de qualification des personnes. Ainsi, 20 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont à la recherche d'un emploi. Ils sont seulement 11 % à être dans cette situation lorsqu'ils ont fait des études supérieures, mais 42 % lorsqu'ils sont peu ou pas diplômés. C'est aussi vrai, d'ailleurs, dans une certaine mesure, pour les autres tranches d'âge.
Quant à l'intérim et aux CDD, s'ils sont assez souvent un tremplin pour les jeunes diplômés, ils sont, par contre, une véritable spirale de l'échec pour les autres.
Tout le monde s'accorde sur la nécessité d'une réforme de la formation professionnelle. Certes, la question du chômage ne se réduit pas à celle de la formation. Mais, à une époque où il est nécessaire de s'adapter à un marché du travail en constante évolution, il apparaît paradoxal que ce sujet ne soit pas traité dans le cadre des droits et devoirs des demandeurs d'emploi, d'autant que, sur les 2,5 millions de chômeurs actuellement inscrits, seuls 5 % ont bénéficié d'un programme de formation en 2007. L'UNEDIC reconnaît n'avoir utilisé que la moitié du budget de formation dont elle dispose.
Alors, monsieur le secrétaire d'État, allez-vous reprendre les préconisations du rapport de Jean-Marc Boulanger d'avril 2008, selon lequel « la formation ne constitue pas une réponse de première intention au problème du chômage, même si elle aide sur le long terme à en réduire la récurrence » ? Une telle conception signifie-t-elle qu'une formation qualifiante aux techniques de haute qualité environnementale pourrait être refusée à un ouvrier du bâtiment, sous prétexte qu'il pourrait avoir accès à un emploi beaucoup moins qualifié mais immédiatement disponible ?
Nous ne sommes pas défavorables par principe à la mise en place du projet personnalisé d'accès à l'emploi pour permettre de bénéficier d'un retour plus rapide dans le monde du travail. Nous sommes, par contre, en profond désaccord avec les modalités et les finalités de ce projet tel que vous le concevez, ainsi que sur son contenu.
En effet, l'objet principal de ce projet de loi est d'obliger à accepter des emplois, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, et quelle qu'en soit la rémunération.
Quelle garantie que le travail proposé ne soit pas un CDD sans lendemain ou un travail à temps partiel, laissant les travailleurs sur le carreau, alors qu'ils auront perdu leurs droits à indemnisation, leurs revenus de remplacement, comme les droits connexes assortis, et qu'on oublie un peu trop souvent ?
La loi Borloo a déjà multiplié et aggravé le régime des sanctions : de 22 603 sanctions en 2004, nous sommes passés à 40 932 en 2007, soit pratiquement un doublement. Parallèlement, les radiations sont passées de 441 846 en 2004 à 625 505 en 2007, soit une hausse de plus de 40 %.
On peut donc difficilement dire qu'il n'y a, aujourd'hui, ni sanctions, ni radiations – et il n'y en pas uniquement parce que les chômeurs ont retrouvé un emploi – et qu'il serait nécessaire d'exercer une pression encore plus forte sur les demandeurs d'emploi !
Derrière cette envolée des chiffres, il y a de nombreuses radiations que l'on peut qualifier d'abusives. En cas d'intervention des associations de chômeurs, par exemple, les demandeurs d'emploi sont réintégrés dans leurs droits, ce qui prouve bien qu'il y avait tout de même un léger problème. Certaines radiations sont dues à de légers retards à des rendez-vous, à des absences pour non-réception des convocations, à la non-prise en compte des excuses préalablement fournies par les intéressés. Et je peux moi-même en témoigner puisqu'il m'arrive assez régulièrement que des demandeurs d'emploi s'adressent à moi pour que j'intervienne auprès des ASSEDIC parce qu'ils sont dans une situation de ce type. Est-il normal que l'intervention d'un député soit nécessaire pour que ce qui est un droit des demandeurs d'emploi soit respecté ?
De plus, la sanction est d'application immédiate, laissant brutalement le demandeur d'emploi sans revenu, avec toutes les conséquences que cela peut avoir, l'entraînant dans une spirale d'exclusion : retards de paiement de loyer, de facture EDF, de facture de téléphone, de la cantine des enfants, surendettement, etc.
Il nous faut aussi tordre le cou aux rumeurs de fraudes généralisées en matière d'assurance chômage. Christian Charpy, chargé de conduire la fusion de l'ANPE avec les ASSEDIC, a réaffirmé, dans un entretien au journal Le Monde publié ce mois-ci, que le nombre de fraudes est « infime ». Et il est sans commune mesure avec la fraude fiscale dans les milieux d'affaires ou celle des employeurs ne payant pas les heures supplémentaires.
C'est tout aussi inacceptable !
De plus, s'il est vrai, cela a été démontré, qu'il existe des réseaux mafieux organisés utilisant les failles du système – comme d'autres réseaux mafieux utilisent les failles du système de l'assurance maladie ou des URSSAF –, il ne faut pas confondre ces réseaux avec les simples chômeurs.
Le projet personnalisé d'accès à l'emploi constitue certes une aide à l'égard du chômeur, mais surtout un outil de sanction contre ce dernier, et de sanction automatique, ce qui n'est franchement pas admissible.
Le principe de la loi – encore que vous ayez maintenant prévu des peines automatiques – était jusqu'ici d'adapter les peines à la situation de chacun.
Avant de renforcer les sanctions, il faudrait examiner en commission les conditions d'accueil des demandeurs d'emploi par le service public de l'emploi. L'agent de l'ANPE ou de la structure que vous allez mettre en place va avoir un double rôle. D'un côté, il aidera le demandeur d'emploi ; de l'autre, il le sanctionnera si celui-ci refuse un poste. C'est pourquoi les associations de chômeurs refusaient le guichet unique et la fusion des instances. Ceux qui aident ne doivent pas être ceux qui sanctionnent. Cette double casquette n'aura-t-elle pas comme conséquence d'inciter le demandeur d'emploi à penser qu'il est obligé d'accepter, lors de l'élaboration du PPAE, toute demande pour ne pas courir le risque de perdre son indemnisation ? Malheur à celles ou à ceux qui n'oseront pas à ce moment-là défendre leur droit au refus d'un emploi à temps partiel ou en CDD de courte durée, car ils paieront ensuite tout PPAE définit trop largement.
Vous êtes-vous déjà demandé pour quel motif des personnes au chômage refusaient un emploi ? Il ne faut pas oublier que seule la moitié des demandeurs d'emploi est indemnisée. Parmi ces derniers, seule une moitié des chômeurs indemnisés perçoit plus de 1 000 euros par mois.
Par conséquent, l'immense majorité des chômeurs n'est pas en état de refuser une offre d'emploi sans raison valable, contrairement à ce que vous voulez nous faire croire. Votre texte ne se préoccupe d'ailleurs absolument pas des chômeurs qui se voient refuser toute embauche pour des raisons d'âge, de handicap, de quartier d'origine ou d'origine supposée ethnique. Où sont les droits de ces chômeurs discriminés ?
Parmi les contraintes pouvant amener à un refus d'une offre d'emploi, deux sont bien connues : la garde d'enfants et les déplacements domicile-travail. Tous les amendements proposés sur ces deux thèmes par les députés de plusieurs groupes ont systématiquement été rejetés en commission, alors que le projet de loi considère comme « raisonnable » une offre d'emploi nécessitant un trajet de 60 kilomètres ou deux heures de transport aller-retour. Prenons l'exemple d'un chômeur qui se voit proposer une offre d'emploi avec une journée de travail commençant à quatre heures du matin, et un emploi situé à moins de trente kilomètres. Mais à cette heure-là, il n'y a pas de moyens de transports en commun. Cette personne n'aura d'autre solution que d'utiliser une voiture. Que fera le service public de l'emploi si cette personne n'a pas les moyens de posséder un véhicule ou simplement d'en remplir le réservoir ? La personne sera-t-elle sanctionnée ? Sera-t-elle radiée des listes pour refus d'une offre « raisonnable ». Cette situation est assez répandue dans l'agglomération d'Île-de-France. Je prendrai l'exemple des emplois de la nouvelle chaîne Monop', dont les boutiques sont ouvertes de neuf heures à minuit. Le temps de fermer le magasin, comment une femme seule rentrera-t-elle en lointaine banlieue à cette heure-là ? Sera-t-il admis qu'une femme seule puisse refuser ce type d'emploi car elle craint pour sa sécurité ?
Avec l'envolée du prix du pétrole, le budget transport des ménages est devenu le deuxième poste de dépenses, certes encore derrière le logement, mais devant l'alimentation.
Le coût des déplacements domicile-travail en voiture devient exorbitant. En 2000, ils représentaient 14 % du budget ; aujourd'hui, leur part est de 17,5 %. Mais cette moyenne ne peut faire oublier que les prix élevés de l'immobilier et du parc locatif ont entraîné le départ des classes populaires des centres-ville et des pôles d'activité, où se trouve la majorité des emplois. Le budget transport atteint en moyenne entre 20 et 25 % du budget des travailleurs payés au SMIC et 77 % des emplois sont concentrés dans des pôles urbains où n'habitent que 63 % des salariés de notre pays.
À quoi bon imposer aux demandeurs d'emploi un déplacement de trente kilomètres pour un salaire modique, alors que le service public de l'emploi ne pourra pas constituer une liste d' « offres raisonnables » d'emplois, notamment dans les bassins d'emplois où les offres sont limitées du fait de la situation économique locale ? Nous savons tous que les entreprises n'ont pas obligation de déclarer leurs offres d'emplois au service public de l'emploi. Désormais, l'ANPE a perdu le monopole du placement et elle n'a jamais eu celui de la collecte des annonces. Aussi le service public de l'emploi n'a-t-il pas aujourd'hui accès à la majorité des offres, notamment en ce qui concerne le recrutement des cadres. Nombre d'embauches se pratiquent par le bouche à oreille, par les candidatures spontanées et par Internet.
Le problème de la qualité des offres se pose, les employeurs n'ayant souvent recours à l'ANPE que lorsque les autres canaux d'embauche ont échoué. Ainsi, 20 % des nouvelles propositions d'emplois de l'ANPE concernent aujourd'hui l'hôtellerie ou le bâtiment. On y trouve beaucoup de temps partiel, les rémunérations sont faibles et les conditions de travail difficiles.
L'alinéa 9 de l'article 1er n'a pas pour objet d'aider les chômeurs à retrouver un emploi, mais plutôt de créer une pression pour faire baisser les salaires. Vous prévoyez que, dès le quatrième mois, un demandeur d'emploi devra accepter une baisse de rémunération si l'offre d'emploi est simplement compatible avec ses qualifications. Après un an, il n'est plus question que du niveau de revenu de remplacement, tel que défini à l'article L. 5421-1 du code du travail, qui inclut donc l'ASS. Or le débat en commission n'a pas apporté la garantie que cela n'entraîne pas l'obligation d'accepter un emploi avec une rémunération inférieure à celle d'un SMIC mensuel à temps plein. Sinon, il y a contradiction entre les alinéas 9 et 11.
Par ailleurs, vous n'avez pas prévu que le demandeur d'emploi soit accompagné lors de l'établissement du projet personnalisé. Si le contenu du PPAE peut être opposable au demandeur d'emploi, et non au service public de l'emploi, il semblerait normal que le chômeur qui le souhaite puisse se faire aider. En cas de sanction ou de menace de sanction, les demandeurs d'emploi tout comme les salariés doivent aussi avoir le droit à l'accompagnement. Une circulaire de la DGEFP d'octobre 1998 prévoyait cet accompagnement. Elle est malheureusement très peu respectée. Le système français de protection sociale contre la privation involontaire d'emploi a été créé à la fin de l'année 1958. Ce faisant, le général de Gaulle et les partenaires sociaux ont mis en place un régime fondé sur une logique assurancielle. Ce régime permet de prémunir chaque travailleur contre les incertitudes d'un marché du travail, dont chacun est dépendant. C'est toute la philosophie assurancielle de notre système qui est remis en cause par ce projet de loi.
L'allocation chômage de l'UNEDIC est une caisse de droit privé, relevant des partenaires sociaux et non de l'État, ni même de la sécurité sociale. Jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas entendu le Gouvernement remettre en cause le principe du revenu de remplacement assuranciel pour perte d'emploi, même si, au sein de l'UMP, certains le font.
Les droits à indemnisation sont constitués par les cotisations mensuelles des salariés. Dans ce cadre, nous ne comprenons guère cet interventionnisme étatique, car nous ne savions pas le Président de la République et le secrétaire d'État chargé de l'emploi être des fervents défenseurs de l'économie administrée.
Cet interventionnisme étatique dans la gestion de l'assurance chômage pour forcer à la reprise d'emploi à n'importe quel salaire n'a en fait d'autre but que de casser le niveau des salaires. Vous allez radier, encore radier, et la pauvreté ne fera que croître.
Si ce projet de loi est adopté, il condamnera deux millions de nos concitoyens à la précarité. Nous qui luttons pour une société plus solidaire, nous ne pouvons accepter une loi qui ne fait qu'accentuer l'insécurité sociale permanente. Cela pose une fois de plus la question du projet de société que l'on souhaite pour notre pays. Ce texte répond à une logique politique qui veut aligner par le bas l'économie française, et le monde du travail sur ce qui se fait de pire dans le système mondial néo-libéral. Toutes les réformes qui tournent autour de la question du travail et de l'emploi depuis 2002 ont été orientées vers le même objectif.
Votre projet constitue, une fois de plus, une immense régression en termes de salaires, de conditions de travail et notamment de durée du temps de travail.
Cette logique est le résultat d'une erreur d'analyse, erreur qui consiste à croire que le salut de l'économie française et la compétitivité avec les pays dits émergents nécessitent la remise en cause des droits sociaux en France et en Europe. Faut-il rappeler que plus de 80 % de l'activité nationale est à l'abri de cette concurrence et que 80 % de ce que nous consommons vient de moins de 80 kilomètres du lieu où nous habitons.
Une autre logique est possible, mais elle n'est pas prise en compte dans ce projet. Il est nécessaire que chacun puisse vivre décemment de son travail. L'objectif ne doit pas être, comme cela est sous-entendu dans ce projet de loi, de travailler toujours plus, mais de savoir pour quoi faire.
Le progrès, c'est de créer les conditions d'un monde du travail moins pénible, moins stressant et aussi moins culpabilisant – c'est une question de santé publique. En lieu et place d'une société inégalitaire, il faut créer les conditions d'une société équitable et solidaire dans laquelle le salaire d'un patron ne pourrait être 500 fois supérieur à celui d'un travailleur payé au SMIC.
Le dogme du productivisme avec son idéal archaïque d'une croissance toujours plus forte et infinie est un non- sens écologique et une aberration économique. Nous consacrons, dès à présent, une part importante de notre activité à réparer les dégâts du productivisme sur notre santé, sur notre environnement et sur la planète. Il est plus que temps d'arrêter cette fuite en avant, de nous interroger sur nos besoins réels et de les adapter aux ressources de notre planète. À défaut, nous courons à la catastrophe, à la fois économique, sociale et écologique. C'est évidemment bien différent de la réflexion que vous nous proposez.
Votre ambition n'est pas de permettre aux salariés privés d'emploi de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée à temps plein – qui a pourtant été récemment consacré dans le code du travail comme le contrat de droit commun –, mais tout simplement de faire sortir les chômeurs des statistiques du chômage par tous moyens, surtout lorsqu'il s'agit de chômeurs indemnisés, puisque les autres ont déjà disparu des statistiques, ainsi que les allocataires du RMI, qui sont aussi des chômeurs, mais qui ont été simplement renvoyés vers un autre système et qui n'apparaissent plus dans les statistiques du chômage. Votre objectif n'est pas de trouver du travail à ces salariés, mais de les faire sortir des statistiques du chômage, le cas échéant en les contraignant à accepter n'importe quel emploi sans garantie ni sur la nature, ni sur la qualification, ni sur la rémunération.
Pour ces raisons, au nom des députés Verts, communistes et des DOM-TOM du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je propose le renvoi en commission de ce texte pour pouvoir étudier les propositions en matière de réformes du marché du travail qui permettent d'améliorer réellement la situation des demandeurs d'emploi. (Applaudissements sur les bancs de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à Mme Valérie Rosso-Debord, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame Billard, j'aime beaucoup vous écouter, car j'ai toujours l'impression que nous ne vivons pas dans le même pays. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Les Français ne s'y sont pas trompés, puisque c'est à nous qu'ils ont donné la majorité.
Bien sûr, monsieur Gremetz !
Madame Billard, ce texte, contrairement aux propos que vous avez tenus pour défendre la motion de renvoi en commission, n'est pas un texte de stigmatisation des chômeurs, mais un texte d'accompagnement.
Nos axes de travail ont été l'intérêt des demandeurs d'emploi et la volonté de faire baisser la durée du chômage. Un équilibre doit être trouvé entre rapidité du retour à l'emploi et qualité de l'emploi. En France, nous le savons, et tous les économistes le disent, la durée du chômage est relativement longue en moyenne, trop longue.
Le système actuel accompagne faiblement les personnes à la recherche d'un emploi et est par conséquent peu propice aux réallocations de main-d'oeuvre. Il nous faut donc mieux protéger individuellement les chômeurs, en faisant porter l'effort de reclassement sur l'accompagnement personnalisé.
Madame Billard, vous avez fait un aveu intéressant : vous avez dit être contre l'accompagnement personnalisé.
Vous lui prêtez des propos exactement contraire à ceux qu'elle a tenus !
Vous avez bien dit que vous étiez contre l'accompagnement personnalisé…
Jolie caricature du dogme, de la nécessité de la prise en compte collectiviste des groupes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous vous êtes toujours méfiés des individus et de leur liberté. Vous préférez le groupe à l'individu. Vous venez, madame, de nous en faire, une fois de plus, une démonstration plus que caricaturale.
Tous ces éléments vont être très largement discutés lors de l'examen des 1 500 amendements, après le travail déjà effectué en commission, où nous étions présents.
Aussi le groupe de l'Union pour un mouvement populaire ne se laissera-t-il pas tromper par cette motion de renvoi misérabiliste en trompe-l'oeil et votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a manifesté le désir d'intervenir.
Vous avez la parole, cher collègue.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais porter à la connaissance de l'Assemblée quelques éléments d'information.
La commission des affaires culturelles s'est réunie deux fois. Elle a approuvé quarante amendements, dont vingt-deux du groupe socialiste, seize de Mme la rapporteure et un de Mme Billard.
Vous voyez donc qu'une réflexion, une étude, un examen contradictoire ont eu lieu. La rapporteure a procédé à une dizaine d'auditions lui permettant d'entendre les partenaires sociaux.
Elle a recueilli plusieurs contributions écrites à la suite des demandes formulées en direction des associations.
Je vous rappelle que l'avant-projet était disponible depuis six semaines. Il est passé le 11 juin en conseil des ministres. Le Sénat a adopté le texte le 25 juin.
À ce stade, il ne me semble donc pas opportun de reprendre le travail en commission. Mme Billard, qui travaille beaucoup, et qui connaît parfaitement ses dossiers,…
…sait, par exemple, que tous les pays européens, qu'ils soient libéraux, conservateurs ou sociaux-démocrates,…
…ont pris des mesures équivalentes, comme vient de le dire Valérie Rosso-Debord.
Ils ont tous pris des mesures équivalentes pour accélérer le retour à l'emploi dans l'intérêt des demandeurs d'emploi, de la croissance et de l'économie de leur pays, donc du pouvoir d'achat.
Les tensions sur le marché de l'emploi existent même s'il est vrai que les situations sont variables.
Quant au nécessaire accompagnement des demandeurs d'emploi – vrai débat – je rappelle que notre pays souffre de la prolifération des structures, qui constitue une spécificité française. Or, en fusionnant l'ANPE et les ASSEDIC, le Gouvernement vise à éviter cette prolifération. Mais si l'on considère les agences d'intérim et les personnels d'accompagnement pour les demandeurs d'emploi, je suis sûr que nous sommes au-dessus des taux moyens de nos voisins.
Cela dit, je rejoins Mme Billard sur un point...
Comme elle, je considère que les indemnités excessives sont choquantes. J'ai entendu avec beaucoup de plaisir M. Obama aux États-Unis, sur ce sujet. J'ai entendu la colère de M. Juncker contre les rémunérations excessives. Je constate que Mme Merkel, la Chancelière allemande, travaille aujourd'hui sur une limitation de ces indemnités. Pour ma part, je souhaiterais que le président de l'Union européenne organise ce mouvement, qui ne peut être spécifiquement français. On ne peut que souhaiter une convergence européenne et américaine dans ce domaine pour aller vers des situations moralement acceptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il serait heureux de transmettre cette suggestion au Président de la République. Je crois savoir, du reste, qu'il partage cette analyse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans la suite des explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Nous partageons évidemment l'avis de Martine Billard, qui travaille beaucoup et avec talent, comme vient de le rappeler M. Méhaignerie.
Elle sait, en effet, de quoi elle parle ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le texte qui nous est soumis est bâclé. M. Méhaignerie vient de nous rappeler toutes les procédures obligatoires, qui ont vraisemblablement été respectées. Tout le monde reconnaît que le chômage est un problème majeur dans notre pays : 53 % des Français sont, ont été ou seront au chômage ! On ne peut donc traiter un tel sujet au plein coeur de l'été, en session extraordinaire et dans l'urgence ! Y a-t-il, du reste, vraiment urgence ? Le chômage est un problème urgent depuis trente ans dans ce pays. Vous êtes au pouvoir depuis six ans et, tout d'un coup, au coeur du mois de juillet 2008, vous semblez découvrir l'urgence du problème.
Une telle question mériterait d'être plus amplement débattue en commission et je vous invite, vivement, mes chers collègues, à nous suivre sur ce point.
Ce projet de loi est inutile. À cet égard, permettez-moi de nouveau de citer M. Méhaignerie, que je cite beaucoup ce matin. Lui-même reconnaît que ce texte est inutile, car nous disposons de tout l'arsenal juridique nécessaire pour lutter contre les fraudeurs !
En fait, vous stigmatisez les 98 % de personnes qui cherchent du travail. Sanctionnez les 2 % qui abusent du système : nous n'y sommes pas opposés ! L'arsenal juridique existe : vous pouvez radier les fraudeurs. À vous entendre, on a l'impression qu'il n'y a pas eu de mesures prises contre les fraudeurs. Si vous n'avez pas fait votre boulot, il serait temps de vous y mettre ! Mais n'inventez pas de nouveaux textes, car derrière, il y a tous ceux qui sont dans des situations difficiles et qui ne comprennent pas bien ce qu'il leur arrive !
Vous vous bercez d'illusions en pensant que vous réglerez le problème de l'emploi avec ce texte. Voici les chiffres que vous avez cités : 1,9 million de demandeurs d'emploi et 500 000 emplois en tension. Cela fait qu'il reste tout de même 1,4 million de demandeurs d'emploi à accompagner ! Comment trouver 1,4 million d'emplois dans un pays qui ne connaît plus la croissance depuis longtemps, croissance que vous êtes incapables de relancer ? N'essayez pas de nous faire croire qu'une petite réorganisation permettra de trouver des solutions.
Ce texte est dangereux, même si vous nous dites qu'il s'agit d'un texte équilibré avec des droits et des devoirs. Au mot « devoirs», qui a une connotation morale que vous aimez bien, nous préférons celui d'« obligations ». En ces matières, on n'est pas sur le registre de la morale, mais sur celui du droit.
En outre, vous proposez peu de droits nouveaux ! Le plan d'aide au retour à l'emploi de 2000 allait beaucoup plus loin en prévoyant des formations sur la base d'un bilan de compétences. En écoutant M. le secrétaire d'État, on dirait que les agents de l'ANPE ne font pas leur travail.
Hier soir, il m'a accusé de les mépriser. Loin de moi cette idée. Je dis seulement qu'il faut leur donner les moyens de fonctionner. Pour avoir présidé une mission locale pendant fort longtemps, je connais leur travail et je sais qu'ils n'ont pas les moyens de suivre de cent cinquante à cent soixante chômeurs, comme c'est le cas dans ma circonscription.
Vous prévoyez toujours plus de devoirs, bien finalisés, pour les chômeurs, au détriment des droits, fort imprécis du reste dans votre texte. Mais nous y reviendrons au cours de la discussion. C'est la raison pour laquelle le renvoi en commission est justifié, car il subordonne les droits aux devoirs. Vous indiquiez, monsieur le secrétaire d'État, que la formation professionnelle était prévue. Dans ces conditions, on peut attendre. Nous ne sommes plus à quelques mois près. Laissons la fusion entre l'ANPE et les ASSEDIC se mettre en place et produire ses premiers effets.
Quant aux négociations sur la pénibilité au travail, lorsque le MEDEF se met en travers, cela vous gêne beaucoup plus que lorsqu'il s'agit des syndicats !
Un tel texte mérite que l'on y consacre du temps. Trois réformes majeures sont en cours. Renvoyons-le en commission et attendons la mise en oeuvre de ces trois grands chantiers et, dans six mois, nous pourrons revenir avec un bon texte !
Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.
Votre intervention, monsieur le secrétaire d'État, a été très intéressante (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et je partage avec vous l'idée que le projet personnalisé doit être conforme aux besoins du demandeur d'emploi. L'accompagnement n'est nécessaire que lorsque celui-ci en a besoin pour retrouver un emploi. Rappelons que nous ne sommes pas dans une société d'assistanat et que le service public de l'emploi ne doit pas remplacer la recherche personnelle d'emploi lorsque le demandeur est en situation de la faire. Ce projet de loi apporte un avantage au demandeur d'emploi par l'intermédiaire du service public, mais il ne s'agit pas d'en faire une règle générale.
Pour ma part, madame Billard, je fais confiance aux agents du service public de l'emploi pour suivre des projets personnalisés.
Cessons de stigmatiser ces agents en laissant entendre qu'ils ne feraient rien et qu'ils ne serviraient à rien.
Je rappelle que ce sont des agents du service public, dont la mission est de proposer des offres d'emplois. Ayons la décence de leur faire confiance dans l'accomplissement de leur tâche. La plupart resteront fonctionnaires, puisque ce sont des agents de l'ANPE .
Ils sont plus nombreux aux ASSEDIC et ils ont des contrats de droit privé !
Quelle société voulons-nous ? Mme Billard a posé une vraie question. Souhaitons-nous que la solidarité nationale joue en faveur de ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi, ceux qui connaissent des situations familiales difficiles ? Ou souhaitons-nous que l'allocation chômage soit un droit de tirage pour celles et ceux qui n'ont pas envie de chercher un emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) au détriment de ceux qui ne trouvent pas d'emploi, parce qu'ils sont dans un secteur en difficulté ? L'accompagnement est insuffisant car ceux qui ne cherchent pas d'emploi, les fraudeurs grèvent les chiffres du chômage et les agents ne peuvent donc pas consacrer du temps à ceux qui sont plus éloignés. Il faut faire la part des choses, madame Billard. Les agents du service public de l'emploi sauront s'adapter.
Le débat ayant eu lieu, en commission et en séance publique, le groupe Nouveau Centre ne votera donc pas la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cela se termine toujours comme ça avec le Nouveau Centre : ils mettent le clignotant à gauche et, brusquement, ils tournent à droite !
La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame Rosso-Debord, vous êtes une jeune députée – félicitations ! – mais, je vous en prie, ne prenez pas déjà les mauvaises habitudes de vos anciens…
…qui caricaturent ! Vous avez dit que nous étions contre le projet personnalisé.
J'ai sous les yeux l'intervention de Mme Billard et je vais vous relire – et cela figurera au Journal officiel – les propos qu'elle a tenus :
« Nous ne sommes pas défavorables par principe à la mise en place du projet personnalisé pour permettre de bénéficier d'un retour plus rapide dans le monde du travail. Nous sommes, en revanche, en profond désaccord avec les modalités et les finalités du projet personnalisé telles que vous le concevez, ainsi que son contenu. »
Vous avez donc mal entendu, madame Rosso-Debord, mais cela peut arriver à tout le monde, l'essentiel étant de le reconnaître !
Mme Billard a proposé le renvoi de ce texte en commission. Ce faisant, je la trouve moins sévère que le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales !
N'est-ce pas lui qui s'est demandé pourquoi on nous demandait de débattre sur ce sujet ? N'est-ce pas lui qui a dit que des mesures en ce sens existaient déjà ?
Pas du tout ! Vous avez bien dit : « Pourquoi un nouveau projet puisque les dispositions pour punir et radier les faux chômeurs existent déjà ? » Et vous savez que ces faux chômeurs sont très peu nombreux.
S'agissant des « patrons voyous », je pense comme M. Méhaignerie. Du reste, cette expression ne vient pas de moi : Chirac l'a utilisée, Sarkozy aussi !
Le Président Chirac a même dit qu'il fallait légiférer sur cette question, car aucune sanction n'est prévue. Or avec le nombre de scandales dans les milieux industriels et financiers, légiférer dans ce domaine aurait été vraiment nécessaire. Les Français voient que tout ce monde s'en met plein les poches, s'enrichit, licencie et liquide des emplois sans qu'aucune mesure ne soit prise contre eux.
Et que faites-vous ? Vous vous en prenez aux prétendus faux chômeurs ! On ne peut vraiment pas dire que ce projet soit bienvenu.
Certes, il importe de renforcer l'accompagnement des chômeurs de façon à mieux les orienter et à les aider à élaborer un projet personnalisé, mais il ne faut en aucun cas leur imposer des sanctions qui n'ont d'autre but que de les rayer des listes pour faire baisser les chiffres du chômage.
Quelles mesures comptez-vous prendre à l'encontre d'entreprises comme Goodyear, qui ne respecte pas le droit français, Cosserat, qui va licencier des centaines de salariés, ou encore Whirlpool, qui licencie sans que personne ne dise rien après qu'elle a bénéficié de fonds publics ? Voici des demandeurs d'emploi en plus et, parmi eux, des seniors, dont on voudrait qu'ils travaillent davantage !
Une chose est sûre, nous allons nous battre en défendant nos amendements.
Pour l'heure, nous soutenons pleinement la motion de renvoi en commission défendue par Mme Billard.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la motion de renvoi en commission.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 20
Contre 69
La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.
Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
Alors que nous allons passer à la discussion des articles, j'aimerais faire un rappel au règlement fondé sur l'article 54.
Je voudrais que nous posions ensemble certaines règles afin d'éviter des dérives analogues à celle à laquelle M. le secrétaire d'État s'est livré tout à l'heure. Avec quelques députés de la majorité, il se plaît à déformer les propos des députés de l'opposition, prétendant répondre à ce que nous n'avons pas dit. C'est une méthode qui n'est pas acceptable.
Vous parlez de caricature, monsieur le secrétaire d'État, alors que ce sont vos propos mêmes qui sont une caricature.
Nous exprimons notre point de vue, et il est aussi respectable que le vôtre.
Par ailleurs, vous avez employé un mot dont je vous laisse la responsabilité, celui d'« obstruction ». Vous nous avez fait un procès d'intention…
Nous sommes députés de l'opposition et c'est notre droit d'utiliser tous les moyens à notre disposition pour exprimer notre point de vue et défendre nos positions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous verrons bien ce qui se passera au Congrès lundi. Mais j'ai le souvenir de quelques débats dans cet hémicycle à l'occasion desquels vous avez tenté de limiter le droit d'amendement. Ce n'est pas acceptable et nous comptons bien faire notre travail de députés de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je ne suis pas sûr, cher collègue, que vous ayez fait référence au bon article de notre règlement.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.
Nous allons d'abord examiner des amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.
Je suis saisi d'un amendement n° 1490 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
L'alinéa 11 de l'article 1er du projet de loi fait référence aux stipulations conventionnelles en vigueur en matière de salaires. Il faut savoir que plusieurs branches prévoient des minima inférieurs au SMIC, et même si celui-ci s'impose, cela a des conséquences sur l'échelle des salaires dans toute la branche. Et je note qu'à chaque fois que nous débattons des questions de salaires dans cet hémicycle, le Gouvernement se montre beaucoup moins pressé que dans d'autres domaines, où il n'hésite pas à passer outre aux accords entre partenaires sociaux. On pourrait même dire qu'il a adopté une allure d'escargot, et même d'escargot endormi.
Mais je m'obstine et, par cet amendement, je propose que le Gouvernement impose que des négociations salariales de branches aient lieu d'ici au 30 juin 2009. Toutes les lois sociales dont nous avons débattu ces derniers temps ont posé la date butoir du 31 décembre 2009, mais elles ne concernaient jamais cette question.
Je précise que le niveau des salaires a un rapport direct avec le retour à l'emploi. L'une des raisons qui peut conduire un chômeur à refuser un emploi, c'est un faible salaire, assorti à des fortes contraintes en termes de temps de déplacement et de conditions de travail.
M. le secrétaire d'État et Mme la rapporteure et certains de nos collègues comme M. Vercamer ont indiqué qu'il fallait aider davantage les chômeurs les plus éloignés de l'emploi et éviter que certains ne profitent du système. Mais pourquoi ne pas aller au bout de cette logique ? Si certains chômeurs profitent du système, c'est que leur indemnité leur permet de le faire car, avec 600 ou 700 euros par mois, vous conviendrez que, par les temps qui courent, on ne peut pas profiter de grand-chose. Cela suppose donc que leurs salaires eux-mêmes aient été élevés, puisque l'indemnité dépend du montant du dernier salaire. Alors, si vous estimez que des indemnités trop élevées empêchent les demandeurs d'emploi à reprendre rapidement un emploi, pourquoi ne proposez-vous pas d'encadrer le montant des indemnités ? Au moins, vous seriez cohérents avec vous-mêmes. Mais, bien évidemment, vous n'osez pas proposer un tel plafonnement car cette mesure affecterait une partie de votre électorat. Il est bien plus facile de taper sur les demandeurs d'emploi à qui l'on ne propose des salaires qu'au niveau du SMIC ou d'1,2 SMIC.
Dans ces conditions, il nous paraît très important de relever les minima de branches pour assurer une cohérence dans l'échelle des salaires au sein de certaines branches.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1490 .
La commission a repoussé cet amendement. Même si Mme Billard a tenté de nous expliquer qu'il avait un rapport direct avec le texte, il est hors sujet. La question sera traitée dans le cadre de la future loi en faveur des revenus du travail, dont l'avant-projet a été présenté il y a quelques semaines et qui vise à conditionner les allégements généraux de charges au respect du SMIC par les minima de branches.
L'avis du Gouvernement est défavorable, et pas seulement parce que l'amendement est hors sujet. Cette question est traitée dans le cadre du dispositif de conditionnalité des allégements de charges, qui sera présenté au conseil des ministres dès cet été.
Je note que nos approches divergent s'agissant du relèvement des minima de branches. Vous proposez une mesure d'autorité, ce qui pose un problème juridique puisque cela met en cause le respect de la responsabilité des partenaires sociaux, alors que nous avons choisi de responsabiliser ces derniers et de les placer au coeur du dispositif.
Une nouvelle fois, c'est deux poids, deux mesures. Quand cela vous arrange, vous imposez certaines mesures aux partenaires sociaux, et nous l'avons vu récemment en matière de temps de travail. À aucun moment, vous n'avez envisagé d'inciter les entreprises à renégocier. Vous avez même – fait sans précédent – imposé la caducité des accords en cours, de façon à avoir la certitude qu'il y aurait renégociation dans le cadre d'un rapport de force aujourd'hui moins favorable aux salariés. Et quand cela ne vous est pas favorable ou que le MEDEF ne le demande pas, vous préférez inciter.
Je mets aux voix l'amendement n° 1490 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 17 .
La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.
La loi du 13 février 2008 portant réforme du service public de l'emploi a créé un Conseil national de l'emploi, en remplacement d'un autre organisme, le Conseil supérieur de l'emploi. L'une des fonctions du nouveau conseil est de coordonner l'action de différentes instances concourant au service public de l'emploi, à savoir les services de l'État, France-Emploi et l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes.
Ah ! France-Emploi, parlons-en ! Le secrétaire d'État ne m'a toujours pas répondu à ce sujet !
L'existence d'un organisme centralisateur et coordonnateur est une très bonne chose mais son bon fonctionnement dépend de sa capacité à couvrir l'ensemble des intervenants. Or, il me semble que les instances consultatives ont été oubliées – je pense en particulier au Conseil d'orientation pour l'emploi. Créé en 2005, par décret, il est chargé de mener une action de prospective sur le marché de l'emploi et de formuler des propositions. Certaines de ses missions sont clairement redondantes avec celles du Conseil national de l'emploi et la meilleure solution serait sans doute de fusionner ces deux organismes. Il faut savoir en effet que le Conseil d'orientation pour l'emploi coûte 810 000 euros par an, pour une activité assez limitée même si elle est de qualité : trois rapports, trois avis, un colloque.
Notre amendement, monsieur le secrétaire d'État, est un appel à la rationalisation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les mêmes organismes, les syndicats notamment, sont représentés dans les différentes instances consultatives de la politique de l'emploi et il ne nous a pas paru nécessaire de prévoir un étage supplémentaire de coordination. Avis défavorable donc.
Le Gouvernement s'est engagé dans la voie de la rationalisation des organismes consultatifs, comme vous le savez, et je comprends parfaitement vos préoccupations, monsieur Tardy. Cela dit, tout en m'engageant à poursuivre ce travail de rationalisation, je vous demanderai de retirer votre amendement, car il revient à confier les missions du Conseil d'orientation pour l'emploi au Conseil national de l'emploi. Or ce sont deux instances de nature différente : le Conseil national a un rôle plus opérationnel alors le Conseil d'orientation joue un rôle prospectif très important. De plus, ce serait en contradiction avec la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, adoptée par votre assemblée, qui a sanctuarisé les missions du Conseil national de l'emploi.
Je suis tout à fait favorable à ce que nous menions ensemble un travail de toilettage pour éviter la multiplication des comités Théodule mais, en l'espèce, vous avez choisi une mauvaise cible. Nous avons besoin dans le domaine de l'emploi d'avoir une vigie prospective, capable de déterminer quels secteurs embauchent et quels autres sont en tension. D'où la nécessité de maintenir l'éclairage apporté par le Conseil d'orientation pour l'emploi.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Tardy pose une vraie question. L'éparpillement des responsabilités est une spécificité française, je l'ai déjà indiqué. Et j'entends encore ce président de grande entreprise conseiller à ses collègues de ne pas s'installer en France où « tout est trop compliqué ». Les politiques publiques ne manquent pas de moyens dans notre pays, mais elles sont victimes de l'empilement des structures et de la complexité des procédures, ce qui nuit à leur lisibilité. Pour le citoyen, comprendre la politique de l'emploi et s'y retrouver, c'est mission impossible, je peux vous l'assurer.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez pris un engagement et j'espère qu'il sera concrétisé car il y a beaucoup à faire en matière de politique de l'emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Je le retire, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
C'est incroyable ! Monsieur le secrétaire d'État, vous voulez revaloriser le rôle du Parlement et vous demandez le retrait de tous les amendements qui ne vous conviennent pas !
Cet amendement a pour objet de créer une taxe de précarité.
Certaines entreprises, nous le savons, ont recours à tous les emplois précaires possibles. Elles contribuent ainsi à la dégradation des conditions de travail, à l'aggravation de la précarité et à l'appauvrissement de toute une frange de salariés de notre pays. Ce faisant, elles reportent sur les autres salariés ou sur la solidarité nationale la charge du financement de l'allocation chômage ou d'autres aides destinées aux salariés précaires, qui n'ont pas pu travailler suffisamment pour avoir droit aux indemnisations des ASSEDIC.
Il est donc anormal que certaines entreprises aient un comportement prédateur sur le marché du travail pendant que d'autres – la majorité – participent de la construction d'une situation de travail correcte.
On nous dit qu'il faut inciter. Mais je remarque qu'aucun dispositif d'incitation n'a été mis en place et que la situation ne s'est pas améliorée. Il serait donc équitable que les entreprises de plus de onze salariés qui ont un pourcentage trop élevé de contrats précaires participent du financement de la solidarité en direction de l'ensemble des salariés se retrouvant au chômage.
On ne peut pas expliquer aux demandeurs d'emploi qu'ils ont des devoirs vis-à-vis de l'ensemble des salariés, qui ne comprennent pas que certains chômeurs puissent profiter du système, sans exiger le même comportement des entreprises.
La commission n'a pas examiné cet amendement.
Sur le fond, le Gouvernement a déjà fait beaucoup sur la question du travail précaire. Madame Billard, dans l'exposé sommaire de votre amendement, il est indiqué que « le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail ». Il me plaît de vous rappeler que c'est notre majorité qui a inscrit cette formule dans le code du travail lors de la discussion du projet de loi portant modernisation du marché du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).
Défavorable.
Si cet amendement pose une vraie question, je ne suis pas sûr que le dispositif proposé soit la meilleure approche.
Certes, il faut lutter contre les formes de travail précaire et veiller à ce que l'enrichissement de notre pays en emplois se fonde sur des emplois durables. Mais faisons attention aux caricatures, en ce qui concerne notamment l'accès à l'emploi. S'il faut s'attaquer au temps partiel subi, n'oublions pas qu'il y a aussi du temps partiel choisi. Je pense aux seniors qui souhaitent finir leur carrière en aménageant leur temps de travail ou encore à certains pères ou mères de famille. Très récemment, lors d'une visite à l'ANPE de Lille, j'ai rencontré un demandeur d'emploi qui souhaitait un temps partiel pour des raisons familiales.
Par ailleurs, les CDD jouent un rôle très important pour l'insertion des jeunes dans l'emploi, et des études de l'INSEE montrent que c'est un levier fondamental. Le fait de pouvoir enchaîner un certain nombre de CDD leur permet d'accumuler une expérience.
Si nous devons lutter contre le développement de la précarisation de l'emploi dans notre pays, à l'inverse nous devons veiller à ce que la toise ne soit pas trop uniforme car cela risquerait de supprimer des temps partiels choisis et le rôle d'insertion que font les CDD. D'ailleurs, je constate que les partenaires sociaux ont reconnu, dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier, que si le CDI était l'objectif dominant vers lequel il fallait s'orienter, il était important de maintenir le recours aux CDD et aux contrats de travail temporaire.
Mme Dalloz a la mémoire courte. N'a-t-elle pas participé à nos débats sur le projet de loi portant modernisation du marché du travail, qui transcrivait notamment la partie législative du fameux accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier ? Nous avions été nombreux à rappeler qu'il transcrivait plus vigoureusement et ardemment la partie relative à la flexibilité que celle relative à la sécurité. Les propos que nous avions tenus alors sont différents de ceux que le secrétaire d'État a prétendu ce matin que nous aurions tenus.
Mme Dalloz s'attribue la paternité de la formule selon laquelle le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du travail de travail. Or il serait bon qu'elle se souvienne que, si cette formule complète a été rétablie, c'est grâce à nos amendements, le texte initial du Gouvernement indiquant seulement que le contrat à durée indéterminée est la forme normale du contrat de travail.
Nous avons obtenu également que l'accord national interprofessionnel soit repris dans son intégralité. Cela était utile puisque d'autres dispositions de cet accord et du projet de loi, tout en apportant de la flexibilité – la rupture conventionnelle, le contrat à objet défini, la suppression du CNE –, posaient des problèmes et nécessitaient que soit réaffirmée cette disposition selon laquelle le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale du contrat de travail.
À travers cet amendement, Mme Billard pose un vrai problème. Comme je l'ai déjà dit, il existe des entreprises qui s'apprêtent à licencier mais emploient plus de 200 intérimaires en l'absence de tout pic de production d'ailleurs. Je suis sans arrêt obligé d'appeler l'attention des pouvoirs publics sur ce qui s'y passe. La région Picardie a le plus fort taux de travail précaire – du reste, elle détient tous les mauvais records !
Cela dit, je ne partage pas la position de Mme Billard. Je suis plutôt pour un renforcement des mesures afin que les entreprises respectent le code du travail. Il faut les empêcher de prendre des intérimaires à tout va, puis de les balancer pour en prendre d'autres. On voit même des gens enchaîner contrat sur contrat pendant six ou sept ans, sans jamais être embauchés définitivement.
Pire, en matière d'emploi des handicapés, les entreprises préfèrent payer la petite somme qu'on leur demande plutôt que de respecter le quota de 6 %.
Voilà pourquoi, si l'intention de Mme Billard est tout à fait louable, je ne crois pas que la disposition qu'elle propose soit la bonne car les entreprises préfèrent payer et faire comme bon leur semble. Il me semble donc préférable de renforcer le code du travail pour empêcher l'utilisation abusive et non justifiée d'emplois précaires et intérimaires.
Je mets aux voix l'amendement n° 1491 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Avant l'article 1er
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures quinze.)
Dans la discussion générale, plusieurs orateurs, issus notamment de l'opposition, avaient souligné que ce texte ne traitait pas des vrais problèmes qui se posent aujourd'hui au monde du travail, puisqu'il tend à imposer des sanctions aux demandeurs d'emploi, alors que si des salariés sont au chômage, c'est parce qu'il y a moins d'emplois disponibles que de personnes pour les occuper.
L'actualité vient renforcer ce constat. Les statistiques de l'ANPE font ainsi apparaître, pour la première fois depuis 2006, une diminution du nombre d'offres d'emploi au premier trimestre 2008 – mais vous devez le savoir, monsieur le secrétaire d'État. En revanche, sur la même période, le nombre des demandes d'emploi a augmenté de 1,6 %. L'écart se creuse, et c'est ce à quoi il conviendrait de remédier. En outre, les statistiques de l'ACOSS montrent un net fléchissement de la croissance des intentions d'embauche de plus d'un mois au deuxième trimestre 2008, qui ne dépasse pas 2,8 % en un an. Bref, les difficultés s'accroissent.
La dépêche AFP d'où je tire ces chiffres ajoute une observation.
Eh oui, c'est un organe de presse libre et indépendant !
Cette dépêche observe donc que c'est globalement dans la moitié ouest de la France que les embauches de plus d'un mois sont les plus dynamiques. Nous l'avions souligné durant la discussion générale, la situation économique varie suivant les régions : il faut en tenir compte. Vous prétendez définir dans votre projet de loi l'« offre raisonnable » en fonction de la situation du chômeur ; or, vous le savez aussi bien que moi, suivant le bassin d'emploi, il y a plus ou moins d'emplois disponibles et on y trouvera plus ou moins facilement un emploi correspondant à sa situation. Cette inégalité de traitement rendra extrêmement difficile l'application de votre dispositif, produira des injustices et donnera lieu à des contentieux. C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
L'article 1er aborde la question de l'accompagnement et du suivi individualisé des demandeurs d'emploi. Si l'on veut préciser en quoi notre approche se différencie de celle de la majorité et du Gouvernement, disons qu'à nos yeux, la priorité, pour les demandeurs d'emploi, est de retrouver un emploi de qualité.
M. le secrétaire d'État est aujourd'hui l'un des seuls dans ce pays à soutenir, comme il l'a fait à l'ouverture de cette séance, que l'amélioration des chiffres de l'emploi se fait sans augmentation des formes de précarité. Tous les économistes sérieux qui traitent des questions d'emploi, à l'IRES, à l'OFCE ou au Centre d'études de l'emploi, affirment le contraire !
Je donnerai seulement quelques chiffres : 55 % des emplois que retrouvent les chômeurs indemnisés sont des CDD ou des contrats d'intérim. Si l'on prend un peu de recul, on s'aperçoit que la part de ces contrats temporaires dans l'emploi salarié est passée, en vingt ans, de 5 à 15 %, et, en dix ans, de 10 à 15 %. Je ne pense pas que cette tendance ait changé depuis que votre arrivée au Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, à moins que vous n'alliez jusqu'à soutenir que ces contrats sont de moins en moins nombreux… L'emploi à temps partiel est passé, en dix ans, de 12 % à 17 % de l'emploi salarié. Quant aux 350 000 emplois créés l'an dernier, si l'on regarde la nature des contrats signés, on s'aperçoit que le nombre de journées d'intérim atteint un niveau record, avec 2 millions. On voit bien que, malgré l'amélioration des chiffres de chômage, ces formes de précarité augmentent.
S'agissant de l'accompagnement et du suivi individualisé, je voudrais revenir sur les propos de notre collègue Valérie Rosso-Debord, qui nous en a présenté hier soir une version pour enfants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) À l'entendre, tout irait bien. Or ce n'est pas la réalité !
Précisément, il faudrait d'abord que vous reconnaissiez que l'accompagnement personnalisé n'est pas nouveau : il a été instauré en 2001, dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi. Le service public de l'emploi dispose donc d'une certaine expérience en la matière.
Ensuite, que se passe-t-il réellement dans les agences aujourd'hui ? Une étude très intéressante de la CFDT, publiée au mois de juin, se montre très critique sur le suivi mensuel personnalisé des chômeurs instauré en 2006. Elle estime que le nombre de conseillers de l'ANPE est insuffisant pour suivre les demandeurs d'emploi et fait état de plannings surchargés. Martine Billard a d'ailleurs rappelé tout à l'heure que, sur une plage matinale, un conseiller enchaîne onze rendez-vous de dix-neuf minutes chacun, ce qui ne lui permet pas d'assurer correctement cet accompagnement.
Il faut dire que vous avez une vision quelque peu décalée de la réalité. Rappelons qu'il y a huit mois, la ministre, Mme Lagarde, soutenait devant les membres la commission des affaires sociales – estomaqués, qu'ils soient de droite ou de gauche – qu'il y avait aujourd'hui à l'ANPE un conseiller pour soixante demandeurs d'emploi en moyenne ! Tous ceux qui connaissent un tant soit peu le terrain savent que cette proportion est en réalité d'un pour cent vingt, voire cent trente. La réalité, c'est donc que les moyens affectés pour cet accompagnement personnalisé sont insuffisants.
En conclusion, si nous sommes d'accord avec vous pour dire qu'il faut tout faire pour que les chômeurs retrouvent le plus rapidement possible un emploi, il faut aussi admettre qu'il existe des publics différents. Certains chômeurs rencontrent davantage de difficultés : il faut tenir compte de leurs particularités et accepter que cela leur prenne davantage de temps. Ce que nous reprochons à votre projet de loi, c'est de traiter tous les chômeurs de la même manière et de les soumettre tous, avec la notion d'« offre raisonnable d'emploi », à une même épée de Damoclès, comportant les mêmes sanctions. Or, comme il faut mettre en oeuvre des parcours de formation spécifiques, nous pensons qu'il conviendrait d'accorder davantage de temps à ceux d'entre eux qui sont en difficulté, et qui ne sont pas pris en considération par le projet de loi, notamment l'article 1er.
Il y a beaucoup à dire sur cet article, qui constitue le coeur de votre texte, et qui est, je le répète, dangereux.
Pourtant, le film commence bien. Vous avez l'impression que vous allez bénéficier d'un projet personnalisé et qu'on va s'occuper de vous : « Entrez donc, asseyez-vous, nous allons bâtir ensemble quelque chose. » Hélas, cela se transforme vite en : « Vous êtes tenu de… » Il ne peut y avoir une relation égalitaire entre quelqu'un qui vient solliciter un emploi et quelqu'un qui en possède un et n'est pas soumis aux mêmes contraintes ! Dans ces conditions, le contrat – ou, en l'occurrence, le projet – ne peut être conclu qu'au détriment de celui qui se trouve dans la position la plus faible. Comme l'a dit notre excellent collègue Jean-Patrick Gille, vous entrez dans la nasse : vous arrivez, on vous demande de signer le document – et c'est alors que tout se complique et que le film commence à mal tourner.
Au début, on vous demande ce que vous savez faire : on vous trouvera forcément quelque chose qui vous intéressera. Le temps passe ; il n'y a pas d'emploi disponible. Il n'y en aura jamais : il suffit de rencontrer, dans nos permanences, ces personnes qui recherchent des emplois traditionnels, par exemple dans le secrétariat, qui sont inscrites à l'ANPE et à qui on n'a rien proposé durant les neuf derniers mois. Vous semblez méconnaître cette réalité – alors que nous, nous sommes sur le terrain !
Les articles suivants organisent une descente progressive aux enfers. Les trois premiers mois, il ne se passe pas grand-chose. Puis on vous fait comprendre qu'il faut requalifier le projet ; en d'autres termes, votre compétence initiale est gommée : « Vous vouliez être secrétaire dans une entreprise ? Il n'y a pas de postes, voyons ce que vous savez faire d'autre. »
Au bout de six mois, cela se gâte. Vous allez devoir bouger, vous dit-on : si l'on ne trouve rien près de chez vous, il faut chercher plus loin. Faites le calcul, monsieur le secrétaire d'État – de toute façon, de bonnes revues l'ont fait pour vous : un trajet quotidien de soixante kilomètres par jour en voiture, cela revient à quelque 820 euros par mois. Que restera-t-il pour vivre à quelqu'un qui gagne le SMIC ?
Au bout de douze mois, tout vous tombe sur la tête : vous n'avez plus droit à rien, vous êtes obligé d'accepter n'importe quoi. Certes, vous nous dites avec précaution, monsieur le secrétaire d'État, que cela est faux, qu'on ne sera pas obligé d'accepter n'importe quoi, qu'on ne pourra vous imposer un CDD si vous n'en voulez pas, et que tout se passera bien. Mais, du fait de notre incapacité chronique à créer des emplois – car le constat vaut pour tous –, il y aura nécessairement des personnes qui, par les actualisations successives du projet qu'elles auront signé, devront accepter d'aller là où on leur aura trouvé un emploi, lequel relèvera immanquablement d'un métier en tension ! D'ailleurs, les employeurs auraient tort de se précipiter, puisqu'ils verront venir à eux des demandeurs prêts à occuper de tels postes pour ne pas être radiés au bout de douze mois, et qu'ils pourront les embaucher dans les conditions les plus basses, au SMIC. Contrairement à ce que vous avez dit hier soir, monsieur le secrétaire d'État, je n'ai aucun mépris pour ces métiers, bien au contraire ; mais s'ils connaissent un turn-over si élevé, il y a bien une raison ! Ceux qui ont travaillé quelque temps dans la restauration ou l'hôtellerie le savent – peut-être en avez-vous fait l'expérience dans votre jeunesse.
Cet article 1er ne nous satisfait pas, car il durcit encore les conditions imposées aux demandeurs d'emploi. Nous nous y opposerons donc.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais des précisions sur le statut juridique du projet personnalisé d'accès à l'emploi puisque vous voulez le sortir des dispositions réglementaires du code du travail pour en faire une obligation légale, et sur les conséquences nouvelles qui en découleraient.
Vous avez évoqué à nouveau, comme certains députés de la majorité, ceux qui abuseraient de l'assurance chômage en considérant que c'est un dû. Une fois au chômage, on commencerait à profiter de sa période d'indemnisation. Mais si c'est le vrai problème, il ne fallait pas s'y prendre comme cela. Il aurait fallu conseiller aux partenaires sociaux, dans le cadre de l'assurance chômage, de revenir à une forme de dégressivité. Peut-être le ferez-vous, mais je vous rappelle que c'est de leur ressort.
Or, depuis 2000, ils ont fait le choix inverse de celui de la dégressivité en s'engageant, avec le PARE, dans une forme de contractualisation. Il y a eu la tentative, restée célèbre mais qui a avorté, du CARE – contrat d'aide au retour à l'emploi. C'était au départ la grande idée du PARE, mais qui n'a pas été retenue par le législateur de l'époque à cause en partie des incertitudes juridiques, et on en est resté à une version intermédiaire qui s'est appelée longtemps le PAP – projet d'action personnalisé –, et qui a été généralisée à partir de 2005 sous la forme du PPAE. Il faut bien le dire, Michel Issindou l'expliquait encore à l'instant, et on ne peut tous que le déplorer : c'est un beau film, mais cela ne fonctionne pas si bien. Peut-être parce que l'ANPE ne dispose pas des moyens nécessaires. Mais je pense que ce n'est pas uniquement une question de moyens, c'est aussi une question de culture. Ainsi, l'accueil des personnes est encore parfois groupé, et si on interroge les agents, on apprend qu'une bonne partie du suivi individualisé se fait au téléphone, ce qui n'est pas satisfaisant.
Vous proposez de faire du PPAE une obligation légale : le chômeur aura l'obligation de définir son projet, et, surtout, de le redéfinir par la suite, c'est-à-dire de restreindre petit à petit ses prétentions au cours des mois. C'est tout de même un peu fort d'obliger quelqu'un à contractualiser à la baisse ses prétentions ! On est passé d'un projet qui était de l'ordre du règlement de l'assurance chômage à une disposition réglementaire du code, et, aujourd'hui, on passe à une obligation légale ; on a surtout basculé d'une définition de ses attentes par le demandeur d'emploi au moment de l'inscription à une forme de négociation contrainte et essentiellement révisable à la baisse.
De surcroît, je me demande si ce nouveau PPAE ne pose pas un problème juridique : peut-on obliger quelqu'un à signer ? Il s'agit bien d'une obligation puisque, s'il refuse, on lui indique qu'il ne pourra bénéficier ni du service, ni de l'indemnisation pour laquelle, faut-il le rappeler, il a cotisé. L'indemnisation chômage est un droit acquis, suite à une cotisation obligatoire, sous forme de salaire différé. C'est un régime assuranciel. Mais vous, vous proposez au cotisant, comme s'il avait souscrit à une assurance automobile – elle aussi est obligatoire –, de renégocier, après un accident, ce à quoi il a droit. Ce n'est pas acceptable.
Pourquoi alors proposez-vous cela ? Je l'ai dit hier soir : c'est votre bataille idéologique que de glisser du régime assuranciel vers l'assistance. D'ailleurs, avec la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC, il n'y aura plus de distinction entre l'indemnisation et l'ASS, et toute personne aura l'impression de bénéficier plus ou moins d'un revenu d'assistance lié à la collectivité publique, oubliant que c'est elle-même qui a cotisé.
Je veux insister sur un autre point : l'élargissement du dispositif contractuel, puisque le PPAE concernera les co-traitants. Mais dans quelle mesure pourront-ils, eux aussi, l'élaborer ?
Par ailleurs, on n'a pas encore abordé un point qui me paraît important : qu'en sera-t-il des modalités de recours au moment de l'élaboration de ce projet personnalisé, qui ne sera plus une simple définition, mais une vraie négociation entre le demandeur d'emploi et l'agent de l'ANPE, puis, demain, entre le demandeur d'emploi et un agent qui relèvera d'un organisme privé ?
Monsieur le président, je conclus d'une phrase : monsieur le secrétaire d'État, dites-nous, en cas de litige ou de désaccord persistant, où ceux-ci pourront être tranchés.
Je reviens sur les propos de M. le secrétaire d'État, qui a paru choqué par ce que j'ai dit sur les tracteurs en milieu rural.
J'avais pourtant l'impression d'emprunter le chemin ouvert par Mme Lagarde il y a quelques mois, quand elle préconisait le vélo comme alternative à l'augmentation des produits pétroliers. Je pensais donc aller dans le même sens qu'elle en imaginant d'autres modes de transport.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites connaître le terrain, et la vie de nos concitoyens. Mais nous, sur les bancs de l'opposition, nous en doutons beaucoup. Nous vous affirmons que ce projet de loi va entraîner, de fait, du dumping social. Il n'est d'ailleurs même pas nécessaire d'être au chômage pour le subir. Quand notre collègueMaxime Gremetz a fait référence, hier soir, aux 400 salariés de Goodyear qui se retrouvent sur le carreau du jour au lendemain, cela a provoqué des sourires et des rires sur les bancs de la majorité : je trouve cela inacceptable…
…alors qu'ils vont se retrouver au chômage et subir les contraintes que vous allez leur imposer dans ce texte de loi. Ils se sont retrouvés devant un choix cornélien : soit le licenciement, soit un contrat qui leur proposait emploi contre temps de travail, avec les 4x8. Ces gens se sont alors mis en grève, ils sont devenus ces fameux grévistes que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a tendance à mépriser depuis quelques jours. Or de telles grèves sont la manifestation de l'énergie du désespoir. En proposant ce type de contrat à des salariés qui ont encore du travail, on fait bien du dumping social.
En outre, ce projet de loi a pour but de répondre aux attentes et aux demandes des secteurs en tension. Or, quand je lis, à l'article 1er, les conditions d'acceptabilité d'une offre d'emploi, soit une heure de transport au maximum ou une distance de trente kilomètres au plus, je me demande comment de tels critères peuvent correspondre au secteur en tension des services à la personne. En effet, je n'y connais pas beaucoup de cas où l'on propose un CDI de 35 heures sur le même lieu de travail ! Expliquez-moi comment ces personnes pourront faire soixante kilomètres ou deux heures de trajet aller et retour ! À moins que cette disposition ne concerne plutôt certains milieux, ceux que sans doute vous fréquentez et auxquels vous avez accordé le cadeau fiscal de 15 milliards d'euros !
Vous nous dites que ce projet de loi est destiné à une minorité de « demandeurs d'emploi », expression pudique pour ne pas dire « chômeurs », qui représente 1 % à 2 % de la population concernée. Mais nous avons aujourd'hui les outils législatifs et réglementaires pour réguler cette minorité. Pourquoi dès lors déposer un tel projet de loi ? Pour nous faire perdre notre temps ? Mais nous avons autre chose à faire. À la sortie de la réunion de la commission, le président Pierre Méhaignerie nous a dit, en aparté : « Oh, ce projet de loi ne va pas changer grand-chose. » Alors, s'il ne change pas grand-chose, ne le proposez pas. Nous avons vraiment autre chose à faire !
Monsieur le secrétaire d'État, s'agissant de ce texte, je vous reconnais un réel savoir-faire dans la communication. Mais, au-delà des différentes présentations que vous en avez faites, je voudrais revenir, à l'occasion de cet article essentiel, sur sa philosophie même.
Ce texte est inutile, on l'a dit, mais il est surtout dangereux et tout à fait inacceptable. En effet, il vise en fait à stigmatiser les demandeurs d'emploi. Il repose sur l'hypothèse selon laquelle, par définition, ceux-ci ne feraient pas tout ce qu'il faut pour être embauchés. On veut faire croire, pour des raisons politiques, idéologiques et démagogiques qu'ils se complaisent dans le chômage, qu'ils ne font pas d'efforts, alors que, évidemment, le Gouvernement et le Président de la République ne veulent que leur bien et que les entreprises leur tendent les bras. Nous sommes là dans une logique libérale qui vise à stigmatiser toujours et encore le chômeur comme responsable de sa propre situation.
Bref, votre texte s'attaque aux chômeurs, mais il ne s'attaque pas au chômage.
La meilleure façon de lutter contre le chômage, ce serait évidemment de favoriser la création d'emplois là où il y a des besoins. Mais l'ensemble de votre politique tourne le dos à cette préoccupation.
C'est un texte dangereux, inacceptable, qui réalise l'amalgame entre la fraude, qui ne concerne qu'une infime minorité de personnes, et le refus d'accepter un emploi.
C'est un texte qui va viser plus particulièrement les demandeurs d'emploi qualifiés et diplômés, qui ont accompli de gros efforts pour acquérir au fil du temps la compétence professionnelle nécessaire, et qui vont être contraints d'accepter, sous peine de radiation, n'importe quel travail à n'importe quel prix.
Enfin, c'est un texte qui est destiné, et je le dis que cela vous plaise ou non, à faire pression sur l'ensemble du salariat pour faire baisser artificiellement le chômage.
Mes collègues l'ont parfaitement démontré depuis le début de la discussion hier. Mais il va aussi faire pression sur le salariat en pesant, à la baisse évidemment, sur les salaires.
Je conclus en disant que c'est un texte qui, sous couvert de bon sens, est d'une grande injustice sociale. Il prétend apporter des solutions. En fait, il n'en apporte pas. C'est un texte de classe, dirigé contre les demandeurs d'emploi, contre les salariés. Nous, nous ne pouvons qu'être solidaires avec eux, considérant qu'ils sont victimes d'un système dont ils ne sont pas responsables !
M. Le Président de la République a fait savoir à M. le président de l'Assemblée nationale qu'il avait convoqué le Congrès du Parlement le lundi 21 juillet afin de lui soumettre le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions.
Le Congrès sera réuni à Versailles le 21 juillet, à partir de quinze heures trente.
Il est pris acte de cette convocation.
La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, inscrite sur l'article 1er.
Première remarque relative aux questions posées par mes collègues depuis le début de ce débat : nous comptons 1,9 million demandeurs d'emplois pour 500 000 offres potentielles – si on se fie aux chiffres fournis par votre Gouvernement. Il reste donc 1,4 million de personnes dont on voit mal comment elles pourront ne pas être sanctionnées puisque, de toute façon, la rotation des offres d'emplois n'est pas suffisante pour leur éviter d'entrer dans le système de sanctions que vous prévoyez.
Pour en revenir au PPAE, je crois vraiment que lorsqu'on perd son emploi et que l'on vit dans l'angoisse – car c'est une situation angoissante –, le fait d'être bien suivi par un service public de l'emploi pourrait être une très bonne chose. Bien suivi, cela signifie des moyens humains, comme cela a déjà été souligné. Parfois, une entreprise investit pour faire des économies de fonctionnement. Investir dans les moyens du service public de l'emploi, afin de permettre une meilleure prise en compte des demandeurs et les aider à retrouver du travail, pourrait se révéler plus efficace que de vouloir recourir à cette sanction qui me pose personnellement un problème.
Parlementaire depuis cinq ans, j'entends dire – souvent et sur tous les bancs – qu'on légifère trop dans ce pays. L'ordonnance du 12 mars 2007, relative au code du travail, tendait à alléger ce code. Or, soudainement, on veut y inclure quelque chose de très lourd sur les déplacements – je ne vois vraiment pas en quoi cela devrait y figurer – et sur une sanction à mon avis inutile.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé du temps partiel tout à l'heure. Votre collègue Valérie Létard, le 5 mars, à l'occasion de la journée internationale des femmes, insistait sur la nécessité d'agir sans tarder sur le temps partiel subi. Sur 100 personnes travaillant à temps partiel, 82 sont des femmes et 33 ne l'ont pas choisi. S'il faut agir, c'est plutôt pour aider ces femmes à obtenir un emploi à temps plein.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Dans cette assemblée, il serait bon que chacun tienne un discours de vérité. Moi-même, j'ai essayé de le tenir en disant : attention, il y a les lois et leur applicabilité ! Il est parfois plus important de regarder les conditions d'applicabilité des lois. Cependant, personne dans ce pays n'ignore qu'il existe des faux demandeurs d'emploi comme des faux RMIstes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Qui est le champion de la suppression des RMIstes en France ? C'est Jean-Noël Guérini ! C'est lui qui a supprimé 15 % de RMIstes dans les Bouches-du-Rhône. Regardez un peu la vérité au lieu de tenir un discours caricatural ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
De tous les présidents de conseil généraux, c'est Jean-Noël Guérini qui a supprimé le plus de bénéficiaires du RMI, en reconnaissant lui-même qu'il existe des faux RMIstes. Pour nos concitoyens, il serait bon de tenir un discours de vérité et non de rester dans la caricature permanente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Une remarque tout d'abord : Pierre Méhaignerie se fait applaudir à bon compte. Bien sûr, nous combattons, comme vous, les faux chômeurs et les faux RMIstes ! Mais M. Guérini n'est pas ma référence.
Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que nous demandions la suppression de cet article 1er, car il intervient beaucoup trop tôt avant la mise en oeuvre de la sécurisation des parcours professionnels, engagée par les partenaires sociaux avec l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation. Ce travail n'étant pas achevé, il est inutile de voter des textes qui viendront compliquer la situation des partenaires sociaux.
Cette loi du 25 juin 2008, qui ne transcrit que le volet flexibilisation du contrat de l'ANI du 11 janvier, a bien entendu oublié le volet sécurisation qui doit arriver bientôt avec la nouvelle convention UNEDIC, une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et la négociation sur la formation professionnelle. Tout cela est attendu, mais n'est malheureusement pas là. Vous nous demandez de jouer la flexibilité en nous renvoyant à plus tard sur la sécurité.
Cet article du projet de loi introduit une réforme qui repose sur une logique d'engagements réciproques. Pourquoi pas ? Cela me paraît plutôt sain. D'une part, le nouveau service public de l'emploi devra s'engager à mettre en oeuvre toutes les actions jugées nécessaires. Cependant, la fusion ANPE-ASSEDIC n'est pas encore achevée. Cette fusion n'est pas forcément négative, nous ne l'avons pas contestée, mais laissez-la au moins se mettre en place tranquillement. N'ayez pas cette boulimie de réformes trop rapides. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Laissez le temps au temps et, le 1er janvier 2009, la fusion devrait permettre de recevoir mieux et de faire un suivi personnalisé.
D'autre part, le demandeur d'emploi devra accepter des offres considérées comme raisonnables. Nous n'allons pas revenir sur ce mot. Toutefois, comme ma collègueDanièle Hoffman-Rispal l'a rappelé à l'instant, ce pays souffre d'un manque cruel d'emplois, d'une absence de croissance. Sans croissance, pas d'emplois en nombre suffisant. Vous allez coincer très vite : vous ne serez même pas en mesure d'offrir deux offres d'emploi à tous les chômeurs ! Ce n'est pas ce texte qui va créer des emplois ! Il n'aura aucun effet sur la création d'emploi, sans parler d'en avoir sur la croissance. Le suivi personnalisé permettra de régler quelques cas, à la marge, et les chômeurs seront combattus – pardon, les fraudeurs seront combattus. Parfois, le lapsus est plutôt révélateur !
Au demandeur d'emploi, l'autre partie, vous demandez d'accepter des offres d'emploi précaires ou de voir disparaître son indemnisation. Encore une fois, le rapport mène forcément à des situations dramatiques. Nous le constaterons immédiatement dès que votre loi entrera en vigueur.
La lecture de cet article 1er donne le sentiment que le demandeur d'emploi est responsable de son chômage parce qu'il n'est pas assez actif, qu'il ne se remue pas. Vous venez de le dire à l'instant : ou il ne se remue pas, ou il est forcément fraudeur. Il est culpabilisé, alors qu'il subit une situation de l'emploi dégradée, reconnaissez-le ! Sinon, offres et demandes coïncideraient depuis longtemps ! Arrêtez de penser que nous en sommes là parce que boulot n'est pas bien fait dans les ANPE ou ailleurs ! Nous en sommes là parce que la croissance n'est pas au rendez-vous et qu'il n'y a pas suffisamment d'emplois créés dans ce pays pour satisfaire le nombre de gens qui en recherchent.
Comme l'ont souligné mes camarades, cette réforme va aboutir à une précarité accrue parce que ces emplois finiront par être acceptés, puis rapidement abandonnés. L'absence de motivation entraînera forcément une rotation accrue. En permanence, vous aurez ce volant de précaires tournant d'un emploi à l'autre, sans s'épanouir dans un travail.
J'y arrive, monsieur le président. Nous estimons que les salariés doivent bénéficier d'un revenu décent et de la continuité de leurs droits sociaux. Ce n'est pas une tare d'être au chômage, mais un drame !
Il faut percevoir les choses ainsi, et cesser de stigmatiser les chômeurs. Nous voulons que chacun puisse choisir son emploi ou une formation.
Pour la clarté de nos débats, je voudrais revenir sur les propos du président Méhaignerie, qui a éprouvé le besoin de s'enflammer face à ses collègues de l'UMP.
Or, dans le rapport de Mme Dalloz, issu des travaux de la commission des affaires culturelles, on peut lire : « Le président Méhaignerie, applaudi par les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, a fait observer qu'on n'applique guère les textes en vigueur et qu'il faudrait donc consacrer plus de temps à l'application de ces textes qu'à en adopter de nouveaux. »
Le rapport ajoute : « Reconnaissant que le code du travail prévoit déjà des cas de radiation et de sanction, M. Bernard Perrut a toutefois souligné que le projet de loi permettra d'aller plus loin. » C'est bien ce qu'on lui reproche, comme de nous faire perdre notre temps à débattre de dispositions inutiles.
Peut-être pour se rabibocher quelque peu avec ses collègues de l'UMP, le président Méhaignerie a éprouvé le besoin de faire une sortie sur les RMIstes. Cela m'a rappelé 1993, certains très anciens parlementaires s'en souviendront – bien entendu, M. Méhaignerie était déjà député depuis longtemps à l'époque. En 1993, après le changement de majorité, certains députés RPR et de la bonne droite centriste de l'époque ont voulu s'attaquer aux RMIstes.
Le RMI avait été instauré en 1988, et la France était peuplée de « faux RMIstes » – il n'y avait que cela, c'était « abominable » ! Certains parlementaires, notamment M. Jacquat, je crois, M. Delattre et M. de Courson – il faudrait se référer au rapport de l'époque –, s'étaient jetés sur cette affaire. On allait voir ce qu'on allait voir ! Au bout du compte, leur rapport a fait pschitt, puisqu'ils sont parvenus à prouver que parmi les allocataires du RMI, moins de 3 % n'y avaient pas droit, dont les deux tiers étaient simplement mal affectés car relevant d'autres dispositifs sociaux – allocation pour adulte handicapé, etc. Les vrais faux RMIstes représentaient moins de 1 % des allocataires. On ne pouvait donc pas jeter l'opprobre sur un dispositif qui répondait effectivement à sa mission à 97 %, voire à 99 %.
À l'époque, le rapport est mort de sa belle mort et n'a eu aucune suite.
S'agissant de nos amendements de suppression, je voudrais rapporter les déclarations d'une association d'aide aux chômeurs que vous connaissez tout, Solidarités nouvelles face au chômage. Elle demande aux députés de différer l'examen du projet dont nous discutons aujourd'hui tant que de nouveaux services n'ont pas été créés. En particulier, cette association souligne que la priorité est de proposer concrètement un nombre suffisant d'emplois de qualité, et non de réformer le régime actuel des sanctions.
Elle demande que le projet de loi soit différé tant que la nouvelle offre de service n'a pas été définie ni mise en place par le nouvel opérateur issu de la fusion de l'ANPE et des ASSEDIC. Sur ce nouvel opérateur, nous présenterons des amendements qui nous permettront de creuser un peu plus la question. Cependant, la chronologie des modifications – ce que vous appelez des réformes et qui sont souvent des contre-réformes – est importante. Nous ne sommes pas les seuls à souhaiter qu'elle soit respectée : que d'abord le dispositif soit mis en place, et qu'ensuite les règles qu'il aura à appliquer soient définies en tenant compte des réalités.
Selon Solidarités nouvelles face au chômage, les règles ne doivent pas non plus conduire une personne à accepter un temps de trajet supérieur à un certain pourcentage du temps de travail, ou des frais supérieurs à un pourcentage déterminé de la rémunération. Quand les distances à parcourir pour occuper un emploi sont telles que le coût de transport érode considérablement la rémunération perçue, on travaille plus et on gagne moins. Je vois mal de quel droit on pourrait obliger les gens à accepter un tel emploi.
À plusieurs reprises, nous avons regretté que vous n'ayez pas suivi vos propres engagements, à savoir consulter d'abord les partenaires sociaux pour les faire négocier sur le sujet avant de déposer le projet de loi. Mes collègues auront l'occasion d'y revenir. Les déclarations des différents syndicats montrent qu'ils ne considèrent pas qu'ils ont eu à se prononcer sur ce dispositif avant le projet de loi. En particulier, ils estiment que l'accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier posait seulement des principes sur ce sujet et ouvrait la voie à des négociations que vous n'avez pas souhaité laisser se poursuivre. C'est regrettable. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet article 1er.
Puisque vous n'avez pas répondu, monsieur le secrétaire d'État, aux questions que je m'évertue à poser, je vais les reposer en m'efforçant d'être plus précis. Mais si vous ne m'écoutez pas, cela ne va rien arranger…
Ma question est simple : l'engagement réciproque que constitue le PPAE est-il ou non un contrat ? Si le PPAE est un contrat, par qui sera-t-il signé et pourra-t-on être assisté pour le négocier ? Quelles sont les possibilités de recours en cas de litige résultant d'un désaccord avec l'ANPE ou un autre organisme ? Si des difficultés apparaissent, reculent-elles d'autant le déclenchement de la rémunération ?
Si l'on en reste, comme vous l'avez laissé entendre, madame la rapporteure, aux modalités d'inscription actuelles, comment le PPAE assorti d'une obligation légale peut-il être contracté auprès d'un co-traitant, et non plus directement auprès du service public de l'emploi ? Peut-être cela a-t-il été vaguement évoqué dans le conseil national des missions locales, mais je ne sache pas que ce point, qui mérite pourtant un minimum de discussions, ait été évoqué avec le réseau des missions locales. Bref, si le PPAE est passé via un sous-traitant, et a fortiori un co-traitant privé, comment celui-ci pourra-t-il déclencher une procédure de sanction ?
Puisque vous n'écoutez pas, monsieur le secrétaire d'État, je suppose que nous n'aurons pas les réponses, mais, compte tenu de ce que je viens d'expliquer, je pense que le texte sera en partie inapplicable. Non seulement il multipliera les litiges – j'invite chacun à bien y réfléchir –, mais on ne saura pas dans quelle instance les traiter. C'est pourquoi je propose de supprimer l'article 1er.
Malgré toute l'estime que j'ai pour vous, monsieur le président Méhaignerie, je suis quand même un peu choquée quand j'entends fustiger les RMIstes et les prétendus faux chômeurs. On entend, y compris sur vos bancs, que ceux-ci représenteraient 2, voire 3 ou 4 %. On ferait donc un texte pour 4 % des 1,9 million de chômeurs ? Cela n'a pas de sens.
Entre nous, mes chers collègues, ne pourrait-on faire un effort de respect pour ceux qui souffrent ? Je sais que vous avez tous, comme moi, siégé dans les missions locales d'insertion. On y voit des gens « cassés », fragilisés psychologiquement et parfois en larmes à cause d'années de chômage : peut-on sérieusement dire qu'ils ne cherchent pas d'emploi ? Bref, monsieur le président Méhaignerie, j'ai trouvé vos propos un peu durs. J'aimerais également que nous parlions d'« allocataires » du RMI ou du RSA, car ce sont des personnes, et non de « RMIstes », pour les pointer du doigt.
Par ailleurs, selon le bulletin de la DARES de cette semaine, au premier trimestre de 2008, les offres d'emploi collectées par l'ANPE auprès des employeurs ont diminué de 3,3 % par rapport au trimestre précédent, alors que, sur la même période, le nombre de demandeurs d'emploi enregistrés a augmenté de 1,6 %. Comme vous le voyez, l'écart se creuse, presque à hauteur de 5 % : cela ne va pas aider les chômeurs à retrouver un emploi.
Il y a un an, notre assemblée travaillait sur le projet de loi TEPA, qui était supposé relancer la croissance et l'emploi : qu'en est-il aujourd'hui ? La croissance n'est pas au rendez-vous. Or on sait qu'elle est nécessaire à la reprise de l'emploi.
Je serai brève.
Le Gouvernement semble pris d'un TOC, un trouble obsessionnel compulsif, sur la fraude sociale. En stigmatisant un petit pourcentage de gens, on construit une politique globale, avec tout ce qu'elle comporte de délétère, de dumping social, d'irrespect et même d'indignité. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 1er.
Pour paraphraser ma collègue Lemorton, le Gouvernement semble atteint d'un nouveau TOC : dans notre beau pays, un jeune qui débute dans la vie sera donc, s'il a le malheur de tomber amoureux d'une personne étrangère, soupçonné de contracter un mariage blanc ; s'il habite une HLM, on le soupçonnera d'être un faux bénéficiaire du logement social ; s'il cherche un emploi, un faux chômeur ; s'il perçoit le RMI, un faux RMIste ; s'il a le malheur de tomber malade, de faire de fausses déclarations pour son congé maladie.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Caricature !
De quelle paranoïa êtes-vous donc frappés pour avoir cette vision de la société française ?
Présenté comme équilibré, ce texte, qui comporte trois articles, repose sur une philosophie s'inscrivant pleinement dans ce que Bourdieu appelait la révolution néo-conservatrice. Vous prétendez oeuvrer à la rénovation en vous présentant comme progressistes, mais la seule chose que vous fassiez, c'est fustiger les chômeurs en les rendant responsables de leur situation. Ce discours de stigmatisation, et non d'accompagnement, repose sur la théorie du chômage volontaire et des trappes à inactivité :…
…autant de concepts ultralibéraux fondés sur aucune vérité statistique, puisque le directeur de l'ANPE lui-même reconnaît aujourd'hui que la fraude aux allocations chômage est très limitée.
L'urgence pour vous n'est pas l'amélioration du service public de l'emploi, mais l'affichage d'un renforcement de la lutte contre la fraude. Que ne mettez-vous la même énergie à lutter contre les fraudeurs fiscaux !
Mais vous vous retranchez alors derrière l'argument selon lequel le faible nombre de contribuables demandant à bénéficier du bouclier fiscal s'explique par leur crainte d'un contrôle. Quand il s'agit de fraude fiscale, vous êtes beaucoup plus permissif qu'avec les chômeurs !
Votre projet est fort simple : amoindrir les solidarités professionnelles, individualiser les rapports entre employeurs et salariés, comme vous l'avez fait avec le texte relatif au dialogue social et au temps de travail.
Vous organisez méthodiquement la vente à la découpe du droit du travail et entendez affaiblir la position du salarié pour le mettre seul face à son employeur. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La forme est bien connue : par un simple effet dialectique, vous transformez la régression en progrès. Mais les conséquences, elles, seront bien réelles : une paupérisation et une précarisation accrue de ceux qui ont le malheur de se retrouver au chômage et qui se battent tous les jours pour en sortir.
Il eût bien sur été préférable que le présent texte soit examiné par le Parlement après l'adoption des réformes sur la formation professionnelle, la clarification des missions de l'ANPE et l'amélioration de l'insertion professionnelle, d'autant plus que vous présentez les devoirs comme la contrepartie de nouveaux droits – que l'on cherche toujours !
L'un des principaux objectifs du texte, reconnaissez-le, est de fournir de la main-d'oeuvre bon marché, mais qualifiée ! Plutôt que de vous attaquer au chômage en profondeur, vous voulez exonérer les entreprises de leurs responsabilités, notamment en termes de défaut de gestion prévisionnelle des emplois, de formations qualifiantes et de précarité des salariés. Autant d'aspects que vous préférez ignorer, et qui sont pourtant la cause de nombreux drames sociaux, comme dans le dossier ArcelorMittal à Gandrange, où, bien qu'ils aient été sous-estimés pendant des années, ils sont à l'origine du licenciement de plus de 775 personnes ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Selon une enquête de la DARES et de la DREES consacrée aux freins au retour à l'emploi, seulement 2 % des personnes se déclarant au chômage ne souhaitent pas retravailler à l'avenir, le plus souvent pour des raisons de santé. Qui plus est, la majorité des chômeurs sont déjà prêts d'eux-mêmes à faire des concessions par rapport à leurs aspirations.
Il aurait fallu dire tout cela hier soir lors de la discussion générale !
La conclusion est simple : le texte est une stigmatisation, voire une criminalisation des chômeurs et de la pauvreté. Il s'inscrit donc dans une logique de précarisation de toute la société française.
Je répondrai aux points évoqués, ce que je ne ferai pas à chaque fois, surtout si la discussion est aussi constructive… Mais comme M. Mallot a quitté l'hémicycle, je suppose qu'il considère qu'elle ne l'est pas.
Je vous rassure, madame Lemorton : vous n'êtes pas devenue une obsession compulsive du Gouvernement, ni un TOC ou une tocade, non plus que Mme Filippetti. Mais il est dommage que celle-ci n'ait pas été présente lors de la discussion générale (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car beaucoup des thèmes qu'elle a abordés ont été évoqués. La discussion d'amendements n'est pas une séance de rattrapage pour les absents de la discussion générale.
Je fais malgré tout le pari que vous résisterez aux caricatures compulsives : je m'efforcerai donc de répondre en étant le plus factuel possible. J'espère ainsi que notre discussion sera un peu plus à la hauteur de ce que mérite l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
S'agissant, monsieur Juanico, de vos questions relatives à l'évolution du marché de l'emploi, permettez-moi de vous donner les chiffres : 77 % de CDI à la fin du premier trimestre de 2006 et 77,2 % à la fin de 2007. Sur le stock de CDI signés, la proportion est donc globalement stable. Entre ces deux dates, la part des emplois à temps complet est également restée constante, avec 82,8 %, chiffre qui place la France dans la meilleure moitié des pays de l'Union européenne. Nous devons bien sûr rester vigilants, mais cela répond à votre question.
M. Issindou a dit qu'il n'y avait pas assez d'emplois. C'est vrai, et notre but est d'améliorer la situation.
Mais on ne peut pas dire que la situation de l'emploi soit particulièrement dégradée. Certes, nous devons rester vigilants pour l'avenir, mais n'oubliez pas que notre taux de chômage n'a jamais été aussi bas depuis vingt ans.
En revanche, il faut aller plus loin sur un plan collectif. D'abord, il y a un point sur lequel nous pouvons peut-être nous retrouver. Jean Proriol le sait pour l'avoir vécu récemment en Haute-Loire. Sur un bassin d'emploi, certains salariés, suite à des licenciements, se retrouvent dans une situation difficile, proche de l'impasse, et les autres emplois en souffrent – je pense notamment aux aides soignantes ou aux emplois de service. Nous avons essayé, avec Jean Proriol, de réorienter les personnels après un licenciement collectif. Si nous avons réussi, c'est parce que nous avons adopté une approche personnalisée – qui est la logique de ce projet de loi.
En trois mois, nous avons réussi à ramener toutes les personnes concernées vers l'emploi. Vous avez raison, cela prend du temps, mais n'oublions pas qu'au-delà du temps nécessaire pour organiser une reconversion, les personnes risquent de basculer dans le chômage de longue durée, qui divise par deux les chances de retrouver un emploi.
Vous avez évoqué le plan d'aide au retour à l'emploi, qui fut l'une des premières étapes de l'accompagnement sur mesure vers le retour à l'emploi. Mais le PARE, ne l'oublions pas, était réservé aux personnes indemnisées : c'était sa principale lacune. C'est pourquoi nous vous proposons d'aller au-delà et de généraliser l'ensemble du parcours d'accompagnement à tous ceux qui relèvent du service public de l'emploi et de ne plus nous limiter aux personnes indemnisées.
Vous souhaitez connaître l'importance des effectifs mis en place dans le cadre du suivi mensuel. Je regrette la diatribe portée par la CFDT sur la région Nord-Pas-de-Calais, car les agents y ont fait de gros efforts pour essayer d'améliorer une situation de l'emploi particulièrement difficile.
Sur l'évolution des effectifs de l'ANPE, je voudrais vous citer quelques chiffres qui vous permettront de mesurer notre effort : en 2000, 17 000 agents étaient mobilisés dans le cadre du PARE ; fin 2007, 26 000 agents sont chargés du suivi mensuel. Cet effort considérable nous a permis de répondre aux besoins engendrés par l'accompagnement personnalisé. On ne peut pas dire que cela ne marche pas, mais, vous avez raison de le dire, c'est insuffisant.
Pour les seniors, nous avons mis en place un accompagnement personnalisé depuis le 1er janvier. Il donne aujourd'hui ses premiers résultats, que je suis heureux de transmettre à la représentation nationale : le taux de retour à l'emploi des seniors qui ont fait l'objet d'un accompagnement personnalisé a augmenté de 20 % !
Madame Touraine, vous ne pouvez ignorer qu'à partir du 1er janvier 2009, tous les seniors feront l'objet d'un accompagnement personnalisé, à partir de cinquante-cinq ans ! Reconnaissez que ce débat nous permet d'avancer.
Cela dit, si l'on veut améliorer l'accompagnement personnalisé, nous devrons être plus efficaces,…
…par exemple, comme le propose M. Vercamer, en ciblant les personnes qui ont de vraies difficultés de retour à l'emploi : elles doivent pouvoir bénéficier dès le début de l'accompagnement personnalisé. Il n'est pas nécessaire de mobiliser autant de moyens pour les personnes qui ont plus de facilités pour retrouver un emploi. Il faut donc améliorer l'orientation : c'est ce que font les services publics de l'emploi en Suède, au Danemark, et en Espagne grâce au travail de M. Zapatero.
Vous dites que la relation entre le conseiller et le demandeur d'emploi n'est pas égalitaire. C'est juste : celui-ci est d'abord une victime et il se trouve dans une situation difficile. Mais ne jetons pas l'opprobre sur les employés du service public de l'emploi, dont le rôle est d'aider les demandeurs d'emploi. Lorsque quelqu'un est en difficulté, n'est-il pas naturel de lui tendre la main ?
Mais cette main tendue doit s'accompagner d'un partage de responsabilités clairement établi. Je pense qu'il n'y a pas de meilleure manière pour redresser les situations difficiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je suis surpris par les arguments du groupe socialiste. Il me semble qu'ils n'ont pas lu l'article. En ce qui me concerne, je participe à l'élaboration des textes relatifs à l'emploi depuis plus de six ans. Il y a une constante chez nos collègues socialistes : pour eux, il faut accompagner tous les demandeurs d'emploi. Je peux le comprendre, tout comme un certain nombre de nos collègues du groupe UMP, car l'accompagnement est l'un des points forts du projet personnalisé qui permet d'aider les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Nos collègues veulent supprimer l'article 1er. Savent-ils que cela supprimerait le projet personnalisé, puisqu'il n'y aurait plus d'accompagnement spécialisé pour les personnes éloignées de l'emploi ? Or, ce sont elles qui ont besoin d'être assistées dans la recherche d'un emploi. Le fait de supprimer cet article pénaliserait bien plus ceux qui se trouvent dans des situations précaires que ceux qui sont proches de l'emploi, et leur vie serait encore plus difficile !
Vous allez proposer un certain nombre d'amendements pour améliorer l'article. Je préfère cette attitude, qui est celle que nous avons adoptée au groupe Nouveau Centre, mais supprimer l'article me paraît incohérent par rapport au discours dont vous nous abreuvez depuis six ou sept ans et par rapport à ce qu'il convient de mettre en place. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre ne votera en aucun cas cet amendement de suppression.
Je suis saisi d'un amendement n° 1472 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez beaucoup insisté sur le suivi personnalisé, exemples à l'appui. Nous sommes tous favorables au suivi personnalisé, mais il faut du temps pour retrouver un emploi.
Dans ma circonscription se trouvait La Samaritaine, grand magasin connu de tous les Français. Il y a deux ans, ce magasin a fermé brutalement. Il employait 1 500 salariés, dont 750 salariés directs. Savez-vous combien de temps il a fallu pour que ces 750 salariés trouvent une solution ? En dépit des efforts du groupe LVMH, propriétaire de La Samaritaine, pour ne laisser aucun salarié au chômage, il a tout de même fallu deux ans ! Et cela se passe en Île-de-France, qui est un bassin d'emploi important – avec toutefois un taux de chômage élevé, ce qu'oublient souvent nos collègues de province. En fait, pour beaucoup d'entre eux, la solution est passée par un départ en retraite anticipé. Pour résoudre le problème de ces 750 salariés, le groupe LVMH a décidé, mois après mois, de baisser l'âge de départ en retraite. De nombreux salariés sont ainsi partis très jeunes en retraite.
Les choses ne sont donc pas aussi simples. Vous proposez dans votre texte que des sanctions interviennent trois mois après l'inscription. C'est totalement irréaliste !
Je voudrais par cet amendement apporter une précision pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Vous dites qu'il ne faut pas se limiter aux personnes indemnisées, comme le faisait le PARE. Or, cela ne figure nulle part dans ce texte !
Cet amendement vise donc à ajouter, après les mots : « le demandeur d'emploi immédiatement disponible pour occuper un emploi », les mots : « qu'il soit indemnisé ou non ».
Sans cette précision, nous ne sommes pas assurés que l'agent, devant une file de demandeurs d'emplois, ne donnera pas un coup de pouce à celui qui sera indemnisé, dans le but de réduire les dépenses d'indemnisation, au lieu d'aider indistinctement tous les chômeurs. Or, comme chacun sait, la pente étant toujours plus facile dans un sens que dans l'autre – cela vaut pour les chômeurs comme pour les allocataires du RMI – on risque de s'adresser d'abord à ceux qui sont les plus près de l'emploi. Il est juste d'aider tous les chômeurs à retrouver un emploi, mais il est évident que l'on rencontre plus souvent les chômeurs de longue durée que les demandeurs d'emploi qui sortent très vite de cette situation. Le projet personnalisé ne doit pas les faire passer avant ceux qui ont le plus de difficultés. Tel est le sens de cet amendement.
Cette précision est inutile, parce que l'un des objectifs de la fusion ANPE-ASSEDIC est précisément d'offrir le même accompagnement à tous les demandeurs d'emplois, qu'ils soient indemnisés ou non. La commission a donc repoussé cet amendement.
C'est un vrai sujet de réflexion, et nous nous sommes demandés, lors de la rédaction du projet de loi, s'il fallait ajouter cette précision. D'ailleurs, nous reprendrons un peu plus loin l'un de vos amendements tendant à apporter une précision tout aussi utile.
L'intention est louable, mais cette précision aurait un effet juridique pervers, et je vais vous expliquer pourquoi. Comme l'a indiqué Mme la rapporteure, le projet de loi sur le service public de l'emploi prévoit que tous les demandeurs d'emploi en bénéficient, qu'ils soient indemnisés ou non.
Si nous apportons cette précision dans tous les dispositifs relevant du service public de l'emploi, cela signifie qu'elle ne pourra s'appliquer dans les cas relevant d'articles du code du travail où elle ne figurerait pas, ce qui viderait le projet de loi sur le service public de l'emploi de son sens. Or, je le dis clairement, le but de ce texte est de faire bénéficier tous les demandeurs d'emploi, indemnisés ou non, de l'accompagnement personnalisé.
Adopter cet amendement aurait un effet collatéral corrosif sur les autres dispositifs du code du travail. Cela dit, votre souci est tout à fait justifié.
À la lumière de ces explications, l'amendement est retiré ! (Sourires.)
C'est peut-être clair, mais je voudrais insister car j'ai l'impression que l'on ne parle pas de la même chose, et que vos propres interventions, monsieur le secrétaire d'État, ont des sens différents.
Pour résumer, le projet personnalisé est désormais généralisé et le but de l'article est de lui donner une valeur légale puisqu'il est directement lié à l'inscription : désormais, il n'y aura pas d'inscription sans PPAE. Cela dit, vous nous expliquiez il y a quelques instants que nous n'étions pas en mesure de le mettre en place, au moins sur un plan matériel, et que tout le monde ne pourrait pas en bénéficier.
Mais peut-être faut-il comprendre que cet accompagnement personnalisé prendra la forme de plateformes faisant largement appel à des cotraitants et à des organismes privés. À mon avis, c'est de cela qu'il s'agit, et nous l'avions déjà indiqué lors de la discussion sur la fusion.
Il faut alerter les salariés et les demandeurs d'emploi sur ce point : l'accompagnement personnalisé se fera par le biais de plateformes téléphoniques – comme le font déjà les ASSEDIC.
Et si le téléphone ne fonctionne pas, comme c'est le cas dans mon département ?
Si tel est le cas, cela veut dire qu'il n'y a de devoirs que pour les demandeurs d'emploi et que le contrat – s'il s'agit bien d'un contrat et non d'une inscription, ce que vous n'avez toujours pas confirmé – est un contrat de dupe.
S'il n'est pas possible matériellement de le mettre en place, dites-le, mais, dans ce cas, le nouvel opérateur, compte tenu de la force juridique de la contractualisation, s'expose à de multiples recours. J'aimerais quelques éclaircissements sur ce point.
Non, monsieur le président. J'ai hésité, mais je ne le retire pas car il me semble important d'apporter une telle précision dans cet article, qui comporte déjà une limite avec la notion de demandeur d'emploi « immédiatement disponible pour occuper un emploi ». Le PPAE ne concerne donc pas tous les demandeurs d'emploi. C'est dommage, car le PPAE relève du moyen terme : un demandeur d'emploi peut ne pas être disponible dans la quinzaine ou le mois qui suit l'inscription, pour telle ou telle raison. Le fait de reporter la signature du PPAE est bien une limite. J'aurais dû déposer un amendement pour attirer l'attention sur ce point, car je trouve cela regrettable : quand on veut retrouver un emploi rapidement, mieux vaut mieux s'y préparer le plus tôt possible !
Compte tenu des pratiques actuelles, il ne s'agit pas d'une remise en cause des employés de l'ANPE, qui font ce qu'on les oblige à faire. Comme ils sont contraints à un certain « rendement », ils ne peuvent pas passer le temps qu'ils estimeraient nécessaire avec tous les demandeurs d'emploi. Je crains que, sous la pression des chiffres, qui ont tant d'importance depuis plusieurs années dans le domaine économique, les agents de l'ANPE n'aient d'autre choix que de s'occuper d'abord des demandeurs d'emploi les plus faciles à réintroduire sur le marché du travail. C'est pourquoi je préfère maintenir cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 1472 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 1318 à 1339 .
La parole est à Mme Michèle Delaunay.
À la fin de la première phrase de l'alinéa 2 de l'article 1er, notre amendement proposer de substituer les mots « le service public de l'emploi » aux mots « l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ».
Si cet amendement semble porter sur un point de détail, il vise en réalité à éviter toute ambiguïté sur la signification du mot « institution » et à empêcher que l'accompagnement du demandeur d'emploi ne soit assuré à terme par des opérateurs privés. C'est l'État et ses services qui doivent le prendre en charge.
La formule « l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 » vise exclusivement le nouvel opérateur issu de la fusion ANPE-ASSEDIC, qui sera un établissement public, comme cela a été garanti lors des débats sur cette fusion.
A contrario, la notion de « service public de l'emploi » est beaucoup plus large et pourrait intégrer des opérateurs privés participant à ce service ou les maisons de l'emploi. Là aussi, la formulation du code du travail en son article L. 5311-4 est précise.
Votre amendement aurait l'effet inverse de celui que vous souhaitez.
Défavorable.
Nous avons eu ce débat au Sénat, à l'occasion d'un amendement déposé par les sénateurs socialistes, qui, comprenant qu'il était contre-productif, l'ont retiré. En employant l'expression « service public de l'emploi » au sens large, vous y intégrez l'AFPA, ainsi que des organismes de placement privés. Or j'ai cru comprendre que cela ne correspondait pas à ce que vous souhaitiez.
Vous avez donc intérêt à en rester à ce qui est jusqu'à présent le coeur de votre discours : l'ANPE-ASSEDIC. En élargissant le service public de l'emploi, vous y incorporez les organismes de placement privés.
Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais avoir quelques éclaircissements, car je suis un peu perdu dans cette affaire.
Hier, un collègue de la majorité a parlé d'un organisme, en employant cinq fois le terme de « France Emploi ». Mais Mme Lagarde a dit que ce n'était pas son nom. Qu'en est-il ? S'agit-il d'un secret défense ? J'ai l'impression que, sous cette appellation, se prépare une véritable révolution ! Quand va-t-on désigner cette nouvelle institution ? Cela nous simplifierait la vie. À force d'entendre notre collègue parler de France Emploi, je me suis demandé s'il en détenait des actions !
Faites un geste, nous sommes à la veille des vacances ! Donnez-nous un scoop ! Que l'on sache enfin le nom de ce mystérieux organisme !
D'où l'importance d'une bonne connaissance de la langue française ! Quand vous dites que les mots « service public de l'emploi », peuvent ouvrir la porte à des organismes privés, je m'interroge sur un plan purement linguistique…
Cela étant, par souci de cohérence avec nos collègues sénateurs socialistes, nous acceptons de retirer ces amendements.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 de notre règlement, et a trait au déroulement de nos débats.
M. le secrétaire d'État a éprouvé le besoin de faire observer que j'avais quitté l'hémicycle quelques minutes. Il se trouve que j'ai eu l'insigne honneur de représenter le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche dans le cadre d'une importante réunion visant à décider de l'organisation du Congrès, lundi prochain, à Versailles, concernant un projet de loi dont le Gouvernement lui-même a souligné l'importance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous avons, au cours de cette réunion, procédé à un exercice extrêmement délicat consistant à tirer au sort l'ordre de passage des orateurs. (« Au fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je souhaitais simplement donner cette information à M. le secrétaire d'État. Je reprends maintenant ma place dans cet hémicycle pour défendre pied à pied les amendements du groupe SRC…
Et de façon constructive.
…et faire en sorte que le texte du Gouvernement soit au moins amendé et, si possible, repoussé.
Monsieur Mallot, je ne vois là rien qui ressemble à un rappel au règlement !
Je suis saisi de vingt-deux amendements identiques, nos 86 à 107 .
La parole est à M. Michel Issindou.
J'ai cru comprendre que vous ne vouliez pas supprimer l'article 1er, mais peut-être accepterez-vous de l'amender, car, contrairement à ce que vous pensez, il est loin d'être excellent.
Nous vous proposons de substituer à la dernière phrase de l'alinéa 2 de cet article les deux phrases suivantes : « Un projet personnalisé d'accès à l'emploi est défini par l'intéressé en coopération avec le service public de l'emploi chargé de la mise en oeuvre du parcours adapté à la situation du demandeur d'emploi et des mesures d'accompagnement personnalisé qui permettront au salarié privé d'emploi d'accélérer son retour à l'emploi. Le demandeur d'emploi est tenu d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi. »
Comme vous le voyez, nous ne contestons pas les « actes positifs et répétés ». Nous estimons en revanche que le mot « coopération » convient mieux que ce que vous nous proposez. Vous voulez que le demandeur d'emploi soit « orienté ». Je n'ai pas de dictionnaire sous les yeux, mais ce mot a une connotation plus contraignante. On peut orienter les gens, mais on peut aussi les pousser à être orientés. Il est également précisé dans votre rédaction que le demandeur sera « tenu de » participer à la définition du PPAE. Ces termes sont trop forts. Si l'on veut réussir un premier entretien autour du PPAE, il doit y avoir confiance de part et d'autre. Le demandeur d'emploi ne doit pas arriver en se demandant comment il va être mangé par le conseiller, qui n'est pas forcément un mauvais bougre, qui, même, a sans doute de bonnes intentions, mais qui se trouve dans une position plus forte.
Nous voulons que la démarche du demandeur d'emploi soit personnalisée, et qu'il y ait respect mutuel. C'est pour cette raison que le mot « coopération » nous semble plus adapté. Le Gouvernement l'a dit, le cas de figure n'est pas le même selon qu'il s'agit d'un cadre de banlieue parisienne ou d'une mère de famille qui veut retrouver un travail en province. Il faut donc mettre en place un parcours adapté.
Nous voulons du sur-mesure et non du prêt-à-porter. Monsieur le secrétaire d'État, faites un travail de dentellière, vous qui, je crois, êtes un connaisseur en dentelle ! (Sourires.)
Introduisez dans les termes de cet article 1er un peu de douceur et de modération. N'employez pas des expressions telles que « il est tenu de » ou « il est orienté ». Nous souhaitons davantage de compréhension de votre part sur ce sujet.
Une véritable négociation doit avoir lieu, au cours de laquelle sera construit conjointement le projet, qui ne doit pas être une obligation. Si vous conservez à cet alinéa son caractère impératif, cela signifie que le demandeur d'emploi est considéré comme étant responsable de sa situation. Il sera certes reçu, et quelqu'un s'occupera de lui, mais il ressentira immanquablement un sentiment de culpabilité.
Les mots ont du sens et nous pensons qu'il faut les adapter à la situation. Nous vous demandons de moduler vos propos dans cet article. Cela introduirait un peu d'humanité dès le premier article du projet, et nous en avons besoin dans ce monde difficile. Je ne cesse de le répéter, le vrai problème, dans notre pays, c'est la création d'emplois et, que vous le vouliez ou non, tous ceux qui s'assiéront face à leur conseiller ne ressortiront pas avec une offre d'emploi. Partant de ce constat, peut-être pourriez-vous utiliser des termes plus modérés…
Défavorable.
L'obligation de recherche d'emploi figure déjà dans le code du travail. Cet amendement supprimerait l'obligation d'accepter une offre raisonnable d'emploi et ferait du PPAE un document défini presque exclusivement – ou unilatéralement – par le demandeur d'emploi.
Défavorable.
Monsieur Issindou, il y a la dentelle mécanique, un peu grossière, faite de gros points, et il y a la dentelle fine, sur mesure, faite à la main, avec des fuseaux.
Non, personnellement, je préfère la seconde, et je vais vous expliquer pourquoi.
Votre amendement vise à ce que le demandeur d'emploi définisse lui-même son projet en coopération avec le service public de l'emploi. Mais ce n'est pas que nous voulons. Nous souhaitons un engagement entre deux parties : d'un côté, le service public de l'emploi prend des engagements en matière de moyens mis à disposition – formation, coaching, moyens informatiques, orientation ; de l'autre, le demandeur d'emploi doit préciser le champ dans lequel il souhaite chercher et répondre à une obligation simple, celle d'accepter un emploi lorsque l'offre est raisonnable.
J'évoquerai un dernier point sur lequel je veux lever les interrogations. Vous dites que les demandeurs d'emploi qui s'assiéront face à leur conseiller n'auront pas tous un emploi, parce qu'il n'y a malheureusement pas 1 900 000 emplois. C'est vrai, mais on ne peut pas se contenter de cette vision réductrice. Si le demandeur fait l'objet d'une attention plus personnalisée, si le dispositif de formation est plus efficace, si l'on prend le temps de définir avec lui son parcours, on l'aidera plus facilement à s'orienter dans un secteur où il retrouvera un emploi. Il ne suffit pas de se dire qu'il n'y a pas 1 900 000 emplois, même si c'est la réalité. La question la plus importante est de savoir comment faire du vrai « sur-mesure », en conseillant au mieux chaque demandeur d'emploi. De ce point de vue, les études économiques montrent que l'on peut, avec un service public de l'emploi efficace, faire baisser le chômage de 1 %. Ce n'est pas rien ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 86 à 107 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Monsieur le secrétaire d'État, cela fait trois fois que je vous pose la même question : on nous parle sans cesse d'un objet non identifié que vous appelez « France Emploi », et vous ne m'avez toujours pas dit de quoi il s'agissait.
C'est vrai ! Je vous répondrai lorsque vous aurez défendu votre amendement, monsieur Gremetz.
J'espère que vous n'oublierez pas ! Il a fallu que je vous le rappelle trois fois pour que vous vous engagiez à me répondre !
Vous avez raison !
Mais vous serez obligé de le faire ! Aurons-nous la primeur de l'information ?
Vous aurez la réponse à votre question, mais pas sur le nom.
L'amendement n° 1519 vise à préciser que le demandeur d'emploi n'est pas tenu de s'engager à conclure ce projet personnalisé. En effet, en instituant une obligation de signature, le Gouvernement entend supprimer le droit à indemnisation des demandeurs d'emploi refusant de s'inscrire dans la logique de l'offre raisonnable d'emploi, dont vous n'avez pas donné une définition juridique précise. Cette disposition participe des mécanismes de culpabilisation des demandeurs d'emploi, ce que les auteurs de cet amendement ne peuvent accepter.
S'agissant des devoirs des demandeurs d'emploi, je vous rappelle que ces derniers sont des citoyens comme les autres.
Non seulement vous avez perdu votre emploi, mais en plus, on va vous dire ce qu'il faut faire, comment il faut le faire, qui vous devez aller voir ? Mais le chômeur a le droit de donner son avis, d'exprimer ses souhaits ! C'est pourquoi nous voulons rédiger ainsi la dernière phrase de l'alinéa 2 : « Il participe à la définition du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5 411-6-1. »
Les demandeurs d'emploi sont des citoyens comme les autres. Ils ont leur mot à dire sur leur avenir et leur projet de vie !
L'article dispose que le demandeur d'emploi est tenu de participer à la définition de son projet personnalisé. Nous préférerions écrire qu'il participe à cette définition. D'abord, parce que nous n'avons toujours pas de réponse claire à la question posée par M. Gille dès le début de ce débat : le PPAE est-il un contrat ? Si c'est le cas, cela entraîne des droits et des devoirs pour le demandeur d'emploi, mais aussi pour le service public de l'emploi. Quels sont-ils ?
Comment le demandeur d'emploi pourrait-il être « tenu » alors que dans certaines agences, il n'y a qu'une plateforme téléphonique ? Vous avez dit vous-même, monsieur le secrétaire d'État, que le nombre d'agents était passé de 7 000 à 8 000 depuis 2000, et c'est très bien. Mais vous avez aussi admis que certaines agences étaient saturées, notamment dans le Nord : chaque conseiller y a à sa charge bien plus de soixante demandeurs d'emploi. Comment des chômeurs qui n'ont droit qu'à un entretien téléphonique pourraient-ils être tenus de s'engager dans un projet personnalisé ?
Cette disposition n'est pas non plus adaptée à certains publics comme les seniors. Il faut, certes, les accompagner. Mais je me souviens que lors de la discussion de la loi de 2003 sur les retraites, nous nous étions promis de mieux inciter les entreprises à ne pas les licencier. À cinquante-sept ou cinquante-huit ans, faut-il obliger un demandeur d'emploi à participer à la définition d'un PPAE ? Ne vaudrait-il pas mieux recourir à une formation de requalification ou à d'autres formules ?
Il en est de même pour les jeunes diplômés : l'ANPE n'est souvent pas capable de répondre exactement à leurs demandes, et nous savons bien que c'est plutôt par les réseaux étudiants qu'ils vont plus facilement trouver un emploi. Pour eux aussi, le mot « participe » vaudrait mieux que « est tenu ».
On peut résumer la question assez simplement. Si un demandeur d'emploi refuse de signer le PPAE – pour de multiples raisons, et notamment parce qu'il n'est pas d'accord avec son contenu –, lui refusera-t-on l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi et sera-t-il privé de son droit à l'indemnisation ?
En outre, si l'amendement que va nous présenter Mme Dalloz est adopté, le même demandeur d'emploi sera tenu de revenir pour actualiser son PPAE. C'est là que tout se joue car, à ce moment – et vous ne vous en êtes pas cachés –, il devra rabaisser ses prétentions. S'il n'est pas d'accord sur les modalités proposées – et il sera alors en position de faiblesse –, il sera radié de la liste des demandeurs d'emploi et on lui supprimera son indemnisation. C'est bien là que se joue le mécanisme institué par le projet de loi.
La commission a rejeté ces amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Défavorable. En proposant cette rédaction, vous supprimez toute obligation d'accomplir des actes de recherche d'emploi.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pas du tout !
Je ne peux pas croire que de fins juristes comme vous aient pu faire une telle erreur. Selon le texte du projet de loi, le demandeur d'emploi est tenu de participer à la définition du projet personnalisé d'accès à l'emploi, d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi et d'accepter les offres raisonnables d'emploi. Avec la rédaction que vous proposez, l'obligation d'accomplir des actes de recherche d'emploi disparaît.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais non !
Pour éviter toute confusion, je précise que je réponds d'abord à l'amendement de M. Gremetz.
Mais c'est parce que vous m'intéressez, monsieur Mallot. Surtout maintenant que vous êtes de retour ! (Sourires.)
L'amendement n° 1519 supprime donc l'obligation d'accomplir des actes de recherche d'emploi. À mon avis, ce n'était pas le but recherché.
M. Gremetz m'a par ailleurs posé une question sur France Emploi. Ce n'est pas le véritable nom de l'institution, mais seulement un nom utilisé dans l'instance de préfiguration. Je ne peux pas vous donner le nom qui sera finalement retenu, parce que je ne le connais pas ; la décision ne relève pas de ma compétence. Ce choix sera effectué par le conseil d'administration de l'organisme de préfiguration, qui a lancé un appel d'offres à cet effet.
Il s'agit d'une décision collective. Le nom du futur service public de l'emploi a une certaine importance, et ce serait trahir les partenaires sociaux que de décider à leur place.
Quant aux amendements socialistes, ils reposent sur une vision que je ne comprends pas. Vous voyez le conseiller de l'ANPE-ASSEDIC comme un soudard qui, le couteau entre les dents, tente d'imposer des choses aux demandeurs d'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Or l'objectif est justement d'établir une relation de partenariat destinée à aider et à accompagner la personne. On n'impose rien, on définit des engagements réciproques. Là-dessus, je suis très clair.
Il y a deux niveaux de lecture dans nos amendements. D'abord celui du langage : nous voulons, et nous l'avons dit hier, que l'ANPE, structure d'accompagnement, de partenariat, de conseil et d'orientation, ne devienne pas une structure de sanction et de contrôle. Après la blessure de la perte d'un emploi, il est très important de ne pas se voir réduit au rôle de demandeur d'emploi, et de rencontrer d'abord un partenaire qui collabore avec vous.
Ensuite, il y a des mots qui supposent implicitement une sanction. C'est le cas de l'expression « il est tenu ». Elle suppose, comme l'on noté mes collègues, que le demandeur d'emploi qui ne signerait pas son contrat pourrait se voir exclu de la liste des demandeurs d'emploi et privé d'indemnités. Avec votre rédaction, nous entrons d'emblée dans le registre de la sanction, et non dans celui du partenariat.
Pour répondre à votre remarque sur nos amendements, je rappelle que si nous avons voulu que le demandeur d'emploi « participe » à la définition du projet personnalisé, la deuxième partie de la phrase indique bien qu'il est tenu d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi. Nous avons gardé le terme « tenu », d'ailleurs présent dans le code du travail, mais nous dissocions la participation à la définition du PPAE – qui est aussi un comportement actif – de l'obligation de recherche d'emploi.
Tout cela est plus important qu'il n'y paraît, monsieur le secrétaire d'État : le choix des termes donne à votre texte une tonalité, un esprit qui est précisément ce que nous refusons.
Je mets aux voix l'amendement n° 1519 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 64 à 85 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à Mme la rapporteure, pour le soutenir.
C'est même plus qu'un amendement de cohérence, mais le Gouvernement y est favorable.
Je l'ai dit en commission : il s'agit d'un véritable tour de passe-passe ! Cet amendement n'a rien d'un amendement de cohérence – sauf, à la rigueur, avec ce qui va venir ensuite.
Une fois de plus, l'actualisation du PPAE est le moment où tout ce joue – et à ce sujet, vous n'avez d'ailleurs pas répondu à ma question.
La réponse figure à l'article 2 !
Je ne nourris pas de suspicion particulière envers les agents du service public de l'emploi. J'en connais, et je pense même que certains sont membres du Parti socialiste – espérons qu'ils sont nombreux. Ce sont des gens très bien, qui essaient de faire au mieux leur travail, malgré les contraintes de plus en plus fortes auxquelles ils sont confrontés et dont ils nous font part. C'est le système que nous questionnons.
Vous créez pour le demandeur d'emploi une obligation de participer à la définition du projet personnalisé. À la limite, on peut le comprendre, dès lors qu'il vient s'inscrire à l'ANPE pour bénéficier d'un service, mais je continue cependant à m'interroger : peut-on vraiment en faire une obligation légale pour pouvoir bénéficier d'un service public et toucher une indemnisation pour laquelle on a cotisé ?
Mais avec la réactualisation, on pousse le bouchon encore plus loin ! C'est à ce moment que le demandeur d'emploi, en position de faiblesse dans cette négociation, sera contraint de revoir ses prétentions à la baisse. L'amendement n° 1 n'est donc pas un amendement de cohérence, mais constitue le coeur du mécanisme que vous êtes en train d'instaurer.
Les tensions ou les désaccords n'auront sans doute pas lieu lors de l'inscription, ni lors de la signature du PPAE. Mais au moment de la première, de la deuxième ou de la troisième actualisation, si le demandeur d'emploi estime qu'on lui en demande trop, que l'on cherche à lui faire accepter son propre étranglement, allez-vous l'exclure de la liste des demandeurs d'emploi et lui supprimer ses indemnités ? Je vous repose la question.
J'ai un scoop pour vous, monsieur Gille : il existe de très bons agents de l'ANPE qui, pour autant, ne sont pas militants du Parti socialiste. (Sourires.)
Et il y a même des Français qui sont des gens remarquables bien qu'ils ne militent pas dans ce parti.
J'espère que je ne vous en apprends pas trop…
Pour répondre à votre question, il suffit de se reporter à l'article 2 : vous verrez qu'en effet, et notamment suite à l'adoption d'un amendement sénatorial, un demandeur d'emploi qui refuserait d'entrer dans la logique de l'accompagnement personnalisé serait considéré comme rompant l'équilibre entre ses droits et ses devoirs. Cela pourrait donner lieu à une radiation. Je l'assume totalement, parce que j'estime qu'à partir du moment où il existe un dispositif d'indemnisation, et où l'État investit dans le service public de l'emploi, il est normal qu'il y ait des contreparties. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous oubliez les subventions versées par l'État pour assurer le fonctionnement de l'ANPE, des ASSEDIC et de l'ensemble du service public de l'emploi. Cela se chiffre en milliards !
Je tiens maintenant à mettre définitivement les points sur les « i ». Vous affirmez ne pas suspecter l'agent de l'ANPE. Or vous n'utilisez à son égard que des termes synonymes de rapports de force : on va le forcer, l'obliger, on va lui faire faire…
Pour nous, l'agent de l'ANPE est avant tout un conseiller qui a pour mission d'accompagner et d'aider un demandeur d'emploi dans une situation difficile. Ce procès d'intention dépasse sûrement votre pensée !
En précisant que le demandeur d'emploi est « tenu », vous ne lui faites pas un procès d'intention ?
Nous savons tous ici que des événements peuvent intervenir dans la situation personnelle d'un demandeur d'emploi, qui nécessitent cette actualisation. Sa vie peut changer : naissance d'un enfant, déménagement…
Je ne comprends pas votre opposition, chers collègues ! Cet amendement devrait donc être voté à l'unanimité parce qu'il y va de l'intérêt du demandeur d'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Prochaine séance, cet après midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma