A-t-on le droit de ne pas l'être ?
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, il y a longtemps que nous n'avions pas eu droit au registre des chômeurs qui ne font pas assez d'efforts pour retrouver un emploi, registre qui avait été laissé de côté depuis la mise en vigueur des dispositifs de contrôles des demandeurs d'emploi de la loi Borloo de 2005 et des décrets afférents.
Une fois de plus, malgré les grandes déclarations sur le dialogue social, vous vous êtes passés de toute négociation avec les partenaires sociaux et les associations de chômeurs avant de légiférer. Ces dernières n'ont d'ailleurs pas été auditionnées par la commission. On n'imagine pas un texte de loi concernant d'autres catégories de nos concitoyens dont les représentants ne seraient pas entendus.
Voici une première raison pour renvoyer ce texte en commission. En effet, les associations de chômeurs n'ont pu que remettre, de leur propre initiative, des contributions écrites qui, de plus, n'ont pas été transmises aux membres de la commission.
Ensuite, pour discuter des prétendus « droits et devoirs » des demandeurs d'emplois, il nous faudrait disposer d'une étude sur le marché du travail, qui fait malheureusement défaut.
Le rapport fournit peu d'éléments, et ceux qu'il contient sont fort discutables. Ainsi, la baisse du chômage n'est pas analysée, mais affirmée comme un fait absolu. Or, toutes les études montrent que c'est grâce à la forte augmentation des départs en retraite que le chômage a beaucoup diminué ces dernières années. Et pourtant, seulement 45 % des offres d'emploi proposées par l'ANPE sont des CDD de plus de six mois ou des CDI.
Malheureusement, selon les chiffres de l'INSEE, les créations d'emplois ont été trois fois moins nombreuses au premier trimestre 2008 qu'au premier trimestre 2007. Aussi, le nombre de chômeurs a augmenté de 8 000 personnes pour la première fois depuis 2005. Il ne faudrait donc pas trop vite croire qu'il n'y a pas de politique à mener en matière de lutte contre le chômage. Et, s'agissant des chiffres du premier trimestre 2008, je dirai, à l'instar de notre rapporteure, que ces faits ne sont pas discutables.
Votre axe principal d'approche pour justifier cette loi, ce sont donc les tensions croissantes sur le marché du travail. Mais le rapport nous donne très peu d'éléments sur ce sujet. Or, l'INSEE estime que les effectifs du secteur marchand n'augmenteraient que de 145 000 postes en 2008, contre 310 000 en 2007, avec l'accélération de la baisse des effectifs industriels, qui pourrait, hélas, encore empirer si l'euro continue sa hausse par rapport au dollar, fragilisant d'autant les exportations et poussant les industries, dont Airbus, par exemple, à la délocalisation. La construction et le secteur tertiaire créeraient, eux, deux tiers d'emplois en moins.
En fait, les emplois difficilement pourvus relèvent de deux catégories. Il y a, d'une part, les métiers très qualifiés, très spécialisés – je pense à la médecine, ou encore à l'informatique. Il y a, d'autre part, les métiers que l'on peut qualifier de pénibles, par exemple un certain nombre de métiers du bâtiment, ou des métiers de bouche, dont les horaires et les salaires sont très peu attractifs, et où les heures supplémentaires sont rarement payées.
Du reste, la loi que vous venez de nous présenter, en urgence, sur le temps de travail ne va certainement pas améliorer les choses, ni rendre plus attractifs ces métiers. Elle risque de détourner un peu plus encore les salariés de s'y engager.
Vous comprendrez que ces éléments, non exhaustifs, méritent une étude approfondie : l'évolution des autres secteurs économiques ; l'impact précis de la crise économique mondiale ; celui de la politique européenne ; l'impact négatif sur les embauches à venir de la politique de hausse du temps de travail individuel, aggravée par votre dernière loi. Légiférer, avec autant d'inconnues, sur le contrôle des demandeurs d'emploi frise donc l'arbitraire.
Le titre même du projet de loi pose aussi question. En effet, la notion même de « droits et devoirs des demandeurs d'emploi » implique qu'il s'agit d'une catégorie de personnes qui aura un statut bien particulier dans notre société. Pourquoi ne pas légiférer de la même façon sur les droits et devoirs des dirigeants d'entreprise ?