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Intervention de Martine Billard

Réunion du 17 juillet 2008 à 9h30
Droits et devoirs des demandeurs d'emploi — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Avec l'envolée du prix du pétrole, le budget transport des ménages est devenu le deuxième poste de dépenses, certes encore derrière le logement, mais devant l'alimentation.

Le coût des déplacements domicile-travail en voiture devient exorbitant. En 2000, ils représentaient 14 % du budget ; aujourd'hui, leur part est de 17,5 %. Mais cette moyenne ne peut faire oublier que les prix élevés de l'immobilier et du parc locatif ont entraîné le départ des classes populaires des centres-ville et des pôles d'activité, où se trouve la majorité des emplois. Le budget transport atteint en moyenne entre 20 et 25 % du budget des travailleurs payés au SMIC et 77 % des emplois sont concentrés dans des pôles urbains où n'habitent que 63 % des salariés de notre pays.

À quoi bon imposer aux demandeurs d'emploi un déplacement de trente kilomètres pour un salaire modique, alors que le service public de l'emploi ne pourra pas constituer une liste d' « offres raisonnables » d'emplois, notamment dans les bassins d'emplois où les offres sont limitées du fait de la situation économique locale ? Nous savons tous que les entreprises n'ont pas obligation de déclarer leurs offres d'emplois au service public de l'emploi. Désormais, l'ANPE a perdu le monopole du placement et elle n'a jamais eu celui de la collecte des annonces. Aussi le service public de l'emploi n'a-t-il pas aujourd'hui accès à la majorité des offres, notamment en ce qui concerne le recrutement des cadres. Nombre d'embauches se pratiquent par le bouche à oreille, par les candidatures spontanées et par Internet.

Le problème de la qualité des offres se pose, les employeurs n'ayant souvent recours à l'ANPE que lorsque les autres canaux d'embauche ont échoué. Ainsi, 20 % des nouvelles propositions d'emplois de l'ANPE concernent aujourd'hui l'hôtellerie ou le bâtiment. On y trouve beaucoup de temps partiel, les rémunérations sont faibles et les conditions de travail difficiles.

L'alinéa 9 de l'article 1er n'a pas pour objet d'aider les chômeurs à retrouver un emploi, mais plutôt de créer une pression pour faire baisser les salaires. Vous prévoyez que, dès le quatrième mois, un demandeur d'emploi devra accepter une baisse de rémunération si l'offre d'emploi est simplement compatible avec ses qualifications. Après un an, il n'est plus question que du niveau de revenu de remplacement, tel que défini à l'article L. 5421-1 du code du travail, qui inclut donc l'ASS. Or le débat en commission n'a pas apporté la garantie que cela n'entraîne pas l'obligation d'accepter un emploi avec une rémunération inférieure à celle d'un SMIC mensuel à temps plein. Sinon, il y a contradiction entre les alinéas 9 et 11.

Par ailleurs, vous n'avez pas prévu que le demandeur d'emploi soit accompagné lors de l'établissement du projet personnalisé. Si le contenu du PPAE peut être opposable au demandeur d'emploi, et non au service public de l'emploi, il semblerait normal que le chômeur qui le souhaite puisse se faire aider. En cas de sanction ou de menace de sanction, les demandeurs d'emploi tout comme les salariés doivent aussi avoir le droit à l'accompagnement. Une circulaire de la DGEFP d'octobre 1998 prévoyait cet accompagnement. Elle est malheureusement très peu respectée. Le système français de protection sociale contre la privation involontaire d'emploi a été créé à la fin de l'année 1958. Ce faisant, le général de Gaulle et les partenaires sociaux ont mis en place un régime fondé sur une logique assurancielle. Ce régime permet de prémunir chaque travailleur contre les incertitudes d'un marché du travail, dont chacun est dépendant. C'est toute la philosophie assurancielle de notre système qui est remis en cause par ce projet de loi.

L'allocation chômage de l'UNEDIC est une caisse de droit privé, relevant des partenaires sociaux et non de l'État, ni même de la sécurité sociale. Jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas entendu le Gouvernement remettre en cause le principe du revenu de remplacement assuranciel pour perte d'emploi, même si, au sein de l'UMP, certains le font.

Les droits à indemnisation sont constitués par les cotisations mensuelles des salariés. Dans ce cadre, nous ne comprenons guère cet interventionnisme étatique, car nous ne savions pas le Président de la République et le secrétaire d'État chargé de l'emploi être des fervents défenseurs de l'économie administrée.

Cet interventionnisme étatique dans la gestion de l'assurance chômage pour forcer à la reprise d'emploi à n'importe quel salaire n'a en fait d'autre but que de casser le niveau des salaires. Vous allez radier, encore radier, et la pauvreté ne fera que croître.

Si ce projet de loi est adopté, il condamnera deux millions de nos concitoyens à la précarité. Nous qui luttons pour une société plus solidaire, nous ne pouvons accepter une loi qui ne fait qu'accentuer l'insécurité sociale permanente. Cela pose une fois de plus la question du projet de société que l'on souhaite pour notre pays. Ce texte répond à une logique politique qui veut aligner par le bas l'économie française, et le monde du travail sur ce qui se fait de pire dans le système mondial néo-libéral. Toutes les réformes qui tournent autour de la question du travail et de l'emploi depuis 2002 ont été orientées vers le même objectif.

Votre projet constitue, une fois de plus, une immense régression en termes de salaires, de conditions de travail et notamment de durée du temps de travail.

Cette logique est le résultat d'une erreur d'analyse, erreur qui consiste à croire que le salut de l'économie française et la compétitivité avec les pays dits émergents nécessitent la remise en cause des droits sociaux en France et en Europe. Faut-il rappeler que plus de 80 % de l'activité nationale est à l'abri de cette concurrence et que 80 % de ce que nous consommons vient de moins de 80 kilomètres du lieu où nous habitons.

Une autre logique est possible, mais elle n'est pas prise en compte dans ce projet. Il est nécessaire que chacun puisse vivre décemment de son travail. L'objectif ne doit pas être, comme cela est sous-entendu dans ce projet de loi, de travailler toujours plus, mais de savoir pour quoi faire.

Le progrès, c'est de créer les conditions d'un monde du travail moins pénible, moins stressant et aussi moins culpabilisant – c'est une question de santé publique. En lieu et place d'une société inégalitaire, il faut créer les conditions d'une société équitable et solidaire dans laquelle le salaire d'un patron ne pourrait être 500 fois supérieur à celui d'un travailleur payé au SMIC.

Le dogme du productivisme avec son idéal archaïque d'une croissance toujours plus forte et infinie est un non- sens écologique et une aberration économique. Nous consacrons, dès à présent, une part importante de notre activité à réparer les dégâts du productivisme sur notre santé, sur notre environnement et sur la planète. Il est plus que temps d'arrêter cette fuite en avant, de nous interroger sur nos besoins réels et de les adapter aux ressources de notre planète. À défaut, nous courons à la catastrophe, à la fois économique, sociale et écologique. C'est évidemment bien différent de la réflexion que vous nous proposez.

Votre ambition n'est pas de permettre aux salariés privés d'emploi de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée à temps plein – qui a pourtant été récemment consacré dans le code du travail comme le contrat de droit commun –, mais tout simplement de faire sortir les chômeurs des statistiques du chômage par tous moyens, surtout lorsqu'il s'agit de chômeurs indemnisés, puisque les autres ont déjà disparu des statistiques, ainsi que les allocataires du RMI, qui sont aussi des chômeurs, mais qui ont été simplement renvoyés vers un autre système et qui n'apparaissent plus dans les statistiques du chômage. Votre objectif n'est pas de trouver du travail à ces salariés, mais de les faire sortir des statistiques du chômage, le cas échéant en les contraignant à accepter n'importe quel emploi sans garantie ni sur la nature, ni sur la qualification, ni sur la rémunération.

Pour ces raisons, au nom des députés Verts, communistes et des DOM-TOM du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je propose le renvoi en commission de ce texte pour pouvoir étudier les propositions en matière de réformes du marché du travail qui permettent d'améliorer réellement la situation des demandeurs d'emploi. (Applaudissements sur les bancs de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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