La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Jean Leonetti, député des Alpes-Maritimes, d'une mission temporaire auprès de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel (Protocole III, n° 1036).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Géorgie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 1060).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 1103).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie (n° 1104).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord de siège du 11 janvier 1965 entre le Gouvernement de la République française et le bureau international des expositions relatif au siège du Bureau international des expositions et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (n° 1236).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'État des Émirats arabes unis (n° 1243).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation des amendements aux articles 25 et 26 de la convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux (n° 1293).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais (n° 1330).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (n° 1331).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Monténégro, d'autre part (n° 1374).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres relatives à la garantie des investisseurs entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco (n° 1379).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sur l'enseignement bilingue entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie (n° 1386).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (n° 1437).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la francophonie à Paris (n° 1479).
Je rappelle que la Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.
Conformément à l'article 107 du Règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.
(L'article unique du projet de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009.
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Je commencerai par rappeler en deux mots que ce second collectif de début d'année ajuste les prévisions pour 2009, afin de tenir compte de la perte de recettes liée à la crise d'une part, des dépenses nouvelles liées au plan de relance d'autre part.
Il comporte quelques mesures phares. L'une notamment est liée au pouvoir d'achat et à la justice fiscale : c'est la suppression de deux tiers de l'impôt sur le revenu dû en 2009 pour les catégories imposables à 5,5 %, les plus modestes.
Il comporte également des dispositions très importantes de mise en place de crédits en faveur de l'emploi, notamment à travers le fonds d'intervention sociale. Cela représente plusieurs milliards d'euros.
Deux efforts particuliers sont faits, l'un pour soutenir la filière automobile et les équipementiers, avec la mise en place de prêts pour près de 7 milliards d'euros, l'autre – qui n'est pas lié au plan de relance – pour soutenir la filière bois, touchée par la tempête qui a sévi au mois de janvier dans le sud-ouest de la France.
Après sa lecture à l'Assemblée nationale, ce projet de loi de finances rectificative comptait vingt articles. Neuf d'entre eux ont été adoptés en termes identiques par le Sénat, deux ont été supprimés. Vingt-quatre articles ont été examinés par la commission mixte paritaire, et le Gouvernement nous demande aujourd'hui d'adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire, puisque députés et sénateurs se sont mis d'accord sur ces dispositions.
Je me bornerai à souligner les points les plus importants.
Nous avons décidé, en commission mixte paritaire, d'améliorer l'excellent dispositif qui a pris naissance ici même, d'une initiative parlementaire, que l'on appelle le dispositif Scellier et qui permet de relancer le logement par l'investissement locatif. Vous vous souvenez que nous avons modifié le régime d'incitation fiscale des résidences avec services – résidences étudiantes, résidences pour personnes âgées ou résidences de tourisme. Ce dispositif était rendu obsolète par l'incitation fiscale Scellier ; nous l'avons donc aligné sur ce dernier, qui consiste à faire bénéficier un investissement plafonné à 300 000 euros d'une réduction d'impôt de 25 % dans les deux années qui viennent.
Le Sénat a souhaité ajouter aux résidences pour personnes âgées définies à l'Assemblée celles qui font l'objet d'un agrément qualité.
La commission mixte paritaire n'a en revanche pas adopté le dispositif, voté ici, concernant l'investissement, grâce à la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune, dans les fonds propres de PME. Nous avions en effet, à l'initiative de notre collègue Nicolas Forissier, décidé de supprimer la limite de cinquante actionnaires, s'agissant de l'investissement par le biais de holdings, dès lors que l'investissement était fait dans des PME de moins de cinquante salariés en démarrage, amorçage ou en expansion. Le Sénat est resté sur la position de principe qu'il tient depuis quelque temps : il faut limiter l'intermédiation et rechercher avant tout à favoriser l'investissement direct dans les PME. La CMP a confirmé la position du Sénat.
Nous avons également retenu la position du Sénat sur la suppression de l'affectation d'une partie de la redevance à la télévision numérique. Vous vous souvenez que notre collègue Patrice Martin-Lalande avait souhaité que la redevance ne profite pas à un nouveau bénéficiaire que serait le groupement d'intérêt public France Télé Numérique. Le dispositif avait été adopté par la loi relative à l'audiovisuel ; cette exclusion a été annulée par le Conseil constitutionnel et elle a été réintroduite dans le collectif budgétaire.
Je tiens à redire ici ce que j'avais dit en commission des finances au mois de novembre. Monsieur le ministre, notre position est la suivante : nous ne souhaitons pas qu'il y ait un nouveau bénéficiaire de l'attribution de la redevance, car celle-ci est une ressource limitée, dont il faut par conséquent réserver l'essentiel aux bénéficiaires traditionnels, notamment à France Télévisions.
Il est néanmoins évident à nos yeux que la redevance supplémentaire dont bénéficiera notamment France Télévisions – du fait de la suppression d'un nouveau bénéficiaire – devait avoir pour contrepartie une réduction de la dotation budgétaire : il ne s'agit en aucun cas, dans notre esprit, d'augmenter les charges de l'État ; c'est une question de vases communicants : les sommes supplémentaires reçus grâce à redevance devront être retirées de la dotation budgétaire.
La commission mixte paritaire a enfin pris la décision d'encadrer par la loi les rémunérations des dirigeants des entreprises aidées par l'État, et cela afin de conforter le décret que le Gouvernement a publié dès le 30 mars.
Face à un problème qui revenait presque tous les jours, le Gouvernement a eu raison d'agir immédiatement en publiant ce décret. Parallèlement, l'Assemblée avait commencé à construire une base législative pour limiter les rémunérations ; le Sénat a poursuivi ce travail.
Nous vous proposons donc un dispositif à trois niveaux. Au premier niveau, dans les entreprises bénéficiant des prêts de la société de financement de l'économie française, les conventions prévues par le collectif budgétaire d'octobre 2008 sur le soutien aux banques doivent être complétées par un volet concernant les rémunérations des dirigeants. Il s'agit notamment des grands établissements bancaires.
Nous avions engagé ce travail, à partir d'un excellent amendement de M. le président de la commission des finances, qui visait à intégrer dans les conventions les conditions d'exercice dans les paradis fiscaux. Vous vous souvenez que nous avions ajouté l'obligation de prévoir, dans ces conventions, le régime d'attribution des stock-options. Ce point est confirmé par le texte de la commission mixte paritaire.
Le deuxième niveau concerne les entreprises qui bénéficient de l'aide de l'État dans le cadre du plan de relance, soit par le biais d'une prise de participation en capital au titre de la société de prise de participation d'État, soit par le biais des prêts que j'évoquais il y a un instant à la filière automobile. Dans ce cas, l'État pourra interdire l'attribution de stock-options ou d'actions gratuites aux dirigeants, et encadrer les autres éléments de rémunération.
Le dernier niveau concerne les entreprises publiques, c'est-à-dire celles dont l'État est l'actionnaire majoritaire, ainsi que celles ayant bénéficié des interventions faites au titre du Fonds stratégique d'investissement. Notre texte prévoit alors l'adoption de règles encadrant les rémunérations des dirigeants.
Bien entendu, monsieur le ministre, le décret du 30 mars continue de s'appliquer jusqu'à son adaptation en fonction de ce dispositif législatif. Voilà un excellent travail parlementaire, auquel les deux assemblées ont contribué : nous avons là, je crois, quelque chose d'efficace et d'équilibré – en attendant le projet de loi annoncé pour le mois de juin, relatif aux questions de partage de la valeur ajoutée.
Je dirai pour terminer quelques mots des modifications apportées au crédit. Le Gouvernement a accepté – c'est très important – de doter de 200 millions d'euros le Fonds de sécurisation du crédit interentreprises. Nous nous sommes aperçus, les uns et les autres, que sur le terrain le dispositif de prêts bancaires fonctionne à peu près correctement, mais qu'en revanche beaucoup de PME rencontrent des problèmes d'assurance du crédit.
Ces problèmes devraient être pour l'essentiel résolus par cette nouvelle dotation.
D'autre part, 100 millions d'euros pourront servir à financer des prêts dans les bassins d'emploi en difficulté. Ce sont les nouveaux commissaires à la réindustrialisation, dont la création a été annoncée par le Président de la République le 24 mars dernier, qui en seront chargés.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire comment ces crédits seront attribués ? En particulier, y aura-t-il une déconcentration ?
Je voudrais saluer encore la qualité du travail accompli en un temps record avec vous-même, monsieur le ministre, et avec vos collaborateurs. Vous me direz qu'avec six lois de finances en six mois – une par mois ! – nous avons maintenant un entraînement commun qui permet de développer des liens de confiance et une réelle efficacité.
Je vous remercie, monsieur le ministre. Je remercie également tous les collègues qui ont pris part aux discussions très actives qui ont eu lieu dans cet hémicycle.
Pour conclure, je vous invite, mesdames et messieurs, à voter ce projet de loi de finances rectificative qui complète de la façon la plus appropriée possible les réponses que nous apportons au fil des mois à travers différentes lois de finances rectificatives pour faire face à une récession sans précédent.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, la lutte contre la crise se précise sur tous les fronts :
D'une part, dans le domaine de la coordination mondiale des réponses à la crise et du renforcement de la régulation des systèmes financiers, avec le succès historique du sommet du G20 il y a quelques jours ;
D'autre part, pour la mise en oeuvre des actions de relance, à laquelle contribue ce deuxième collectif de l'année dont nous achevons aujourd'hui la discussion.
Nous avons souvent eu ici des discussions sur la nécessité ou non de prendre en compte dans la réponse à la crise les stabilisateurs automatiques – m'adressant à des spécialistes, je me permets d'utiliser ces mots quelque peu abscons. Je souhaite relever à cet égard que le FMI a clairement reconnu, lors des discussions du G20, que les plans de relance étaient bien calibrés et qu'il convenait, pour les comparer d'un pays à l'autre, de tenir compte de ces stabilisateurs automatiques, c'est-à-dire la capacité de ne pas relever l'impôt en face de recettes qui n'existent pas.
Avec ce texte, le Gouvernement a souhaité renforcer, par des mesures ciblées et avec le souci constant de la justice et de l'équité, l'aide qu'il apporte à nos concitoyens les plus vulnérables.
L'actualité et les débats, tout à fait légitimes, qui nous ont occupés sur les rémunérations ne doivent pas nous faire oublier la réalité du collectif budgétaire qui a été fort bien rappelée par Gilles Carrez il y a quelques instants. Ce texte est un texte qui soutient les classes moyennes et modestes. Ce texte favorise l'emploi. Ce texte, enfin, est crucial pour notre secteur automobile.
Il traduit très concrètement et très rapidement les conclusions du sommet social du 18 février dernier, en débloquant 2,6 milliards d'euros, qui aideront directement environ 10 millions de ménages modestes. Ce collectif, c'est d'abord cela.
Nous supprimons les deux derniers tiers provisionnels de l'impôt sur le revenu des contribuables de la tranche à 5,5 %. Au total, compte tenu du glissement opéré pour éviter les effets de seuil sur la tranche suivante, c'est-à-dire sur la tranche à 14 %, ce sont plus de 6 millions de foyers fiscaux qui verront leur impôt diminuer de façon significative en 2009 pour un coût d'environ 1,1 milliard d'euros. La mesure commencera à s'appliquer dans la réalité dès le mois de mai.
Nous versons une prime de 150 euros pour les familles modestes ayant des enfants scolarisés : 450 millions d'euros seront consacrés à cette disposition, qui concernera 3 millions de familles.
Nous permettons à 1,5 million de foyers ciblés de bénéficier de bons d'achats de services à la personne de 200 euros.
Nous finançons le fonds d'investissement social, le FISO, qui doit être mis en place demain à l'Élysée, à hauteur de 800 millions de francs. Ces fonds seront particulièrement mobilisés pour financer : une prime forfaitaire de 500 euros en faveur des travailleurs précaires n'ayant pas acquis suffisamment de droits à l'assurance chômage pour être indemnisés à travers la diminution de la durée de travail exigée de deux mois ; le renforcement de l'accompagnement et de la formation des salariés licenciés économiques, en utilisant le temps disponible ; le recours à l'activité partielle, en passant notamment la rémunération de 60 à 75 % du salaire brut, ce qui revient quasiment à 90 % du salaire net.
À cela s'ajoutent 7 milliards d'euros de prêts pour soutenir le secteur économique, Gilles Carrez a insisté sur ce point.
Ce texte se comprend donc dans la continuité des décisions prises jusqu'à présent et dans le contexte de notre système social qui est déjà très développé et qui joue à plein son rôle d'amortisseur – je l'ai déjà expliqué, je n'y reviens pas.
Les discussions sur ce texte ont été denses, tant à l'Assemblée qu'au Sénat : elles ont permis à chacun, dans la majorité comme dans l'opposition, d'apporter sa pierre au débat nécessaire sur les moyens que nous mettons en oeuvre pour répondre à la crise.
Le texte a ainsi été amélioré sur un certain nombre de points, je pense notamment à l'ouverture de crédits supplémentaires pour venir en aide aux victimes de la tempête Klaus.
Je pense également à l'assurance-crédit, qui est un point très important. Nous en entendons parler dans les départements et dans toutes les réunions que nous avons avec des chefs d'entreprise. Aujourd'hui, de plus en plus d'entreprises ont des clients qui, bien que solvables, ne sont plus couverts par les assureurs-crédit ou sont couverts dans des conditions qui ne sont pas acceptables. Pour limiter l'impact sur la santé financière des entreprises, nous avons mis en place un complément d'assurance-crédit public, ou « CAP plus », qui permet de garantir jusqu'à 5 milliards d'euros de crédits supplémentaires interentreprises.
Je pense enfin aux rachats de créance, qui vont permettre à nos entreprises d'éponger leurs dettes sans perte pour le budget de l'État, ou encore à la possibilité que nous leur donnons désormais de mobiliser leur immobilier pour dégager des financements en ayant plus facilement recours à des sociétés de crédit-bail.
Sur l'ensemble de ces points, le texte issu de la commission mixte paritaire me semble un très bon compromis.
Je vous confirme également que l'amendement proposé par votre collègue du Sénat, Jean Arthuis, et conservé, dans son esprit, par la CMP, va dans le sens de l'action du Gouvernement. Il montre que le Gouvernement et le Parlement partagent les mêmes objectifs et je me félicite que vos collègues socialistes et communistes aient, en le votant, souhaité nous soutenir dans notre démarche de clarification des rémunérations des dirigeants d'un certain nombre d'entreprises.
Notre responsabilité collective était de supprimer les abus et les excès. Le Gouvernement et le Parlement ont donc bien, en la matière, chacun dans son registre, la même méthode. Ils poursuivent les mêmes objectifs : le Gouvernement avait souhaité privilégier la rapidité en prenant très vite un décret ; par le vote de son amendement, le Parlement a donné une orientation claire. Tout cela va dans le même sens.
Je note que la CMP a pour l'essentiel confirmé les orientations qui étaient les nôtres et choisi de renvoyer à un décret les modalités pratiques du dispositif. Oui, nous devons fixer des règles du jeu pour des rémunérations justes et responsables, et le Gouvernement ne tolérera aucun écart dans ce domaine.
Aussi, sous réserve de l'adoption des deux amendements rédactionnels proposés par votre rapporteur général, le Gouvernement souhaite conserver le texte issu de la commission mixte paritaire.
Par ailleurs, prenant acte de la décision de la CMP et des propos de Gilles Carrez indiquant qu'il veillera avec nous à ce que la mesure soit neutre pour les comptes de l'État, je vous propose de lever le gage sur l'article 8E qui sort le GIP « France Télé Numérique » des bénéficiaires de la redevance audiovisuelle. Je lève ce gage avec prudence.
Je lève le gage juridiquement, mais, politiquement, budgétairement, je le lève avec une très grande prudence et une grande difficulté. Bien évidemment, nous appliquerons la proposition faite par Gilles Carrez tout à l'heure à cette tribune.
Je conclus en remerciant votre assemblée pour tout le travail accompli, celui de votre commission des finances bien sûr, monsieur le président, mais aussi de l'ensemble des députés sur les bancs de la majorité comme sur les bancs de l'opposition, ainsi que des administrateurs qui sont soumis à une lourde charge de travail compte tenu de l'actualité que la crise fait peser sur nos finances publiques. Je crois sincèrement que, dans l'univers très incertain où nous sommes, les différentes dispositions que nous avons votées depuis six mois, ainsi que la méthode suivie par le Gouvernement en ce domaine, répondent de la façon la plus réactive et la plus adaptée à cette crise très inédite. Je pense que ces réponses sont à la hauteur des enjeux et de la gravité de la situation que nous avons à affronter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Didier Migaud, vice-président de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je ferai juste quelques observations à l'occasion de ce deuxième projet de loi de finances rectificative pour l'année 2009 qui ne devrait pas clore la série des collectifs sur cette même année.
Si nous avons toujours plaisir à vous rencontrer, monsieur le ministre, ce n'est pas forcément le cas en la circonstance. En effet, si de nouveaux collectifs sont nécessaires, c'est parce qu'il convient de corriger encore les hypothèses de croissance du Gouvernement sur l'année 2009.
Nous constatons avec regret que, malgré une mise à jour de ces hypothèses de croissance, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner sur nos recettes et nos dépenses et sur la situation de l'emploi, vos hypothèses restent encore très en deçà de ce que peuvent dire aussi bien les économistes de l'OCDE, de la Commission européenne que du Fonds monétaire international, voire de ce que peuvent écrire les rapporteurs généraux des commissions des finances de nos assemblées respectives : Gilles Carrez, qui a développé des scenarii plus pessimistes en fonction d'hypothèses de croissance différentes, et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, qui envisage des chiffres très supérieurs à ce que vous pouvez vous-même annoncer, même s'ils restent en retrait par rapport aux chiffres de l'OCDE.
Dans la mesure où vous persistez à sous-estimer la gravité de la crise et ses conséquences sur notre pays, vous continuez à sous-dimensionner les mesures à prendre pour faire face à cette crise alors même que vous venez de rappeler, monsieur le ministre, après le rapporteur général, que nous vivions une crise sans précédent. Cette crise nécessite donc des mesures elles-mêmes sans précédent et on peut regretter que le déséquilibre de vos propositions que nous avions constaté dans une tribune avec Pierre-Alain Muet, entre le soutien nécessaire de la demande et le soutien nécessaire de l'investissement, de l'offre, avec toutes les mesures pour accompagner l'emploi, demeure. La deuxième jambe est encore trop courte en ce qui concerne le soutien à la consommation et à l'emploi. Je crois que nous n'avons pas encore pris suffisamment la mesure du rythme d'évolution de la dégradation de la situation de l'emploi : 1 million de chômeurs supplémentaires sur l'année 2009, c'est une situation sans précédent, avec des conséquences graves pour beaucoup de salariés et de familles. Cela nécessite des mesures plus fortes en ce qui concerne notamment l'indemnisation du chômage partiel et la nécessité de conserver ce lien entre l'entreprise et le salarié. Les pouvoirs publics doivent à ce titre prendre des mesures en faveur de l'encouragement à la création d'emplois et de la formation.
À ce sujet, je voudrais vous poser deux questions, monsieur le ministre : où en sommes-nous de la signature de la convention sur l'indemnisation du chômage partiel ? Qu'en est-il de la mise en place du Fonds d'investissement social qui a été évoqué par le rapporteur général et qui, bien que très attendu par les organisations syndicales, tarde quelque peu en raison de financements pas toujours complètement assurés ?
Ma dernière observation concernera le renforcement des conditions à l'aide financière accordée à certaines entreprises sur les fonds publics. On sait que cette mesure était d'origine parlementaire.
Je ne reviendrai pas sur les dispositifs de soutien. Je suis de ceux qui considèrent que les contreparties en étaient insuffisantes. La réalité nous donne raison : c'est souvent sous la contrainte de l'actualité ou la pression des parlementaires que l'exécutif prend finalement certaines décisions.
Un décret est intervenu, avec ses insuffisances. Mais le Parlement a proposé de le compléter, ce qui va dans le bon sens. À cet égard, monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir salué l'esprit de responsabilité de l'opposition, dans un contexte où on lui fait volontiers de mauvais procès. La preuve est faite que nous pouvons soutenir certaines de vos initiatives, même si nous continuons de les trouver insuffisantes et hors de proportion avec les problèmes à résoudre. Tout en approuvant vos propositions de soutien au secteur financier, nous contestons la nature et l'importance des contreparties, notamment en ce qui concerne les relations des établissements bancaires et financiers avec les paradis fiscaux, et la politique de rémunération de certains établissements. La presse de ce matin cite, à ce sujet, de nouveaux exemples à méditer.
La proposition de loi du groupe socialiste montre que le sujet est loin d'être épuisé, comme nous l'avons encore constaté hier pendant la réunion de la commission des finances. Les textes peuvent donc encore être améliorés. J'espère que nous aurons l'occasion de le démontrer dans les prochaines semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous achevons le quatrième collectif budgétaire en l'espace de quatre mois, celui-ci étant le deuxième pour 2009.
Dans un contexte de crise aiguë, le groupe Nouveau Centre a tenu à rappeler, en première lecture comme en commission mixte paritaire, la nécessité de maîtriser notre niveau de dépenses et d'endettement publics, tout en saluant l'effort de sincérité du Gouvernement, qui le conduit à réévaluer régulièrement ses prévisions macroéconomiques.
La dégradation de la conjoncture économique n'est pas sans conséquences sur nos finances publiques, qui étaient déjà vulnérables avant la survenance de la crise mondiale. Pour s'en tenir au seul budget de l'État, le déficit budgétaire prévu pour 2009 sera dégradé de 17 milliards d'euros, pour atteindre près de 104 milliards d'euros à l'issue du présent projet. Ainsi, la nouvelle prévision de déficit public retenue par le Gouvernement pour 2009 est de 5,6 % du PIB. Seule l'année 1993 avait connu pire situation avec un déficit public de 6,4 % du PIB. Étant donné ce niveau de déficit, la France risque d'être poursuivie par la Commission, dans le cadre de la procédure en déficit public excessif. Il faudra donc trouver dans les prochains mois, les voies et moyens de rétablir une situation très dégradée.
Comme nous l'avons souligné en première lecture, la dégradation des comptes publics s'explique par la conjonction de deux facteurs.
Le premier est la baisse des recettes fiscales. Les principales corrections portent sur la TVA, qui diminue de 3,5 milliards d'euros, l'impôt sur le revenu, qui diminue de 2,1 milliards, les droits de mutation, qui diminuent de 690 millions, et l'impôt sur les sociétés, qui diminue de 500 millions. Quant aux recettes non fiscales, elles accusent une baisse de 1,1 milliard d'euros, sous l'effet de la diminution des recettes attendues des participations de l'État.
Le second facteur est la création de 32 milliards de dépenses supplémentaires, traduction de mesures des différents plans de relance. L'aggravation de notre niveau de déficit public est essentiellement due à la crise. Cependant, au-delà des chiffres, le groupe Nouveau Centre appelle l'attention du Gouvernement sur la soutenabilité de la dette publique. Celle-ci était de 67 % en 2008. Or elle est estimée à 73,9 % pour 2009 et pourrait atteindre 78 % en 2012, soit 9,5 points de PIB de plus que ce que prévoyait, il y a encore quelques semaines, la loi de programmation des finances publiques pour 2009-2012.
Dans ce contexte, il faudra trouver des solutions alternatives et augmenter les recettes du budget de l'État ou prendre des mesures d'économies. Le groupe Nouveau Centre a fait des propositions d'économies dans quatre directions.
La première concerne le plafonnement des niches fiscales, afin de poursuivre les efforts engagés par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2009. Il faudra confirmer ce bon début lorsque nous préparerons le budget pour l'an prochain.
La seconde vise à supprimer progressivement les exonérations de charges sociales patronales sur les grandes entreprises. Dans la crise actuelle, il s'agit d'un axe de progression intéressant. Bien des patrons de PME ou de grandes entreprises manifestent une attente dans ce domaine.
La troisième proposition porte sur la redéfinition de la politique salariale dans un contexte de déflation, où, si nous poursuivons la politique de revalorisation du point d"indice dans la fonction publique, le risque de disparité entre secteurs public et privé sera élevé. Une inquiétude point aujourd'hui chez les salariés du privé, qui ont des difficultés à boucler leurs fins de mois. L'an dernier, des statistiques intéressantes ont montré que, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, les salaires du public dépassent ceux du privé. Il y a là matière à réflexion, puisque l'évolution du salaire des uns ne compense pas les avantages liés au statut des autres.
Notre dernière proposition concerne la redéfinition des relations entre l'État et les collectivités locales, qui doivent être pleinement associées à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Depuis au moins un an, nous constatons, comme vous, l'explosion du budget des collectivités locales, notamment du fait de l'intercommunalité. Nous devons réfléchir au moyen d'encadrer au mieux l'évolution des budgets de fonctionnement. Il est anormal que ceux-ci représentent près de 60 % du budget général de certaines mairies, alors même que l'État consent des efforts et engage une révision générale des politiques publiques. Le couple commune-intercommunalité, qui a montré toute sa pertinence en faisant évoluer le champ de compétence des collectivités locales, ne doit pas s'exempter de règles strictes en matière de contrôle des budgets de fonctionnement.
Il faut sans relâche maintenir la pression pour maîtriser la dépense publique ordinaire. Cet objectif, plus difficile à atteindre en période de crise, est crucial non seulement pour réussir le retour vers la croissance, mais aussi pour préserver la soutenabilité à moyen terme de nos dépenses publiques.
Par ailleurs, le groupe Nouveau Centre a soutenu les mesures prises par le Gouvernement dans ce collectif budgétaire, tout en proposant des pistes d'amélioration allant dans le sens d'une plus grande justice sociale. Nous vous avons proposé deux voies d'amélioration.
La première consiste à aménager le bouclier fiscal afin de le rendre plus équitable. Pour ce faire, nous avons déposé deux amendements visant à sortir du calcul des impôts et charges, l'un, la CSG-CRDS, l'autre, les impôts locaux. Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe du bouclier fiscal, que la gauche a elle-même créé en 1988, mais de le rendre socialement plus juste et économiquement plus efficace.
Notre seconde proposition vise à un meilleur encadrement des rémunérations des dirigeants. Exaspération, indignation, incompréhension, les mots ne sont pas assez forts pour qualifier les sentiments qu'inspirent les pratiques de quelques dirigeants d'entreprise qui n'hésitent pas, dans un contexte de crise profonde, à s'enrichir honteusement avec l'argent du contribuable, pendant que de nombreux salariés perdent leur emploi. Il n'est pas acceptable que ces patrons peu scrupuleux stockent leurs options, alors même qu'ils déstockent les effectifs de leur entreprise. Leur comportement jette un profond discrédit sur l'ensemble des chefs d'entreprise, dont l'immense majorité se bat, au quotidien, en même temps que leurs salariés pour surmonter la crise.
Mes chers collègues, vous le savez, que ce soit lors des débats sur le plafonnement des niches fiscales ou les aménagements au bouclier fiscal, le Nouveau Centre a toujours été, est, et sera le garant de la justice fiscale et sociale. C'est pourquoi il plaide pour l'encadrement de toutes ces formes de rémunérations, qu'il s'agisse des parachutes dorés, des retraites chapeaux, des distributions d'action gratuites ou des stocks-options, et il entend donner au Gouvernement une base législative pour encadrer réellement ces différentes formes de rémunérations.
Au cours du débat, en CMP, sur la rémunération des dirigeants, nous avons défendu deux principes.
Le premier est la démocratisation et la transparence des stocks-options. C'est à l'assemblée générale des actionnaires, et non au conseil d'administration, de décider de la sur-rémunération des dirigeants. Sur ce premier point, nous soutiendrons un amendement lors de la discussion de proposition de loi socialiste, à la fin du mois d'avril.
Le second principe que nous soutenons est la moralisation des stocks-options : pas de stock-options pour les dirigeants des entreprises bénéficiant d'aides de l'État et mettant en oeuvre des plans sociaux. Notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, a fait adopter à l'unanimité de tous les groupes, lors de la commission mixte paritaire, un amendement visant à donner par la loi, au Gouvernement, les moyens de publier rapidement un nouveau décret permettant d'encadrer réellement les différentes formes de rémunérations excessives. Le groupe Nouveau Centre soutient cet amendement, qui va au-delà de ce que prévoyait le décret gouvernemental, puisqu'il encadre aussi, sans l'interdire, l'usage des bonus et des retraites chapeaux. Il se réjouit que le Gouvernement se soit finalement décidé à s'y déclarer favorable.
Notre groupe votera en faveur du projet de loi. Face à la crise, c'est la réactivité qui compte. Le collectif budgétaire concrétise les nouveaux engagements du Gouvernement pour garantir la justice sociale et la solidarité avec les plus fragiles, et permettre à notre pays de sortir plus fort de la crise.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UMP peut se féliciter du texte issu de la commission mixte paritaire relative au projet de loi de finances rectificative pour 2009. Le consensus auquel nous sommes parvenus parachève en effet le plan de relance et renforce la politique de la majorité pour amorcer la reprise, dans la justice sociale et la solidarité.
Par ce projet de loi de finances rectificative, nous préparons l'amorce de la reprise grâce au plan de relance, après avoir pris en compte la situation difficile d'un trop grand nombre de nos concitoyens. La création du fonds d'investissement social et les aides aux familles modestes témoignent amplement de la solidarité de la nation avec les plus modestes et les plus exposés aux ravages de la crise. Les mesures, qui parachèvent le plan de relance, vont dans la bonne voie. L'aide au secteur automobile est efficace, comme le montrent les résultats positifs des nouvelles immatriculations, dus à la prime à la casse.
Des prêts sont consentis en faveur de l'innovation et des sous-traitants pour soutenir les secteurs névralgiques et favoriser la reprise. D'autres viennent en aide aux secteurs du logement et de la construction.
Par ailleurs, les périodes de crise nécessitent des mesures exceptionnelles, et provisoires, pour répondre à des appels pressants. C'est tout l'art du politique de savoir rester ferme sur les principes et de tenir le cap des réformes de structure.
Je souhaite revenir sur les dispositions adoptées par la CMP en ce qui concerne les rémunérations des dirigeants d'entreprises. Elle a souhaité compléter le décret du Gouvernement pour donner un message politique fort. Le texte qu'elle a adopté prive les entreprises aidées directement ou indirectement par l'État de la possibilité d'attribuer des stock-options, ou actions gratuites, à leurs cadres dirigeants. Il va plus loin que le décret du Gouvernement qui limite le champ de l'interdiction aux entreprises aidées directement par l'État par l'intermédiaire de la société de prise de participation de l'État et aux entreprises aidées du secteur automobile. La CMP y a inclus les entreprises bénéficiant directement des prêts ou de la garantie de l'État, des prêts de la société de financement de l'économie française, des investissements directs ou indirects du fonds stratégique. Elle a précisé les conditions d'interdiction de distribuer les stock-options et actions gratuites, pas seulement aux entreprises aidées par les banques ou à celles du secteur de l'automobile, et fixé les conditions d'autorisation d'attribuer les éléments de rémunération variables et différés, parachutes dorés et retraites chapeau. Sont ainsi concernées par cette autorisation les entreprises dans lesquelles le fonds stratégique d'investissement a pris des participations, les entreprises publiques et les entreprises cotées. C'est une réponse législative efficace et juste que le groupe UMP votera.
Je voudrais enfin appeler votre attention sur les difficultés que ne va pas manquer d'entraîner la non-adoption par la CMP de l'article 8 C du projet. En le votant, l'Assemblée voulait faciliter l'aide à l'investissement locatif en permettant au préfet, après consultation des collectivités territoriales, d'assouplir le zonage. Celui-ci était assez rigide et on ne pouvait le modifier aisément, ce qui était source de difficultés pour un certain nombre d'opérateurs qui ont du mal à mettre leur stock de logements sur le marché, dans la mesure où il y a maintenant une concurrence très forte avec le nouveau dispositif prévu pour remplacer les dispositifs Robien et Borloo…
J'aurais scrupule à utiliser cette qualification, d'autant qu'on pourrait parler également de dispositif Carrez puisque nous étions coauteurs de l'amendement. J'espère que cette appellation n'entraîne pas de jalousie chez les uns ou chez les autres ! Je n'y suis pour rien, même si je ne boude pas mon plaisir. En tout cas, je tenais à souligner cette difficulté. Il faudra sans doute que les autorités de l'État introduisent un peu de souplesse, faute de quoi les difficultés que j'ai mentionnées persisteront, alors que nous devons trouver des mesures efficaces pour contribuer à sortir la construction de son marasme.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, sur ce quatrième collectif budgétaire qui nous est soumis en quatre mois, je voudrais examiner trois questions. D'abord, les mesures de relance mises en oeuvre par le Gouvernement sont-elles à la hauteur de la récession ? Ensuite, la répartition des efforts est-elle équitable, dans cette situation difficile ? Enfin, les mesures de moralisation des rémunérations introduites notamment dans le nouvel article 11 sont-elles à la mesure des dérives observées ?
Les mesures de relance sont-elle suffisantes ? Je ne reviens pas sur vos déclarations ou celles de M. Fillon à l'été 2008 : vous affirmiez que l'économie n'était pas en récession, alors même que depuis janvier 2008 le pouvoir d'achat par tête, ou par unité de consommation pour utiliser le terme des statisticiens, commençait à baisser, de même que la consommation par tête.
En janvier dernier, au moment où vous présentiez au Parlement votre plan de relance, le premier collectif budgétaire, la Commission européenne et le FMI alertaient tous les pays sur le fait que la récession était là et prévoyaient pour la France une diminution du PIB de l'ordre de 1,8 % ou 1,9%. Vous avez néanmoins construit votre plan de relance sur une prévision de croissance de 0,2 % à 0,5 %.
En mars, furent connus les chiffres du dernier trimestre 2008 traduisant un effondrement de la demande. Vous avez alors révisé votre prévision, dans le cadre de ce collectif, en retenant comme hypothèse une diminution de 1,5 % – notons qu'à ce moment déjà l'INSEE, entre autres, estime qu'à la mi-2009, la baisse de croissance sera proche des 3 %. Alors même que passer d'une prévision de plus 0,5 % à moins 1,5 % représente une révision considérable, de 2 %, vous ne changez quasiment rien au plan de relance budgétaire. Vous vous contentez de supprimer les deuxième et troisième tiers provisionnel, ce qui représente 1,1 milliard en faveur de six millions de ménages, alors qu'il aurait fallu, comme les socialistes le disent depuis longtemps et l'ont proposé dans leur plan de relance en janvier, prendre des mesures massives à la fois sur le pouvoir d'achat et sur l'emploi.
Alors que les destructions d'emploi sont dramatiques – 90 000 chômeurs supplémentaires par mois cela ne s'est jamais vu depuis que la statistique a été crée à la fin de la deuxième guerre mondiale – vous ne prenez quasiment aucune mesure importante pour l'emploi dans ce collectif. Il faut prendre des mesures fortes en faveur de l'emploi pour éviter une telle situation, et pour maintenir le lien entre le salarié et l'entreprise. Vous avez bien pris quelques-unes sur le chômage partiel, mais dans la situation actuelle, il en faut de bien plus importantes. Vous avez mentionné les stabilisateurs automatiques, monsieur le ministre. Dans une récession, c'est la diminution de la durée du travail et celle des heures supplémentaires qui permettent le mieux aux entreprises d'amortir le choc et aux salariés d'ajuster leur temps de travail. D'ailleurs certaines entreprises qui, avec votre dispositif absurde des heures supplémentaires, étaient passées aux quarante heures sont revenues aux trente-cinq heures. Mais vous entravez ce genre de souplesse en ne supprimant pas le dispositif lui-même.
La crise risque d'être longue, car, d'expérience, il est difficile de sortir des crises bancaires. Dans ce cas, le danger est de ne pas prendre des mesures à la hauteur des enjeux. L'exemple typique en est le Japon, qui est resté en quasi-dépression pendant dix ans malgré neuf relances successives, mais des relances budgétaires toujours trop faibles, et qui ont conduit à gaspiller des crédits dans des dépenses pour les infrastructures. À l'époque, on a beaucoup critiqué le fait que ces plans de relance ne portaient que sur les infrastructures ; vous ferez vous-même le parallèle. Je ne dis pas qu'il ne faut pas les faire, mais il faut les adapter. Avec ces petites mesures successives, vous risquez de laisser le déficit se creuser de façon passive, sans relancer l'économie.
Second point : les efforts sont-ils équitablement répartis et peut-on parler de solidarité nationale quand les bénéficiaires du bouclier fiscal sont en fait exonérés de toute hausse de la fiscalité ? La question a été soulevée lors de l'instauration de la taxe assise sur les revenus du patrimoine pour financer le RSA. Elle a surgi de nouveau dans le débat sur le collectif, car un certain nombre de nos collègues, à gauche, mais aussi à droite, ont le sentiment que le bouclier fiscal est profondément injuste. Les deux tiers des sommes restituées à ce titre concernent des contribuables qui ont un patrimoine supérieur à 15 millions et des revenus annuels de plus de 452 000 euros. Chacun d'eux reçoit un chèque de 368 000 euros. Il y a bien des contribuables modestes parmi les bénéficiaires du bouclier fiscal, mais ils ne se partagent que 1 % des sommes restituées. Et avec, pour 2008, l'inclusion de la CSG dans les revenus pris en compte et le passage du bouclier fiscal à 50 %, ce pourcentage est encore moindre. De toute façon, pour les contribuables modestes, l'administration fiscale réglait déjà ce type de problème sur présentation d'une demande de remise gracieuse.
Le système est donc profondément injuste et ne profite qu'aux titulaires de patrimoines élevés et pas du tout, comme vous le dites, à certains contribuables modestes. Vous avez aussi souvent prétendu, en réponse aux questions, que le bouclier fiscal permet d'éviter que l'on travaille un jour sur deux pour l'Etat. En réalité, il est impossible d'atteindre la limite prévue par le bouclier fiscal par les seuls revenus du travail. Il ne couvre donc que les propriétaires d'un patrimoine élevé. Vous l'avez d'ailleurs créé pour que l'ISF ne joue pas son rôle. Mais même parmi les assujettis à l'ISF, le bouclier fiscal ne concerne que 0,08 % des contribuables qui sont dans la première tranche, et 39 % de ceux qui sont dans la dernière tranche. Le bouclier fiscal est bien une de ces mesures que proposent les spécialistes en optimisation fiscale.
Le bouclier fiscal instaure un double bonus car pour le calculer on retient le revenu minoré par l'usage de dispositifs fiscaux dérogatoires, les niches fiscales, et notamment des niches d'assiettes non plafonnées. Certes, un effort a été consenti dans la loi de finances pour 2009 qui encadre certaines niches d'assiette. Cependant, plusieurs dispositifs permettront toujours de diminuer son revenu imposable dans des proportions parfois très importantes : le recours au dispositif «monuments historiques » sans aucune limite, le placement de revenus pour se constituer une retraite par capitalisation, les plus-values de cessions sur les valeurs mobilières, certaines plus-values immobilières.
De toute façon, le plafonnement des niches fiscales ne concerne pas les bénéficiaires du bouclier fiscal puisqu'ils sont exonérés de tout prélèvement supplémentaire. Et le plafonnement des niches par le bouclier fiscal aboutit à ce résultat que seul un contribuable ne disposant pas d'un patrimoine important payera plus d'impôts au titre de ce plafonnement. Les plus riches y échapperont.
L'article 11 permet de faire un petit pas en ce qui concerne la rémunération des dirigeants ; nous proposons d'aller plus loin.
En effet, en France, comme dans la plupart des pays, ces rémunérations ont explosé ces dernières années. Dans les années 1960, 1970 et 1980, le rapport entre la rémunération la plus faible et la rémunération la plus élevée était d'un à vingt, ou d'un à trente ; il est désormais d'un à trois cents ! Cette situation est particulièrement scandaleuse quand elle concerne des dirigeants d'entreprises qui font appel aux fonds publics pour éviter la faillite.
Pour résoudre le problème, il ne suffit pas de restreindre l'usage des stock-options, il faut aussi introduire une limite à la rémunération des dirigeants des entreprises faisant appel à l'argent public. Nous proposons donc de revenir à des ratios raisonnables – de l'ordre d'un à vingt-cinq – pour l'écart maximum entre les salaires.
J'ai posé trois questions, j'y reviens pour conclure.
Ce collectif budgétaire est-il à la hauteur des enjeux et de la récession actuelle ? Non ! Il faudrait prendre des mesures de relance deux fois plus fortes pour faire face à l'ampleur de cette récession.
Les effets du collectif sont-ils équitablement répartis ? Non ! Ils ne le seront que si vous remettez profondément en cause la politique que vous avez suivie depuis un an et demi, et notamment le paquet fiscal.
Quant à la question de la limitation des rémunérations, l'amendement de M. Arthuis adopté par le Sénat à l'article 11, ne fait qu'un petit pas dans le bon sens ; dans un débat qui se tiendra prochainement nous aurons l'occasion d'y revenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances rectificative vous a permis d'opérer une relative adaptation de vos prévisions économiques et budgétaires à la réalité de la crise économique et sociale – même si vous avez essayé de faire croire que la France était moins touchée que ses voisins, ce qui est faux.
Malgré vos proclamations et votre autosatisfaction, il faudra évidemment revenir sur le sujet, car vos mesures sont très insuffisantes au regard des attentes de nos concitoyens et des revendications légitimes du mouvement social, qui se sont exprimées puissamment le 29 janvier et le 19 mars dernier, et qui se feront à nouveau entendre, dans les rues de Paris et de nos grandes villes, le 1er mai prochain, ainsi qu'en de nombreuses autres occasions, pour demander l'amélioration du pouvoir d'achat, condition majeure pour sortir de la crise. Au fond, la différence entre nous, c'est que vous ne croyez pas à la nécessité d'augmenter le pouvoir d'achat ; pourtant l'économie ne reprendra pas sa croissance sans que ce dernier ne progresse.
Le débat sur ce projet de loi a aussi porté sur ce que l'on pourrait qualifier improprement de « moralisation du capitalisme ». Les termes sont impropres en effet, puisque, par définition, le capitalisme ne peut pas être moral, malgré les proclamations récurrentes du Président de la République depuis son discours de Toulon. Monsieur le ministre, je vais vous citer ses propos, mais en ai-je vraiment besoin… ?
Les proclamations du Président de la République, premièrement, vous n'y croyez pas, et, deuxièmement, vous les connaissez par coeur – j'imagine que tous les mercredi matin, lors du Conseil des ministres, vous êtes interrogé, on vérifie que vous ne les avez pas oubliées.
À Toulon, le Président de la République déclarait : « Je n'hésite d'ailleurs pas à dire que les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs doivent être désormais encadrés. Il y a eu trop d'abus, il y a eu trop de scandales. Alors, ou bien les professionnels se mettent d'accord sur des pratiques acceptables, ou bien le Gouvernement de la République réglera le problème avant la fin de l'année. »
La fin de l'année est venue et, évidemment, aucune disposition n'a été prise : seuls les nigauds pouvaient croire les promesses du Président de la République. Chers collègues de droite, je ne vous classe pas dans cette catégorie,… («Ah ! Tout de même ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
…vous n'avez donc pas cru un mot des déclarations du Président de la République, et vous saviez que pour calmer l'opinion, ce dernier devait faire des effets de manche à la tribune. Il devait faire croire qu'il était attentif à ce que pensaient nos concitoyens. Ces déclarations sont, bien évidemment, restées « platoniques », comme le rideau de fumée du pseudo-code de déontologie du MEDEF, dont l'inefficacité n'est plus à démontrer.
Telle était la situation jusqu'à ce que montent dans l'opinion publique l'indignation et la colère devant ces avantages que s'octroient des dirigeants d'entreprises qui sont souvent en difficulté et bénéficient, à un titre ou à un autre, d'aides ou de prêts publics. En effet, alors que la dégradation de l'emploi s'accélère, alors que 170 000 de nos concitoyens ont perdu leur emploi entre janvier et février 2009, alors que des centaines de milliers d'hommes et de femmes sont, à leur tour, menacés de basculer dans le chômage, les dirigeants des grandes sociétés cotées en Bourse s'efforcent cyniquement de tirer bénéfice de la situation ou, à tout le moins, de préserver les avantages acquis ces dernières années – période durant laquelle la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 est passée de 588 000 euros annuels, en 1999, à 4,7 millions d'euros, aujourd'hui. À cet égard, la proposition de Pierre-Alain Muet, visant à réduire l'écart entre les rémunérations extrêmes à un ratio d'un à vingt-cinq, me semble particulièrement pertinente.
Comme l'on dit dans ma Normandie natale, ces gens la « mangent la tête dans l'auge », alors que dans les assiettes de nos concitoyens les plus modestes, il n'y a plus grand-chose.
L'annonce par la Société générale de l'octroi de 320 000 stock-options à quatre de ses dirigeants ; l'annonce d'un parachute doré de 3,2 millions d'euros pour l'ex-PDG de Valeo ; le versement, révélé le 25 mars dernier, de 51 millions d'euros de bonus aux dirigeants de Cheuvreux, une filiale du Crédit agricole ; l'attribution de 1,1 million d'euros de stock-options à M. Mestrallet et M. Cirelli, dirigeants de GDF-Suez, qui se font de l'argent avec le prix du mètre cube de gaz…
Ils y ont renoncé sous la pression des coups de pied aux fesses que leur a donnés l'opinion publique. Ils ne l'ont pas fait par un accès de morale, ni même pour obéir au Président de la République : ils ont seulement fini par comprendre que cela ne passait pas dans l'opinion.
Tout cela, auxquels j'ajoute l'octroi par Natixis de 90 millions d'euros à ses opérateurs de salles de marché, a suscité un légitime mouvement de colère dans l'opinion publique. La question de la rémunération des hauts dirigeants d'entreprises – je préfère dire « hauts dirigeants » que « grands dirigeants » – prend, dans la période actuelle un relief particulier. Il s'agit non seulement de décisions d'une injustice flagrante à l'heure où se multiplient les plans sociaux, et où les salariés de ces entreprises sont soumis au régime sec, mais encore de décisions révélatrices de la volonté des dirigeants de ces entreprises de persister dans la voie de la spéculation financière qui a conduit à la crise que nous connaissons.
Les choix de rémunération retenus trahissent l'exigence folle des détenteurs de capitaux, et des dirigeants des grandes entreprises, d'obtenir une rentabilité sans cesse accrue, qui se traduit nécessairement par une injustice croissante dans la répartition des richesses. Les dirigeants des entreprises en question n'entendent donc tirer aucune leçon positive de la crise. Tout en récoltant les aides de l'État et en spéculant sur la crise, ils entendent, au contraire, plus que jamais, demeurer fidèles à cette économie virtuelle qui détruit l'économie réelle.
Devant cette situation explosive et confronté à l'exaspération croissante de l'opinion, le Gouvernement a tenté d'allumer un contre-feu des plus maladroits en prenant le décret du 30 mars 2009, relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l'État. Le caractère largement cosmétique et évidemment tardif de ce texte a été remarqué par tous les observateurs, mais aussi par des sénateurs qui ont entrepris d'introduire par amendement, dans le projet de loi de finances rectificative, des dispositions d'une portée un peu plus grande que celles contenues dans le décret.
Après avoir fortement renâclé au Sénat, monsieur le ministre, vous avez bien dû vous résigner à accepter que le Parlement ose se mêler de ce qui le regarde, et se permette de légiférer sur un sujet sensible, parce qu'il touche, un peu, aux privilèges des amis du Président de la République – je pense au célèbre club du Fouquet's –, qui sont bien placés dans le monde de la finance et de la grande industrie.
L'action contre les paradis fiscaux constitue un autre aspect de ce collectif, avec un amendement très tempéré, proposé par notre rapporteur général.
Depuis, le G 20 a été l'occasion de proclamations triomphales sur ce sujet. Nous avons pourtant déjà dit qu'il s'agissait surtout là de poudre aux yeux. La semaine dernière, un journaliste, se faisant passer pour un fraudeur français potentiel, a eu l'excellente idée de tester le comportement de filiales françaises dans ce paradis bancaire qu'est le Luxembourg. La Nord europe private bank, fondée par le Crédit Mutuel, pour ne prendre que cet exemple, s'est révélée extrêmement coopérative, proposant d'ouvrir un compte numéroté sous trois jours, avec utilisation d'un pseudonyme. Je cite les propos du banquier rencontré par ce journaliste : « Les inspecteurs du fisc ne s'adresseront jamais à nous, mais à vous. Or, sans un ordre de votre part, on ne bougera pas ».
Voilà donc la situation dans l'Union européenne ; elle est aux antipodes des satisfecit que se décernent les dirigeants européens.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre un texte totalement insuffisant, qui ne rompt pas avec la logique qui a provoqué la crise, et qui ne lui apporte pas de réponse pertinente, en particulier sur le plan social.
Ce collectif budgétaire ne répond pas non plus aux attentes de notre peuple qui juge de plus en plus sévèrement les responsables économiques, mais aussi votre politique de préservation des privilèges, parmi lesquels le bouclier fiscal déjà évoqué jusqu'aux bancs de la droite par nos collègues de l'UMP qui ont les esprits les plus libres – c'est dire qu'ils ne sont pas nombreux. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce deuxième collectif budgétaire pour 2009 a été l'occasion pour le Gouvernement de traduire un de ses engagements essentiels pour la sortie de crise en outre-mer, et plus particulièrement en Guadeloupe : le financement d'un revenu supplémentaire temporaire d'activité ou RSTA, qui permet, en pratique, d'apporter cent des deux cents euros réclamés par les salariés afin d'améliorer leur pouvoir d'achat.
Je tiens à me réjouir à la tribune de cet hémicycle, de la réponse donnée à cette légitime revendication des travailleurs d'outre-mer grâce à l'accord dit « accord Jacques Bino ».
Après avoir lu les débats parlementaires portant sur cette ouverture de crédit, je crois cependant utile de vous apporter quelques précisions sur les modalités de cet accord, car il a donné lieu à quelques confusions.
Sur les deux cents euros obtenus par les salariés percevant jusqu'à 1,4 SMIC, cent proviennent directement de l'État via le RSTA dont nous entérinons aujourd'hui le financement ; cinquante euros proviennent des collectivités locales – vingt-cinq pour la région que j'ai l'honneur de présider, vingt-cinq pour le département – ; enfin, cinquante euros sont directement apportés par les entreprises signataires de l'accord, qui, je vous le rappelle, n'est que temporaire.
En effet, l'intervention des collectivités, qui a été indispensable pour parvenir à un accord – le contre-exemple réunionnais est là pour le rappeler –, prendra fin dans un an. Je précise que la seule région Guadeloupe a déboursé pas moins de 50 millions d'euros pour contribuer à la sortie de crise, dont 34 millions pour les salaires et autres allocations.
Le RSTA, donc le versement de ces cent euros, est également temporaire, puisque le RSA de droit commun prendra le relais dans trois ans. Ainsi, le problème réside bien dans la clause dite de convertibilité de l'accord, prévu dans son article 5, à savoir la prise en charge intégrale de ces deux cents euros par les entreprises d'ici à trois ans. C'est en rapport avec cette problématique que le fameux « bonus déchargé », ou désocialisé, prévu à l'article 1er C de la LODEOM, que nous sommes en train d'examiner, et l'extension des exonérations de charges, prévue dans ce même texte, trouvent leur intérêt. Il convient en effet de se projeter dans quelques années, afin de savoir comment les entreprises pourront supporter seules cette augmentation, à supposer qu'elles en aient l'obligation juridique, ce qui est l'objet du débat sur l'extension de l'article 5 de l'accord Jacques Bino.
Pour en revenir au RSTA, je ferai deux remarques.
Tout d'abord, je me félicite que les crédits qui y sont consacrés – 233 millions d'euros pour cette année et 280 millions en année pleine – ne soient pas gagés par des annulations. Il convient de saluer cette exception à la jurisprudence budgétaire du Gouvernement, car nous avions été blessés d'apprendre que les ouvertures de crédits exceptionnelles destinées à faire face aux conséquences du cyclone Dean aux Antilles avaient été gagées par l'annulation de crédits d'intervention du budget de l'outre-mer.
Par ailleurs, quel dommage que les parlementaires ultramarins ne soient jamais écoutés ! En effet, le 6 octobre dernier, dans cet hémicycle, nous avions tous attiré votre attention sur la nécessité d'appliquer immédiatement le RSA outre-mer, proposant une application adaptée aux DOM. Or, pour des raisons uniquement budgétaires, non avouées à l'époque, vous avez renvoyé cette application à 2011, au prétexte de quelques difficultés techniques. Ainsi, le Gouvernement a dû céder à la rue ce qu'il avait refusé aux représentants du peuple. C'est incontestablement une mauvaise politique, qui donne des gages aux mouvements radicaux.
Enfin, au moins quatre autres mesures de sortie de crise devraient figurer dans ce texte. Or je m'étonne – comme, je crois, que les autres membres de notre commission – qu'une seule d'entre elles, l'abondement des crédits du Fonds exceptionnel d'investissement – 50 millions en AE et 10 millions en CP – soit effectivement adoptée aujourd'hui. Ce fonds, dont nous allons enfin voter la création ce soir, correspond à une demande forte des élus locaux, puisqu'il est destiné à résoudre, en partie, les problèmes posés par la faiblesse des investissements outre-mer, alors que les retards sont particulièrement importants.
Je rappelle qu'outre-mer, 80 % de l'investissement public proviennent des collectivités locales, que les crédits d'intervention étatiques ont diminué de 60 % depuis 2002 et que les crédits européens, essentiels pour les régions ultrapériphériques, sont désormais fléchés. Aussi les investissements productifs défiscalisés, fussent-ils en réalité de l'argent des « riches », nous sont-ils particulièrement utiles. Les résultats du plafonnement de la défiscalisation, avec le risque d'éviction dû au déplafonnement du « Malraux », devront donc être mesurés précisément d'ici à quelques années.
Je me félicite qu'au total, après ce collectif, 165 millions d'euros en AE et 51 millions en CP soient disponibles pour les investissements publics outre-mer. Mais je dois vous dire que les chantiers tardent. De plus, j'aurais souhaité être assuré – et j'espère que Bercy et le MEDETOM pourront régulièrement nous tenir informés – que l'équivalent des sommes économisées par le plafonnement de la défiscalisation sera réinjecté en crédits de paiement dans ce fonds.
J'en viens maintenant aux trois points manquants dans ce texte, en espérant que le ministre pourra nous éclairer.
Le premier d'entre eux est relatif à la révision en cours dans la LODEOM de l'article 165 de la dernière loi de finances, qui, je vous le rappelle, instaurait la dégressivité des exonérations de charges outre-mer. L'économie de 135 millions réalisée à cette occasion est en train d'être revue à la baisse, puisque le Premier ministre a annoncé, le 26 février dernier, que le seuil de la dégressivité serait rehaussé à 2,5 SMIC, ce qui représente une enveloppe supplémentaire d'environ 70 millions d'euros de CP de compensation aux organismes de sécurité sociale, au titre des exonérations de charges outre-mer.
Or je m'étonne que les dispositions de la LODEOM ne trouvent pas leur traduction budgétaire dans ce collectif. En effet, nous aurions dû dégager environ 70 millions de CP pour abonder l'action « Abaissement du coût du travail » de la mission « Outre-mer ». À ce propos, je rappelle que, fin 2008, le MEDETOM restait débiteur de 896 millions à la sécurité sociale. Il ne faudrait pas que l'extension, même très limitée, du régime d'exonération de charges creuse cette dette ou, ce que je crains, qu'elle soit in fine compensée par des annulations de crédits sur un autre programme de la mission « Outre-mer ». J'attends, monsieur le ministre, vos explications.
Deuxième point : la revalorisation des allocations logement outre-mer. Longtemps promis, et enfin annoncé, pour contribuer à régler la grave crise sociale aux Antilles, cet alignement des aides aux logements ne me semble toujours pas budgété, ni sur le budget du logement ni sur celui de l'outre-mer. Où sont donc, monsieur le ministre, ces 34 millions de CP, dont votre collègue chargé de l'outre-mer nous assure qu'ils existent ?
Enfin, le secrétaire d'État à l'outre-mer s'est engagé, pour sortir de la crise, à doubler les effectifs du Service militaire adapté. Cette dépense supplémentaire d'environ 40 millions devrait, là encore, se retrouver dans ce collectif. Or, à ma connaissance, elle n'y a pas été inscrite. Pourriez-vous nous rassurer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale est close.
Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.
Je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. le ministre.
Ainsi que je vous l'ai annoncé tout à l'heure avec beaucoup d'enthousiasme (Sourires), le Gouvernement ne s'oppose pas à la suppression du IV de l'article 8 E. Il convient donc de supprimer la compensation prévue pour le financement du GIP « France Télé Numérique ». Tel est l'objet de l'amendement n° 1 .
Favorable. Monsieur le ministre, c'est avec enthousiasme que nous soutiendrons les mesures consistant à récupérer en moins-values de dotations budgétaires la recette supplémentaire de redevance.
(L'amendement n° 1 est adopté.)
Il s'agit d'un amendement de précision, qui vise à ajouter les conseils de surveillance à la liste des organes d'entreprise qui peuvent décider d'éléments de rémunération.
Favorable.
Je serai très bref, monsieur le président. Cet amendement ne présente pas d'intérêt particulier dans la mesure où, globalement, ces dispositions reviennent à confier la garde des poules au renard. (Sourires.) Ce n'est certainement pas ainsi que l'on modérera l'appétit glouton de ceux qui, jusqu'à présent, ont passé leur temps à s'en mettre plein les poches. Vous n'avez prévu aucune mesure coercitive, et c'est là tout le problème.
(L'amendement n° 2 est adopté.)
Il s'agit d'un amendement de précision visant à indiquer que les titres dont il s'agit sont des titres de capital, et non des titres de dette.
Favorable.
Je ne suis saisi d'aucune explication de vote sur l'ensemble du projet de loi.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures quinze.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (n° 1589).
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés à l'ultime étape de notre débat parlementaire sur le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
Je tiens à vous remercier une nouvelle fois, madame la ministre, ainsi que vos services, pour votre écoute toujours attentive. Ce débat majeur était attendu aussi bien par les acteurs de la création culturelle française, que par les fournisseurs de contenus et les entreprises de l'Internet.
Le texte proposé avait été, vous le savez, adopté sans opposition au Sénat. À l'Assemblée nationale, nos discussions ont été nettement plus passionnées et n'ont malheureusement pu déboucher sur le même consensus.
Je regrette sincèrement nos désaccords sur la lutte contre le téléchargement illégal. En effet, ce qui est en jeu, c'est bien la préservation de notre exception culturelle. C'est la diversité de la création française. Ce sont ces milliers d'emplois qui pouvaient être supprimés si nous ne faisions rien. Voilà, mes chers collègues, les défis qui nous étaient lancés !
Et pour les relever, je suis convaincu que nous avons fait le bon choix en instaurant une procédure bien plus adaptée que le dispositif pénal actuel, avec ses lourdes peines – jusqu'à 300 000 euros d'amende et trois ans de prison.
Au-delà des grandes différences dans le déroulement des débats et dans les votes sur lesquels ils ont débouché, la lecture par chaque Assemblée a donné lieu à de substantielles modifications du texte proposé. Au Sénat, 73 amendements et sous-amendements, dont 12 émanant de l'opposition, ont été adoptés. Dans notre Assemblée, les débats ont conduit à 1'adoption de 141 amendements et sous-amendements, dont 74 issus de la commission des lois et 15 de l'opposition.
À l'issue de ces deux lectures, seuls quatre articles avaient été votés conformes. Restaient ainsi en discussion 24 articles et deux suppressions d'article.
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun aux deux chambres sur ces dispositions restant en discussion est parvenue, mardi dernier, à un compromis que nous sommes appelés à avaliser aujourd'hui. L'art du compromis exige des concessions. C'est à ce prix, en effet, que la convergence des points de vue devient possible. Le texte adopté par la CMP n'échappe pas à la règle.
En définitive, deux suppressions de dispositions introduites par l'Assemblée nationale suscitent une déception de ma part.
Il s'agit, tout d'abord, du non-paiement de l'abonnement par les internautes dont l'accès à Internet a été interrompu sur décision de la HADOPI. Les sénateurs de la CMP se sont unanimement montrés réticents à cette perspective, de même que certains de nos collègues députés.
Pour ma part, je crains que le retour à la version du Sénat ne soit perçu comme une mesure injuste par ceux-là mêmes que le texte a vocation à convaincre d'évoluer vers des comportements plus vertueux , grâce à sa dimension pédagogique.
L'autre suppression qui m'inspire quelque regret concerne les dispositions introduites à l'initiative du président de notre commission des lois, et permettant à la commission de protection des droits de tenir compte de la mise à disposition légale effective sur Internet des oeuvres ou objets protégés. Je crois que cette précision, qui répondait à une préoccupation largement partagée sur tous nos bancs, était juridiquement fondée et véritablement équitable. Les sénateurs, ainsi qu'une partie de nos collègues, n'ont malheureusement pas partagé ce sentiment.
Toutefois, ces deux modifications ne sauraient masquer les avancées majeures obtenues lors de la réunion de la CMP. Je me contenterai de citer les plus importantes, afin d'éclairer le vote de notre assemblée.
En premier lieu, la composition de la HADOPI a été modifiée afin de garantir au ministre chargé de la consommation la possibilité de désigner une personnalité qualifiée dans le collège, celle-ci étant appelée à représenter les consommateurs.
La CMP a accepté de revenir au principe de l'élection du président de cette autorité administrative indépendante.
Ces deux modifications répondent, je crois, à certaines préoccupations exprimées dans notre hémicycle – par l'opposition notamment.
La CMP a également supprimé l'amnistie des internautes qui se sont livrés à des téléchargements illicites d'oeuvres protégées par le biais d'Internet. Comme je l'avais déjà indiqué lors de nos débats, outre qu'une telle disposition n'avait pas vocation à être codifiée au sein de règles de portée permanente, cette amnistie appelait des réserves rédhibitoires.
D'abord, son champ englobait non seulement les internautes qui avaient téléchargé illégalement des oeuvres, mais également les contrefacteurs, qui font l'objet de la majorité des condamnations prononcées par l'autorité judiciaire.
Ensuite, elle liait les procédures administrative et pénale alors que celles-ci sont totalement distinctes et reposent sur des fondements juridiques et des faits générateurs différents.
Enfin, sa portée pratique n'était pas avérée dans la mesure où ne se trouvaient visées que les condamnations prononcées par l'autorité judiciaire sur le fondement des dispositions pénales relatives aux droits voisins, et non celles résultant de délits de contrefaçon de droits d'auteur, alors même qu'étaient censés en relever les seuls téléchargements d'oeuvres et non d'objets protégés.
La CMP a aussi exclu toute référence aux moteurs de recherche dans le référencement des offres légales, en renvoyant à l'établissement d'un portail dédié.
Enfin, et c'est un point majeur, la CMP a conforté le nouveau régime de la chronologie des médias adopté par l'Assemblée nationale, en traitant également du cas de la SVoD. Je tiens à saluer la contribution très constructive de l'opposition de notre assemblée qui a su dépasser, sur ce point, sa posture critique dans l'intérêt des consommateurs de biens culturels. En effet, les sénateurs et certains députés de la CMP souhaitaient en revenir à des modulations déterminées par accord professionnel ou par la voie réglementaire. Même si elle partait d'une bonne intention, une telle démarche aurait conduit à pérenniser le blocage actuel des négociations avec les acteurs de la filière cinématographique alors même que le raccourcissement de la chronologie des médias constituait un point essentiel des accords de l'Élysée.
Je reste convaincu que la solution que nous préconisions avec un certain nombre de mes collègues, notamment Frédéric Lefebvre, et qui a finalement été retenue par la CMP, est la plus adaptée à une situation complexe qui ne pouvait rester en l'état. En effet, les films doivent être mis à disposition du public plus rapidement, que ce soit en format DVD ou sur Internet. N'oublions pas que ce projet de loi a aussi, et principalement, vocation à développer l'offre légale.
À l'adresse de tous ceux qui suivent avec attention nos travaux, j'indique donc solennellement que, sous réserve bien sûr du vote du texte qui nous est soumis, le Parlement a décidé un raccourcissement à quatre mois de la fenêtre de sortie des films en vidéo et VoD, assorti d'exceptions encadrées en fonction du succès en salles. C'est une avancée majeure. Je me réjouis que notre assemblée ait pu se retrouver sur cette question si fondamentale pour le développement de l'offre légale.
Pour le reste, la CMP a validé tous les articles additionnels introduits par notre Assemblée et apporté quelques modifications de forme ou de coordination.
Au total, le texte qui est soumis à notre vote définitif ce matin me semble correspondre parfaitement à l'esprit des accords de l'Élysée. Il respecte pleinement l'équilibre du projet du Gouvernement, et y apporte des améliorations significatives.
Il n'a certes pas la prétention de la perfection. Il a en revanche une ambition : accompagner les professionnels de la culture et de la création à l'heure des nouvelles technologies. Pour cela, nous devons nous appuyer sur deux piliers parfaitement complémentaires et en réalité indissociables.
Le premier, c'est donc le développement de l'offre légale sur Internet.
Le second, c'est un combat déterminé contre le pillage des oeuvres. Parce que tout travail mérite une juste rémunération, et que les professionnels de la culture et de la création ont droit eux aussi au respect de cette valeur fondamentale. Et pour protéger les droits des créateurs, je le répète, nous avons fait le bon choix : celui du pragmatisme, en privilégiant la pédagogie plutôt que la sanction, en instaurant un dispositif moderne, adapté, équilibré qui aura vocation à dissuader plus qu'à punir.
Le texte de la CMP s'appuie sur ces deux piliers. Il répond à l'ambition affichée. Je vous invite donc, mes chers collègues, à le voter.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Patrick Bloche.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, nous ne pouvons que regretter que le texte issu de la commission mixte paritaire que nous examinons aujourd'hui n'ait pris en compte aucun des arguments forts que nous avons développés dans cet hémicycle durant plus de quarante heures. Pire, la CMP n'aura fait que revenir en arrière sur les maigres avancées que nous avions pu obtenir. Ainsi, elle a rétabli la triple peine : sanction pénale, sanction administrative et sanction financière résultant de l'obligation faite à l'internaute de payer son abonnement une fois son accès à Internet coupé.
Ainsi encore, elle a supprimé l'amnistie des sanctions prises à l'encontre des internautes en vertu des dispositions de la loi dite DADVSI. C'était pourtant un excellent amendement de notre collègue Alain Suguenot. Comme l'a si bien résumé notre collègue Christian Paul en CMP, les faucons l'ont emporté sur les colombes.
Nous l'avons dit, nous le répétons ce matin encore, ce projet de loi est plus que jamais un pari perdu d'avance. On ne fait jamais de bonne loi en confrontant nos concitoyens les uns aux autres, en l'occurrence avec ce texte, en opposant les créateurs aux internautes, c'est-à-dire les artistes à leur public.
Ce texte est inutile à plusieurs titres : il est d'ores et déjà dépassé. Il vise ainsi à réprimer le téléchargement et l'échange de fichiers au moment même où le streaming est en plein essor. Il est coûteux, il est inefficace car contournable ; il est techniquement très difficile à mettre en oeuvre ; il est risqué pour nos concitoyens tant il comporte d'aléas et d'incertitudes juridiques.
Son fondement même, limité à la seule lutte contre le piratage, est récusable, tant la question se situe en réalité ailleurs et réside fondamentalement dans le fait de savoir comment adapter le droit d'auteur à l'ère numérique.
Il y a trois ans, le Gouvernement certifiait déjà que le simple fait d'adopter la loi dite DADVSI allait mettre fin aux téléchargements illégaux, que tous les internautes allaient massivement basculer vers les offres légales et qu'il était en soi totalement inutile de prévoir une rémunération nouvelle pour les créateurs. Depuis trois ans, les auteurs n'ont touché aucune rémunération complémentaire. Et ce sera encore le cas dans les années qui viennent puisque ce débat est une nouvelle occasion manquée.
Malheureusement, aujourd'hui encore, le Gouvernement ignore toute approche alternative, qui pourrait être fondée sur la reconnaissance des échanges non lucratifs entre individus en contrepartie du paiement d'une contribution forfaitaire par les abonnés au haut-débit. Nous avons proposé l'instauration d'une contribution créative pour ouvrir un débat que vous avez aussitôt refermé.
J'espère que nous serons entendus au moins au-delà de cet hémicycle, et je signale, pour m'en réjouir, la tribune parue, mardi 7 avril, dans Libération, co-signée par des réalisateurs, des acteurs et des producteurs de cinéma qui, ensemble, constatent que « l'heure est à la réinvention et à l'émerveillement, et non pas à l'instauration d'un énième dispositif répressif ».
Dispositif dont ils ont compris tous les ressorts en résumant fort justement votre loi à l'instauration « d'un mécanisme de sanctions à la constitutionnalité douteuse et au fonctionnement fumeux. »
Les artistes, madame la ministre, seront amers quand ils constateront que votre texte n'était qu'un leurre, tout comme sont déjà amers les artistes qui découvrent progressivement que leur nom figure dans la liste des signataires de la pétition « J'aime les artistes » sans qu'ils aient donné leur autorisation. Car il y a un pas entre demander aux auteurs de confirmer leur attachement au droit d'auteur et en déduire qu'ils soutiennent le dispositif que vous créez !
Ce pas, vous l'avez franchi, dans la précipitation, gourmande que vous étiez d'afficher 10 000 noms d'artistes, et vous l'avez fait sans état d'âme et avec toute la légèreté qui vous a caractérisée dans ce débat.
Déjà, les langues se délient. Laurent Petitgirard, président de la SACEM, déclare après avoir enfin concédé que votre dispositif ne réglera pas la question : « A titre personnel, ce qui n'engage donc pas la SACEM, je pense que nous arriverons à une nouvelle forme de licence où les utilisateurs, moyennant une majoration de leur abonnement à laquelle aura participé le fournisseur d'accès, auront accès à des fichiers fournis par l'ensemble des producteurs avec des fichiers sains et normés, assurant une parfaite traçabilité des ayants droit ». La SACEM est déjà dans l'après, comme bien d'autres ; les artistes, eux, ne s'y sont pas préparés en suivant vos nobles recommandations et risquent ainsi de subir cette transition plutôt que d'en être les acteurs vigilants.
Vous auriez dû vous préoccuper de cela, madame la ministre, plutôt que de créer un Meccano hasardeux et inefficace qui ne leur sera d'aucun secours mais qui, par contre, suspend une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos concitoyens.
La CNIL, l'ARCEP, l'INRIA, l'ACSEL, la FFT, la Commission européenne, le Parlement européen, le CGTI, et j'en oublie : tous, pour une raison ou pour une autre, ont relevé les innombrables problèmes que pose votre texte. Et pour cause !
Je tiens à rappeler, en préalable, que ce projet de loi ne pourra techniquement être mis en oeuvre dès qu'il sera voté. Vous le savez, selon l'ARCEP, pour 2,5 à 3 millions de foyers situés dans des zones non dégroupées, il n'est pas possible aujourd'hui de couper l'abonnement Internet sans interrompre en même temps la connexion au téléphone et à la télévision de ceux qui ont choisi une offre triple play. Les plus gros opérateurs pensent pouvoir lever ces obstacles techniques en y consacrant plusieurs millions d'euros, dans un délai de 18 mois minimum.
Malgré nos demandes répétées, nous n'avons d'ailleurs, à cette heure, toujours pas de réponse à une question simple : qui prendra en charge les coûts d'investissement nécessaires pour adapter les réseaux aux exigences de la loi ? Ils sont estimés par le rapport du CGTI – organisme qui dépend de Bercy – à « un montant minimal » de 70 millions d'euros sur trois ans.
Or le Conseil constitutionnel a clairement posé dans une décision du 18 décembre 2000 que, « s'il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d'imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunication de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l'ordre public, dans l'intérêt général de la population, est étranger à l'exploitation des réseaux de télécommunication ; que les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs. »
Les dispositions de votre texte correspondent totalement à ce cas de figure. C'est d'autant plus ennuyeux que vous n'avez budgété pour 2009 que 6,7 millions !
Vous nous brandissez en réponse les accords dits « historiques » de l'Élysée, qui non seulement sont largement contestés aujourd'hui mais qui, de surcroît, n'ont pas, j'en suis désolé pour vous, valeur constitutionnelle.
Je ne reviendrai naturellement pas sur tous les arguments que nous avons développés en séance, mais, puisque je défends ici l'exception d'irrecevabilité, je ne puis tout de même faire autrement que vous mettre en garde une dernière fois, madame la ministre, contre les conséquences funestes de votre texte.
Nous rappelons notre inquiétude de voir confier la prise de sanction que constitue la suspension d'un abonnement à Internet à une autorité administrative. La compétence exclusive du juge pour toute mesure visant la protection ou la restriction de libertés individuelles est un principe rappelé à maintes reprises par le Conseil constitutionnel. S'agissant de mesures entraînant une restriction des libertés individuelles pour se connecter à l'Internet, de plus en plus indispensable à la vie quotidienne de chacun, celles-ci sont suffisamment sensibles pour que le prononcé vienne du juge et non d'une autorité administrative.
En persistant dans la voie que vous avez choisie, vous êtes en décalage avec le contexte européen. Je vous rappelle l'adoption par 573 voix contre 74 – soit par 88 % des suffrages – de l'amendement n° 138 présenté par Guy Bono et Daniel Cohn-Bendit et visant à ce qu'aucune restriction aux droits fondamentaux et aux libertés des utilisateurs de services de communication au public en ligne ne puisse être imposée sans une décision préalable de l'autorité judiciaire ; je rappelle l'adoption du rapport Lambrinidis, qui reconnaît l'accès à Internet comme un droit fondamental, tout particulièrement dans l'accès à l'éducation ; je rappelle les avis successifs de la Commission européenne, qui reste très réticente à l'idée de laisser à un organe administratif un tel pouvoir de suspension, en soulignant très justement que « la réalité de l'utilisation actuelle d'Internet dépasse largement l'accès aux contenus ».
Au-delà, je regrette vivement que nous n'ayons pas, en plus de quarante heures, obtenu de réponses précises aux très nombreuses questions que nous avons posées. Non seulement le texte demeure flou et imprécis mais, de surcroît, les débats n'auront pas permis d'éclairer le silence de la loi.
Quelles sociétés vont être ainsi chargées de la collecte des adresses IP incriminées, préalable à la saisine de la HADOPI, et avec quelles garanties techniques ? Silence. Quels seront les moyens de sécurisation prétendument absolue que la HADOPI sera amenée à labelliser ? Selon quels critères ce label sera-t-il accordé ? Silence. Quand, aujourd'hui, nombre d'entreprises emploient à plein temps des experts pour sécuriser leur réseau sans obtenir pour autant une sécurité totale, supposer que l'ensemble des particuliers y parviendra est absurde.
Selon quels critères la HADOPI va-t-elle ou non envoyer un mail d'avertissement, puis une recommandation ? Selon quels critères choisira-t-elle entre la sanction et l'injonction ? Selon quels critères proposera-t-elle une transaction plutôt qu'une sanction ? Nous ne le savons toujours pas. Vous nous appelez, madame la ministre, à faire confiance à la Haute Autorité qui, seule, décidera de ces critères, arbitrairement et de manière aléatoire, faute ne serait-ce que d'un cadre préalablement défini par le législateur. Ce n'est pas acceptable et c'est surtout contraire au principe d'égalité des citoyens devant la loi.
Par ailleurs, sur des points essentiels et relevant de notre compétence, le texte renvoie à des décrets. Ainsi, c'est par décret que seront déterminées les conditions dans lesquelles les sanctions pourront faire l'objet d'un sursis à exécution mais aussi la procédure de labellisation des outils techniques censés sécuriser nos ordinateurs, base même du nouveau délit – créé par cette loi – de « manquement à l'obligation de surveillance » qui, soit dit au passage, ne répond en rien aux exigences posées par le Conseil constitutionnel d'une « définition claire et précise » des infractions. C'est encore par décret que devront être définies les règles applicables à la procédure et à l'instruction des dossiers devant le collège de la commission de protection des droits de la Haute Autorité.
Nous ne pouvons décemment pas dire que nous avons légiféré, chers collègues ! En effet, le silence de cette loi est porteur en l'occurrence de trop de menaces et d'incertitudes – oserai-je dire de dissimulations ? Vous avez essayé, madame la ministre, de nous rassurer, notamment au moment où nous débattions du grave problème posé par votre choix de couper l'accès à Internet à nombre de nos concitoyens, en nous expliquant que les sanctions seraient prises après réflexion, discussions, mails, lettres et échanges téléphoniques avec les internautes – c'est en tout cas la maigre justification trouvée pour conserver toutes leurs coordonnées téléphoniques dans les fichiers ; bref, vous nous avez assuré que vous feriez du cas par cas.
Sauf que, dans le même temps, vous nous avez répété, ô combien de fois, vos objectifs. Je vous cite : « Nous partons d'une hypothèse de fonctionnement de 10 000 courriels d'avertissement par jour, 3 000 lettres recommandées par jour et 1 000 décisions de suspension par jour ». Ce dispositif est donc bien un dispositif de masse et, comme vous l'avez dit en séance le 30 mars : « bien sûr, le système sera complètement automatisé ». Automatisation et examen au cas par cas ne vont pas ensemble, madame la ministre, c'est le moins que l'on puisse dire !
Nous n'avions d'ailleurs pas besoin de cette confirmation d'une procédure automatique pour savoir qu'il n'y aura pas de cas par cas. Le simple fait que sept « petites mains », comme vous les appelez, madame la ministre, et sept seulement seront affectées à la HADOPI, montre bien à quel point elle ne pourra faire dans la dentelle. Et cela, sans compter les autres missions qui lui ont été confiées au passage : un rapport annuel sur le développement de l'offre légale, ou encore et ce n'est pas rien, une labellisation des sites d'offres légales sur Internet.
Dès lors et compte tenu du fait que, technologiquement parlant, le risque d'erreur est grand, ce dispositif en devient, après nos débats, d'autant plus dangereux. En effet, le caractère manifestement disproportionné de la sanction encourue par les internautes est aggravé par le fait que ces derniers ne pourront bénéficier des garanties procédurales habituelles. Absence de procédure contradictoire, non-prise en compte de la présomption d'innocence, non-respect du principe de l'imputabilité, possibilité de cumuler sanction administrative, sanction pénale et sanction financière sont, nous le rappelons avec force aujourd'hui, autant d'éléments d'irrecevabilité.
D'abord parce que cette loi met en place une présomption de responsabilité – pour ne pas dire de culpabilité – de l'internaute. Ensuite parce que le choix fait par le Gouvernement de faire peser la charge de la preuve sur l'internaute, combiné à l'absence de droit de recours effectif de la part des titulaires de l'accès recevant des messages d'avertissement par voie électronique, ignore ce qu'on appelle tout simplement le droit à une procédure équitable et les droits de la défense.
Or, dans ce texte, les avertissements ou les recommandations ne sont pas de simples rappels de la loi ou d'innocentes mesures pédagogiques comme vous essayez de nous le faire croire. Le mail d'avertissement est en lui-même une étape qui amène à la sanction future. Il devrait donc, au minimum, pouvoir faire l'objet d'une contestation par l'internaute.
Nous avons défendu nombre d'amendements visant, dans la mesure du possible, à limiter sensiblement les effets néfastes de ce texte, ne serait-ce qu'au regard de notre droit. Las, nous n'avons entendu durant des heures que « défavorable », « défavorable », « défavorable »…
Un exemple, qui concerne le téléchargement illégal via des réseaux publics. Vous répétez à l'envi, madame la ministre, qu'il n'est en aucun cas prévu de suspendre les connexions Internet des collectivités territoriales et des entreprises, et pourtant, suite au rejet de notre amendement proposant de l'écrire plutôt que de le dire, aucune stipulation de cet ordre n'apparaît dans le texte.
Rejet aussi de nos amendements proposant que les dispositions de la loi DADVSI soient abrogées. Vous avez présenté, madame la ministre, votre texte comme un dispositif « essentiellement pédagogique qui a vocation, en pratique, à se substituer aux poursuites pénales actuellement encourues par les internautes qui portent atteinte aux droits des créateurs ».
Et pourtant, le fait est qu'il s'agit bel et bien par cette loi d'établir un double régime de sanctions pour le même délit, avec la circonstance aggravante que le choix de requérir l'une ou l'autre ou les deux dépendra des seuls représentants des ayant droit qui pourront en faire l'usage qu'ils voudront. Rien dans la loi, en effet, ne s'oppose à ce qu'un procès en contrefaçon s'ajoute à la riposte dite graduée. La CNIL s'en était d'ailleurs émue en relevant le pouvoir exorbitant donné aux ayant droit, qui auront le choix, pour qualifier juridiquement les faits, entre le manquement, associé à une sanction administrative, et le délit de contrefaçon, associé à une sanction pénale.
Pire : à cette double peine, vous vous êtes entêtée à en ajouter une troisième – ultime provocation –, en obligeant les internautes à continuer de payer leur abonnement à Internet une fois leur service coupé !
Les sénateurs socialistes se sont abstenus sur ce texte à l'issue de la CMP, témoignant ainsi qu'ils avaient pris en compte les arguments développés à l'Assemblée nationale.
L'Assemblée avait fort justement chassé par la porte cette disposition, mais il a fallu que vous la fassiez revenir par la fenêtre, en CMP, et naturellement, dans ce cadre plus feutré, elle a été retenue.
Nous ne nous satisfaisons pas, madame la ministre, d'avoir eu raison il y a trois ans. Nous ne nous satisfaisons pas de devoir à nouveau nous opposer à un texte qui s'inscrit dans la droite ligne de la loi DADVSI. Nous ne nous satisfaisons pas de devoir, dans un an, peut-être deux, faire le même et triste constat : les artistes n'auront pas touché un euro de plus, le contribuable aura financé cette gabegie et vous ou votre successeur n'oserez même pas faire le bilan d'une loi aussi inefficace qu'inutile. Pour toutes ces raisons, je vous invite, chers collègues, à voter cette exception d'irrecevabilité. Elle illustre ce que seront les fondements de notre recours devant le Conseil constitutionnel.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
L'exception d'irrecevabilité vise à démontrer, me semble-t-il, l'irrecevabilité d'un texte au regard de la Constitution ; or ce projet de loi est, en effet, constitutionnellement fragile sur plusieurs points. Il l'est notamment sur la question de la double peine que constitue le cumul de la suspension de l'accès à Internet et du maintien du paiement de l'abonnement. Sur ce point, la loi est dérogatoire par rapport au code de la consommation, et il est probable – mais n'étant pas expert en constitutionnalité, je le dis avec prudence – que le Conseil constitutionnel sanctionnera ici une loi d'exception.
Le groupe Nouveau Centre a également souligné les faiblesses que comportait l'article 5, qui déroge, lui, à la loi pour la confiance dans l'économie numérique et au principe de subsidiarité qu'elle pose en matière de pouvoirs donnés au juge pour faire cesser les délits touchant à la propriété intellectuelle.
Concernant ces deux points, nous alertons une dernière fois le Gouvernement sur la faiblesse juridique des choix qu'il a faits. Cela étant, nous avons eu un débat démocratique et notre rapporteur Franck Riester a défendu les choix de notre assemblée. Même si celle-ci, qui a abouti à radicaliser certains aspects du texte, nous laisse quelque peu amers, nos procédures ont été respectées.
C'est désormais au Conseil constitutionnel de se prononcer. Le groupe Nouveau Centre ne votera donc pas cette exception d'irrecevabilité ; il attend avec sérénité la décision du Conseil.
Le groupe UMP ne votera pas non plus cette exception d'irrecevabilité, ce qui n'est pas une surprise. Nous nous félicitons en effet de l'équilibre auquel nous sommes parvenus sur ce texte, et je rappelle ici à Jean Dionis du Séjour que les positions de l'Assemblée nationale sur la chronologie des médias et sur l'offre légale ont été adoptées par la CMP.
Le projet de loi comporte deux avancées importantes. Il combine en effet de manière équilibrée la prévention et la sanction – l'une n'allant pas sans l'autre – contre le piratage et permet le développement de l'offre légale, notamment grâce aux mesures votées au Sénat sur la musique et les DRM. Je me félicite que, sur ce point, nous soyons parvenus à l'Assemblée à un accord unanime et que nous ayons réussi à faire valoir notre position en CMP.
Ce texte envoie donc un signal fort aux illégaux, que certains défendent ici, ce qui n'est pas le cas des sénateurs socialistes qui ont voté les dispositifs les plus fermes contre les contrevenants.
Il est évidemment essentiel, sur un texte aussi important, que nous prenions la défense de l'exception culturelle et de la création, mais également celle des acteurs légaux du net. Ceux-ci le comprennent bien, comme on a pu le vérifier à l'occasion d'un dîner auquel le rapporteur participait il y a quelques jours en présence de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de ces questions.
…parce que l'après-HADOPI impliquera, pour nous tous, d'oeuvrer à la constitution d'un environnement économique permettant aux acteurs légaux du net – ceux que vous ne défendez pas, chers collègues socialistes, puisque vous défendez les illégaux – de développer l'offre légale, ce qui sera évidemment dans l'intérêt de l'ensemble des internautes, jeunes ou moins jeunes.
Je le précise parce que certains passent leur temps à opposer les jeunes et les moins jeunes, alors que les internautes, ce sont autant les uns que les autres.
L'équilibre auquel nous sommes parvenus est dans l'intérêt d'Internet, dans l'intérêt de la création, et c'est d'ailleurs pour cela que ce texte porte bien son nom.
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
J'observe que notre collègue Lefebvre, comme d'habitude, est le champion de la loi d'après. Il sait bien que chaque fois que nous votons un texte ici, il n'est pas bon. Il nous renvoie donc au texte suivant, qui sera meilleur, semble-t-il.
Nous en prenons note. Là n'est pas le sujet.
Quand on aime les artistes, monsieur Lefebvre, madame la ministre, on baisse la TVA sur le disque, sur le DVD, sur le téléchargement. Pourquoi, sur le téléchargement légal, l'État prendrait-il près de 19 centimes alors que les artistes, auteurs et compositeurs, ne reçoivent que 4 centimes ? Arrêtons donc la démagogie ! Nous savons bien que nous sommes aujourd'hui à la fin d'un cycle, à la fin d'une époque, et que les nouvelles pratiques culturelles nous obligent, les uns et les autres, à sortir de nos cathédrales de certitudes.
Et en tout état de cause, malheureusement, je vais le dire avec une certaine brutalité, nous sommes au début d'une arnaque, d'une injustice. En semant la terreur pour les uns, et la peur pour les autres, on n'apporte pas la solution durable à laquelle tout le monde, je crois, demeure attaché.
Notre proposition de contribution créative commence à entrer dans les esprits,…
…parce que chacun a bien compris qu'elle était la solution durable. Et nous avons été constructifs, tout au long de ce débat, comme Patrick Bloche vient de l'être avec beaucoup de brio. Il a expliqué dans le détail, avec beaucoup de subtilité et de finesse, à quel point ce texte était irrecevable.
Je regrette d'ailleurs que Jean Dionis du Séjour, qui partage ce point de vue, n'ose pas aller jusqu'à voter cette motion. Je suis persuadé que, compte tenu de la démonstration qui vient d'être faite, et de celle qui a pu être faite par M. Dionis du Séjour et par d'autres collègues siégeant sur les bancs de l'UMP, le Conseil constitutionnel saura trouver toutes les injustices, toutes les inégalités fondamentales qui sont contenues dans ce texte.
Celui-ci ne marchera pas. Outre qu'il instaure la triple peine, il comporte énormément d'excès, qui frisent la caricature…
…et sèment des leurres parmi les artistes. À nous de faire en sorte que les consciences s'éveillent.
Ce texte n'étant pas la réponse, il faut que le Conseil constitutionnel en déclare l'irrecevabilité, de façon que nous nous mettions au travail afin d'apporter une vraie solution, qui soit constructive et contribue au mieux à une création artistique respectée, écoutée et foisonnante. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Le groupe GDR votera cette exception d'irrecevabilité, parce que, comme l'a très élégamment dit notre collègue du Nouveau Centre, ce texte est « fragile » du point de vue constitutionnel. Il comporte de nombreuses atteintes à l'égalité devant la loi. Nous le démontrerons dans le recours que nous soumettrons au Conseil constitutionnel.
Et puis, vous êtes toujours en retard sur les réalités. Mais je vois que notre collègue Lefebvre, l'intermittent des séances, est une fois de plus parti. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est toujours comme ça !
Le problème, c'est que vous en êtes encore au téléchargement. Je note d'abord que notre collègue Lefebvre nous dit que certains défendent « les illégaux ». Je ne savais pas qu'il y avait des personnes illégales. Il y a des actes illégaux, mais les personnes, qu'elles en commettent ou pas, ne sont pas illégales.
Vous diabolisez l'adversaire, monsieur Lefebvre. C'est votre méthode, on vous connaît.
Le problème, c'est que ce qui se développe beaucoup aujourd'hui, c'est l'écoute en ligne. Et celle-ci est gratuite. Vous tentez d'opposer constamment l'offre payante et la gratuité, mais ce modèle commence à être quelque peu dépassé. Les choses sont un peu plus complexes que cette opposition primaire. Mais il est vrai que M. Lefebvre, à ce qu'il m'a semblé, a un problème avec le streaming. Il essaierait bien de le remettre en cause.
J'utilise beaucoup le streaming. Avec Deezer, notamment, le streaming est légal.
Quant aux jeunes et aux moins jeunes, monsieur Lefebvre, ce n'est pas nous qui avons tenté de les opposer, c'est Mme la ministre. Hier encore, dans sa réponse à un collègue socialiste, elle accusait l'opposition de faire du « jeunisme ».
Un certain nombre de contrevérités sont constamment martelées, ce qui n'en fait pas des vérités. Ainsi, les sénateurs communistes ont voté contre ce texte et les sénateurs Verts se sont abstenus, après avoir hésité entre le vote contre et l'abstention. Mais aujourd'hui, étant donné les modifications apportées par la CMP, il n'y aura pas de désaccord entre nous.
Ce texte pose un problème de rupture d'égalité devant la loi, et à de nombreuses reprises. Ainsi, certains pourront être sanctionnés par la coupure de leur connexion, d'autres non, et selon des critères qui ne nous ont jamais été exposés. On pourra, en outre, être poursuivi au titre de deux lois, la loi DADVSI et la loi HADOPI. Et contrairement à ce qui a été dit et répété, le recours à la loi DADVSI n'a pas été limité aux seuls internautes qui auraient téléchargé et fait commerce de ces téléchargements de manière illicite.
Quant aux fournisseurs d'accès à Internet, ils ne sont pas du tout prêts, et ils l'ont dit après la première lecture et le vote de ce projet de loi par l'Assemblée nationale, à prendre en charge le coût qu'implique l'application de cette loi. Ils font remarquer que le coût d'une mission d'intérêt général ne doit pas incomber aux opérateurs mais, selon la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000, au budget de l'État. Cela signifie, d'ailleurs, que le budget de la culture sera diminué des 70 à 100 millions d'euros nécessaires aux modifications techniques auxquelles devront procéder les fournisseurs d'accès. Non seulement il faudra que toutes les offres triple play puissent, dans l'avenir, être dégroupées, de manière à ne couper que la connexion Internet, mais même en ce qui concerne les offres triple play actuelles, il faudra faire en sorte que la coupure du canal Internet n'ait pas de conséquence sur les deux autres canaux.
Cette loi ne pourra donc pas être applicable techniquement avant un an ou dix-huit mois, si tant est qu'elle puisse l'être pour ce qui concerne la coupure Internet.
Je crois donc effectivement que, comme dirait notre collègue Dionis du Séjour, elle est plus que « fragile » du point de vue constitutionnel.
En outre, elle n'est pas en phase avec les avancées de la technologie. On ne peut pas faire une loi qui porte sur des aspects technologiques sans prendre en compte l'évolution des technologies. On ne peut pas faire croire qu'il est possible de défendre les propositions que vous défendez sans faire avec la technologie existante.
Ce débat aura eu au moins deux mérites : il aura été un débat citoyen très important, et il aura fait beaucoup rire tous les internautes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 112, alinéa 4, aux termes duquel les conclusions des travaux des commissions mixtes paritaires doivent être rendus publics, les rapports imprimés et distribués.
Or, nous ne disposons des rapports en ligne que depuis hier après-midi, et des rapports imprimés que depuis ce matin, ce qui, pour le coup, est tout à fait surprenant, car la CMP modifie totalement les équilibres auxquels nous étions parvenus.
J'étais déjà très réservé, vous le savez, madame la ministre, sur la philosophie générale de ce texte. Pourquoi ? Parce qu'elle conduit à ce qu'un dispositif juridique imaginé à l'époque de Gutenberg, et adapté à l'écrit, s'applique à un système Internet fondé sur l'initiative, l'intelligence, la variété, la jeunesse, etc. Il est très difficile d'associer les deux. Et nous avons été trop vite, me semble-t-il.
Au moins avions-nous progressé au cours de nos débats. Et je voudrais, à cet égard, saluer notre rapporteur. Au moins avions-nous fait en sorte que les familles qui ne disposeront plus d'Internet ne soient pas exagérément sanctionnées en continuant à devoir payer leur abonnement. Or, en CMP, il y a eu une collusion entre un certain nombre de gens, parmi lesquels, hélas, les sénateurs socialistes. Je ne doute pas de votre honnêteté, chers collègues socialistes, je constate simplement que Mme Tasca et quelques autres…
…se sont ralliés à un système qui aboutit à une sur-sanction. Si Mme Tasca n'était pas là pour défendre cette position, elle l'a inspirée, vous le savez bien.
Cette sur-sanction aboutit à un résultat absurde, comme le montre une simple comparaison avec le service public de l'eau : quand on vous coupe l'eau, vous ne payez plus l'eau.
De même pour le service public de l'électricité : quand on vous coupe l'électricité, vous ne payez plus l'électricité. Mais pour ce qui est du service public d'Internet, vous n'aurez plus Internet, mais vous continuerez à payer Internet.
Et cela concernera des milliers de gens, puisque nous enverrons des milliers de lettres. Il y a là un problème de fond.
Madame la ministre, je crois qu'il faut que nous évoluions. Nous avons encore le temps. Notre rapporteur me soutient, sur cette analyse.
Il ne faut surtout pas que nous tombions dans la caricature. J'entends les jeunes de chez moi. On me dira peut-être que c'est le discours de la jeunesse. Encore une fois, je ne suis pas contre la sanction par principe, mais que disent les jeunes de chez moi ? Ils disent : « Il y a les people, et puis il y a le peuple. Et on a un peu oublié le peuple ». Pardonnez-moi de défendre le peuple dans cette enceinte (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je voudrais dire à Marc Le Fur, et très amicalement, que s'il y a un service public de l'eau et de l'électricité, il n'y a pas de service public de l'Internet. Il y a des fournisseurs d'accès, qui sont dans une logique de marché.
Quand vous achetez une voiture et que vous payez des traites pour rembourser l'emprunt, ce n'est pas parce que votre permis de conduire est suspendu que vous allez tout à coup cesser de payer vos traites. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est exactement la même chose. Je voulais répondre très clairement sur ce point. Il n'y a pas du tout double peine. Outre que, comme nous le savons puisque nous avons déjà eu ce débat, la somme en question est comprise entre 7 et 10 euros, ne pas adopter cette mesure serait pénaliser des fournisseurs d'accès qui n'y sont absolument pour rien. Je pense donc que nous sommes au contraire…
… dans le droit fil du droit. D'ailleurs, au cours du débat de ce matin, les sénateurs socialistes ont approuvé notre position sur ce point.
Madame la ministre, je vous demanderai de bien vouloir conclure. Nos débats ont repris avec du retard, puisque nous avons été obligés de vous attendre.
Mais j'étais au Sénat ! C'est incroyable !
Et d'ailleurs, la remarque de M. Le Fur est parfaitement justifiée au regard de notre règlement. Le débat est clos sur ce sujet. Nous en venons maintenant à la question préalable.
C'est incroyable de couper la ministre de cette façon, monsieur le président !
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à Mme Martine Billard.
Madame la ministre, je voudrais sans détour vous faire part de ma colère devant ce texte de loi que vous avez présomptueusement baptisé « Création sur Internet ». Et je dois dire que l'intervention que vous venez de faire ne modifie pas mon appréciation, parce que payer son abonnement pendant une coupure d'un an, c'est payer 360 euros, ce qui est tout de même une somme importante pour bon nombre de nos concitoyens.
Les grands lobbies et les petits amis qui tournent autour de notre Président de la République ont été servis. Ce n'est ni l'intérêt général, ni l'intérêt des artistes, ni celui de la création.
Les rares amendements votés par notre assemblée, dont certains à l'unanimité contre l'avis de Mme la ministre, ont été méthodiquement écartés par la commission mixte paritaire, rayés de la loi par le simple fait majoritaire d'un soir, en niant les débats qui avaient conduit à leur adoption. Votre passage en force est ressenti par tous les internautes comme un énorme déni de démocratie.
Vous avez rejeté tout amendement, même de bon sens, émanant des deux groupes de l'opposition, du groupe Nouveau Centre, et même de députés du groupe UMP qui se rendent compte du désastre – nous venons à l'instant d'en avoir un exemple. Vous avez même rejeté des amendements qui pouvaient faire consensus et qui avaient été adoptés par les trois commissions saisies.
Pour justifier vos refus, madame la ministre, vous n'avez pas hésité à aligner de véritables bourdes techniques, aujourd'hui immortalisées sur tous les sites, blogs et twitters consacrés au monde de l'Internet, depuis « la preuve par le disque dur » apporté sous le bras à l'HADOPI jusqu'à l'inoubliable « pare-feu du logiciel OpenOffice ».
Or cette loi ne touche pas seulement au droit et à la culture : elle touche aussi à l'informatique et, à cet égard, le moins que l'on puisse dire est que vous avez encore des progrès à faire. Vous avez ainsi offert un divertissement gratuit aux internautes, ce qui n'était peut-être pas votre objectif. Mais le ridicule ne tue pas.
Par ailleurs, vous avez une fâcheuse tendance à incriminer les outils, et non l'usage détourné qui peut en être fait. Ainsi revient régulièrement la tentation d'interdire le peer to peer et de museler Internet.
À l'inverse, je veux saluer le civisme et l'engagement citoyen de centaines d'internautes, dont certains ont découvert pour la première fois, en direct, à quoi ressemblait un débat parlementaire sous une majorité UMP. Je voudrais les remercier chaleureusement pour les éclaircissements, les apports, les précisions, les témoignages qu'ils nous ont envoyés tout au long de ces débats. Une telle participation citoyenne est à l'honneur de la démocratie.
Madame la ministre, vous accusez l'opposition de faire du « jeunisme » en les soutenant. Mais contrairement à votre formule désormais célèbre et reprise de blog en blog, les internautes, ce ne sont pas « cinq gus dans un garage » : 18 millions de citoyens sont connectés.
Avec ce projet de loi, vous portez atteinte au libre usage du Net et à la confidentialité de la vie privée et des communications de ces millions d'utilisateurs, comme l'ont fort justement rappelé des cinéastes et actrices de renom, dans une tribune de presse publiée dans le journal Libération, il y a deux jours.
Pour vous, les artistes qui approuvent intégralement cette loi sans se poser de questions sur la nécessité d'assurer la compatibilité entre droits d'auteur et neutralité de l'Internet sont dans le juste, tandis que ceux qui refusent l'opposition que vous créez entre auteurs et internautes ne peuvent que se laisser entraîner. Vous avez tenu ces propos hier lors des questions au Gouvernement.
Malgré les nombreuses heures que nous avons consacrées à l'examen de ce projet de loi, nous nous retrouvons avec un texte mal écrit, posant de graves problèmes juridiques, tant sur la forme que sur le fond, et aggravé par la commission mixte paritaire.
C'est également un nouveau coup dur pour tout le secteur des logiciels libres, véritable secteur d'innovation de l'économie, qui est une nouvelle fois mis en situation d'insécurité juridique, dans la lignée de la loi DADVSI. Ce secteur pourrait cependant être le garant de la sécurité, de la confidentialité commerciale des connexions sur le réseau informatique, face aux logiciels propriétaires liés à une grande société transnationale nord-américaine bien connue, déjà condamnée en Europe pour abus de position dominante. Madame la ministre, sur ce point, vous n'avez pas choisi le bon camp en servant de la sorte les intérêts d'une multinationale.
Après le fiasco de la loi DADVSI – dont le Parlement attend toujours le bilan qui devait lui être remis dans les dix-huit mois –, vous continuez de courir derrière la chimère du contrôle absolu d'Internet. Vous vous obstinez avec ce que vous appelez « riposte graduée », terme issu du vocabulaire militaire, à imposer une procédure administrative, au lieu d'une procédure judiciaire, et à étendre des mesures conçues pour la lutte anti-terroriste à la défense du droit de propriété sous la forme des droits d'auteur. Si je suis totalement pour la défense de ces derniers, je ne les place pas au même niveau que la lutte contre le terrorisme.
La HADOPI avertira par deux messages électroniques, puis par lettre recommandée, avant de passer à la coupure de la connexion Internet. Le rapporteur a essayé de nous expliquer qu'il ne s'agissait pas de coupure mais de suspension ; il a tout juste fait rire de lui sur Internet. (Sourires.)
La réécriture de la procédure de transaction par notre rapporteur a introduit dans notre droit français une sanction fondée sur « l'engagement de ne plus recommencer ». Curieuse formulation, issue, semble-t-il, de la morale chrétienne ; mais, pour écrire la loi, c'est un petit peu juste.
Il n'en demeure pas moins que le principe de la coupure de connexion a fait l'objet de trois votes défavorables au Parlement européen depuis l'automne dernier et que la « riposte graduée » est un fiasco partout où elle a été adoptée.
Ce n'est pas à coup d'idéologie punitive que l'on peut venir à bout des limites d'une technologie pour la contrôler ! La loi a pour objet de réprimer crimes et délits et d'apporter une réparation aux victimes. Elle ne peut avoir pour unique objectif de faire peur sans constituer une véritable atteinte aux libertés. Or, dans tous les débats, vous avez asséné à plusieurs reprises : « Cette loi a pour objectif de faire peur. »
Avec la loi DADVSI, vous avez voulu faire croire aux auteurs que les DRM – mesures techniques de protection, en français – allaient régler tous les problèmes. Il n'en a rien été. Mais vous n'avez pas voulu abolir de façon pure et simple cette loi.
Vous récidivez avec la loi HADOPI, qui, par bien des aspects, sera totalement inapplicable, Comme vous ne voulez pas que la justice intervienne, il sera impossible de prouver le délit de téléchargement illicite. Vous avez donc été obligés d'inventer la sanction pour manquement à la sécurisation de sa connexion Internet, dont vous confiez la constatation à la HADOPI.
Vous obligez ainsi tous les citoyens de notre pays à sécuriser leur connexion, alors même que l'immense majorité des entreprises et des administrations, qui disposent pourtant de services informatiques, en sont incapables. Vous supposez que tout citoyen français est capable de maîtriser suffisamment l'informatique pour répondre devant la loi du fait que son ordinateur et sa connexion à Internet ne peuvent pas être piratés.
Vous introduisez une labellisation des logiciels de sécurisation qui provoque, de fait, une discrimination à l'encontre du logiciel libre. Ces logiciels, qui devront être installés sur les ordinateurs de tout un chacun, seront, semble-t-il, constamment en liaison avec les fournisseurs d'accès à Internet et ne pourront pas être désactivés sans que la HADOPI en soit immédiatement informée.
Vous créez ainsi le mouchard universel et obligatoire, ce qu'aucun pays n'a osé faire.
Ceux qui avaient choisi la riposte graduée ont reculé, en raison des difficultés techniques, que vous avez constamment niées. Nous l'avons vu dernièrement en Nouvelle-Zélande, pays que Mme la ministre n'avait cessé de nous citer en exemple tout au long de ce débat. Mais la Nouvelle-Zélande a dû arrêter.
Ces difficultés techniques ne concernent pas seulement les logiciels de sécurisation, mais aussi la preuve par l'adresse IP. Nous allons nous retrouver avec un tiers d'innocents – c'est la proportion d'erreurs constatées dans les pays qui ont essayé, comme les États-Unis – qui seront sanctionnés, parce qu'ils n'auront pas été en mesure de maîtriser leur ordinateur et leur connexion Internet. On nage en pleine inversion de la charge de la preuve et de la présomption d'innocence dans un scénario kafkaïen !
Vous introduisez une autre rupture d'égalité devant la loi, puisque les mails d'avertissement et les lettres recommandées ne seront pas envoyés automatiquement lorsqu'il y aura soupçon de téléchargement illicite – M. le rapporteur nous l'a répété à plusieurs reprises. Nous ne savons toujours pas en fonction de quels critères ces avertissements seront envoyés. Ce dispositif est l'expression même de votre volonté de traitement inégalitaire au regard de la loi,
Autre rupture d'égalité devant la loi : les trois millions de Français disposant de connexions non dégroupées ne pourront pas voir suspendu leur accès à Internet, car cela entraînerait de facto la coupure de la télévision et du téléphone, ce qui est contraire à la loi.
Au cours de la discussion dans notre assemblée, nous avions adopté en commission des lois, puis à l'unanimité en séance, certes contre l'avis de Mme la ministre, le principe de non-paiement par l'abonné en cas de suspension de sa connexion. À ce propos, madame la ministre, on ne peut pas comparer la culture et une voiture ! Pour une voiture, c'est un emprunt, non un abonnement.
Las ! La CMP a rétabli la « double peine » proposée par le Sénat. En cas de suspension de leur accès, les internautes devront encore payer leur abonnement.
Par ailleurs, à la suite des travaux de la CMP, il n'y aura pas d'amnistie pour les internautes poursuivis pour téléchargement illégal sans recherche d'avantages commerciaux avant l'entrée en vigueur de la loi. L'amendement de notre collègue Alain Suguenot était pourtant précis : cela ne concernait pas les internautes qui auraient téléchargé en cherchant des avantages commerciaux, en revendant les téléchargements illégaux.
D'autre part, les délais de recours étant différents entre la loi DAVSI et la loi HADOPI, des internautes pourront être poursuivis au titre des deux lois. En sus de la double peine de la coupure et du paiement de l'abonnement suspendu, vous avez ainsi maintenu la possibilité de poursuites au titre de la loi contre la contrefaçon. Nous en arrivons donc à une triple peine.
Les fournisseurs d'accès ont récemment fait savoir, par l'intermédiaire de la Fédération française des télécoms, qu'ils refusaient de payer les pots cassés en finançant la généralisation du dégroupage. Ils considèrent qu'il n'appartient pas aux opérateurs de payer ce coût très lourd – entre 70 et 100 millions d'euros. Ils rappellent que les fameux accords de l'Élysée n'ont jamais prévu de mettre cette dépense à leur charge. Avec le rétablissement du paiement de l'abonnement, en cas de coupure d'Internet, peut-être se montreront-ils plus conciliants.
Vous mettez en cause la neutralité de l'Internet, en vous croyant seuls sur terre avec un Internet limité à notre pays. La France va donc imposer aux moteurs de recherche d'organiser le référencement d'un certain nombre de sites. Dès le lendemain de l'adoption de cet amendement, Google, qui n'est pas le plus petit des moteurs de recherche, récusait cette obligation de référencement de listes blanches introduite par le législateur français.
Depuis quand, dans notre économie de marché, garantie par la Constitution, une administration d'État aurait-elle le pouvoir de dire ce qu'il faut consommer selon les diverses enseignes commerciales ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Voici venu le temps d'un Internet d'État dans un seul pays !
Ce texte va-t-il régler le problème de la rémunération des auteurs ? Non ! Votre vision se limite strictement à l'aspect commercial. Ainsi, vous avez refusé l'amendement que j'ai défendu, visant à faire connaître les licences libres, type Creative commons. Pas plus que celles de la DADVSI, les mesures que vous proposez ne peuvent fonctionner.
Je voudrais exprimer ma colère, madame la ministre, face à l'attitude de nos collègues UMP qui ont fait voler en éclats le difficile consensus sur le droit d'auteur à l'ère numérique, qui avait été obtenu au sein des professions de presse lors de l'examen expéditif en fin de séance par notre assemblée d'un amendement du Gouvernement. Le groupe GDR – nos collègues du groupe SRC avaient eu la même attitude – avait indiqué à Mme la ministre que nous étions prêts à faire confiance si cet amendement respectait bien le Livre Blanc et si les sous-amendements n'allaient pas au-delà.
Vous avez menti à la représentation nationale quant au contenu du sous-amendement de notre collègue Kert, en prétextant qu'il n'était que rédactionnel…
…et en ne prenant pas position, puisque vous vous en remettiez à la sagesse de l'Assemblée. En réalité, ce sous-amendement a fait exploser le consensus. Vous vous êtes privée, de ce fait, d'un vote unanime d'une disposition sur la presse, sur les droits d'auteur sur Internet et vous avez mis le feu à la profession.
Les syndicats de journalistes dénoncent aujourd'hui votre attitude irresponsable, qui n'a consisté qu'à servir les intérêts de quelques patrons de presse en rompant l'équilibre obtenu lors des États généraux de la presse ! Selon eux, vous avez porté un coup d'arrêt aux négociations sur les évolutions multimédias engagées dans ces entreprises de presse. Sous la pression des mêmes éditeurs, la CMP a maintenu la disposition.
Pour conclure, je voudrais dire aux auteurs et aux ayants droit qu'il faut, en effet, défendre le droit d'auteur sous ses deux formes – droit moral, droit commercial. Mais la défense des droits commerciaux du droit d'auteur ne peut passer que par le développement des offres et par la baisse des prix. Tant que les prix seront ce qu'ils sont, qu'ils ne provoqueront aucune amélioration de la rémunération des auteurs mais uniquement celle des intermédiaires par le passage des supports physiques aux chargements en ligne, vous serez obligés de construire des usines à gaz pour essayer de contenir, en vain, le flot d'Internet.
Il est piquant de lire, pas plus tard qu'avant-hier, les propos tenus par le président de la SACEM en personne. Laurent Petitgirard « croit peu dans les effets bénéfiques de la loi en question pour améliorer la rémunération des auteurs et des créateurs ». Pour lui, « l'une des solutions à explorer maintenant est celle de la taxe sur les tuyaux, les fournisseurs d'accès » – ceux-ci étant accusés de profiter indûment de l'offre de musique. J'avais défendu au nom des députés Verts, lors de l'examen de la loi DADVSI, une telle taxe, mais celle-ci avait été refusée par le gouvernement de l'époque sous prétexte qu'elle fragiliserait l'économie des fournisseurs d'accès. Cela n'a pas empêché le Gouvernement de reprendre cette disposition dans la loi sur l'audiovisuel.
Donc, si le plus haut représentant de la SACEM enterre déjà le dispositif HADOPI, notamment parce que « la sanction sera aveugle et faussée », quelle crédibilité pouvons-nous prêter à ce texte de loi sans nous discréditer nous-mêmes ?
Voilà, chers collègues, toutes les raisons pour lesquelles les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine vous invitent à voter la question préalable, car il vaut mieux s'abstenir de légiférer que mal légiférer. Rien ne sert de faire des lois inapplicables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est àM. Arnaud Robinet, pour le groupe UMP.
Je serai bref. Les questions soulevées et les propos tenus par Mme Billard ne nous feront en aucun cas changer d'avis.
Le groupe UMP votera bien sûr contre la question préalable.
Comme l'a dit avec juste raison Mme Billard dans sa défense de la question préalable, il serait sage d'arrêter de légiférer – en l'occurrence d'adopter cette motion –, tant nous légiférons mal.
Nous avons tous conscience que le droit d'auteur s'adaptera tôt ou tard aux défis technologiques auxquels il est confronté. Nous sommes dans une période de transition. Ce qui nous frappe – cela a été dit par plusieurs collègues, y compris de la majorité –, c'est que nous nous apprêtons à voter une loi dont beaucoup disent qu'elle ne sera sans doute pas plus appliquée que la loi DADVSI, et qu'on est déjà en train de penser à l'étape ultérieure.
Madame la ministre, je regrette, au nom de mon groupe, que, dans votre réponse aux excellentes observations de Marc Le Fur, vous ayez comparé la culture à une automobile. Essayons au moins, en cette fin de débat sur le projet de loi « Création et Internet », d'élever nos échanges à la hauteur des défis que nous devons relever ensemble.
Nous vivons une période de transition qui nous confronte au mieux à des paradoxes, mais aussi, sans doute, à des situations totalement inacceptables. Savez-vous, chers collègues, que le groupe PPR, en l'occurrence M. Pinault, propriétaire de l'enseigne FNAC, a décidé de fermer, purement et simplement, la FNAC Bastille, le seul grand disquaire généraliste de l'est parisien – magasin de CD et de DVD qui pourtant ne désemplit pas. Cette fermeture provoquera immanquablement un nombre important de suppressions d'emplois, s'ajoutant à celles qui vont intervenir dans d'autres magasins de la Fnac à Paris et en province. Une telle décision contribue à miner un réseau qui a déjà vu, ces dernières années, disparaître les disquaires indépendants.
Quel paradoxe qu'au moment où vous prétendez soutenir l'offre légale par le biais de ce projet de loi, nouvelle ligne Maginot qui ne fera que retarder un peu plus le traitement de cette question, ce grand magasin emblématique de la place de la Bastille ferme ses portes !
Je vous ai, du reste, interpellée récemment, madame la ministre, …
…pour envisager la possibilité que l'Opéra Bastille offre à la FNAC des locaux disponibles afin de lui permettre d'agrandir ce magasin.
En illustrant ainsi mon propos, je voulais dire que nous approuvons les arguments de Mme Billard et que nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je souhaite revenir sur votre réaction, madame la ministre, sur le maintien du paiement de l'abonnement en cas de coupure de l'accès à Internet. Vous ne pouvez pas le justifier au motif qu'un emprunt pour l'achat d'une voiture est dû même en cas de suspension de permis. La situation n'est pas comparable. Vous avez voulu une législation d'exception, c'est une décision grave mais il faut l'assumer sans se réfugier dans les amalgames ! Bien qu'appartenant à la majorité, je trouve cela choquant.
Je partage certaines analyses de Martine Billard, même si nous avions un désaccord de fond qui s'est exprimé au cours du débat. Nous étions prêts, nous centristes, à soutenir le concept de riposte graduée, car il n'y a pas de meilleur choix en l'état actuel pour gérer le court terme.
Mais, progressivement, le débat s'est durci. Vous n'avez pas voulu nous entendre sur notre proposition d'amende. Puis il y a eu cette CMP catastrophique qui a réinstauré la double peine.
Néanmoins, contrairement au groupe GDR, nous considérons que le débat législatif a eu lieu – même s'il laisse un goût d'amertume, notamment s'agissant des conclusions de la CMP – et qu'il faut savoir arrêter un débat. Nous attendons cependant avec intérêt l'analyse du Conseil constitutionnel. Et, en tout état de cause, la réalité tranchera et conduira les uns et les autres à faire évoluer leurs convictions. Étant donné que le groupe Nouveau Centre partage certaines analyses de Mme Billard, il s'abstiendra sur le vote de la question préalable.
(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Christian Paul, pour quinze minutes.
Je vous invite, chers collègues, à respecter le temps de parole qui vous est imparti pour que nous soyons en mesure d'achever notre débat à la fin de la matinée.
Monsieur le président, nous allons faire le maximum pour exaucer votre voeu, mais pas au détriment de nos échanges !
Méprisant nos débats, ignorant les suppliques de ses propres amis, la majorité votera, sans nul doute, par ignorance ou par conviction – les deux postures cohabitant dans vos rangs – cette loi injustement baptisée Internet et création. En faisant croire que l'on peut durablement acheter les consciences des artistes avec un sachet de caramels, vous faites preuve aussi d'un certain cynisme.
Madame la ministre, je ne doute pas un instant du verdict de nos concitoyens, qui honnissent cette loi avant même qu'elle ne soit adoptée. Je ne doute pas non plus du jugement de l'Histoire. Cette loi sera contournée, rejetée et, finalement, abolie. Et si jamais elle venait à être évaluée, je ne doute pas qu'elle sera jugée dangereuse et terriblement inefficace.
Madame la ministre, malgré ce vote probable, vous avez, une fois encore, perdu la bataille des idées et ce plus encore que votre prédécesseur en 2006. Des millions de citoyens, y compris quand ils ne téléchargent pas – deux Français sur trois – sont hostiles à votre loi. Pas seulement hostiles à une approche répressive et régressive de la culture, que tous vos propos ont, pendant des semaines, illustrée. Nos citoyens détectent que cette loi va à contresens et que vous protégez des modèles archaïques de diffusion de la culture qui font l'impasse sur la nature même de l'Internet : le partage, l'abondance et la gratuité. Oui, la gratuité, madame la ministre, qui n'est pas le vol, la gratuité relative bien sûr, mais la gratuité qui impose de trouver de nouveaux modes de financement de la culture et de rémunération des créateurs.
Nos concitoyens savent bien que cette loi est à contretemps parce que les usages massifs sont là et que vous ne pouvez et ne devez pas les endiguer. Les Français savent également que cette loi est à contre-emploi, car elle ne réglera en rien les difficultés chroniques constatées dans le financement de la création.
La bataille des idées a énormément progressé au sein du Parlement européen. Rappelez-vous : il y a encore quelques mois, on disait que la France était isolée en Europe parce qu'une poignée de mousquetaires à l'Assemblée nationale et « cinq gus dans un garage » – c'est ainsi que l'on nomme la société civile rue de Valois ! – s'opposaient au rouleau compresseur d'une propagande aujourd'hui en panne.
La très grande majorité du Parlement européen, et vous avez tort de ne pas l'entendre, a donné, à plusieurs reprises, un signal éclatant, s'étonnant du peu de respect que marquent vos représailles graduées pour les principes du droit : le droit à un procès équitable, le droit de se défendre ou le droit de comparaître – Patrick Bloche l'a rappelé avec beaucoup de vigueur – devant un juge impartial.
Le débat d'idées a eu lieu aussi au sein de notre propre formation politique. À chaque étape, nous nous sommes interrogés sur la meilleure manière de trouver le juste équilibre, à l'âge numérique, entre les droits des auteurs et les droits du public. Nous avons tranché cette controverse. Les sénateurs socialistes n'ont d'ailleurs pas voté cette loi en commission mixte paritaire.
La bataille d'idées se poursuit – et se poursuivra durant les prochaines semaines – dans la communauté des artistes. Je veux, ce matin, porter la parole de ces artistes qui se sont exprimés ces dernières semaines et qui ont, en quelque sorte, brisé l'omerta avec beaucoup de courage. Permettez-moi de citer la conclusion du très beau texte issu du collectif « Internet, mon amour » : « L'auteur, le créateur, le spectateur a muté » – il n'y a que la ministre de la culture qui ne s'en rende pas compte. « L'oeuvre est regardée, écoutée, partagée comme jamais auparavant. Et c'est pourquoi créateurs et regardeurs ne peuvent être filtrés par une loi obsolète et crétine. Une loi qui asphyxie la création et Internet. »
Je veux également porter la voix des auteurs de la superbe « Lettre ouverte aux spectateurs citoyens » émanant du monde du cinéma.
Je tiens à citer leurs noms : Chantal Akerman, Christophe Honoré, Jean-Pierre Limosin, Zina Modiano, Gaël Morel : réalisateurs. Victoria Abril, Catherine Deneuve, Louis Garrel, Yann Gonzalez, Clotilde Hesme, Chiara Mastroianni : acteurs. Agathe Berman et Paulo Branco, producteurs. Et de nouvelles signatures affluent par dizaines.
Il ne s'agit pas, madame la ministre, d'une poignée d'artistes égarés…
Eh bien, vous le démentirez, car c'est ce que nous avons entendu dire.
Il n'y a pas, et c'est heureux et vital, un front des artistes en faveur de la loi HADOPI. L'omerta, c'est terminé.
S'il en est encore qui succombent pour quelque temps – pas pour longtemps – à votre illusion sécuritaire, beaucoup, en France et ailleurs, – je pense à ces 700 musiciens en Grande-Bretagne – disent combien cette loi se révèle contre nature. La création, éprise de liberté, et la répression organisée sur Internet ne feront jamais bon ménage.
De même, les intimidations ne feront pas taire ces hardis dissidents, de plus en plus nombreux, qui, par vagues successives, bravent des pouvoirs économiques ou corporatifs bien mal inspirés.
Les critiques qui grondent dans le pays – mais que vous n'écoutez pas – auraient pu être d'utiles remontrances. Le droit ne s'écrit pas contre la société et contre les usages de masse. Parfois, il précède la société : ce fut le cas avec l'abolition de la peine de mort. Parfois, il court derrière la vie réelle des peuples. Mais vous, vous décrétez avec cette loi le progrès à l'envers. En légiférant à rebours des usages des Français et des Européens, vous vous êtes enfermée, madame la ministre, dans un compromis impossible, car inéquitable.
Vous êtes dans l'impasse nommée HADOPI.
HADOPI ne sera jamais, madame la ministre, l'outil de l'exception culturelle. L'exception culturelle, c'est considérer que la culture n'est pas une marchandise. Or tout dans votre discours donne à penser – peut-être démentirez-vous – que le mouvement de marchandisation de la culture sur Internet est irréversible et qu'il ne doit tolérer aucune exception. Avec HADOPI, il n'y a plus d'exception culturelle. L'exception culturelle n'est pas seulement un regard différent sur la culture et son statut dans la société, c'est également la recherche de financements exceptionnels, de financements mutualisés et de financements publics, même si ces derniers sont en régression aujourd'hui. HADOPI a balayé la volonté de mettre en avant l'exception culturelle.
HADOPI est dans l'impasse, et vous avec elle. Il faudra des mois, voire des années pour mettre en oeuvre ce texte, forger les boucliers, inventer des parades. Il y faudra des dizaines de millions d'euros, prélevés sur le budget de votre ministère qui est exsangue, au mépris du spectacle vivant aujourd'hui paupérisé, des dizaines de millions d'euros demandés aux opérateurs, alors que ces sommes auraient pu servir à soutenir la musique et le cinéma.
HADOPI est dans l'impasse. HADOPI, peut-être – souhaitons-le –, ne passera pas pour cause de guérilla juridique permanente, de guérilla technologique de tous les instants, et elle a d'ores et déjà commencé, pour contourner, crypter. Si telle est la mission d'un ministre de la culture, vous serez emportée par cette guérilla !
Enfin, n'oublions pas le Conseil constitutionnel, dont le rôle, dans notre République, est de contrôler l'activité normative des pouvoirs publics, y compris lorsque ceux-ci s'affranchissent des principes constitutionnels et des principes fondamentaux de notre droit. Patrick Bloche vous a tout à l'heure adressé à cet égard une éclatante démonstration, que sa voix, j'en suis sûr, portera jusqu'au Palais Royal.
L'après-HADOPI a déjà commencé. Oubliant le détestable climat dans lequel cette loi a été débattue et votée, nous prendrons des initiatives pour soutenir les éditeurs qui veulent véritablement valoriser les oeuvres et pour défendre l'idée qu'Internet doit financer la culture, comme, en 1984 et 1985, un gouvernement mieux inspiré que le vôtre avait permis que la télévision finance le cinéma. Tel est le chemin qu'il faudrait emprunter. La proposition de contribution créative que nous avons défendue à maintes reprises dans cet hémicycle est maintenant soumise au débat public.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce texte fait à notre société une violence insupportable. Il ne fait honneur ni à Beaumarchais, qui n'entendait pas opposer les artistes au public lorsqu'il défendait la conception française du droit d'auteur, ni au pays de grande tradition culturelle et humaniste qu'est la France. Je veux le dire ce matin à cette tribune : le mouvement pour l'abolition d'HADOPI commence aujourd'hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, que j'invite à imiter M. Paul en respectant son temps de parole.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour mettre la touche finale à cette usine à gaz, à cette absurdité législative dictée par les lobbies, qu'est la loi relative à la diffusion et à la création sur Internet.
Tout au long des débats, nous avons été cernés en quelque sorte par les sentinelles muettes, monsieur le rapporteur, et dédaignés par les intermittents de la séance, qui furent nombreux à droite… (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne parle pas de vous, mon cher collègue : vous êtes plutôt un « permittent », puisque vous êtes là ! Tout le monde ne peut pas en dire autant.
Nous voulons donc saluer tous les internautes, sentinelles particulièrement actives qui se sont adressées à nous tous. Vous avez reçu un certain nombre d'e-mails, monsieur le rapporteur, si je ne me trompe. (M. le rapporteur approuve.) Vous les avez lus, mais vous n'en avez malheureusement pas tenu compte : c'est dommage ! Le jeune parlementaire que vous êtes ne sait sans doute pas encore qu'il faut mieux écouter nos concitoyens. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
…mais ce n'est pas du tout dans cet esprit que je m'adresse à lui : je lui dis simplement qu'il devrait profiter de l'expérience des parlementaires plus chevronnés !
Monsieur Mothron, même dans les plaines de la Brie, dont le rapporteur est député, je vous assure que le vent apporte parfois le son de la voix, y compris de celle qui s'exprime par les urnes ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Mais revenons à notre sujet. Nous avons souligné encore et toujours l'absence de volonté gouvernementale de favoriser la création : rien dans ce texte ne concerne la rémunération des artistes, problème essentiel. Malgré nos propositions, l'histoire se répète, car vous légiférez toujours de la même manière : de même que la loi DADVSI n'a pas apporté un centime supplémentaire aux artistes et a échoué à endiguer le phénomène du téléchargement, le texte que vous allez voter – puisque son sort, au moins au moment où nous sommes, semble scellé – ne comporte aucune disposition novatrice permettant de diversifier les modes de financement de la création. Après la loi DADVSI, jugée inopportune par la plupart des professionnels, vous vous apprêtez à mettre en place une nouvelle loi d'exception qui subordonne les libertés publiques et la présomption d'innocence aux impératifs des industries du cinéma et du disque.
Je veux rappeler que nous avons été quelques-uns à ferrailler dans cet hémicycle contre les déclarations du Gouvernement. Nous nous sommes battus contre les constats de départ faussés qui ont motivé l'écriture de cette loi ; en effet, l'hypothèse du lien entre baisse des ventes et téléchargement ne repose sur aucun fondement sérieux ; mieux, des études ont montré que ceux qui téléchargent le plus sont aussi les plus grands consommateurs de biens culturels.
Nous nous sommes battus contre votre conception d'Internet, qu'il faut bien qualifier de réactionnaire et d'obsolète : les internautes qui partagent des fichiers ne sont pas des pirates, encore moins des criminels. Nous avons combattu l'arsenal répressif et inégalitaire du dispositif de la HADOPI : vous inversez la charge de la preuve, vous vous passez du juge, vous instituez une double peine, sinon pire.
Nous nous sommes élevés contre les absurdités techniques qu'impliquent la sécurisation des lignes et le dédain pour le logiciel libre : comment un simple citoyen réussirait-il là ou les professionnels ont échoué ?
Nous avons protesté contre le coût des moyens de contrôle que vous voulez instaurer – plusieurs dizaines de millions d'euros d'investissements compensés par l'État, donc par le contribuable, pour surmonter les obstacles techniques qui empêchent aujourd'hui d'appliquer votre texte sans rupture d'égalité entre citoyens devant la loi.
Enfin, nous nous sommes élevés contre les inexactitudes, les tâtonnements et les approximations qui font de ce projet de loi un texte inutile, inapplicable, coercitif à outrance et contraire au sens de l'histoire.
À l'origine, le droit d'auteur à la française, que vous prétendez défendre ici, a été conçu pour protéger les artistes contre les appétits des marchands.
Or ce texte, sous couvert de défense des droits des auteurs et des droits voisins, accorde en réalité un blanc-seing aux appétits mercantiles des intermédiaires de l'industrie culturelle, au premier rang desquels se trouvent les majors de l'industrie du disque et les gros producteurs de cinéma – dont Pascal Nègre et Marin Karmitz.
Pas vraiment : nous ne nous parlons que dans les prétoires des tribunaux, mais, comme il a bien plus d'argent que moi, cela ne lui coûte pas grand-chose – par rapport à sa fortune, à peine l'épaisseur d'un trait ! Mais ce n'est pas l'objet de notre discussion.
Contrairement à ce que vous martelez pour justifier votre texte, ces industries se portent bien, mais restent arc-boutées sur des modèles économiques surannés et inadaptables, faute de volonté, aux nouveaux modes de diffusion de la culture. Vous faites donc peser sur tous les citoyens la menace d'une mort électronique par coupure de leur accès à Internet, qui peut pourtant constituer un outil de travail indispensable et un moyen d'accès à l'information, à la communication et à l'éducation – droit fondamental, je vous le rappelle, et réaffirmé à trois reprises par le Parlement européen.
Les autres pays qui se sont engagés dans cette voie ont fait machine arrière depuis. Permettez-moi de citer Brigitte Zypries, ministre allemande de la justice : « Je ne pense pas que [la riposte graduée] soit un schéma applicable à l'Allemagne ou même à l'Europe. Empêcher quelqu'un d'accéder à Internet me semble être une sanction complètement déraisonnable. Ce serait hautement problématique d'un point de vue à la fois constitutionnel et politique. Je suis sûre qu'une fois que les premières déconnexions se produiront en France, nous entendrons le tollé jusqu'à Berlin. » Selon les ministres suédoises Lena Adelsohn Liljeroth et Beatrice Ask, chargées respectivement de la culture et de la justice, « la proposition, contenue dans le rapport Renfors, d'autoriser et d'obliger les FAI à couper les abonnements à Internet des internautes dont la connexion a été utilisée de façon répétée pour violer le copyright a été fortement critiquée. Beaucoup ont noté que la coupure d'un abonnement à Internet est une sanction aux effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l'accès à Internet est un droit impératif pour l'intégration sociale. Le gouvernement [suédois] a donc décidé de ne pas suivre cette proposition. Les lois sur le copyright ne doivent pas être utilisées pour défendre de vieux modèles commerciaux ».
Mais vous, vous persistez dans une politique qui isolera la France du reste de l'Union européenne, qui ne fera que diviser les citoyens, qui opposera les artistes à leurs publics et la jeunesse au Gouvernement. Dans un contexte de fracture entre une partie de la population et le pouvoir politique, de crise, de baisse du pouvoir d'achat et de montée du chômage, vous soutenez des majors qui n'ont fait aucun effort pour baisser leurs prix ou pour diversifier leur offre et vous punissez des citoyens qui, à bon droit, partagent de la culture. Ce partage remonte pourtant à la nuit des temps : c'est ainsi que la culture se diffuse et s'enrichit !
Vous entendez punir des citoyens pour n'avoir pas su sécuriser leur ligne. Vous discréditez une fois de plus l'autorité de la justice indépendante en lui substituant une haute autorité. Vous renforcez encore et toujours les pouvoirs du Président, qui, après s'être arrogé le droit de nommer et de révoquer les présidents des chaînes publiques, pourra nommer, par l'intermédiaire du Gouvernement, celui de la HADOPI.
Madame la ministre, s'il me fallait résumer cette loi, je dirais qu'elle se borne à sanctionner plus pour obliger à consommer plus. Pour cette raison, nous nous y opposons farouchement et nous voterons contre, une fois de plus.
Permettez-moi d'exprimer enfin un regret, madame la ministre. Il est des domaines où vous avez su nous entendre : ainsi, vous défendez le cinéma d'art et d'essai, ce qui est tout à votre honneur. J'aurais donc aimé que, s'agissant d'Internet et du téléchargement, vous soyez sensible aux capacités d'innovation des nouvelles technologies, portées par la jeunesse, et qui nous permettent d'avoir une confiance absolue en l'avenir. Il est vrai, chers collègues de la majorité, que ce n'est pas d'avenir que vous êtes porteurs, mais d'un passé dont vous êtes les vestiges ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens d'abord, et malgré nos désaccords, à remercier madame la ministre pour sa disponibilité et celle de son équipe. Les centristes saluent et remercient également les trois rapporteurs, avec une mention spéciale à Franck Riester, qui a toujours défendu les points de vue de notre Assemblée, notamment au sein d'une CMP qui restera de triste mémoire.
Comment permettre aux professionnels de la culture de vivre de leur création dans une société où Internet est devenu le canal de diffusion majeur ? Nous avions déjà essayé de répondre à cette question il y a trois ans, lors de l'examen de la loi DADVSI. Déjà, en 2006, nous cherchions à lutter contre l'ampleur du téléchargement illégal dans notre pays, qui semblait expliquer l'effondrement de certains marchés culturels – notamment celui du CD.
Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est bien que la loi DADVSI n'a pas été à la hauteur – pour le dire plus crûment, qu'elle a été d'une inefficacité flagrante.
C'est donc cette même question de la rémunération de la création à l'heure d'Internet qui a conduit à la signature, le 23 novembre 2007, des accords de l'Élysée. Fondés sur les conclusions du rapport de Denis Olivennes, ceux-ci constituent la colonne vertébrale du projet de loi.
Mais soyons clairs. Les centristes considèrent que la méthode privilégiée pour l'élaboration de ce texte était bonne. Ils se retrouvent également dans les principes fondateurs de la loi : une forte promotion de l'offre légale alliée à l'existence d'un volet dissuasif pour lutter contre le téléchargement illégal.
Notre ligne politique est restée la même depuis 2005 : nous considérons qu'il est indispensable d'élaborer une vision à long terme des modes de consommation des oeuvres culturelles sur Internet tout en reconnaissant la nécessité de prendre des mesures pragmatiques de court terme pour diminuer le téléchargement illégal.
Nos critiques se concentrent donc sur l'insuffisance des dispositions destinées à favoriser l'offre légale des oeuvres sur Internet. Nous sommes profondément convaincus que c'est le streaming, la diffusion de la musique en mode continu, qui fera reculer durablement le téléchargement illégal, et non la riposte graduée, tout utile qu'elle soit à court terme. Nous n'avons d'ailleurs cessé de dénoncer depuis 2005 la cherté de l'offre légale. Aucun effort majeur n'a été fait depuis trois ans pour faire baisser significativement les prix. Un jour, il faudra pourtant bien prendre en compte la spécificité des échanges numériques, caractérisés par un coût de reproduction quasi nul et la persistance d'une qualité intacte, copie après copie.
Les marchés d'avenir que sont le cinéma et la musique numériques ne pourront trouver leur modèle économique qu'en s'élargissant considérablement grâce à des baisses significatives de prix et en s'ouvrant enfin à de nouveaux modèles de consommation des oeuvres comme l'abonnement ou le forfait.
Le groupe Nouveau Centre vous avait soumis un certain nombre d'amendements qui visaient non seulement à rendre l'offre légale plus attractive mais aussi à faire émerger ces nouveaux modèles de consommation des oeuvres culturelles en ligne. On voit d'ailleurs déjà poindre les modèles économiques gagnants. Le spectacle vivant ne s'est jamais aussi bien porté et les systèmes de forfait et d'abonnement permettent aujourd'hui d'avoir accès à des catalogues en streaming toujours plus vastes, tout en permettant la rémunération des ayants droit.
Malheureusement, le texte final reste pauvre pour ce qui est de ce renouvellement du modèle économique de nos industries culturelles. Notre amendement permettant à la HADOPI de saisir l'Autorité de la concurrence a ouvert la possibilité de s'intéresser enfin au fonctionnement effectif de la concurrence dans l'industrie musicale et aux relations contractuelles entre les ayants droit et les diffuseurs, qui sont souvent déséquilibrées. Saisissez-vous donc de cet outil, madame la ministre et mesdames et messieurs les futurs membres de la HADOPI !
Le vent de la révolution numérique se lève mais, comme dit le poète, « il faut tenter de vivre ». À court terme, nous soutenons donc l'existence d'un volet répressif dans la loi.
La riposte graduée est, pour paraphraser bien humblement Churchill, la pire des solutions à l'exception de toutes les autres pour lutter contre un phénomène devenu comportement social de masse. Certes, ce dispositif a des limites : la détection et l'identification des contrevenants seront particulièrement difficiles, elles donneront lieu à de nombreux contentieux et les internautes les mieux renseignés trouveront des voies de contournement. Mais nous considérons, pour utiliser une expression triviale, que nous n'avons actuellement rien de mieux en magasin.
Je le dis à nos collègues de l'opposition : nous pouvons vous rejoindre sur des propositions à long terme, mais il nous semble trop facile de faire l'impasse sur le court terme.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une majorité de députés du Nouveau Centre, à commencer par notre président François Sauvadet, soutient en majorité votre projet de loi, madame la ministre, tout en étant solidaire des nombreuses propositions d'amélioration que nous vous avons faites tout au long des débats.
Monsieur Mathus, chaque famille politique a ses tensions et ses contradictions. Mieux vaut rester discret sur ces questions : à chacun ses problèmes.
Mes collègues m'ont donc chargé de vous faire part, en l'absence de vote solennel, de leur soutien à cette version définitive de ce projet de loi.
Cela dit, à mesure que nos travaux avançaient, un nombre croissant de députés centristes se sont sentis mal à l'aise.
Plusieurs de mes collègues et moi-même continuons de penser que le choix de la coupure de l'accès à Internet comme sanction est entaché de sept péchés capitaux : premièrement, cette coupure sera vécue par une grande partie de nos concitoyens comme une agression symbolique contre l'art de vivre ensemble de notre époque ; deuxièmement, comme l'ont souligné nos collègues socialistes, elle sera longue à mettre en oeuvre – elle ne sera sans doute pas effective avant 2011 – et sera source de contentieux ; troisièmement, elle sera coûteuse – 70 millions d'euros au bas mot ; quatrièmement, elle ne rapportera rien aux créateurs et aux artistes ; cinquièmement, elle sera une source de graves problèmes de sécurité du fait de la coupure de l'accès à la messagerie ; sixièmement, elle isole juridiquement la France ; septièmement, elle impose la constitution d'une liste noire d'internautes contrevenants, accessible à tous les opérateurs, condamnée par la CNIL et l'ARCEP.
Cela fait beaucoup !
Nous qui sommes les héritiers de la démocratie chrétienne, nous les assumons !
Au risque de me répéter, je persiste à penser que l'amende avait une chance de s'enraciner comme une sanction proportionnée. La coupure, quant à elle, sera violemment rejetée par notre jeunesse et par les internautes dans leur ensemble : je prends date avec vous.
Je ne m'abstiendrai pas comme je l'avais prévu, madame la ministre : je voterai contre, après l'incroyable CMP à laquelle j'ai assisté avant-hier.
Qu'elle soit revenue sur un vote unanime de notre assemblée en rétablissant la double peine, alliant coupure et paiement de l'abonnement, heurte mes convictions démocrates. Car l'esprit de nos institutions est bien de laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale.
Que ce rétablissement ait été obtenu au prix d'une coalition improbable, composée de députés et de sénateurs UMP, soutenus par les sénateurs socialistes, …
…ne fait que renforcer notre opposition à cette mesure.
Enfin, que cette disposition, dérogatoire à l'article L.121-84 du code de la consommation, transforme votre texte en une loi d'exception, fragile constitutionnellement, suffit à la rendre inacceptable pour beaucoup d'entre nous.
Si jamais cette disposition échappait à la censure des sages du Palais-Royal – ce qui me paraît peu probable –, elle sera l'objet de contentieux incessants avec les internautes : jamais ils n'accepteront de payer pour un service suspendu !
Nous vous avons proposé la solution de l'amende, vous avez préféré vous en tenir à un produit d'un genre particulier et qui va devenir célèbre : le « pack luxe HADOPI », suspension plus amende !
Trop c'est trop, madame la ministre !
Malgré nos réserves sur la détection des contrevenants et sur l'article 5, nous étions prêts à voter en faveur de la riposte graduée.
Fort de mon expérience de rapporteur de la loi pour la confiance dans l'économie numérique, je vous avais mise en garde contre l'article 5 qui crée une insécurité juridique évidente et constitue une mesure d'exception. Vous avez préféré maintenir ces dispositions qui permettent au juge de déroger au principe de subsidiarité inscrit dans l'article 8 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique. Ainsi possibilité lui est donnée d'ordonner directement des mesures de filtrage pour les contrevenants au code de la propriété intellectuelle alors que cette faculté avait été refusée pour les crimes identifiés comme odieux dans notre code pénal, lors de nos débats sur la LCEN.
Nous n'avions donc pas été entendus et, pourtant, j'étais prêt à m'abstenir. Mais la double peine a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. J'assume donc mon opposition finale à ce texte et déplore ce qui restera pour moi une occasion gâchée.
Madame la ministre, nous sommes un certain nombre à avoir assisté au naufrage législatif de la loi DADVSI. Au fur et à mesure que se durcissaient les débats sur la HADOPI, l'image d'un Titanic législatif s'est à nouveau imposée à nos esprits. Je finirai donc en vous souhaitant bonne chance et bonne route dans la direction de l'Atlantique Nord où vous aurez à éviter de nombreux icebergs dans la mise en oeuvre de la HADOPI. Aujourd'hui, comme sur le Titanic, l'orchestre continue à jouer pour fêter l'adoption de la loi. Pour ma part, je choisis de rester à quai. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de nos débats et je voudrais pour commencer saluer la constance de la ministre, …
…qui, après une loi déjà difficile sur l'audiovisuel, a eu à défendre ce projet de loi. J'aimerais également saluer le travail des rapporteurs, en particulier l'apport remarquable de Franck Riester, qui, de surcroît, nous a permis de mieux découvrir Coulommiers. N'est-ce pas, monsieur Brard ?
Certains ont un peu trop facilement opposé la droite à la gauche, les amoureux des artistes à ceux qui chercheraient à miner leurs intérêts, les jeunes aux moins jeunes. C'est oublier que nous aussi, nous aimons les artistes, que, nous aussi, nous sommes attachés au développement d'Internet, que, nous aussi, nous souhaitons le développement de l'économie numérique.
S'agissant des artistes, nous pourrons toujours nous renvoyer quelques listes à la figure. Je pense à la lettre ouverte récemment publiée dans Libération qui mêlait les signatures de Catherine Deneuve et de Victoria Abril…
…à laquelle je pourrais opposer la liste des 10 000, regroupant de nombreuses personnalités parmi lesquelles Hubert-Félix Thiéfaine ou Bernard Lavilliers, qui ne passent pas pour être de fervents partisans de l'UMP.
Mais arrêtons plutôt d'instrumentaliser les artistes, le débat mérite mieux.
Selon certains, l'UMP ne ferait que soutenir les majors. Mais cet argument de la défense des faibles contre les gros, bien des fois avancé, me paraît facile. Il faut rappeler à cet égard que 99 % des entreprises du secteur de la musique et 95 % de celles du secteur du cinéma sont en fait des PME. Les majors, faute d'influencer nos débats par leur poids, sont sans doute l'arbre qui cache la forêt, ce qui explique qu'on les attaque si facilement.
En matière économique, certains avancent que les modèles en vigueur sont désuets et qu'ils doivent s'adapter. Sans doute, une adaptation est-elle nécessaire du fait du développement d'Internet et de l'économie numérique.
Reste que nul ne peut nier les difficultés des industries du disque qui ont subi une chute de 50 % de leur chiffre d'affaires depuis cinq ans et connu une baisse de 30 % de leurs effectifs. Les faits sont têtus.
Et que n'a-t-on entendu sur l'aspect liberticide de la HADOPI ! À cet égard, il me paraît bon de rappeler que de nombreuses garanties procédurales ont été apportées à son fonctionnement : les sanctions qu'elle peut prononcer, à l'instar d'autres autorités administratives indépendantes, sont soumises au contrôle du juge. De surcroît, la CNIL sera particulièrement vigilante s'agissant des fichiers qui pourraient être constitués et elle sera consultée pour les décrets d'application.
Il m'apparaît également important de revenir sur le caractère progressif du dispositif pédagogique mis en place. Il existe beaucoup d'étapes avant la coupure, à commencer par l'envoi d'un mail et l'envoi d'un recommandé en cas de récidive dans un délai de six mois.
Si je fais cette mise au point, c'est que de nombreuses dispositions de la loi ont été travesties jusqu'à la caricature.
M. Dionis du Séjour est allé jusqu'à évoquer un naufrage digne du Titanic à propos de la loi DADVSI. Il faut bien voir que ses dispositions continueront de s'appliquer pour ce qui est de la contrefaçon, avec des plafonds de 300 000 euros et de trois ans d'emprisonnement. Pour des faits que nous ne considérons en rien comme criminels, comme vous tentez de le laisser croire, c'est la loi HADOPI qui s'appliquera.
Il est faux de dire que nous chercherions à stigmatiser une partie de la population. Nous savons que certains se plaisent à colporter l'image d'une droite ringarde, ne comprenant rien à la jeunesse. Mais ils oublient d'abord que les internautes se trouvent aussi parmi les moins jeunes. Je connais nombre de quadragénaires, de quinquagénaires, voire d'octogénaires, qui pianotent allégrement et qui téléchargent en toute légalité. Cessons d'opposer une catégorie de la population à une autre.
Rappelons cependant que le téléchargement illégal constitue une forme de spoliation et donc de vol. C'est un peu la même chose que d'aller à la FNAC ou ailleurs voler un livre.
Il faut donc prendre conscience que le piratage constitue une forme de spoliation. Le téléchargement, quand il est illégal, doit être sanctionné, ce qui ne remet pas en cause la possibilité de gratuité – et un certain nombre de sites sont là pour en témoigner.
Ce processus pédagogique et progressif n'est pas attentatoire aux libertés fondamentales.
On nous a dit que l'Europe allait nous sanctionner et qu'elle nous regardait déjà d'un oeil un peu curieux. Certains ont évoqué le rapport d'un député grec, mais ce n'est qu'un rapport. Quant à l'amendement n° 138 , je rappelle qu'il n'a pas été retenu par le Parlement européen. Et quand bien même l'accès à Internet serait considéré dans quelques années comme un droit fondamental – comme d'ailleurs aurait dû l'être l'accès à l'eau à Istanbul –, il devrait toujours être concilié avec d'autres droits, d'autres libertés et nul ne pourrait l'invoquer pour violer ces autres droits et libertés. La liberté d'aller et de venir n'a jamais fait obstacle à des règles nécessaires à la sécurité des frontières. Et, vous le savez, la Cour de justice des communautés européennes, comme nos juridictions nationales, souligne que les droits doivent être conciliés. Du reste, le Conseil constitutionnel ne fait pas autre chose.
Tels sont les quelques éléments de réponse que je voulais vous donner pour essayer d'apaiser les craintes des uns et des autres.
En conclusion, je rappellerai que nous n'avons pas la prétention de régler de manière définitive la question du téléchargement. Les technologies évoluent, elles s'adaptent, parfois beaucoup plus vite que nous le faisons nous-mêmes. Le principe d'inadaptabilité ne me paraît pas sain. Et si l'on parle de continuité des services publics, on parle aussi de leur mutabilité. La loi doit aussi savoir s'adapter.
Sans doute le modèle économique va-t-il évoluer. À cet égard, je crois que le streaming, que l'on a beaucoup évoqué et qui est en plein essor, se développera encore fortement dans les années à venir.
J'attends aussi le développement substantiel des catalogues, de l'offre légale, qui doit être accessible, ce qui suppose que les prix baissent de façon importante.
Avec ce texte, nous avons un ensemble cohérent, à la fois pédagogique et progressif, respectueux des libertés quoi qu'on en dise, et qui a évité toute caricature. Parallèlement, nous attendons le développement de l'offre et la diminution des prix. Par ailleurs, j'espère, comme l'ensemble de mes collègues du groupe UMP, que la France gardera une longueur d'avance dans le développement d'Internet – notre pays compte plus de 18 millions d'internautes. Nous faisons partie des champions du monde, toutes proportions gardées. Le plan numérique 2012 est en train de se mettre en place. De nombreux départements, et je pense à celui de la Manche, ont pris une longueur d'avance. Mais il n'est pas question d'opposer les uns aux autres.
Le groupe UMP votera ce projet de loi qui nous paraît empreint de sagesse et de réalisme, tout en reconnaissant sa modestie. C'est le texte qu'il nous faut pour la situation présente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture.
Au terme de ce débat, je tiens à remercier à nouveau les rapporteurs...
..M. Franck Riester, M. Bernard Gérard et Mme Muriel Marland-Militello, qui ont fait un travail considérable et très fécond.
Je remercie également le président de la commission des lois, M. Warsmann, les membres du groupe UMP pour leur soutien ainsi que tous ceux qui ont animé ces débats de leur passion.
Cette loi très attendue a suscité une très grande mobilisation.
Bien sûr, on pourrait citer les personnalités qui ont pu exprimer leur désaccord avec ce projet il y a quelques jours, mais on peut aussi parler des 10 000 signataires qui soutiennent cette loi,...
Pas du tout !
..des vingt-sept cinéastes de premier plan qui se sont fortement engagés, notamment Bertrand Tavernier, ou encore des indépendants européens, réunis dans le groupe Impala – ils sont 4 000.
Je le répète, cette loi est faite non seulement pour les majors mais aussi pour les indépendants, pour toutes ces PME de moins de vingt salariés qui sont touchées par le téléchargement illégal.
Nous sommes actuellement submergés de soutiens...
..d'associations professionnelles de créateurs de tous les pays européens – on pourra les consulter en ligne.
Je rappellerai aussi que le très célèbre cinéaste Steven Soderbergh a évoqué notre loi devant le Congrès américain pas plus tard qu'hier. C'est la première fois, je crois, qu'un grand cinéaste américain mentionne notre projet de loi favorisant la protection de la création sur Internet, décrivant cette approche comme des plus prometteuses et soulignant que les cinéastes français avaient été aux avant-postes dans la défense de cette loi, ce qui me semble plutôt significatif.
Je veux aussi remercier le Parlement. Je pense que ce projet de loi a été enrichi par tous les débats. Il arrivait au terme d'un processus très particulier, puisqu'il s'agissait d'accords interprofessionnels, y compris avec les fournisseurs d'accès à Internet, ce qui a constitué une force. Finalement, toute une économie en deux parties avait été proposée : d'un côté le développement de l'offre légale, de l'autre un processus pédagogique, ce qui permettait d'aboutir à une loi équilibrée faisant la juste part à ces deux aspects.
Le Sénat et l'Assemblée nationale ont permis d'enrichir l'offre légale, avec la suppression des DRM et une chronologie des médias plus précise et plus attractive. C'est en luttant contre le piratage que l'on créera les conditions du développement de l'offre légale, et c'est ce qui se passe actuellement. Nous aimons tous Internet, mais nous souhaitons qu'il soit légal et civilisé.
Le Parlement a permis aussi de renforcer les garanties d'indépendance de la Haute Autorité et les garanties des abonnés avec la possibilité de dialoguer au stade de l'avertissement.
S'agissant du statut d'éditeur de presse en ligne et des droits d'auteur des journalistes, les états généraux de la presse ont eu lieu au début de l'année 2009. Grâce à votre assemblée, les éditeurs de presse en ligne peuvent désormais bénéficier des mêmes droits que les éditeurs de presse papier.
Je crois que la position retenue sur le droit d'auteur est bonne. J'avais cependant émis des réserves sur un amendement qui a été voté et qui dispose que la collaboration entre les journalistes et les éditeurs est réputée porter sur l'ensemble des supports. C'est en raison de ce seul point que les sénateurs socialistes se sont abstenus.
Ils ont indiqué clairement ce matin qu'ils approuvaient la loi dans toutes ses intentions, à l'exception de ce point. J'ajoute que les sénateurs du groupe communiste et Verts se sont abstenus.
Nous sommes parvenus à une loi pédagogique et équilibrée que j'ai portée avec modestie parce que nous savons bien que ce secteur évolue beaucoup et qu'il faudra constamment adapter les choses. J'ai le sentiment que l'on crée, grâce à cette loi, un cadre juridique intéressant, mais aussi un cadre psychologique porteur du message selon lequel les créateurs, les artistes, les cinéastes, les musiciens ont le droit d'être rémunérés pour ce qu'il font. Il est important de dire à tous nos concitoyens, et notamment à tous les jeunes, que, s'il ne leur semble pas très grave de télécharger illégalement tel ou tel morceau de musique, cet acte n'est pas anodin puisqu'il produit des catastrophes en amont dans la profession.
En conclusion, ce texte équilibré représente un beau signal pour la culture et la création. Chaque jour, nous pouvons remarquer que ce texte est observé par nos partenaires européens et même outre-Atlantique, ce qui est très encourageant. Merci à tous d'avoir contribué à son élaboration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble du projet de loi est rejeté.)
(Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se lèvent et applaudissent.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite du projet de loi pour le développement économique des outre-mer.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma