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Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 9 avril 2009 à 9h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2009 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictorin Lurel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce deuxième collectif budgétaire pour 2009 a été l'occasion pour le Gouvernement de traduire un de ses engagements essentiels pour la sortie de crise en outre-mer, et plus particulièrement en Guadeloupe : le financement d'un revenu supplémentaire temporaire d'activité ou RSTA, qui permet, en pratique, d'apporter cent des deux cents euros réclamés par les salariés afin d'améliorer leur pouvoir d'achat.

Je tiens à me réjouir à la tribune de cet hémicycle, de la réponse donnée à cette légitime revendication des travailleurs d'outre-mer grâce à l'accord dit « accord Jacques Bino ».

Après avoir lu les débats parlementaires portant sur cette ouverture de crédit, je crois cependant utile de vous apporter quelques précisions sur les modalités de cet accord, car il a donné lieu à quelques confusions.

Sur les deux cents euros obtenus par les salariés percevant jusqu'à 1,4 SMIC, cent proviennent directement de l'État via le RSTA dont nous entérinons aujourd'hui le financement ; cinquante euros proviennent des collectivités locales – vingt-cinq pour la région que j'ai l'honneur de présider, vingt-cinq pour le département – ; enfin, cinquante euros sont directement apportés par les entreprises signataires de l'accord, qui, je vous le rappelle, n'est que temporaire.

En effet, l'intervention des collectivités, qui a été indispensable pour parvenir à un accord – le contre-exemple réunionnais est là pour le rappeler –, prendra fin dans un an. Je précise que la seule région Guadeloupe a déboursé pas moins de 50 millions d'euros pour contribuer à la sortie de crise, dont 34 millions pour les salaires et autres allocations.

Le RSTA, donc le versement de ces cent euros, est également temporaire, puisque le RSA de droit commun prendra le relais dans trois ans. Ainsi, le problème réside bien dans la clause dite de convertibilité de l'accord, prévu dans son article 5, à savoir la prise en charge intégrale de ces deux cents euros par les entreprises d'ici à trois ans. C'est en rapport avec cette problématique que le fameux « bonus déchargé », ou désocialisé, prévu à l'article 1er C de la LODEOM, que nous sommes en train d'examiner, et l'extension des exonérations de charges, prévue dans ce même texte, trouvent leur intérêt. Il convient en effet de se projeter dans quelques années, afin de savoir comment les entreprises pourront supporter seules cette augmentation, à supposer qu'elles en aient l'obligation juridique, ce qui est l'objet du débat sur l'extension de l'article 5 de l'accord Jacques Bino.

Pour en revenir au RSTA, je ferai deux remarques.

Tout d'abord, je me félicite que les crédits qui y sont consacrés – 233 millions d'euros pour cette année et 280 millions en année pleine – ne soient pas gagés par des annulations. Il convient de saluer cette exception à la jurisprudence budgétaire du Gouvernement, car nous avions été blessés d'apprendre que les ouvertures de crédits exceptionnelles destinées à faire face aux conséquences du cyclone Dean aux Antilles avaient été gagées par l'annulation de crédits d'intervention du budget de l'outre-mer.

Par ailleurs, quel dommage que les parlementaires ultramarins ne soient jamais écoutés ! En effet, le 6 octobre dernier, dans cet hémicycle, nous avions tous attiré votre attention sur la nécessité d'appliquer immédiatement le RSA outre-mer, proposant une application adaptée aux DOM. Or, pour des raisons uniquement budgétaires, non avouées à l'époque, vous avez renvoyé cette application à 2011, au prétexte de quelques difficultés techniques. Ainsi, le Gouvernement a dû céder à la rue ce qu'il avait refusé aux représentants du peuple. C'est incontestablement une mauvaise politique, qui donne des gages aux mouvements radicaux.

Enfin, au moins quatre autres mesures de sortie de crise devraient figurer dans ce texte. Or je m'étonne – comme, je crois, que les autres membres de notre commission – qu'une seule d'entre elles, l'abondement des crédits du Fonds exceptionnel d'investissement – 50 millions en AE et 10 millions en CP – soit effectivement adoptée aujourd'hui. Ce fonds, dont nous allons enfin voter la création ce soir, correspond à une demande forte des élus locaux, puisqu'il est destiné à résoudre, en partie, les problèmes posés par la faiblesse des investissements outre-mer, alors que les retards sont particulièrement importants.

Je rappelle qu'outre-mer, 80 % de l'investissement public proviennent des collectivités locales, que les crédits d'intervention étatiques ont diminué de 60 % depuis 2002 et que les crédits européens, essentiels pour les régions ultrapériphériques, sont désormais fléchés. Aussi les investissements productifs défiscalisés, fussent-ils en réalité de l'argent des « riches », nous sont-ils particulièrement utiles. Les résultats du plafonnement de la défiscalisation, avec le risque d'éviction dû au déplafonnement du « Malraux », devront donc être mesurés précisément d'ici à quelques années.

Je me félicite qu'au total, après ce collectif, 165 millions d'euros en AE et 51 millions en CP soient disponibles pour les investissements publics outre-mer. Mais je dois vous dire que les chantiers tardent. De plus, j'aurais souhaité être assuré – et j'espère que Bercy et le MEDETOM pourront régulièrement nous tenir informés – que l'équivalent des sommes économisées par le plafonnement de la défiscalisation sera réinjecté en crédits de paiement dans ce fonds.

J'en viens maintenant aux trois points manquants dans ce texte, en espérant que le ministre pourra nous éclairer.

Le premier d'entre eux est relatif à la révision en cours dans la LODEOM de l'article 165 de la dernière loi de finances, qui, je vous le rappelle, instaurait la dégressivité des exonérations de charges outre-mer. L'économie de 135 millions réalisée à cette occasion est en train d'être revue à la baisse, puisque le Premier ministre a annoncé, le 26 février dernier, que le seuil de la dégressivité serait rehaussé à 2,5 SMIC, ce qui représente une enveloppe supplémentaire d'environ 70 millions d'euros de CP de compensation aux organismes de sécurité sociale, au titre des exonérations de charges outre-mer.

Or je m'étonne que les dispositions de la LODEOM ne trouvent pas leur traduction budgétaire dans ce collectif. En effet, nous aurions dû dégager environ 70 millions de CP pour abonder l'action « Abaissement du coût du travail » de la mission « Outre-mer ». À ce propos, je rappelle que, fin 2008, le MEDETOM restait débiteur de 896 millions à la sécurité sociale. Il ne faudrait pas que l'extension, même très limitée, du régime d'exonération de charges creuse cette dette ou, ce que je crains, qu'elle soit in fine compensée par des annulations de crédits sur un autre programme de la mission « Outre-mer ». J'attends, monsieur le ministre, vos explications.

Deuxième point : la revalorisation des allocations logement outre-mer. Longtemps promis, et enfin annoncé, pour contribuer à régler la grave crise sociale aux Antilles, cet alignement des aides aux logements ne me semble toujours pas budgété, ni sur le budget du logement ni sur celui de l'outre-mer. Où sont donc, monsieur le ministre, ces 34 millions de CP, dont votre collègue chargé de l'outre-mer nous assure qu'ils existent ?

Enfin, le secrétaire d'État à l'outre-mer s'est engagé, pour sortir de la crise, à doubler les effectifs du Service militaire adapté. Cette dépense supplémentaire d'environ 40 millions devrait, là encore, se retrouver dans ce collectif. Or, à ma connaissance, elle n'y a pas été inscrite. Pourriez-vous nous rassurer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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