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Intervention de Christian Paul

Réunion du 9 avril 2009 à 9h30
Protection de la création sur internet — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Monsieur le président, nous allons faire le maximum pour exaucer votre voeu, mais pas au détriment de nos échanges !

Méprisant nos débats, ignorant les suppliques de ses propres amis, la majorité votera, sans nul doute, par ignorance ou par conviction – les deux postures cohabitant dans vos rangs – cette loi injustement baptisée Internet et création. En faisant croire que l'on peut durablement acheter les consciences des artistes avec un sachet de caramels, vous faites preuve aussi d'un certain cynisme.

Madame la ministre, je ne doute pas un instant du verdict de nos concitoyens, qui honnissent cette loi avant même qu'elle ne soit adoptée. Je ne doute pas non plus du jugement de l'Histoire. Cette loi sera contournée, rejetée et, finalement, abolie. Et si jamais elle venait à être évaluée, je ne doute pas qu'elle sera jugée dangereuse et terriblement inefficace.

Madame la ministre, malgré ce vote probable, vous avez, une fois encore, perdu la bataille des idées et ce plus encore que votre prédécesseur en 2006. Des millions de citoyens, y compris quand ils ne téléchargent pas – deux Français sur trois – sont hostiles à votre loi. Pas seulement hostiles à une approche répressive et régressive de la culture, que tous vos propos ont, pendant des semaines, illustrée. Nos citoyens détectent que cette loi va à contresens et que vous protégez des modèles archaïques de diffusion de la culture qui font l'impasse sur la nature même de l'Internet : le partage, l'abondance et la gratuité. Oui, la gratuité, madame la ministre, qui n'est pas le vol, la gratuité relative bien sûr, mais la gratuité qui impose de trouver de nouveaux modes de financement de la culture et de rémunération des créateurs.

Nos concitoyens savent bien que cette loi est à contretemps parce que les usages massifs sont là et que vous ne pouvez et ne devez pas les endiguer. Les Français savent également que cette loi est à contre-emploi, car elle ne réglera en rien les difficultés chroniques constatées dans le financement de la création.

La bataille des idées a énormément progressé au sein du Parlement européen. Rappelez-vous : il y a encore quelques mois, on disait que la France était isolée en Europe parce qu'une poignée de mousquetaires à l'Assemblée nationale et « cinq gus dans un garage » – c'est ainsi que l'on nomme la société civile rue de Valois ! – s'opposaient au rouleau compresseur d'une propagande aujourd'hui en panne.

La très grande majorité du Parlement européen, et vous avez tort de ne pas l'entendre, a donné, à plusieurs reprises, un signal éclatant, s'étonnant du peu de respect que marquent vos représailles graduées pour les principes du droit : le droit à un procès équitable, le droit de se défendre ou le droit de comparaître – Patrick Bloche l'a rappelé avec beaucoup de vigueur – devant un juge impartial.

Le débat d'idées a eu lieu aussi au sein de notre propre formation politique. À chaque étape, nous nous sommes interrogés sur la meilleure manière de trouver le juste équilibre, à l'âge numérique, entre les droits des auteurs et les droits du public. Nous avons tranché cette controverse. Les sénateurs socialistes n'ont d'ailleurs pas voté cette loi en commission mixte paritaire.

La bataille d'idées se poursuit – et se poursuivra durant les prochaines semaines – dans la communauté des artistes. Je veux, ce matin, porter la parole de ces artistes qui se sont exprimés ces dernières semaines et qui ont, en quelque sorte, brisé l'omerta avec beaucoup de courage. Permettez-moi de citer la conclusion du très beau texte issu du collectif « Internet, mon amour » : « L'auteur, le créateur, le spectateur a muté » – il n'y a que la ministre de la culture qui ne s'en rende pas compte. « L'oeuvre est regardée, écoutée, partagée comme jamais auparavant. Et c'est pourquoi créateurs et regardeurs ne peuvent être filtrés par une loi obsolète et crétine. Une loi qui asphyxie la création et Internet. »

Je veux également porter la voix des auteurs de la superbe « Lettre ouverte aux spectateurs citoyens » émanant du monde du cinéma.

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