Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, sur ce quatrième collectif budgétaire qui nous est soumis en quatre mois, je voudrais examiner trois questions. D'abord, les mesures de relance mises en oeuvre par le Gouvernement sont-elles à la hauteur de la récession ? Ensuite, la répartition des efforts est-elle équitable, dans cette situation difficile ? Enfin, les mesures de moralisation des rémunérations introduites notamment dans le nouvel article 11 sont-elles à la mesure des dérives observées ?
Les mesures de relance sont-elle suffisantes ? Je ne reviens pas sur vos déclarations ou celles de M. Fillon à l'été 2008 : vous affirmiez que l'économie n'était pas en récession, alors même que depuis janvier 2008 le pouvoir d'achat par tête, ou par unité de consommation pour utiliser le terme des statisticiens, commençait à baisser, de même que la consommation par tête.
En janvier dernier, au moment où vous présentiez au Parlement votre plan de relance, le premier collectif budgétaire, la Commission européenne et le FMI alertaient tous les pays sur le fait que la récession était là et prévoyaient pour la France une diminution du PIB de l'ordre de 1,8 % ou 1,9%. Vous avez néanmoins construit votre plan de relance sur une prévision de croissance de 0,2 % à 0,5 %.
En mars, furent connus les chiffres du dernier trimestre 2008 traduisant un effondrement de la demande. Vous avez alors révisé votre prévision, dans le cadre de ce collectif, en retenant comme hypothèse une diminution de 1,5 % – notons qu'à ce moment déjà l'INSEE, entre autres, estime qu'à la mi-2009, la baisse de croissance sera proche des 3 %. Alors même que passer d'une prévision de plus 0,5 % à moins 1,5 % représente une révision considérable, de 2 %, vous ne changez quasiment rien au plan de relance budgétaire. Vous vous contentez de supprimer les deuxième et troisième tiers provisionnel, ce qui représente 1,1 milliard en faveur de six millions de ménages, alors qu'il aurait fallu, comme les socialistes le disent depuis longtemps et l'ont proposé dans leur plan de relance en janvier, prendre des mesures massives à la fois sur le pouvoir d'achat et sur l'emploi.
Alors que les destructions d'emploi sont dramatiques – 90 000 chômeurs supplémentaires par mois cela ne s'est jamais vu depuis que la statistique a été crée à la fin de la deuxième guerre mondiale – vous ne prenez quasiment aucune mesure importante pour l'emploi dans ce collectif. Il faut prendre des mesures fortes en faveur de l'emploi pour éviter une telle situation, et pour maintenir le lien entre le salarié et l'entreprise. Vous avez bien pris quelques-unes sur le chômage partiel, mais dans la situation actuelle, il en faut de bien plus importantes. Vous avez mentionné les stabilisateurs automatiques, monsieur le ministre. Dans une récession, c'est la diminution de la durée du travail et celle des heures supplémentaires qui permettent le mieux aux entreprises d'amortir le choc et aux salariés d'ajuster leur temps de travail. D'ailleurs certaines entreprises qui, avec votre dispositif absurde des heures supplémentaires, étaient passées aux quarante heures sont revenues aux trente-cinq heures. Mais vous entravez ce genre de souplesse en ne supprimant pas le dispositif lui-même.
La crise risque d'être longue, car, d'expérience, il est difficile de sortir des crises bancaires. Dans ce cas, le danger est de ne pas prendre des mesures à la hauteur des enjeux. L'exemple typique en est le Japon, qui est resté en quasi-dépression pendant dix ans malgré neuf relances successives, mais des relances budgétaires toujours trop faibles, et qui ont conduit à gaspiller des crédits dans des dépenses pour les infrastructures. À l'époque, on a beaucoup critiqué le fait que ces plans de relance ne portaient que sur les infrastructures ; vous ferez vous-même le parallèle. Je ne dis pas qu'il ne faut pas les faire, mais il faut les adapter. Avec ces petites mesures successives, vous risquez de laisser le déficit se creuser de façon passive, sans relancer l'économie.
Second point : les efforts sont-ils équitablement répartis et peut-on parler de solidarité nationale quand les bénéficiaires du bouclier fiscal sont en fait exonérés de toute hausse de la fiscalité ? La question a été soulevée lors de l'instauration de la taxe assise sur les revenus du patrimoine pour financer le RSA. Elle a surgi de nouveau dans le débat sur le collectif, car un certain nombre de nos collègues, à gauche, mais aussi à droite, ont le sentiment que le bouclier fiscal est profondément injuste. Les deux tiers des sommes restituées à ce titre concernent des contribuables qui ont un patrimoine supérieur à 15 millions et des revenus annuels de plus de 452 000 euros. Chacun d'eux reçoit un chèque de 368 000 euros. Il y a bien des contribuables modestes parmi les bénéficiaires du bouclier fiscal, mais ils ne se partagent que 1 % des sommes restituées. Et avec, pour 2008, l'inclusion de la CSG dans les revenus pris en compte et le passage du bouclier fiscal à 50 %, ce pourcentage est encore moindre. De toute façon, pour les contribuables modestes, l'administration fiscale réglait déjà ce type de problème sur présentation d'une demande de remise gracieuse.