SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE
SOMMAIREPrésidence de M. Bernard Accoyer
Projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé
M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales
Motion de rejet préalable
M. Jean MallotPrésidence de Mme Élisabeth Guigou
M. Francis Vercamer,M. Alain Joyandet,M. Alain Vidalies,Mme Jacqueline FraysseMotion de renvoi en commission
M. François de RugyM. Alain Joyandet,M. Michel Issindou,Mme Jacqueline FraysseDiscussion générale
M. Francis Vercamer
M. Alain Joyandet
Mme Catherine Lemorton
Mme Jacqueline Fraysse
M. Bernard Perrut
Mme Marie-Françoise Clergeau
M. Daniel Garrigue
Mme Dominique Orliac
M. Michel Liebgott
Rappel au règlement
M. Jean Mallot
Reprise de la discussion
M. Gérard Bapt
Mme Laurence Dumont
M. Simon Renucci
M. Xavier Bertrand, ministre
2. Ordre du jour de la prochaine séance
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, ce moment est un peu particulier puisque, pour la première fois depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale en 1996, nous sommes amenés à examiner un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Je vous demande de bien vouloir excuser l'absence de François Baroin,…
…qui, en ce moment même, est retenu au Sénat pour l'examen du projet de loi de révision constitutionnelle.
Nous avons choisi l'outil juridique du PLFRSS pour instaurer une prime dans les entreprises qui versent des dividendes en augmentation, car cette prime sera exonérée de cotisations sociales – même si elle apporte des recettes nouvelles à la sécurité sociale grâce à la CSG, à la CRDS et au forfait social. Or, vous le savez puisque vous avez adopté en première lecture il y a quelques semaines le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, le Gouvernement est très attaché à ce que les dispositions affectant les recettes de la sécurité sociale trouvent leur place dans des lois de financement.
Notre engagement à ce que notre réforme s'applique dès 2011, j'y insiste, nous a donc conduits à faire le choix du PLFRSS sans attendre le PLFSS pour 2012.
Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 s'inscrit pleinement dans la politique de revalorisation du travail que nous menons depuis 2007, conformément à l'engagement pris par le Président de la République devant les Français. Il traduit en une mesure concrète et simple l'exigence de partage de la valeur ajoutée portée par le Président de la République et le Gouvernement.
Le capital comme le travail sont tous deux indispensables à la bonne marche de l'entreprise. Il est légitime qu'ils reçoivent tous deux la juste rétribution de leur indispensable apport au développement de l'entreprise. Donner une prime aux salariés quand l'entreprise réussit, à côté du dividende versé aux actionnaires, c'est la justice et c'est l'équité. C'est la récompense de l'apport de tous à la richesse créée.
Il y a deux ans, au moment où notre pays traversait, comme le reste du monde, une crise d'une ampleur inédite, le Président de la République a soulevé la question d'une meilleure répartition des fruits de l'effort collectif. À l'issue du sommet social du 18 février 2009, il a demandé à M. Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE, d'établir, en lien avec les organisations syndicales et patronales, un rapport sur le partage de la valeur ajoutée, le partage des profits et les écarts de rémunérations en France. Sur la base de ce document, le Président de la République a ensuite souhaité que les organisations patronales et syndicales ouvrent des discussions sur la question du partage de la valeur. Je dois le dire : ces discussions n'ont pas abouti à un accord. Le Gouvernement a donc pris ses responsabilités.
Cette réforme apporte une réponse concrète aux attentes des salariés qui veulent pouvoir, eux aussi, profiter des fruits de la reprise au sortir de la crise. Plus qu'une mesure de pouvoir d'achat – je l'assume –, il s'agit d'une mesure d'équité et de justice sociale. Nous prolongeons ainsi la logique de l'intéressement et de la participation mis en place par le général de Gaulle, qui concerne aujourd'hui près de neuf millions de salariés.
Déjà à l'époque, le général de Gaulle avait bousculé les idées reçues et dérangé tous ceux qui voulaient opposer capital et travail. L'histoire lui a donné raison.
Le principe de cette prime est très simple. Si les dividendes augmentent dans une entreprise, c'est bien sûr grâce aux actionnaires, qui ont investi leur argent dans le capital, mais c'est aussi grâce aux salariés.
Il est donc normal que, si l'entreprise réalise des bénéfices et, donc, s'il y a des dividendes pour les actionnaires, les salariés reçoivent aussi davantage, sous la forme d'une prime. Et cela non pas à la place du salaire, mais bien en plus du salaire.
Concrètement, le dispositif qui vous est proposé prévoit que, lorsqu'une société commerciale de 50 salariés et plus augmente son dividende par action par rapport à la moyenne des deux années précédentes, elle sera tenue de verser une prime à ses salariés. Une négociation est prévue sur ce sujet entre le chef d'entreprise et les salariés.
La loi fixera le principe de cette prime,…
mais son montant et ses modalités seront discutés de la manière la plus souple possible au sein de chaque entreprise,…
…car la situation de chaque entreprise est différente.
Les négociateurs pourront d'ailleurs prévoir un autre avantage de nature pécuniaire, tel qu'un supplément d'intéressement ou des actions gratuites, dès lors que cet avantage résultera bien de la hausse des dividendes. Il est juste en effet que la situation des entreprises qui s'engagent dans l'esprit de cette réforme soit pleinement reconnue.
Si la situation des PME est différente, leurs salariés pourront aussi être concernés. Les entreprises de moins de 50 salariés pourront, si le dividende par action augmente par rapport à la moyenne des deux années précédentes, distribuer volontairement la prime à leurs salariés avec les mêmes exonérations de charges sociales.
On entend beaucoup de choses sur cette prime.
On entend beaucoup d'erreurs et beaucoup d'inexactitudes – même, parfois, des questions sincères. Mais les Français pensent tout autrement.
Les sondages le montrent, cette mesure recueille l'avis favorable de toutes les catégories de population, y compris des patrons de PME : 62 % des Français – excusez du peu ! – estiment qu'il s'agit d'une mesure positive, et 74 % des dirigeants de PME indiquent vouloir verser une prime à leurs salariés.
Il est vrai que, dans ce pays, lorsque l'on approuve une réforme, on est un peu moins audible que d'autres. Je tiens à le dire à cette tribune, la réalité c'est que nombre de chefs d'entreprises et de salariés sont largement favorables à cette évolution.
Je voudrais remercier le rapporteur Yves Bur pour le travail effectué, qui permettra d'enrichir le texte. Je sais aussi que la majorité parlementaire aura à coeur de donner toute sa portée à cette réforme. Je remercie Alain Joyandet qui relaiera cette volonté. Il sait, parce qu'il est élu d'une circonscription populaire et ouvrière, comme Damien Meslot qui se trouve à ses côtés, que la récompense du travail signifie quelque chose pour la population.
Le texte dont nous discutons aujourd'hui est entièrement centré sur son article 1er. Il en comporte toutefois quinze, les articles 2 à 15 étant des passages obligés du PLFRSS, comportant notamment les prévisions de recettes et de dépenses. Par rapport à la loi de financement initiale pour 2011, nous avons actualisé les recettes et les dépenses du régime général pour tenir compte des informations les plus récentes dont nous disposons.
Nous tirons un enseignement principal de la révision des chiffres du régime général : la conjoncture économique s'améliore et la sécurité sociale en bénéficie. Une bonne nouvelle s'ajoute à une bonne nouvelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Alors que la loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un déficit du régime général de 20,9 milliards d'euros, nous avons révisé ce solde, désormais fixé à 19,5 milliards d'euros en 2011. Le régime général devrait bénéficier de recettes supplémentaires, du fait notamment d'une hypothèse de progression de 3,2 % de la masse salariale, supérieure à celle, de 2,9 %, associée à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.
Les dernières estimations de l'ACOSS pour le premier trimestre de 2011, rendues publiques la semaine dernière, montrent que la reprise de l'emploi s'est poursuivie à un rythme soutenu et que la progression du salaire moyen par tête a été dynamique, puisqu'il a augmenté de 1,7 %.
Ces résultats sont également encourageants, même si le ministre du travail et de l'emploi que je suis mesure tout le chemin qui nous reste à parcourir pour continuer à faire baisser plus fortement encore le chômage dans notre pays.
Avec une progression de 2,1 % de la masse salariale durant le premier trimestre, la prévision de croissance de 3,2 % sur l'année entière est réaliste, et nous n'excluons pas d'obtenir un résultat encore meilleur.
En matière de dépenses, nous ne relâchons pas nos efforts. Nous tiendrons l'ONDAM en 2011 – il est fixé à 2,9 % –, et ce pour la deuxième année consécutive, comme cela a été confirmé par le comité d'alerte le 30 mai dernier. Par ailleurs, nous mettons en oeuvre la réforme des retraites qui produit ses premiers effets dès cette année.
Mesdames et messieurs les députés, la mesure principale de ce projet, la prime liée à la hausse des dividendes, répond à une demande forte de justice et d'équité exprimée par nos concitoyens, surtout au sortir de la crise. Le travail demeure à nos yeux une valeur centrale, comme il l'est aux yeux des Français, mais il doit être reconnu et légitimement rétribué. C'est par des actes que nous voulons répondre à ces exigences. Aujourd'hui, nous sommes au rendez-vous de nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il aura donc fallu, bien que l'hypothèse en ait été prévue dès 1996 par le législateur organique, attendre quinze lois de financement de la sécurité sociale pour que se présente la première occurrence d'une loi de financement rectificative, alors même qu'il n'est pas d'année sans collectif budgétaire, non seulement à l'automne mais aussi au printemps.
Cette innovation s'explique par le fait que, pour instaurer le nouveau dispositif de prime sur les dividendes, le recours à une loi de financement rectificative de la sécurité sociale, qui aurait été une solution parmi d'autres jusqu'à l'année dernière, s'impose désormais au regard de la réforme en cours des dispositions constitutionnelles relatives aux finances publiques.
La création de la prime et son régime social, deux volets pouvant être considérés comme indissociables, étaient donc susceptibles de relever d'une loi ordinaire ou d'une loi financière. L'absence de compensation de l'exonération instaurée à cette occasion ne pouvait en revanche être décidée que par une loi de financement. Conformément à la circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010 relative à l'édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale, et conformément aux principes du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, adopté en première lecture par notre assemblée, qui dispose que les lois de finances et de financement auront le monopole de la création, de la modification et de la suppression des recettes fiscales et sociales, le Gouvernement a donc fait le choix de déposer un projet de loi de financement pour introduire dans un seul texte l'exonération nouvelle en même temps que sa non-compensation.
Ce premier PLFRSS nous permet aussi d'intégrer les bonnes nouvelles officialisées le 9 juin dernier par la Commission des comptes de la sécurité sociale. Les effets de la crise commencent à s'estomper. Les comptes sociaux s'améliorent certes timidement, mais ils traduisent ainsi l'amélioration réelle de la situation économique. Le solde du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s'améliore de plus de 4,4 milliards d'euros, soit 16 % de mieux par rapport au solde 2010. Je proposerai plusieurs amendements pour ajuster les données financières des différentes branches compte tenu des actualisations réalisées par la Commission des comptes.
La masse salariale s'accroît de 2,1 % au premier trimestre 2011, ce qui laisse augurer une progression de 3,9 % sur un an. Ces bons chiffres sont dus à la progression soutenue de l'emploi, en augmentation de 0,6 %, et au dynamisme des salaires, en hausse de 1,7 %. Ces données encourageantes, publiées jeudi dernier par l'ACOSS, montrent que la création d'emplois se poursuit à un rythme plus rapide, avec 103 000 emplois créés au premier trimestre, et que le salaire moyen par tête augmente de 2,8 % sur un an.
Les chiffres positifs de la croissance auront des effets bénéfiques sur les comptes sociaux, dont les recettes croîtront de 5,2 %, alors que la croissance des charges resterait voisine de 3,5 %, comme en 2009 et 2010. Le niveau des charges est impacté positivement par la maîtrise des dépenses de santé, illustrée par le respect de l'ONDAM, en 2011 comme en 2010, ainsi que par les premiers effets de la réforme des retraites, qui entraîne une réduction de 100 000 départs à la retraite dès cette année. S'agissant de l'objectif de dépenses de santé, fixé à 167,1 milliards d'euros, son respect n'affecte en rien les moyens nécessaires, qui sont abondés, malgré les exigences de rigueur, de 4,9 milliards d'euros en 2011.
Toutefois, ces bons chiffres ne doivent pas nous faire oublier que nos comptes sociaux restent structurellement et lourdement déficitaires, ce qui devrait nous préserver de promouvoir un progrès social non financé – si ce n'est par la dette. Je rappelle que la norme devrait être l'équilibre des finances sociales, qui ne sont que des dépenses courantes et n'ont pas vocation à être solvabilisées à travers la dette sociale par les générations futures. À cet égard, les préconisations de la Commission européenne sur le programme de stabilité pour la période 2011-2014, voté par le Parlement et transmis à Bruxelles début mai, sonnent comme un rappel à l'ordre, puisqu'elle « recommande de se conformer à un effort budgétaire annuel moyen supérieur à 1 % sur la période 2010-2013 et d'accroître l'efficacité du système fiscal en déplaçant la charge fiscale du travail vers l'environnement et la consommation et en mettant en oeuvre la réduction du nombre et du coût des exonérations fiscales et sociales ».
Nous pouvons nous demander si l'instauration législative d'une nouvelle prime est conforme à l'esprit de ces recommandations, dans la mesure où elle ressemble à la création d'une nouvelle niche sociale,…
…dont le sort est lié à l'évolution des dividendes des entreprises de plus de 50 salariés. Il s'agit bien d'une niche sociale,…
…qui aura un coût pour les finances publiques, même si, du point de vue des finances sociales, cette nouvelle niche permettra, dans un premier temps, d'accroître les recettes sociales.
Cette mesure est également un signal fort adressé aux salariés. Désormais, toute hausse des dividendes versés aux actionnaires doit s'accompagner d'une hausse concomitante des salaires. C'est le principe du dividende du travail, du partage de la valeur ajoutée ou de la distribution des profits – comme on voudra. La terminologie peut fluctuer, l'inspiration est claire : l'excédent brut d'exploitation doit être mieux réparti entre le capital et le travail.
Dans le cadre de la préparation de mon rapport, j'ai naturellement rencontré des représentants de l'ensemble des organisations patronales et syndicales. Tous ont admis qu'ils ne parvenaient pas à avancer dans les négociations sur le partage de la valeur ajoutée. Il est vrai que le problème est particulièrement complexe. Peut-être est-ce de la résignation, mais je n'ai pas senti d'hostilité résolue au projet de loi. J'ai même cru percevoir parfois, du côté des syndicats, une certaine bienveillance.
Même si nous nous posons la question de l'opportunité, sinon de la légitimité, de cette injonction législative, nous estimons que l'article 1er va indéniablement dans le bon sens et qu'il exerce une pression sur les partenaires sociaux pour qu'ils avancent sur la question de la rémunération des salariés au sortir de cette crise majeure et trouvent un accord pour mieux partager la valeur ajoutée créée au sein des entreprises. À titre personnel, je considère que cette disposition ne devrait être que temporaire et que la responsabilité des rémunérations et de ce partage relève d'abord du dialogue social au sein de chaque entreprise, et non du pouvoir politique et législatif.
L'article 1er présente toutefois une faiblesse : le sort réservé aux entreprises de moins de 50 salariés et, surtout, aux 7 millions de salariés qu'elles emploient. C'est d'abord un obstacle supplémentaire qui s'ajoute à ceux, déjà nombreux, qui freinent la croissance des PME : l'effet de seuil à partir de 50 salariés exerce déjà des effets trop nocifs pour que nous ne nous interrogions pas sur cet aspect de la mesure. Ensuite, il ne faudrait pas donner l'impression que ces entreprises et leurs salariés sont considérés comme étant de seconde zone.
Le nouveau dispositif doit-il une fois de plus bénéficier principalement à ceux qui sont déjà les mieux lotis, à savoir les salariés des grandes entreprises du CAC 40 ? Nous ne le pensons pas. Il a donc paru indispensable à notre commission des affaires sociales de renforcer le dispositif à l'égard des petites entreprises. C'est pourquoi elle a adopté un amendement présenté par Alain Joyandet au nom du groupe UMP, qui vise à renforcer l'incitation à mettre en place des accords d'intéressement en annualisant l'engagement des chefs d'entreprise de proposer à leurs salariés des dispositifs d'intéressement.
Le 26 avril dernier, la majorité des partenaires sociaux sont convenus, aux termes de leur relevé de discussions, d'« avancer dans leurs discussions sur la modernisation du dialogue social en abordant les attributions des institutions représentatives du personnel au regard de la création de la valeur ajoutée et de l'affectation des résultats de l'entreprise ». En matière de langue de bois syndicale, on ne peut pas faire mieux ! Je veux espérer que l'instauration de cette prime pour dividendes les encouragera à progresser et à aboutir à un accord plus global, mieux adapté aux exigences des entreprises comme des salariés, qui se substituera alors à cette niche sociale avant que celle-ci ne se substitue aux salaires.
Cette disposition singulière, propre à notre pays, aura alors servi d'aiguillon, un aiguillon qui, en attendant, permettra à des millions de salariés de voir concrètement s'améliorer leur pouvoir d'achat dès 2011, en plus de leur salaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Jean Mallot.
Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale à vocation unique. Il s'agit en effet de concrétiser la dernière en date des lubies du Président de la République – la fameuse prime de 1 000 euros – et de prévoir à cette fin des exonérations sociales qui viendront, une fois de plus, pénaliser les finances publiques. En réalité, nous le verrons ultérieurement, cette prime annoncée est un miroir aux alouettes.
Sur la forme, nous observons que le Gouvernement anticipe sur la révision constitutionnelle qu'il a lancée pour, dit-il, assurer l'équilibre des finances publiques. Il est en effet bien placé pour avoir un avis sur la question, lui qui creuse les déficits avec constance et méthode depuis 2007 au moins. Puisque, désormais, selon le Gouvernement et sa majorité, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale doivent avoir une sorte de monopole des mesures ayant une incidence budgétaire et financière, nous voilà donc saisis d'un véritable PLFSS, dans toute son ampleur et sa splendeur, mais dont la plupart des articles servent uniquement à préciser que les objectifs fixés et les équilibres annoncés à l'automne dernier, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, demeurent « inchangés ». Quant aux articles qui ont pour objet de procéder à des ajustements, chacun conviendra qu'ils auraient pu attendre l'automne prochain.
Mais l'anticipation sur la révision constitutionnelle ne va pas plus loin que la présentation formelle de votre projet de loi, monsieur le ministre. Pour la réduction des déficits, on verra plus tard. Il est vrai que cette révision constitutionnelle est encore en navette au Sénat – d'où il n'est pas évident qu'elle sorte en bon état, semble-t-il – et le Gouvernement, si prompt à afficher sa volonté de rétablir l'équilibre des comptes, utilise ce délai pour se complaire encore un peu dans les déficits, voire pour les creuser davantage.
Nous l'avons d'ailleurs constaté la semaine dernière, puisque la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune produira un manque à gagner de près de deux milliards d'euros par an pour le budget de l'État, que le bouclier fiscal, devenu inutile à défaut d'avoir été supprimé, ne compensera qu'à hauteur de 720 millions. Il restera donc 1,1 milliard à financer par quelques ressources incertaines et par une augmentation de la dette, c'est-à-dire par l'impôt de la plupart des contribuables, notamment la TVA, payée par tous. Merci, monsieur Sarkozy !
S'agissant des finances sociales, ce PLFRSS non seulement ne résout rien, mais renforce notre inquiétude. Comme vous le savez, un projet de loi de financement de la sécurité sociale se lit à l'envers, en commençant par les annexes. Or, que lit-on dans l'annexe de celui-ci ? Tout d'abord, on constate que les hypothèses économiques ont été ajustées par rapport à décembre dernier : la progression de la masse salariale est revue à la hausse pour 2011 – 3,2 % au lieu de 2,9 % –, mais à la baisse pour 2012 – 4,2 % au lieu de 4,5 % – ; la croissance du PIB pour 2012 se tasse – 2,25 % au lieu de 2,5 % –, ce qui est cohérent avec le programme de stabilité européen transmis récemment à Bruxelles, pour repartir à 2,5 % les années suivantes. La prévision d'augmentation de la masse salariale, dont on connaît l'importance pour les ressources de la sécurité sociale, reste très ambitieuse au-delà de 2012, puisqu'elle est maintenue à 4,5 %.
Surtout, cette annexe nous informe que vous laissez filer les déficits, sans perspective aucune de réduction notable, encore moins de retour à l'équilibre, d'ici à 2014. On se souvient que, s'agissant de la branche vieillesse, vous avez transféré les déficits à venir – une nouveauté – à la Caisse d'amortissement de la dette sociale et que vous avez décidé de dilapider par anticipation le Fonds de réserve des retraites. Les générations suivantes paieront donc plusieurs fois : les retraites et la dette. Pour ce qui est des autres branches – la maladie et la famille, pour l'essentiel –, votre tableau fait ressortir un déficit total cumulé de 45 milliards d'euros environ d'ici à 2014. Je pose donc à nouveau la question, monsieur le ministre, puisque je n'ai pas obtenu de réponse depuis l'automne dernier : comment comptez-vous les financer ? Vous contenterez-vous de léguer cette charge à celles et ceux, quels qu'ils soient, qui vous succéderont en 2012 ? Certainement.
Dans sa partie dépenses, votre PLFRSS maintient l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, le fameux ONDAM, de l'ensemble des régimes obligatoires de base et souligne que ce dernier a été respecté en 2010. Certes, mais à quel prix pour les patients et leur santé ? Le système étant rongé par les dépassements d'honoraires, qui ont explosé – le taux de dépassement moyen étant passé de 37 % en 2000 à 54 % en 2010 –, par les franchises médicales et l'augmentation des forfaits de toutes sortes, le régime général de prise en charge ne couvrant plus qu'à 55 %, en dehors des affections de longue durée, les dépenses des patients, qui, pour le reste, sont renvoyés vers leur assurance complémentaire, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à reporter des soins, voire à y renoncer, notamment pour ce qui est des soins dentaires ou de l'optique.
L'état de santé de la population française se dégrade, et que faites-vous, monsieur le ministre ? Vous serrez encore la vis, en gelant 400 millions d'euros de crédits hospitaliers, poussant ainsi les établissements de santé à de nouvelles décisions douloureuses de suppression de postes. Jusqu'où irez-vous ?
J'en viens maintenant au dispositif principal de ce texte, qui fait l'objet de l'article 1er. Le Président de la République s'était autoproclamé, pendant la campagne de 2007, candidat de l'augmentation du pouvoir d'achat ; l'échec, sur ce plan comme sur d'autres, est patent. L'alibi de la crise ne tient pas pour expliquer les mauvaises performances de notre économie. À tout moment, la conjoncture économique internationale est une donnée, qui s'impose à nous. La clé de la réussite, pour un gouvernement, c'est de savoir mener une politique économique nationale et européenne qui nous permette de faire mieux que nos voisins.
Or, j'observe, par exemple, que, si, en France, cette année, la croissance est de 1 % – ce qui est une bonne nouvelle –, elle est de 1,5 % en Allemagne : nous sommes derrière.
Le pouvoir d'achat promis par Nicolas Sarkozy, les Français l'attendent toujours, monsieur le président de la commission.
Je vous ai dit ce qu'il fallait en penser.
Pressentant une sortie de crise qui va bien finir par se produire malgré lui, et voyant les entreprises distribuer à nouveau des dividendes, des bonus, des gros salaires, le Président de la République s'est souvenu qu'il existait des salariés, et il craint qu'on ne lui reproche un jour de n'avoir rien fait pour eux. Il a donc lancé sa nouvelle loterie : si vous êtes sages et si vous avez de la chance, vous aurez une prime. Mille euros, a-t-il annoncé. On dirait un jeu radiophonique : « le jeu des mille euros »... Puisque le Président de la République, son gouvernement et sa majorité sont attachés à soutenir le pouvoir d'achat des ménages, ils auraient pu se rappeler que 40 % des Français n'ont pas été augmentés depuis cinq ans, alors que leurs dépenses contraintes augmentent. Ils auraient pu reprendre – nous ne demandons pas de droits d'auteur – une des propositions du projet du parti socialiste et organiser une conférence salariale tripartite, réunissant l'État, les organisations syndicales de salariés et les organisations patronales,…
…pour établir un cadre général d'évolution des salaires et orienter les discussions dans les différentes branches professionnelles et les entreprises. Cette conférence contribuerait au rééquilibrage de la part des salaires dans la valeur ajoutée.
Dites-le aux salariés !
Ils auraient également pu procéder, par exemple, à une revalorisation du pouvoir d'achat du SMIC. Cette question revêt une importance accrue au moment où un rapport officiel nous apprend qu'un salarié sur quatre travaille dans une branche dont la grille salariale démarre en deçà du SMIC.
Vous auriez pu, monsieur le ministre, conditionner la réduction des cotisations sociales patronales, les fameuses niches sociales, à l'existence d'un accord salarial d'entreprise ou, à défaut, d'un accord de branche vieux de moins de deux ans. En cas d'absence d'accord salarial, les allégements de cotisations sociales pourraient être réduits de 25 %, voire plus, pour renforcer l'incitation.
Si, comme nous, vous êtes choqué de voir qu'avant même la sortie de crise, dès 2010, les rémunérations des dirigeants des grandes entreprises sont reparties à la hausse, avec des pourcentages d'augmentation à deux chiffres, vous devriez reprendre notre proposition de plafonner les écarts de rémunération dans les entreprises qui ont une participation publique dans leur capital, par exemple, dans une fourchette de un à vingt.
Cela fait combien ?
Cela permettrait de revaloriser le niveau des rémunérations des salariés qui ont les salaires les plus faibles et d'assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée.
Dans les entreprises sans participation publique, l'assemblée générale des actionnaires devrait fixer ce ratio sur proposition du conseil d'administration et après avis du comité d'entreprise.
Peut-on accepter sans réagir que les salaires des patrons du CAC 40 aient augmenté en moyenne de 24 % en 2010 et que le patron français le mieux payé touche 4,5 millions d'euros par an, soit deux siècles et demi de SMIC ?
Dans le même esprit, nous proposons que les contributions et cotisations sociales sur les stock-options, les bonus et les « parachutes dorés » soient fixés au même niveau que celles appliquées sur les salaires.
Vous allez faire de la peine à M. Fabius !
Voilà des ressources pour la sécurité sociale, monsieur le ministre, vous qui en cherchez. Mais, en commission, vous nous avez dit que vous ne vous intéressiez plus au pouvoir d'achat. Vous prétendez désormais vous intéresser au partage de la valeur ajoutée.
Soyons clairs : le partage de la valeur ajoutée se fait bien entre les salaires, de l'ordre de 68 %, et l'excédent brut d'exploitation, mesure du profit, lequel revient au capital.
Dans votre démarche, il s'agit, en réalité, de partage du profit, M. Joyandet le confirmera. Le rapport Cotis de 2009 nous rappelle que la répartition du profit brut se fait de la façon suivante : 57 % réinvestis, 36 % pour les actionnaires – le capital – et 7 % pour les salariés, hors salaires et primes ordinaires.
À cet égard, il faudra que le Président de la République nous explique un jour sa théorie des trois tiers visant à répartir le profit.
Le premier tiers pour les actionnaires, le deuxième pour les actionnaires et le troisième, pour les actionnaires !
Car pour parvenir à une répartition en trois parts égales, il faudrait distribuer de la rémunération hors salaire aux salariés, au détriment de l'investissement. Comprenne qui pourra.
Nous considérons, quant à nous, que la rémunération normale du travailleur en contrat dans l'entreprise, c'est le salaire, c'est-à-dire ce qui lui permet de faire face chaque jour à ses charges pour vivre. Mais s'agissant du salaire, il faut bien le dire, monsieur le ministre, vous êtes aux abonnés absents.
En fait, se confrontent deux façons de voir la société. Pour vous, monsieur le ministre ; et pour votre maître à penser, l'argent sert à jouer en bourse, à acheter des équipes de foot, à distribuer des primes et des gratifications. Pour nous, l'argent sert à se loger, à se nourrir, à s'habiller, à élever ses enfants. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous ne vivons pas dans le même monde. Il faut sortir du Fouquet's, mes chers collègues de l'UMP !
Ainsi donc, Nicolas Sarkozy l'a annoncé, et on peut le croire : puisque tout va bien, les salariés de ce pays vont toucher une prime de 1 000 euros.
Sonnez trompettes, le Président distribue les pourboires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Puis l'on nous apprend que, puisqu'il s'agirait de partager les profits, seules les entreprises versant des dividendes seraient concernées. Tiens, tiens !
Tant pis pour les fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales ou des hôpitaux : ils regarderont passer le distributeur à billets, mais il n'y aura rien pour eux. Les 5,2 millions d'agents publics voient leur pouvoir d'achat gelé. Ce gel des rémunérations des fonctionnaires a d'ailleurs été annoncé le même jour que la prime Sarkozy.
Mais, parmi ce qu'il est convenu d'appeler les entreprises – 1,173 million d'entreprises pour 15 131 000 salariés –, seules 16 % versent des dividendes. Ce ne sont donc pas 15 millions de salariés qui seraient potentiellement concernés, mais éventuellement 6 millions, 40 % des effectifs.
Puis l'on apprend que cette prime ne serait obligatoire que dans les entreprises de plus de 50 salariés. On descend donc à 4,3 millions de salariés. Encore faut-il que ces entreprises, non seulement versent des dividendes, mais que ces dividendes soient en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents. Votre évaluation préalable, monsieur le ministre, annonce une proportion de deux tiers d'entreprises dans cette situation. Cette estimation est optimiste, quelque peu aléatoire compte tenu des échappatoires dont je parlerai tout à l'heure, mais retenons, faute de mieux, cette proportion des deux tiers. On arrive ainsi à 2,8 millions de salariés potentiellement concernés.
Pour les entreprises de moins de 50 salariés, le dispositif serait donc facultatif. Mais il y a mieux : le montant de 1 000 euros est pur affichage. Le seul élément obligatoire, c'est la négociation, quitte à ce qu'elle aboutisse à une prime d'un euro seulement. Au demeurant, votre évaluation préalable retient, au terme d'un calcul estimatif au doigt mouillé, un montant moyen de 700 euros. Votre prime fond comme neige au soleil.
On l'aura compris, l'immense majorité des salariés ne toucheront rien. Et la poignée d'entre eux qui toucheront quelque chose, pas grand-chose, selon l'accord qui aura été négocié, se le verront reprendre dans les négociations salariales suivantes.
Une seule chose est sûre : le manque à gagner pour les finances sociales, puisque cette rémunération sera exonérée de cotisations patronales et salariales de sécurité sociale.
En réalité, après des annonces tonitruantes, et devant le tollé général, vous avez entamé un retrait en bon ordre, un repli sur un dispositif qui ressemble furieusement à celui de l'intéressement, n'est-ce pas, monsieur Joyandet ? L'idée nouvelle a fait « pschitt ». La prime sera seulement assujettie à la CSG et à la CRDS ainsi qu'au forfait social « applicable en matière d'intéressement et de participation ».
Vous aviez déjà inventé l'exonération de cotisations sociales et la défiscalisation des heures supplémentaires – article 1er de la loi TEPA – pour subventionner avec de l'argent public, c'est-à-dire avec le produit de l'impôt et des cotisations, des heures supplémentaires déjà faites ou qui auraient été effectuées sans votre mesure puisque, tout le monde le sait, la décision de faire ou non des heures supplémentaires dépend du carnet de commande de l'entreprise et non du bon vouloir du salarié ou de son employeur. Encore que dans ce cas, l'un et l'autre ont intérêt à se mettre d'accord – c'est d'ailleurs ce qu'ils font – pour requalifier en heures supplémentaires un temps de travail jusque-là non rémunéré en tant que tel. L'effet d'aubaine est complet. Vous soutenez de façon totalement illogique, avec les deniers publics, les entreprises les plus florissantes dans leurs activités les plus rentables.
Aujourd'hui, vous vous apprêtez à récidiver en distribuant des avantages sociaux – les exonérations de cotisations – aux entreprises qui augmentent les dividendes versés, donc a priori les plus florissantes, toujours les mêmes ainsi que l'a relevé le rapporteur lui-même. Vous ne vous en lassez pas ! Décidément, avec vous, mieux vaut être riche et en bonne santé que malade et sans le sou.
Mais votre projet de loi laisse en suspens un grand nombre de questions. Dans sa logique d'abord : au nom de quoi une entreprise dont le taux de dividende varie de 1 % à 5 % d'une année sur l'autre serait-elle davantage obligée à verser une prime à ses salariés qu'une entreprise qui maintient les dividendes versés au même niveau, 10 % par exemple, sur plusieurs exercices ?
Certaines entreprises, par leur statut, par la structure de leur capital ou par choix, ne versent pas de dividendes. Il semble que ce soit le cas du laboratoire Servier. En quoi cela signifierait-il qu'elles ne font pas de profit et que leurs salariés n'auraient pas droit à leur part eux aussi ? La question est posée.
En outre, comment ferez-vous, monsieur le ministre, pour empêcher certains dirigeants d'entreprise de contourner votre dispositif ? Par exemple, en organisant le rachat par l'entreprise de ses propres actions de façon à rémunérer les actionnaires sans verser de dividendes ?
Ou encore en utilisant la souscription d'actions à taux préférentiel, avec le même effet pour les actionnaires sans avoir à recourir à de réels dividendes ?
Pour les entreprises qui clôturent leur exercice au 31 mars, c'est encore plus simple. Il leur suffit de décider de ne pas augmenter leurs dividendes cette année. D'autres s'en tireront en recourant à un accord d'entreprise attribuant un « avantage pécuniaire non obligatoire », éventuellement très faible, à l'ensemble de leurs salariés, pour tout ou partie en contrepartie de l'augmentation des dividendes. Cette échappatoire est explicitement prévue par votre texte au VI de l'article 1er.
Évidemment, compte tenu de la nature de cette prime, toutes les entreprises concernées seront tentées de la reprendre en minorant la participation. Les salariés perdront d'une main ce qu'ils auront reçu de l'autre.
Enfin, toutes ces entreprises ne seront-elles pas tentées de réintégrer cette prime dans leur politique salariale, à enveloppe constante ? Comment dissocier tout à fait la négociation de l'accord devant aboutir au versement de cette prime de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires ?
Votre évaluation préalable, jointe au projet de loi, rappelle au passage que la « relation entre l'augmentation des dividendes et la rémunération des salariés » ne figure pas parmi les thèmes devant être abordés dans la négociation annuelle obligatoire. N'aurait-il pas été aussi simple de l'y intégrer ? Et comment empêcher qu'elle l'y soit dans les faits ?
Quant au dialogue social que vous appelez de vos voeux pour l'attribution de cette fameuse prime dont le montant minimum n'est pas fixé, n'est-il pas un simple habillage ? Si aucun accord n'a été conclu, c'est l'employeur qui décide « unilatéralement ». Il peut donc décider de verser un euro à chaque salarié et le tour est joué.
En réalité, votre prime est un miroir aux alouettes et beaucoup risquent d'être déçus. Certes, tout le monde ne se laisse pas éblouir ou attirer par votre miroir. La consultation des avis émis sur votre projet, signalés dans l'évaluation préalable, est édifiante. Les conseils d'administration de la CNAMTS, de la CNAF, de la CNAVTS, de l'ACOSS, de la CCMSA, tous ont émis, à une écrasante majorité, des avis défavorables.
Tous les syndicats de salariés et toutes les organisations patronales sont contre. On comprend d'ailleurs pourquoi vous n'avez pas joint le texte de leurs avis à votre document. Seul le régime social des indépendants se contente de « prendre acte » : il n'est pas concerné.
Une dernière question mérite d'être posée. Comment financez-vous le dispositif sinon par la dette, toujours la dette – directement ou indirectement, comme Yves Bur l'a dit tout à l'heure ?
L'étude jointe à votre projet de loi estime entre 300 et 400 millions d'euros son coût pour les finances publiques. Ce montant, important, est la somme algébrique de ressources de type CSG, CRDS, forfait social et impôt sur le revenu d'une part, et d'un manque à gagner en impôt sur les sociétés d'autre part. Il faudrait calculer le manque à gagner résultant des exonérations de cotisations patronales et salariales de sécurité sociale, ce qui n'a pas été fait : on aboutirait à quelques centaines de millions d'euros supplémentaires. En d'autres termes, la collectivité renonce sans justification à une ressource dont elle aurait bien besoin pour assurer la pérennité de notre sécurité sociale. De plus, les primes ainsi versées aux salariés ne compteront pas pour le calcul de leur retraite.
À cet égard, la lecture du dernier paragraphe de l'annexe de votre projet ne manque pas de saveur : « D'une façon générale, le sentier de redressement des comptes du régime général à l'horizon de 2014 prévoit la poursuite de la stratégie de réduction des dispositifs d'exemption et d'exonération des cotisations sociales – “niches sociales” ». C'est vous-même qui employez ce dernier terme, monsieur le ministre, et vous ne craignez pas d'ajouter que « ces mesures permettront d'améliorer l'équité et la lisibilité du prélèvement social en dissuadant les comportements d'optimisation des cotisants ». Voilà sans doute pourquoi, monsieur le ministre, vous créez une nouvelle niche sociale…
Ce n'est pas de l'humour corrézien, mais cela pourrait en être…
La semaine dernière, vous avez fait voter une réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune de près de deux milliards d'euros. Dans le même temps, vous vouliez imposer aux titulaires du RSA – avec le même « S », pour « solidarité », que dans l'ISF que vous voulez fouler aux pieds –, cinq heures de travail obligatoires pour les punir d'être, selon les mots mêmes de M. Wauquiez, le « cancer de la société française », et cela en échange d'une centaine d'euros supplémentaires par mois.
Cette semaine, vous entendez créer une nouvelle niche sociale au bénéfice – je n'ose pas dire « au profit » – de quelques entreprises qui augmentent significativement les dividendes versés à leurs actionnaires. Vous aviez sans doute peur que nous n'ayons pas encore bien compris les ressorts de votre politique.
Bref, j'ai beau tourner et retourner dans tous les sens le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, chers collègues de l'UMP, je ne trouve aucun argument pour le défendre. C'est la raison pour laquelle j'invite notre assemblée à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(Mme Élisabeth Guigou remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.
Je dois dire que je reconnais bien dans l'intervention de M. Mallot le sens de la mesure et le ton serein dont il est coutumier.
Monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre se réjouit de voir enfin débattu ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, que notre groupe a réclamé à de nombreuses reprises par la voix de Jean-Luc Préel.
Il s'en réjouit d'autant plus qu'y figure une augmentation des recettes d'un milliard d'euros. Si les rentrées de cotisations augmentent, on peut légitimement penser que la masse salariale augmente aussi et, donc, que la situation de l'économie, notamment de l'emploi, s'améliore.
Malheureusement, le déficit reste encore trop important : 20 milliards d'euros. Le Nouveau Centre, vous le savez, considère que les dépenses de fonctionnement ne doivent pas être financées par l'endettement, c'est-à-dire par les générations futures. Il y a encore des efforts à faire en ce domaine.
J'en viens à l'article 1er, qui a conduit le groupe socialiste à intervenir. Comme beaucoup de Français et comme la plupart des députés sur ces bancs, le groupe Nouveau Centre est choqué par le comportement de certains dirigeants – je dis bien « certains » car seuls quelques-uns sont concernés – qui, malgré des résultats négatifs pour leur société, s'octroient des augmentations de rémunération, des parachutes dorés, des retraites chapeaux.
Néanmoins, il ne faut pas jeter l'opprobre sur l'ensemble des chefs d'entreprise, ce que vous semblez faire à longueur de discours en prétendant qu'ils « pompent » les entreprises de France. Rappelons que, dans leur grande majorité, ils sont raisonnables.
Faire bénéficier les salariés d'une prime en cas d'augmentation des dividendes ne me paraît pas complètement idiot. C'est même une bonne idée, qui obéit au principe de partage de la valeur que le groupe Nouveau Centre défend depuis longtemps.
Nous avons déposé des amendements pour proposer des modifications à cette prime, notamment pour ce qui est de la participation.
Je termine, madame la présidente, pour dire à M. Mallot, que, s'il avait tant de bonnes idées, il aurait dû les mettre en oeuvre quand son parti était au gouvernement.
Le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Mallot ne sera pas étonné si je lui dis qu'il ne nous a pas convaincus. Je lui dis également que je ne comprends pas la démarche du parti socialiste.
Vous vous répandez en critiques contre les augmentations de salaires des dirigeants des PME ou de grandes sociétés et vous ne cessez de dénoncer les profits trop importants de ces mêmes sociétés, mais, à partir du moment où une initiative est prise par le Président de la République en vue de répartir les profits des entreprises d'une manière différente, allant davantage dans le sens de l'intérêt des salariés, vous devriez applaudir des deux mains, quelles que soient les difficultés de mise en oeuvre rencontrées. Il s'agit tout de même d'une mesure de justice !
Certes, il existe de nombreux points techniques à régler et les difficultés de mise en oeuvre sont réelles, ce qui explique du reste pourquoi les partenaires sociaux ont échoué depuis deux ans dans leurs discussions, mais ce projet de loi présente un gros avantage : il constitue un aiguillon susceptible d'encourager les partenaires sociaux à négocier.
Enfin, excusez-moi de le souligner, monsieur Mallot, mais en cinq minutes, vous avez demandé tout et son contraire.
Dans un premier temps, vous avez déploré que nous nous immiscions dans les relations sociales et dans la discussion entre les partenaires sociaux,…
…pour regretter dans un second temps que notre texte n'aille pas assez loin et qu'il n'impose pas d'obligations à la négociation.
Enfin, sans vouloir vous caricaturer, je vous ai entendu un long moment tenir des propos semblables à ceux des représentants d'une organisation tout à fait respectable, le MEDEF.
Je ne comprends donc plus très bien la position du groupe socialiste. Nous aurons l'occasion de répondre plus précisément aux arguments que vous avez employés, notamment s'agissant du dispositif des heures supplémentaires détaxées sur lequel vous voulez revenir, ce qui semble prouver que vous n'avez pas une bonne connaissance du terrain.
Pour notre part, au groupe UMP, nous estimons que la mesure proposée dans l'article 1er va dans le sens de la justice. Nous ne voterons donc pas la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La question du pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations des Français et de leurs difficultés quotidiennes. Cela tient à une raison que chacun comprendra : beaucoup de Français ressentent durement l'augmentation des dépenses contraintes liées à l'électricité, au gaz, à l'essence, qu'ils ne peuvent éluder. La France qui travaille est aujourd'hui confrontée à des problèmes de pouvoir d'achat.
Or votre politique consiste à ne jamais répondre à la question de l'augmentation des salaires et à penser que le retour à la croissance se fera uniquement grâce à l'investissement.
Cependant, vous avez pris conscience de l'existence de ce mécontentement. Revenant le 19 avril dernier sur le « lieu du crime », dans les Ardennes, cinq ans après avoir prononcé, le 18 décembre 2006, son fameux discours à la « France qui se lève tôt », le Président de la République a déclaré : « J'affirme qu'il est normal que les salariés à qui l'on a demandé des efforts pendant la crise bénéficient de la reprise. Qui peut comprendre qu'on distribue plus de 80 milliards d'euros aux actionnaires et qu'en même temps, on explique aux salariés qu'il n'y a pas de quoi augmenter les salaires ? »
Ce qui est en jeu, monsieur le ministre, ce ne sont ni les primes, ni la valeur ajoutée, c'est l'augmentation des salaires. Tout le monde a compris que vous vous posiez la question : Mme Lagarde, M. Baroin et vous-même êtes allés partout dans les médias pour évoquer une prime obligatoire de 1 000 euros qui concernerait 8 millions de salariés. À quelle opération de communication ne vous êtes-vous pas livrés pendant des semaines ! Mais, aujourd'hui, que constate-t-on ? Qu'en réalité cette prime n'a rien d'obligatoire – elle est même aléatoire –, qu'elle ne concernera que quatre voire deux millions de salariés et qu'elle ne sera soumise à aucun seuil, minimal ou maximal. Autrement dit, il ne reste plus rien de ce que vous avez annoncé aux Français !
Le pire est que vous inventez une nouvelle niche sociale en prévoyant une exonération sur les primes qui seraient éventuellement perçues, ce qui constitue une proposition totalement incohérente par rapport aux mesures que vous avez fait voter dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Finalement – passez-moi l'expression, l'humour corrézien est à la mode –, votre prime a fait « pschitt ».
Les Français se demandent quelle est votre réponse à la question des salaires. En réalité, vous n'avez pas de réponse. Vous nous expliquez à longueur de temps que le SMIC ne fera pas l'objet d'un coup de pouce au-delà des augmentations légales et que vous êtes favorable à la négociation, alors qu'aujourd'hui, nous découvrons que des millions de salariés sont couverts par des conventions collectives où le salaire le plus bas n'atteint même pas le niveau du SMIC.
Tout cela montre que le Gouvernement n'a jamais eu la moindre politique salariale. Si les Français souffrent aujourd'hui, c'est justement parce que vous n'avez pas été à ce rendez-vous. La seule réponse qui convienne est de rejeter ce projet de loi pour que les Français trouvent soit dans la négociation, soit dans la loi, une solution à la question du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous partageons l'analyse qu'a faite Jean Mallot de ce projet de loi. Le Gouvernement présente ce texte comme un texte de justice alors qu'il s'agit pour nous avant tout d'un texte d'une formidable injustice.
Vous avez dit, monsieur le ministre, dans votre discours d'introduction que ce projet de loi visait à « récompenser le travail ». Est-ce à dire que les salariés qui sont exclus du bénéfice de cette prime, soit l'immense majorité d'entre eux, n'auraient pas accompli leur travail correctement ? Il est inadmissible de voir ainsi certains salariés récompensés et d'autres punis, selon une véritable loterie, comme l'a très bien dit Jean Mallot. Drôle de conception de la justice sociale !
J'ajoute – et ce n'est pas un détail – que ces dispositions vont creuser un peu plus le déficit des comptes sociaux, qui n'en avait vraiment pas besoin.
Nous aurons l'occasion de développer nos arguments. Pour l'heure, pour toutes ces raisons essentielles, nous soutiendrons cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. François de Rugy.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, défendre une motion de renvoi en commission me paraît particulièrement justifié s'agissant d'un texte aussi contestable que contesté – par l'opposition parlementaire, bien sûr, mais aussi par beaucoup de députés de la majorité, si j'en crois certaines déclarations de ces derniers jours.
Fait plus important encore, les syndicats de salariés ont tous déploré une mesure aussi inappropriée à la situation des salariés de France. Quant aux syndicats patronaux, après être montés au créneau, ils ont réussi à vider le texte du peu de substance qu'il avait lorsqu'il était encore au stade de l'ébauche.
Après nous avoir soumis la semaine dernière un projet de loi de finances rectificative qui supprimait le bouclier fiscal et réformait, jusqu'à sa quasi-disparition, l'impôt de solidarité sur la fortune, le Gouvernement nous présente aujourd'hui un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale avec, en point d'orgue, la fameuse prime aux salariés.
Notons au passage votre ordre des priorités : la fiscalité des contribuables les plus fortunés d'abord, le pouvoir d'achat des salariés ensuite.
C'est symbolique, me direz-vous : symbolique, en effet, de ce à quoi vous accordez la priorité depuis quatre ans.
Ces deux projets de loi ont du reste un point commun : il s'agit chaque fois d'un écran de fumée. Vos textes se suivent et se ressemblent. Une fois de plus, on crée de nombreuses inégalités, sous couvert d'améliorer enfin – objectif certes louable – le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Le début de la législature était placé sous les auspices d'un slogan, celui du candidat Nicolas Sarkozy : « Travailler plus pour gagner plus. » Le moins que l'on puisse dire, c'est que votre premier projet de loi, le fameux « paquet fiscal » voté en juillet 2007, était à l'opposé de ce slogan : c'était plutôt « gagner plus sans travailler » ! Ce qui équivaut à remettre au goût du jour l'idée ancienne selon laquelle on peut gagner de l'argent en dormant.
Il disait aussi : « La droite a des intérêts, peu d'idées, et les idées de ses intérêts. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Gagner de l'argent en dormant, disais-je, puisque celui qui recevait du fisc, donc de l'État français, donc de tous les contribuables de France, le chèque cadeau au titre du bouclier fiscal – car c'est bien d'un cadeau qu'il s'agissait ; c'était tellement gros que vous avez dû abroger le dispositif – n'avait pas travaillé une minute de plus au cours de l'année pour le mériter. Vous tomberez d'accord avec moi, au moins sur ce point.
On peut en dire autant, aujourd'hui, de l'exonération d'ISF dont vont bénéficier les patrimoines compris entre 800 000 euros et 1 300 000 euros : pas une minute de travail en plus pour gagner beaucoup plus grâce aux avantages fiscaux !
Ces gens ont travaillé pour constituer leur patrimoine ! Il n'est pas tombé du ciel !
En outre, Nicolas Sarkozy a été élu – vous en souvenez-vous ? – après avoir proclamé qu'il ne serait rien de moins que le président du pouvoir d'achat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il nous aura donc fallu attendre la dernière année de législature pour être enfin témoins d'une première tentative d'application de ce qui n'était plus, depuis quatre ans, qu'un souvenir de campagne.
Mais cette tentative est avortée avant même que le vote n'ait lieu, puisque, au gré des annonces présidentielles et ministérielles, le projet s'est réduit à bien peu de chose, pour bien peu de salariés.
La vérité, la voici : la majorité actuelle, et a fortiori le Gouvernement, n'a aucune stratégie globale et méthodique pour défendre le pouvoir d'achat des Français.
Qu'il s'agisse de ce qui grève le budget de nos compatriotes – l'envolée des prix de l'énergie…
… ou de ceux du logement, par exemple – ou des questions de revenu, le Président de la République, de nouveau candidat en campagne – ceci explique sans doute cela –, croit pouvoir leurrer les Français par de simples effets d'annonce, dépourvus de toute conséquence sur la réalité quotidienne.
Dans son rapport, notre collègue Yves Bur s'évertue, avec l'énergie du désespoir, à égrener les différentes mesures adoptées par le Gouvernement et sa majorité parlementaire afin d'améliorer le pouvoir d'achat des Français.
Le problème, monsieur Bur, c'est que les Français, après quatre ans où vous avez occupé le pouvoir sans partage, attendent plus que des énumérations : ils attendent des résultats. S'ils ne liront pas votre rapport, du moins lisent-ils, chaque mois, la dernière ligne qui figure au bas de leur bulletin de salaire. Et, croyez-moi, cette lecture est malheureusement beaucoup plus convaincante que vos tentatives de ripolinage de la réalité. Car les fiches de paye le montrent : les salaires stagnent, comme les retraites. Étant donné la hausse de certains prix, cela signifie clairement que le pouvoir d'achat baisse.
En lisant votre rapport, mon cher collègue, j'ai pensé qu'il était parfois heureux que notre littérature parlementaire ne soit pas plus largement diffusée, car je n'ose imaginer la colère qu'inspirerait à nos concitoyens un exercice d'autosatisfaction aussi grossier. De qui se moque-t-on ? Qui oserait ici prétendre qu'il a croisé dans sa circonscription, sur un marché ou dans sa permanence, un seul Français persuadé d'avoir véritablement tiré profit du « paquet fiscal », sur lequel je suis déjà revenu la semaine dernière ?
Oui : le samedi matin, ce sont des heures supplémentaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai bien dit dans une permanence parlementaire, pas dans une réunion du premier cercle… C'est peut-être toute la différence entre vous et nous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Les différentes mesures citées n'ont été que des supports de communication pour le Gouvernement. Quant aux résultats, les Français désespèrent d'en trouver, ce qui est pour le moins gênant après quatre ans de mandat. Cela explique peut-être que vous ayez essuyé quatre défaites électorales en quatre ans, record jusqu'alors inégalé sous la Ve République !
C'est votre dernière année, mesdames et messieurs de la majorité : profitez-en !
On avait décidé de vous laisser les régionales : on se réserve pour la présidentielle !
On nous invente donc un nouvel ingrédient : une prime. Mais le problème, mes chers collègues, ce ne sont pas seulement les ingrédients : c'est aussi le moule et la recette ! Et, de ce point de vue, vous vous en tenez depuis quatre ans, avec une grande constance, à une politique aussi injuste qu'inefficace – car vous réussissez le tour de force d'allier les deux.
Parlons donc de cette prime, censée s'élever à 1 000 euros et aller à tous les salariés de France. Elle doit améliorer le quotidien de nombreux Français – de quatre millions, de deux millions, d'un million de Français ?
Notre collègue Vidalies l'a dit, il est difficile d'établir un chiffre exact ; passe encore si l'on en était à quelques dizaines ou quelques centaines près, mais la différence se compte en millions !
En réalité, la prime n'a pas survécu aux discussions interministérielles. On se souvient de l'opposition de Mme Lagarde,…
Lagarde meurt mais ne se rend pas ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
… opposition qui n'a pas dû faiblir à l'heure où elle court la planète pour se faire désigner directrice générale du FMI. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Dans son essence même, l'application de cette mesure est fondée sur l'iniquité. Comme le rappelait notre collègue Jean Mallot, la question de la valeur ajoutée ne sera pas résolue par un dispositif de loterie. Car la valeur ajoutée d'une entreprise doit être mieux répartie entre travail et capital ; c'est une évidence, que nous répétons depuis assez longtemps pour ne pas vous contredire maintenant que vous la reconnaissez.
Toutefois, pour nous, cela ne peut passer ni par la loi de manière autoritaire et uniformisée, ni par un dispositif aussi aléatoire que celui que vous proposez. Il aurait fallu chercher d'abord à créer les conditions d'une négociation nationale entre les partenaires sociaux, que l'on aurait ensuite déclinée par branche et par entreprise. La loi aurait alors pu venir conforter les résultats de la négociation.
Si l'on avait appliqué cette méthode, on n'aurait jamais abouti à un dispositif aussi aléatoire.
Il est inacceptable de proposer une mesure qui n'aura de sens que pour un salarié du privé sur quatre – ou sur cinq, sur six, sur dix ; nul ne le sait.
Au-delà du mélange de conditions qui noient le sens même du projet, il convient de s'attarder…
…sur ceux des salariés qui pourront véritablement toucher cette prime.
Il y a quelque temps, lorsqu'elle feignait encore de s'intéresser aux Français, Mme Lagarde…
…expliquait que la mesure était destinée aux salariés des entreprises qui ne sont pas soumises à l'obligation de verser la participation, c'est-à-dire des entreprises de moins de 50 salariés. Or ils sont exclus de ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais non ! Vous oubliez l'amendement Joyandet ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne venez jamais, et quand vous venez, c'est pour interrompre sans arrêt !
Le débat gagne l'hémicycle ! Mais je vais poursuivre, madame la présidente.
Le Gouvernement avait certes annoncé un dispositif incitatif pour les PME, fondé sur la défiscalisation des primes versées. Quand on est à court d'idées, on recourt toujours à une défiscalisation ! Mais, de nouveau, cette annonce n'a pas été suivie d'effet. On comprend pourquoi quand on voit l'état dans lequel vous avez mis nos finances publiques.
À ces salariés, on explique simplement qu'ils ne toucheront une prime que si leur entreprise peut la leur verser, ou plutôt si elle le veut. La belle affaire que cette exonération de charges jusqu'à 1 200 euros dans le seul cas où ces entreprises présenteraient des dividendes en hausse ! Cette libéralité vous engage d'autant moins qu'elle ne concerne qu'une infime minorité des PME françaises. Pour les collaborateurs des entreprises de moins de 50 salariés, c'est encore plus simple : ils n'auront rien !
J'entendais ce matin notre collègue Jean-Michel Fourgous…
…expliquer à la radio que, non content de ne pas croire en cette réforme, il comptait amender le texte pour que celui-ci ne concerne plus que les entreprises de plus de 250 salariés : tant qu'à créer des inégalités, autant le faire en grand !
Mais ce n'est pas tout. En vous fondant sur une augmentation des bénéfices supérieure à celle constatée au cours des derniers exercices, vous excluez – c'est un comble ! – certaines des entreprises les plus riches, celles qui, comme Total ou certaines banques, ont réussi à traverser la crise en maintenant des profits importants, souvent obtenus au prix de sacrifices de la part des salariés ou d'aides publiques.
Certains salariés seront donc gratifiés d'une prime ; on ne peut que s'en réjouir pour eux. Mais ce dispositif contribue manifestement à creuser encore davantage les inégalités entre Français, entre salariés de grandes entreprises et salariés de petites entreprises, entre les salariés des entreprises qui ont réalisé des bénéfices au cours des dernières années et les salariés des autres entreprises.
Le seul critère valable aurait été le niveau de bénéfices de l'exercice en cours, au lieu de la comparaison entre les montants des dividendes versés aux actionnaires sur plusieurs années. Car c'est chaque année que se pose la question de la répartition des bénéfices : quelle part doit aller aux actionnaires, quelle part doit être réinvestie dans le développement de l'entreprise, quelle part doit aller aux salariés ? Ces questions légitimes que l'on se pose chaque année au sein d'une entreprise ne devraient pas être remises en jeu dans un dispositif aussi complexe.
Comme si cela ne suffisait pas, vous avez cru bon d'exclure également du dispositif tous les salariés du secteur public.
Sans doute ne méritent-ils pas d'accroître leur pouvoir d'achat ! Le point d'indice sera ainsi gelé en 2012 comme en 2011, et les agents de l'État, des collectivités locales et de la fonction publique hospitalière ne bénéficieront d'aucune hausse de salaire, hormis celles dues au titre de l'ancienneté.
Une nouvelle fois, donc, au cours de cette législature, les fonctionnaires sont dénigrés, et ils assistent à la création d'une nouvelle niche fiscale et sociale par l'intermédiaire de la défiscalisation d'une prime réservée au seul secteur privé.
En définitive, qui touchera cette prime ? Dans les entreprises de moins de 50 salariés, ce sera au bon vouloir de l'employeur. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, il faudra que celle-ci fasse des bénéfices et que les dividendes augmentent par rapport à l'année précédente. Viendra alors un accord entre patronat et syndicats.
Vous noterez que les conditions d'application sont très loin de permettre de toucher un salarié sur deux, contrairement à ce que prétendaient MM. Baroin et Bertrand.
Mais le plus incroyable, c'est le cas Total. Il s'agit de l'entreprise qui fait le plus de bénéfices en France : plus de 10 milliards d'euros en 2010, soit trois milliards de plus que lors du précédent exercice. Mais le dividende, lui, n'a pas bougé depuis 2008, se maintenant à 2,28 euros par action. Selon le rapport annuel pour 2010, le montant versé aux actionnaires n'a pas augmenté l'an dernier ; ne dépassant pas 5,250 milliards d'euros en 2010, il est même en légère baisse par rapport à 2009, où il atteignait 5,275 milliards. Ainsi, les dividendes n'augmentant pas, il n'y aura pas de prime pour les salariés, selon le projet tel qu'il nous est présenté. Les salariés du groupe le plus bénéficiaire de France ne sont même pas assurés de toucher une prime censée récompenser les salariés des entreprises florissantes ! Preuve par l'absurde que votre projet est inadapté à la réalité économique et sociale de la France d'aujourd'hui.
Je reviens à la négociation avec les partenaires sociaux. M. Baroin a soutenu en commission que c'est l'absence de proposition des différents syndicats qui avait conduit le Gouvernement à reprendre le projet en main. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Les partenaires sociaux sont si habitués – et si las – que leurs avis soient si peu entendus, que l'on ne prenne jamais en considération leurs revendications légitimes ! La CFDT a ainsi déploré que l'« annonce du gouvernement met[te] de côté une grande majorité des salariés des TPE et PME, ceux des sous-traitants, des entreprises des secteurs non marchands ».
Les protestations du MEDEF ont eu plus de succès : dans le projet, le patron garde la main en cas d'échec des négociations avec les délégués du personnel ou des syndicats. Il dispose en définitive des pleins pouvoirs, puisqu'il lui suffit de laisser traîner les discussions afin de trancher unilatéralement a posteriori.
Voilà une autre raison de renvoyer le texte en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Après avoir formulé ces critiques, j'exposerai nos contre-propositions, qui justifient elles aussi le renvoi en commission. Monsieur le ministre, vous qui prétendez si souvent, avec vos collègues du Gouvernement, que l'opposition n'a rien à proposer,…
Absolument rien, en effet !
…vous serez sans doute heureux d'entendre les propositions des écologistes.
Je tiens tout d'abord à préciser que nous ne promettrons jamais une augmentation généralisée et autoritaire des salaires, qui ne serait ni conforme aux prérogatives du Parlement ou du Gouvernement, ni souhaitable du point de vue du bon fonctionnement de notre économie.
Une augmentation des impôts, oui, mais des salaires, non !
Les tentatives passées d'augmentation générale et uniforme des salaires ont d'ailleurs toujours eu le même résultat : soit l'inflation est repartie à la hausse, enlevant d'une main aux salariés ce qui leur avait prétendument été donné de l'autre, soit la compétitivité des entreprises a été amoindrie, ce qui a provoqué chômage et intensification du travail – là encore au détriment des salariés.
Dans une économie ouverte, la principale menace qui pèse sur les salariés est celle de la délocalisation ; dès lors, cette approche du pouvoir d'achat serait vouée à l'échec, et même mortifère pour l'économie française. La délocalisation n'est d'ailleurs pas simplement une menace : c'est bel et bien une réalité pour les entrepreneurs et les salariés de notre pays.
Depuis plusieurs décennies, ce sont des millions d'emplois qui ont été supprimés par les délocalisations. Dans la région nantaise, dont je suis l'élu, nous sommes bien placés pour le savoir, puisque nous avons vécu ce qui fut sans doute la première vague de désindustrialisation à grande échelle, directement due aux délocalisations avec le départ de la construction navale vers des pays à bas coûts de main-d'oeuvre comme la Corée et, aujourd'hui, la Chine. Cela a continué, vous le savez bien, dans des secteurs en pleine croissance tels que l'informatique, l'électronique grand public, la hi-fi, la vidéo, l'électroménager, la téléphonie, et maintenant l'automobile. Les intentions du groupe PSA Peugeot-Citroën, révélées la semaine dernière par la CGT, sont là pour nous montrer que ce mouvement n'est malheureusement pas près de s'arrêter. Tant que l'on cédera au dogme du libre-échange absolu sans garde-fou ni régulation, il ne faudra pas s'étonner du résultat.
Vous me direz peut-être que je m'éloigne de la question du niveau de salaire des ouvriers et des employés et de leur pouvoir d'achat. Les deux choses sont pourtant intimement liées : d'un côté on justifie les importations à bas prix, donc à bas coût de main-d'oeuvre, par la volonté d'augmenter le pouvoir d'achat – on se souvient des discours de Nicolas Sarkozy vantant les mérites du commerce hard discount – et d'un autre côté ces importations contribuent à la désindustrialisation, du fait des délocalisations. Or, tout le monde sait que la menace des délocalisations permet de justifier le blocage des salaires et la réduction de la protection sociale. Il est sûr que, si l'on veut se comparer aux salaires chinois, les salaires européens seront toujours trop élevés. J'ai eu l'occasion, il y a un an, de me rendre à Shanghai.
J'ai demandé aux entrepreneurs français qui avaient délocalisé leurs sites de production dans cette région, la plus riche et la plus dynamique de Chine, quel était le niveau du SMIC. C'est, m'ont-ils répondu, 125 euros par mois ; ce montant est d'ailleurs le plus élevé de toute la Chine, il ne s'applique qu'aux habitants de Shanghai, et non aux habitants des régions limitrophes, dont les salaires sont inférieurs. Franchement, si l'on veut rentrer dans cette course-là, on sait comment cela se finira pour nos compatriotes salariés !
Or le niveau de vie est directement lié au niveau de salaire et au niveau de protection sociale, sauf à considérer que l'on peut majoritairement tirer ses revenus de son patrimoine – ce qui concerne tellement peu de Français que cela ne nous intéresse pas beaucoup.
Il faudra donc bien un jour s'attaquer à la question de la régulation du commerce mondial et à l'établissement de clauses sociales et environnementales pour arriver à un juste échange entre un ensemble comme l'Union européenne et les pays à bas coûts de main-d'oeuvre. Sinon, on s'installera durablement dans la mise en concurrence des salariés entre eux au niveau mondial, ce qui fera baisser inéluctablement le niveau de salaire et de protection sociale dans un pays comme la France. Pour nous, écologistes, cette conception de la mondialisation est une catastrophe à la fois économique, sociale et écologique.
L'absence de volonté européenne sur ces sujets – absence de volonté d'ailleurs nourrie par l'absence de propositions venant de grands États comme la France – doit-elle nous conduire à l'inaction au niveau national ? Nous ne le pensons pas. Nous sommes même convaincus qu'il reste des marges de manoeuvre à l'échelle française pour améliorer la qualité de vie, les conditions de vie et donc le niveau de vie de nos compatriotes.
Si nous écartons la hausse généralisée et décrétée d'en haut des salaires, nous ne voulons pas non plus entretenir l'illusion que représente la voie du blocage des prix. Très franchement, quand je vois comment les Français semblent réagir – au moins dans les enquêtes d'opinion – aux propositions aussi démagogiques qu'inopérantes d'une ex-candidate à l'élection présidentielle, qui entend manifestement le redevenir, je me dis que décidément le peuple français est un peuple sage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La chasse est ouverte...
Si l'on bloque les prix de tel ou tel produit alors que les coûts de production augmentent, demandera-t-on aux contribuables de payer la différence ? Ce n'est pas sérieux. C'est même suicidaire, car les salariés – qui sont aussi les contribuables – verraient là aussi qu'on leur reprend d'une main ce que l'on a prétendu leur donner d'une autre. Ce qu'il faut faire, c'est encore une fois réguler le marché pour éviter les à-coups si insupportables pour le porte-monnaie de toutes et tous.
Mais on ne fera pas de miracle : les prix du pétrole continueront globalement à augmenter, tout comme ceux du gaz et de l'électricité, tout simplement parce qu'à l'échelle mondiale les ressources s'amenuisent en même temps que la demande augmente. C'est une tendance lourde à laquelle il vaut mieux se préparer, au lieu d'essayer d'y échapper par des expédients qui ne dureraient sans doute pas plus longtemps qu'une campagne électorale.
La première action de ce Gouvernement aurait donc dû être, dès 2007, de donner aux Français les moyens d'échapper au piège que constitue la dépendance à l'énergie. C'était d'autant plus nécessaire que la situation était hautement prévisible. Pour notre part, nous n'avons jamais cessé de donner l'alerte sur cette donnée incontournable.
Le Grenelle de l'environnement aurait pu – aurait dû – être l'occasion d'enclencher cette réorientation profonde de notre économie vers l'efficacité et la haute performance énergétique, vers la sobriété et le développement des énergies renouvelables. L'isolation thermique des logements et des lieux de travail, tout comme le développement des transports en commun, auraient dû constituer les priorités absolues de l'action publique. Réduire durablement sa facture de chauffage ou sa facture de carburant, voilà quelles devraient être aujourd'hui les voies prioritaires de reconquête du pouvoir d'achat.
Le Gouvernement aurait dû agir aussi sur la question du logement : les classes moyennes sont frappées de plein fouet par la hausse des prix des logements, qu'elles aient accédé à la propriété ou qu'elles soient logées dans le parc locatif privé. C'est là une autre dépense contrainte qui grève le budget de nombreux ménages dans la plupart des villes de France.
Enfin, nous devons activer le levier de la réforme fiscale. Que ce soit celles de l'économiste Thomas Piketty ou celles du Conseil des prélèvements obligatoires, institution placée auprès de la Cour des comptes, toutes les études montrent désormais de la même façon que notre fiscalité pèse très lourdement sur les classes moyennes : si l'on cumule les cotisations salariales, la CSG et l'impôt sur le revenu, et qu'on rapporte ces prélèvements obligatoires au revenu perçu, on constate que ce sont les petits revenus et les revenus moyens qui, loin devant les hauts revenus, supportent le plus fort taux d'imposition !
Il ne faut pas oublier les impôts des régions ! Ils ont explosé !
On peut parler des impôts des régions ; on peut aussi parler du fait que vous avez préféré exonérer plusieurs centaines de milliers de riches contribuables de l'impôt de solidarité sur la fortune plutôt que de réformer les bases de l'impôt foncier, par exemple ! Car, en matière d'impôt sur le patrimoine, la taxe foncière est bien plus inégalitaire, bien plus injuste.
Pour atteindre notre objectif, qui est de dégager du pouvoir d'achat pour les revenus modestes et moyens, nous soutenons le principe d'un impôt progressif, fusionnant la CSG – qui n'est pas progressive – et l'impôt sur le revenu. Ce serait pour nous la seule façon de redistribuer du pouvoir d'achat de façon juste, sans augmenter le niveau global de prélèvement ni alourdir le coût du travail. La seule solution, c'est donc la réforme fiscale : chaque citoyen, selon ses revenus effectifs, s'acquitterait d'une contribution juste, adaptée à ses moyens.
Il s'agit d'abord d'être transparent. Et sur ce sujet, cela changerait beaucoup les choses ! Cela signifie un prélèvement à la source, avec un taux connu à l'avance pour chacun, lié au niveau de revenu, et non pas des tranches incompréhensibles et insécurisantes comme actuellement.
Cela permettra une imposition prévisible et beaucoup plus claire. Le prélèvement à la source est un gage de transparence, donc de justice ; mais c'est aussi un pas en avant pour le pouvoir d'achat, en tous cas pour que chacune et chacun ait conscience de ce qu'est réellement son revenu disponible.
Il n'y a en effet rien de pire que la situation actuelle, où tout un chacun peut se retrouver à devoir payer un impôt sur un revenu qu'il a déjà dépensé.
Nous connaissons tous des cas de personnes – dans 99 % des cas, une femme – qui, dans un couple par exemple, hésitent à reprendre un travail ou qui se réfugient dans le travail au noir par peur de payer plus d'impôt que ce qu'ils vont gagner : cette peur est souvent irrationnelle, mais elle est alimentée par l'opacité due à l'incompréhensible mécanisme des tranches.
On pourrait aussi parler de certains crédits d'impôt, ou même de la prime pour l'emploi, qui se révèlent être des miroirs aux alouettes : on vend aux gens des produits ou des services en déduisant une somme qu'ils doivent en fait avancer et dont ils ne seront remboursés que plus d'un an après – et encore faut-il qu'ils n'aient pas fait d'erreurs dans leur déclaration ou qu'ils n'aient pas égaré un justificatif !
Le développement de ces niches et autres crédits d'impôt sont autant de facteurs d'inégalités supplémentaires : ils sont en général plus intéressants pour les hauts revenus, mais surtout il faut y consacrer du temps, voire de l'argent en s'attachant les services d'un conseiller en optimisation fiscale, comme on dit aujourd'hui.
Le prélèvement à la source par l'individualisation et la connaissance partagée des taux – comme c'est le cas aujourd'hui avec la CSG – contribuerait au retour de la confiance dans la parole et l'action publiques. Cette transparence préalable permettra à chacun de constater que cette réforme propose une solution durable et stable, où les plus hauts revenus reverseront une somme plus importante que les plus bas revenus.
Il est donc nécessaire de réformer notre système fiscal devenu dégressif – j'allais dire régressif – sous l'effet de plusieurs facteurs. Tout d'abord, l'impôt sur le revenu, mité par les niches fiscales et abaissé par tous les gouvernements successifs, ne rapporte plus aujourd'hui que la moitié de ce que rapporte la CSG. Ensuite, la plupart des hauts revenus et des revenus du capital bénéficient d'exemptions particulières et de règles dérogatoires leur permettant d'échapper au barème de l'impôt sur le revenu. Celui-ci est devenu si complexe et illisible, si profondément injuste qu'il mine l'ensemble de notre système fiscal. Il ne peut plus être sauvé par de petites réformes à la marge. Il doit être supprimé et remplacé par ce nouvel impôt à la source fusionné avec la CSG.
Les conservateurs de tout poil ont déjà commencé à prétendre que c'était infaisable, essayant par là même de nous faire oublier que c'est ce qui existe dans de nombreux pays développés.
Ce que nous proposons, c'est la création d'un nouvel impôt sur le revenu.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Encore un impôt !
Il remplacerait un grand nombre de taxes existantes, notamment la contribution sociale généralisée ainsi que l'actuel impôt sur le revenu, qui serait purement et simplement supprimé sous sa forme actuelle, le prélèvement libératoire et la prime pour l'emploi.
Cet impôt fusionné serait prélevé à la source sur les revenus du travail et du capital, comme l'actuelle CSG, avec la même assiette que cette dernière, suivant un barème progressif. Une partie des recettes de ce nouvel impôt sur le revenu serait affectée aux dépenses sociales, de la même façon que l'actuelle CSG.
Pour donner un exemple de ce nouveau barème, un revenu brut mensuel par part de 1 100 euros connaîtrait un taux effectif d'imposition de 2 %, soit un impôt mensuel de 22 euros.
C'est aujourd'hui, vous le savez, plus de 10 %, puisque la CSG n'est pas progressive.
Je ne développe pas l'ensemble du barème que nous proposons, mais cet exemple permet d'imaginer les gains de pouvoir d'achat dont bénéficieraient nos concitoyens.
Ce nouvel impôt sur le revenu serait donc beaucoup plus simple et transparent que le système existant. Il permettrait de rétablir la progressivité globale de notre système fiscal et donc de corriger l'injustice du système actuel, de nous rapprocher de la justice fiscale et sociale. Il représenterait, dès la première année de mise en oeuvre, un vrai gain source de pouvoir d'achat pour les salariés les plus modestes et les classes moyennes.
On peut ne pas être d'accord ou en débattre, mais personne ne peut nier qu'il s'agit bien là d'une proposition réelle, argumentée et chiffrée. Nous, écologistes, nous mettrons cette proposition de réforme fiscale au coeur de notre projet pour 2012.
Au vu des critiques que j'ai formulées mais aussi des propositions que j'ai défendues, je crois justifié de renvoyer ce texte en commission. J'invite mes collègues de l'opposition, avec lesquels nous partageons beaucoup de d'analyses, mais aussi, pourquoi pas, les députés de la majorité qui en ont assez de ces bricolages législatifs, à voter pour cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Alain Joyandet, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je ne comprends pas très bien pourquoi ce texte devrait être renvoyé en commission.
Attendez ! Je vais vous dire quelque chose d'agréable : je ne comprends pas très bien pourquoi ce texte devrait être renvoyé en commission, parce que, majorité comme opposition, sous l'autorité du président et du rapporteur, nous avons bien travaillé en commission.
Sauf erreur de ma part, vous avez même tenu des propos plutôt positifs sur le dispositif destiné aux salariés des entreprises de moins de 50 salariés.
Nous avons donc, je crois, bien travaillé en commission, et assez longuement : l'examen a duré plusieurs semaines ; nous avons donc pris tout le temps nécessaire.
Monsieur de Rugy, vous auriez pu constater ce que je viens de souligner en participant à nos travaux.
L'heure est maintenant au travail dans l'hémicycle : ne tardons pas plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Si M. Joyandet ne souhaite pas retourner en commission, nous pensons, pour notre part, qu'il y aurait encore beaucoup à dire sur cette prime.
Je ne sais ce qui a pris au Président, en se réveillant un matin, de lancer cette drôle d'idée…
…ou plutôt ce slogan publicitaire, un de plus : la prime à 1 000 euros. On n'est pas loin du jeu des 1 000 euros ! Le Président a laissé parler son côté communicant et publicitaire.
Malmenée depuis son origine, cette prime est en train de faire « pschitt ! », terme le plus approprié, tant elle est complexe, incertaine et aléatoire.
Ce n'est pas nous qui le disons, mais tous les syndicats qui, aujourd'hui, n'y comprennent pas grand-chose. Qu'on en juge : 3 à 4 millions – on ne sait pas bien – de bénéficiaires potentiels sur 16 millions de salariés, les autres apprécieront ; de 1 à 1 200 euros, avec une moyenne estimée à 700, on ne sait pas bien, ce sont des calculs ; seules sont concernées les entreprises de plus de cinquante salariés, aujourd'hui, mais peut-être l'amendement que M. Joyandet a présenté en commission aura-t-il quelque succès auprès du Gouvernement ; elle ne concerne pas les fonctionnaires qui, c'est évident, ne sont pour rien dans la reprise de la croissance.
Cette prime est décriée par tout le monde, les organisations syndicales patronales comme ouvrières disant qu'elle ne ressemble plus à grand-chose. De surcroît, elle a, pour nous, un grand défaut. Alors que, depuis des années, nous nous battons au sein de la commission des affaires sociales pour éviter les niches sociales et fiscales qui font grand mal à la sécurité sociale et au budget de l'État, on en crée une autre. Qu'à cela ne tienne, nous la combattrons à l'automne !
De plus en plus, cette prime me semble une grande mesure de communication du Président. La loi même est d'ailleurs devenue l'instrument de la communication présidentielle : chaque fois qu'il a envie de communiquer, il dérange le Parlement, si je puis dire. Ce sujet devait pourtant relever d'un travail partenarial, même si ce dernier était long à aboutir, ce que l'on peut comprendre quand l'un des syndicats, comme le MEDEF, ne veut rien lâcher.
En vérité, si vous souhaitez faire du bien aux salariés et augmenter leur pouvoir d'achat de plus en plus limité par les dépenses contraintes, il existe une bonne manière : proposez aux partenaires sociaux d'augmenter les salaires. Vous avez le pouvoir de le leur imposer ; faites-le donc, dites-leur de revoir les négociations salariales.
Les salariés ne demandent pas la charité, mais une véritable politique salariale. Une fois de plus, avec cette prime, vous allez passer à côté. Je vous conseille donc vivement de renvoyer tout cela en commission pour un travail plus sérieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Pour les personnes qui gagnent leur vie en travaillant, pas en dormant ni en plaçant en banque, quand elles ont du travail, les difficultés s'accentuent. Ce que ces personnes réclament, c'est l'augmentation de leurs salaires, car ce sont les salaires qui conditionnent leur vie quotidienne, celle de leurs enfants, de leur famille. Ce sont les salaires qui financent la protection sociale et aussi leurs retraites.
Vous refusez obstinément de répondre à cette légitime demande, à cette mesure de réalisme et de justice, face à l'augmentation des prix et à la diminution du pouvoir d'achat que nul ne peut nier.
Vous répondez à cette légitime demande par une prime aléatoire et profondément injuste, une prime qui, en tout état de cause, ne touchera que très peu de salariés…
…pour un montant que l'on ne connaît pas, ne comptera pas pour leur retraite, et – cerise sur le gâteau – pénalisera le budget de la sécurité sociale.
Ce n'est pas seulement une mauvaise réponse à la vraie question du pouvoir d'achat, c'est une réponse dangereuse. C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer l'examen de ce projet de loi rectificative de financement de la sécurité sociale, nouveauté que le Nouveau Centre demandait depuis longtemps.
Après quelques mots sur le financement de la sécurité sociale, j'aborderai la disposition centrale du projet de loi : la prime pour les salariés.
Le présent projet de loi modifie peu les conditions de financement de la sécurité sociale, sinon en prévoyant un milliard d'euros de recettes supplémentaires du fait de l'accroissement de la masse salariale du secteur privé. Cette augmentation, qui laisse entrevoir une meilleure santé économique, est la bienvenue. Elle permet de faire baisser le niveau du déficit prévisionnel de l'ensemble des branches qui, à 20,8 milliards d'euros, reste cependant élevé.
Cette année encore, le déficit est transféré à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, dont l'existence a été prolongée malgré notre opposition. Il faudra pourtant bien finir par régler le problème du financement de ce déficit en proposant des recettes nouvelles, car il est hors de question de faire financer nos dépenses par les générations futures. Nous aurons, d'ailleurs, à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, à nous prononcer sur le financement du déficit de 2012 qui sera sans doute du même ordre.
Comme il sera très difficile de diminuer les dépenses de 20 milliards, il serait logique, selon le groupe Nouveau Centre, après avoir recherché l'efficience, de proposer des recettes nouvelles, des diminutions de niches sociales et, sans doute, une augmentation de la CSG. Je rappelle, à cet égard, que notre groupe est très attaché à ce que chaque génération finance ses propres dépenses de fonctionnement et ne les reporte pas sur les générations futures.
Quant aux objectifs de dépenses de la branche maladie, ils demeurent inchangés : l'ONDAM est respecté, même si certains hôpitaux rencontrent des difficultés financières, même si les dépassements d'honoraires sont liés, en grande partie, à une non-revalorisation des actes techniques et à la non-mise en place de la classification commune des actes médicaux, dite CCAM clinique. À ce sujet, une question reste d'ailleurs en suspens : comment proposer ces revalorisations avec un ONDAM contraint ?
J'en viens à la mesure phare de ce projet de loi : la prime aux salariés.
Le partage de la valeur ajoutée est un sujet cher au Nouveau Centre, qui n'a cessé d'appeler le Gouvernement à s'attaquer à la question vitale du pouvoir d'achat.
C'est ambigu : ce sont les salaires ou la valeur ajoutée ? Il faut choisir !
Notre groupe se félicite aujourd'hui qu'une mesure concrète vienne traduire une première inflexion de la politique gouvernementale vers plus de justice sociale, même si elle est le fruit de négociations non abouties entre partenaires sociaux sur le partage de la valeur ajoutée. Il est nécessaire d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés, donc souhaitable d'aboutir à une meilleure répartition des bénéfices entre les salariés, le capital et l'investissement.
Pour autant, si cette mesure va dans la bonne direction, c'est-à-dire vers un meilleur partage des richesses créées, elle n'en reste pas moins un nouveau levier actionné de manière isolée, sans un effet positif pour l'ensemble des salariés français. Elle ne concernerait d'ailleurs que 4 des 16 millions de salariés du secteur marchand, alors que les plus modestes et les classes moyennes ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts.
Cela dit, en commission, vous avez précisé, monsieur le ministre, que la prime n'était pas conçue pour régler le problème du pouvoir d'achat, mais plutôt comme un moyen de reconnaître la contribution des salariés aux résultats de l'entreprise.
Tout à fait !
Il est, en effet, indispensable de récompenser l'effort fourni par l'ensemble des acteurs de l'entreprise pour les bons résultats de cette dernière.
De fait, derrière cette prime salariale, c'est toute la question de l'acceptabilité sociale des modalités de fonctionnement de notre système économique qui est en jeu. Sur ce sujet, le Nouveau Centre avait posé, ces derniers mois, des jalons significatifs, s'agissant, par exemple, du reclassement à l'étranger de salariés licenciés ou du financement par l'État des plans sociaux.
Une entreprise qui licencie peut-elle proposer à un salarié d'aller travailler à l'étranger pour un salaire inférieur à notre SMIC ? Une entreprise qui réalise des bénéfices mais qui licencie peut-elle voir son plan social abondé par des fonds publics ? À ces deux questions, nous avons évidemment répondu par la négative et proposé des dispositifs correctifs permettant d'éviter que ces situations ne se répètent.
Aujourd'hui, la question qui se pose à nous est la suivante : une entreprise qui distribue des dividendes à ses actionnaires peut-elle s'exonérer d'une mesure concernant la rémunération de ses salariés ?
Le dispositif proposé par le projet de loi est un début de réponse concrète à cette question, en l'absence de proposition issue du dialogue social. Le partage équitable de la valeur ajoutée est un principe fort du fonctionnement d'une économie équilibrée. J'en veux pour preuve les entreprises de l'économie sociale, qui contribuent pour 7 % à 8 % à la création de notre richesse nationale, emploient 10 % de nos salariés et ont continué à créer des emplois malgré la crise. En 2010, les coopératives de production ont affecté 39 % de leurs résultats à leurs réserves impartageables. Leurs salariés se sont vus rétrocéder 40 % de leurs excédents nets de gestion sous forme de participation et 10 % sous forme d'intéressement. La moitié des résultats de ces entreprises est ainsi revenue à leurs salariés. Enfin, 11 % des excédents nets de gestion ont été consacrés au versement des dividendes. La performance économique est donc compatible avec la justice sociale.
Pour favoriser et renforcer cet esprit, nous avons déposé un amendement tendant à renforcer votre dispositif grâce au « dividende social ».
Nous tenons à ce que les entreprises qui versent des dividendes soient tenues d'allouer une partie de ces derniers, à hauteur de 20 %, à l'ensemble de leurs salariés sous forme de participation. Il s'agit, à notre sens, d'un amendement de justice et d'équité sociale en ce qu'il permet de relier directement la notion de dividende, soit le partage des profits, à l'effort fourni par l'ensemble des salariés. Il crée un véritable lien structurel entre dividendes du travail et dividendes du capital par son côté obligatoire, même si les modalités du versement seraient, quant à elles, renvoyées à la négociation collective.
Un tel mécanisme crée la possibilité d'un dividende social pour l'ensemble des salariés, y compris ceux qui ne sont pas salariés associés. Il présente l'avantage d'un meilleur partage des fruits de l'expansion de l'entreprise et permet d'établir un lien direct entre les dividendes perçus par les associés et actionnaires et la participation des salariés.
Enfin, au-delà du caractère obligatoire de cette prime ou de son montant, le groupe Nouveau Centre considère comme indispensable d'inventer un nouveau pacte de croissance, un pacte qui permette à chacun d'être reconnu à sa juste valeur pour ce qu'il apporte à l'économie française, et d'améliorer significativement et durablement le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Ce nouveau pacte de croissance pour l'amélioration du pouvoir d'achat appelle un débat sincère sur la mise en place d'une TVA sociale, la remise en question des 35 heures, ainsi que la mise en oeuvre, en concertation avec les partenaires sociaux, de mesures portant sur le partage de la valeur ajoutée et des profits, et sur la limitation des écarts de rémunération en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dispositif proposé étant maintenant bien connu, je me contenterai d'insister sur certains points et de formuler quelques observations.
D'abord, il est bien entendu que le sujet n'est pas le partage de la valeur, matière qui est bien plus compliquée et dont sont d'ailleurs en train de discuter les partenaires sociaux. Comme je l'ai entendu sur les bancs socialistes, nous traitons plutôt de partage des bénéfices, des profits, dans le cadre de la recherche d'une meilleure équité.
Aujourd'hui, dans le fameux partage de la valeur, la masse salariale représente à peu près 67 % ; elle est à mettre en regard du capital des actionnaires. Les dividendes versés à ces mêmes actionnaires peuvent être comparés aux différents dispositifs d'intéressement ou de participation. C'est ainsi qu'il faut essayer de comparer les choses.
S'agissant des entreprises de plus de cinquante salariés, certains de nos collègues ont fait état de cas exceptionnels alors que, dans la majorité des situations, l'augmentation des dividendes coïncidera avec celle des bénéfices. À ce sujet, le débat bénéfices-dividendes va devoir être tranché rapidement car les dividendes représentent bien une partie des bénéfices. Verser des dividendes à l'actionnaire revient bien à lui donner une partie des bénéfices qui ont été réalisés par l'entreprise ou des bénéfices qui auraient été stockés par l'entreprise, constituant ainsi des réserves.
Je parle en mon nom et en celui du groupe UMP.
Il faudra m'expliquer ce que sont les réserves de l'entreprise sinon des bénéfices qui n'ont pas été distribués. Les dividendes représentent donc bien une partie des bénéfices de l'entreprise. CQFD !
J'en viens au cas des entreprises de moins de cinquante salariés qui a fait l'objet d'une discussion très intéressante en commission.
On ne peut pas nier qu'il est malheureusement nécessaire de maintenir une différence de traitement entre les très grandes et les très petites entreprises. Il me paraît important que, s'agissant de ces dernières, le volontariat s'applique. Nous souhaitons cependant améliorer le texte qui nous est soumis en prévoyant un intéressement simplifié pour les entreprises de moins de cinquante salariés. À cet égard, monsieur le ministre, sans anticiper la discussion sur les articles, j'aimerais avoir votre sentiment sur l'initiative lancée par la commission des affaires sociales.
On parle beaucoup de complexité pour les entreprises. Je rappelle que le dispositif gouvernemental est expérimental. S'il avait été simple de régler ce problème, pourquoi les partenaires sociaux n'y seraient-ils pas parvenus sans nous ? Le débat a le mérite d'être un aiguillon pour les partenaires sociaux, de poser la question. Si les partenaires sociaux réussissent à mettre en place un dispositif qui convienne mieux que celui imaginé par le Gouvernement, pourquoi ne pas revoir le sujet dès l'année prochaine puisque, je le rappelle, il s'agit d'une expérimentation ?
J'en viens à un thème qui me paraît évident mais dont on ne parle pas beaucoup.
Il y a à peine deux ans, nous étions en proie à une crise financière exceptionnelle. Qui aurait pu prévoir que nous discuterions ce soir d'une meilleure répartition des bénéfices des entreprises ?
Si nous en sommes là, c'est parce que la France a réussi à sortir de cette crise financière beaucoup mieux que ses partenaires…
On nous a dit que cette crise financière, que l'on ne nous avait pas annoncée, durerait très longtemps. Or, sous l'impulsion du Président de la République et grâce aux recettes mises en oeuvre, la croissance est plus forte que prévue et la situation de la France est un peu meilleure que celle des autres pays.
Puisque la situation s'améliore, que certains bénéfices augmentent et que certains dividendes vont progresser, nonobstant les procédures d'intéressement, de participation existantes, pourquoi ne pas poser le problème d'une meilleure répartition des bénéfices en faveur des salariés ? C'est tout à l'honneur du Président de la République d'avoir posé cette question.
La réponse apportée par le Gouvernement est très complexe à mettre en oeuvre, et vous avez souligné, mes chers collègues de l'opposition, différents points qui ne sont pas faux. Cependant, je le répète, si cela avait été facile, d'autres l'auraient fait à notre place. Après avoir sauvé son économie et, en grande partie, son secteur industriel, il n'est pas anormal que l'État demande à ces mêmes entreprises de renvoyer aux salariés un peu de ces bénéfices.
Permettez-moi de remercier chaleureusement le ministre et toute son équipe pour le travail que nous effectuons ensemble depuis quelques semaines. La concertation a été totale et fructueuse, et je ne doute pas que la discussion nous permettra de parvenir à un texte qui donne satisfaction au plus grand nombre.
Même si, nous ne le contestons pas, la majorité des salariés ne bénéficiera pas nécessairement de cette prime, nous posons aussi la question du secteur public,…
…tout en sachant que la crise des finances publiques n'est pas définitivement réglée. Il y a toujours eu des disparités entre les entreprises, des entreprises qui gagnent plus que d'autres, des entreprises où les systèmes salariaux sont plus avantageux que d'autres. Là où cela est possible, faisons en sorte que les salariés en profitent. Nous sommes dans une démarche positive.
M. de Rugy a indiqué qu'il était allé en Chine où le salaire minimum est de 125 euros par mois. J'ai cru qu'il allait nous expliquer comment le salaire minimum chinois allait atteindre rapidement le salaire minimum européen. Or j'ai bien vu qu'il avait seulement dressé un constat et qu'il n'avait apporté aucune réponse. Je le souligne pour illustrer la complexité de la mondialisation, la complexité des entreprises françaises, celles qui sont dans la mondialisation et celles qui n'y sont pas, celles qui gagnent beaucoup d'argent et celles qui en gagnent moins. Je ne vois pas comment apporter une réponse simple à une situation complexe.
En conclusion, l'UMP soutiendra le présent projet de loi.
…et l'accueil qui a été réservé à nos propositions. J'espère qu'elles se concrétiseront par des mesures législatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, je ne parlerai pas de la prime sur les dividendes, mais de l'article 11 du présent projet de loi qui confirme le maintien de l'ONDAM à 2,9 %, l'ensemble de ces sous-objectifs demeurant inchangés. En cela, il pourrait être une preuve de la capacité à gérer de l'actuelle majorité, notamment à limiter les déficits des comptes publics. À la page 82 du rapport, on est d'ailleurs dans l'autosatisfaction puisqu'il est indiqué : « La perspective d'un respect de l'ONDAM en 2011 témoigne de l'efficacité des procédures de suivi et de régulation des dépenses mises en place depuis 2004 ». En lisant ces lignes, soit je m'étrangle, soit j'essaie d'expliquer.
Ne vous étranglez pas, ce serait dommage !
Je préfère en effet la deuxième solution !
Mes chers collègues de la majorité, respecter l'ONDAM est une chose, réussir à remettre les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre en est une autre, le premier n'étant qu'un outil pour parvenir au second. À ce égard je vais vous rappeler des souvenirs qui vont vous faire mal.
Les socialistes, ces mauvais gestionnaires, n'avaient certes pas réussi à respecter l'ONDAM entre 1998 et 2002, mais ils avaient malgré tout remis les quatre branches de la sécurité sociale dans le vert, ce qui est loin d'être le cas depuis que vous êtes aux responsabilités. Ainsi, si je reprends les chiffres publiés par la commission des comptes de la sécurité sociale de l'époque, l'excédent en encaissements décaissements du régime général était de 800 millions d'euros en 2000, de 1,5 milliard en 2001 et de 1,1 milliard en 2002. La commission osait même affirmer dans son rapport : « Entre 1999 et 2002, l'excédent de la sécurité sociale aura été multiplié par plus de dix. Le contraste est saisissant avec les déficits très importants enregistrés jusqu'en 1997. »
Je n'ai rien à ajouter sur le sujet, si ce n'est que ce résultat ne s'est pas réalisé sur le dos de nos concitoyens, comme c'est le cas avec votre politique.
Les choix politiques assumés pour respecter l'ONDAM sont très différents suivant la majorité qui les propose.
D'un côté, on assiste à des dépassements d'honoraires, aux forfaits médicaux, ce que l'on appelle le reste à charge, sans parler des déserts médicaux. De l'autre, comme le précise la même commission des comptes de la sécurité sociale, dans ce temps que j'évoquais, plus de 2 millions de personnes ont eu accès au système de soins avec la mise en place de la CMU, 4,1 milliards d'euros supplémentaires ont été dégagés durant la législature 1997-2002 pour l'hôpital, 45 millions pour les services d'urgence et un plan audacieux de prévention dentaire a été mis en place.
Vous le voyez, mes chers collèges, on peut être bon gestionnaire et au service des Français. On peut également être comme vous, c'est-à-dire tout le contraire. Vos résultats en matière de santé et de comptes publics le prouvent.
Si l'on s'arrête à la situation sanitaire des Français, nous avons de quoi être réellement inquiets.
En effet 23 % d'entre eux ont renoncé, en 2010, à des soins pour des raisons financières, contre 11 % en 2009. On a constaté 17 % de consultations supplémentaires dans les centres Médecins du monde entre 2007 et 2009, avec une augmentation de 30 % du nombre de patients mineurs, ainsi que des travailleurs pauvres ou moins pauvres, des retraités aux petites pensions.
Ces situations très nombreuses, inadmissibles dans un pays comme le nôtre, dont le Gouvernement veut donner des leçons à la terre entière, au G8, au G20, devraient appeler toute notre attention. Au lieu de cela, la majorité poursuit sa quête éperdue d'économies sans que cela ne profite ni au budget ni aux Français.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour tout vous dire, avec l'article 11 je me demande si le respect de l'ONDAM ne serait pas simplement la conséquence d'un moindre accès au système de soins.
Je vous donne un conseil : poursuivez cette politique et vous réussirez rapidement à fixer un ONDAM à zéro. L'objectif sera atteint, avec d'un côté ceux qui peuvent se soigner. Quant aux autres, ils n'avaient qu'à être du bon côté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 est une première. C'est la première fois, en effet, qu'un gouvernement décide de rectifier une loi de financement de la sécurité sociale votée six mois plus tôt.
Qu'est-ce qui justifie une telle nouveauté ? Cette question me paraît d'autant plus intéressante qu'il y a deux ans, vous n'avez pas jugé utile de rectifier la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 alors que vos prévisions étaient pourtant largement obsolètes du fait de la crise. D'ailleurs, cette année-là, le déficit de la sécurité sociale, initialement estimé à 10 milliards d'euros, a atteint plus du double. Cela ne vous avait pas ému au point de décider de présenter un projet de loi rectificative.
Alors pourquoi ce texte aujourd'hui ?
Tout le monde a compris que c'est moins la situation des comptes de la sécurité sociale que l'élection présidentielle de 2012 qui motive ce projet à la fois inutile, injuste et très électoraliste.
Outre le fait qu'il vous permet de vous auto-congratuler sur la légère embellie des comptes de la sécurité sociale, due essentiellement à un timide et fragile retour de la croissance ; outre qu'il vous permet de vous féliciter du respect de l'ONDAM, essentiellement dû au gel d'une partie du budget des hôpitaux publics et au recul spectaculaire de l'accès aux soins dans notre pays, ce texte vise avant tout à vous parer des vertus de l'équité en tentant de faire croire à nos concitoyens que vous êtes attachés à un partage équitable de la richesse produite et, finalement, à la justice sociale.
Si nous comprenons l'importance, pour vous, de tenter de faire passer un tel message – particulièrement dans cette période préélectorale – face aux sacrifices et aux souffrances imposés à nos concitoyens, dans tous les domaines, par vos choix politiques, nous mesurons tout autant l'illusion que vous nourrissez sur ce point. J'oserai avancer que la pente n'est pas facile à remonter.
En effet, après avoir instauré le bouclier fiscal, finalement supprimé en même temps que l'impôt sur la fortune, alors que vous poursuivez votre entreprise de démolition des grands hôpitaux publics et des services publics en général – celui de l'enseignement, par exemple –, alors que vous maintenez la pénurie de logements sociaux, interdisant aux personnes et aux familles – y compris à revenus moyens – de se loger décemment, alors que près de 3,5 millions de personnes demeurent sans emploi, alors que vous avez fait tout cela, vous croyez encore pouvoir convaincre nos concitoyens que les inégalités sociales dont le niveau n'a jamais été aussi élevé vous empêchent de dormir la nuit, hantent les réflexions de notre Président-candidat. Croyez-vous qu'ils soient naïfs au point de tomber dans ce panneau ?
Vous dites qu'ils se déclarent majoritairement favorables à cette prime.
C'est vrai !
Je n'en doute pas car ils ne sont ni naïfs ni sots. Je ne vois pas au nom de quoi les salariés qui auront la chance, dans cette loterie, de percevoir cette prime, la refuseraient ? Ils ne sont pas dupes pour autant.
Écoutez-les bien, écoutez aussi leurs organisations syndicales : ce qu'ils demandent, c'est une augmentation de leurs salaires, parce que ce sont bien les salaires qui structurent leur vie au présent et au futur, qui déterminent leur vie au quotidien et construisent leur protection sociale en matière de santé et de retraite notamment.
C'est vrai !
Évidemment, ce ne sont pas les primes ponctuelles, qui tombent ou plutôt ne tombent pas pour l'immense majorité des salariés.
Si l'on examine le contenu précis de ce texte, présenté comme votre grande mesure de justice sociale parce qu'elle partagerait équitablement les dividendes, la baudruche se dégonfle complètement.
Rappelons d'abord que, à l'origine de cette mesure, on trouve les bénéfices indécents engrangés par les sociétés cotées en bourse et l'augmentation vertigineuse des dividendes versés aux actionnaires pendant que, pour les salariés, le pouvoir d'achat baisse et que les salaires stagnent. C'est à cette situation bien réelle, qui choque à juste titre nos concitoyens, que le Président tente aujourd'hui de réagir, mais la réaction n'est pas à la hauteur des attentes, loin de là.
S'appuyant sur les chiffres de l'OCDE, deux sénateurs, l'un de droite, Joël Bourdin, l'autre de gauche, Patricia Schillinger, ont montré, dans un récent rapport, qu'au sein de l'Union européenne la part des salaires a chuté de quinze points depuis 1975.
Ils constatent également que les 250 plus grosses entreprises françaises cotées en bourse ont augmenté la part de leurs profits de près de vingt points depuis 1990.
Les deux sénateurs estiment que les résultats obtenus par les autres études sur le sujet sous-estiment la part des profits dans la valeur ajoutée et que leurs propres conclusions remettent en cause le consensus sur une prétendue stabilité du partage de la valeur ajoutée. Ils montrent au contraire que la part salariale dans la valeur ajoutée ne cesse de se réduire.
Cela a surtout été le cas entre 1982 et 1986, quand vous étiez au pouvoir !
La valeur ajoutée du travail a baissé quand vous étiez au pouvoir, madame !
Il y a lieu, quand on est préoccupé de justice comme vous le prétendez, de corriger les anomalies produites par des dispositions antérieures. Si elles n'étaient pas bonnes, vous n'êtes pas obligés d'en faire autant ou pire !
Je ne donne pas de leçons ; je constate et note que personne, dans la majorité, ne propose de modifier cette situation.
Force est de constater aussi que le mouvement que je viens d'évoquer a été accentué ces dix dernières années et qu'il n'a nullement été entravé par la crise.
Ainsi le journal bien peu révolutionnaire L'Expansion a calculé que, entre 2003 et 2009, le montant des dividendes par action au sein des entreprises du CAC 40 a augmenté de 462 % quand la masse salariale par salarié dans les mêmes entreprises ne croissait que de 19 %. Chez Bouygues, les dividendes ont progressé de 241 % et la masse salariale de 24 %. Chez L'Oréal, les dividendes perçus par Mme Bettencourt et les autres actionnaires ont augmenté de 105 % quand les salaires ne progressaient que de 2 %. À Sanofi, la masse salariale par salarié a même baissé de 2 % quand les dividendes étaient multipliés par deux. J'ajoute que, ces dernières années, Sanofi a supprimé près de 3 000 emplois et dépense aujourd'hui plus d'argent pour satisfaire ses actionnaires que pour la recherche.
Encore une fois, il s'agit d'un mouvement de fond que n'a pas entravé la crise puisque les dividendes ont maintenu leur niveau en 2009, avant de progresser de 13,7 % en moyenne en 2010. Telle est l'incontestable réalité.
Si la crise a eu des conséquences dramatiques pour les salariés dont les salaires ont stagné quand ils n'ont pas perdu leur emploi, elle a, vous le voyez, très peu concerné les actionnaires. C'est la magie des dividendes, censés récompenser la prise de risque des spéculateurs : en fait, on gagne à tous les coups, même quand les résultats sont mauvais !
Ils sont là, monsieur le ministre, les véritables assistés : ce sont les actionnaires et vous feriez mieux de vous occuper d'eux plutôt que de ceux qui sont contraints, par vos choix politiques, de vivre avec le RSA.
Même Jean Peyrelevade, ancien PDG du Crédit lyonnais, considère que les actions ne devraient pas rapporter plus de 3 à 5 % nets d'inflation. Selon lui, au-delà, c'est de la prédation. Or les investisseurs réclament une rémunération de 15 % minimum. Le moins que l'on puisse dire est que cette euphorie des actionnaires cadre mal avec la revalorisation du travail promise par le Président de la République. Non seulement les rentiers s'enrichissent plus et beaucoup plus même, que ceux qui travaillent, mais ils le font sur le dos de ces mêmes travailleurs.
À un an de l'élection présidentielle, un geste s'imposait donc face à cette situation ; non pas une action de fond pour desserrer l'emprise de la bourse sur l'économie réelle, mais, comme de bien entendu, une action de communication censée suffire à redorer votre blason.
Ainsi le Président a d'abord promis de contraindre les entreprises à augmenter les salaires de leurs employés lorsqu'elles versaient des dividendes à leurs actionnaires. C'était une bonne idée. On a ensuite parlé d'une simple prime de 1 200 puis de 1 000 euros plutôt que d'une augmentation de salaire. Finalement, la montagne a accouché non seulement d'une souris, mais surtout d'une injustice de plus.
D'abord, ce texte est inutile : inutile car les dispositifs en vigueur relatifs à la participation et à l'intéressement permettent de verser de telles primes, d'ailleurs déjà exonérés de cotisations sociales – donc rien de nouveau à l'horizon ; inutile aussi parce qu'il ne résout pas la question fondamentale de l'effritement du pouvoir d'achat ni celle, tout aussi essentielle, de la pression que font peser les actionnaires sur l'économie réelle.
Surtout, ce projet est injuste pour les salariés puisque seuls ceux des entreprises de plus de 50 salariés qui versent des dividendes à leurs actionnaires, ces dividendes étant en augmentation par rapport aux années précédentes, pourront prétendre à une prime, ce qui devrait concerner au mieux 3 millions de personnes sur 24 millions de salariés.
Quant à son montant, il devra faire l'objet d'une discussion avec les représentants des salariés. Toutefois, en cas d'échec de cette négociation, il pourra être fixé unilatéralement par les chefs d'entreprise. Il sera par ailleurs possible de le moduler en fonction du niveau de salaire ou de l'ancienneté. Le rapport d'évaluation préalable annexé au projet de loi croit pouvoir prédire que son montant moyen sera de 700 euros ; décidément, il baisse tous les jours.
Cette prime, enfin, sera exonérée de cotisations sociales ; il s'agira donc, au passage, d'un nouveau petit cadeau – au détriment des comptes sociaux – pour ces grosses entreprises dont les dividendes distribués explosent. Et vous appelez cela justice sociale !
Vu que rien ne distinguera donc ce dispositif de ceux d'intéressement et de participation en vigueur, la seule véritable nouveauté réside dans le fait qu'il concernera beaucoup moins de salariés.
Injuste pour les salariés, cette disposition le sera aussi pour les entreprises elles-mêmes, puisqu'elle ne concernera pas celles qui distribuent des dividendes indécents, mais uniquement celles qui augmentent leurs dividendes. On peut prévoir des conséquences collatérales : les entreprises qui, malgré la crise, ont maintenu de hauts niveaux de dividendes seront donc moins sanctionnées que celles qui ont baissé leurs dividendes pendant la crise et qui les augmentent maintenant.
Soulignons enfin les limites de ce dispositif, que de grands patrons ont d'ores et déjà déclaré vouloir contourner.
Telle est la réalité concrète. Il faut ajouter que la prime ne concernera pas les salariés des entreprises sous-traitantes, rarement cotées en bourse et qui subissent, en cascade, les impératifs de rentabilité imposés par les actionnaires à leurs donneurs d'ordre. En outre, cette prime n'étant pas un salaire, elle n'ouvrira aucun droit pour une retraite future et ne participera pas au financement de la sécurité sociale.
Vous avez sans doute remarqué – on vous l'a en tout cas rappelé – que ce texte est unanimement rejeté par des organisations respectables et que, espérons-nous, vous respectez : les syndicats, le conseil d'administration de l'ACOSS, celui de la branche famille, celui de la branche vieillesse et celui de la branche maladie de la sécurité sociale. Une belle réussite pour le Gouvernement !
J'ai également remarqué que cette réforme n'était pas rejetée par les Français !
Toutes ces gesticulations ne masqueront pas l'urgente nécessité d'augmenter les salaires dans ce pays…
…afin de permettre à la fois de revaloriser le travail, de relancer le pouvoir d'achat et de financer la sécurité sociale, mais également de rééquilibrer durablement un partage plus équitable de la valeur ajoutée en augmentant la part des salariés. Il ne faudrait pas oublier que les acteurs de la production de valeur ajoutée, donc de richesses, sont les salariés et que ceux de notre pays sont parmi les plus productifs d'Europe.
Nous avons déposé un certain nombre d'amendements visant à revaloriser le travail.
Si vous souhaitez réellement agir pour défendre le pouvoir d'achat des salariés face aux spéculateurs, il vous appartient de soutenir ces amendements, de les faire adopter par votre majorité car, en l'état actuel, nous ne voterons pas ce texte.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise mondiale, financière, économique et sociale la plus importante des quatre-vingt dernières années n'a pas épargné la France, qui a toutefois été moins touchée que d'autres pays, grâce à la réactivité et aux mesures prises par le Président de la République, le Gouvernement et la majorité qui les soutient. Il fallait le rappeler, comme Alain Joyandet l'a fait il y a quelques instants.
Nous mesurons, les uns et les autres, les difficultés, les craintes, les angoisses qu'une telle crise a suscitées et toutes n'ont pas encore disparu, même si les indicateurs passent au vert. La croissance revient, la reprise s'accélère, le chômage décroît. Oui, le chômage, monsieur le ministre, est en baisse depuis quatre mois, et vous mettez tout en oeuvre pour améliorer la situation de l'emploi. La France devrait tenir son objectif de 2 % de croissance en 2011. L'OCDE évoque même un taux de 2,2 %.
Nous mesurons, sur le terrain, les difficultés de nos chefs d'entreprise, qui se battent pour maintenir et développer l'activité, mais aussi les efforts de leurs salariés pendant cette crise sans précédent, ce qui rend aujourd'hui leur attente d'autant plus forte à l'heure où notre économie est sur la bonne voie pour retrouver son dynamisme.
Pour le Président de la République, pour vous-même, monsieur le ministre, l'équité dans le partage de la valeur ajoutée est un élément du pacte social. Vous avez raison. Nous partageons cette idée, qui n'est pas nouvelle, puisque, en 1959 et en 1967, l'intéressement et la participation ont associé les salariés aux performances de l'entreprise et à ses résultats.
Aujourd'hui, mes chers collègues, ce texte de loi crée la prime de partage des profits. Initialement limitée aux entreprises de plus de cinquante salariés, elle permettra aussi aux entreprises de moins de cinquante salariés qui souhaiteront verser une prime exonérée de charges sociales de le faire en dehors du dispositif dividendes.
Cette mesure en faveur des salariés suscite, c'est vrai, certaines questions, certaines interrogations, ici ou là, sur tous les bancs, d'ailleurs. Elles concernent son application, son montant, le dialogue interne à l'entreprise, sa mise en oeuvre, bien évidemment. Cela étant vous avez le mérite, monsieur le ministre, de prendre devant nous vos responsabilités, affirmant – et vous l'avez fait il y a quelques instants à cette tribune – que, plus qu'une mesure de pouvoir d'achat, il s'agit d'une mesure de justice, d'une mesure d'équité. Vous faites ainsi du travail une valeur centrale dans notre société. Cela est très important, en tout cas pour nous, au groupe UMP.
L'article 1er ne doit cependant pas masquer le reste du texte. C'est la première fois, comme l'a parfaitement rappelé Yves Bur, que le Parlement est saisi d'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Cela est pleinement justifié d'un point de vue juridique, et cela est cohérent avec la réforme en cours de la gouvernance de nos finances publiques.
Ainsi, nous procédons aux adaptations rendues nécessaires depuis le vote de la loi de financement que ce texte vise à rectifier. On ne peut que se réjouir des évolutions attendues.
En effet, pour 2011, le déficit du régime général est revu à la baisse : il devrait atteindre 19,5 milliards d'euros, en amélioration de 1,4 milliard d'euros par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Et, pour la première fois depuis que le Parlement fixe chaque année l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, la progression constatée de ces dépenses est conforme à l'objectif fixé, à savoir 3 %.
Enfin, le régime général devrait bénéficier de recettes supplémentaires, du fait d'une hypothèse de masse salariale en progression de 3,2 %, supérieure à la prévision associée à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, qui était de 2,9 %.
Oui, mes chers collègues, et vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la conjoncture économique s'améliore et la sécurité sociale en profite ; c'est l'essentiel.
Incontestablement, ces prévisions encourageantes pour 2011 traduisent la politique de maîtrise de la dépense sociale engagée par le Gouvernement et soutenue par la majorité. On ne peut donc, au groupe UMP, que vous soutenir dans votre action et adopter ce projet de loi. À mon sens, en effet, nous ne sortons pas seulement d'une crise, nous changeons d'époque. Nous devons construire un nouveau modèle de société. Ce texte en est l'un des fondements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l'occasion de ce projet de loi, nous sommes principalement amenés à examiner une nouvelle disposition qui, selon le Gouvernement, vise à améliorer le partage de la valeur ajoutée.
Comment mieux partager la valeur ajoutée dans l'entreprise entre salaire et capital ? C'est en effet une question importante. J'en ajouterai deux autres, qui sont étroitement liées : comment répondre à la stagnation des salaires et à la baisse du pouvoir d'achat des ménages ?
Certes, le problème évoqué est réel et nos concitoyens attendent en effet des réponses claires et efficaces, mais les solutions que vous proposez aujourd'hui n'y répondent pas. Vos propositions ne sont pas à la hauteur des enjeux pour les salariés, car, en réalité, le Président de la République, comme à son habitude, a privilégié un coup médiatique, un effet d'annonce, plutôt que de s'attaquer sérieusement au problème.
En promettant, dans une évidente précipitation et sans aucune concertation avec les organisations syndicales, une prime de 1 000 euros pour les salariés, le Gouvernement s'est prêté une nouvelle fois à un jeu malsain et démagogique, qui, au final, aboutira à une grande déception pour les salariés. D'ailleurs, aujourd'hui même, une grande entreprise a arrêté des négociations salariales, au profit d'une éventuelle prime, à venir dans les prochains mois et qui sera, cela a été dit, exonérée des cotisations sociales. Pour ces salariés, donc, pas de hausse de salaire en 2011.
Ce dispositif provoquera assurément la déception de celles et ceux qui auraient pourtant bien besoin de cette aide, car il est tout à fait aléatoire : selon que vous travaillez dans une petite ou dans une grande entreprise, vous bénéficierez ou pas de cette prime ; selon que l'entreprise aura versé ou pas des dividendes en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents, vous bénéficierez ou pas de cette prime ; selon que le chef d'entreprise l'aura décidé ou pas, vous bénéficierez ou pas de cette prime.
Pourquoi instaurer une telle inégalité entre les salariés ? Comment pensez-vous que cette inégalité de traitement sera ressentie par les salariés et leurs familles, sinon comme une nouvelle injustice ?
En réalité, nous sommes bien loin de l'annonce faite par M. Sarkozy. Alors que la prime devait être de 1 000 euros, elle sera bien souvent inférieure. Elle pourra même être de 1 euro, puisqu'il n'y a pas de montant minimal. De 8 millions de bénéficiaires, on est passé à 3 millions et cette prime n'aura finalement rien d'obligatoire. Bref, il s'agit essentiellement d'un redéploiement de mécanismes existants, comme l'intéressement ou la participation.
À côté de cela, en pleine crise économique et sociale, vous réformez la fiscalité du patrimoine, l'impôt sur la fortune, pour favoriser encore davantage les plus fortunés de nos concitoyens à travers un nouveau cadeau fiscal. À côté de cela, vous vous en prenez aux plus précaires et aux bénéficiaires du RSA, qualifiés d'assistés.
Effectivement, le Gouvernement se préoccupe du pouvoir d'achat, mais pas pour ceux qui en ont le plus besoin.
Que fait le Gouvernement en matière de SMIC, de hausse des loyers, de prix du carburant, du gaz et de l'électricité ? C'est sur ces questions que les Français espèrent un changement à même d'améliorer concrètement leur pouvoir d'achat, donc leur vie quotidienne.
Parce qu'il ne répond pas aux besoins des salariés et qu'il crée une fois de plus des inégalités supplémentaires, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi n'est que partiellement un projet de loi de financement de la sécurité sociale, et il reflète bien le manque de méthode qui affecte notre législation depuis 2007 : un effet d'annonce imprévisible du Président de la République ; un Gouvernement et des cabinets qui tentent de mettre ce message en musique ; un Parlement qui s'efforce, par ses amendements, d'administrer le désordre ; des partenaires sociaux en pleine discussion sur les institutions représentatives du personnel qui se trouvent brusquement court-circuités.
Trop ponctuelle, l'initiative présidentielle a peu de chances de déboucher sur une réforme significative et réellement fondatrice. Cependant elle a tout de même un intérêt : elle relance, par ricochet, un débat trop longtemps négligé, celui de la réforme du pouvoir dans l'entreprise, et ce à travers au moins trois questions.
La première est celle d'une information équilibrée entre partenaires sociaux au sein de l'entreprise.
Pour qu'il y ait un véritable débat sur la valeur ajoutée, à quels éléments précis portant sur les conditions de détermination et sur le montant des rémunérations des différents acteurs – actionnaires, dirigeants, salariés – les salariés auront-ils accès via leurs représentants, particulièrement à travers les comités d'entreprise ? C'est cette exigence de transparence, et parfois de moralisation, qui, avec d'autres thèmes, est au coeur de l'actuelle négociation entre partenaires sociaux. Doit-on laisser les parties en présence continuer à discuter, en espérant que toutes les préventions seront levées ? Ou l'arrivée de ce texte ne fait-elle pas de cette information un préalable désormais nécessaire ? La question mérite d'être posée à la représentation nationale, et c'est l'objet de l'un de mes amendements.
La deuxième question est celle du pouvoir au sein d'entreprises dont les actionnaires ne partagent plus nécessairement l'affectio societatis classique.
Un nombre croissant d'entreprises sont aujourd'hui dominées par des opérateurs financiers – banques, établissements spécialisés, fonds d'investissement, fonds de pension, fonds alternatifs – et par des dirigeants choisis par ces opérateurs, dont la préoccupation prioritaire est trop souvent le taux de rémunération des capitaux investis ou placés. Certains mécanismes tels que le LBO ne font que renforcer cette tendance.
Le problème est ici de rééquilibrer le pouvoir, autour d'une logique de développement de l'entreprise, entre représentants du travail et représentants du capital. La solution ne peut venir, à mon sens, que de la présence des salariés dans les instances de contrôle, voire de direction de l'entreprise. On peut regretter, à cet égard, que la formule de la société à directoire et conseil de surveillance, introduite par René Capitant, ait été retirée, il y a quelques années, de notre législation. La formule de la société européenne offre peut-être, si on la perfectionne, un cadre approprié.
La troisième question est celle des droits des différents acteurs de l'entreprise – actionnaires, dirigeants, salariés – sur l'accroissement d'actifs. Là aussi, M. Sarkozy a posé indirectement le problème en déclarant que la valeur ajoutée devait faire l'objet de trois parts : celle des actionnaires, celle des salariés, celle de l'entreprise. Toutefois il a oublié de dire à qui devait revenir la part de l'entreprise.
L'amendement Vallon de 1965 avait posé, en son temps, la question de l'appropriation de l'accroissement d'actifs dû à l'autofinancement. Par delà l'ordonnance de 1967, trop timide, cette question reste entière. La logique voudrait pourtant que les actionnaires, les dirigeants – lesquels profitent déjà, aujourd'hui, des stock-options et des parachutes dorés –, mais aussi les salariés se voient reconnaître des droits légitimes sur un accroissement d'actifs peut-être aujourd'hui plus complexe à définir, entre éléments matériels et immatériels, mais auquel tous contribuent.
Quelle doit être la part relative de ces droits ? Quelle forme doivent-ils revêtir ? Comment les identifier ? Là encore, le dialogue entre les partenaires sociaux paraît le cadre le plus légitime pour progresser. Encore faut-il que la question soit clairement posée et que le cadre législatif le permette.
On le voit, le débat sur le partage de la valeur ajoutée aurait mérité davantage que l'annonce de quelques primes. Il est regrettable qu'une démarche visant seulement l'impact médiatique n'ait permis de développer ni le débat préalable ni le dialogue social qu'un tel thème exigeait. Peut-être les débats nous permettront-ils enfin d'y parvenir.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 est une première, comme s'en félicite notre rapporteur, cela ne signifie pas qu'il faille se réjouir de son contenu. En effet, ce n'est pas la première fois, sous cette majorité, que nouveauté ne va pas de pair avec progrès, malgré les grands renforts de communication qui entourent chacune des annonces qui se succèdent à l'approche des échéances électorales. C'est même fréquemment le contraire. Derrière les slogans se dissimulent bien souvent des dispositifs contre-productifs, bien loin des promesses.
Lorsque, passé l'effet d'annonce, les Français découvriront la réalité de la manoeuvre, ce sera alors la déception, voire la colère. Ce n'est pas responsable.
Monsieur le ministre, avec ce premier projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale de l'histoire parlementaire, vous entendez essentiellement faire passer deux messages aux Français : la création d'une prime – mot magique – pour les salariés, et la maîtrise des dépenses de santé par une rigueur extrême, injuste et dangereuse. Formidable texte qui permet à la fois de se présenter comme rigoureux et d'annoncer la distribution prochaine de primes !
C'est donc sur ces deux points que je m'exprimerai au nom des députés radicaux de gauche.
Monsieur le ministre, vous vous félicitez du respect de l'ONDAM en 2011, comme il l'avait été en 2010, pour la première fois depuis plus de dix ans.
C'est mieux !
Si l'on en croit l'actualisation des comptes du régime général de la sécurité sociale, le solde 2011 est positif par rapport aux prévisions réalisées pour l'élaboration du projet de loi de financement initial de la sécurité sociale pour 2011 : on passerait donc d'un solde négatif de 20,9 milliards d'euros prévus dans le PLFSS à un solde, toujours négatif, de 19,3 milliards d'euros.
C'est légèrement mieux !
Cette amélioration comptable serait due à une évolution positive de la masse salariale, bien que les dépenses soient en augmentation par rapport aux prévisions du PLFSS.
Cela est très bien, mais à quel prix parvenez-vous à ces améliorations comptables ? En effet derrière cette réalité des chiffres, il y a celle du terrain, celle des conditions de travail des médecins et du personnel hospitalier et, surtout, la réalité de la dégradation de la qualité des soins. Les chiffres sont meilleurs, les dépenses de santé sont mieux maîtrisées et l'ONDAM est respecté, mais les conditions de travail des professionnels de santé et la qualité des soins se dégradent.
Le respect de l'ONDAM ne doit pas être une finalité en soi ne répondant qu'à un strict impératif comptable. Il n'est possible qu'au prix d'une accentuation des inégalités des Français face à la santé, à l'accès aux soins, d'une multiplication des déremboursements et de l'augmentation des franchises médicales. On estime que près de 40 % des Français n'ont pas les moyens de se soigner, qu'ils sont de plus en plus nombreux à se diriger vers l'hôpital, accroissant d'autant la charge de travail pesant sur un personnel surchargé et déconsidéré, notamment par une loi HPST qui devait tout régler et qui ne parvient toujours pas à s'appliquer. Il faut de nouveaux textes, toujours en navette, pour tenter de remédier aux carences du premier.
La mesure centrale de ce texte est bien l'instauration d'une prime plafonnée à 1 200 euros par an, exonérée de cotisations sociales, pour quelques salariés chanceux. Cette prime, dont devaient initialement bénéficier huit millions de salariés, vous la destinez finalement aux seuls salariés travaillant dans une entreprise de plus de cinquante salariés et dans laquelle les dividendes attribués aux actionnaires ont augmenté par rapport à la moyenne des deux années précédentes. Ce n'est donc plus la même chose : on passe de huit millions à quelque trois millions de bénéficiaires. En l'espace de quelques semaines, vous avez donc fait au moins cinq millions de déçus. C'est aussi ça la réalité des chiffres !
Une chose est sûre avec les modalités imposées : ils seront très peu à toucher les 1 200 euros promis. Les quelques rares salariés qui toucheront la prime se verront très certainement accorder un montant bien moindre.
La réalité, monsieur le ministre, c'est qu'une telle mesure va surtout accroître les inégalités entre les salariés et les fonctionnaires, mais aussi entre les salariés du privé. Cette prime injuste n'est qu'une illusion pour la grande majorité des Français qui éprouvent les plus grandes difficultés à boucler leurs fins de mois. Ce n'est pas sérieux ; une telle mesure ne permettra pas de compenser la diminution du pouvoir d'achat des Français. Seule une véritable politique salariale, que vous refusez, le pourrait.
Alors, monsieur le ministre, au-delà de vos annonces, quand on regarde le détail des dispositions que vous proposez dans ce texte, on ne peut qu'être déçus et inquiets, car les vrais problèmes ne sont pas résolus. Les Français souffrent et ne seront pas dupes. Il est temps que le Gouvernement fasse preuve de responsabilité et s'interdise les effets d'annonces, les formules magiques et les promesses irréalisables.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, si ce texte est une première, il n'en demeure pas moins qu'il n'apporte aucune réponse juste et équitable, qu'il ne comporte aucune disposition à la mesure de la réalité de ce que vivent les Français. C'est la raison pour laquelle les députés radicaux de gauche ne lui apporteront pas leur soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'UMP est partie, il n'y a plus de députés de la majorité dans l'hémicycle !
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, les documents préparatoires à une réunion du comité de suivi de la négociation salariale de branche, qui se tiendra le 24 juin, viennent d'être envoyés. J'en fais état, car ils éclairent la situation dans laquelle se trouvent les salariés, notamment dans les grandes entreprises. Il y est écrit que, le 15 novembre dernier, à peine plus d'un salarié sur dix travaillait dans une des vingt et unes branches de cinq mille salariés dont la grille salariale commence en dessous du SMIC. Ce sont les données du ministère du travail.
La situation s'est nettement dégradée depuis : ils sont désormais plus d'un sur quatre dans cette situation. C'est ce qui ressort de ces documents. Plus grave encore, on estime que la situation va empirer dans les mois à venir, car, du fait du retour de l'inflation, le SMIC sera ajusté, et l'on considère que cent vingt-quatre branches seront en infraction, représentant huit millions et demie de personnes, donc 75 % des salariés de ces branches de plus de cinq mille salariés.
J'ai commencé par ces éléments statistiques pour rappeler que le vrai problème n'est pas d'ajouter 200 ou 1 000 euros ici ou là, mais de faire le constat dramatique d'une dégradation du pouvoir d'achat dans toutes les entreprises. Nous savions que tel était le cas dans les petites entreprises ; ce le sera également dans les grandes. La situation est gravissime et, d'une certaine manière, le Président de la République et vous-même, en proposant ces dispositions, faites l'aveu de cet échec.
Effectivement, la situation est grave, et il faut faire quelque chose. En l'occurrence il ne saurait suffire de procéder à quelques ajustements, tels qu'un cadeau estival ou de Noël, comme nous l'avons connu à d'autres époques. Il convient de refonder une véritable politique salariale, une véritable redistribution au travers d'une conférence nationale qui serait durable, établie dans le temps. Il faut revaloriser les salaires et, en particulier, la part des salaires dans la valeur ajoutée. Il est vrai que celle-ci s'est beaucoup dégradée au fil des années, y compris sous des gouvernements de gauche, car le système fait progresser le capital plus vite que les salaires.
Le drame, c'est que, depuis que vous êtes au pouvoir, non seulement le mouvement naturel se poursuit, mais vous l'accentuez, par idéologie. Aujourd'hui, la situation n'est plus maîtrisée et, puisque vous ne la maîtrisez plus, vous faites appel à des gadgets et à la communication. Nous savons que la communication et les gadgets supplantent parfois les politiques.
Aujourd'hui encore, sur une grande chaîne de télévision, on rappelait que 0,1 % de la population, qui déclare 360 000 euros annuels de revenus, verrait ses impôts diminuer. C'est dire le paradoxe de la situation dans laquelle nous nous trouvons : d'un côté vous distribuez quelques centaines de milliers d'euros à quelques salariés, la somme atteindra peut-être un ou deux millions, pour donner l'illusion d'un rattrapage, et de l'autre coté, vous consolidez un système de plus en plus injuste et inéquitable.
Ce système est d'autant plus inéquitable que 41 % des entreprises et des grands groupes pourront effectivement accomplir cet effort, alors que, pour les PME, le chiffre est de 16,4 %. Cela n'enlève rien à la situation scandaleuse d'entreprises comme Total, Bouygues ou Carrefour, dont on sait à quel point les salariés, notamment les caissières qui se sont mobilisées il y a quelques semaines, sont mal lotis.
Dans ces conditions, nous ne pouvons pas approuver votre texte, bien au contraire, d'autant que la grande majorité de la population en sera exclue, non seulement ceux qui travaillent dans les petites entreprises, mais également ceux qui appartiennent aux trois fonctions publiques. Il s'agit donc d'un gadget, d'une opération de communication, et de rien d'autre. C'est devenu une habitude pour le Gouvernement, et je crois que nous aurons droit à une opération de communication par jour d'ici au mois de mai prochain, si ce n'est une par heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mon intervention est fondée sur l'article 58-1 de notre règlement, concernant le déroulement de nos travaux.
Chacun a bien noté que nous discutons ce soir d'un texte chargé de mettre en oeuvre la volonté explicite du Président de la République, plus haut personnage de l'État, qui a lui-même déclaré vouloir l'instauration de cette prime. Je constate avec vous que les députés de la majorité sont totalement absents de l'hémicycle. Aucun député de l'UMP ni du Nouveau Centre ne siège parmi nous.
Il y a plusieurs interprétations à cette absence : soit le travail parlementaire ne les intéresse vraiment pas, auquel cas il faut s'interroger sur la réalité de leur engagement politique et sur la raison pour laquelle ils se sont présentés aux élections ; soit c'est le révélateur du malaise que ce texte leur inspire.
Je pense qu'il faut privilégier cette deuxième interprétation, en tout cas, je souhaitais souligner ce fait.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Bapt.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je profite de ce débat pour prolonger les échanges que nous avons eus dans la nuit de vendredi à samedi sur les questions d'indemnisation de victimes des accidents médicaux, et pour présenter un amendement vous demandant un rapport, ce qui est une manière de lancer un débat concernant la prise en charge des dommages causés par l'administration de médicaments bénéficiant d'un bon rapport bénéfices-risques.
La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades a profondément modifié le sort des victimes des accidents médicaux de toute nature, en créant une procédure d'indemnisation afin de réparer le préjudice causé par un accident médical, qu'il soit lié à l'erreur d'un professionnel de santé ou aux risques imputables à tout acte médical, ce que l'on appelle l'aléa thérapeutique.
De fait, les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux ont permis aux victimes d'accidents médicaux d'être, pour la plupart, indemnisées dans des délais et des conditions satisfaisantes.
Après examen du préjudice corporel par des experts et dans le respect du principe du contradictoire, une décision est prise sous l'autorité d'un magistrat tendant à reconnaître la réalité du préjudice et le lien de causalité entre ce préjudice et l'acte médical, puis à évaluer le montant financier propre à réparer le dommage. Les assureurs qui participent à la procédure acceptent, en règle générale, la proposition de dédommagement émise par l'ONIAM.
Toutefois, presque dix ans après l'adoption consensuelle de cette loi portée par la gauche, il est temps d'améliorer le dispositif en s'inspirant de celui du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
Ce dispositif a permis d'indemniser le risque diffus, celui qui peut être statistiquement peu probable et pour lequel il est parfois difficile d'établir avec certitude l'existence d'un lien de causalité direct, donc exclusif, entre l'état de santé et un acte médical.
Il revient à l'État de prendre en compte, dans certains cas et sous certaines conditions, le doute scientifique pour permettre la prise en charge de l'ensemble des personnes qui se trouvent exposées à un risque accepté. Le doute, dès lors qu'il est fondé et qu'il apparaît impossible à lever, ne doit pas être un obstacle à la réparation d'un préjudice.
À titre d'exemple, les personnes qui ont développé une sclérose en plaques après une vaccination contre l'hépatite B ont pu être indemnisées par l'État, dès lors que la vaccination avait un caractère obligatoire, et sans que le défaut de fabrication du produit ait pu être établi scientifiquement. En revanche, les personnes qui ont présenté les mêmes symptômes après une vaccination analogue, mais hors du cadre de la vaccination obligatoire, n'ont pas pu être indemnisées car il leur revient d'établir une relation de causalité directe entre leur handicap corporel et la vaccination, ce qui, de fait, relève de l'ordre de l'impossible. Le doute scientifique favorise le fabricant, pas la victime, ce qui n'est guère éthique.
Le dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux présente une faille : le risque diffus. Si un produit de santé bénéficie d'un rapport bénéfices-risques favorable à son maintien sur le marché, il importe que le risque, accepté au nom de l'intérêt général, soit pris en charge par un dispositif d'indemnisation financé par les fabricants.
Le dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux présente donc une faille : le risque diffus. Si un produit de santé bénéficie d'un rapport bénéfices-risques favorable à son maintien sur le marché, il importe que le risque, accepté au nom de l'intérêt général, soit pris en charge par un dispositif d'indemnisation financé par les fabricants.
En vous demandant un rapport qui établisse les bases sur lesquelles l'indemnisation des accidents médicaux rares pourrait être améliorée, nous entendons prolonger l'effort de solidarité dont est porteur, pour les seules victimes du Mediator, l'article 22 du projet de loi de financement rectificative. Il serait juste que ceux qui, en petit nombre, subissent des aléas thérapeutiques pour un médicament qui, par ailleurs, profite à une majorité de patients bénéficient également de la solidarité nationale.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, le groupe socialiste a déposé un amendement demandant un rapport qui prépare le débat par lequel cette action de solidarité pourra s'exercer envers les victimes du risque diffus de l'aléa thérapeutique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, d'autres avant moi l'ont rappelé : en 2007, Nicolas Sarkozy déclarait qu'il serait le Président du pouvoir d'achat. Beaucoup de nos compatriotes ont voulu croire à cette promesse,…
Heureusement que nous avons maintenu le pouvoir d'achat pendant la crise !
…mais, depuis des mois, ils se rendent compte qu'ils ont été bernés, floués, dupés. Tout cela a fait « pschitt », comme d'autres l'ont souligné.
Avec la nouvelle réforme de l'ISF et le cadeau de près de 2 milliards d'euros fait aux plus riches, les Français ont compris que le chef de l'État parlait en fait vraisemblablement du pouvoir d'achat des plus fortunés.
Pour les salariés, la situation est bien différente. Vous avez mis les fonctionnaires au pain sec en gelant leur pouvoir d'achat. De plus, dix millions de personnes au SMIC attendent un coup de pouce pour faire face à l'augmentation du coût de la vie. Les prix du carburant, de l'électricité, du gaz s'envolent…
Comme les impôts locaux régionaux !
…sans que vous interveniez. Constat accablant pour ceux qui s'affichaient comme les défenseurs du pouvoir d'achat.
Motivé par une grande générosité d'âme ou, plus sûrement, par la proximité de la prochaine élection présidentielle, le chef de l'État a sorti de son chapeau la prime à 1 000 euros. La belle annonce, le joli de coup de « com » ! Les Français allaient applaudir ce nouveau tour. Leur problème de pouvoir d'achat allait enfin être réglé par la « prime magique ». Trop tard, mille fois trop tard ! Ils n'y croient plus !
Ils y croient d'autant moins que, depuis ce coup de pub, ils ont assisté, jour après jour, au désormais traditionnel cafouillage entre membres du Gouvernement. C'est devenu un classique. Aucun ministre n'a annoncé le même nombre de salariés qui pourraient prétendre à cette fameuse prime.
D'abord, le 13 avril le ministre du budget a déclaré : « Tous les salariés qui participent à l'augmentation de la richesse de leur entreprise doivent pouvoir en bénéficier. » Un journaliste vous a demandé, le 21 avril, s'il s'agissait bien de tous les salariés, monsieur le ministre, soit dix-sept millions de personnes. Avec l'assurance qui vous caractérise, vous avez répondu qu'il s'agissait en fait de huit millions de salariés, puis, vingt jours plus tard, le 11 mai, vous avez déclaré que ce n'était plus huit mais quatre millions !
En moins de deux mois, plus des trois quarts des salariés sont passés à la trappe. Moins d'un salarié sur quatre pourra, peut-être, bénéficier de cette prime, soit 15 % de la population active.
La faute à pas de chance ? Non, la faute à un dispositif inique et injuste !
Cette prime est inique et injuste parce que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, elle sera versée uniquement si l'employeur le décide. On imagine déjà l'impact possible sur les négociations salariales de cette prime distribuée « au bon vouloir ».
Elle est inique et injuste parce que, dans les grandes entreprises, elle sera obligatoire uniquement si leurs dividendes sont « en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents ».
Pas si obligatoire que cela, d'ailleurs puisque les entreprises auront les moyens d'y échapper en intégrant la prime dans leur politique salariale d'intéressement, de participation et d'abondement, sans forcément augmenter leur budget global. Vous créez ainsi une nouvelle niche sociale pour les entreprises qui se portent le mieux.
Elle sera inique et injuste encore, parce que les 1 000 euros constitueront un plafond, qu'aucune somme minimale n'est prévue et que tout cela se fera dans le cadre d'une obligation de négociation mais sans obligation de résultat.
Au final, mais vous le saviez déjà, peu de salariés verront la couleur de cette fausse prime et peu obtiendront le versement de l'intégralité des 1 000 euros.
Pas du tout, mais il y aura beaucoup de déçus, et les syndicats vous ont mis en garde.
Cela semble surtout réjouir la majorité, qui est aux abonnés absents, monsieur le rapporteur : il n'y a pas un seul député de la majorité dans l'hémicycle ! Prenez conscience de la gravité de la situation !
Vous défendez un texte indéfendable. Un tel absentéisme en est une preuve de plus.
Ce dispositif va diviser les salariés, qui réclament avant toute chose de vraies augmentations de salaires sur leur feuille de paye.
Enfin, puisque nous sommes dans le débat sur la sécurité sociale, cette prime sera également un sale coup porté au financement de celle-ci puisqu'elle sera exonérée de cotisations sociales pour les entreprises.
Je résume : ni prime ni 1 000 euros pour la très grande majorité des salariés de ce pays. Tout ça pour ça ! Il ne s'agit ni plus ni moins – vous l'avez d'ailleurs avoué d'entrée de jeu, monsieur le rapporteur – que d'une nouvelle niche sociale, au bénéfice des entreprises qui se portent le mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est l'occasion d'un double constat : la baisse du pouvoir d'achat et la stagnation des salaires.
Je vais commencer mon intervention en rappelant que la situation actuelle des Français mérite la transparence et toute notre attention. La précarité croissante des ménages, des jeunes, des personnes âgées nous interpelle tous.
La prime promise par le Gouvernement doit être décrite comme ce qu'elle est réellement, c'est-à-dire une réponse ponctuelle qui ne concernera que peu de salariés, ne sera pas équitable et ne répondra pas aux problèmes posés par la crise, le chômage et la baisse du pouvoir d'achat.
Si l'on peut comprendre l'attente des Français face à une telle annonce, nous leur devons la vérité.
Tout d'abord, la prime n'est pas obligatoire pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Finalement, le caractère obligatoire de l'article 1er repose sur les négociations éventuelles entre le patronat et le salariat.
L'évaluation préalable estime le montant moyen de cette prime à 700 euros, au lieu des 1 000 euros annoncés, au bénéfice de moins de trois millions de salariés et non plus de huit millions. De plus, le MEDEF a déjà fait savoir qu'il mettrait tout en oeuvre pour vider de son contenu ce dispositif : ouf !
Je crois aux vertus de la pédagogie mais aussi à celles de la vérité. Il aurait fallu encourager les moyens d'assurer un meilleur partage de la valeur ajoutée au lieu de proposer des dispositifs difficiles à réaliser. Par ailleurs, il conviendrait de subordonner l'exonération de cotisations sociales à l'existence d'un accord salarial, d'entreprise ou de branche, signé depuis moins de deux ans.
Ce texte est donc l'occasion d'un double constat : le gel des salaires et du pouvoir d'achat, mais aussi les difficultés croissantes d'accès à la santé.
Oui, les inégalités d'accès aux soins liées aux conditions socio-économiques se creusent, l'offre de soins se raréfie dans certains territoires et, chose inédite, nous savons tous que les Français sont de plus en plus nombreux à reporter leurs soins, voire à ne plus pouvoir ou vouloir se soigner, pour presque 40 %.
De plus, en huit ans, la dette sociale s'est creusée, pour atteindre 130 milliards et ce malgré les franchises, qui, si elles touchent uniformément tous les foyers, sont ressenties plus durement par ceux qui sont en situation de fragilité sanitaire et sociale. Tous sont atteints mais certains souffrent davantage.
Il en est de même des déremboursements et des forfaits, qui écartent certaines populations de la protection sociale. L'assurance maladie, elle, assure de moins en moins. La part belle est faite aux complémentaires et, surtout, aux assurances, qui viennent se substituer à une partie du ticket modérateur.
D'un milliard en 2002, le déficit a grimpé à 11 milliards en 2009. Il n'est pas précisé comment vous comptez financer les 45 milliards d'euros de déficit cumulé prévus, hors branche vieillesse. En outre, si l'objectif national de dépenses d'assurance maladie a été respecté, la question est de savoir à quel prix. Je pense que nous le devinons.
Il faudra pourtant bien finir par affronter le problème du financement de ce déficit en proposant des recettes nouvelles, car il est hors de question de continuer à faire financer nos dépenses par les générations futures.
La solution raisonnable serait de s'attaquer aux causes structurelles : d'une part, l'assèchement des recettes du fait du chômage et de la multiplication des exonérations de cotisations sociales et, d'autre part, l'inflation des dépenses, qu'il faudra affronter par une organisation de notre système de soins plus efficace.
Laisser l'assurance maladie s'enfoncer dans les déficits et les déremboursements, c'est se résigner à sacrifier la qualité des soins et l'égalité d'accès aux soins, ce que personne ne souhaite sur ces bancs. La première urgence est de faire rentrer les cotisations sociales en supprimant les niches sociales inefficaces – alors qu'apparemment vous nous en soumettez ce soir une de plus – et en conditionnant les exonérations à des critères d'emploi.
En conclusion, de nouvelles recettes sont incontournables. Il faudra certainement engager une réforme du système de soins, ne serait-ce que pour adapter la loi HPST aux réalités du terrain, mais aussi promouvoir la santé publique qui est le parent pauvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé, comme M. Perrut, que ce texte est un signal fort adressé à l'ensemble des salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous êtes appelés à poser un principe d'équité : une meilleure répartition entre le travail et le capital. Je sais que certains ne se reconnaissent pas dans cette vocation, mais c'est notre vocation…
L'UMP n'a pas l'air de s'y reconnaître non plus : où sont ses députés ?
…et c'est notre volonté.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, ainsi que M. Joyandet, les salariés des PME ne doivent pas être moins bien traités. C'est pourquoi nous avons souhaité que le bénéfice de cette prime leur soit ouvert, et les chefs d'entreprise bénéficieront des mêmes exonérations.
Par ailleurs, le Gouvernement est ouvert au souhait de développer l'intéressement, sur lequel a insisté Alain Joyandet. Nous serons particulièrement attentifs à sa proposition. Nous verrons comment il l'entend exactement mais nous sommes prêts à aller dans ce sens car cela profitera à davantage de salariés.
Ainsi que Francis Vercamer l'a indiqué, ce texte est avant tout une mesure de justice et d'équité. Le travail, comme le capital, doit être récompensé lorsque l'entreprise va mieux. M. Vercamer a proposé de réformer le mode de calcul de la participation, établi en 1967, mais si nous nous engageons dans cette voie, ce sera forcément long, des inquiétudes s'exprimeront. Nous avons fait le choix d'une mesure rapidement applicable.
La question a souvent été posée de savoir si la mesure serait pérenne. La réponse est positive car nous sommes bien dans l'organisation d'une nouvelle répartition de la valeur.
Alain Joyandet a également insisté sur la volonté du groupe UMP de faire en sorte que les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés ne soient pas moins bien considérés et qu'ils puissent être pleinement associés au partage de la valeur. Ce principe de prime est cohérent parce qu'il s'agit d'une mesure pérenne, et c'est aussi pourquoi le Gouvernement est ouvert au souhait exprimé de développer plus largement l'intéressement aux entreprises de moins de cinquante salariés. À mon sens, cela va dans le bon sens.
L'ONDAM a été évoqué par Mme Orliac, Mme Lemorton, M. Renucci. Pour vous, dans l'opposition, le problème est simple : il y a des besoins, donc il faut des recettes en plus. C'est votre choix, il serait intéressant que vous l'assumiez très clairement. Nous pensons, quant à nous, qu'il faut consentir des efforts. Il est préférable de demander des efforts et de tenir l'ONDAM à 2,9 % plutôt que de pas le tenir et d'avoir un jour à demander des sacrifices avec un ONDAM en baisse. C'est ce que certains pays connaissent mais ce n'est pas ce que je souhaite pour la France. Ayant été ministre de la santé de nombreuses années avant d'exercer à nouveau ces fonctions, je sais que tenir l'ONDAM est déjà une gageure, alors je ne vois vraiment pas comment vous vous en tirerez avec un ONDAM en baisse.
Madame Lemorton un ONDAM à 2,9 %, cela fait 4,7 milliards d'euros supplémentaires pour le système de santé. Excusez du peu ! Cela montre bien que nous ne sommes pas dans une logique de rationnement des soins, bien au contraire (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et que les gestionnaires et les professionnels de santé disposent de marges de manoeuvre. Les personnes placées à la tête des conseils de surveillance des hôpitaux tiennent, la plupart du temps, des discours de gestionnaires responsables, ce que je salue, tout en trouvant dommage qu'il n'en soit pas de même dans cette assemblée.
Madame Fraysse, je ne comprends pas pourquoi vous cherchez à dresser les salariés les uns contre les autres. Pourquoi stigmatiser certains salariés en leur reprochant de bénéficier du dispositif, alors que ce n'est pas le cas pour d'autres ?
Vous savez pertinemment qu'il existe différents dispositifs. Ainsi, pourquoi ne vous entend-on pas protester, notamment lors des questions d'actualité, contre le fait que la participation n'est obligatoire que dans les entreprises de plus de 50 salariés ?
Nous vous avons interpellé sur ce point lorsque vous étiez ministre du travail, en 2008 !
Vous savez également que les petites entreprises ne peuvent pas supporter les mêmes charges que celle d'une taille plus importante. Il ne faut pas feindre de s'étonner qu'il y ait, aujourd'hui, des différences justifiant que la prime soit obligatoire ou non.
Pour ma part, je souhaite que l'on ait un partage le plus équitable possible, profitant au plus grand nombre possible de salariés.
Je ne comprends pas bien ce qu'ont voulu dire M. de Rugy et Mme Clergeau, qui critiquent le dispositif en affirmant qu'il est cher et ne va rien rapporter aux salariés, tout en protestant contre le fait que trop de salariés vont se trouver exclus du champ d'application de la prime. D'une manière générale, je constate qu'il y a autant de députés pour dire que la prime est trop présente qu'il y en a pour dire qu'il s'agit d'une prime fantôme. Il faudrait savoir ! Le fait que notre dispositif attire des critiques contradictoires me porte à penser que nous ne devons pas être loin du point d'équilibre, ce que je prends comme un encouragement.
Je veux dire à Daniel Garrigue que le dialogue social est effectivement important.
Les partenaires sociaux, saisis dès 2009 sur le projet de partage de la valeur, poursuivent actuellement leurs discussions sur les attributions des instances représentatives du personnel, n'ayant pas souhaité aller plus loin sur le sujet. On a dit que cela était dû au contexte de la crise, aux discussions sur les retraites ; en réalité, s'ils avaient voulu le faire, ils l'auraient fait ! En revanche, le dialogue social aura, lui, toute sa place dans l'entreprise.
Vous avez évoqué l'amendement déposé par Louis Vallon en 1965 et qui est à l'origine de la participation. Je souligne que, à l'époque, les mêmes remarques, à la phrase près, ont été formulées par le CNPF, ancêtre du MEDEF : les droits de l'actionnaire allaient se trouver spoliés, l'économie française n'allait pas s'en relever, et cette mesure était contraire au droit européen. On connaît la suite. Je considère que la prime aux salariés relève de la même logique que la participation ; c'est d'ailleurs pourquoi nous avons retenu le même critère d'application. Je viens du gaullisme et j'assume le fait que nous restions dans la même voie.
Monsieur Liebgott, vous avez parlé de gadget et proposé une conférence sur les salaires. Je ne vous retournerai pas le compliment, mais il faut savoir où se discutent les augmentations de salaires : dans les entreprises ou au niveau national ? Une grande conférence, cela ferait bien dans le paysage, mais franchement, qu'en sortirait-il, à part de la déception et des désillusions ? De toute façon, une telle conférence n'aura pas lieu, car il faudrait pour cela que vous ayez été choisis par les Français, et ce n'est pas en vous abritant derrière de tels faux-semblants que vous retrouverez leur confiance !
Pour ce qui est des négociations annuelles obligatoires, je rappelle que, si la mesure proposée par Gérard Larcher a été saluée par tout le monde, vous avez, pour votre part, refusé de voter ce texte grâce auquel on compte aujourd'hui un plus grand nombre de branches ayant des minima au-dessus du SMIC. C'était une bonne loi, vous pourriez au moins le reconnaître !
Madame Dumont, le Président de la République avait promis d'être le Président du pouvoir d'achat et il a tenu sa promesse : fort heureusement, nous avons maintenu le pouvoir d'achat durant la crise,… (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC)
…notamment avec la suppression des deux derniers tiers provisionnels. Je sais que c'est difficile à reconnaître, mais je vous assure que vous seriez beaucoup plus crédibles si vous saviez reconnaître, de temps en temps, qu'une mesure va dans le bon sens, plutôt que de prétendre que tout est de la faute de la majorité, y compris la crise mondiale ou les intempéries ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous remercie de me confirmer que j'ai raison, monsieur Mallot.
Prochaine séance, mercredi 15 juin à quinze heures :
Débat préalable au Conseil européen ;
Suite de la discussion du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 ;
Proposition de loi pour le développement de l'alternance, la sécurisation des parcours professionnels et le partage de la valeur ajoutée.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 15 juin 2011, à zéro heure trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma