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Séance en hémicycle du 14 avril 2011 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • agriculteur
  • compétitivité
  • distribution
  • producteur
  • taxe

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean Dionis du Séjour et plusieurs de ses collègues visant à renforcer durablement la compétitivité de l'agriculture française (nos 3198, 3288).

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, 3,50 euros en Espagne, entre 5 et 7 euros en Allemagne, et 9,20 euros en France : voilà la réalité du salaire horaire minimum brut dans l'agriculture, dans l'Union européenne aujourd'hui. De même, 21 % en Espagne, 23 % en Allemagne, et 41,5 % en France : voilà la réalité des taux de charges des employeurs dans l'agriculture, dans l'Union européenne d'aujourd'hui.

Ces chiffres crient un constat simple : nos agriculteurs sont victimes de graves distorsions de concurrence en matière de coût du travail au sein même de l'Union européenne.

Nos principaux voisins, qui sont en l'occurrence nos principaux concurrents au niveau agricole, ont tous allégé le coût du travail agricole beaucoup plus vite et beaucoup plus fortement que nous ne l'avons fait.

Reconnaissons-le : depuis longtemps, il y a sur ce sujet une rigidité et une naïveté françaises qui blessent directement nos agriculteurs. Car de telles distorsions de concurrence menacent directement la compétitivité de notre agriculture. Des filières entières – fruits, légumes, viticulture, horticulture – perdent chaque année des parts de marché.

Un seul exemple – je pourrais en donner dix ou quinze ! –, concernant les fruits et légumes : le coût du travail peut y représenter jusqu'à 70 % des coûts de production. Entre 1990 et 2008, la production de fraises en France – je vous signale que c'est l'heure des gariguettes, qui sont excellentes, et je vous recommande d'acheter français et, si possible, lot-et-garonnais ! (Rires et exclamations sur divers bancs) –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Dites-le à l'administration de l'Assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…cette production a reculé de 50 % tandis que la production allemande augmentait sur la même période de plus de 100 % !

Conséquence : notre pays a perdu sa place de premier exportateur européen de produits agroalimentaires, dépassé par l'Allemagne, et sa situation de premier pays producteur agricole européen est aujourd'hui menacée.

L'existence de distorsions de concurrence en défaveur de nos agriculteurs n'est plus contestée par personne, et je suis fier d'avoir contribué, avec Charles de Courson, le groupe Nouveau Centre et son président François Sauvadet, ainsi que l'ensemble des 131 signataires de notre proposition de loi, à porter aujourd'hui devant la représentation nationale cette injustice qu'il nous appartient de réparer.

Notre proposition de loi vise à étendre aux salariés permanents l'exonération de cotisations patronales adoptée en 2010 pour l'emploi de travailleurs saisonniers.

Le financement que nous proposons prend pleinement en compte la nécessité de maîtriser les déficits publics. Le coût de l'exonération, évalué à 1 milliard d'euros, sera en effet entièrement compensé par la création d'une taxe, la contribution pour une compétitivité durable de notre agriculture, portant sur les ventes au détail de produits alimentaires par les entreprises de moyenne et grande distribution.

Notre initiative, monsieur le ministre, issue de la LMA, est le fruit d'un travail approfondi en lien avec les grands réseaux nationaux, que je tiens à remercier – la MSA, le CNCER, France AgriMer... L'impact de la proposition, notamment au plan financier, a été précisément étudié ; c'est un produit législatif fini et équilibré qui vous est soumis aujourd'hui.

Notre proposition se fonde d'abord et avant tout sur nos échanges avec les agriculteurs, au quotidien, dans nos circonscriptions. Je veux porter leur voix dans cet hémicycle : « À armes égales, » nous disent-ils, « mettez-nous à armes égales avec nos concurrents ! »

Monsieur le ministre, vous allez nous dire que la proposition est incompatible avec le droit européen, mais vous ne nous convaincrez pas. L'exonération proposée est le prolongement à l'identique – j'insiste bien, mes chers collègues : à l'identique – de l'exonération en faveur des travailleurs saisonniers mise en oeuvre par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010. Il s'agissait d'une première étape positive, que nous avons saluée comme un effort important de l'État puisque l'exonération a représenté un coût budgétaire supplémentaire de 168 millions d'euros.

Alors, de deux choses l'une. Ou bien l'exonération pour les saisonniers est une aide d'État eurocompatible – et elle l'est, monsieur le ministre – et alors celle que nous proposons l'est aussi. Ou bien elle ne l'est pas et alors l'habillage que le Gouvernement avait employé en 2010 pour justifier cette eurocompatibilité, celui de la nécessité de lutter contre le travail illégal, est à notre avis bien fragile.

Monsieur le ministre, vous ne pourrez maintenir une exonération limitée aux saisonniers sans créer un transfert massif qui siphonnera le travail permanent vers le travail saisonnier. Les effets pervers de cette exonération limitée sont déjà à l'oeuvre. Si vous n'étendez pas rapidement et fortement cette exonération au travail permanent, vous entraînerez un recul majeur de celui-ci, une précarisation, une perte de savoir-faire dans le secteur agricole, où les travailleurs permanents sont les éléments clés de la professionnalisation et de la pérennité de notre agriculture.

De plus, la politique de financement de la protection sociale est une compétence des États membres, et la Cour de justice de l'Union européenne a toujours jugé qu'il appartenait à ces États, en l'absence d'une harmonisation au niveau communautaire – et c'est de toute évidence le cas dans le domaine agricole – d'aménager leurs régimes de sécurité sociale, notamment le niveau des cotisations dues par les affiliés. C'est l'arrêt Blanckaert du 8 septembre 2005.

Enfin, cette question a une dimension politique importante. C'est la France qui est victime de distorsions de concurrence en matière de coût du travail agricole. Il est donc parfaitement légitime qu'elle prenne des mesures afin de se défendre. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous avez un bon dossier à plaider : les accords germano-polonais, le taux de charges spécifique pour l'agriculture en Espagne et tous les autres dispositifs nationaux inventés par nos voisins, moins naïfs que nous !

Et, par pitié, qu'on nous épargne les jérémiades – elles ne sont pas de votre fait, mais elles reviennent souvent dans les débats – sur la nécessaire harmonisation sociale et fiscale à l'échelle de l'Union européenne ! Cette harmonisation doit bien entendu rester un objectif politique majeur de long terme. Mais soyons lucides, une telle avancée est à l'heure actuelle hors de portée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Imaginez un peu : la Roumanie à un euro de l'heure, la France à treize euros ! Une telle avancée est actuellement hors de portée en raison de l'absence de volonté unanime des États membres. Sa mise en oeuvre prendra des décennies.

Pour en terminer sur le sujet de l'eurocompatibilité des exonérations de charges, le Premier ministre François Fillon, devant le congrès de la FNSEA, et vous-même, devant la représentation nationale, vous êtes engagés à procéder à des allégements substantiels du coût du travail permanent au 1er janvier 2012, et nous nous en félicitons. Expliquez-nous en quoi vos exonérations seront plus eurocompatibles que les nôtres !

Concernant le financement de l'exonération, il reprend à l'identique – j'y insiste à nouveau – le dispositif gouvernemental de la contribution pour une pêche durable, dit «taxe poisson », dont le ministre du budget nous a démontré, lors de son adoption en 2007, qu'il était eurocompatible.

Avec Charles de Courson, nous avons étudié de près cette question. La taxe proposée n'a pas le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires au sens du droit européen, car elle n'est pas perçue à chaque stade du processus de production et de distribution. Elle est donc conforme à la législation européenne en matière de TVA, telle qu'elle ressort par exemple de l'arrêt IRAP du 3 octobre 2006.

Rassurez-vous, monsieur le ministre, au vu de la jurisprudence européenne, la France va gagner la procédure contentieuse contre cette taxe, procédure intentée par qui ? Par la grande distribution !

Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Quelle surprise !

Enfin, quelle est la cohérence globale du Gouvernement s'il est prêt à baisser les bras sur la «taxe poisson » alors qu'il refuse, malgré les injonctions de Bruxelles, de retirer la « taxe télécoms » – où les distributeurs financent également les producteurs –, taxe pourtant beaucoup plus contestable sur le fond ?

En outre, ce financement présente plusieurs avantages. Quoi de plus légitime que de faire participer l'aval de la filière – la moyenne et la grande distribution – au financement du soutien aux agriculteurs ? Les taux de marge nette de la grande distribution dans le secteur des fruits et légumes se situent entre 30 et 40 % ; ils sont tout simplement scandaleux !

L'assiette très large et le taux réduit de la taxe, de l'ordre de 1 %, permettront de limiter son impact. Les conséquences tant pour les producteurs que pour les consommateurs resteront donc très faibles.

Monsieur le ministre, je vous demande de bien réfléchir avant de renoncer à cette taxe. Car c'est bien tout l'enjeu de notre débat : nous devons impérativement permettre une baisse significative des charges des agriculteurs dès le 1er janvier 2012.

Vous avez pris, hier, devant l'Assemblée, l'engagement que le Gouvernement soutiendrait un dispositif d'allégement supplémentaire des charges pesant sur le travail permanent avant la fin de la législature. Nous respectons votre compétence, votre capacité de travail, votre savoir-faire diplomatique. Nous vous faisons donc confiance pour aboutir à ce geste vital pour l'avenir de l'agriculture. Mais soyons clairs. Notre initiative a déjà fait bouger les lignes. Nous estimons que l'adoption de notre proposition de loi est nécessaire pour créer l'élan politique dont vous avez besoin pour gagner les batailles internes qui ne manqueront pas jusqu'à ce geste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à voter sans états d'âme cette proposition, le mardi 3 mai.

Monsieur le ministre, vous pourrez ensuite améliorer son contenu, maîtriser le calendrier de travail parlementaire, afin notamment d'enrichir notre proposition de l'apport de notre collègue Bernard Reynès au terme de la mission que vous lui avez confiée. Au final, seule compte à nos yeux – et il y a urgence pour certaines filières – la baisse significative des charges de nos agriculteurs au 1er janvier 2012.

Quel que soit le vote de l'Assemblée le 3 mai, nous continuerons, Charles de Courson et moi-même, avec le groupe Nouveau Centre, ce juste combat jusqu'à son terme.

Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance, mais nous restons vigilants et adaptons pour la circonstance la doctrine de la Banque de France : « La confiance au Gouvernement n'exclut pas le contrôle du Parlement. »

Soyons clairs, nous ne nous satisferons pas d'une « mesurette ». Mais si vous décidez de porter une réforme ambitieuse, à la hauteur des défis auxquels notre agriculture est confrontée, alors, les centristes, Charles de Courson et moi-même, vous soutiendrons de toutes nos forces. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux que nous puissions débattre aujourd'hui de la compétitivité de l'agriculture française. Sur ce sujet, comme sur la question du coût du travail, je partage pleinement l'analyse de votre rapporteur, M. Jean Dionis du Séjour.

Durant des années, nous n'avons pas voulu regarder en face la réalité de la compétition mondiale en matière agricole. Nous avons cru que l'accumulation des subventions et des aides d'État parfois illégales pouvait nous dispenser du travail nécessaire en faveur de la compétitivité agricole française. Résultats des courses : M. Dionis du Séjour l'a dit, les productions allemandes, et celles de nouvelles puissances agricoles comme le Brésil, ont commencé à prendre le pas sur les productions françaises.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

C'est inacceptable ! Nos coûts de production ne peuvent pas continuer à être systématiquement plus élevés que ceux de nos voisins, au point que nos produits se vendent moins bien que les leurs. Aujourd'hui, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie ou encore le Brésil nous prennent des parts de marché. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Je me trouvais à Brasilia il y a seulement quelques jours. L'excédent commercial agricole du Brésil s'élève à 50 milliards d'euros par an alors qu'en France il représente un peu moins de 10 milliards d'euros, dont 6 milliards pour la seule viticulture. Même si un mouvement de reprise se fait sentir, même si notre excédent en 2010 s'améliore grâce aux décisions prises par la majorité, nous ne sommes pas au bout du chemin. Il faut continuer la bataille de la compétitivité et il faut la gagner. Je vous garantis que les agriculteurs français, avec leur talent et leur savoir-faire, ont les moyens d'y parvenir.

Encore faut-il que nous leur donnions les instruments pour qu'ils puissent, comme le disait le rapporteur, se battre « à armes égales » avec leurs concurrents.

Jean Dionis du Séjour a cité l'exemple de la fraise gariguette, nous pourrions prendre celui de la poire ou de la pomme ou rappeler, comme je l'ai fait lors du débat sur le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qu'il a quinze ans, la France et l'Allemagne produisaient 25 millions de porcs mais qu'aujourd'hui, notre pays en est toujours au même point alors que la production allemande s'élève à 40 millions de porcs. Conséquence : progressivement nos concurrents nous prennent des parts de marché.

Nous aurions pu citer ce matin, en présence d'Antoine Herth, l'exemple de l'asperge alsacienne :…

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

…son coût de production est de 30 % supérieur à celui de l'asperge allemande produite seulement à quelques kilomètres. Cette différence n'a qu'une explication : le coût du travail dans notre pays est beaucoup plus élevé qu'en Allemagne. Nous devons trouver une solution à ce problème.

Je tiens toutefois à rappeler que, confrontés à cette question, nous ne sommes pas restés les bras croisés depuis deux ans. Je suis fier que notre majorité ait été la première à adopter une mesure d'exonération totale de charges patronales sur le travail agricole saisonnier. Le Gouvernement et le Parlement ont ramené le coût horaire du travail saisonnier de 12,39 euros à 9,43 euros. Tous les agriculteurs, tous les maraîchers, tous les saisonniers, tous les producteurs de fruits ou de légumes reconnaissent cet effort et saluent cette mesure dont ils sont satisfaits. Il s'agit d'une bonne décision que nous devons à cette majorité.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je veux être très clair sur un point : je ne suis pas prêt à aller dans la direction du « moins-disant social ». Contrairement à M. Jean Dionis du Séjour, je ne crois pas que l'harmonisation sociale européenne soit une chimère qui ne sera mise en place que dans plusieurs décennies. Je pense, au contraire, qu'elle constitue d'une obligation pour nous tous. À mon sens, c'est même un impératif pour l'Europe ; nous ne devons pas en démordre. Je ne suis pas prêt à voir, en France, les salariés agricoles rémunérés 4 ou 5 euros de l'heure, comme cela se pratique dans certains pays européens.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je ne suis pas prêt à supprimer le salaire minimum dans l'agriculture française sous prétexte qu'il n'existe pas chez nos voisins allemands. Nous pouvons être fiers de nos avancées et de notre modèle social, même si ce n'est pas une raison pour ne pas réfléchir à son financement et à l'amélioration de notre compétitivité. Il reste que le moins-disant social, les prix les plus bas et les rémunérations les plus faibles ne doivent pas constituer l'horizon européen des agriculteurs. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Que pouvons-nous faire de plus pour les emplois agricoles permanents ? J'ai lu avec beaucoup d'attention la proposition de loi de M. Jean Dionis du Séjour. Il l'a défendue à la tribune avec toute la fougue gasconne que nous lui connaissons.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Ce texte a l'immense intérêt à mes yeux de mettre le doigt sur la question de la compétitivité de l'agriculture française et de rappeler qu'en traitant du travail saisonnier nous n'avons fait, à ce jour, que la moitié du chemin : reste l'autre moitié concernant les emplois permanents.

Toutefois, le Gouvernement reste défavorable à cette proposition de loi. En effet, je l'ai déjà dit devant la commission des affaires économiques présidée pas M. serge Poignant, ce texte présente deux difficultés.

La première difficulté est celle de l'eurocompatibilité. Le dispositif d'exonération dit TO-DE, applicable aux travailleurs occasionnels ou demandeurs d'emplois, est eurocompatible. En effet, avant de le mettre en place, j'ai plaidé notre cause devant la Commission européenne. Je lui ai présenté un argument principal afin d'obtenir son accord : nous voulions mettre le TO-DE en place pour lutter contre le travail illégal dans le secteur agricole. J'ai expliqué qu'un coût trop élevé du travail saisonnier agricole entraînerait un développement du travail au noir – qui constitue un risque majeur dans ce secteur. La Commission a accepté cet argument et elle a donné son accord à l'exonération de charges que vous avez votée. Aujourd'hui, les yeux dans les yeux, je peux donc affirmer à tous les agriculteurs qui bénéficient du dispositif que l'on ne viendra pas leur réclamer de restituer l'aide que l'État français leur a accordée en matière d'exonération de charges sur le travail occasionnel.

Cependant, l'argument de la lutte contre le travail illégal que j'ai pu utiliser pour les emplois saisonniers de l'agriculture n'est pas recevable pour les emplois permanents du secteur. En conséquence, notre évaluation juridique reste strictement la même que celle que je vous ai déjà présentée : la proposition de loi déposée par Jean Dionis du Séjour en faveur d'une exonération totale de charge sur le travail permanent dans l'agriculture n'est pas conforme au droit européen. Cette exonération s'apparente en effet à une aide d'État permanente destinée à améliorer la compétitivité de l'agriculture française par rapport à celle des autres agricultures européennes. Si nous la mettions en place, elle ferait l'objet d'un recours et elle serait sanctionnée. Cela nous exposerait à devoir réclamer à tous les agriculteurs la restitution des sommes concernées.

Permettez-moi de vous faire part de mon expérience en la matière. Le remboursement des aides d'État illégales accordées par des ministres successifs, de droite comme de gauche, aux producteurs de fruits et légumes a été la première difficulté que j'ai eu à affronter lorsque je suis arrivé au ministère de l'agriculture. La procédure avait duré plusieurs années et la Commission avait attendu le changement de ministre pour la mener à son terme. Elle m'imposait une alternative : soit le remboursement, soit le paiement de pénalités mensuelles de 80 millions d'euros et une amende finale qui se chiffrerait en centaines de millions d'euros. Je n'ai pas voulu exposer le budget de l'État à une telle ponction financière, il ne me restait donc qu'à aller récupérer les aides d'État chez les agriculteurs, chez les petits exploitants du Lot-et-Garonne, du Gers, d'Alsace ou d'ailleurs.

Croyez-moi, je ne veux pas avoir à revivre cette expérience ; je ne veux pas non plus que l'un de mes successeurs soit confronté à la difficulté morale qui se pose quand vous devez expliquer à un paysan que l'État français a été suffisamment irresponsable pour lui accorder des aides dont, dix ans plus tard, il lui demande le remboursement. Imaginez que l'État ait fait à chacun d'entre vous un chèque de 300, de 500 ou de 800 euros pour vous soutenir dans une passe financière difficile et qu'il vienne vous voir dans dix ans pour vous dire : « Désolé, nous avons fait une erreur, ce chèque n'était pas conforme au droit européen : il faut que vous le remboursiez. » Imaginez votre colère ! Imaginez celle des paysans à qui nous avons dû expliquer qu'ils devaient rembourser des sommes considérables parce que les ministres de l'agriculture successifs avaient été suffisamment irresponsables pour accorder des aides d'État illégales au regard du droit européen ! Je ne referai jamais cela ! Je ne prendrai jamais le moindre risque qui exposerait les paysans français à rembourser des aides que l'État leur aurait accordées illégalement au regard du droit européen.

J'ajoute qu'il n'est pas judicieux, alors que nous sommes en pleine négociation du budget de la politique agricole commune pour la période postérieure à 2013, de prendre une décision qui pourrait donner le sentiment que la représentation nationale française s'assied sur les règles européennes alors que notre pays bénéficie tous les ans de plus de 10 milliards d'euros d'aides européennes pour l'agriculture. Ce serait irresponsable. Nous laisserions les Européens croire qu'une nouvelle fois, l'État français prend de l'Europe ce qui peut lui rapporter mais qu'il la critique et qu'il s'assied sur ses réglementations quand cela l'arrange. Je ne m'engagerai pas dans cette voie.

Le financement est la seconde difficulté que soulève cette proposition de loi. Un problème se pose d'abord au regard de la législation européenne. Charles de Courson a cosigné cette proposition de loi, mais il avait été suffisamment avisé, lorsqu'une «taxe poisson » avait été proposée, pour dire – j'ai relu les propos pertinents qu'il tenait alors – qu'il ne la voterait pas parce qu'il estimait qu'elle n'était pas conforme au droit européen.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Il avait eu raison avant l'heure puisque nous faisons l'objet de deux procédures de sanction contre la «taxe poisson » que je tente actuellement de démanteler tout en cherchant, pour les pêcheurs, une source de financement, plus conforme au droit européen. Permettez-moi de vous dire que ce qui vaut pour le poisson vaut aussi pour les fruits et légumes : si nous votions une taxe sur la distribution de ces produits, nous serions sanctionnés exactement de la même façon. Je vous recommande donc de ne pas vous engager dans cette voie.

Le problème posé est, ensuite, économique. Instaurer une taxe sur la grande distribution, c'est sympathique sur le papier. Si l'on considère l'image de ce secteur auprès de nos concitoyens, le taxer sera toujours relativement populaire. Cependant, nous sommes réunis pour prendre des décisions responsables et pour anticiper leurs conséquences. Qui paiera une nouvelle taxe imposée à la grande distribution ? Pas la grande distribution. Prenons garde : les payeurs seront les consommateurs et les agriculteurs qui seront moins bien rémunérés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je ne suis donc décidément pas favorable au mode de financement retenu par la proposition de loi.

Il reste que nous sommes d'accord sur la nécessité d'améliorer la compétitivité agricole française et de réduire le coût du travail. À la suite des propos tenus par le Premier ministre lors du congrès de la FNSEA à Saint-Malo, je prends un engagement : nous allons franchir une nouvelle étape en allégeant le coût du travail agricole pour les salariés permanents de l'agriculture. Sur la base du rapport confié à Bernard Reynès, je propose que nous travaillions ensemble à une proposition qui permette d'alléger significativement le coût du travail permanent dans ce secteur. Je propose que cette disposition soit adoptée à l'autonome prochain et qu'elle soit mise en place le 1er janvier 2012. J'en prends l'engagement au nom du Gouvernement : à cette date, chaque agriculteur de notre pays qui emploie des salariés permanents pourra constater, au bas des fiches de paye, que ses charges ont été allégées.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je veux insister sur un point : la question de la compétitivité ne se résume pas à la seule question du coût du travail, même si le Nouveau Centre a eu raison de mettre le doigt sur cette question effectivement cruciale.

D'abord, la compétitivité n'est pas seulement l'affaire des producteurs. Je veux me faire le porte-parole de tous les producteurs – bovins, porcins, de fruits et légumes et de lait – qui sont saturés des discours consistant à leur dire qu'ils ne sont pas assez bons pour être compétitifs par rapport aux Allemands, aux Espagnols ou aux Italiens. La compétitivité est aussi l'affaire de l'industrie agro-alimentaire ; des abattoirs, qui ont beaucoup à faire en la matière – ce qui justifie que j'aie demandé un audit portant sur tous les abattoirs français, qui me sera rendu avant l'été prochain ; des distributeurs, qui ont, eux aussi, beaucoup d'efforts à faire. La compétitivité n'est pas seulement l'affaire des producteurs, c'est l'affaire de la filière tout entière !

Par ailleurs, la compétitivité ne se résume pas au coût du travail, elle dépend également de la réduction des coûts de production et du coût énergétique, ainsi que du développement de la méthanisation, que nous avons engagé avec l'alignement des tarifs de rachat du biogaz français sur les tarifs de rachat du biogaz allemand, afin de rattraper le retard accumulé depuis des années dans ce domaine.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

La compétitivité est également affaire de structuration des filières : on n'est pas compétitif quand on compte quatorze interprofessions viticoles dans le Languedoc-Roussillon, alors qu'il n'y en a qu'une au Chili ! Le fait que nous ayons ramené ces quatorze interprofessions à quatre – en attendant, je l'espère, de les ramener bientôt à une seule – doit nous permettre de gagner des parts de marché.

On n'est pas compétitif quand, dans l'élevage bovin, on laisse pendant des années treize intervenants négocier à l'exportation nos parts de marché avec la Russie et la Turquie. J'ai bataillé pendant un an, aux côtés de François Fillon, avant d'obtenir du gouvernement russe – en l'occurrence, de Vladimir Poutine lui-même – la levée de l'embargo sur la viande bovine française. Au bout d'un an, après de multiples déplacements à Moscou et des échanges répétés avec les services vétérinaires russes et mon homologue russe, nous avons obtenu la levée de l'embargo sur les importations françaises et une proposition de contrat portant sur mille têtes de bétail à destination de la Russie. Est-il normal qu'une fois cet accord obtenu, nous ne soyons pas capables de fournir les mille têtes de bétail, parce que notre système d'exportation des bovins n'est pas suffisamment structuré ? C'est un fait, nous avons des efforts à faire pour gagner des parts de marché à l'exportation, pour mieux structurer les filières et améliorer ainsi les capacités exportatrices françaises.

La compétitivité est une vraie bataille pour l'agriculture française, une bataille que nous devons gagner, que nous allons gagner. En effet, nous avons la plus belle agriculture d'Europe, et même du monde entier. Nous avons les plus beaux talents, le meilleur savoir-faire, des bêtes d'une qualité exceptionnelle. Le conseiller diplomatique de Mme Dilma Rousseff me disait à Brasilia, il y a quelques jours : « Mais comment faites-vous pour ne pas arriver à vendre votre viande, qui est la meilleure au monde ? » C'est tout simplement parce que nous n'avons pas su structurer les filières, prendre des parts de marché à l'exportation, organiser l'abattage de façon plus conquérante et plus compétitive.

Cette bataille se livrera sur plusieurs années, mais je suis persuadé que nous allons la remporter et que l'agriculture française en ressortira plus forte, avec des revenus meilleurs pour les paysans et la seule situation qui nous convienne : la première place à l'échelle européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, renforcer durablement la compétitivité de l'agriculture française, voilà ce qui a guidé l'esprit des travaux des députés du Nouveau Centre, ainsi que des nombreux députés du groupe UMP qui se sont associés à cette proposition de loi cosignée par Jean Dionis du Séjour et moi-même.

Nous n'avons pas attendu ces dernières semaines pour soulever ces questions. Souvenez-vous : lors de l'examen de la loi de modernisation de l'agriculture, nous avons déjà eu un grand débat à ce sujet. J'avais alors dit au ministre que le texte qu'il nous proposait n'était pas à la hauteur du problème fondamental qu'il a longuement évoqué tout à l'heure, celui de la compétitivité de l'agriculture et de l'industrie agro-alimentaire – car la compétitivité de l'agriculture passe par la compétitivité de l'agro-alimentaire : c'est un ensemble indissociable.

La présente proposition de loi entend répondre à un constat partagé par le ministre et le rapporteur, celui de la chute de compétitivité de l'agriculture française, qui se traduit par une dégradation de la balance commerciale. Ne nous y trompons pas, le léger redressement que nous constatons depuis quelques mois n'est pas lié à une amélioration de la compétitivité de l'agriculture française ; il est dû à des circonstances exceptionnelles tenant à la très forte montée des prix, notamment des céréales, qui aboutissent à une augmentation en volume, mais surtout en valeur, de nos exportations.

Pour autant, les problèmes de fond sont toujours là. Le ministre a raison de dire que la question de la compétitivité ne se résume pas à celle de la main-d'oeuvre, de son prix et de sa qualification. En effet, une main-d'oeuvre extrêmement qualifiée et productive peut être rémunérée beaucoup plus cher qu'une main-d'oeuvre peu qualifiée. Il existe évidemment d'autres facteurs, à commencer par la fiscalité. Je suis de ceux qui regrettent que lors de la réforme de la taxe professionnelle, nous ayons exclu l'agriculture du champ de notre réflexion. C'était pourtant l'occasion de réfléchir à la question du foncier non bâti et à la suppression de cet impôt archaïque et injuste !

Le facteur environnemental a lui, aussi, des conséquences en matière de compétitivité. Les études faites par la FNSEA montrent que les préoccupations environnementales occasionnent des surcoûts. Loin de moi l'idée qu'il ne faut pas faire d'efforts dans ce domaine, mais des efforts très importants ont déjà été faits, et nous avons tendance à vouloir toujours faire mieux et plus que d'autres. J'estime, pour ma part, que nous ne devons pas chercher à aller trop vite en la matière.

Debut de section - Permalien

Eh oui, nous voulons toujours aller plus loin que les autres pays européens !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

L'ensemble de la réglementation influe sur la compétitivité, de même que l'organisation des filières et notre politique agro-industrielle. La structure de l'agro-industrie et son évolution constituent de vrais problèmes : une partie de l'agro-industrie est, en effet, en train d'échapper aux circuits de responsabilité de notre pays.

Cependant, c'est par la question du coût du travail que nous avons voulu aborder le problème de la compétitivité car, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, il existe en la matière d'énormes distorsions de concurrence. Ainsi, nous avons laissé nos amis allemands passer des conventions avec la Pologne, la Hongrie et la Roumanie, qui leur permettent d'appliquer le texte initial de la directive Bolkestein ! Actuellement, 25 % à 30 % de la main-d'oeuvre travaillant dans les exploitations agricoles allemandes est polonaise ou roumaine, et se voit appliquer un régime social qui est non pas celui de l'Allemagne, mais celui du pays d'origine des travailleurs concernés ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) De ce fait, le prix de revient de la main-d'oeuvre employée par les grandes exploitations allemandes de l'ex-RDA ne représente que la moitié – quand ce n'est pas le tiers – du prix de revient français ! Cette colossale distorsion de concurrence a permis à l'Allemagne de nous dépasser en termes d'exportations.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Comme l'a rappelé le ministre, il n'y a pas que la question des fruits et légumes du Lot-et-Garonne, chère à Jean Dionis du Séjour,…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

…et celle de la viticulture, chère à Philippe Martin, à moi-même et à nombre de nos collègues. On peut également citer le porc : pourquoi a-t-on assisté, lors des dix dernières années, à une très forte augmentation de la production allemande de porc, tandis que la production française stagnait ? Cela tient non pas seulement aux conditions de production dans les exploitations, mais aussi à l'abattage. Actuellement, nous exportons nos porcs pour qu'ils soient abattus en Allemagne, tant le différentiel de compétitivité entre les deux pays a augmenté !

Je pourrais aussi parler de la viticulture. Dans ma région, le champagne est relativement épargné, car le positionnement en haut de gamme de ce produit a permis d'absorber le différentiel. Mais qu'en est-il des VDQS, et des autres vins qui n'occupent pas le haut de gamme ? En termes de prix de revient, ils se font complètement enfoncer ! Dans le Sud-Ouest, nombre de producteurs ne parviennent même plus à couvrir leurs coûts de production.

Je pense donc que nous avons eu raison de soulever le problème du coût de la main-d'oeuvre, et si de très nombreux collègues de l'UMP ont cosigné notre proposition, c'est qu'ils considèrent, eux aussi, que l'on ne peut pas continuer ainsi. Mais que faut-il faire ? Vous nous dites, monsieur le ministre, que si nous avons raison de soulever le problème, nous proposons de mauvaises solutions pour y répondre.

Je veux aborder la question de l'euro-compatibilité. S'il est un groupe fondamentalement pro-européen, c'est bien le nôtre, et nous avons toujours gardé la même position sur ce point, quelles que soient les évolutions de l'opinion publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La question de l'euro-compatibilité comporte deux volets : celui des exonérations et celui du mode de financement – que je me permettrai d'aborder avec un peu d'humour, monsieur le ministre.

Pour ce qui est des exonérations, vous nous dites qu'il s'agit d'une aide d'État. Oui, c'est une aide d'État, mais le problème n'est pas là ! La seule question qui se pose est de savoir s'il s'agit, oui ou non, d'une aide d'État euro-compatible au regard des traités. Pour notre part, nous défendons la thèse selon laquelle cette aide est euro-compatible en ce qu'elle vise à réduire les distorsions de concurrence qui ont été créées par des moyens non respectueux du droit communautaire. Les accords germano-polonais et germano-hongrois sur la main-d'oeuvre sont-ils euro-compatibles ? À ma connaissance, le gouvernement français n'a même pas soulevé le problème ! Or, ce n'est pas parce que les Allemands sont nos amis que nous devons nous empêcher de leur dire que, de notre côté, nous n'avons pas passé de semblables accords. De nombreux Polonais et Espagnols viennent travailler en France au moment des vendanges ou de la cueillette des asperges car, en dépit du chômage, on ne trouve pas suffisamment de Français pour accepter ces activités. Je peux vous assurer qu'on applique à ces travailleurs étrangers le droit social français – des contrôles sont d'ailleurs effectués sur ce point.

En plus de son euro-compatibilité, la mesure proposée a une dimension sociale. En termes d'intérêt social, monsieur le ministre, la mesure prise sur le travail occasionnel est en train de se retourner. Mettez-vous un instant à la place des exploitants agricoles : dans la mesure où on a fait quelque chose sur le travail occasionnel, mais rien sur le travail permanent, les CDI, certains ont transformé leurs travailleurs permanents en travailleurs occasionnels, considérant qu'ils n'avaient pas le choix, que c'était pour eux une question de survie !

Vous pouvez développer la thèse sociale, monsieur le ministre, comme vous l'avez fait pour la mesure sur le travail occasionnel, en disant que vous souhaitez éviter la précarisation du travail en France. J'ai longuement discuté de cette question avec des représentants de la CFDT, qui s'inquiétaient de cette mesure. Je leur ai dit de ne pas se tromper de combat : le choix que nous devons faire est celui entre la précarisation du travail et sa disparition sous forme de CDI ! Vous avez là un argument social très important à développer, comme vous l'aviez fait pour obtenir l'accord de la Commission sur le travail occasionnel.

Le Premier ministre s'est engagé, devant le congrès de la FNSEA à Saint-Malo, à prendre une mesure. Mais on ne sait toujours pas ce que vous envisagez de faire, monsieur le ministre. Il faut prendre une mesure forte et significative, et non vous contenter d'un bricolage à 50 ou 80 millions d'euros. À défaut, nous n'arriverons jamais à remonter la pente !

Le deuxième volet de l'euro-compatibilité est le problème du mode de financement. Vous me connaissez un peu, monsieur le ministre, puisque nous avons longtemps siégé face à face en commission des finances. Vous devez donc savoir qu'en ce qui concerne la «taxe poisson », je n'ai pas changé d'avis. J'ai refusé de la voter, estimant qu'avec cette mesure, nous allions dans le mur, alors qu'à l'époque, Éric Woerth – que j'aime beaucoup – nous assurait que tout avait été négocié avec Bruxelles. Or, on s'aperçoit aujourd'hui que nous allons perdre, parce que cette mesure n'est pas eurocompatible. Avec Jean Dionis du Séjour, nous avons donc proposé une «taxe poisson » généralisée, afin de ne pas mettre le Gouvernement en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le ministre, si vous souhaitez une solution alternative eurocompatible, il suffit, en vous inspirant des travaux réalisés sur le sujet, d'appliquer un taux de TVA normal, et non plus réduit, par exemple sur les boissons sucrées, dans le cadre d'une politique sanitaire, voire d'instituer des droits d'accises spécifiques. Si vous préférez cette solution alternative, il n'y a aucun problème avec le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Il n'y a jamais de problème avec le groupe Nouveau Centre ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Comme nous sommes ouverts et profondément européens, nous vous soutiendrons. Mais, de grâce, ne nous opposez pas l'argument « poisson d'avril », car j'ai été l'un des rares à avoir refusé la démagogie en réclamant un financement sérieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En conclusion, monsieur le ministre, des arguments à la fois sociaux et internationaux plaident en faveur de l'eurocompatibilité de notre dispositif, qui permettrait de réduire les distorsions de concurrence ainsi que la précarisation et de protéger le travail agricole permanent en France. Il faut absolument que, lors de l'examen des articles, vous nous en disiez plus sur les contre-mesures que vous entendez proposer – pour notre part, nous nous sommes calés sur ce qui a été fait pour le travail occasionnel, par souci de cohérence avec la LMA. J'attends également que vous nous disiez si vous êtes d'accord pour porter le taux de TVA de 5,5 % à 19,6 %, par exemple, sur les boissons sucrées qui posent un véritable problème de santé publique. Tel est l'état d'esprit du groupe Nouveau Centre et de ceux de nos collègues UMP qui ont cosigné notre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le fait que les deux co-auteurs de la proposition de loi que nous examinons – deux députés très respectés, talentueux et bénéficiant d'un capital sympathie incontestable – aient fait une analyse très juste de la situation peut expliquer qu'une soixantaine de nos collègues UMP aient cosigné leur texte. Néanmoins, après avoir écouté les arguments du ministre et des différents orateurs qui se succéderont à la tribune, ils pourront changer d'avis, sans honte. Au reste, Bernard Reynès, qui était chargé d'une mission sur le financement alternatif de la protection sociale agricole au moment où la proposition de loi a été élaborée, vient de rendre ses conclusions, lesquelles comportent d'autres propositions tout aussi respectables.

S'agissant de la compétitivité de notre agriculture, Charles de Courson vient d'apporter un peu d'eau à mon moulin. En effet, les charges sociales liées aux salaires agricoles ne suffisent pas à expliquer les distorsions de concurrence dont souffre l'agriculture française. Dans la filière porcine, par exemple, les charges sociales des salariés des abattoirs pèsent très lourd dans le prix du produit final ; or, la proposition de loi ne répond pas à ce problème. J'ajoute que, si l'on compare la production de porc en Allemagne et en France, on s'aperçoit qu'il y a bien d'autres motifs de distorsion que ces charges sociales payées en aval par les abattoirs français.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Très juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Il en est de même pour la production laitière. En France, la ferme laitière moyenne ne compte pas de salariés : l'éleveur travaille souvent en GAEC ou avec son épouse. Pourtant, nous perdons des parts de marché dans ce secteur. Pourquoi ? Parce qu'il y a une distorsion de concurrence due à la différence des charges payées par l'industrie laitière française et celles des pays qui nous grignotent parfois des parts de marché. Au reste, ce n'est pas parce que nous avons perdu des parts de marché pendant un ou deux ans que nous ne les regagnerons pas, car la LMA a en partie répondu à certains motifs de distorsion de concurrence.

Cette proposition de loi peut donc être dangereuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Nous risquons en effet de mettre le doigt dans un engrenage et, profession après profession, dans le secteur agricole d'abord, puis dans les autres secteurs, d'alléger les charges patronales de toutes les entreprises soumises à la concurrence d'autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

J'y pense très fort, cher Jean.

J'en viens maintenant au mode de financement de la mesure proposée. Lorsque la «taxe poisson » a été instaurée, je me souviens que, dans mon intervention à cette tribune, je ne m'y étais pas montré très favorable. Mais je l'avais votée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

…par solidarité non seulement envers la majorité, mais aussi envers les pêcheurs qui étaient en train de disparaître à l'époque. En revanche, même si je n'étais pas encore parlementaire, je m'étais réjoui que le gouvernement de Lionel Jospin impose une taxe d'équarrissage à la grande distribution. Hélas ! nous avons dû la rembourser aussi, celle-là, et nous avons mis deux à trois ans pour trouver une solution alternative satisfaisante. Le temps que l'on avait cru gagner et le plaisir que l'on avait fait aux éleveurs, tout cela s'est retourné contre nous. Or, je ne voudrais pas que nous revivions la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Vous êtes en désaccord avec le Premier ministre, alors !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Lorsque M. Le Maire a été nommé ministre de l'agriculture, j'étais en vacances dans une région viticole où les exploitants paient d'importantes charges sociales. Parce que je le connaissais et que je savais qu'il serait l'un des plus grands ministres de l'agriculture que nous ayons jamais eus, je l'ai appelé pour le soutenir et lui demander quels éléments nous permettraient de le défendre. Rappelez-vous en effet la manière dont il a été attaqué, à l'époque. Il a eu le courage de résister – il est vrai qu'il n'avait pas le choix. (Sourires) – et je ne souhaite pas que son successeur – car lui-même peut être appelé à d'autres fonctions – ait à souffrir comme lui a souffert.

Par ailleurs, qui va payer le milliard d'euros que coûterait l'exonération proposée ? Jean Dionis du Séjour nous a exposé la règle des trois tiers. Sur ce point, je ne suis pas tout à fait d'accord avec le ministre, qui a indiqué que les consommateurs en paieraient une partie et les fournisseurs une autre. En effet, j'ai le sentiment que ce sont les fournisseurs qui paieront la totalité de la taxe, donc, forcément, les producteurs, vers lesquels le transformateur se retournera immanquablement, car ils sont le maillon faible.

J'en viens à l'analyse des marges nettes. Dieu sait si, depuis 2002, je combats, dans cet hémicycle, les méthodes limite de la grande distribution ! Pour autant, je refuse la démagogie qui consiste à en faire un bouc émissaire. La marge nette d'un commerçant ne peut pas s'analyser produit par produit. Son métier consiste aussi à faire varier ses marges en fonction des produits, pour mieux vendre ; sinon, il n'y aurait pas besoin de commerçants. Y compris sur les fruits et légumes, cette marge nette varie selon la saison et l'année.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Elle n'est pas de 30 % sur l'année, c'est certain. Mais elle peut être nulle sur un produit et de 15 % sur un autre ; cela n'a rien de choquant. Bien entendu, lorsque l'on analyse la marge nette finale, on s'aperçoit que les enseignes gagnent beaucoup d'argent, mais la masse n'est pas si élevée que cela et, de toute façon, on les connaît : elles ne prendront pas sur leur marge nette. Ce sera donc forcément le producteur qui trinquera, une fois de plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

En conclusion, monsieur le ministre, vous nous avez promis de présenter, lors de l'examen du projet de loi de finances, une mesure concrète de nature à lutter contre les distorsions de concurrence liées aux charges sociales, qui touchent principalement les producteurs de fruits et légumes, les viticulteurs et les pépiniéristes. Je fais confiance à Bruno Le Maire, un peu moins au ministre. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Je ne suis pas naïf : vous aurez besoin de nombreux soutiens. Aussi, j'encourage l'ensemble de mes collègues à vous soutenir, pour que vous puissiez tenir votre promesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, ce débat est intéressant, mais il ne répond pas aux questions qui sont valablement posées.

Tout d'abord, à quoi servent ce que l'on appelle les charges sociales – que j'appelle, moi, les cotisations sociales et que d'autres appellent un salaire différé ? À financer notre protection sociale. Considère-t-on qu'il faille la réduire ? Le régime est-il excédentaire ? Certes, nous pouvons faire des économies, mais nous avons devant nous de grands défis à relever, notamment celui du vieillissement, dont nous parlerons dans les prochains mois. Nous sommes en effet si bien soignés – pas encore assez, serais-je tenté de dire – que nous vivons plus longtemps. On peut guérir aujourd'hui d'une maladie dont on ne guérissait pas il y a vingt ans et être ainsi candidat à une autre maladie. Cette évolution contribue à l'augmentation du coût de la sécurité sociale. Voulons-nous, pouvons-nous l'assumer ?

La difficulté, ainsi que je l'ai dit en commission, est que notre système de protection sociale a été bâti en 1945 sur les cotisations assises sur les revenus salariés des travailleurs. Ce qui était logique à l'époque – puisque l'on travaillait à partir de douze ou treize ans, souvent jusqu'à la fin de sa vie – ne l'est plus aujourd'hui. En effet, le revenu du travail n'est plus le seul revenu des Français : il n'en représente plus que 50 % à 60 %. Pourtant, nous continuons à financer notre protection sociale sur les seuls revenus du travail.

Le débat doit avoir lieu en 2012 ; il opposera les tenants de la « TVA sociale », ou « anti-délocalisations » – cela passerait mieux, paraît-il – à ceux de la CSG. La TVA est un impôt sur la consommation que les gens paient d'autant plus si l'ensemble de leurs revenus est consacré à la consommation, alors que la CSG est un impôt sur les revenus. C'est pourquoi il me paraît assez logique que le financement de la protection sociale continue d'être assis sur les revenus. En effet, si on l'assoit sur la consommation, ce seront toujours les mêmes qui paieront.

La proposition de loi qui nous est soumise repose sur le constat du manque de compétitivité de notre agriculture. En préalable – je l'ai souvent dit, mais la répétition est la vertu de la pédagogie –, je veux rappeler que, durant mes quarante années de vie professionnelle dans le monde agricole, j'ai vécu au rythme des peurs suscitées chez les agriculteurs – même si celles-ci nous ont parfois fait progresser. Quand j'étais jeune agriculteur, on pensait que les Anglais nous tailleraient des croupières, puis ce fut le tour des Belges, celui des Hollandais, des Danois, des Espagnols, des Brésiliens – cela permettait au moins aux responsables agricoles de faire de beaux voyages. Aujourd'hui, on craint les Allemands et, dans une moindre mesure, les Espagnols. Il faudra bien que nous nous interrogions – et le ministre l'a dit à juste titre – sur notre propre manque de compétitivité : tout n'est pas toujours la faute des autres.

Ainsi, n'oublions pas que le choix qui a été fait, en 2003, en matière de découplage des primes européennes ne fut pas neutre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

À l'époque, j'ai dit, à cette tribune, au ministre de l'agriculture qu'il s'agissait d'une erreur. Pour les cultures qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre, ce différentiel n'est pas le seul responsable, certes, mais il n'est pas neutre. On a, pour l'essentiel, voulu protéger les céréaliers. Or cela se retourne contre les entreprises agricoles qui embauchent beaucoup plus de main-d'oeuvre. Il faut avoir le courage de le dire et je sais que même le ministre de l'époque reconnaît que ce n'était pas le meilleur choix.

Venons-en maintenant au problème des salaires. J'ai ici les données fournies par le Réseau d'information comptable agricole en 2008. Selon le RICA, un salarié agricole coûte en Allemagne 20 910 euros, en France 25 140 euros, aux Pays-Bas 35 040 euros et au Danemark 38 300 euros. Nous sommes certes au-dessus des Allemands, mais bien au-dessous des autres ! Pourquoi, dès lors, le problème ne se pose-t-il dans ces pays ? Je l'ai dit tout à l'heure : c'est parce que, s'agissant de la compétitivité, d'autres éléments entrent en ligne de compte, en particulier dans les filières de la volaille.

Je reviendrai plus tard sur le problème de la main-d'oeuvre saisonnière, parce que, comme on l'a dit plusieurs fois, il est réglé. Il n'en va pas de même, en revanche, de la main-d'oeuvre permanente. Dans un certain nombre des pays évoqués, d'autres aspects sont en jeu en matière de compétitivité. Le ministre les ayant déjà évoqués, je n'y reviendrai pas, sauf pour parler des énergies renouvelables, qu'il n'a pas mentionnées – mais peut-être ai-je mal écouté –, alors que le phénomène se développe à l'étranger – c'est d'ailleurs le cas depuis très longtemps, en particulier au Danemark. Là-bas, les éleveurs de porcs et de volailles vendent leur lisier aux villes qui s'en servent pour le chauffage. Chez nous, on paye pour le traiter ! Il en va de même pour les éoliennes. Toujours au Danemark, un agriculteur m'en a montré deux, qui étaient dans son champ, en me disant : « Voici ma retraite ! »

Ce sont là des éléments de compétitivité dont il faut mesurer l'effet sur l'agriculture, au lieu de tout ramener sans cesse au problème du coût du travail. Il me semble d'ailleurs que, de la part d'un patron, c'est faire preuve d'une forme de mépris envers ses salariés – dont on a pourtant bien besoin en matière d'activités agricoles ! – que de se limiter à ce sujet.

J'allais oublier le problème des saisonniers, mais, tout le monde l'aura compris, il a été réglé. Je n'y reviendrai donc pas, sauf en ce qui concerne la filière intermédiaire – je pense à l'abattage et à la transformation –, dans laquelle le problème subsiste. D'où vient-il ? Il vient du fait que, en vertu des conventions évoquées tout à l'heure par le ministre, les industriels de certains pays, par exemple l'Allemagne, sont autorisés à recevoir de la main-d'oeuvre venant d'autres pays, à des conditions autrement plus favorables que celles que nous avons chez nous.

Sur le problème particulier de l'Allemagne, je voudrais aussi attirer votre attention sur le rapport Fouillade, Guillet et Ménard sur la compétitivité de la volaille de chair, qui est sorti il y a peu de temps. Le problème soulevé ne concerne d'ailleurs pas uniquement la volaille de chair. Ce rapport nous ouvre des pistes, monsieur le ministre, lorsqu'il constate que les Allemands ne sont pas euro-compatibles dans la mesure où, même s'ils achètent une prestation de service à une entreprise étrangère, le salarié est, du point de vue de l'organisation, sous la dépendance des dirigeants d'abattoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

En termes de droit, il y a là une porte que vous n'avez pas ouverte. Vous savez toutefois que, fort heureusement, certaines organisations, en particulier bretonnes, viennent d'aborder le sujet. Je pense qu'il y a là-dessus des choses à dire.

Par ailleurs, en matière de compétitivité, il y a des sujets plus importants que le coût de la main-d'oeuvre. En effet, dans la majorité des secteurs agricoles français, ce coût est relativement faible. J'ai parlé de 8 % en commission. Eh bien, je corrige mes données : que ce soit pour la production de lait ou de viande bovine, de porcs, de volailles, ou encore de céréales, on est plutôt entre 5 % et 8 %, alors que les autres postes sont beaucoup plus lourds. En effet, pour m'en tenir à une filière que je connais mieux que d'autres, l'alimentation du bétail représente 60 % des dépenses pour la production porcine. Si vous aviez une solution, monsieur le ministre, pour faire baisser ce poste de dépenses, les éleveurs autour de chez moi seraient d'accord pour augmenter les salaires de leurs employés ! Ce serait certainement un grand avantage pour eux.

Toujours sur la compétitivité, je voudrais parler des aspects fiscaux sur lesquels il nous est possible d'agir. Même s'il n'est pas simple d'évoquer le sujet, monsieur le ministre, nous avons eu l'occasion, lors de la discussion de la loi de modernisation de l'agriculture, de parler de cette habitude qui veut que, dans le monde agricole, quand on a gagné un peu d'argent, on essaye de ne surtout pas payer d'impôts.

Tout un arsenal de dispositions a été constitué à cet effet. Si certaines sont justifiées, d'autres ont été perverties, comme c'est souvent le cas. Je pense à celles qui consistent à convaincre pour ainsi dire le monde agricole de surinvestir pour ne pas payer d'impôts. Or, quand on a surinvesti, cela coûte très cher les années suivantes. Je n'ai pas le temps de développer de cet aspect, mais vous savez que cela a coûté beaucoup à la filière laitière.

Enfin, je voudrais évoquer la question du financement, notamment à travers la fameuse mesure, déjà évoquée, qui consiste à taxer de 1 % les grandes et moyennes surfaces. C'est une plaisanterie ! Vous savez très bien comment cela va se passer : ce sont soit les consommateurs, soit les salariés des GMS qui paieront. Il est vrai que ces derniers sont sans doute des privilégiés par rapport aux autres, comme en témoigne la grève chez Carrefour ces jours derniers ! Ou alors, plus sûrement encore, ce sont les fournisseurs qui paieront.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Or, curieusement, c'est pour eux que la main-d'oeuvre représente un coût important. Eh bien, ce sont quand même eux qui devront payer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Tout cela pour dire que la question que vous posez mérite d'être débattue, mais que vos propositions ne peuvent pas nous satisfaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, compétitivité, rentabilité, bénéfices, croissance, « toujours plus » – sauf, bien sûr, pour les coûts de production, qu'il convient de réduire toujours plus. Tout cela, nous le connaissons bien, de même que le refrain invitant à diminuer les dépenses pour augmenter les bénéfices.

Voilà qui met à mal, inévitablement quoique de façon larvée, le principe de solidarité sur lequel se fonde l'organisation de notre société. C'est ainsi que les services publics sont rognés : l'éducation nationale souffre de la réduction du nombre de postes et il en va de même dans les hôpitaux, comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer ici même mardi.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un exposé sur la décroissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

En fait, je voudrais que chacune et chacun, ici, prenne conscience que toutes ces décisions ont des impacts concrets sur des millions de personnes. Or nous allons débattre cet après-midi, à la demande du groupe Nouveau Centre, de la responsabilité sociale des entreprises. Je m'interroge donc : comment le Nouveau Centre peut-il souhaiter débattre de la responsabilité sociale des acteurs économiques et nous proposer, dans la même journée, d'accepter que les patrons ne contribuent plus au financement de la protection sociale des travailleurs qu'ils embauchent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Tout cela afin de diminuer le coût du fameux « facteur travail ».

Accepter une exonération des charges sociales patronales s'inscrit dans la continuité de la politique actuelle du Gouvernement. Une perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est encore un biais, comme l'a très bien expliqué à l'instant notre collègue Jean Gaubert, pour détricoter son financement.

Les écologistes demandent une véritable remise à plat du financement de la protection sociale, au travers d'une fiscalité couvrant l'ensemble des revenus, et pas seulement ceux du travail, afin d'assurer un financement plus juste.

Je souhaite ici préciser mon propos. Il ne s'agit pas de nier la réalité. Oui, les distorsions de concurrence sont effectives et néfastes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

…particulièrement dans la filière des fruits et légumes. Il est vrai qu'elles créent une spirale négative, avec le travail clandestin et le mauvais traitement des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Je ne suis pas angélique et je ne souhaite pas non plus insupporter le rapporteur de cette proposition de loi, mais il ne saurait être question de justifier les conditions de travail et les niveaux de rémunération des travailleurs polonais et ukrainiens payés par les Allemands au prix du travail dans leurs pays d'origine !

Il ne saurait être question de promouvoir un alignement vers le bas. Il s'agit de construire une protection sociale et un SMIC européens alignés sur le pays le plus performant en la matière. Ce ne sont pas des jérémiades : il s'agit de volonté politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

En matière d'agriculture, la question des prix des produits alimentaires doit également faire l'objet de toute notre attention. Promouvoir une agriculture paysanne, locale et biologique nécessite également de rémunérer les produits alimentaires à leur juste coût.

Pour proposer une agriculture saine et de qualité, il est nécessaire de tenir compte de ses impacts sur l'environnement et du coût réel de la main-d'oeuvre. Cela permettrait de refléter le véritable coût de production, de soutenir les modes de production respectueux de l'environnement et de créer de nouveaux emplois dans des secteurs d'avenir où la fameuse compétitivité française n'est pas au rendez-vous.

Aujourd'hui, près de 40 % des produits agricoles biologiques sont importés. Soutenir cette filière permettrait d'éviter l'augmentation des prix à la consommation et de diminuer les impacts négatifs sur l'environnement et la santé.

Manger mieux, manger équilibré, manger sainement, tout cela doit être accessible à toutes et à tous, quel que soit le niveau de revenus. À cet égard, il semble que le volontarisme politique de notre gouvernement soit une coquille presque vide. Nous sommes loin des objectifs affichés par le Grenelle de l'environnement !

La réforme de la PAC devra prendre en compte des critères environnementaux et sociaux. Il conviendrait de soutenir les activités agricoles qui contribuent à un environnement sain, sans pesticides, qui respectent la biodiversité et sont peu gourmandes en eau. De même, les emplois durables correctement rémunérés doivent être privilégiés pour donner envie à des jeunes de s'installer.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

En outre, sous couvert de subventions, le dumping et ses conséquences dramatiques pour les productions des pays du Sud ne sont plus acceptables.

C'est donc toute la conception de l'agriculture qu'il faut repenser. De même, arrêtons de croire que l'avenir passe par les exportations massives, car cela se fait au détriment de notre autonomie alimentaire.

Vous l'aurez compris, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi n'est pas satisfaisante ; nous ne la voterons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Reynès

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson – mais je n'oublie pas les nombreux cosignataires – d'avoir pris, avec le Nouveau Centre, l'initiative de cette proposition de loi. En effet, nous ne serons jamais assez nombreux au Parlement à soutenir la ruralité de façon générale, et l'agriculture en particulier.

Ayant été chargé par le Premier ministre, suite à un amendement que j'avais déposé dans la LMA et sur proposition du ministre de l'agriculture, d'une mission sur le financement alternatif du coût du travail dans ce secteur, mon propos s'appuiera sur mes premières pistes de travail qui aboutiront à la remise d'un rapport définitif fin juin.

À ce stade, de nombreux points d'accord avec cette proposition de loi apparaissent. Mais il existe aussi des désaccords qui m'amènent à ne pas soutenir ce texte. Enfin, et c'est l'essentiel, émerge la nécessité d'aller plus loin, d'être capables de rebondir rapidement, à court terme comme à moyen et long terme. D'accord donc sur la méthode, le diagnostic et l'intention, ce qui est déjà beaucoup !

Sur la méthode, notre collègue a eu le souci d'équilibrer ses auditions entre Paris – avec les organisations professionnelles et syndicales – et le terrain : pour lui, ce fut le Lot-et-Garonne, pour moi les Bouches-du-Rhône, le Gard et le Vaucluse. (Sourires.)

Il est vrai que le témoignage des agriculteurs est essentiel. Je compte encore l'approfondir en étudiant les bilans comptables d'exploitations représentatives et diverses.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Reynès

Sur le diagnostic, il y a une totale convergence. Je ne m'y appesantirai donc pas.

Quelques chiffres tout de même : sur la moyenne triennale pour 2005, 2006 et 2007, dans la filière de l'arboriculture, la marge est de 841 euros par hectare en France, contre 2 526 en Allemagne, 1 915 en Espagne et 3 129 en Italie. Le taux d'endettement était, en 2006, de 45 % en France, 13 % en Allemagne, 2 % en Espagne et 1 % en Italie.

Comment en est-on arrivé là, alors que nous avons des sols remarquables, l'ensoleillement, l'eau et le savoir-faire ? Je suis d'accord avec vous pour dire que la cause essentielle – mais pas unique – est la distorsion de concurrence que constituent les écarts de charges salariales entre nos entreprises et celles de nos concurrents, y compris nos concurrents européens, ce qui est encore plus inacceptable.

Pour les arboriculteurs français, les charges salariales – salaires et charges sociales – représentent 32,3 % des coûts de production, contre 25 % en Espagne et 21 % en Allemagne. Le résultat immédiat, et j'insiste sur ce point, c'est l'absence de marge, l'incapacité à dégager une trésorerie suffisante pour avoir la lisibilité pour investir et embaucher.

L'intention de cette proposition, qui est de réduire les charges sociales pour limiter les distorsions de concurrence, est elle aussi excellente. Avec l'exonération des charges sur le travail saisonnier – M. le ministre l'a dit –, nous nous sommes arrêtés au milieu du guet. L'effort doit porter maintenant sur le travail permanent, qui apporte d'ailleurs, il faut y insister, le savoir-faire indispensable à la compétitivité.

Notre désaccord porte sur les solutions. Quelles que soient nos bonnes intentions, nous ne pouvons payer les agriculteurs avec des mots, nous ne pouvons leur faire des promesses que nous ne pourrions pas assumer – nous ne pouvons prendre aucun risque sur ce registre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Reynès

Nous ne pouvons pas non plus prendre le moindre risque en termes d'incompatibilité avec le droit communautaire et de distorsions de concurrence, tout comme nous ne pouvons courir le risque que l'exonération soit assimilée à une aide d'État.

Les modalités de financement doivent être retravaillées : l'exonération des charges sur les saisonniers est autant plébiscitée par les agriculteurs qu'elle est fragile car régulièrement remise en question. Fusionner les mesures, c'est mettre en danger ce que nous avons déjà obtenu sur le travail des saisonniers. Or nos exploitations ont besoin de stabilité.

Enfin, il faut tirer toutes les leçons de l'échec de la «taxe poisson ».

Quant à la taxe sur les GMS, je suis tout à fait d'accord avec l'excellent Michel Raison, il est clair que la grande distribution se retournera essentiellement sur l'amont pour récupérer ses marges, et plus particulièrement sur les producteurs de fruits et légumes, parce que nous sommes tout à fait conscients que l'élaboration du prix d'une vente n'est pas du tout connectée au prix d'achat et que c'est bien sur ce secteur que les marges sont énormes.

Le rejet de cette proposition de loi ne doit pas cependant être une fin en soi, plutôt un commencement, une impulsion pour aboutir sur ce sujet crucial. Dans cette mission, je veux distinguer très clairement le court, le moyen et le long termes.

À court terme, il faut sauver la trésorerie des agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Reynès

Je vais raccourcir mon propos, monsieur le président.

Charles de Courson a évoqué les recettes sur les boissons sucrées. Il s'agit en effet d'une piste sur laquelle nous travaillons actuellement, mais je ne veux pas faire d'annonce car la prudence s'impose en cette matière.

Sur le moyen terme, je suis d'accord avec Mme Poursinoff, je crois qu'il faudra envisager une reconfiguration progressive de notre protection sociale. La TVA sociale, à titre expérimental, fait partie des scenarii à travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Reynès

C'est ma position, que j'assume parfaitement. Une réforme à moyen terme du mode de financement de la protection sociale doit être envisagée.

Sur le long terme, il est évidemment de la compétence des États membres de l'Union européenne d'aménager leurs régimes de sécurité sociale, y compris bien sûr sur leur niveau de cotisations. La route sera longue pour parvenir à une harmonisation communautaire car le différentiel de départ est terrible : l'écart sur les salaires chargés est de un à vingt dans l'Europe des vingt-sept.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Reynès

La France doit impulser cette initiative. C'est avec une approche globale, articulant le court, c'est-à-dire l'urgence, le moyen et le long termes, que nous remettrons la compétitivité de l'agriculture française sur les rails. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Le Loch

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, jamais, depuis sa création en 2008, je n'ai autant entendu parler de la «taxe poisson » qu'à l'occasion de la proposition de loi qui étend son modèle au secteur agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Le Loch

Pour réduire la distorsion de concurrence dont souffre l'agriculture française, ce texte propose d'exonérer le travail permanent agricole des cotisations sociales patronales et de compenser le coût de cette suppression de recettes par la transposition de la «taxe poisson » au secteur agricole. Pourtant, ce dispositif, nous le savons depuis le 30 mars dernier, n'est pas conforme au droit européen et est donc illégal. Les pêcheurs sont-ils informés, monsieur le ministre ?

En trois ans d'existence, la «taxe poisson » a souvent été une source d'interrogations, en ce qui me concerne en tout cas. Je vous ai souvent interrogé, monsieur le ministre, mais aucune réponse claire ne m'a été apportée. La dernière fois, c'était le 28 octobre dernier lors de l'examen du budget Pêche – la disparition de la taxe était déjà évoquée. J'ai découvert il y a peu que son assiette et son taux avaient été modifiés en loi de finances rectificative le 29 décembre dernier et, le 30 mars dernier, vous nous avez appris en commission sa non-conformité au droit européen.

Je voudrais rappeler rapidement l'origine de cette taxe, créée suite à la promesse du Président de la République « de mettre au point un mécanisme durable qui réintègre le prix du gasoil dans le prix du poisson » et officiellement baptisée « taxe pour une pêche durable et responsable ». Sans être affectée, elle a sans doute contribué malgré tout à financer le plan Barnier et peut-être – cela a été évoqué – l'interprofession, en cours de création. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire quelle a été l'utilisation réelle de cette taxe ?

La Fédération du commerce et de la distribution avait introduit un recours en annulation de cette taxe. A-t-elle donc obtenu gain de cause ? Cette taxe n'était-elle plus prélevée ? L'État va-t-il devoir rembourser les poissonniers qui l'ont payée ? Beaucoup d'interrogations restent en suspens et les marins pêcheurs ont besoin d'être rassurés. Ainsi, est-il exact que le financement des contrats bleus était assuré par cette taxe ?

Cet exemple montre que la création dans le secteur agricole d'une taxe similaire à la «taxe poisson » n'est vraiment pas opportune. En effet, la taxe prévue par la proposition de loi encourrait le même risque d'incompatibilité avec le droit communautaire dans la mesure où l'exonération des cotisations sociales du travail permanent constituerait une aide d'État interdite car susceptible de fausser le jeu de la concurrence entre les États membres de l'Union. Les conséquences d'une déclaration d'incompatibilité pourraient être lourdes. Le risque est important, nous ne pouvons pas le faire porter aux agriculteurs.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

C'est bien pour cela que j'ai anticipé.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Le Loch

De trop nombreux précédents existent où l'État a été condamné à rembourser, où les professionnels eux-mêmes ont été obligés de rembourser – je pense notamment au Fonds de prévention des aléas de la pêche, le fameux FPAP, que les pêcheurs et les armements ont dû rembourser.

Si je vous ai bien compris, monsieur le ministre, aucune disposition de ce texte n'est eurocompatible, ni la taxe ni son affectation à la réduction de charges.

Mais, au-delà de la question de l'eurocompatibilité, nous contestons aussi le principe même qui sous-tend cette proposition de loi.

Tout d'abord, parce que le coût du travail serait, selon elle, le seul paramètre qui expliquerait les distorsions de concurrence dont souffre l'agriculture française. Cela me semble bien réducteur car d'autres facteurs entrent en jeu : l'innovation, l'organisation des filières, l'exportation, le coût de l'énergie, le foncier, les ressources humaines…

Ensuite, mes collègues socialistes et moi-même, attachés à la progressivité de l'impôt, nous nous opposons à l'idée de remplacer les charges sociales du travail par une taxe à taux unique qui serait payée par tous les consommateurs de la même façon, quel que soit leur niveau de revenus. À un moment où le pouvoir d'achat des Français a justement besoin d'être défendu, faire porter une taxe supplémentaire par le consommateur ne nous semble pas être la meilleure solution.

Enfin, nous contestons cette proposition de loi parce que nous refusons de nous positionner en fonction du moins-disant social. Comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi, les principaux concurrents de l'agriculture française ont une durée hebdomadaire de travail supérieure à trente-cinq heures – le salaire minimum espagnol est bien inférieur au nôtre, 633 euros bruts, il n'existe pas de salaire minimum en Italie – et nos cotisations sociales sont plus élevées, justement parce qu'elles servent à notre système de protection sociale qui est un des plus développé d'Europe et auquel nous tenons beaucoup. Nous refusons l'alignement par le bas. Nous n'emprunterons pas ces méthodes qui sont justement celles que nous combattons.

Parce que nous pensons que cette loi ne rendrait pas service à la profession et que nous ne devons pas prendre le risque de faire des promesses que nous ne pourrions tenir – je partage avec vous, monsieur le ministre, votre intransigeance sur cette question –, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Vous allez soutenir avec force et conviction cette proposition de loi qui vise à soutenir l'agriculture, monsieur Muzeau ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Comme la corde soutient le pendu.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'y a pas de doute, les cosignataires de la proposition de loi sont profondément libéraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Si bien que le ministre de l'agriculture les a lui-même trouvés plus libéraux que lui, ce qui n'est pas peu dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'examen de cette proposition de loi du Nouveau Centre a d'ailleurs donné lieu en commission des affaires économiques à des échanges surprenants. M. le ministre a ainsi répété aux membres du Nouveau Centre son opposition à leurs mesures synonymes de dumping social, se disant lui-même « favorable à une harmonisation sociale européenne qui doit se faire par le haut » ainsi qu'à « un salaire minimum européen », ajoutant qu'il s'opposerait « à tout alignement vers le bas » et « que ce serait une erreur profonde ». L'espace d'un instant, nous aurions pu penser qu'un membre éminent de l'UMP souhaitait rejoindre les bancs du groupe des députés communistes, républicains et du parti de gauche. Mais la suite de ses propos, en réponse à mon collègue André Chassaigne, a rapidement contredit sa posture de tenant du « progrès social ».

Ce texte s'inspire du moins-disant social que la droite entend imposer partout en Europe. Il attribue en effet la baisse de la production française et les difficultés de nos producteurs au seul coût du travail,…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

…c'est-à-dire aux cotisations sociales et patronales qui seraient trop élevées par rapport aux autres pays européens, faisant du dumping social une solution pour améliorer la compétitivité de nos produits agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Pour le rapporteur, seules les comparaisons en termes de protection sociale, de cotisations et de coût du travail expliqueraient les difficultés de l'agriculture française. C'est à peine s'il ne se félicite pas des 3,20 euros que gagne un salarié agricole espagnol ou du 1,60 euro que reçoit le salarié polonais !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

L'exposé des motifs ne fait d'ailleurs référence qu'aux pays de l'Union européenne, mais, monsieur le rapporteur, vous auriez pu trouver encore moins cher au Maroc, au Kenya ou en Thaïlande. Faites encore un effort dans le cynisme !

En se contentant de mesures d'exonération de cotisations sociales patronales pour tous les salariés du secteur agricole et forestier pour lutter contre les prix trop bas et contrecarrer les diktats des distributeurs industriels, le texte que vous soutenez écarte toutes mesures contraignantes, du type coefficient multiplicateur, qui permettraient de garantir aux producteurs les prix d'achat.

Par ailleurs, ce texte cherche à évacuer les causes réelles des difficultés de l'agriculture française, notamment l'augmentation sans précédent des importations de légumes et de fruits en provenance des pays extracommunautaires, les pays de l'Asie du Sud-Est notamment, dans lesquels la protection sociale et les salaires sont encore plus faibles que dans l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Peut-être vous y êtes-vous rendu, moi je n'y suis jamais allé, monsieur de Courson.

Cette proposition de loi, c'est aussi tout bénéfice pour la grande distribution puisqu'elle s'inscrit dans un transfert des cotisations du capital et du travail sur la consommation. L'article 2 prévoit en effet une contribution assise sur la grande et moyenne distribution, qui la répercutera automatiquement à la hausse sur les prix de vente ou à la baisse sur les prix d'achat aux producteurs. Une mini TVA sociale s'imposerait sur les produits de première nécessité, pénalisant les foyers les plus modestes.

Ironie du calendrier, aujourd'hui, vous prétendez venir en aide aux agriculteurs en taxant les consommateurs, et hier vous avez décidé de supprimer ou d'alléger l'ISF pour les plus fortunés de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Décision qui entraînera une perte de recettes pour l'État de 1,7 milliard d'euros.

Ainsi, le texte, en n'envisageant aucune contribution sur les résultats des groupes de l'agroalimentaire, exclut, de fait, le capital de la distribution et des industriels ainsi que le secteur bancaire et assuranciel de toute participation au financement de la protection sociale agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est un nouveau signal adressé aux géants de l'agroalimentaire, visant à valider leur stratégie de dumping social, d'accroissement de marges et de pression à la baisse des prix par l'ajustement des volumes d'importation.

Par ailleurs, je le répète, monsieur le ministre, le bilan positif en termes d'emplois des exonérations de cotisations sociales dans tous les secteurs de l'économie est un mythe entretenu par l'économie dominante. Depuis au moins dix ans tous les rapports de la Cour des comptes en témoignent, le bilan est terrible : les exonérations ne sont pas créatrices d'emplois.

Ce sont les charges financières qui pèsent sur l'économie, ce sont les intérêts bancaires et les dividendes versés qui assèchent les capacités d'innovation et de développement, pas les cotisations, qui contribuent à la protection sociale et à l'intérêt général !

Il convient donc de rejeter l'ensemble de ce texte d'inspiration libérale, qui ne permet de résoudre ni les problèmes de l'agriculture ni ceux des consommateurs, et qui s'évertue à confondre les causes et les conséquences pour mieux servir le moins-disant social dans le secteur agricole et forestier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Ce n'est pas ce qu'on peut appeler un soutien. Pourtant, c'est une bonne mesure pour l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes réunis aujourd'hui pour débattre d'une proposition de loi dont l'audace s'explique tout simplement par l'urgence.

Personne n'ignore que l'agriculture française, après avoir connu un brillant renouveau, est entrée dans une période interminable de difficultés, d'incertitude et de souffrance, très préjudiciable à la puissance économique, à la cohésion territoriale, à l'identité même de notre pays. La cause de cet état de fait est très simple : l'incohérence totale de notre politique.

D'un côté, l'ouverture totale de nos frontières, le détricotage de la politique agricole commune et la fin des protections ; de l'autre, les charges sociales les plus élevées d'Europe, des entreprises agricoles et des agriculteurs qui sont entrain de crever – pardonnez-moi l'expression –, des surfaces agricoles réduites chaque année, tout cela dans un silence absolu ! Notre assemblée vivrait-elle en apesanteur, hors de toute réalité ?

Il est pourtant clair, au vu des chiffres qui accompagnent la proposition de loi du Nouveau Centre sur la réduction des surfaces agricoles et la disparition de nos producteurs, que, si l'on continue comme ça, nous importerons bientôt tous nos produits. Nous les importerons d'Espagne ou d'Allemagne, mais comment financerons-nous alors la protection sociale et comment préserverons-nous l'équilibre social de notre pays ? C'est une pure folie !

Il y a en vérité deux solutions : traiter les deux racines du mal. Il faut d'abord abaisser les coûts de production agricole, en transférant une partie des charges sur la grande distribution. C'est une bonne idée, nécessaire et juste, même si les pouvoirs publics doivent se donner les moyens d'un contrôle accru des prix sur cette grande distribution prédatrice. Je soutiens donc totalement la proposition de loi du Nouveau Centre, qui n'a rien d'une proposition ultralibérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

À cet égard, je ne comprends pas le parti socialiste, qui dénonce du matin au soir la prédation de la grande distribution envers les producteurs et les industriels, mais qui refuse, par frilosité ou idéologie, toute mesure un tant soit peu audacieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Nous ne voulons pas faire payer les consommateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Oui, le transfert des charges sur la consommation par la création de la TVA sociale qu'il y a derrière cette loi est une nécessité absolue.

Cette proposition a par ailleurs le mérite de montrer la voie à suivre pour redresser l'ensemble de notre économie. Quand va-t-on comprendre qu'il est aberrant, dans une économie ouverte, de taxer l'emploi ? Et ce n'est pas défendre les salariés et le progrès social que de s'accrocher à ce dogme, qui se paie en millions de chômeurs !

Alors j'espère que nos collègues de l'UMP seront nombreux à soutenir cette proposition de loi, quoi qu'en disent Bruxelles ou le Gouvernement qui nous a habitués, au lieu d'agir, à ses louvoiements et à ses tergiversations, censés ménager la chèvre européenne et le choux national.

Les mesures qui nous sont proposées sont nécessaires, mais non suffisantes face à l'idéologie qui règne à Bruxelles et devant laquelle se sont couchés les gouvernements successifs. À force de détricoter la PAC et d'ouvrir nos frontières, nous devons désormais subir, en plus de la concurrence intra-européenne, une concurrence extra-européenne.

Il faut donc instaurer une exception agricole à l'OMC. Les producteurs de cinéma l'ont bien obtenu pour la culture, mais ils sont sans doute plus proche que les agriculteurs des palais parisiens. Il faut annuler les accords de Washington de 1994 et rétablir une vraie préférence communautaire. Telles sont les seules mesures qui permettraient de redonner de l'air à notre agriculture. Les agriculteurs souffrent ; ils sont fatigués des belles paroles et de l'hypocrisie générale. Ils veulent des actes !

Notre débat aujourd'hui est symbolique de l'impuissance de nos pouvoirs publics, de leur incapacité à s'exonérer non seulement du droit communautaire qui nous enferme dans des politiques inapplicables, mais aussi des lobbies de la grande distribution et des centrales d'achat.

Tandis que le chômage augmente à vue d'oeil et que les Français sont en colère, les députés – de droite comme de gauche – ne parlent que de risque vis-à-vis du droit communautaire. Mais le principal risque aujourd'hui, c'est l'inaction ! Et, quand la colère populaire s'abattra sur vous, vous comprendrez que le vote de cette proposition de loi était indispensable pour opposer des actes concrets à l'impuissance générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

L'examen de la proposition de loi visant à renforcer durablement la compétitivité de l'agriculture française s'inscrit dans la continuité du débat ouvert par le Gouvernement sur la modernisation de notre agriculture. Je tiens à saluer nos collègues Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson pour leur initiative courageuse. En effet, ce texte affronte la réalité du monde agricole et tient compte des préoccupations des producteurs.

Le secteur agricole faisant face à une concurrence internationale de plus en plus rude, tant de la part de nos partenaires européens que de la part des puissances émergentes, la France doit assurer sa pérennité et lui donner les moyens de renforcer sa compétitivité.

Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson dressent dans cette proposition un tableau réaliste de l'état de l'agriculture française, celui d'un secteur plein de ressources, mais en perte de vitesse.

L'agriculture française, nous le savons tous, connaît de grandes difficultés. En 2008-2009, le monde agricole a connu une crise majeure, marquée par la chute des prix des produits agricoles et une baisse considérable du revenu des agriculteurs. Au-delà de cette crise conjoncturelle, une tendance de fond se dessine sur les quinze dernières années : la perte de compétitivité de nos entreprises agroalimentaires.

En effet, l'analyse des échanges au niveau international montre un certain effritement des parts de marché des entreprises françaises. Par ailleurs, si la rentabilité du secteur agroalimentaire français reste dans la moyenne des principaux pays développés, les évolutions au cours de la période écoulée dénotent une relative diminution de la compétitivité de ces entreprises, y compris sur certains marchés de produits différenciés comme le secteur des vins.

Certes, il ne s'agit pas d'être catastrophiste : l'activité agricole française demeure, avec son industrie agroalimentaire, l'une des plus importantes d'Europe. Mais pour combien de temps encore ? Face aux signes manifestes d'une compétitivité en déclin, nous devons nous poser les bonnes questions et trouver les bonnes réponses.

Comment assurer la compétitivité de notre agriculture ? Cette proposition de loi a le mérite de poser la question. C'est afin de donner davantage de résonance à ce débat que de nombreux députés UMP, dont moi-même, l'ont cosignée.

L'ensemble des études sur la compétitivité de l'économie française converge sur un point : le coût du travail pèse considérablement sur l'activité économique française. Quel que soit le secteur, les charges sociales sont souvent bien plus importantes en France que chez nos partenaires européens.

Les causes essentielles du déclin de l'agriculture française résident ainsi principalement dans les coûts de production, et en particulier dans le coût de la main d'oeuvre. Il est donc nécessaire d'alléger les charges pesant sur les agriculteurs afin de leur permettre d'investir davantage dans le développement de leur exploitation, d'une part, et de vendre sur la scène internationale à des prix compétitifs, d'autre part.

Enfin, il est nécessaire d'alléger les charges des agriculteurs afin de favoriser l'emploi salarié et le travail permanent dans les exploitations. En effet, le recours plus important à l'emploi salarié, plus flexible que la main d'oeuvre familiale et mieux ajustable au volume d'activité, est une solution au problème de productivité du travail agricole.

Bien que partageant cette analyse, j'émettrai, monsieur le rapporteur, quelques réserves. Il faut reconnaître que les solutions retenues dans cette proposition de loi ne sont pas suffisantes et doivent faire l'objet d'une réflexion plus approfondie.

L'exonération des cotisations sociales sur le travail agricole permanent implique de modifier le mode de financement de la sécurité sociale des agriculteurs. Or, il n'est pas certain que le mode de compensation proposé suffise à combler le déficit créé par ces exonérations. Un calcul inexact est risqué, je dirais même bien trop risqué : nous ne pouvons pas rendre le financement de la protection sociale des agriculteurs tributaire des variations de la consommation. Nous avons le devoir de garantir aux producteurs un système de protection sociale sûr.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous voudrez bien admettre que la taxe pour la compétitivité de l'agriculture pourrait se révéler défavorable aux producteurs dans la négociation des prix d'achat. En effet, il n'est pas certain que la grande et moyenne distribution accepte de jouer le jeu. Au contraire, elle risque d'anticiper cette taxe à la consommation en achetant moins cher aux agriculteurs. Cette taxe serait donc compensée par la baisse des prix d'achat auprès des producteurs.

Enfin, la création d'une « taxe sur la consommation » pèserait lourdement sur les budgets des foyers, qui ont déjà de grandes difficultés à supporter l'augmentation des prix alimentaires.

Finalement, les solutions proposées offriraient, en termes de financement, des gains relatifs, et elles occasionneraient des pertes pour les producteurs ou pour les consommateurs. Vous comprendrez donc que, même si je soutiens cette initiative et les objectifs qu'elle poursuit, j'ai un certain nombre de réserves quant aux solutions préconisées. J'espère néanmoins que les débats permettront d'éclairer les points que je viens de soulever. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

L'intitulé de la proposition de loi, « Renforcer durablement la compétitivité de l'agriculture française », renvoie à un objectif que nous poursuivons tous ici. Cependant, le postulat de départ, selon lequel le coût du travail agricole en France est un handicap insoutenable, n'est pas, de notre point de vue, la bonne grille de lecture.

Le dispositif que ce texte vise à mettre en place consiste à exonérer les agriculteurs des charges patronales de l'ensemble des salariés. Cette exonération serait totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale à 2,5 SMIC et nulle pour une rémunération égale ou supérieure à 3 SMIC. Le coût de cette mesure – environ 1 milliard d'euros – serait compensé par la mise en place d'une contribution pour la compétitivité durable de l'agriculture, en d'autres termes une TVA sociale.

Dans son rapport d'octobre 2010, le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux considère dans ses conclusions que la politique de baisse des coûts salariaux en Allemagne a démarré dès 1999 par des baisses d'impôts qui ont malheureusement favorisé l'emploi précaire et le temps partiel. Pour restaurer une compétitivité amoindrie, l'Allemagne s'est appuyée sur une maîtrise des coûts salariaux. Cette stratégie a abouti, en 2007, à une hausse de 3 points de la TVA, compensée en partie par une baisse des cotisations sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Contrairement à vos allégations, ce ne sont pas seulement les salaires, qui comptent pour 20 % seulement du coût de produit fini, qui pèsent sur la compétitivité de la production, mais c'est également le coût du foncier, des engrais et de la modernisation des équipements.

En ce qui concerne la compétitivité, la littérature nous montre qu'elle ne se mesure pas d'une unique façon mais qu'il existe de nombreux indicateurs. C'est une notion relative, évolutive et complexe à étudier, qui englobe l'ensemble des facteurs plaçant un secteur dans une situation plus favorable que ses concurrents, du fait d'une capacité de production d'un produit de qualité comparable à un coût plus bas et du fait de capacités d'innovation dont la différence peut être valorisée. En vous focalisant sur le coût du travail et en excluant l'efficacité économique et les stratégies d'investissement, vous proposez donc une vision partielle et biaisée.

Un chercheur de l'INRA estime qu'une exploitation jugée moins rentable est en meilleure posture pour affronter une hausse des intrants ou une volatilité des prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

De même, si deux exploitations obtiennent un niveau égal de revenu, leurs trajectoires d'investissement peuvent être à l'opposé l'une de l'autre.

Pour illustrer mon propos, je citerai le délégué interministériel aux industries agroalimentaires et à l'agro-industrie qui, dans son rapport d'octobre dernier au sujet du coût du travail dans le secteur des viandes, indique que l'Allemagne, pour être plus compétitive, fait appel dans ses usines, tant pour l'abattage que pour le désossage, à du personnel qui provient des états membres de l'est de l'UE, dont le salaire est celui du pays d'origine. Étant donné la pénibilité du travail, ce secteur trouve peu de candidats allemands, ce qui explique la tolérance des autorités. Le délégué interministériel note cependant que la situation sera appelée à évoluer du fait de la suppression, dès le 1er mai prochain, de la dérogation dont bénéficie ce pays et qui lui permet d'interdire l'accès à son marché du travail aux salariés en provenance des nouveaux États membres des élargissements de 2004 et de 2006. Conscients de la situation, les industriels allemands se tournent petit à petit vers l'automatisation maximale des tâches des lignes d'abattage, de désossage et de découpe.

Je veux surtout m'inscrire en faux contre les propos du président de la FNSEA : à l'entendre, il faut produire plus et moins cher en raison de la compétition internationale. C'est là une erreur majeure : une telle vision, qui consiste à considérer que la solution à notre perte de compétitivité se résume à l'instauration d'une forme de dumping social, est inacceptable. Le nivellement par le bas n'est pas la solution la plus pertinente. De surcroît, la défense du modèle productiviste du « toujours plus » va à l'encontre des conclusions du Grenelle de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

J'ai signé la proposition de loi dont nous débattons à l'instant. Je l'ai signée car elle s'attache à traiter trois questions vitales pour l'agriculture en général et plus spécialement pour le secteur des fruits et légumes où, nous le savons, le poids des charges de main-d'oeuvre est particulièrement lourd.

La première question est celle de la compétitivité aujourd'hui compromise, pour l'essentiel au moins, par les charges sociales plus lourdes en France que chez nos principaux concurrents européens. L'offre est là, la demande aussi, mais trop souvent, malgré la qualité de leur production, les producteurs n'y trouvent pas leur compte. Il y a là, soyons-en conscients, une vraie menace pèse sur la pérennité de nos exploitations, de nos emplois et de notre savoir-faire.

La deuxième question est celle de la répartition des charges et des marges entre l'amont et l'aval des filières, c'est-à-dire entre la production et la distribution. Les charges sont pour l'amont, les marges pour l'aval… Cette situation n'est pas acceptable ; il faut la corriger, et vite.

La troisième question est celle du financement de la protection sociale. Hérité de l'histoire, le financement principal par les cotisations est devenu un anachronisme et un contresens. Un anachronisme, car la protection sociale profite aujourd'hui à tous et qu'elle ne peut donc plus peser essentiellement sur le seul travail ; un contresens économique et social, car à l'époque de l'ouverture des frontières, il faut pouvoir lutter à armes égales avec nos concurrents. Il est grand temps de passer d'un financement par les cotisations à un financement par l'impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Je souscris donc pleinement aux objectifs que poursuit ce texte.

En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur les moyens et la méthode de nos amis du Nouveau Centre.

Lorsque j'ai apporté mon soutien à ce texte, je n'avais pas imaginé un seul instant qu'il pourrait venir en discussion en hémicycle avant même que notre collègue Bernard Reynès, chargé par le Premier ministre d'une étude sur la maîtrise des coûts de la main d'oeuvre en agriculture, n'ait pu déposer son rapport. Et le dépôt de ce rapport, ce n'est pas pour les calendes grecques, mais pour les toutes prochaines semaines, d'ici juillet. Sur cette base seront établies les propositions que le Gouvernement doit présenter, très vite, avant le 27 juillet prochain, sur les modes de financement alternatifs de la protection sociale. Autant il me paraît légitime que nous, parlementaires, prenions toute notre part à cette réflexion, et que nous montrions au Gouvernement notre ferme volonté d'aboutir, autant il serait critiquable que nous essayions de court-circuiter la procédure que nous avons nous-mêmes fixée en votant la loi de modernisation agricole.

Si nous décidions aujourd'hui de brûler toutes les étapes et de voter ce texte à la hâte, nous exposerions les agriculteurs à un risque inutile et nous nous mettrions, nous, parlementaires, en contradiction avec nous-mêmes.

Un risque inutile car je retiens de l'intervention du ministre qu'il existe non pas un doute sérieux mais, hélas ! une vraie certitude, sur l'incompatibilité de ce dispositif avec les règles européennes.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

C'est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Imaginons qu'après avoir donné un immense espoir aux agriculteurs, qu'après avoir mis en oeuvre une mesure qu'ils attendaient depuis longtemps, il faille peu après leur dire que tout cela ne marche pas, qu'ils doivent y renoncer et rembourser ! Quelle déception et quelle colère s'ensuivraient chez nos agriculteurs ! Quelle humiliation pour nous, et quelle perte de crédit pour l'institution où nous siégeons !

Nous serions par ailleurs en contradiction avec nous-mêmes : sur tous les bancs de cette assemblée, notamment sur ceux du Nouveau Centre – je pense en particulier à notre excellent collègue Charles de Courson – nombreuses sont les voix qui s'élèvent périodiquement pour rappeler, à juste titre, que toutes les mesures de caractère fiscal doivent trouver leur place exclusivement dans une loi de finances ou dans une loi de financement de la sécurité sociale. Et une fois de plus, après avoir rappelé la règle, notre assemblée aurait fait le contraire ?

Mais surtout, s'agissant de la méthode, un passage en force ne pourrait que compromettre la confiance qui doit exister entre la majorité présidentielle et le Gouvernement.

Avons-nous des raisons mes chers collègues, de douter de la volonté du Gouvernement de régler ce problème ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

S'il ne le voulait pas, aurait-il pris l'initiative dans la loi de modernisation agricole d'instaurer une exonération des charges sur les salaires des saisonniers ? Aurait-il fait ce geste qui n'était pas anodin s'il n'avait pas la volonté de progresser dans ce domaine ? C'est un premier pas qui a été fait à l'époque et il en appelle un second.

N'est-ce pas par ailleurs le Premier ministre lui-même qui, lors du congrès de la FNSEA, le 31 mars dernier, a indiqué qu'il proposerait au Parlement de « se prononcer sur des mesures concrètes d'allègement des charges sur le travail permanent, dès cet automne, dans le cadre de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale » ? Et il ajoutait que ces mesures s'appliqueraient dès le début de 2012.

Mes chers collègues, et je m'adresse en cet instant plus particulièrement à mon ami Jean Dionis du Séjour, je ne crois pas qu'on puisse dans le même temps dire son entière confiance au Gouvernement et tenter de tordre le bras du ministre. C'est l'un ou c'est l'autre. Si notre assemblée décidait aujourd'hui, malgré les engagements pris par le Premier ministre et le ministre de l'agriculture, de passer en force, comment pourrait-elle espérer demain que prévale avec le Gouvernement une relation de réelle confiance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

En signant la proposition de loi dont nous débattons, les 113 députés de la majorité présidentielle ont apporté une contribution décisive à la solution d'un problème depuis bien longtemps lancinant. Si c'était à refaire, je le referais sans la moindre hésitation. Mais aujourd'hui que l'engagement du Gouvernement est clair, que nous savons que les mesures seront prises à l'automne et qu'elles s'appliqueront dès le début de l'année 2012, il importe de trouver la meilleure solution, celle qui ne risque pas de se retourner contre les agriculteurs eux-mêmes.

Dans ce dossier difficile, vous aurez besoin, monsieur le ministre, du soutien de toute la majorité présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il n'y a pas de soutien sans confiance. Sachons, mes chers collègues, ne pas compromettre cette confiance active et vigilante. Dans ce débat comme dans les autres, la confiance au sein d'une même famille est toujours préférable au bras de fer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ah, les affaires de famille, c'est toujours délicat !

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Heureusement tout de même que nous avons lancé le débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui a le mérite d'ouvrir le débat sur un problème réel : le coût du travail salarié dans notre pays est-il trop élevé pour permettre à notre agriculture de se développer ?

Une précision tout d'abord, à la suite de Jean Gaubert et Annick Le Loch : qu'appelle-t-on les charges ? Ce sont des contributions sociales. Les Français, vous le savez comme moi, souffrent de la faiblesse de leur pouvoir d'achat ; mais ils souffrent aussi de leurs retraites trop faibles, du coût des soins, du déremboursement des médicaments. La question du paiement des contributions sociales est bel et bien posée. Ne laissons pas croire que l'on pourrait vivre dans notre société sans contribution sociale. Les agriculteurs le savent bien, eux qui se plaignent à juste titre de la modicité de leurs retraites. Cela dit, je suis d'accord avec ceux de mes collègues, y compris sur les bancs de l'UMP, qui considèrent qu'il serait aberrant de continuer à les faire reposer quasi exclusivement sur le travail.

Cette proposition de loi a également le mérite de poser le problème de l'harmonisation sociale et fiscale en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Mes chez collègues de droite, je dois vous dire que je n'ai jamais ressenti dans vos rangs un soutien forcené à cette harmonisation sociale et fiscale…

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Ce sont des gouvernements de droite qui la refusent en Europe depuis deux décennies, vous le savez parfaitement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Le Nouveau Centre, comme l'UDF, l'ont toujours soutenue !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Le Nouveau Centre considère aujourd'hui que la baisse du coût du travail, en exonérant les employeurs agricoles, serait la réponse au déficit de compétitivité de certaines filières françaises. Étant élu de Dordogne où l'on produit beaucoup de fruits et légumes, je suis très attentif à cette démarche : il ne m'a pas échappé que le nombre de fraisiculteurs était passé dans mon département de 1 250 à 250…

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

….et que nous nous posons la question de la survie de cette filière, dans laquelle le coût du travail représente environ 60 % du prix du produit.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Pour autant, votre proposition ne me paraît pas offrir la bonne réponse. Tout d'abord, une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec le ministre sur le fait que cette proposition de loi ne serait pas conforme aux règles de l'Union Européenne. Ne laissons pas croire aux agriculteurs que nous pouvons trouver des solutions franco-françaises quand elles sont vouées à être condamnées par la Commission européenne.

Nous devons combattre pied à pied pour que change la politique libérale de l'Union Européenne, que vous soutenez, mes chez collègues de la majorité, mais nous devons agir dans le respect du droit pour engager des réformes viables.

Au-delà de cette question, votre proposition serait impuissante à rendre sa compétitivité à l'agriculture française.

Les difficultés rencontrées aujourd'hui sont en grande partie le fruit des mauvais choix de votre majorité depuis 2002 à commencer par la première décision qu'a pris, dans le domaine agricole, la droite lorsqu'elle est revenue aux affaires : la suppression des contrats territoriaux d'exploitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Vous ne devez pas connaître le monde agricole, monsieur Morin.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Les producteurs de fruits et légumes du Lot-et-Garonne les regrettent aujourd'hui, tout comme ceux de la Dordogne et plus généralement tous ceux qui ne bénéficient pas des aides de la PAC. Ces contrats, vous le savez parfaitement, créaient un lien entre le monde agricole et la société et ils permettaient aux agriculteurs de profiter d'aides parfaitement justifiées, dans le cadre d'un contrat qui les engageait sur le plan social, dans une démarche de protection de l'environnement, dans une démarche sanitaire pour la qualité de leurs produits.

Debut de section - Permalien

À quoi s'engageaient-ils, sur le plan social ?

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Vous avez eu tort, mes chers collègues de droite, de les supprimer, comme vous avez eu tort de soutenir la baisse de la régulation dans l'Union Européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Vous avez eu tort de soutenir la disparition des quotas laitiers. Vous avez eu tort de soutenir la fin des stockages publics des céréales – on en voit les conséquences aujourd'hui sur la volatilité des prix. Vous avez eu tort de soutenir la fin de la réglementation sur les droits de plantation en matière viticole dans notre pays.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Et je veux m'arrêter un instant sur cette véritable arnaque intellectuelle…

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

La vôtre ! Vous êtes un spécialiste en la matière !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

..par laquelle on voudrait nous faire croire que la France s'y est opposée et que le Président de la République y serait opposé !

Soyez sérieux, mes chers collègues. Plusieurs d'entre nous ont fait partie de la délégation qui a rencontré, il y a quelques semaines, le commissaire européen à l'agriculture, Dacian Cioloş. À la question qui lui a été posée par un collègue ici présent, lui-même concerné à titre professionnel,…

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

…rappelez-vous ce qu'il a répondu : « La disparition de la réglementation des droits de plantation en matière viticole est derrière nous, messieurs les députés ; elle a été votée par votre pays ». Du reste, M. le ministre de l'agriculture, dont je salue l'honnêteté intellectuelle et le courage, a reconnu devant la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, il y a quelques semaines, qu'en 2008 la France ne s'y était pas opposée et en était d'accord. Voilà ce qu'a dit le ministre de l'agriculture du Gouvernement que vous soutenez, chers collègues !

Encore une fois, soyez sérieux. Vous soutenez, au niveau européen, une politique libérale, et vous venez pleurer quand elle se retourne contre nous, tout en essayant d'expliquer aux viticulteurs de notre pays que vous ne l'avez pas soutenue… Il faut au moins avoir le courage d'assumer les décisions que l'on prend.

Le deuxième point qui fonde votre politique agricole depuis bientôt dix ans, c'est la mise en place des références historiques. C'est une solution franco-française que vous avez soutenue, chers collègues de la majorité, contrairement à ce qui a été fait en Allemagne. En réalité, qu'avez-vous fait ? Vous avez reproduit une répartition inique et injuste des aides de la PAC entre les agriculteurs français. C'est votre totale responsabilité et vous le savez parfaitement.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Aujourd'hui, si les producteurs de fruits et légumes du Lot-et-Garonne ne reçoivent pas d'aides de la PAC, monsieur Dionis du Séjour, c'est parce que vous l'avez voulu et parce que avez soutenu cette politique. Là encore, ayez le courage de le reconnaître. Vous n'avez fait que reproduire une répartition injuste des aides européennes, et vous venez aujourd'hui pleurer sur le sort des agriculteurs que vous avez vous-mêmes mis dans la difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Soyons un peu sérieux, mes chers collègues ! Il faut avoir le courage d'assumer ses actes. Les vôtres, depuis dix ans, vont dans le sens de l'injustice. Supprimer les CTE, c'était une erreur et une injustice.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Ils n'étaient pas financés ! Dès leur conception, Glavany n'avait pas prévu de financement !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Et reproduire l'iniquité de la répartition des aides européennes, c'était aussi une erreur et une injustice. Vous pourrez dire tout ce que vous voudrez, monsieur Sauvadet, mais c'est là toute la différence entre la politique libérale que vous soutenez, aussi bien au niveau européen qu'au niveau national, et…

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Ce que nous disons, monsieur Dionis du Séjour, c'est que l'on ne changera pas la politique agricole dans notre pays si l'on continue à soutenir…

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Je voudrais bien conclure, monsieur le président, mais je suis sans cesse interrompu.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Nous ne pouvons pas, disais-je, continuer à soutenir, comme vous le faites, l'organisation libérale de l'OMC.

Debut de section - Permalien

Oui, nous voulons savoir ce que propose le PS !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Vous ne dites pas la vérité aux agriculteurs. Dites-leur ce qu'ont dit les collègues de droite et de gauche qui ont rencontré Pascal Lamy il y a quelques semaines : l'OMC est en train de proposer la baisse des droits de douane, de 122 % à 36 %, pour la viande bovine, la viande porcine et la volaille. Voilà la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

C'est cela que vous soutenez, en fin de compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Nous disons que tant que, dans le cadre de l'OMC, il n'y aura pas une exception agricole, tant que la Charte des Nations unies ne reconnaîtra pas le droit des peuples à assurer leur sécurité alimentaire, tant que nous ne réviserons pas notre position en matière européenne,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Bon, tout cela est très intéressant, mais quel est le projet des socialistes pour 2012 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Mais je vous invite à lire le projet socialiste…

Debut de section - Permalien

S'il vous plaît, monsieur le président ! Nous voulons savoir ce que le PS propose !

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Je conclus, monsieur le président.

Que proposons-nous pour 2012 ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe NC.) Nous proposons de mettre en place des écluses tarifaires pour des produits qui ne respectent pas les mêmes normes que nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Nous proposons de financer la protection sociale en faisant appel aux revenus du capital.

Nous proposons…

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

…de moduler l'impôt sur les sociétés, en faisant la différence entre celles qui investissent et celles qui ne font que redistribuer des dividendes. Et enfin, nous soutenons une PAC réorientée vers l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes propos seront nettement moins politisés que ceux du collègue qui m'a précédé à la tribune.

La proposition de loi que nous examinons ce matin s'appuie sur une bonne idée. Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, qu'elle avait un certain nombre de points faibles, rédhibitoires à vos yeux. Vous avez souligné, en particulier, sa non conformité à la réglementation européenne. Les arguments rationnels et documentés que vous avez développés m'ont personnellement convaincu, et je me rangerai à votre avis.

Toutefois, nos amis du Nouveau Centre ont le mérite de poser un vrai problème et de nous faire une proposition d'appel. Moralement, il nous appartient de répondre à cette proposition, et de faire en sorte que le problème posé soit résolu pour le 1er janvier 2012.

Cette idée est bonne, disais-je, et elle mérite que l'on s'y attarde. Elle véhicule en tout cas un principe digne du plus grand intérêt : le financement de la protection sociale doit en partie changer d'assiette.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Lamblin

Taxer le travail ne suffit plus. C'est lourd de conséquences en termes d'emplois et de compétitivité. Il faut explorer d'autres voies. Parmi celles qui sont suggérées par les uns et les autres, la taxation de la consommation mérite d'être analysée de façon posée. Voilà le message de cette proposition de loi.

On pourrait pousser plus loin la réflexion en élargissant le périmètre de la proposition, sinon à l'ensemble, du moins à une large part de notre économie. La baisse des charges sociales portant sur la main-d'oeuvre, compensée par une taxe sur les produits consommés, a-t-elle un intérêt ? Je ne fais ici que reformuler le principe de la TVA sociale. Celle-ci a tout de même deux inconvénients.

Le premier, c'est qu'elle est linéaire dans son principe. Le second, c'est qu'elle est somme toute assez modeste dans ses résultats, puisque le produit d'un point de TVA, soit 7 milliards d'euros, pèse finalement assez peu par rapport à 450 milliards de dépenses sociales.

Peut-on améliorer l'idée ? Oui. En imaginant un principe de taxation différentielle, correcteur selon les types de produits.

Le principe serait que tout produit consommé doit rapporter, en pourcentage, la même recette au bénéfice de la protection sociale.

Trois types de produits sont consommés dans notre pays. Ceux qui sont fabriqués en France, et en recourant à beaucoup de main-d'oeuvre, ont un prix de revient qui intègre un montant élevé de charges sociales, du fait de l'importance de la main-d'oeuvre qui a été utilisée. Ces produits seraient plus faiblement taxés.

Il y a, en deuxième lieu, des produits dont la fabrication est totalement automatisée, robotisée, et qui font appel à fort peu de main-d'oeuvre. Leur prix de revient intègre donc peu de charges sociales. Ils pourraient être plus fortement taxés.

Les produits importés, enfin, pourraient eux aussi être plus fortement taxés.

Ce n'est pas du protectionnisme, puisque cette mesure serait universelle. Elle contribuerait à améliorer la compétitivité, en touchant moins les entreprises de main-d'oeuvre, qu'il s'agisse d'entreprises agricoles ou industrielles. Les entreprises de main-d'oeuvre auraient moins de charges. Les produits les plus fortement taxés seraient ceux qui sont fabriqués de façon robotisée et qui ont, pour l'essentiel, une tendance naturelle à voir leur prix de vente diminuer. Je songe à l'informatique ou à la téléphonie, par exemple. Ces produits, voyant leur prix diminuer, supporteraient peut-être plus facilement une taxe.

Mon exposé exigerait beaucoup plus de temps. Je n'irai pas plus loin. Mais je sais, monsieur le ministre, que vous avez parfaitement compris l'idée. Je sais aussi que vous réfléchissez à des programmes futurs, raison pour laquelle je voulais vous soumettre cette idée.

Je voudrais enfin remercier nos amis du Nouveau Centre pour leur proposition d'appel, qui doit nécessairement déboucher sur une solution. Merci d'avoir réussi à faire bouger les lignes.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, je voudrais à mon tour saluer l'initiative de Jean Dionis du Séjour et de Charles de Courson.

Le sujet qui nous réunit aujourd'hui, à savoir l'impact de la différence du coût de la main-d'oeuvre entre pays européens dans le secteur des fruits et légumes, est déjà ancien. Élu de l'Alsace, je suis aux premières loges pour en mesurer les effets entre la France et l'Allemagne. C'est fort de ce constat que j'ai moi-même milité, depuis 2002, auprès des ministres de l'agriculture successifs en faveur de mesures de régulation permettant de combler ce fossé.

Mais revenons un instant sur le contexte historique. J'ai entendu, à gauche, différentes analyses, dont certaines sont pertinentes tandis que d'autres sont évidemment davantage teintées d'idéologie. Il est cependant un point qui n'a jamais été évoqué, je veux parler du choix qu'a fait la France, au début des années 2000, de la généralisation des 35 heures, en pensant que cette nouvelle norme allait devenir la référence universelle,…

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

…mais surtout en oubliant qu'elle allait porter un coup fatal à tous les secteurs d'activité où les marges de productivité horaire sont faibles.

Dans le même temps, nos voisins allemands assumaient, dans la douleur, les conséquences de la réunification tout en consolidant la compétitivité de leur outil de production, se préparant ainsi à faire face aux conséquences de l'élargissement de l'Union européenne annoncé pour 2004.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Herth

Repli sur soi d'un côté, analyse lucide du contexte international de l'autre : cela s'appelle de la Realpolitik, paraît-il !

La situation que nous connaissons aujourd'hui n'est en fait qu'une réplique de ce séisme que nous n'avons pas vu venir.

En effet la question du coût de la main-d'oeuvre est essentielle pour certaines productions. Des exemples ont été cités. Permettez-moi d'en citer à mon tour.

Dans le domaine de la production de fraises, ne survivent en Alsace que les exploitations de libre cueillette. Mettre des fraises en barquette revient deux fois plus cher en Alsace que dans le Bade-Wurtemberg !

S'agissant de la production d'asperges, exemple que vous avez cité, monsieur le ministre, seule une politique de promotion et un certain chauvinisme du consommateur alsacien lui permet de survivre. Mais le prix de référence est fixé sur la rive droite du Rhin, grâce à une main-d'oeuvre est-européenne.

C'est pour cette raison que la mesure de réduction des charges pour les travailleurs saisonniers, mesure que vous avez portée, monsieur le ministre, était parfaitement justifiée. C'est une mesure palliative qui a permis de donner une bouffée d'oxygène à ce secteur malmené, tout comme la réduction du taux de TVA a redonné un élan au bâtiment ou au secteur de l'hôtellerie-restauration.

Il est donc légitime de se poser aujourd'hui la question de l'extension de cette mesure à l'ensemble de la main-d'oeuvre permanente.

Le Premier ministre et vous-même avez indiqué que vous étiez sensibles à cette question mais, qu'elle entraînait des coûts budgétaires insupportables pour les finances publiques, ce que nous pouvons comprendre.

C'est donc avec beaucoup d'intérêt que nous attendons les propositions que vous porterez à l'avenir, peut-être dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour apporter une réponse aux problèmes rencontrés par la production maraîchère.

Mais il serait inexact, d'autres l'ont dit avant moi, de réduire la question de la perte de compétitivité au seul facteur de la main-d'oeuvre. Il y a aussi les différences d'application des normes et règlements, par exemple en matière de lutte contre les ravageurs des cultures. À cet égard, monsieur le ministre, j'aurai l'honneur, la semaine prochaine, de vous remettre les conclusions de la mission parlementaire qui s'est penchée sur le développement des techniques du biocontrôle dans le cadre d'Écophyto 2018.

Dans ce domaine, il sera important de réussir le basculement vers la nouvelle réglementation européenne, qui entrera en vigueur le 14 juin prochain, sur la mise en marché des produits phytosanitaires. Il conviendra notamment de veiller à éliminer les impasses et autres usages orphelins qui touchent particulièrement le secteur des fruits et légumes. C'est aussi un des facteurs de compétitivité qu'il ne faut pas négliger.

L'autre question soulevée par cette proposition de loi pourrait se résumer ainsi : à quel jeu joue la grande distribution ? La mise en oeuvre la loi de modernisation de l'économie a permis de réduire les marges arrières et autres facturations de services injustifiés. Elle a également réduit les délais de paiement aux producteurs. Sommes-nous pour autant parvenus à des relations équilibrées entre opérateurs économiques ? Avons-nous atteint ce monde parfait que décrivait Charles Baudelaire : « Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté » ? Assurément non. Il reste encore beaucoup de fleurs du mal dans les plates-bandes de la grande distribution…

Oui, la puissance de feu des centrales d'achat continue de faire la pluie et le beau temps sur le champ de bataille des négociations commerciales, et j'attends encore que l'on me démontre que tout cela profite au consommateur.

En conclusion, monsieur le ministre, je crois que cette proposition de loi arrive à un moment charnière de notre débat parlementaire. Elle nous permet également de nous projeter dans l'avenir, c'est le chantier de la modernisation de la fiscalité qui a été annoncé par le Président de la République, pour une fiscalité plus juste et plus respectueuse des outils de production. C'est le chantier de la préservation d'une exception française en matière de droit social, c'est enfin la poursuite de la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement pour rapprocher producteurs et consommateurs dans le respect de la qualité des produits. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Permettez-moi deux remarques préalables. Nous, centristes, n'avons pas de leçons à recevoir sur l'Europe, ni en matière sociale.

Concernant l'Europe, nous avons mené tous les combats : pour Maastricht, pour la Constitution européenne, tous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Mais nous posons une question : quand un pays est victime de distorsion de concurrence, a-t-il le droit de se défendre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

L'Europe doit le permettre, ce sont des militants pro-européens qui vous le disent. Sinon, il ne faudra pas s'étonner que, dans le Lot et Garonne, il y ait eu 61 % de non et 39 % de oui au référendum pour l'instauration de la constitution européenne en 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Concernant le social, nous pouvons débattre sur le fond sans caricature. Nous savons que pour faire venir travailler des gens dans nos vergers et dans nos entreprises, il faut bien les payer, nous le vivons tous les jours. Il n'est donc pas question de retoucher le SMIC ni de reculer sur la protection sociale : ce dont il est question, c'est de la financer autrement, et c'est le débat que nous souhaitons ouvrir.

Je comprends bien l'argumentaire du ministre sur le travail illégal, mais l'exonération des charges sociales du travail saisonnier était aussi faite pour des motifs de compétitivité, nous le savons bien. Si le dispositif pour les saisonniers était euro-compatible, pourquoi ne le serait-il pas pour les permanents?

De toutes les façons, il faudra exonérer des charges. Mais allez-y doucement lorsque vous parlez de les requalifier en aides d'État.. Car au final, je l'espère en tout cas, vous allez nous proposer des exonérations de charges ; mais faites attention lorsque vous dites qu'elles ne sont pas eurocompatibles !

Après avoir beaucoup lu les textes, je maintiens que c'est fondamentalement une compétence de l'État membre. La France est victime, elle a droit de se défendre.

Concernant la taxe poisson, il s'agit d'un dispositif gouvernemental, la jurisprudence est en notre faveur ; mais je reconnais que lorsque nous avions échangé avec vos services, c'était moins la taxe poisson que la requalification de l'exonération en aide d'État. S'il y a des éléments nouveaux, donnez-les nous, et nous vous proposons de saisir l'ouverture faite par Charles de Courson : amendez la proposition de loi sur son volet financement.

Charles de Courson a posé deux problèmes : celui du foncier non bâti, sur lequel il convient d'ouvrir le débat, et celui du financement. Si vous avez une autre assiette, plus euro-compatible, nous sommes prêts à amender cette proposition de loi.

Quant à Michel Raison, qu'il me permette un petit calcul : la nourriture représente 11 % d'un budget familial. L'impact de la loi ne porte que sur la grande et moyenne distribution, qui représentent 65 % du commerce. Le taux proposé est de 1 %. Autrement dit, la répercussion sur l'inflation serait de 0,065 %. De quoi avons-nous peur ?

M. Gaubert posait le problème du financement de la sécurité sociale. Sur ce point, le PS a raison, mais nous y reviendrons. Le rapport Attali l'a dit, l'OCDE l'a dit hier : la France doit changer son mode de financement de la protection sociale. Il est assuré à 72 % par les charges, et à 28 % par l'impôt. Imaginez que le Danemark en est à 60 % de financement par l'impôt ! Il y a là un vrai problème auquel nous devrons nous attaquer, et le plus tôt sera le mieux.

Le groupe GDR nous a servi une caricature sur la régression sociale. Ce n'est pas le sujet : nous sommes tout autant attachés au niveau de salaire des travailleurs agricoles et à leur protection sociale. Il y a des distorsions, il y a le feu, mais ils n'ont proposé aucune solution, sauf une : le coefficient multiplicateur. Ça tombe bien : c'est Danièle Soulage, sénateur centriste, et moi-même qui l'avons porté dans les territoires ruraux. Cela figure dans la loi, mais ça n'a jamais été appliqué. C'est une fausse solution, il faut le dire ! Il faut proposer de vraies idées.

Je me demande si les membres du groupe GDR n'ont pas peur de la grande distribution. C'est l'impression que laisse leur discours.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Nous n'avons pas peur de la grande distribution, nous combattons ses méthodes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je suis globalement d'accord avec Louis Cosyns : nous avons un problème de stratégie. Nous pensons pour notre part qu'il faut voter la proposition de loi le 3 mai, afin de donner un élan politique à cette affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je partage l'analyse de Michel Diefenbacher, mon collègue du Lot-et-Garonne. Oui, notre collègue Bernard Reynès prépare un rapport, et nous l'attendons tous pour le mois de juillet. Mais nous savons que si nous votons le 3 mai, le ministre a la maîtrise de l'ordre du jour parlementaire, et il peut amender la proposition de loi avec l'apport de Bernard Reynès, notamment devant le Sénat. Nous pensons qu'une proposition de loi portant uniquement sur ce sujet aurait une autre force politique et une autre valeur symbolique qu'un article dans le PLFSS 2012. Mais seul le résultat compte, ce débat est secondaire.

Mme Poursinoff, je vous présente mes excuses : j'ai été un peu dur en commission. J'ai du respect pour le mouvement écologiste, il nous a fait du bien à tous, y compris à nous centristes. Mais lorsque vous me dites : « SMIC européen », vous me refaites monter la tension ! Regardez-les chiffres, acceptez de cheminer un moment avec moi : Roumanie, 0,60 euro de l'heure ; Pologne, 1,60 euro de l'heure ; France, 13 euros de l'heure !

Debut de section - Permalien

Qui était Président de la République en 1992 ? Et qui était Premier ministre ? C'est Jospin ! Les seuls à avoir voté contre le traité de Nice, c'est nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous n'avons aucune leçon de construction européenne à recevoir de votre part. Vous n'avez pas le droit de faire rêver les agriculteurs européens : eux savent que l'harmonisation prendra des décennies.

Je partage beaucoup avec Bernard Reynès ; nous avons commencé à travailler ensemble et nous continuerons. Nous avons mené bien des auditions, dont une, très intéressantes avec M. Teulié, secrétaire général du groupe Carrefour. Nous lui a avons posé la question des répercussions et sa réponse a été très instructive : nous avons tort, nous a-t-il dit, de sous-estimer la concurrence dans la grande distribution. Les sept centrales d'achat se livrent une concurrence bien plus féroce que ce que l'on croit. La grande distribution va d'abord essayer de réduire ses coûts, ce qui pose d'ailleurs un certain nombre de problèmes : car elle va commencer par réduire les coûts sociaux et salariaux, ce qui n'est pas sans conséquences. Ensuite, elle essaiera de répercuter sur les prix, et enfin sur les producteurs. Voilà pourquoi, après avoir entendu M. Teulié, nous pensons qu'au final, la répercussion sur les producteurs sera limitée.

Je veux remercier Germinal Peiro pour son constat. Il a eu le courage de dire que l'on comptait 1 250 fraisiculteurs en Dordogne en 1990, 250 aujourd'hui. Il y a le feu ! Mais que fait-on ? Je pose une question très simple : le 3 mai, le parti socialiste va-t-il voter contre la baisse des charges des agriculteurs ? Je ne peux pas le croire. Germinal Peiro nous a ensuite renvoyés à nos responsabilités sur la PAC, mais qui était au Gouvernement en 1992 ? Cette année-là, mon département, le Lot-et-Garonne, a été en état de jacquerie, avec des violences. J'étais déjà dans la politique, et je les ai subies. C'est vous qui nous aviez concocté un système de DPU qui était inique, vous l'avez accepté. Blair House aussi, c'est vous qui l'avez accepté. En oubliant les fruits et légumes ! Quels que soient nos liens d'amitié, nous n'avons pas de leçons à recevoir de ce côté-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je remercie M. Lamblin de son soutien et de sa modération bien lorraine. Il nous a calmement, fermement qu'il fallait modifier le financement de notre protection sociale.

Quant à Antoine Herth, avec qui je travaille souvent, il a rappelé que l'Alsace était en première ligne de ces distorsions de concurrence. Je salue à ce propos les agriculteurs alsaciens venus nous apporter leur témoignage. M. Herth est revenu à l'enjeu de la grande distribution, et je suis d'accord avec ce qu'il a dit : pas de bouc émissaire, mais n'ayons pas peur de la grande distribution. Il est légitime de les mettre à contribution. Il a cité Baudelaire – il fallait le faire ! – pour nous expliquer que nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours. L'agriculture, c'est dur, ce sont d'abord des agriculteurs qui souffrent, et c'est pour eux que nous devons agir.

Pour conclure, monsieur le ministre, nous avons la faiblesse de penser que le 3 mai, il faut donner un élan politique à notre initiative, et nous sommes d'accord pour travailler avec vous à un geste applicable au 1er janvier 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Je veux d'abord saluer Jean Dionis du Séjour. Il est vice-président de la commission des affaires économiques, je sais qu'il travaille toujours avec conviction, et qu'il présente ses convictions avec talent.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Mais Jean Dionis du Séjour était aussi rapporteur de la commission. Et il a tout simplement oublié de dire que la commission des affaires économiques a donné un avis défavorable à cette proposition de loi ! Je me devais de le préciser à sa place, en tant que président de la commission.

Cela dit, à l'issue de cette discussion, d'excellent niveau d'ailleurs, tant au sein de la commission que dans l'hémicycle, je partage totalement le constat qui a été fait sur tous ces bancs, y compris par M. le ministre, d'autant plus que je suis élu d'une circonscription maraîchère et viticole : faut poursuivre la bataille de la compétitivité, et j'ai bien entendu que le ministre était d'accord pour une baisse des charges sur les emplois permanents, après la baisse des charges sur les emplois saisonniers, qu'il nous faut encore saluer : cela a été une grande avancée pour nos professionnels.

Vous avez rappelé, monsieur le ministre, avec d'autres collègues, les arguments que vous aviez développés devant la commission des affaires économiques : la conformité au regard du droit européen, les questions de financement, exonération permanente à partir d'une taxe fiscale sans spécificité argumentaire suffisante. Vous avez également répété l'engagement que vous avez pris hier en me répondant lors de la séance des questions au Gouvernement, et à la suite de la déclaration du Premier ministre au congrès de la FNSEA, il y a deux semaines.

Oui, nous avons eu un débat intéressant ce matin sur le sujet du coût du travail dans l'agriculture, élargi à la protection sociale en général, voire aux relations avec la grande distribution. Il faudra évidemment poursuivre ces discussions. Nous avons mesuré des écarts de positionnement politique entre majorité et opposition ; au sein même de chacune de nos composantes, les avis sont divers. Mais nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il nous faut avancer sur la question de la protection sociale.

Monsieur le ministre, vos engagements pour l'agriculture française sont clairs et je vous en félicite. Je veux également remercier les députés, qu'ils soient du Nouveau Centre commeM. Jean Dionis du Séjour,M. Charles de Courson, ou de l'UMP comme Bernard Reynès, et nombre d'autres collègues, qui ont travaillé sur cette proposition de loi et continueront à travailler sur ce dossier. Nous devons gagner la bataille de la compétitivité de notre agriculture sur le plan de la concurrence mondiale, pour reprendre vos termes. Sans jamais oublier cette préoccupation primordiale : le revenu de nos agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

En effet, ce n'est pas de la théorie, mais du concret.

Nous vous soutiendrons dans votre capacité à convaincre de la nécessité de régulation de la PAC, de la nécessité d'une opposition à la libéralisation des droits de plantation, si nous voulons aussi parler de la viticulture.

Pour ma part, monsieur le ministre, je vous fais confiance. Je connais votre capacité à agir et à convaincre. Mais vous comprendrez qu'en ma qualité de président de la commission des affaires économiques, il m'appartient de veiller à ce que nous puissions aboutir, compte tenu de l'importance du sujet et par respect pour nos collègues, afin que des mesures soient prises pour le 1er janvier 2012, probablement dans le cadre du PLFSS.

Je voudrais pour conclure me féliciter du travail accompli par la commission des affaires économiques. Nous allons continuer à travailler ensemble avec vous pour aboutir aux mesures concrètes attendues par la profession. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames, messieurs, je voudrais me féliciter de la très grande qualité de nos débats sur ce sujet très sensible de l'agriculture française. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut avancer, prendre des décisions concrètes, améliorer notre compétitivité et résister à la concurrence de nos amis allemands, italiens, espagnols, mais également des nouvelles puissances agricoles comme le Brésil, que j'ai déjà cité à plusieurs reprises.

J'évoquerai d'abord les problèmes généraux que vous avez soulevés avant de traiter de deux sujets principaux : la compétitivité et l'eurocompatibilité de la proposition de loi. J'entrerai un peu plus dans le détail juridique, afin que vous compreniez que mon avis n'est pas doctrinaire, mais purement juridique. Cette proposition de loi n'est pas compatible avec le droit européen.

Pour ce qui est des points généraux, je ne voudrais pas que vous sortiez de l'hémicycle en pensant que l'agriculture française est en situation d'effondrement généralisée ou de catalepsie. Elle obtient des résultats absolument exceptionnels. Elle reste de très loin la première production agricole européenne. M. de Courson a évoqué le problème des exportations agroalimentaires, j'y reviendrai ; mais il faut bien faire la différence entre la production de base de produits bruts, sur laquelle nous restons très performants, et la transformation, sur laquelle, effectivement, nous perdons davantage de terrain. Nous restons le premier producteur viticole au monde, avec une surface relativement réduite. Nous sommes parvenus à reprendre cette première place, l'an dernier, à la suite de gros efforts de réorganisation de la filière. Nous restons le deuxième producteur de blé au monde malgré des superficies somme toute tout relativement réduites, parce que nous sommes productifs et que nos rendements à l'hectare sont satisfaisants.

En matière de production laitière également, nous restons l'une des plus belles industries au monde. Si pas moins de huit acheteurs, chinois, mexicains, américains, suisses se sont présentés lors de la vente de Yoplait, c'est bien la preuve que nous restons une agriculture compétitive, attractive avec des capacités à réussir tout à fait exceptionnelles. Louis Cosyns l'a rappelé tout à l'heure : nous avons une très belle agriculture et des agriculteurs remarquablement performants. Nous devons les soutenir. Le tableau n'est pas si noir que ce que l'on peut en dire.

Je regrette queM. Nicolas Dupont-Aignan ait jugé bon de quitter l'hémicycle : j'aurais aimé lui répondre que nous ne ménageons pas la chèvre européenne et le chou national.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Nous sommes au contraire cohérents dans notre approche. Nous défendons une approche européenne de l'agriculture française, parce que nous estimons que la régulation européenne des marchés est dans l'intérêt de l'agriculture française, et que la politique agricole commune aussi est dans l'intérêt de l'agriculture française. Allez expliquer aux paysans français que nous leur retirerons demain les 10 milliards d'euros de subventions de la politique agricole commune… Je serais curieux de voir leurs réactions !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

M. Dupont-Aignannous a taxés d'inaction : cela aura été le seul moment de réel populisme que nous avons eu dans ce débat et je le regrette. Si le Gouvernement se bat depuis deux ans pour la régulation européenne, pour le soutien aux agriculteurs, pour les exonérations de charges, pour parvenir à obtenir des résultats concrets et il a obtenu de vrais résultats, personne ne peut le taxer d'inaction. On peut lui reprocher ses orientations, mais certainement pas son inaction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) J'aimerais demander à M. Dupont-Aignant où il est parti à la fin de ce débat, où il était pendant l'examen de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, où il était pendant la crise du lait, où il était pendant la crise des fruits et légumes. Quelles propositions a-t-il faites ? Quelles avancées concrètes a-t-il proposées ? Je ne l'ai pas beaucoup entendu sur toute l'agriculture, je n'ai pas vu ses propositions et je regrette qu'il ne soit pas resté pour écouter mes propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Nous avons un problème réel de compétitivité, nous en sommes tous bien convaincus et nous devons nous battre pour avancer sur ce sujet.

Madame Poursinoff, je suis en désaccord avec vous sur la question des exportations. Si vous retirez la capacité d'exportation aux producteurs agricoles français, que ce soit pour le lait, les bovins, la viticulture ou les fruits et légumes, vous retrouverez une agriculture dans une situation absolument déplorable.

Qu'est-ce qui a sauvé la viticulture française ?

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

C'est le fait que, au lieu de se tourner exclusivement vers le marché national ou européen, elle a compris qu'elle devait se structurer pour exporter vers la Chine. Elle a obtenu des excédents commerciaux de 6 milliards d'euros par an, comparables à ceux d'Airbus. Ne faisons pas croire aux producteurs que nous replier sur nous-mêmes. Je crois, je le répète, à une Europe ouverte, à une nation française ouverte. Je crois que l'agriculture française a tout intérêt à s'ouvrir vers les marchés extérieurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Le champagne est un mauvais exemple : on n'en produit nulle part ailleurs !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Ajoutons que la compétitivité ne se résume pas uniquement au coût du travail. Jean Gaubert a tenu des propos pleins de justesse ; je n'aurai pas le front de revenir sur la question du découplage de 2003, j'ai mon opinion personnelle sur le sujet, mais je la garderai pour moi. Je crois en tout cas avoir montré que j'étais capable de renverser les positions quand elles ne me semblaient pas justes, y compris celles des membres de ma propre majorité.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

La compétitivité se conduit aussi sur l'avantage énergétique : c'est un point clé, et plusieurs d'entre vous l'ont fort bien souligné. Prenons l'exemple de la méthanisation, car il s'agit d'un sujet majeur. On dénombre 4 000 installations de méthanisation sur le territoire allemand, dont chacune rapporte environ 15 000 euros par an aux agriculteurs allemands ; on en trouve à peine une vingtaine en France ! Nous devons développer la méthanisation, mais en suivant notre propre modèle. Prenons garde à ne pas copier rigoureusement nos amis de l'autre côté du Rhin. Leurs solutions ne sont pas forcément celles que nous suivrons. Ils ont développé une méthanisation qui utilise à la fois les effluents d'élevage, mais elle consomme également une très grosse part de produits issus du maïs, ce qui les conduit à faire pousser du maïs dans le seul but d'alimenter la méthanisation. Je ne suis pas favorable à cette solution,…

Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. Vous avez raison !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

qui n'est pas à mes yeux écologiquement compatible et qui n'a pas de sens sur le plan énergétique.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je souhaite donc que l'arrêté qui définira les conditions d'utilisation de la méthanisation fixe un niveau d'utilisation des effluents d'élevage, qui pourrait être compris entre 30 et 60 % et qui respecte l'objectif environnemental du développement de la méthanisation.

Comme l'a fort bien souligné tout à l'heure Michel Raison, la compétitivité passe aussi par la question de l'abattage. Nous avons besoin d'abattoirs plus compétitifs. J'ai commandé un audit complet sur tous les abattoirs français, car je souhaite qu'ils soient plus compétitifs. Je souhaite que nous arrêtions d'envoyer des tonnes de porc breton aller se faire abattre à Lübeck, à deux mille kilomètres, au seul motif que nous ne sommes pas assez compétitifs pour les abattre sur place !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je souhaite aussi que nos filières d'abattage puissent sortir des produits transformés. Il n'est pas normal que nous n'ayons que des produits bruts à la sortie de nos abattoirs alors qu'au Danemark, en Suède, aux Pays-Bas ou en Allemagne, les viandes sorte des abattoirs déjà conditionnées en barquettes, marketées, prêtes à vendre, bien plus fortement valorisées. Faisons revenir la valorisation agricole sur le territoire français et cessons de faire des produits bas de gamme mal valorisés.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

La compétitivité, comme Charles de Courson l'a indiqué, ce sont aussi les industries agroalimentaires : c'est le point sur lequel nous perdons le plus de terrain. Nos industries agroalimentaires sont segmentées, comme malheureusement une grande partie de l'industrie française : d'un côté dix grands groupes de taille mondiale, qui réussissent remarquablement bien, et de l'autre une myriade de petits groupes de taille insuffisante, incapables d'exporter et d'amortir leur coût de production. Il faut regrouper nos industries agroalimentaires pour avoir des PME plus compétitives, capables d'exporter et de garder la valorisation pour elles.

Vous avez parlé du coût de l'alimentation animale : cela fait aussi partie des questions de compétitivité. Nous allons travailler dans deux directions. Premièrement, nous allons mettre au point un contrat interfilières entre les filières grandes cultures et les filières animales de façon à les protéger contre la volatilité des prix de l'alimentation animale. C'est indispensable. C'est aussi un geste de solidarité entre les filières agricoles. Deuxièmement, je souhaite que nous instaurions très rapidement, dans les semaines qui viennent, un dispositif d'indexation sur le coût de l'alimentation, qui serait mis en oeuvre par la grande distribution. Le but est de faire en sorte que lorsque le prix de l'alimentation augmente, les prix de vente de la viande bovine, porcine ou de volaille augmentent également pour permettre au producteur de couvrir ses coûts de production. C'est une question de justice et d'amélioration du revenu des producteurs. Si nous voulons garder les producteurs, il faut assumer le fait que la production de viandes de qualité a un coût, y compris pour le consommateur.

Enfin, il n'y a pas de compétitivité sans régulation européenne des marchés. Vous savez, monsieur Peiro, que je me suis battu depuis deux ans et que je continue à me battre pour la régulation européenne des marchés agricoles. Elle est absolument indispensable. Nous avons déjà obtenu des résultats concrets : le groupe à haut niveau sur le lait, le rétablissement des mesures d'intervention sur les marchés. Je souhaite que ce soit le cas pour toutes les filières agricoles, car il est impensable de continuer à laisser nos producteurs agricoles seuls et démunis lorsque les prix s'effondrent : cela pourra toujours reproduire car l'instabilité est désormais la règle sur les marchés agricoles.

Une Europe qui ne protège pas ses agriculteurs est une Europe qui ne sert à rien.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Une Europe qui ne permet pas de faire remonter les prix lorsqu'on a la possibilité de le faire est une Europe qui ne sert à rien.

Une Europe qui n'est pas capable de tendre la main à des producteurs de lait, étranglés financièrement, notamment les plus jeunes, les plus compétitifs parce que, par idéologie, elle estime qu'il ne faut pas intervenir sur le marché, ce n'est pas l'Europe dont nous voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je voudrais également faire remarquer, sans aucune malice, à M. Germinal Peiro que le plus grand obstacle à la régulation européenne des marchés se trouve plutôt du côté d'un ancien candidat socialiste aux élections législatives : je veux parler du directeur général de l'organisation mondiale du commerce Pascal Lamy, qui défend une libéralisation dans le cadre de l'OMC, bien peu conforme à la régulation européenne des marchés.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Ce n'est pas juste de dire cela. Il n'exerce pas des fonctions politiques, il exécute !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Pour ce qui est de l'eurocompatibilité, M. Reynès et Diefenbacher l'ont très bien dit : on ne peut prendre aucun risque sur la question de la compatibilité de cette proposition de loi avec le droit européen. Je vais quitter le terrain politique et tenir un discours un peu plus technique, afin qu'il ne subsiste aucun doute là-dessus.

L'article 107 du Traité portant création de l'Union européenne établit sans aucune ambiguïté que sont interdites les aides accordées par les États au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence. La jurisprudence précise, notamment dans l'arrêt Pearle de la Cour de justice des communautés européenne, qu'une mesure nationale est une aide d'État lorsqu'elle remplit quatre conditions cumulatives.

Premièrement, elle est financée au moyen de ressources d'État ou de taxes, et c'est bien le cas de votre proposition de loi ;

Deuxièmement, elle confère un avantage concurrentiel, ce qui est précisément le cas de la proposition de loi qui nous donne un avantage concurrentiel sur le coût du travail ;

Troisièmement, elle ne confère un avantage qu'à certains types de production – en l'occurrence le secteur agricole et particulièrement, Michel Raison l'a très bien dit, les filières fruits et légumes et viticulture, premiers embaucheurs de salariés agricoles permanents, sans aucun bénéfice pour les filières élevage ou laitière ;

Enfin, elle est susceptible d'affecter les échanges entre les États membres. C'est aussi le cas de cette proposition de loi.

Ainsi, cette proposition de loi établit très clairement une aide d'État permanente non compatible avec le droit européen.

Plusieurs d'entre vous ont excipé du cas allemand : je rappelle que s'il figure dans le traité, c'est à titre de dérogation. Nos amis allemands ne font qu'utiliser une clause dérogatoire que nous leur avons accordée. Soyons cohérents et ne rejetons pas la faute sur les uns ou sur les autres. Aux termes du paragraphe 2c de l'article 107, sont compatibles avec le marché intérieur « les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. » Cela est écrit noir sur blanc, et cela a été accepté par le Gouvernement français.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Par conséquent, je souhaite que cette disposition garde son caractère dérogatoire et qu'au moment où elle doit s'épuiser, elle ne soit en aucun cas renouvelée. L'Allemagne a rétabli sa compétitivité et a réussi, tant mieux, sa réunification ; mais maintenant que sa réunification et le retour de sa compétitivité sont derrière nous, je souhaite que l'Allemagne revienne au droit commun. Mais ne soyons pas naïfs, et c'est là que l'on revient à la question de l'harmonisation européenne : on retombe sur le vrai sujet, à savoir l'absence de salaire minimum en Allemagne. C'est bien pour cela qu'il faut défendre une harmonisation sociale européenne car sinon, nous aurons toujours cet écart de compétitivité, clause dérogatoire ou pas.

Il existe malgré tout une solution jurisprudentielle, un petit interstice dans lequel nous pouvons nous glisser pour parvenir à défendre une exonération de charges sur le travail permanent dans l'agriculture. Cette solution jurisprudentielle est définie dans l'arrêt Royaume de Belgique de la CJCE du 17 juin 1999 : « Les cotisations sociales peuvent être fixées en tenant compte pour certains secteurs de la nécessité de maintenir ou de développer l'emploi à l'exclusion des motifs de compétitivité ». Autrement dit, si nous appuyons notre discours non seulement sur la question du travail illégal comme on l'a fait pour le TODE – qui ressort d'une logique différente –, mais également sur un argumentaire articulé autour la défense de l'emploi, nous pourrons trouver la voie de passage qui rendra notre disposition compatible avec le droit européen. Ce n'est pas l'argumentaire qui a été retenu par Jean Dionis du Séjour dans la proposition de loi : « Le coût élevé du travail agricole en France représente un handicap insoutenable pour la compétitivité de l'agriculture française ». Sa proposition de loi s'est malheureusement placée, je le regrette, sur le mauvais terrain, celui de la compétitivité alors qu'il aurait fallu se placer sur celui de l'emploi pour trouver un espace de compatibilité européenne.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

J'ai bien écouté l'argumentaire de notre ami Charles de Courson sur la « taxe poisson », effectivement euro-incompatible. Nous avons eu un nouveau recours contre nous il y a moins d'un mois – je le dis au rapporteur pour que les choses soient bien claires et qu'il comprenne à quel point nous sommes déterminés à rendre cette taxe compatible. L'élément nouveau, c'est que les recours contre nous se multiplient sur ce sujet. Je dois reconnaître, pour être tout à fait franc – Charles de Courson et de Jean Dionis du Séjour ont eu l'élégance de ne pas le rappeler – qu'en tant que membre de la commission des finances, j'avais moi-même voté la « taxe poisson ». (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est la journée des remords, Pâques n'est pas loin ! Vous avez intérêt à faire pénitence !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Comme le dit l'adage latin errare humanum est, perseverare diabolicum !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Si l'on pouvait cesser de persister dans l'erreur, cela serait une bonne chose : comme l'a très bien dit Michel Raison, ce sont les producteurs qui paieront.

Annick Le Loch sait l'intérêt que je porte aux pêcheurs. C'est probablement l'un des secteurs qui souffre le plus aujourd'hui. On en parle moins parce que les pêcheurs sont moins nombreux. Mais ce n'est pas parce qu'ils ne sont que 15 000 embarqués sur des bateaux qu'il faut oublier les difficultés terribles qu'ils traversent actuellement.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Nous trouverons un moyen, notamment avec la grande distribution, de compenser la suppression de la « taxe poisson ». Il n'est pas question de faire abandonner une ressource financière dont les pêcheurs ont absolument besoin, qui sert à financer les « contrats bleus ». Nous devons trouver cette nouvelle ressource.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Si on sortait de la concurrence, on s'en porterait mieux !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Mais cette ressource – et pardonnez-moi d'insister lourdement – doit être eurocompatible. On a eu le problème des fruits et légumes, mais nous avons aussi le problème du fonds de prévention des aléas à la pêche et du fonds pêche, que vous connaissez bien. Lorsqu'il faut aller devant un armateur ou devant les marins pêcheurs, qui touchent entre 600 et 800 euros par mois, et leur expliquer qu'on vient récupérer une aide d'État qui leur a été accordée de manière illégale, vous avez intérêt à vous cramponner au bastingage pour tenir devant eux !

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Parce qu'ils sont en colère, et ils ont raison de l'être.

Je n'irai jamais vers des aides qui soient incompatibles avec le droit européen, car ce sont toujours les mêmes qui paient à la fin, les producteurs, les pêcheurs, les plus faibles.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

En conclusion, comme l'a dit Jacques Lamblin, cette proposition d'appel doit déboucher sur une solution concrète – le président de la commission qui l'a excellemment rappelé sera très vigilant sur ce sujet.

Je vous redis mon engagement pour que nous travaillions ensemble sur la base des propositions que présentera Bernard Reynès, qui a travaillé avec le Nouveau Centre à l'élaboration d'un dispositif d'exonérations de charges sur le travail permanent dans l'agriculture. Adopté à l'automne prochain, il sera mis en place au 1er janvier 2012. Ce dispositif devra être significatif. Il ne s'agit pas de bouger de deux ou trois millimètres, mais de faire en sorte que tous les producteurs, notamment de fruits et légumes, dans le Lot-et-Garonne et ailleurs, constatent qu'une nouvelle étape a été franchie dans l'allégement des charges sur le travail permanent dans les cultures et que le coût du travail a été significativement abaissé pour qu'ils soient aussi compétitifs que leurs voisins allemands. C'est l'engagement que je prends. J'ai bien conscience que j'aurai besoin de chacun d'entre vous sur ces bancs pour arriver à obtenir gain de cause à la fin de cette partie.

Je vous indique enfin, monsieur le président, qu'en application de l'article 96 du règlement de l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve du vote sur les articles et les amendements en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi.

Je rappelle qu'en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, et dans les conditions prévues à l'article 96 du règlement, le Gouvernement demande la réserve des votes.

La réserve est de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. François Sauvadet, premier orateur inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

La situation agricole décrite dans la proposition de loi n'est pas une vision apocalyptique ni volontairement dégradée de l'agriculture française. Il faut cependant reconnaître qu'il y a des secteurs professionnels qui souffrent beaucoup. Le secteur de l'élevage, par exemple, est confronté à des réalités économiques et à des niveaux de prix tels que de nombreux éleveurs se trouvent dans une situation difficile. Nous devons y remédier et trouver des solutions.

Je souhaite réaffirmer la volonté du groupe Nouveau Centre d'être à vos côtés, monsieur le ministre, pour tout ce qui pourra contribuer à la régulation. Le premier problème auquel nous sommes confrontés est celui de la volatilité des prix : cela concerne aussi bien les céréales que d'autres secteurs. Les conséquences économiques sont extrêmement lourdes. Lorsque les prix du blé passent de 90 à 230 euros la tonne, vous pouvez imaginer le choc que cela représente pour l'ensemble de la filière.

À cet égard, monsieur le ministre, je tiens à saluer votre proposition d'indexation et de mise en avant de la solidarité interprofessionnelle. Vous aviez du reste évoqué ce sujet au Salon de l'agriculture devant les éleveurs et les céréaliers.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Il faut en effet davantage de solidarité entre les filières pour bénéficier de phénomènes amortisseurs.

Je répète ensuite à nos collègues socialistes, au cas où ils n'auraient pas compris, que nous sommes favorables à une régulation. Nous faire un procès d'intention au motif que nous n'aurions pas souhaité la convergence intra-européenne, ce n'est tout simplement pas sérieux ! Je rappelle que notre groupe avait, l'an dernier, demandé avec force au Gouvernement que nous travaillions non seulement sur la convergence franco-allemande. Depuis des années, nous plaidons en faveur de cette convergence, y compris au sein dans la zone euro. Nous devrions être ensemble dans ce combat avec le Gouvernement pour convaincre nos partenaires que, dans un espace avec une monnaie commune, un espace de libre circulation des biens et des marchandises,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

…il faut tout aire pour empêcher les distorsions de concurrence, lourdes de conséquences sur nos filières.

Je rejoins votre point de vue, monsieur le ministre, sur la nécessité de trouver des produits agroalimentaire à forte valeur ajoutée, prenons garde à ne pas perdre les producteurs dont nous avons besoin. Nous devons relever un grand défi dans un certain nombre de filièrers, où il devient de plus en plus difficile de trouver des successeurs dans nombre d'exploitations. La transmission des exploitations est un énorme défi.

La raison d'être de cette proposition de loi, vous l'aurez compris, mes chers collègues, c'est que l'on ne tarde pas à avancer sur les voies permettant à l'agriculture française d'accéder à une meilleure compétitivité et d'avoir des charges moins lourdes pour produire sur les marchés.

Notre proposition de loi est non seulement un appel, mais également l'expression de notre volonté, au Nouveau Centre et même au-delà, de ne pas renoncer à un allégement général. Vous avez, monsieur le ministre, pris des engagements. Nous veillerons à ce qu'ils soient tenus et nous vous y aiderons. Mais de grâce, chers collègues, épargnez-nous les procès d'intention au motif que cette proposition de loi serait euro-incompatible alors que nous avons eu les mêmes débats il y a deux ans ! Ceux qui dénoncent aujourd'hui l'euro-incompatibilité sont les mêmes qui nous reprochaient précisément de porter cet argument au moment de la « taxe poisson » !

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Nous sommes coresponsables de l'avenir et du signal que nous donnons aux agriculteurs. Je suis très fier que notre groupe ait déposé cette proposition de loi. Je souhaite qu'elle trouve son prolongement dans l'action au service de l'agriculture, qui participe de l'intérêt général et de l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Mes chers collègues, vous êtes très nombreux à vous être inscrits sur l'article 1er. J'ai laissé M. Sauvadet, président du groupe Nouveau Centre, s'exprimer plus longtemps que prévu. Je demanderai aux orateurs suivants de respecter les deux minutes réglementaires.

La parole est à M. Hervé Morin.

Debut de section - Permalien

Peut-être m'accorderez-vous trois minutes, monsieur le président ? (Sourires.)

Monsieur le ministre, personne ne doute de votre volontarisme. Je ne vous le dis pas parce que vous un élu du département de l'Eure, mais parce que j'en suis convaincu : vous êtes un excellent ministre de l'agriculture et le monde agricole sait à quel point vous êtes là pour le défendre.

Sur la question de la légalité européenne, on ne peut effectivement tenir deux argumentations radicalement contraires en l'espace de deux ans. Mais derrière cela, il y a un sujet de fond : l'harmonisation et la convergence européennes.

Debut de section - Permalien

Voilà pourquoi les centristes défendent l'idée d'une construction fédérale de l'Europe et d'une intégration économique et politique plus forte.

Debut de section - Permalien

Les distorsions de concurrence, nos paysans et nos pêcheurs les vivent tous les jours. Je suis allé pêcher une nuit à Saint-Guénolé. Que m'a dit le pêcheur ? « Vous me parlez de la politique commune de la pêche, monsieur le ministre. Mais faites au moins en sorte que l'Europe se donne les moyens de mettre en oeuvre la politique commune de la pêche que vous vantez ! Que puis-je faire quand le pêcheur britannique ou irlandais peut embaucher un Surinamien à 300 dollars par mois ? » Le salarié est considéré comme un extraterritorial, une sorte d'ambassade : on lui applique les règles de son pays d'origine… Vous comprenez pourquoi le pêcheur français refuse cette Europe qu'on lui propose !

Quand dans le même temps, on sait que 80 % du poisson consommé en Europe est du poisson d'importation, qui n'est pas soumis aux règles en matière de protection de l'environnement et de protection de la ressource halieutique que l'on impose aux pêcheurs européens et français, cela aussi a des conséquences sur la façon dont nos compatriotes appréhendent la construction européenne.

Je suis allé visiter une endiverie en Picardie. Que m'a dit le producteur ? « En vertu de quoi m'interdit-on d'utiliser sur mes endives des produits phytosanitaire encore autorisés en Belgique ou aux Pays-Bas ? »

Debut de section - Permalien

On peut multiplier les exemples à l'infini.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d'une action forte de l'exécutif afin qu'il y ait une réelle politique agricole commune, c'est-à-dire une harmonisation.

S'agissant du financement de la protection sociale, j'ai cru voir dans les journaux que vous étiez en charge du projet de l'UMP pour les prochaines élections présidentielles.

Debut de section - Permalien

J'ai cru comprendre aussi que le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, était favorable à une taxe anti-délocalisations pour le financement de la protection sociale – appelons cela TVA sociale, pour ne pas être faux-culs…

Que proposons-nous à travers ce texte ? Précisément de faire en sorte que le financement de la protection sociale ne repose pas entièrement sur les salaires. Car pour améliorer l'attractivité du travail dans le monde agricole, il faut permettre aux entreprises de mieux payer leurs salariés, ce qui implique de détaxer massivement le travail et donc d'alléger le poids des charges sociales.

Debut de section - Permalien

Les consommateurs risquent de payer, dites-vous. Permettez-moi de rappeler qu'en 1992, à la suite de l'effondrement des prix de la viande bovine, nous avions proposé à l'issue de la commission d'enquête que les produits de consommation périssables fassent l'objet d'un délai de paiement de vingt et un jours. Cette proposition qui avait entraîné une levée de bouclier de la grande distribution dans sa totalité. Michel-Edouard Leclerc, avec sa démagogie habituelle, avait même financé la publication dans tous les journaux de placards publicitaires expliquant que la limitation des délais de paiement conduirait à une augmentation des prix finaux payés par les consommateurs.

Je vous le dis, monsieur le ministre, s'il existe un observatoire des prix opérationnel qui contrôle les marges et l'évolution des prix d'amont en aval, nous serons en mesure d'établir une nouvelle répartition de la valeur ajoutée entre l'aval et l'amont, évitant de ce fait une répercussion sur les prix payés par les consommateurs.

Debut de section - Permalien

Mais il ne s'agit pas simplement de résister à la compétition européenne, monsieur le ministre. Il est ahurissant de constater qu'un pays industriel comme l'Allemagne investit massivement dans son agriculture, parce qu'il considère cette activité comme étant stratégique pour les décennies à venir.

Il nous faut, nous Français, relever le gant, et mettre nos paysans en situation d'égalité face à la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

Si les exploitations agricoles sont en difficulté, cela ne tient pas seulement aux charges sociales. Ce n'est pas avec cet article 1er que vous réglerez d'un coup de baguette magique la crise agricole, chers collègues du Nouveau Centre. Le dumping social n'est pas une solution pour améliorer la compétitivité de l'agriculture française.

Dans le secteur viticole, depuis longtemps soumis à la concurrence internationale, personne n'a jamais tenté de s'aligner sur le coût de la main-d'oeuvre chilienne. En revanche, les viticulteurs se sont regroupés et ont réorganisé leurs coopératives. Je reconnais avec vous, monsieur le ministre, que cela ne fut pas sans peine ni sans mal. Toutefois, avec l'aide des collectivités territoriales et des chambres consulaires, ils ont pu gagner des parts de marché à l'export, en Chine et en Inde entre autres, et ont su s'adapter aux demandes locales et vendre près de chez eux. Cela dit, comme le rappelait Germinal Peiro, tout ce travail de regroupement et de recherche de gains de productivité aura été vain si les droits de plantation sont supprimés.

Développer les filières courtes, promouvoir l'agriculture raisonnée et l'agriculture biologique, favoriser l'approvisionnement local et valoriser les produits locaux, voici autant de solutions intéressantes.

Enfin et surtout, monsieur le ministre, je crois que le Gouvernement doit se battre sans relâche pour qu'une harmonisation sociale et fiscale soit mise en place le plus rapidement possible au niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le ministre, pour ma part, je voudrais vous aider et aussi vous mettre en garde. Vous ne pouvez pas dire que les exonérations de charges que nous proposons sont euro-incompatibles et ensuite mettre en oeuvre la décision du Premier ministre, annoncée devant le congrès de la FNSEA, d'inscrire les mêmes exonérations dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale !

Auprès de Bruxelles, vous pourriez vous appuyer sur des arguments mettant en avant des considérations sociales – la lutte contre la précarisation de l'emploi agricole – mais aussi la question de la discrimination.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

C'est bien ce que j'ai dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il faut lire dans son entier l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le c) du paragraphe 3 indique que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun ». Il faut donc l'utiliser a contrario en montrant qu'il existe une discrimination manifeste. Par ailleurs, au c) du paragraphe 2 du même article 107, consacré aux aides apportées aux territoires de l'ex-RDA, n'oublions pas le deuxième alinéa qui indique que « cinq ans après l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter une décision abrogeant le présent point ».

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Cela ne m'avait pas échappé !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Encore faut-il que le gouvernement français indique clairement sa volonté de faire appliquer ce deuxième alinéa. Nous ne pouvons laisser perdurer une telle discrimination.

Enfin, monsieur le ministre, soyez raisonnable : n'ayez pas recours à des arguments qui risquent de vous être retournés s'agissant de l'eurocompatibilité des aides. Vous avez déjà accepté des exonérations sur le travail occasionnel, il faut accepter des exonérations sur le travail permanent, sinon il y aura substitution des unes aux autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Je voudrais tout d'abord rendre hommage à l'important travail effectué par nos collègues Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson : ils ont été particulièrement convaincants dans leurs argumentaires pour défendre les mesures essentielles contenues dans cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Il faut noter qu'il existe un consensus, sur tous les bancs de cette assemblée, sur la nécessité d'agir. Simplement, monsieur le ministre, si vos propos ont été brillants dans leur forme, ils ne nous ont pas tout à fait convaincus sur le fond, notamment pour ce qui est de l'urgence de prendre des décisions. Utilisant des arguments contestables, vous affirmez qu'il est possible d'attendre. Nous considérons au contraire qu'il faut agir vite.

Il y a quelques semaines, je me suis rendu à Albi aux rencontres nationales des salariés agricoles où se sont tenues plusieurs tables rondes. Il est apparu que si l'agriculture a perdu une bataille, c'est certainement celle de la communication – c'est un point sur lequel nous pouvons tous nous accorder. Il est essentiel de rendre attractifs les métiers de l'agriculture. À cet égard, la problématique sociale doit être mise en avant. L'un des effets positifs de cette proposition de loi, si elle était adoptée, serait d'offrir des perspectives financières permettant de rendre plus attrayantes les carrières agricoles, en particulier pour les salariés agricoles. C'est là un élément important qui mérite d'être rappelé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord revenir sur les propos particulièrement véhéments qu'a tenus le rapporteur à propos de la réforme de 1992, qui est à rapprocher de la réforme de 1984. Dois-je rappeler que, dans un premier temps, vous aviez organisé dans les campagnes le grand ballet de la défiance à l'égard des nouvelles règles européennes, notamment à propos des quotas laitiers …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

…et que, par la suite, dans les années 2000, vous avez soutenu ceux qui réclamaient leur maintien ? De la même manière, en 1992, vous avez condamné le découplage, qui était à ses débuts, et, en 2003, quand il a été finalisé, vous l'avez accepté !

L'incohérence n'est donc pas seulement de notre côté, monsieur Dionis du Séjour. En ce domaine, nous pouvons nous refiler indéfiniment la patate chaude ou, comme on dit chez moi, nous jeter un chat dans les jambes !

Par ailleurs, s'agissant du débat sur l'harmonisation européenne, il faut que nous soyons très précis et déterminés ; mais il faut aussi, monsieur le ministre, que vos services le soient également. Au fil du temps, j'ai constaté que sur un nombre incalculable de dossiers, toutes majorités confondues, les gouvernements ont cru compenser leur défaut de combativité auprès de la Commission en établissant une réglementation nationale propre. C'est se punir deux fois : la première fois, en acceptant quelque chose d'inacceptable ; la deuxième fois, en s'imaginant que cela peut se corriger chez nous alors que nous sommes dans un marché unique. Il faut en finir avec ce genre de comportement.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

C'est juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Récemment encore, à propos de la réglementation des biocides, j'ai pu constater que les fonctionnaires à qui je reprochais de ne pas s'être assez battus m'ont répondu qu'il y avait la possibilité d'élaborer une réglementation particulière en France. En ce cas, nous nous retrouverons dans la même situation que pour les pesticides ou certains produits de traitement, qui sont utilisés dans les autres pays et interdits chez nous.

Je voulais insister sur ce point, qui me semble lui aussi très important pour l'avenir.

(Le vote sur l'article 1er est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements, nos 1 et 2 , portant articles additionnels après l'article 1er, et qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Armand Martin

Monsieur le ministre, nous allons prolonger le débat sur les charges puisque ces amendements portent sur les cotisations.

Mon amendement n° 1 vise l'annualité des cotisations, qui figure en bonne place parmi les règles contestables et contestées qui régissent l'affiliation des exploitants agricoles.

Pour le calcul des cotisations et contributions, la situation des chefs d'exploitation d'entreprise agricole est appréciée au 1er janvier de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Cette règle conduit à une exonération la première année en cas d'installation postérieure au 1er janvier. Ainsi, pour une installation en cours d'année, les cotisations ne sont dues qu'à compter de l'année suivante. Mais, à l'inverse et pour les mêmes raisons, les exploitants agricoles sont redevables de la totalité des cotisations lors de l'année de cessation d'activité.

Ce principe, qui n'existe dans aucun autre régime de protection sociale, alourdit donc les charges sociales au moment de la cessation d'activité. L'application de cette règle crée ainsi un profond décalage avec les réalités et pénalise les départs en cours d'année.

En conséquence, il nous paraît nécessaire de faire évoluer ce principe afin d'être en phase avec les exigences actuelles en matière de dates d'installation, compte tenu des nombreuses contraintes qui pèsent sur la constitution des dossiers d'installation, lesquels sont rarement déposés le 1er janvier.

Nous proposons donc de rédiger le deuxième alinéa de l'article L. 731-10-01 du code rural de la manière suivante : « En cas de cessation d'activité au cours de l'année civile, les cotisations mentionnées au premier alinéa dues sont calculées au prorata de la fraction de l'année considérée comprise entre le 1er janvier et la date de cessation d'activité. ».

Mon amendement n° 2 a quant à lui a trait à la cotisation dite de solidarité, mise à la charge des personnes dirigeant une exploitation ou une entreprise dont l'importance est inférieure aux seuils d'assujettissement et supérieure à un minimum fixé par décret.

Il faut relever, par ailleurs, que cette cotisation frappe en de nombreux cas des personnes déjà assujetties à la CSG et à la CRDS, lesquelles constituent également des contributions de solidarité. Il paraît tout à la fois inéquitable et inopportun de faire peser sur ces personnes une cotisation de solidarité supplémentaire. De surcroît, il convient de souligner que ces cotisations ne sont génératrices d'aucun droit social en contrepartie.

Il est donc proposé de supprimer ces cotisations de solidarité, ce qui revient à abroger l'article L. 731-23 du code rural et de la pêche maritime et à supprimer le VII de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Au préalable, j'aimerais indiquer que la proposition faite par le ministre s'agissant des exonérations de charges pesant sur le travail me paraît ouvrir une perspective d'ici au 1er janvier 2012, d'autant qu'il peut s'appuyer sur l'argumentaire développé par Charles de Courson. Pour ce qui est des bases juridiques et des justifications, nous avons bien avancé. Nous voyons clairement un chemin se dessiner.

Reste à considérer la question capitale du financement, qui déterminera l'ampleur du geste consenti. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous en disiez un peu plus. Cela permettra de conclure ce débat de bonne tenue.

Pour ce qui est de l'amendement n° 1 de M. Philippe-Armand Martin, la commission ne l'a pas examiné mais, à titre personnel, j'y suis favorable car il me paraît réaliste sur le plan financier.

Cela dit, nous devrions pousser l'instruction un peu plus loin. Notre collègue a surtout étudié les effets du dispositif au moment de la cessation d'activité ; il faudrait également s'intéresser à ses conséquences sur l'installation des agriculteurs, et dresser un bilan net de ses effets financiers.

Quant à l'amendement n° 2 , que la commission n'a pas non plus examiné, il porte sur une cotisation de solidarité créée en 1980 afin que les personnes qui tirent un revenu de la mise en valeur des terres agricoles, sans relever du régime agricole, lui apportent une contribution minimale. À titre personnel, je suis défavorable à la suppression de cette cotisation, car elle nuirait au financement du régime des non-salariés agricoles, qui n'a guère besoin qu'on le prive de recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

J'apporte mon soutien à ces deux amendements, qui ont été déposés il y a plusieurs années déjà.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En ce qui concerne l'amendement n° 2 , j'ai été pendant cinq ans rapporteur spécial du budget annexe des prestations sociales agricoles, et je puis vous assurer que toute personne qui nous attaquerait devant la Cour de justice de l'Union européenne obtiendrait l'abrogation de cette cotisation : elle est clairement euro-incompatible !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La jurisprudence communautaire veut que toute cotisation affectée à la protection sociale entraîne une contrepartie sous forme de droits sociaux. Or celle dont nous parlons n'en ouvre aucun. La Cour en a déjà jugé ainsi.

Quant au premier amendement, c'est une question de bon sens : est-il normal de faire payer des cotisations sociales toute l'année quand l'exploitation cesse son activité le 3 janvier ? Sans compter les cas de décès : quand un exploitant décède et n'a pas de successeur au 3 janvier, la succession doit payer les cotisations sociales pour l'année entière !

(Les votes sur les amendements n°s 1 et 2 sont réservés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. William Dumas, inscrit sur l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

Cet article ne propose rien de moins que de faire payer par tous les consommateurs la part de charges sociales supprimée à l'article précédent. Il est injuste et il met en danger le système de financement de la protection sociale française.

Il est injuste parce que, selon l'INSEE, l'alimentation pèse nettement plus lourd sur le budget des ménages les plus modestes – dont elle représente 21 % – que sur celui des ménages les plus aisés, dont 14 % lui sont consacrés. Cette répartition n'est donc pas équitable, surtout lorsqu'il s'agit de produits de première nécessité : les plus pauvres seront les plus taxés. Je doute que le « panier des essentiels » de M. Frédéric Lefebvre y résiste longtemps. (Sourires.)

En outre, cet article est très dangereux, car il ouvre une brèche dans notre système de financement de la protection sociale. Exonérer des secteurs en difficulté est une chose ; systématiser le dispositif en est une autre. Bientôt, les entreprises de transformation demanderont à être affiliées à ce régime, puis ce sera le tour des distributeurs qui participent à la chaîne agricole. Il faudra alors relever le taux de la taxe sur les produits alimentaires, et ce sont bien entendu les consommateurs qui paieront.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur le ministre, vous avez été très sport lorsque vous avez reconnu que la « taxe poisson » que vous aviez votée n'était pas eurocompatible. Tout le monde peut se tromper…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mais je ne résiste pas au plaisir de vous lire le compte rendu des débats du 6 décembre 2007. « Monsieur le ministre », disais-je alors au ministre du budget de l'époque, « nous regrettons de ne pas avoir pu examiner en commission cet amendement, qui soulève un certain nombre de questions. Tout d'abord, cet amendement est-il eurocompatible ? La directive TVA de 1977 prévoit en effet que la seule taxe ad valorem admissible est la TVA. Dès lors, peut-on instaurer une taxe de 2,6 % ad valorem ? Ne risque-t-on pas un contentieux que nous pourrions perdre devant la Cour de justice ? »

Et voici la réponse du ministre : « Écotaxe, écocontribution… disons qu'il s'agit d'une taxe de 2,6 %, qui s'appliquera sur la première livraison, donc une seule fois. Elle ne tombe pas dans le champ de la directive TVA, puisqu'il ne s'agit pas d'un mécanisme en cascade, avec déductibilités successives. Il n'y a donc pas euro-incompatibilité. »

Je vous l'ai dit en riant, je suis tout à fait conscient des difficultés auxquelles nous expose la taxe ; mais il existe d'autres solutions, dont celle qui consiste à relever le taux de TVA de 5,5 % à 19,6 %, notamment sur les produits sucrés et les boissons sucrées. Ce principe devrait faire l'unanimité, dans le cadre de notre politique sanitaire.

Enfin, je ne peux pas ne pas le dire à Germinal Peiro : votre problème, au parti socialiste, c'est que vous ne proposez rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

« Taxons le capital », dites-vous. C'est un slogan ! Qu'est-ce que le revenu agricole ? C'est la somme du revenu du travail agricole et du revenu du capital engagé dans l'agriculture. C'est justement l'un des problèmes de l'agriculture. Évidemment, le capital agricole paie alors que le capital dans l'industrie ou le commerce ne paie pas ! Vous devriez donc demander une exonération, au nom de l'équité entre les différentes branches.

Vous n'avez rien proposé ; c'est dommage. Les écluses tarifaires, vous n'y croyez pas vous-même. Demandez à votre ami Pascal Lamy !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il ne reste qu'une solution : vous feriez mieux de voter notre proposition, pour aller dans le bon sens !

(Le vote sur l'article 2 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 3 , portant article additionnel après l'article 2.

La parole est à M. Jacques Myard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Vous le savez, le Gouvernement a été habilité à modifier le code rural par ordonnance. Or l'ordonnance publiée le 20 janvier dernier, qui porte notamment sur le monopole des vétérinaires, a suscité un vif émoi au sein de plusieurs professions, dont les ostéopathes animaliers et les dentistes équins.

En effet, cette ordonnance retient des actes vétérinaires une définition extensive et prévoit très peu de dérogations, limitées aux propriétaires et détenteurs temporaires d'animaux, aux maréchaux-ferrants et aux techniciens opérant sur les espèces aviaires et porcines.

Il en est résulté une levée de boucliers. De fait, ces dispositions menacent très directement les professions qui prodiguent des soins de confort animalier ne relevant pas de la médecine vétérinaire – j'ai nommé les ostéopathes animaliers et les dentistes équins.

Au nom du bon sens, il paraît donc souhaitable de déverrouiller quelque peu le système, tout en continuant naturellement de réserver aux seuls vétérinaires le droit de pratiquer des actes vétérinaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Je profite de l'occasion pour dire quelques mots de l'article 2, monsieur le président.

En ce qui concerne la « taxe poisson », cessons de nous jeter, comme disait Jean Gaubert, le chat dans les jambes : il y a eu en la matière un chassé-croisé de positions. S'il existe de nouveaux éléments – vous en avez précisé certains, monsieur le ministre –, nous sommes ouverts à l'éventualité d'un autre outil fiscal.

L'essentiel, à nos yeux, sera l'ampleur du dispositif ; c'est cela qui est en débat, c'est à cela que nous nous intéresserons en étudiant vos propositions. Peut-être pourriez-vous commencer de nous donner certaines pistes sur ce point, monsieur le ministre, en concluant ce débat très intéressant.

J'en viens à l'amendement de notre collègue Myard. La commission l'a repoussé, mais j'y suis personnellement favorable. Je ne suis pas un grand spécialiste du monde équin, contrairement à M. Myard, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

… mais il ne me paraît pas scandaleux de considérer que les activités de dentisterie équine et d'ostéopathie animalière ne sont pas concernées par la nouvelle définition de l'acte de médecine vétérinaire.

Je me permets toutefois de signaler en passant qu'il s'agit d'un remarquable cavalier législatif…

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Défavorable.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Nous avons trouvé une solution, monsieur Myard.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

L'ordonnance évoquée par M. Myard est le fruit d'une longue négociation entre la profession vétérinaire, les différentes professions de santé animale et le Gouvernement. Le résultat en est un équilibre qui reste fragile.

En effet, la France est l'un des pays où le système de santé animale, qu'il s'agisse des services privés ou des services de l'État, fonctionne le mieux. Je ne suis pas opposé par principe à cet amendement, mais il doit être étudié avec la plus grande prudence : il ne faudrait pas qu'un amendement que nous n'aurions pas assez travaillé et qui n'aurait pas fait l'objet de discussions entre les différentes professions concernées conduise à déstabiliser notre système de santé animale, qui confine à la perfection.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Méfions-nous de la perfection !

(Le vote sur l'amendement n° 3 est réservé.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d'abord à vous remercier de la qualité de nos débats. Si cette proposition de loi a un mérite, c'est de faire progresser la réflexion.

Sur les fondements juridiques que j'ai indiqués – la défense de l'emploi et la question sociale –, nous devons pouvoir trouver un moyen eurocompatible d'alléger les charges qui pèsent sur le travail permanent dans l'agriculture. Je vous propose d'y travailler ensemble.

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

En application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi, vote qui aura lieu ultérieurement.

Je rappelle en effet que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auraient lieu le mardi 3 mai, après les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Discussion de la proposition de loi tendant à encadrer le financement public des plans sociaux ;

Débat sur la responsabilité sociale des acteurs économiques ;

Discussion de la proposition de loi visant à interdire l'utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma