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Intervention de Jean Dionis du Séjour

Réunion du 14 avril 2011 à 9h30
Renforcement de la compétitivité de l'agriculture française — Discussion d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Dionis du Séjour, rapporteur de la commission des affaires économiques :

…cette production a reculé de 50 % tandis que la production allemande augmentait sur la même période de plus de 100 % !

Conséquence : notre pays a perdu sa place de premier exportateur européen de produits agroalimentaires, dépassé par l'Allemagne, et sa situation de premier pays producteur agricole européen est aujourd'hui menacée.

L'existence de distorsions de concurrence en défaveur de nos agriculteurs n'est plus contestée par personne, et je suis fier d'avoir contribué, avec Charles de Courson, le groupe Nouveau Centre et son président François Sauvadet, ainsi que l'ensemble des 131 signataires de notre proposition de loi, à porter aujourd'hui devant la représentation nationale cette injustice qu'il nous appartient de réparer.

Notre proposition de loi vise à étendre aux salariés permanents l'exonération de cotisations patronales adoptée en 2010 pour l'emploi de travailleurs saisonniers.

Le financement que nous proposons prend pleinement en compte la nécessité de maîtriser les déficits publics. Le coût de l'exonération, évalué à 1 milliard d'euros, sera en effet entièrement compensé par la création d'une taxe, la contribution pour une compétitivité durable de notre agriculture, portant sur les ventes au détail de produits alimentaires par les entreprises de moyenne et grande distribution.

Notre initiative, monsieur le ministre, issue de la LMA, est le fruit d'un travail approfondi en lien avec les grands réseaux nationaux, que je tiens à remercier – la MSA, le CNCER, France AgriMer... L'impact de la proposition, notamment au plan financier, a été précisément étudié ; c'est un produit législatif fini et équilibré qui vous est soumis aujourd'hui.

Notre proposition se fonde d'abord et avant tout sur nos échanges avec les agriculteurs, au quotidien, dans nos circonscriptions. Je veux porter leur voix dans cet hémicycle : « À armes égales, » nous disent-ils, « mettez-nous à armes égales avec nos concurrents ! »

Monsieur le ministre, vous allez nous dire que la proposition est incompatible avec le droit européen, mais vous ne nous convaincrez pas. L'exonération proposée est le prolongement à l'identique – j'insiste bien, mes chers collègues : à l'identique – de l'exonération en faveur des travailleurs saisonniers mise en oeuvre par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010. Il s'agissait d'une première étape positive, que nous avons saluée comme un effort important de l'État puisque l'exonération a représenté un coût budgétaire supplémentaire de 168 millions d'euros.

Alors, de deux choses l'une. Ou bien l'exonération pour les saisonniers est une aide d'État eurocompatible – et elle l'est, monsieur le ministre – et alors celle que nous proposons l'est aussi. Ou bien elle ne l'est pas et alors l'habillage que le Gouvernement avait employé en 2010 pour justifier cette eurocompatibilité, celui de la nécessité de lutter contre le travail illégal, est à notre avis bien fragile.

Monsieur le ministre, vous ne pourrez maintenir une exonération limitée aux saisonniers sans créer un transfert massif qui siphonnera le travail permanent vers le travail saisonnier. Les effets pervers de cette exonération limitée sont déjà à l'oeuvre. Si vous n'étendez pas rapidement et fortement cette exonération au travail permanent, vous entraînerez un recul majeur de celui-ci, une précarisation, une perte de savoir-faire dans le secteur agricole, où les travailleurs permanents sont les éléments clés de la professionnalisation et de la pérennité de notre agriculture.

De plus, la politique de financement de la protection sociale est une compétence des États membres, et la Cour de justice de l'Union européenne a toujours jugé qu'il appartenait à ces États, en l'absence d'une harmonisation au niveau communautaire – et c'est de toute évidence le cas dans le domaine agricole – d'aménager leurs régimes de sécurité sociale, notamment le niveau des cotisations dues par les affiliés. C'est l'arrêt Blanckaert du 8 septembre 2005.

Enfin, cette question a une dimension politique importante. C'est la France qui est victime de distorsions de concurrence en matière de coût du travail agricole. Il est donc parfaitement légitime qu'elle prenne des mesures afin de se défendre. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous avez un bon dossier à plaider : les accords germano-polonais, le taux de charges spécifique pour l'agriculture en Espagne et tous les autres dispositifs nationaux inventés par nos voisins, moins naïfs que nous !

Et, par pitié, qu'on nous épargne les jérémiades – elles ne sont pas de votre fait, mais elles reviennent souvent dans les débats – sur la nécessaire harmonisation sociale et fiscale à l'échelle de l'Union européenne ! Cette harmonisation doit bien entendu rester un objectif politique majeur de long terme. Mais soyons lucides, une telle avancée est à l'heure actuelle hors de portée.

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