L'examen de la proposition de loi visant à renforcer durablement la compétitivité de l'agriculture française s'inscrit dans la continuité du débat ouvert par le Gouvernement sur la modernisation de notre agriculture. Je tiens à saluer nos collègues Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson pour leur initiative courageuse. En effet, ce texte affronte la réalité du monde agricole et tient compte des préoccupations des producteurs.
Le secteur agricole faisant face à une concurrence internationale de plus en plus rude, tant de la part de nos partenaires européens que de la part des puissances émergentes, la France doit assurer sa pérennité et lui donner les moyens de renforcer sa compétitivité.
Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson dressent dans cette proposition un tableau réaliste de l'état de l'agriculture française, celui d'un secteur plein de ressources, mais en perte de vitesse.
L'agriculture française, nous le savons tous, connaît de grandes difficultés. En 2008-2009, le monde agricole a connu une crise majeure, marquée par la chute des prix des produits agricoles et une baisse considérable du revenu des agriculteurs. Au-delà de cette crise conjoncturelle, une tendance de fond se dessine sur les quinze dernières années : la perte de compétitivité de nos entreprises agroalimentaires.
En effet, l'analyse des échanges au niveau international montre un certain effritement des parts de marché des entreprises françaises. Par ailleurs, si la rentabilité du secteur agroalimentaire français reste dans la moyenne des principaux pays développés, les évolutions au cours de la période écoulée dénotent une relative diminution de la compétitivité de ces entreprises, y compris sur certains marchés de produits différenciés comme le secteur des vins.
Certes, il ne s'agit pas d'être catastrophiste : l'activité agricole française demeure, avec son industrie agroalimentaire, l'une des plus importantes d'Europe. Mais pour combien de temps encore ? Face aux signes manifestes d'une compétitivité en déclin, nous devons nous poser les bonnes questions et trouver les bonnes réponses.
Comment assurer la compétitivité de notre agriculture ? Cette proposition de loi a le mérite de poser la question. C'est afin de donner davantage de résonance à ce débat que de nombreux députés UMP, dont moi-même, l'ont cosignée.
L'ensemble des études sur la compétitivité de l'économie française converge sur un point : le coût du travail pèse considérablement sur l'activité économique française. Quel que soit le secteur, les charges sociales sont souvent bien plus importantes en France que chez nos partenaires européens.
Les causes essentielles du déclin de l'agriculture française résident ainsi principalement dans les coûts de production, et en particulier dans le coût de la main d'oeuvre. Il est donc nécessaire d'alléger les charges pesant sur les agriculteurs afin de leur permettre d'investir davantage dans le développement de leur exploitation, d'une part, et de vendre sur la scène internationale à des prix compétitifs, d'autre part.
Enfin, il est nécessaire d'alléger les charges des agriculteurs afin de favoriser l'emploi salarié et le travail permanent dans les exploitations. En effet, le recours plus important à l'emploi salarié, plus flexible que la main d'oeuvre familiale et mieux ajustable au volume d'activité, est une solution au problème de productivité du travail agricole.
Bien que partageant cette analyse, j'émettrai, monsieur le rapporteur, quelques réserves. Il faut reconnaître que les solutions retenues dans cette proposition de loi ne sont pas suffisantes et doivent faire l'objet d'une réflexion plus approfondie.
L'exonération des cotisations sociales sur le travail agricole permanent implique de modifier le mode de financement de la sécurité sociale des agriculteurs. Or, il n'est pas certain que le mode de compensation proposé suffise à combler le déficit créé par ces exonérations. Un calcul inexact est risqué, je dirais même bien trop risqué : nous ne pouvons pas rendre le financement de la protection sociale des agriculteurs tributaire des variations de la consommation. Nous avons le devoir de garantir aux producteurs un système de protection sociale sûr.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous voudrez bien admettre que la taxe pour la compétitivité de l'agriculture pourrait se révéler défavorable aux producteurs dans la négociation des prix d'achat. En effet, il n'est pas certain que la grande et moyenne distribution accepte de jouer le jeu. Au contraire, elle risque d'anticiper cette taxe à la consommation en achetant moins cher aux agriculteurs. Cette taxe serait donc compensée par la baisse des prix d'achat auprès des producteurs.
Enfin, la création d'une « taxe sur la consommation » pèserait lourdement sur les budgets des foyers, qui ont déjà de grandes difficultés à supporter l'augmentation des prix alimentaires.
Finalement, les solutions proposées offriraient, en termes de financement, des gains relatifs, et elles occasionneraient des pertes pour les producteurs ou pour les consommateurs. Vous comprendrez donc que, même si je soutiens cette initiative et les objectifs qu'elle poursuit, j'ai un certain nombre de réserves quant aux solutions préconisées. J'espère néanmoins que les débats permettront d'éclairer les points que je viens de soulever. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)