Par conséquent, je souhaite que cette disposition garde son caractère dérogatoire et qu'au moment où elle doit s'épuiser, elle ne soit en aucun cas renouvelée. L'Allemagne a rétabli sa compétitivité et a réussi, tant mieux, sa réunification ; mais maintenant que sa réunification et le retour de sa compétitivité sont derrière nous, je souhaite que l'Allemagne revienne au droit commun. Mais ne soyons pas naïfs, et c'est là que l'on revient à la question de l'harmonisation européenne : on retombe sur le vrai sujet, à savoir l'absence de salaire minimum en Allemagne. C'est bien pour cela qu'il faut défendre une harmonisation sociale européenne car sinon, nous aurons toujours cet écart de compétitivité, clause dérogatoire ou pas.
Il existe malgré tout une solution jurisprudentielle, un petit interstice dans lequel nous pouvons nous glisser pour parvenir à défendre une exonération de charges sur le travail permanent dans l'agriculture. Cette solution jurisprudentielle est définie dans l'arrêt Royaume de Belgique de la CJCE du 17 juin 1999 : « Les cotisations sociales peuvent être fixées en tenant compte pour certains secteurs de la nécessité de maintenir ou de développer l'emploi à l'exclusion des motifs de compétitivité ». Autrement dit, si nous appuyons notre discours non seulement sur la question du travail illégal comme on l'a fait pour le TODE – qui ressort d'une logique différente –, mais également sur un argumentaire articulé autour la défense de l'emploi, nous pourrons trouver la voie de passage qui rendra notre disposition compatible avec le droit européen. Ce n'est pas l'argumentaire qui a été retenu par Jean Dionis du Séjour dans la proposition de loi : « Le coût élevé du travail agricole en France représente un handicap insoutenable pour la compétitivité de l'agriculture française ». Sa proposition de loi s'est malheureusement placée, je le regrette, sur le mauvais terrain, celui de la compétitivité alors qu'il aurait fallu se placer sur celui de l'emploi pour trouver un espace de compatibilité européenne.