La question de l'euro-compatibilité comporte deux volets : celui des exonérations et celui du mode de financement – que je me permettrai d'aborder avec un peu d'humour, monsieur le ministre.
Pour ce qui est des exonérations, vous nous dites qu'il s'agit d'une aide d'État. Oui, c'est une aide d'État, mais le problème n'est pas là ! La seule question qui se pose est de savoir s'il s'agit, oui ou non, d'une aide d'État euro-compatible au regard des traités. Pour notre part, nous défendons la thèse selon laquelle cette aide est euro-compatible en ce qu'elle vise à réduire les distorsions de concurrence qui ont été créées par des moyens non respectueux du droit communautaire. Les accords germano-polonais et germano-hongrois sur la main-d'oeuvre sont-ils euro-compatibles ? À ma connaissance, le gouvernement français n'a même pas soulevé le problème ! Or, ce n'est pas parce que les Allemands sont nos amis que nous devons nous empêcher de leur dire que, de notre côté, nous n'avons pas passé de semblables accords. De nombreux Polonais et Espagnols viennent travailler en France au moment des vendanges ou de la cueillette des asperges car, en dépit du chômage, on ne trouve pas suffisamment de Français pour accepter ces activités. Je peux vous assurer qu'on applique à ces travailleurs étrangers le droit social français – des contrôles sont d'ailleurs effectués sur ce point.
En plus de son euro-compatibilité, la mesure proposée a une dimension sociale. En termes d'intérêt social, monsieur le ministre, la mesure prise sur le travail occasionnel est en train de se retourner. Mettez-vous un instant à la place des exploitants agricoles : dans la mesure où on a fait quelque chose sur le travail occasionnel, mais rien sur le travail permanent, les CDI, certains ont transformé leurs travailleurs permanents en travailleurs occasionnels, considérant qu'ils n'avaient pas le choix, que c'était pour eux une question de survie !
Vous pouvez développer la thèse sociale, monsieur le ministre, comme vous l'avez fait pour la mesure sur le travail occasionnel, en disant que vous souhaitez éviter la précarisation du travail en France. J'ai longuement discuté de cette question avec des représentants de la CFDT, qui s'inquiétaient de cette mesure. Je leur ai dit de ne pas se tromper de combat : le choix que nous devons faire est celui entre la précarisation du travail et sa disparition sous forme de CDI ! Vous avez là un argument social très important à développer, comme vous l'aviez fait pour obtenir l'accord de la Commission sur le travail occasionnel.
Le Premier ministre s'est engagé, devant le congrès de la FNSEA à Saint-Malo, à prendre une mesure. Mais on ne sait toujours pas ce que vous envisagez de faire, monsieur le ministre. Il faut prendre une mesure forte et significative, et non vous contenter d'un bricolage à 50 ou 80 millions d'euros. À défaut, nous n'arriverons jamais à remonter la pente !
Le deuxième volet de l'euro-compatibilité est le problème du mode de financement. Vous me connaissez un peu, monsieur le ministre, puisque nous avons longtemps siégé face à face en commission des finances. Vous devez donc savoir qu'en ce qui concerne la «taxe poisson », je n'ai pas changé d'avis. J'ai refusé de la voter, estimant qu'avec cette mesure, nous allions dans le mur, alors qu'à l'époque, Éric Woerth – que j'aime beaucoup – nous assurait que tout avait été négocié avec Bruxelles. Or, on s'aperçoit aujourd'hui que nous allons perdre, parce que cette mesure n'est pas eurocompatible. Avec Jean Dionis du Séjour, nous avons donc proposé une «taxe poisson » généralisée, afin de ne pas mettre le Gouvernement en difficulté.