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Séance en hémicycle du 19 mars 2009 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Francis Hillmeyer, député du Haut-Rhin, d'une mission temporaire auprès de M. Hervé Morin, ministre de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 1494, 1511).

Cette nuit, l'Assemblée a rejeté la motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, inscrit sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

L'article 1er va nous permettre de poursuivre le débat entamé lors de la discussion générale, et je me permets d'emblée de solliciter l'indulgence et la compréhension du président sur les temps de parole qu'il voudra bien nous accorder.

L'enjeu de notre discussion tient aux conceptions différentes qu'ont la majorité et l'opposition de la justice fiscale. Plusieurs arguments ont été avancés hier en défense du bouclier fiscal. J'écarte d'emblée celui consistant à prétendre que certains d'entre nous n'aimeraient pas les « riches ». Il est en effet difficile de définir qui est riche et qui ne l'est pas ; cela suppose la détermination d'un seuil, et c'est précisément parce que c'est impossible que notre pays a opté pour un impôt sur le revenu progressif.

Le ministre des comptes publics affirme, en défense du bouclier fiscal, que la justice fiscale consiste à ne pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État. C'est un raccourci coupable, et il serait plus approprié de dire qu'elle consiste à ne pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, puisque le bouclier fiscal concerne non seulement l'impôt sur le revenu, mais également les prélèvements sociaux – on l'a vu à l'occasion de la discussion sur le financement du RSA – et les impôts locaux.

Autre argument, avancé cette fois-ci par notre rapporteur général : l'imposition ne doit pas être confiscatoire. Soit, mais pourquoi mettre la barre à 50 % ? Au nom de quoi l'impôt serait-il confiscatoire au-delà et ne le serait-il pas en deçà ?

Enfin, Charles de Courson a prétendu très astucieusement que c'était sur ces bancs mêmes qu'aurait été inventé le principe du bouclier fiscal, à l'occasion de l'instauration de l'impôt sur la fortune. Oui et non. Oui, dans la mesure où l'ISF était plafonné pour éviter qu'un contribuable y étant assujetti n'ait à acquitter dans l'année davantage que ce que lui permettaient ses revenus. Et non, car seul l'ISF était plafonné, les autres impôts ne l'étant pas.

Or précisément, le bouclier fiscal que nous contestons concerne l'ensemble des prélèvements fiscaux, et l'on a vu les difficultés que cela a soulevé dès lors qu'il s'est agi de financer le RSA : la taxe sur les revenus du capital a permis de générer 1,5 milliard d'euros, mais en épargnant les contribuables les plus susceptibles de participer à cet effort.

Depuis Joseph Caillaux, le débat oppose partisans de la proportionnalité de l'impôt et défenseurs de sa progressivité. C'est dans ce dernier camp que nous nous situons. La justice fiscale, à nos yeux, c'est la progressivité et non la simple proportionnalité, même si celle-ci peut se défendre, notamment dans le cas de la CSG qui est un impôt proportionnel.

Avec le bouclier fiscal, la proportionnalité l'emporte de trop loin sur la progressivité pour donner à nos compatriotes le sentiment que la justice fiscale est respectée. C'est la raison pour laquelle nous allons examiner des amendements, déposés par l'opposition comme par la majorité, pour faire prévaloir le principe de progressivité sur celui de proportionnalité, ce dernier ne pouvant générer qu'incompréhension et crise dans ces temps délicats que traverse notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n°1 .

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

L'article 1er prévoit d'alléger l'impôt 2009 acquitté au titre des revenus de 2008 par les contribuables dont les revenus se situent dans la première tranche d'imposition – soit 5,5 % – et à la marge de la tranche à 14 %.

Cette mesure a pour objet de soutenir les ménages modestes dont les revenus sont néanmoins suffisants pour les rendre inéligibles aux mesures prises ces derniers mois en matière notamment d'allocations – le RSA, par exemple. Tout en étant imposables, ces ménages n'ont pas des revenus suffisants pour affronter la crise dans de bonnes conditions.

Dans un souci de justice et de soutien aux catégories les moins favorisées, le Gouvernement nous propose donc d'alléger des deux tiers l'impôt sur le revenu qu'elles acquittent. C'est un levier efficace, dans la mesure où il s'agit d'une disposition dont l'impact se fera sentir rapidement, ce qui est indispensable dans le cadre de notre plan de relance.

Cela étant, l'impôt sur le revenu ne s'applique qu'au revenu imposable, lequel résulte d'un ensemble d'opérations de défiscalisation qui le diminuent via des déficits comme ceux découlant des dispositifs de type Malraux, « meublés » – professionnels ou non – ou « monuments historiques », lesquels permettent à certains contribuables, dont les revenus bruts sont pourtant importants, de déclarer un revenu imposable à la première tranche d'imposition, soit 5,5 %.

Notre majorité se soucie de la justice fiscale. Elle l'a montré en réglant, pour la première fois depuis trente ans, la question du plafonnement des niches fiscales. Personne n'avait osé le faire avant nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pour des raisons d'équité, ce plafonnement, voté en loi de finances pour 2009, n'est cependant pas rétroactif et ne s'appliquera qu'aux impôts dus en 2010 au titre des revenus de 2009.

L'amendement que je vous propose, et qui a été adopté à l'unanimité par la commission des finances, vise donc à réserver le bénéfice du crédit d'impôt aux ménages les plus modestes et à en exclure ceux qui auraient utilisé des dispositifs de défiscalisation non encore plafonnés, c'est-à-dire le dispositif Malraux, le « meublé » ou les « monuments historiques ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1 .

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui correspond à l'esprit de notre plan de relance, dont cette mesure épouse parfaitement les critères.

Il s'agit en effet d'une mesure rapide, puisqu'elle s'appliquera dès le premier semestre 2009, les contribuables bénéficiant dès le mois de mai d'un supplément de revenu correspondant au crédit d'impôt. Elle est ensuite doublement efficace puisque, selon les études de l'INSEE, les ménages modestes – situés dans les six premiers déciles – ont une propension à consommer plus élevée que la moyenne, et donc une propension à épargner plus faible. Cette mesure est donc exemplaire de ce qui doit être fait pour relancer notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cette mesure aura, certes, un effet immédiat ; elle s'inscrit clairement dans un dispositif de relance et il s'agit d'une mesure de soutien à la consommation, trois caractéristiques dont étaient malheureusement dépourvues les mesures du premier plan de relance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Tout en admettant la nécessité des mesures de soutien à l'investissement, nous avions d'ailleurs critiqué, début janvier, l'absence de mesures à effet immédiat dans la première loi de finances rectificative.

Nous ne sommes donc pas opposés à cette mesure de soutien à la consommation, dès lors qu'elle a été corrigée par l'amendement que la commission des finances a adopté à l'unanimité.

Pour autant, permettez-moi de répéter ici ce que nous avions déjà dit en commission, à savoir que cette disposition aurait dû être complétée par une mesure de même nature permettant d'économiser non pas quelques centaines d'euros de dépenses fiscales mais plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d'euros. En effet, un mécanisme identique pourrait permettre d'éviter que certains contribuables qui font artificiellement baisser leur revenu fiscal de référence, par exemple en cotisant à des retraites par capitalisation, bénéficient indûment du bouclier fiscal. Nous ne comprenons pas pourquoi ni le rapporteur général ni la majorité n'ont souhaité pousser jusqu'à son terme une logique qui permettrait d'éviter plusieurs centaines de milliers d'euros de dépense fiscale.

Quant à l'argument selon lequel c'est la majorité actuelle qui, dans un souci de justice fiscale, serait seule à l'origine du plafonnement des niches, il n'est ni juste ni correct, monsieur le rapporteur général. Cela s'est fait en effet à l'initiative unanime de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Il n'est donc pas très correct de vouloir en attribuer le profit à la seule majorité. Tirer ainsi la couverture à soi alors que le printemps arrive est inutile !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Le groupe UMP se réjouit de cet amendement qu'il votera.

Je voudrais rappeler à M. Cahuzac que c'est bien notre majorité qui a pris l'initiative du plafonnement des niches. Telle est la vérité. Que l'opposition ait ensuite soutenu cette mesure, fort bien, et personne ne le regrette.Reste qu'il faut bien reconnaître que la question cruciale du plafonnement des niches fiscales, pendante depuis des décennies, n'avait jamais été traitée par aucune majorité avant la nôtre. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Sans doute auriez-vous préféré que cela ait été fait il y a dix ans, alors que M. Jospin était aux responsabilités, mais ce n'est pas le cas, et il faut l'assumer.

(L'amendement n° 1 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 20 et 31 .

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 20 .

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Cet amendement vise à compléter celui que nous venons de voter.

Nous avons vu, en effet, qu'il était possible de diminuer son revenu imposable en lui imputant des déficits. Mais un autre problème se pose : le barème de l'impôt sur le revenu ne prend pas en compte certains revenus qui peuvent soit être exonérés, soit surtout faire l'objet d'un prélèvement fiscal libératoire à taux fixe. Par exemple, les contribuables qui ont de revenus de valeurs mobilières peuvent opter pour un prélèvement à taux fixe de 18 %. Ces revenus ne sont alors pas pris en compte. Il ne serait pas normal, vous le voyez, de ne considérer que les revenus du travail, en oubliant ceux du patrimoine.

Le non-paiement des deux tiers de l'impôt doit être réservé aux ménages qui sont en deçà du plafond qui permet de bénéficier de la mesure à la fois au titre de leurs revenus salariaux et de leurs autres revenus. Il s'agit donc de prendre en compte dans le dispositif d'autres revenus, qui ne sont pas pris en compte par le barème de l'impôt sur le revenu, notamment les revenus mobiliers. C'est donc un amendement de justice fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 31 .

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cet amendement est identique au précédent.

On retient traditionnellement le revenu fiscal net, ce qui pose souvent un problème de justice fiscale : des contribuables aux revenus très élevés peuvent avoir, de façon extrêmement simple, un revenu fiscal net très bas, grâce à de très nombreux abattements et charges.

C'est un problème que l'on retrouvera, notamment à propos du bouclier fiscal. Celui-ci existe depuis la loi Rocard de 1988 : à l'époque, la gauche avait retenu dans son propre bouclier fiscal un concept de revenu fiscal net – c'est le fameux article 26 de la loi de finances de 1989.

Le groupe Nouveau Centre votera donc cet amendement.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Avis favorable. Cet amendement s'inscrit tout à fait dans la logique qui est la nôtre : mettre en place une mesure d'exonération, par le biais du crédit d'impôt, au bénéfice des classes moyennes.

La redéfinition du revenu auquel cette mesure s'applique, en tenant compte des revenus exonérés et de ceux imposés par un biais forfaitaire, libératoire, inférieur, nous paraît donc une excellente chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je rappelle le règlement de notre Assemblée : les auteurs des amendements défendent ces amendements, puis la commission et le Gouvernement donnent leur avis. Ce n'est qu'après que je peux donner la parole à d'autres orateurs.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Pour les raisons déjà exposées, nous sommes favorables à ces amendements, ne serait-ce que parce qu'ils visent à corriger certains excès insupportables du bouclier fiscal, excès dont les principaux restent à corriger.

Je me permets d'insister sur le fait que, si ces amendements vont dans le bon sens, ils ne permettront d'économiser que quelques centaines de milliers d'euros. Le principal reste à faire : le bouclier fiscal devrait être calculé à partir d'un revenu fiscal de référence juste, et non artificiellement minoré permettant à certains contribuables de recevoir un chèque du Trésor public pour des montants considérables, contrairement à ce qui était l'esprit des promoteurs du bouclier fiscal.

Je voudrais aussi répondre à notre collègue Jérôme Chartier. À chaque jour suffit sa peine : nous pourrions profiter de la journée d'aujourd'hui pour tenter d'éviter les polémiques d'hier. Si le plafonnement des niches fiscales a été instauré, c'est à la suite d'une volonté unanime de la commission des finances. Il y était ; il a contribué à la décision qui a été prise. Politiquement, cette mesure est devenue nécessaire pour le Gouvernement lorsqu'il a dû financer le passage du RMI au RSA : pour trouver 1,5 milliard d'euros, vous avez taxé les revenus du capital, c'est-à-dire les classes moyennes, et vous avez exonéré de cette taxation ceux qui bénéficient d'un bouclier fiscal dont les défenseurs sont de moins en moins nombreux.

Quant à la mesure elle-même de suppression des deux tiers de l'impôt sur le revenu pour les contribuables éligibles à la première tranche du barème, je ne peux que renvoyer ceux qui semblent enthousiastes à l'idée de la voter au rapport de Gilles Carrez, notre rapporteur général : il démontre mieux que quiconque que cette mesure est en réalité très mal ciblée. Il suffit de rappeler que plus d'un foyer fiscal sur deux est exonéré de l'impôt sur le revenu : cela donne une idée de l'effort consenti, et des publics pour lesquels cet effort est consenti.

Nous approuvons ces amendements, mais naturellement nous refusons l'esprit d'une mesure dont nous estimons, à l'instar du rapporteur général, qu'elle est particulièrement mal ciblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

C'est le grand écart !

(Les amendements identiques nos 20 et 31 sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Sur l'article 1er, nous nous abstenons !

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en arrivons aux amendements portant articles additionnels après l'article 1er.

Je suis saisi d'un amendement n° 28 .

La parole est à M. Charles de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Dans la loi du 13 juillet 2006, nous avons créé un nouveau contrat spécial de construction : la « vente d'immeuble à rénover ».

Hélas ! comme souvent, cette mesure n'a pas été bien bordée. Du point de vue fiscal, l'instruction n'est toujours pas disponible : elle devrait sortir en milieu d'année. Le décret d'application n'est sorti que deux ans et demi plus tard, à la fin de l'année 2008.

Le problème est de savoir comment sera traitée la vente d'immeuble à rénover du point de vue du droit d'enregistrement d'une part, et de la TVA d'autre part. Lors d'une VIR, le prix d'achat se compose en effet de deux éléments : l'achat proprement dit, d'un montant, mettons, de 100, et un contrat pour rénover, d'un montant disons de 50. Les droits d'enregistrements s'appliquent-ils à la totalité – les 100 plus les 50 – ou bien s'appliquent-ils uniquement au premier élément ? S'ils s'appliquent à la totalité, vous tuez ce contrat. De même, le taux de TVA sur les travaux est-il de 5,5 % – qui est le taux que vous paierez si vous achetez un bien et que vous le rénovez – ou de 19,6 % ?

En l'état actuel des choses, selon la réponse donnée en commission par notre rapporteur général, les droits, d'enregistrement s'appliquent à la totalité – soit 100 plus 50 dans l'exemple que j'ai pris – et le taux de TVA est de 19,6 %. Si tel est effectivement le cas, il faut abroger cette disposition, votée il y a près de deux ans et demi, car elle est totalement inapplicable. J'attends donc une réponse du Gouvernement sur les points que j'ai soulevés. Est-il prêt à adopter cet amendement afin de donner à la VIR un statut fiscal qui lui permette de fonctionner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission n'a pas adopté cet amendement.

Monsieur Courson, il faut être clair : s'il avait été examiné dans le cadre d'une loi de finances, ce dispositif fiscal n'aurait pas été adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

C'est un dispositif fiscal qui a pour but de ne pas créer de distorsions sur ce type de vente par rapport au droit commun.

Je vous rassure sur un point : le régime de TVA applicable est le régime normal ; si les travaux sont éligibles au taux de 5,5 %, c'est ce taux qui est appliqué.

Du point de vue des droits d'enregistrement, c'est évidemment le montant total qui est pris en compte. Sinon, que ferions-nous pour les ventes en l'état futur d'achèvement ?

Je pense aussi – et vous y êtes sensible comme moi, monsieur de Courson – aux départements. En ce moment, ils souffrent de la diminution des recettes venues des droits de mutation à titre onéreux. Je ne vois donc aucun intérêt à mettre en place un régime fiscal dérogatoire, et je vous confirme que c'est le régime fiscal normal qui s'applique. Je vous confirme donc aussi que l'intérêt des VIR, de ce point de vue, n'est pas fondamental.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, pour donner l'avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

C'est certainement un amendement réfléchi, mais, comme le disait le rapporteur général, le vendeur vend avec l'idée de vendre aussi la rénovation, les travaux qui vont avec. Il est donc naturel que les droits de mutations portent sur l'ensemble : sinon, il peut vendre l'immeuble en l'état, et la rénovation sera faite par la suite. Ici, ce n'est pas le cas, d'autant qu'il bénéficie d'une mesure de trésorerie, puisqu'il vend et finance ensuite les travaux grâce au produit de la vente. C'est un paquet global.

L'amendement créerait donc une forte distorsion par rapport à celui qui vend un immeuble qu'il a déjà rénové. Le législateur s'est déjà posé la question, et y a me semble-t-il répondu de façon logique.

Quant au taux de TVA, il est bien de 5,5 % lorsque le vendeur effectue des travaux de rénovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mon but était d'obtenir une réponse. Le rapporteur général est allé un peu plus loin en estimant que ce concept de vente d'immeuble à rénover était en définitive inopérant : comme le dit le ministre, il vaut mieux alors acheter un bien pour le rénover ensuite.

Je ne suis pas d'accord avec les interprétations du ministre et du rapporteur général : il y a discrimination. Si j'achète en direct et que je rénove, je ne paye pas les droits d'enregistrement sur les travaux de rénovation. On n'a donc pas bien légiféré.

J'espérais que vous iriez jusqu'au bout, monsieur le ministre, et que vous proposeriez de supprimer la VIR.

Je retire l'amendement.

(L'amendement n° 28 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 39 .

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Avec le recul d'une année entière d'application du texte « Travail, emploi, pouvoir d'achat », nous voyons maintenant combien nos mises en garde et nos critiques, à l'été 2007 et depuis, étaient pleinement justifiées. L'iniquité que représente le bouclier fiscal a été justement dénoncée, et elle est maintenant bien connue et condamnée par nos compatriotes. Mais les effets néfastes des autres mesures de cette loi méritent d'être soulignés.

Le coût global du paquet fiscal a été chiffré par le ministère de l'économie à 7,7 milliards d'euros, ce qui est inférieur aux prévisions initiales, du fait de la crise qui a, par exemple, gelé le marché immobilier et limité le coût du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts immobiliers à 250 millions d'euros.

En matière de droits de succession et de dons exonérés, les cadeaux faits aux contribuables détenteurs des plus gros patrimoines valent d'être signalés, puisqu'il s'est agi, en 2008, de 2 milliards d'euros, à rapprocher des 2,6 milliards que le Président de la République a présentés comme le volet social du plan de relance. Désormais, 93 % des successions sont totalement exonérées de droits et l'objectif du Président est d'aller jusqu'à 95 %, les 5 % restant voyant leur contribution réduite substantiellement. Veut-on aller vers une société de rentiers qui perpétuera par l'héritage les privilèges d'une minorité de possédants ? C'est ce que vous nous préparez en exonérant toujours davantage les gros patrimoines, tout en parlant constamment des petites successions, qui étaient déjà dispensées de droits avant le paquet fiscal.

Quant aux exonérations de cotisations et d'impôts sur les heures supplémentaires, ce sont de véritables machines à produire des chômeurs, puisque les chefs d'entreprises sont incités à faire accomplir des heures supplémentaires aux salariés en place au lieu d'embaucher. Cette situation est évidemment intolérable et les syndicats sont totalement fondés à demander, notamment par la grève d'aujourd'hui, la suppression de ce mécanisme pervers. C'est pourquoi, nous vous proposons de voter l'abrogation de la loi TEPA.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Avis défavorable, bien sûr.

Je veux simplement rappeler que le marché immobilier ne s'est pas effondré en France. Il a certes diminué un peu, mais je ne voudrais pas que soient véhiculées des idées fausses sur l'état de notre économie, qui résiste un peu mieux en ce domaine.

Vous avez hier très longuement vilipendé la mesure sur les heures supplémentaires que contenait la loi TEPA, mais rappelez-vous que 5,5 millions de salariés ont bénéficié de cette mesure qui a contribué à augmenter leur salaire d'un peu plus de 3 % en moyenne. À l'égard de ces salariés, il me paraît bien curieux de condamner une disposition qui a permis d'augmenter leur pouvoir d'achat et donc – admettons-le tout de même – de gagner plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

C'est une mesure scandaleuse, qui restera comme telle dans l'histoire ! Vous serez obligés de revenir dessus !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Vous ne la garderez pas jusqu'au bout cette loi TEPA, madame la ministre ! Vous verrez !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Nous voterons l'amendement de suppression du paquet fiscal, mais je voudrais profiter de l'occasion pour poursuivre le débat sur les heures supplémentaires.

Hier, madame la ministre, vous avez contesté le fait que la France avait la particularité d'être le seul pays au monde où les heures supplémentaires coûtaient moins que les heures normales, au prétexte que 5,5 millions de salariés en auraient profité l'année passée. Le problème, c'est que la conjoncture a changé.

Si les heures supplémentaires détaxées, défiscalisées, pouvaient avoir un intérêt en période de croissance, lorsqu'il y a des créations d'emplois, lorsque les jeunes trouvent du travail au sortir de leur cursus de formation, lorsque le chômage partiel ne s'étend pas, lorsque les annonces de plans sociaux ne se multiplient pas,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

…le recours à ces heures supplémentaires ne peut plus se justifier dans la conjoncture actuelle. Aujourd'hui, tout se passe comme si le contribuable payait des destructions d'emplois. Les heures supplémentaires ne peuvent qu'empêcher les créations d'emplois dans les entreprises. Quelles sont aujourd'hui les entreprises en surchauffe qui ont absolument besoin d'heures supplémentaires ? En revanche, nous avons besoin d'heures de travail supplémentaires pour ceux qui sont au chômage partiel et pour les demandeurs d'emploi. Voilà pourquoi notamment nous voterons l'amendement de M. Sandrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 41 et 63 .

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 41 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Cela a été maintes fois répété par plusieurs de nos collègues, nous assistons depuis plusieurs années à un recul préoccupant de la justice fiscale.

Rappelons qu'avant les réformes intervenues sous la précédente législature, avec la réduction du nombre de tranches de l'impôt sur le revenu et la mise en place de la funeste mesure dite du bouclier fiscal, l'impôt sur le revenu représentait encore 38 % de la réduction des inégalités constatées. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas.

Votre politique s'est traduite pendant des années par l'accumulation sans précédent des niches fiscales. Ces mesures fiscales dérogatoires ont contribué à miter et à pervertir l'impôt sur le revenu, au point de permettre à certains contribuables parmi les plus aisés d'annuler dans les faits leur impôt.

La commission des finances s'est penchée sur le problème. Un rapport de juin 2008 a permis d'établir le constat du coût budgétaire faramineux des niches fiscales – 73 milliards d'euros en 2008, soit une augmentation de 46 % en cinq ans – alors que, dans le même temps, vous vous plaigniez que les caisses étaient vides. Le rapport établit que chacun des 100 000 contribuables concernés réduit son impôt de 15 240 euros en moyenne et que, pour 100 d'entre eux, la réduction atteint en moyenne 1 132 000 euros !

L'idée d'un plafonnement général des niches fiscales a donc refait surface et a connu un début de concrétisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Le fait est révélateur du dévoiement de l'impôt sur le revenu que la majorité a opéré, de la rupture assumée avec le principe affirmé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Plutôt que de vous attacher à définir des modes de calcul équitables et profitables à tous, votre politique fiscale a été guidée par des préoccupations sur lesquelles pèse le lourd soupçon de clientélisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Pendant deux ans, vous n'avez eu de cesse de nous répéter que ce fameux bouclier fiscal bénéficiait en premier lieu aux classes moyennes. Argument fallacieux ! Vous masquiez volontairement le fait que les 60 % de bénéficiaires disposant de faibles revenus ne touchaient que l % de l'ensemble des restitutions. Les chiffres ont déjà été énoncés, ils sont éloquents, je ne les reprends pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Sans doute, mais cela permet d'aller un peu plus vite.

Aujourd'hui, vous nous dites, changeant soudainement d'argumentaire, que la justification de cette mesure d'exception en faveur des plus riches serait la concurrence fiscale : il s'agirait d'éviter l'exode fiscal des plus riches.

L'argument est emprunté au discours de Nicolas Sarkozy, qui expliquait mardi dernier que son but était de faire venir en France des gens qui ont de l'argent pour qu'ils investissent dans nos usines et nos entreprises, non de les faire partir.

L'argument est, encore une fois, battu en brèche par les chiffres. Rapporté au nombre de contribuables assujettis à l'ISF, le nombre de départs pour cause d'exil fiscal demeure marginal : depuis le début des années 2000, le nombre de candidats à l'exil fiscal ne représente tendanciellement que 0,12 % des redevables de l'ISF. Dépenser 400 millions d'euros annuels, et même un peu plus…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

…pour éviter le départ de 0.12 % des redevables à l'ISF, cela prête à sourire.

Il serait plus honnête de votre part de dire clairement qu'il s'agit de complaire par cette mesure aux Français les plus riches, parmi lesquels figurent nombre des proches amis du Président de la République, et que le bouclier fiscal relève tout simplement de petits arrangements entre amis.

Pour notre part, nous continuerons évidemment à demander la suppression de cette mesure qui constitue une violation manifeste des principes républicains les plus élémentaires. C'est le sens de l'amendement n° 41 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour soutenir l'amendement n° 63 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Cet amendement vise à supprimer le bouclier fiscal. À cet égard, je voudrais compléter l'argumentation que vient de développer notre collègue Jean-Claude Sandrier.

D'abord, grâce au travail de la commission des finances et de son président, nous connaissons les résultats de la campagne 2008. Ainsi, nous savons qu'environ 800 contribuables français vont faire l'objet d'une restitution du Trésor public de 300 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Dans le même temps, nous nous apprêtons à examiner, dans ce projet de loi de finances rectificative, une mesure qui permettra de donner des bons d'achat correspondant à des services à la personne pour 300 millions d'euros, mesure qui devrait profiter à 1 500 000 foyers. D'un côté, on a 300 millions d'euros pour 1 500 000 foyers ; de l'autre, on a 300 millions d'euros pour 800 contribuables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Tout à l'heure, j'ai entendu les mots de « justice fiscale » prononcés naturellement avec coeur et sincérité par certains de nos collègues de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

La comparaison du nombre de bénéficiaires des deux mesures prouve que nous n'avons pas tout à fait la même conception de la justice fiscale.

Par ailleurs, parler de prélèvement confiscatoire pour justifier le bouclier fiscal est un peu curieux. Un rapport récent du Conseil des prélèvements obligatoires, présenté devant la commission des finances par le président Philippe Séguin, montre qu'en matière de fiscalité du patrimoine, la France est à 8 % quand le Canada est à plus de 10 %, les Etats-Unis à plus de 11 %, l'Australie à plus de 9 %, le Royaume-Uni à plus de 12 % et le Japon à plus de 9 %. Bref, c'est dans notre pays que la fiscalité du patrimoine est en fait la plus basse, comparativement aux pays auxquels nous avons l'habitude de nous confronter. Dans ces conditions, parler de compétitivité fiscale en matière de patrimoine n'est pas juste.

Enfin, j'ai entendu, comme vous, la phrase du Président de la République, phrase d'ailleurs bien sentie, comme toujours, qui, dans un premier temps, interpelle fortement avant de laisser dubitatif, la réflexion venue. Le Président de la République a indiqué qu'il n'avait pas été élu pour augmenter les impôts. Je ferai simplement remarquer qu'il n'a pas non plus été élu – M. Emmanuelli l'a indiqué hier – pour aggraver comme jamais les déficits publics. Il n'a pas été élu non plus pour voir le chômage exploser – jamais son niveau n'avait augmenté dans de telles proportions depuis une vingtaine d'années ! Nous pourrions multiplier les exemples. Manifestement, ni vous ni nous ni lui n'avons été élus pour que les choses se passent comme elles se passent aujourd'hui. Se retrancher ainsi derrière un critère sélectif pour refuser une mesure et accepter le reste ne nous paraît pas acceptable.

Cela est d'autant moins acceptable qu'il n'a pas eu ce réflexe presque populiste consistant à dire qu'il n'avait pas été élu Président de la République pour augmenter les impôts lorsque vous avez augmenté les franchises médicales, cet impôt supplémentaire qui rapporte 850 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Vous n'avez pas eu ce réflexe lorsque votre créativité fiscale vous a amenés à instaurer une taxe sur les poissons, les mollusques et les crustacés, qui rapporte 80 millions d'euros.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Vous n'avez pas eu ce réflexe lorsque vous avez taxé les copies privées des disques durs externes et des clefs USB, ce qui rapporte quand même 30 millions d'euros.

Vous n'avez pas eu ce réflexe lorsque vous avez taxé les revenus du patrimoine et du capital, ce qui rapporte 1,5 milliard d'euros.

Vous n'avez pas eu ce réflexe lorsque vous avez taxé les mutuelles et les assurances de santé, ce qui rapporte 1 milliard d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous n'avez pas eu ce réflexe lorsque vous avez taxé la participation et l'intéressement, ce qui rapporte 300 millions d'euros.

Vous n'avez pas eu ce réflexe lorsque vous avez décidé de taxer le chiffre d'affaires des opérateurs de téléphonie mobile et des fournisseurs d'accès à Internet…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…ce qui rapporte 400 millions d'euros.

Vous n'avez pas eu ce réflexe lorsque vous avez taxé les chaînes de télévision privées, ce qui rapporte 80 millions d'euros.

Vous n'avez peut-être pas été élus pour augmenter les impôts, mais vous n'employez cet argument que lorsqu'il s'agit de protéger 800 contribuables auxquels le Trésor public a rendu l'année dernière 300 millions d'euros. Je regrette que vous manifestiez tant de soins pour 800 contribuables et que vous ayez méconnu à ce point les millions de Français qui vont tous payer les taxes dont je viens de faire la liste, au demeurant non exhaustive.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission a rejeté cet amendement. Une fois de plus, notre collègue Jérôme Cahuzac a la mémoire un peu courte.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ce dispositif a été mis en place par le gouvernement Rocard lorsque la majorité socialiste a décidé de rétablir l'ISF.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La majorité de l'époque estimait que l'impôt ne pouvait pas être confiscatoire et redoutait le départ à l'étranger de contribuables désespérés.

Les chiffres de 1989-1990 montrent que les restitutions ont représenté des centaines de millions. Ces restitutions ont été opérées sur la base du principe selon lequel dans une démocratie normale, l'impôt ne peut pas être confiscatoire, spoliateur. C'est le principe de l'article 1er du code général des impôts, qui institue le bouclier.

Le vrai problème, ce n'est pas qu'un contribuable verse 50 % de son revenu sous forme d'impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Le vrai problème, c'est qu'un contribuable qui a des revenus très élevés réussisse, à coups de défiscalisations, à ne pas payer d'impôt du tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Et ce problème, les socialistes, que ce soit entre 1988 et 1993 ou entre 1997 et 2002, n'ont jamais eu le courage de le résoudre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

C'est notre majorité qui s'est attaquée au problème. Nous sommes en effet les seuls à avoir instauré à la fois le plafonnement des niches une par une et le plafonnement global.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cacheux

Vous n'avez pas plafonné toutes les niches ! Vous avez laissé des trous !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Grâce au plafonnement global, dès 2010, c'est-à-dire sur les revenus de 2009, un contribuable en France ne pourra pas défiscaliser plus de 25 000 euros plus 10 % de son revenu imposable. C'est un progrès considérable en termes de justice fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous avons mis en place ce principe fondamental qui existe d'ailleurs partout. L'Allemagne l'avait décidé dans le cadre d'une décision de la cour de Karlsruhe il y a déjà une quinzaine d'années. Aujourd'hui, dans tous les pays, un contribuable ne peut pas acquitter plus de 50 % de ses revenus sous forme d'impôts.

Ce principe est parfaitement juste et je vais vous donner des exemples. Le président de la commission des finances a mis en évidence, hier, dans une interview, le fait qu'il serait restitué à environ 800 contribuables de l'ordre de 300 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Mais sans la protection du bouclier fiscal, ces contribuables auraient payé entre 80 % et 110 % de leurs revenus sous forme d'impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ils auraient été anéantis sous une avalanche fiscale que vous-mêmes aviez refusée pendant les deux législatures durant lesquelles vous étiez au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Parce qu'ils avaient organisé la baisse de leurs impôts !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Je prends l'exemple de l'un de ces contribuables qui devrait payer 75 % de son revenu sous forme d'impôts. Le fait qu'on lui restitue 25 % – la différence entre 75 % et 50 % – ne l'empêche pas de payer deux fois plus d'impôt que ce qu'on lui a restitué : on lui restitue 25 % mais il ne faut pas oublier qu'il paie déjà 50 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Si l'on veut être honnête, il faut donner tous les éléments. En 1988, la majorité socialiste avait mis en place un système qui ne plafonnait que l'ISF, à hauteur de 70 %. Nous avons raisonné différemment en considérant le cas des ménages modestes qui, s'ils sont propriétaires, paient à la fois la taxe foncière et la taxe d'habitation. Il ne serait pas normal que le principe mis en oeuvre par les socialistes ne s'applique qu'aux contribuables assujettis à l'ISF. C'est pourquoi nous avons opté pour un bouclier qui prend en compte non seulement l'impôt sur le revenu, l'ISF, mais également les impôts sur la résidence principale.

Le résultat est au rendez-vous. Deux tiers des 14 000 contribuables auxquels une somme a été restituée ne paient pas l'ISF et déclarent un revenu imposable inférieur à 12 000 euros par foyer. C'est dire que nous avons mis en place une mesure juste.

Il est tout à notre honneur d'avoir associé un plafonnement de l'impôt – parce que celui-ci ne doit pas être spoliateur – à un plafonnement des niches – parce qu'aucun contribuable percevant des revenus confortables ne peut s'exonérer de l'impôt. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Je serai bref, car nous avons beaucoup parlé de ces questions depuis dix-huit mois. D'ailleurs, je souscris aux explications du rapporteur général. Quoi qu'en disent les médias, qui font souvent la part belle au bouclier fiscal, le collectif vise d'abord à diminuer de deux tiers l'impôt sur le revenu de 2008 des catégories moyennes figurant dans la première tranche du barème ou au début de la deuxième.

Le bouclier fiscal, dont le nom n'est peut-être pas bien choisi, plafonne l'impôt à 50 %.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Nous considérons en effet que le contribuable n'a pas à être imposé au-delà de ce taux. Ce principe simple et juste est appliqué dans la plupart des autres pays. D'ailleurs, quand on cite en exemple les États-Unis, qui associent les plus riches à la relance, il faut songer que le patrimoine n'y est pas imposé comme il l'est aujourd'hui en France. Toute comparaison doit être faite à système fiscal équivalent. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.) Dans le cas inverse, on se trompe. La gauche ne devrait pas porter aux nues certaines mesures prises à l'étranger, en oubliant que l'imposition est parfois beaucoup plus lourde en France.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le plafonnement est juste, parce qu'il concerne tous les contribuables, des plus modestes aux plus favorisés.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Il n'y a qu'une France, et il faut être juste avec tout le monde. Les chiffres qu'a cités M. Carrez sont exacts. Avant remboursement, les 834 contribuables évoqués hier par le président de la commission des finances avaient payé entre 90 % et 100 % – sinon plus – de leurs propres revenus.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

On ne peut se contenter d'un système fiscal qui aboutit à ce résultat. Il constitue en effet une formidable incitation à émigrer, ce qu'un grand nombre de nos contribuables n'a pas hésité à faire pendant des années. C'est d'ailleurs pour éviter ces départs que M. Rocard avait essayé de plafonner l'ISF.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Nous devons donc assumer pleinement cette mesure juste et honnête. Elle s'impose dans une économie comme la nôtre.

Enfin, je rappelle que nul n'est venu à Bercy nous arracher les statistiques. Ni Mme Lagarde ni moi-même n'avons tenté de cacher quoi que ce soit. Notre principe est de transmettre les données au président de la commission des finances et au rapporteur général dès que nous les recevons. L'an dernier, cela a été fait en mars. Cette année, l'expérience aidant, nous les avons transmises plus tôt, non sur injonction mais spontanément, à charge pour le président de la commission d'en faire l'usage qu'il veut.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je veux apporter un complément d'information à M. Cahuzac, auquel je recommande la lecture d'un ouvrage rédigé par le Conseil des prélèvements obligatoires : Le Patrimoine des ménages. Je le renvoie à la cinquième partie, chapitre I, page 247 : « Des comparaisons internationales globales montrent que le montant des prélèvements sur le patrimoine au sens large est globalement élevé en France, et surtout en constante progression », et page 249 : « La France a donc un niveau de prélèvements sur le patrimoine des ménages globalement plus élevé que les autres États de l'Union européenne. » Cette publication est de bonne qualité, et l'on ne peut suspecter le Conseil des prélèvements obligatoires de mauvaise foi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je m'étonne que nos collègues communistes et socialistes renient aujourd'hui leur passé.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Dans la loi de finances de 1989, l'article 26, alinéa 5, plafonnait IR et ISF à 70 % du revenu fiscal net.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mieux ! J'ai retrouvé un amendement extrêmement intéressant déposé par Alain Richard, alors rapporteur du budget, et cosigné par Raymond Douyère, ainsi que par un certain Dominique Strauss-Kahn.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ceux-ci, jugeant trop dur le projet gouvernemental de mettre en place un bouclier à 80 %, proposaient de le réduire à 70 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

L'amendement avait été voté par les communistes et les socialistes, la majorité parlementaire d'alors adoptant ainsi un plafond plus bas que celui proposé par le Gouvernement. Pourquoi nos collègues veulent-ils aujourd'hui remettre en cause un principe qu'il avait alors approuvé ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je comprends que cela vous gêne, mais il faut avoir un peu de cohérence ! (« Ils ne sont pas à une incohérence près ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous dénoncez aujourd'hui le principe du bouclier fiscal, mais personne ne peut s'y opposer. Le seul problème est de savoir à quel niveau on le situe et ce qu'on y inclut.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Vous avez jadis commis l'erreur, que nous avons perpétuée, de retenir comme dénominateur le revenu fiscal net, au lieu du revenu de référence.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Je vais y venir.

Sur le dénominateur, chers collègues communistes et socialistes, rappelez-vous les statistiques citées par le président de la commission. Vingt Français, dont le revenu fiscal net est inférieur à 3 263 euros, possèdent un patrimoine supérieur à 15,5 millions d'euros. Dans leur cas, l'article 26 de la loi de finances de 1989 et le dispositif actuel aboutissent à une aberration. À ces contribuables extrêmement fortunés, mais disposant d'un revenu fiscal net très bas, on va rembourser les impôts locaux, la CSG et le CRDS. C'est insensé !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est sur ce point, mes chers collègues, que nous devons nous mettre d'accord. Comme nous l'avons fait à l'unanimité dans l'article 1er, nous devons retenir le revenu de référence !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

J'en viens au débat sur le numérateur. À l'époque, vous n'avez pas eu à trancher cette question, puisque la CSG n'existait pas : elle a été créée l'année suivante par Michel Rocard.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Or la CSG a été incluse dans le numérateur, mesure que nous avions désapprouvée. Nous pensons au contraire qu'il faut l'en sortir, au même titre que la CRDS. Vous le voyez, le débat porte non pas sur le principe du bouclier, que vous avez approuvé, mais sur son contenu. Évitons par conséquent la démagogie. La République ne s'en portera que mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

M. Cahuzac n'a fait que répéter les arguments du président de la commission des finances, lequel n'a pas dit toute la vérité. Or, sur ce sujet important, les Français doivent être éclairés.

Les chiffres fournis par Bercy ne sont pas discutables : les 834 contribuables cités ont reçu en moyenne un remboursement de 368 000 euros. Mais la vérité est que 90 % d'entre eux paient plus de 100 % d'impôts, taux d'imposition que nous refusons tous de manière unanime, puisque la gauche elle-même a créé le principe du bouclier fiscal.

Il faut donc citer les vrais chiffres, monsieur Migaud. Chacun de ces contribuables paie en moyenne 701 000 euros d'impôt, moins 368 000 euros. Le bouclier fiscal plafonnant l'impôt à 50 %, ils acquittent 330 000 euros. Cela signifie globalement que plus de 300 millions d'euros ont été versés à la collectivité.

Il faut considérer, en outre, que ces contribuables se seraient ajoutés à la longue liste de ceux qui ont quitté notre pays. Or, ce sont pour la plupart des chefs d'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Leur départ aurait mis en péril un grand nombre d'emplois. M. le ministre a donc eu raison de souligner que nous devons assumer totalement cette mesure juste et efficace. C'est d'autant plus facile quand on connaît la vérité qu'il ne faut, monsieur le président de la commission, ni masquer ni travestir.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, je demande la parole pour faire un rappel au règlement sur la façon dont les députés non-inscrits sont traités dans cet hémicycle. Ce n'est pas normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Garrigue, je vous ai fait un signe pour vous indiquer que je vous donnerai la parole. Mais vous vous êtes manifesté après que M. Emmanuelli a demandé à intervenir…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Non, monsieur le président : j'ai demandé la parole avant lui !

La manière dont la présidence de l'Assemblée traite les députés non-inscrits est inacceptable. Cela procède du même esprit que celui motivant le projet de loi organique en cours de discussion qui vise à encadrer le temps de parole des parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Garrigue, M. de Courson m'a demandé la parole en premier, puis M. Lefebvre et M. Emmanuelli l'ont fait dès que nous avons commencé à discuter des amendements. J'ai donc appelé les orateurs exactement dans l'ordre dans lequel ils se sont manifestés, ce qui me paraît tout à fait naturel.

La parole est à M. Henri Emmanuelli.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur le rapporteur général, la droite est au pouvoir depuis sept ans, depuis 2002 : allez-vous répondre pendant des années encore aux problèmes quotidiens en faisant allusion à une époque révolue ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis hier, M. de Courson nous parle d'un l'amendement déposé par M. Strauss-Kahn et adopté par la gauche. Effectivement, nous avons voté cet amendement, mais il ne portait que sur l'ISF et visait à ramener le plafonnement de 80 % à 70 %.

Monsieur de Courson, puisque vous tenez tant à nous rappeler cet amendement, je vous propose de revenir aujourd'hui à 70 % pour le bouclier fiscal et il n'y aura plus de problème ! Cela nous conviendrait parfaitement, mais vous vous garderez bien de le faire. Vos propos ne sont donc qu'une logorrhée sur un sujet qui mérite mieux que cela. Je vous rappelle d'ailleurs qu'en ce qui concerne la CSG, vous avez voté la censure contre le Gouvernement de l'époque. Mais vous n'étiez pas au Nouveau centre et, à vous entendre depuis deux jours, je mesure la difficulté d'être assis entre deux chaises !

Madame Lagarde, monsieur Woerth, je ne comprends pas que, dans la conjoncture actuelle, vous ne perceviez pas le trouble qui a saisi le pays…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

…et une partie de votre majorité sur un sujet qui, vous le savez parfaitement, est indéfendable.

Monsieur Lefebvre, les chiffres cités par le président de la commission des finances sont justes. Et si nous devions choisir entre les siens et les vôtres, vous imaginez bien où nous pencherions. Sur ce sujet, vous pouvez d'ailleurs constater que l'opinion publique ne se trompe pas. Je comprends que vous vous trouviez dans l'obligation de faire respecter l'oukase édicté mardi matin, si l'on en croit les gazettes. Ce n'est toutefois pas une raison pour tordre la réalité et faire passer à la trappe les données que le président de la commission des finances a eu raison de mettre sur la place publique, car elles sont inadmissibles et intolérables.

Monsieur Woerth, sur l'article 1er et l'impôt sur le revenu, que vous avez qualifié de sujet principal, nous nous sommes contentés de voter les amendements et de nous abstenir sur l'article. Sur cette question, nous ne vous reprochons rien, mais ce n'est pas le cas pour ce qui touche au bouclier fiscal. Là il y a injustice, et elle est tellement grande que cela finit par ressembler à une provocation ; vous le savez très bien.

Madame la ministre, vous nous avez lu un extrait d'un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Très bien ! Mais M. Cahuzac a cité le même document et, si j'ai bien compris, chacun a choisi sa page. Vous vous êtes limitée aux comparaisons avec les États de l'Union européenne alors que Jérôme Cahuzac a élargi la perspective en citant les États-Unis ou le Japon. D'ailleurs, une fois encore, vous ne lui avez pas répondu et vous avez essayé de sauver les meubles – c'est votre rôle, j'en conviens. Pourtant, cela ne changera rien à la réalité : la situation fiscale que vous avez créée est inacceptable et vous savez bien que, dans la crise économique que nous traversons, elle deviendra de plus en plus insupportable.

Vous devriez vous souvenir que ce pays a parfois des réflexes un peu curieux. Un député de la majorité le rappelait hier soir : en France, l'injustice fiscale est souvent le point de départ des crises sociales et politiques. Pourquoi vous acharnez-vous à ne pas écouter certains membres de votre majorité qui essaient de vous faire comprendre que trop c'est trop et que le vase va déborder ?

Vous continuerez à nous dire que tout va bien, mais les Français ont entendu que 800 contribuables reçoivent plus de 300 millions d'euros – et non 300 000 euros, comme l'a dit tout à l'heure M. le rapporteur général qui a commis un lapsus. Dans la situation actuelle, vous ne ferez avaler cela à personne !

Monsieur Woerth, vous ne cessez d'invoquer les malheureux qui prendraient la tangente parce qu'ils seraient maltraités en France. Je trouve très curieux que des membres du Gouvernement tiennent ce discours. Alors que dans le cadre de notre Constitution chacun est censé contribuer proportionnellement, je trouve très curieux que vous puissiez officiellement dire qu'il ne vous paraît pas anormal que des gens quittent le pays pour des raisons financières.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

De tels comportements font partie de notre histoire. On entend ces arguments depuis 1789. J'appelle cela le syndrome de Coblence, et ce n'est ainsi que vous réglerez le problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Le dispositif Rocard était très différent de celui du bouclier fiscal. (« Évidemment ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Quand l'impôt sur les grandes fortunes a été institué en 1981, certains députés de l'opposition avaient déposé des amendements, dits « vieilles dames », précisément, afin de régler le problème de vieilles dames qui, habitant de grands appartements dans le centre de Paris, tombaient sous le coup de l'impôt sur la fortune sans disposer de revenus leur permettant de l'acquitter. Le dispositif Rocard de 1989 n'était finalement qu'un amendement « vieilles dames » à retardement.

Aujourd'hui, le rapporteur général a raison de souligner que le bouclier fiscal peut-être utile pour certains petits contribuables pour lesquels le cumul des impôts locaux et de l'impôt sur la fortune – nous connaissons l'évolution des prix de l'immobilier dans plusieurs centres-villes – engendre une imposition sans commune mesure avec des revenus relativement faibles. Ce problème a toutefois une solution : il suffit de plafonner le bénéfice du bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Il faudrait déposer un amendement pour créer un dispositif de même nature que celui institué en 1989.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

De nombreux chiffres ont été cités, mais le plus souvent le Gouvernement et la majorité feintent pour décrire la réalité.

En France, vous insistez beaucoup sur ce seul point, il semble que les taux d'imposition soient relativement élevés, même s'il faudrait aller jusqu'au bout des comparaisons. En revanche, l'assiette des impositions en général est très réduite, et il existe de nombreuses exonérations fiscales. Il faut donc faire le bon calcul pour obtenir les véritables chiffres qui ne sont pas ceux que vous nous donnez.

Vous nous parlez de ceux qui partent. Il s'agit, d'après les données dont je dispose, de 0,1 % de ceux qui sont assujettis à l'ISF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ils sont donc très peu nombreux.

Par ailleurs, il y a aussi ceux qui arrivent. Si nous sommes le deuxième pays au monde pour l'accueil des investissements étrangers, c'est sans doute que tout le monde ne se trouve pas si mal que cela en France ! Personne ne cite cette donnée, il est pourtant important de rappeler cette réalité : la France attire les investisseurs.

Il y a dix ans, les 500 plus grosses fortunes françaises possédaient 6 % du PIB ; aujourd'hui elles en détiennent 14 %. Cela représente un enrichissement de 150 milliards d'euros en dix ans. Leur a-t-on tout pris ? Apparemment, elles ne s'en portent pas si mal que cela.

Selon une étude publiée par le magazine Capital, en sept ans, les revenus de 0,01 % des Français les plus aisés, soit 3 500 contribuables, ont augmenté de 43 %, et ceux du 1 % des plus riches de 19 %, alors que les revenus des 90 % de nos concitoyens les moins bien lotis ne progressaient que de 4,6 %. Cette étude précise que, durant cette période, le salaire réel moyen en France des 90 % les moins payés a peu augmenté, à peine de plus de 4 % en huit ans, tandis que celui du 1 % de Français les mieux payés progressait de 13,6 %, et celui des 0,01 % les plus gâtés de 50 %.

Quel est le résultat aujourd'hui – car c'est cela qui compte ? Premièrement, dans ce pays, des gens se sont enrichis, parfois de manière éhontée – il s'agit d'une tout petite minorité. Deuxièmement, la majorité des Français subit, en fait, une baisse de revenus. Troisièmement, l'État dit qu'il n'a plus d'argent. Cherchons donc l'erreur et arrêtons ce débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Charles de Courson a raison de rappeler l'épisode de 1988 et le rétablissement de l'impôt sur la fortune, dénommé ISF, après la suppression de l'impôt sur les grandes fortunes lors de la première cohabitation. Au passage, je n'ai pas eu le sentiment que ceux qui en avaient été les promoteurs s'en fussent félicité en 1988. Si nous faisons des rappels historiques, il ne faut pas ignorer d'autres épisodes comme celui de 1995.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

En 1988, le principe d'un bouclier avait bien été retenu, mais il concernait l'impôt sur la fortune et n'était relatif ni aux prélèvements sociaux – la CSG n'existait pas encore, mais il y avait bien des cotisations d'assurance maladie – ni aux impôts locaux. L'introduction des impôts locaux et des prélèvements sociaux dans le bouclier fiscal constitue l'un des vices profonds du dispositif adopté par la majorité avec le paquet fiscal. Nous avons commencé à en mesurer les conséquences quand nous avons dû trouver des ressources supplémentaires pour financer le RSA. C'est d'ailleurs à cette occasion, de manière assez habile, mais néanmoins sans tromper personne, que la majorité a décidé de plafonner les niches fiscales.

En 1995, Alain Juppé était Premier ministre et la majorité – la même que celle d'aujourd'hui – décidait de supprimer le bouclier que nous avions mis en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Au nom de quoi serions-nous illégitimes à proposer la suppression du bouclier fiscal adopté durant l'été 2007, alors que vous seriez légitimes à le maintenir, puisque c'est vous qui l'avez supprimé en 1995 ? Ces procès en illégitimité, qui portent sur des politiques passées, menées en outre par des personnes qui ne sont pas là pour s'en expliquer, ne font pas avancer les choses.

Nous pouvons être d'accord avec Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat – ainsi qu'avec le président de notre commission des affaires sociales, qui a tenu à peu près les mêmes propos –, lorsqu'il déclare que les inégalités générées par l'actuel bouclier fiscal sont choquantes à un point tel qu'elles remettent en cause son principe même. Peut-être pourriez-vous l'écouter, au lieu de nous répondre, quand nous dénonçons à notre tour ces inégalités, que le principe du plafonnement fut instauré en 1988 par un amendement de Dominique Strauss-Kahn, approuvé par le gouvernement de Michel Rocard et adopté par la majorité de l'époque. La question n'est pas là !

Encore une fois, nous ne vous reprochons pas d'avoir institué le bouclier fiscal au motif que vous avez voté sa suppression en 1995, sous le Gouvernement d'Alain Juppé. J'ajoute, d'ailleurs, que, dans le même temps, vous aviez augmenté la CSG de deux points,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

…après l'avoir déjà augmentée une première fois, de deux points également, en 1993, sans baisser à due concurrence les autres prélèvements obligatoires, ce que nous, nous avons toujours fait. Pourtant, lors de sa création, en 1989, vous aviez promis qu'une fois revenus au pouvoir, vous vous empresseriez de supprimer la CSG !

La véritable question est donc bien celle de la justice fiscale. Nous en restons à ce chiffre qui choque tout le monde, probablement au-delà des bancs de l'opposition : 800 contribuables se voient restituer près de 300 millions d'euros !

Les contribuables modestes qui bénéficient du bouclier fiscal sont un alibi, monsieur le rapporteur général. Ce n'est évidemment pas pour eux que vous avez pris cette mesure, et l'honnêteté intellectuelle devrait vous conduire à ne pas les mettre en avant pour cacher ceux que vous voulez en réalité protéger et que vous protégez excessivement.

Monsieur Woerth, permettez-moi de vous rappeler qu'il est des contribuables beaucoup plus modestes que ceux qui bénéficieront, cette année, d'une exonération des deux tiers de leur impôt sur le revenu : je veux parler de ceux qui ne paient pas du tout d'impôt sur le revenu et qui, eux, ne sont en rien concernés par votre mesure.

Quant au taux des prélèvements obligatoires dans ce pays, dont vous prétendez qu'il est un des plus élevés d'Europe, il a fait l'objet d'un débat en commission des finances. Nous sommes tombés d'accord sur un diagnostic commun. Certes, ce taux est plus élevé que dans d'autres pays, notamment en Grande-Bretagne. Mais cela tient à une raison très simple : dans ces pays, il n'existe pas de retraite par répartition obligatoire ; il y a une retraite par capitalisation facultative. Or, dans le premier cas, les cotisations sont comptabilisées dans les prélèvements obligatoires ; dans le second cas, elles ne le sont pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ainsi, si l'on retranche les cotisations pour la retraite par répartition, nous arrivons à des taux de prélèvements obligatoires comparables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Vous citez donc des chiffres dont les bases sont profondément faussées.

Par ailleurs, lorsqu'elle a cité le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, Mme Lagarde s'est limitée aux chiffres de l'Union européenne. Or, si l'on prend en compte les données de la Grande-Bretagne, on s'aperçoit que notre taux de prélèvement sur le patrimoine est inférieur à celui de ce pays, qui n'est pas particulièrement collectiviste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Ce débat est très intéressant et il me paraît légitime que l'Assemblée nationale discute de la fiscalité dans le cadre de l'examen d'un collectif, qui plus est dans une période de crise. La Révolution française a tout de même été faite pour cela. Nous sommes donc dans notre rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

S'agissant des niches fiscales, le débat me paraît quelque peu dérisoire. Il est vrai que c'est la majorité actuelle qui a voté le dispositif de plafonnement des niches fiscales ; c'est un fait, et il serait stupide de le nier. Mais force est de reconnaître qu'un tel plafonnement était devenu inévitable.

À ce propos, monsieur le rapporteur général, il me paraît un peu facile de reprocher à la gauche de ne pas l'avoir instauré lorsqu'elle était au Gouvernement car, à cette époque, les niches fiscales étaient beaucoup moins nombreuses, beaucoup moins puissantes, et le bouclier fiscal n'existait pas. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) En revanche, les mesures prises ces dernières années ont fini par rendre la question du plafonnement inévitable.

Le rapport que nous avons cosigné a ainsi mis en lumière un certain nombre de situations insupportables au regard de la justice fiscale, situations qui nous ont conduits à formuler quelques propositions. En effet, depuis 2002, le montant des niches fiscales est passé de 50 milliards à 75 milliards d'euros. Par ailleurs, si l'on prend l'exemple de la déduction pour emploi à domicile – qui a, c'est vrai, été proposée en son temps par Martine Aubry –, on constate qu'elle a été fortement amplifiée et que son effet est beaucoup plus puissant depuis que M. Sarkozy, alors ministre du budget, a décidé d'utiliser cette mesure pour diminuer l'impôt sur le revenu.

Compte tenu de ces évolutions, la question du plafonnement se posait donc avec une acuité particulière, et nous avons bien fait, monsieur le rapporteur général, de formuler des propositions à ce sujet. Mais il existe encore une marge de progression, car le plafond demeure extrêmement élevé. Le dispositif subira, du reste, l'épreuve de vérité lorsque nous examinerons son produit : si son montant est élevé, cela signifie qu'il a des effets réels ; dans le cas contraire, nous en déduirons qu'il ne concerne que peu de personnes.

S'agissant du bouclier fiscal, il est vrai qu'il profite à un certain nombre de contribuables modestes : ils sont un peu plus de 8 000. Mais il faut aller au bout du raisonnement : appliqué à ces personnes, il coûte moins de 5 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

D'un côté, nous avons donc plus de 8 000 personnes, qui touchent moins de 5 millions d'euros ; de l'autre, nous avons 834 personnes, qui vont se partager 307 millions d'euros. Il faut mettre ces chiffres en regard.

Au reste, d'autres solutions auraient permis de prendre en compte la situation de ces personnes modestes que vous mettez en avant. En effet, celles-ci sont souvent titulaires de minima sociaux, notamment dans des départements tels que la Réunion, mais elles sont propriétaires de leur appartement ou de leur maison. Or, en général, l'administration fiscale réglait elle-même ce type de problème par le biais des demandes de remise gracieuse, car les intéressés n'étaient, de toute façon, pas suffisamment solvables pour s'acquitter de l'impôt qui leur était réclamé.

En réalité, et le débat d'aujourd'hui le montre, le bouclier fiscal est justifié par l'existence de l'impôt de solidarité sur la fortune. Certes, vous ne l'aviez pas présenté ainsi à l'origine ; mais force est de constater que c'était une de vos arrière-pensées.

En ce qui concerne le plafonnement, ne caricaturons pas le débat : la gauche n'est pas pour un impôt confiscatoire ; elle souhaite que l'impôt soit juste et qu'il permette la redistribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Non, monsieur le rapporteur général. Lorsque nous avons été au Gouvernement, nous n'avons jamais instauré une fiscalité confiscatoire. Toutefois, nous souhaitons que l'État ait des moyens et, pour cela, il faut une fiscalité. Mais celle-ci doit être juste, progressive et tenir compte des revenus du patrimoine.

À ce propos, je veux dire à Frédéric Lefebvre que si les 834 contribuables qu'il a évoqués continuent d'acquitter un impôt important – en moyenne un peu plus de 300 000 euros –, il faut évaluer celui-ci au regard des revenus et du patrimoine de ces contribuables. En effet, ces 300 000 euros peuvent représenter, proportionnellement, beaucoup moins que l'impôt acquitté par des personnes assujetties à la première tranche de l'impôt sur le revenu. (« Évidemment ! » sur les bancs du groupe SRC.) C'est une question de justice fiscale.

Enfin, puisque certains ont tendance à récrire l'histoire, je précise que si ce sont bien Michel Rocard et Pierre Bérégovoy qui ont institué le plafonnement – lequel ne s'appliquait, je le rappelle, qu'à l'ISF et avait pour objectif d'éviter des situations qui pouvaient ne pas être comprises –, c'est M. Juppé qui a plafonné ce plafonnement, parce qu'il s'est aperçu que celui-ci n'empêchait pas un certain nombre d'optimisations fiscales ou de contournements.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Il l'a regretté !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

En tout cas, il n'est jamais revenu sur sa décision et ce plafonnement existe toujours. Vous avez contourné le problème en instituant le bouclier fiscal. Or celui-ci est contestable dans son principe, dans son montant et dans ses modalités de calcul puisque, nous y reviendrons, si l'application des niches fiscales permet de changer de tranche – le rapporteur général s'en est offusqué –, elle joue également pour le déclenchement du bouclier fiscal. On ne peut pas être choqué par une injustice qui met en jeu quelques centaines d'euros et ne pas l'être par une injustice qui porte sur des centaines de milliers d'euros. Je constate, du reste, que ce débat dépasse la gauche et qu'il agite les rangs de la majorité, comme en témoignent des amendements déposés par certains de ses membres.

Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Je souhaitais simplement prendre part à ce débat pour apporter quelques éclaircissements d'ordre historique, ainsi que des précisions sur les propositions formulées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Je souhaiterais ajouter un mot, monsieur le président. Ce débat est intéressant et légitime, comme le sont tous les débats qui se déroulent dans cet hémicycle. Nous assumons parfaitement la politique fiscale cohérente que nous avons choisie. La fiscalité est fondée sur un impôt sur le revenu, qui comporte des tranches élevées, et sur un impôt de solidarité sur la fortune, que nous avons maintenu en dépit du souhait exprimé par certains de le supprimer. Dès lors que ces deux éléments coexistent, le bouclier fiscal se justifie et il est même nécessaire.

Au fond, le problème concerne le taux, et l'opposition était d'ailleurs prête à le reconnaître. Vous estimez que 70 % c'était bien pour l'ISF. Nous, nous pensons qu'un taux de 50 % est juste. Du reste, la différence entre 70 % de l'ISF et 50 % du revenu global ne doit pas être si importante que cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Pourquoi avez-vous instauré le bouclier fiscal, alors ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Vous qui maniez les centaines de millions d'euros, je suppose que, si vous faites le calcul, vous parviendrez à des résultats assez proches.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le taux que nous avons choisi est clair et net : il s'agit d'un impôt fixé à 50 %.

Monsieur le président de la commission des finances, il est normal que les plus modestes parmi les bénéficiaires du bouclier fiscal touchent des sommes inférieures à celles que reçoivent les plus gros contribuables, puisqu'ils sont précisément plus modestes. Nous l'assumons parfaitement.

Mais le plus intéressant, c'est que ce dispositif vise l'ensemble du spectre des revenus. Les 8 000 personnes dont vous parlez, qui voient leur impôt diminuer du fait de leur faible niveau de revenus – des revenus souvent issus des prestations sociales – et qui doivent s'acquitter, pour la petite propriété qu'ils possèdent, d'impôts fonciers dépassant 50 % de leurs revenus, en bénéficieront également, ce dont on peut se féliciter.

Il me paraît préférable que les situations de ce type soient réglées par la loi, au moyen d'une règle claire et transparente, plutôt que par l'administration fiscale, au cas par cas. Certes, cela coûte assez cher, puisqu'il s'agit de personnes qui auraient payé énormément d'impôts – bien au-delà de 50 % de leurs propres revenus –,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…mais l'essentiel est qu'il s'agisse d'un système juste et cohérent (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), composé d'un impôt sur le revenu comportant des tranches et un barème important, d'un impôt de solidarité sur la fortune, d'un bouclier et d'un plafonnement des niches fiscales afin d'éviter que certains ne s'exonèrent totalement de l'impôt.

Cette cohérence s'exprime également, comme Christine Lagarde l'a rappelé tout à l'heure, par la lutte que nous menons actuellement de manière très puissante, avec l'appui du Président de la République…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

…et d'un certain nombre d'autres grands dirigeants de ce monde, contre les paradis fiscaux. Certes, ce souci de transparence ne répond pas forcément aux aspirations de chacun, et peut-être ne sommes-nous pas très loin du syndrome de Coblence à l'aérodrome de Genève. De la matière fiscale s'échappe de notre pays de manière anormale, ce contre quoi la pression internationale nous permettra de lutter plus efficacement. La crise a au moins le mérite de susciter un débat ayant notamment pour objet le niveau des rémunérations, qui est pour nous l'occasion d'affirmer que nous assumons pleinement le principe du bouclier fiscal à 50 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise de Panafieu

Très bien !

(Les amendements identiques nos 41 et 63 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Bravo Méhaignerie ! Il n'est même pas là pour voter !

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 2, de notre règlement. Puisque vous citez vos lectures, madame la ministre, je ne résiste pas à la tentation d'en faire de même, puisque j'avoue m'adonner moi aussi à ce que Valéry Larbaud qualifiait de « vice impuni ». En plus d'être agréable, la lecture est souvent utile. Ainsi celle du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires relatif au patrimoine des ménages me permet-elle de nuancer quelque peu ce que vous avez affirmé. S'il est exact que le prélèvement sur le patrimoine pratiqué en France peut paraître plus élevé en moyenne que dans d'autres pays, c'est en partie dû au fait que la structure de nos prélèvements obligatoires, par rapport au PIB, est également plus élevée ; dès lors, par un effet mécanique, la part du prélèvement du patrimoine est évidemment plus sensible. En revanche, si l'on s'attache aux choix opérés en matière de politique fiscale, en particulier à la part de prélèvement du patrimoine dans le total des recettes fiscales de l'État – et c'est bien le plus intéressant –, on constate alors que la France n'occupe plus la tête du classement, les pays anglo-saxons ayant fait le choix de frapper de préférence les revenus du patrimoine.

Je cite cette disposition du rapport : « La France a donc un niveau de prélèvements sur le patrimoine des ménages globalement plus élevé que les autres États de l'Union européenne. Cette situation résulte d'abord du niveau général des prélèvements obligatoires. » CQFD, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Gorce, votre intervention n'avait rien à voir avec un rappel au règlement. Elle visait uniquement à reprendre la parole. Cette façon de procéder est d'autant moins justifiée que sur les deux amendements précédents, j'ai laissé la discussion se poursuivre durant plus d'une heure (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais nous ne nous sommes pas plaints, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

…et j'ai donné la parole à tout le monde – deux fois plus au groupe socialiste qu'à tous les autres groupes, d'ailleurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Si nos collègues de la majorité préfèrent se taire, nous n'y pouvons rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Il n'était donc absolument pas justifié de prendre la parole au moyen d'un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Nayrou

Mais vous avez signifié la fin de la discussion sur ces amendements alors que plusieurs orateurs voulaient encore s'exprimer, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Effectivement, un grand nombre de députés ayant déjà pris la parole, j'ai estimé au bout d'un moment qu'il était temps de passer au vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Méhaignerie, lui, ne souhaite pas prendre la parole ! Il ne parle qu'aux journalistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 47 .

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Si j'ai bien compris, monsieur le président, vous souhaitez que l'on vous remercie pour la manière dont vous menez les débats ! (Sourires.)

Le Président de la République considère, comme hier son ami de toujours Jacques Chirac, que la France doit baisser le niveau de ses prélèvements obligatoires pour être présumée « compétitive » avec les pays qui se sont engagés sur la même voie. Et cela, quoi qu'il en coûte aux finances de l'État et quoi qu'il en coûte en termes de justice fiscale.

En matière budgétaire, cette obsession s'est traduite de longue date par un changement de méthode. Au traditionnel discours sur la « baisse des dépenses publiques qui entraîne une baisse des impôts » s'est substitué un choix plus radical, mais beaucoup plus pervers, exposé par les économistes libéraux les plus orthodoxes – et ayant vu le jour aux États-Unis il y a plusieurs décennies – consistant à « baisser d'abord les impôts pour tarir ensuite la dépense publique ». Belle théorie ! On mesure aujourd'hui, particulièrement en période de crise, les conséquences de ces choix : dégradation des services publics, casse systématique de l'emploi public, incapacité de l'État à jouer pleinement son rôle de levier économique.

Nous croyons urgent de permettre à l'État de retrouver des marges de manoeuvre et de supprimer, pour ce faire, l'ensemble des mesures fiscales dont l'efficacité économique est sujette à caution. Il y a bien évidemment les niches fiscales, que vous avez fait progresser, ces dernières années, de 46 % – c'est énorme ! – et qui atteignent aujourd'hui le montant faramineux de 73 milliards d'euros. Il y a également 25 des 32 milliards d'euros que représentent les différentes baisses de cotisations sociales patronales dont la Cour des comptes a souligné qu'ils ne servaient pas à l'emploi, les 3 milliards d'euros que pourrait permettre de mobiliser une taxation modeste des stock-options, toujours selon les recommandations de la Cour des comptes. Tous ces cadeaux ne vous empêchaient pas, il n'y a pas si longtemps, d'affirmer que les caisses de l'État étaient vides, alors même que vous étiez en train de les vider. En ce qui concerne les stock-options, un nouveau scandale vient d'éclater hier, puisque nous avons appris que les quatre principaux dirigeants de la Société Générale se sont généreusement octroyé un bon paquet de stock-options. Où sont, madame la ministre, les engagements de bonne conduite des banques ? Où sont les garanties que vous vous êtes vantée hier d'avoir obtenues ?

Il y a également nécessité, pour des raisons tant d'efficacité économique que de justice sociale, de taxer les plus hauts revenus, dans l'esprit de ce que projette aux États-Unis le Président Obama, qui veut augmenter les impôts de ceux qui gagnent plus de 500 000 dollars par an. Nous proposons en conséquence, avec cet amendement, de ne pas permettre aux foyers fiscaux dont le revenu net global excède 10 millions d'euros de bénéficier des diverses exonérations fiscales ou crédits d'impôt inscrits au code général des impôts.

Il s'agit là d'une mesure de bon sens, qui ne présente nullement un caractère confiscatoire, mais aurait le mérite, contrairement au bouclier fiscal, qui exonère certains de ces contribuables du paiement de tout impôt, de permettre à ceux-ci, qui nous en sauront gré, de contribuer activement à l'effort de solidarité nationale que réclame la période de crise que nous traversons.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Par le biais de cet amendement, nous poursuivons un débat dont le ministre des comptes publics, Éric Woerth, a reconnu lui-même qu'il était légitime. En effet, ci ce débat n'a pas lieu au sein de notre hémicycle, où aura-t-il lieu ? Puisque nous en sommes encore, avec cet amendement, à débattre du principe et des modalités de l'application du bouclier fiscal, je voudrais soulever deux questions, en espérant que les ministres présents pourront nous apporter quelques éléments de réponse.

Premièrement, il me semble avoir lu dans un document officiel du ministère de l'économie et des finances que la perte de recettes fiscales générée par ce qu'il est désormais convenu d'appeler « l'exode fiscal » – certains de nos compatriotes estimant préférable de vivre ailleurs qu'en France, nonobstant le fait que tous les pays traversent actuellement une période troublée – était estimée à un peu moins de 20 millions d'euros. Si, comme je le crois, ce chiffre est exact, on peut se poser la question de l'efficacité des politiques économiques, budgétaires et fiscales conduites par notre pays, puisque c'est précisément pour éviter cet exode que le bouclier fiscal a été instauré, pour un coût de 460 millions d'euros. On ne peut que s'interroger sur la pertinence d'une politique qui, pour éviter une déperdition fiscale d'une vingtaine de millions d'euros, amène le Gouvernement et sa majorité à défendre une mesure coûtant 460 millions d'euros ! La simple comparaison de ces deux chiffres est éclairante et devrait conduire la majorité à faire preuve d'un peu moins d'enthousiasme en faveur du bouclier fiscal, et le Gouvernement à écouter un peu plus attentivement les propositions formulées par l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Deuxièmement, il me semble que ce débat donne lieu à une confusion. Il ne s'agit pas de limiter la fortune aux seuls revenus : que je sache, l'état de fortune d'un foyer fiscal s'apprécie aussi par rapport à son patrimoine. N'évoquer que le revenu en omettant le patrimoine et les richesses qu'il est lui-même susceptible de générer me paraît tout à fait injuste. La principale différence de principe dans les politiques fiscales prônées par la majorité et l'opposition réside dans le fait que nous estimons, pour notre part, que cette fiscalité doit être progressive, de manière à être redistributive. À défaut, nous risquons d'aboutir à une société complètement bloquée, au sein de laquelle le capital ne circule pas et où la rente se transmet par héritage de génération en génération. Ce n'est certainement pas ainsi que notre pays retrouvera le dynamisme dont il a besoin.

(L'amendement n° 47 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la Mongolie, conduite par le Premier ministre, M. Sanjaagiin Bayar. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 1494, 1511).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements, nos 16 et 8 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l'amendement n° 16 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

À défaut de supprimer le bouclier fiscal, cet amendement a au moins pour objectif de le suspendre afin d'en limiter les effets les plus pervers. Le bouclier fiscal a, en effet, été étendu à la CSG et au financement du RSA, ce qui a remis gravement en cause le principe de solidarité. Aujourd'hui, la crise que nous traversons ne fait que renforcer le caractère injuste de ce dispositif. Les déficits ne cessent de progresser, de même que l'endettement, ce qui implique qu'il faudra un jour revenir en arrière et que nous devrons pour cela demander un effort à l'ensemble des Français.

Comme je l'ai dit hier, M. Sarkozy et Mme Merkel se sont engagés à respecter le pacte de stabilité et à revenir le plus rapidement possible dans le cadre de ce pacte. L'effort que j'ai évoqué devra donc être accompli rapidement. On peut d'ailleurs regretter que la lettre commune des deux chefs d'État ne contienne pas d'explication un tant soit peu développée au sujet du pacte de stabilité. En particulier, ce document ne fait état d'aucune démarche commune en vue de définir le niveau de déficit qui peut être accepté compte tenu de l'objectif de relance économique dans l'ensemble des pays européens – en d'autres termes, un effort commun en matière de politique de relance économique entre la France, l'Allemagne et leurs principaux partenaires. Il ne mentionne pas non plus par quel cheminement commun nous pourrions revenir aux règles du pacte de stabilité. On peut toujours invoquer celui-ci, mais encore faudrait-il définir les conditions dans lesquelles on peut s'en écarter et ensuite y revenir.

Une chose est sûre : des efforts seront demandés aux Français. Cependant plus on en demandera, plus ceux qui bénéficient du bouclier fiscal, et dont les ressources et le patrimoine sont donc parmi les plus élevés, en seront dispensés. C'est tout le paradoxe de la situation.

Le caractère confiscatoire de l'impôt est souvent invoqué pour justifier le bouclier fiscal, mais c'est la conséquence de la dégradation de nos finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Si celles-ci étaient plus saines, nous pourrions envisager une baisse des prélèvements obligatoires et le problème du caractère confiscatoire de l'impôt ne se poserait plus.

On nous dit que les bénéficiaires du bouclier fiscal risquent de partir à l'étranger si le dispositif n'est pas institué. Pourtant ces personnes, qui sont souvent des décideurs, sont elles-mêmes proches du cercle de ceux qui prennent les décisions les plus importantes au niveau national, décisions dont elles sont la plupart du temps les bénéficiaires. Certaines dispositions qui aggravent le déficit de nos finances publiques profitent en effet aux bénéficiaires du bouclier fiscal. Le paradoxe est là : ceux qui bénéficient le plus des mesures favorisant la dégradation de nos finances publiques sont aussi dispensés de l'effort nécessaire pour leur rétablissement.

Voilà pourquoi j'ai déposé cet amendement visant à suspendre l'application du bouclier fiscal jusqu'à ce que, comme l'ont souhaité Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, nous respections de nouveau les critères du pacte de stabilité et de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. René Couanau, pour soutenir l'amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Hier, en ouvrant la discussion, Gilles Carrez nous a demandé de ne pas nous livrer à un débat idéologique. Je suis précisément de ceux qui ne considèrent pas que la vérité est tout entière d'un côté, et l'erreur de l'autre. J'apprécie également qu'à l'occasion d'un collectif budgétaire, survenu en pleine crise, on puisse librement faire des suggestions.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Pas de débat idéologique, cela signifie que nous devons regarder lucidement et objectivement les éléments permettant d'évaluer le dispositif. Ce débat, engagé la semaine dernière en commission des finances, a concordé justement avec la publication d'un certain nombre de chiffres relatifs à la campagne de 2008. Nous apprécions d'en disposer. Monsieur le ministre, vous avez, comme d'habitude, fait acte de transparence.

Par rapport à la première campagne de 2007, les chiffres confirment les doutes que nous avions sur l'efficacité économique du dispositif. Ils ne donnent en effet aucune indication sur la non-expatriation ou le retour de capitaux. Nous aurons dorénavant pour mission, une semaine par mois, d'évaluer les politiques publiques. Or, pour l'heure, nous n'avons pas les éléments nous permettant d'apprécier exactement l'impact économique de cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Deuxièmement, sur le plan de l'équité et de la justice fiscale, les chiffres publiés ne peuvent que susciter des questions. L'opinion s'en pose et nous en pose. Comme l'a souvent souligné le président de la commission des finances, des personnes à faibles revenus mais au patrimoine relativement important peuvent à juste titre bénéficier du bouclier fiscal. Cependant, 6 % des bénéficiaires ont récupéré plus de 350 000 euros d'impôt. Cela ne peut que nous interpeller. Il faut donc affiner l'évaluation pour vérifier si les objectifs d'efficacité et de justice fiscale sont atteints.

En tout état de cause, monsieur le ministre, il faut tenir compte des faits, des chiffres et des nécessités. Quelles sont les nécessités du moment ?

Nous devons faire face à une grave crise financière, économique, sociale et, peut-être, de confiance, ou, en tout cas, morale. Les circonstances de 2009 ne sont pas les mêmes que celles de 2007. On nous a donné des leçons d'intelligence : l'intelligence, c'est aussi l'adaptation.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Il convient aussi de savoir s'adapter aux circonstances. On me dit qu'il ne faut pas toucher tous les deux ou trois ans au système fiscal. Pourtant nous prenons bien, dans le cadre de ce collectif, que nous approuvons, des mesures en faveur des bas revenus en supprimant deux tiers provisionnels. Pourquoi ne pas s'adapter aussi à un autre niveau ?

Troisièmement, il faut prendre en compte la dimension du temps.

L'art de la politique, y compris fiscale, c'est de « faire bouger les lignes », comme on dit aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Or comment voulez-vous les faire bouger si vous avez fixé un taquet au-delà duquel certains revenus et patrimoines ne seront jamais touchés ? Cela ne peut pas tenir. Nous le voyons bien avec les nouvelles modalités de financement du RSA et les questions sur l'ISF, le revenu de référence, le revenu réel, etc. Nous devons avoir une vision globale.

Quatrièmement, il s'agit de donner un signal fort à l'opinion.

Monsieur le ministre, je ne partage pas l'avis de ceux qui, dans la majorité, pensent qu'aborder le sujet du bouclier fiscal aujourd'hui décrédibilise l'action du Gouvernement, qui est forte et que j'approuve. Je crois au contraire qu'une suspension du dispositif crédibiliserait beaucoup l'action gouvernementale et de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Enfin, en prenant cette initiative individuelle, je souhaitais provoquer le débat. Tel a été le cas, et de façon très intéressante, tant en commission des finances que dans l'opinion publique. Le rassemblement spontané de mes collègues de la majorité autour de ce débat sur le bouclier fiscal est, à cet égard, réconfortant. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

J'espère que les autres dispositions de ce collectif budgétaire feront l'objet de la même attention. Bravo, monsieur le ministre, pour ce rassemblement !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission n'a pas adopté ces amendements.

Monsieur Garrigue, vous avez raison de vous préoccuper de l'avenir de nos finances publiques. Éric Woerth, et il vous le dira mieux que moi, reste bien sur la ligne de la maîtrise de la dépense publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

L'augmentation du déficit est exclusivement liée aux efforts supplémentaires que nous consentons dans le cadre du plan de relance, et à la baisse de recettes due à la diminution de la croissance. Dans ces conditions, la suspension du bouclier fiscal n'est pas la solution appropriée. C'est précisément grâce à cette mesure que nous pouvons préserver de la matière fiscale. Ne l'oublions pas, les quelque 450 millions de restitution sont très inférieurs à l'impôt payé en tout état de cause par ces contribuables. Si l'on suspendait le bouclier fiscal, on en reviendrait à ce qui s'est malheureusement produit au cours des quinze dernières années et on assisterait à deux départs en moyenne par jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Nous avons les chiffres définitifs concernant le bouclier fiscal à 60 %, qui porte donc sur les impôts de 2007, et nous pouvons les relier à ceux relatifs à l'évolution des délocalisations de contribuables français. Il apparaît que la mesure avait d'ores et déjà eu un effet puisqu'on constate une réduction du nombre de départs à l'étranger.

Je le dis au passage au président de la commission des finances, car ce sujet nous avait beaucoup inquiétés entre 1997 et 2002. Dans l'opposition, à l'époque, j'avais cherché en vain les chiffres à Bercy. C'était classé secret défense. Le système d'aujourd'hui est excellent puisqu'il permet au président de la commission d'avoir accès à toutes les données et de faire état de son point de vue. Entre 1997 et 2002, nous étions interdits d'information sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Non ! Nous avions même rédigé un rapport sur ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur Emmanuelli, j'avais précisément demandé à Bercy de me fournir tous les éléments qui fondaient les chiffres énoncés dans ce rapport, mais je ne les ai jamais obtenus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Monsieur Garrigue, nous avons émis un avis défavorable à votre amendement car votre proposition serait contre-productive au regard de votre souci, que je partage pleinement.

Quant à l'amendement n° 8 , il concernerait l'impôt payé en 2010, au titre des revenus de 2009. Il n'est pas rétroactif, ce qui est une bonne chose. Néanmoins, en 2010, monsieur Couanau, nous aurons mis en place le plafonnement des niches fiscales. Le bouclier fonctionnera donc de manière beaucoup plus satisfaisante puisque toutes les défiscalisations qui permettaient de diminuer le revenu imposable, donc d'augmenter la restitution, auront été transformées en réduction d'impôt et cela ne jouera plus sur le revenu imposable. Le bouclier fiscal ne pourra plus faire l'objet d'aucune critique dans ses modalités d'application.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le Gouvernement doit bouger, s'adapter et réagir, bien sûr, notamment en cette période de crise. C'est ce que nous faisons : il est difficile d'être plus réactif que le gouvernement français aujourd'hui. En même temps, il ne faut pas changer d'avis tous les quatre matins sur des sujets aussi importants. Dans le domaine fiscal, ce serait une erreur fondamentale.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La suspension du bouclier fiscal que vous réclamez serait en réalité une suppression et le Gouvernement ne peut pas vous suivre sur ce point. Je rappelle que les 850 personnes évoquées par le président Migaud représentent 2,5 milliards de patrimoine net qui quittent chaque année la France pour la Belgique, la Suisse… L'enjeu est donc fondamental pour notre pays.

Je n'empêche personne de se poser des questions et toutes les questions sont légitimes. Nous, nous apportons des réponses, qui sont, me semble-t-il, tout aussi légitimes. Le débat a lieu et notre réponse est claire, nette, précise et parfaitement assumée par le Gouvernement et la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, il conviendrait de reconnaître que nous n'avons pas encore tous les éléments d'information.

S'agissant de savoir ce que représentent ces fameux départs pour raisons fiscales, l'exercice n'est pas facile, je l'admets. Mme Lagarde a fait allusion tout à l'heure au rapport du conseil des prélèvements obligatoires sur le patrimoine des ménages. Le premier président de la Cour des comptes, par ailleurs président du conseil des prélèvements obligatoires, a précisément fait observer qu'en 2007, la perte du produit fiscal au titre de l'ISF avait été estimée à 17,6 millions d'euros.

C'est une somme, assurément, mais son montant permet de relativiser les choses. Il a du reste ajouter que si nous savions combien de contribuables partaient, nous ignorions en revanche si c'était pour des raisons fiscales ou pour des motifs professionnelles, les informations données par le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique ne permettant pas de faire la distinction. De plus, il ne faudrait pas seulement parler de ceux qui partent, mais également de ceux qui reviennent – il y en a, indépendamment même de l'existence du bouclier fiscal.

Ces éléments, qui méritent d'être approfondis, ne sauraient donc justifier tout ce que l'on peut entendre sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur le vote de l'amendement n° 16 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je tiens, moi aussi, à me fonder sur le rapport que Mme Christine Lagarde a montré dans l'hémicycle et qui nous a été présenté en commission des finances par le premier président de la Cour des comptes Philippe Séguin, que l'ensemble des membres de la commission ont interrogé ; ils peuvent donc témoigner de ses propos.

Je reviens sur la comparaison des chiffres que j'ai déjà évoquée sans que, monsieur le ministre des comptes publics, vous me répondiez davantage que M. le rapporteur général.

Selon vous, le bouclier fiscal aurait pour objectif d'éviter l'exode fiscal, lequel pénaliserait notre pays car il engendrerait une moins-value fiscale. Or, je le répète, la comparaison des chiffres ne plaide pas en faveur du bouclier fiscal puisque l'exode aurait coûté en 2006 un peu moins de 20 millions d'euros – 17,6 millions – quand la mesure censée éviter l'exode en coûte 460 millions !

Il me semble que, pour des dirigeants qui ont érigé l'efficacité en dogme et le résultat en culture politique, cette comparaison, pour le moins éclairante – dépenser 460 millions d'euros pour éviter une perte inférieure à 20 millions –, commanderait d'accepter l'amendement de René Couanau qui vise à suspendre le bouclier fiscal, en prenant naturellement pour prétexte, car c'en est un, la crise. Cela permettrait aux uns d'obtenir satisfaction et aux autres de ne pas perdre la face, chacun comprenant l'importance de cet aspect de la question.

C'est M. Philippe Séguin, je le répète, qui, lors de son audition devant la commission des finances – le compte rendu en fait foi – a fait cette réponse à un membre de la commission : « En matière d'évasion fiscale, j'ose à peine vous donner les chiffres de Bercy dont les plus récents remontent à 2006. Les départs à l'étranger des redevables à l'ISF correspondraient, selon les données transmises, à une perte de 17,6 millions d'euros. » Or le bouclier fiscal en coûte 460 millions !

Puisque la comparaison des chiffres est éclairante, je tiens également à vous indiquer que le non-remplacement du départ en retraite d'un fonctionnaire sur deux – mesure décidée par la majorité – permet au budget de l'État d'économiser 500 millions d'euros nets chaque année. Ainsi, on mène une politique qui passe avec difficulté – je pense à l'université, à la recherche et à l'éducation nationale – afin d'économiser 500 millions d'euros, mais on en dépense 460 millions, au motif qu'il faudrait éviter l'exode fiscal qui, selon les chiffres de Bercy, validés par le premier président de la Cour des comptes, s'élève à moins de 20 millions d'euros !

Ces chiffres devraient donc inciter certains à relativiser leurs positions qui, je le crains, se révèlent aujourd'hui d'autant plus erronées que la situation du pays ne permet peut-être pas ce type de dépenses. À cet égard, je rends hommage à Daniel Garrigue et à René Couanau.

En effet, entre le début de l'examen de la loi de finances initiale pour 2009 et l'actuel examen de la loi de finances rectificative, la prévision de déficit budgétaire est passée de 53 milliards à 104 milliards d'euros ; soit le double ! Si nous ajoutons à ce montant les 18 milliards d'euros, du déficit hautement probable des organismes de protection sociale, nous atteindrons les 6 % de déficits publics, ce qui signifie que le président Nicolas Sarkozy égalera en 2009 le précédent record des déficits publics, qu'il avait lui-même établi en 1993 pour une seule et même année.

L'état des finances publiques permet d'autant moins d'établir un tel record qu'il s'agit d'endetter le pays non pas pour investir mais pour assurer les dépenses de fonctionnement. Il est proprement immoral de demander aux générations futures de payer les dettes que nous contractons non pas pour investir – loin s'en faut ! – mais, je le répète, essentiellement pour assurer le fonctionnement ! C'est même inacceptable.

Enfin, Jean-Claude Sandrier a interrogé le Gouvernement sur la position qui sera la sienne à l'égard des grands groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je conclus, monsieur le président, mais comme le Gouvernement n'a pas répondu à M. Sandrier, je me permets de reprendre sa question à mon compte en espérant que, cette fois, le ministre répondra ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il avait été clairement indiqué que la puissance publique aiderait certaines entreprises privées en contrepartie d'engagements que leurs dirigeants prendraient, notamment en ce qui concerne les licenciements. Or Peugeot a annoncé le licenciement de 6 000 salariés en France. Si telle est toujours son intention, vous y opposerez-vous, monsieur le ministre des comptes publics ?

Les dirigeants devaient également s'engager sur leurs rémunérations. Or nous avons récemment appris que quatre des principaux responsables de la Société Générale faisaient l'objet d'attribution d'un plan de stocks options dont on imagine ce qu'il pourra donner, dans la mesure où on connaît la valeur actuelle de l'action et où l'on peut supputer ce qu'elle sera dans quelques années, d'autant qu'elle n'aura pu remonter que grâce à la puissance publique, laquelle aura en partie recapitalisé ces banques et garanti des actifs pourris, que ces mêmes dirigeants avaient jugé bon d'acquérir pour leurs banques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je termine, monsieur le président (Protestations sur les bancs du groupe UMP), mais le sujet est important.

Je souhaite obtenir une réponse du Gouvernement sur cette question. Si nous ne l'avons pas reçue au moment où nous voterons, je me trouverai dans l'obligation de demander une suspension de séance afin que le Gouvernement puisse rassembler les éléments de sa réponse en vue de les livrer à la représentation nationale. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Un peu de respect tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

M. Emmanuelli a dit quelque chose que je crois profondément juste (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) : il est très éclairant que ce débat ait lieu, aujourd'hui, à l'initiative de membres de la majorité.

M. Couanau et, auparavant, M. Méhaignerie…

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

…et M. de Courson, ont suscité un débat qui, touchant profondément l'ensemble de nos concitoyens, ne pourra pas être éteint par un vote dont nous connaissons tous ici l'issue. En effet, ce débat concerne un point généralement très précieux pour la conduite d'une politique fiscale, mais qui l'est particulièrement en temps de crise : la justice – certains diront l'équité – de cette politique.

Ont été cités des chiffres que je rappelle : un peu moins d'un millier de foyers a reçu plus de 300 millions d'euros. Puis-je, pour l'anecdote, rappeler que cela est beaucoup moins que ce qu'une décision du pouvoir a permis de donner à M. Tapie en une seule journée ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Une dépêche de l'AFP nous a appris que le dernier chèque, adressé hier, s'élevait à 101 millions d'euros !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Ainsi, au moment où le déficit budgétaire atteint 105 milliards d'euros, des efforts sont demandés aux uns et non pas aux autres. Je tenais à rappeler cet ordre de grandeur – entre 300 et 500 millions d'euros – qui rejoint celui des économies réalisées en raison du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux : 500 millions également.

La décision que le Gouvernement a prise dès son installation revient à faire peser l'ensemble des efforts de solidarité sur la totalité des foyers fiscaux des classes moyennes, c'est-à-dire à la seule exception des plus privilégiés du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Les seuls qui, dans le pays, sont mis à l'abri de tout effort de solidarité, y compris les efforts de solidarité décidés par ce Gouvernement qui a créé douze impôts et prélèvements supplémentaires sur les classes moyennes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Changez de côté ! Allez voter avec la gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Je comprends que cette question vous gêne, mais il faut tout de même accepter de la poser ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Les seuls qui, dans le pays, sont mis à l'abri des efforts qu'on demande à tous les autres de fournir, ce sont les plus privilégiés et les plus riches. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous aurez beau prétendre que c'est économique et que cela va dans le sens de l'histoire, nous sommes nombreux, y compris dans la majorité, à vous affirmer que cela ne sera ni accepté ni compris par l'opinion publique et que le moment viendra où vous ne pourrez plus maintenir une politique aussi ouvertement injuste.

Telle est la raison pour laquelle je voterai l'amendement présenté par M. Garrigue et celui qu'a déposé M. Couanau. Nous sommes du reste nombreux à appuyer les efforts qui sont fournis en ce sens, y compris dans les rangs de la majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur Copé, il faut vous calmer, maintenant !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Monsieur le ministre, ces amendements ont le mérite de nous encourager et, je l'espère, de vous encourager, à prendre en ces circonstances exceptionnelles des mesures de correction en matière fiscale.

J'ai voté la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, qui est une bonne loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Je l'ai fait sans regret.

Je considère toutefois, à l'instar de M. Garrigue et de M. Couanau, qu'il est aujourd'hui indispensable d'envoyer au pays un signe en direction des citoyens les plus défavorisés. Il faut montrer qu'en France, en ces temps de crise exceptionnelle, les foyers qui bénéficient de revenus aisés fournissent un effort de solidarité accru.

Il s'agit également d'être raisonnables et réalistes. Les députés qui siègent à la gauche de l'hémicycle ont, depuis plus d'un an, régulièrement cherché à confondre le bouclier fiscal et le paquet fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Benoit

Au moment où ces deux amendements proposent la suspension du bouclier fiscal, il convient de ramener les enveloppes budgétaires à leurs justes proportions.

Le bouclier fiscal représente – heureusement ou malheureusement – quelque 450 millions d'euros, tandis que les dispositifs de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat s'élèvent de 10 à 15 milliards ; les évaluations permettront de le savoir exactement.

Même si ces deux enveloppes n'ont aucune commune mesure, je n'en souhaite pas moins appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre en ces temps de crise, monsieur le ministre, des mesures de correction fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 16 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 136

Nombre de suffrages exprimés 134

Majorité absolue 68

Pour l'adoption 32

Contre 102

(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

À la demande du Gouvernement, les amendements figurant sur la feuille jaune du no 64 au no 70 inclus, et du no 75 au no 42, sont réservés. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Nous aborderons ensuite successivement les amendements nos 66 et 23 en discussion commune, puis l'amendement n° 80 rectifié avant d'en revenir aux amendements réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je comprends parfaitement la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite passer dès à présent à l'examen des amendements que l'on sait. Seulement, dans la mesure où nous ne pensions pas que nous en discuterions maintenant, je demande une suspension de séance.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le président, vous avez annoncé, avant la suspension de séance, que le Gouvernement avait demandé qu'un certain nombre d'amendements soient réservés. Il n'y a aucune raison pour cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

En effet ! Ce sont les petites astuces de M. Karoutchi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Le déroulement de la séance ne justifie en rien qu'on réserve ces amendements. Nous souhaitons par conséquent obtenir une explication sur ce changement d'attitude.

Par ailleurs, j'avais posé une question, reprise par notre collègue Jérôme Cahuzac, relative à la situation de la Société Générale, en particulier à l'attribution de stocks options à quatre de ses dirigeants. Or, hier, Mme la ministre de l'économie s'est vantée de ce qu'un code éthique devait être respecté par les banques. Nous souhaitons donc obtenir une réponse de votre part, monsieur le ministre, quant à l'application de ce code éthique en l'occurrence, faute de quoi je demanderai une suspension de séance afin de réunir mon groupe. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

C'est ce que j'avais compris.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Tout est transparent.

En fait la demande de réserve est motivée par le désir d'avoir un débat dans la continuité sur le sujet en cause.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

En ce qui concerne la banque en question, je réserve ma réponse, que vous aurez dans la journée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en venons donc à deux amendements, nos 66 et 23 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 66 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

J'ai bien noté qu'à propos de la banque dont, visiblement, il ne faut pas prononcer le nom, nous aurons une réponse du Gouvernement dans l'après-midi. En revanche, rien ne nous a été encore dit sur la réserve de nombreux amendements. J'en viens donc à l'amendement n° 66 .

Vous nous proposez aujourd'hui une mesure ponctuelle à l'adresse des classes moyennes, à savoir une réduction des deux tiers de l'impôt sur le revenu, laquelle représente un gain moyen par ménage d'environ 200 euros, pour les quatre millions de ménages dont les revenus se situent dans la première tranche d'imposition.

Nous ne sommes pas, par principe, opposés à cette mesure. Si les salariés et leurs familles peuvent y retrouver quelques dizaines d'euros pour l'année 2009, cela ne sera pas un luxe, certes ; force est toutefois de constater que votre dispositif souffre de graves insuffisances, lesquelles ont été soulignées à la fois par le rapporteur général et par le président de la commission des finances. On pense en particulier au choix par le Gouvernement de l'impôt sur le revenu comme vecteur privilégié, choix source d'injustices.

Un amendement du rapporteur général apporte un début de réponse, mais le risque est grand que des ménages disposant de revenus très importants bénéficient de la disposition que vous proposez ; je pense en particulier aux bénéficiaires de l'exonération des plus values mobilières, laquelle peut atteindre jusqu'à 25 000 euros par an.

Plus généralement, la question se pose de la pertinence d'une mesure visant l'impôt sur le revenu en une période où celui-ci, du fait des réformes lancées ces dernières années, est devenu non pas le principal levier de la justice fiscale, mais l'un des moteurs de l'accroissement des inégalités.

Tous les rapports d'exécution budgétaire de la Cour des comptes établissent depuis des années que les principaux bénéficiaires des allégements successifs de l'impôt sur le revenu dont vous avez été les instigateurs ont bénéficié en premier lieu, et massivement, aux contribuables imposés aux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu. Nous en avons encore une illustration avec la mesure que vous préconisez. En effet vous proposez de restituer quelques centaines d'euros aux foyers modestes alors que, dans le même temps, le bouclier fiscal permettra, encore cette année, à une poignée de nantis d'obtenir la restitution de centaines de milliers d'euros par foyer fiscal.

Cette situation ne nous paraît pas acceptable. Nous avons en effet la faiblesse de demeurer très attachés au respect de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, laquelle figure en préambule de notre texte fondamental. Vous devez admettre que rien ne s'oppose davantage au respect du principe énoncé par cet article – selon lequel « la contribution commune doit être également répartie entre tous les citoyens en fonction de leurs facultés » – que les politiques fiscales que vous menez. Nous ne pouvons en aucun cas nous résoudre à l'accepter.

Nous croyons également utile et urgent de rétablir la progressivité de l'impôt sur le revenu, seule garantie de la justice fiscale, d'en augmenter le nombre de tranches afin de mieux répartir l'impôt en fonction des facultés contributives de chacun.

Or ce n'est pas avec des mesures ponctuelles et partielles que vous pouvez prétendre rétablir un peu de justice fiscale, mais par le biais de mesures pérennes. C'est donc ce que nous vous proposons avec cet amendement qui vise à établir un barème de neuf tranches, plus juste que l'actuel aux effets de seuil trop marqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l'amendement n° 23 .

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Les commissaires du groupe Nouveau Centre ont déposé l'amendement n° 23 et Pierre Méhaignerie reviendra sur l'amendement n° 80 rectifié que ces mêmes commissaires ont cosigné avec quatre collègues de l'UMP.

Nous sommes en effet persuadés que la crise économique doit nous amener à réfléchir davantage sur la manière dont il faut montrer à notre peuple la nécessité d'un effort de solidarité des revenus les plus élevés en faveur des victimes de la crise.

Nous avons, au fond, lancé trois idées pour essayer d'atteindre cet objectif.

Première idée : la réforme du bouclier fiscal. Ainsi que je l'ai expliqué précédemment, nous sommes pour le bouclier fiscal à 50 %, mais nous demandons une réforme du numérateur et du dénominateur.

Deuxième idée : le plafonnement des niches, sujet sur lequel nous avons eu satisfaction l'année dernière. Un dispositif de plafonnement des niches a été enfin mis en place, mais, comme tout le monde le reconnaît à la commission des finances, il est tout à fait perfectible.

La troisième idée est celle que proposent les amendements nos 23 et 80 rectifié . Il s'agit de demander, pendant deux ans, une contribution exceptionnelle aux revenus les plus élevés. Je rappelle qu'il s'agit d'environ 200 000 contribuables. La mesure rapporterait entre 500 et 700 millions, que nous proposons d'affecter au fonds d'investissement social, lequel est destiné, en liaison avec les partenaires sociaux, à trouver les bonnes réponses en termes de conversion d'aides à ceux qui sont victimes de la crise.

Voilà le but de nos amendements.

Nous attendons du Gouvernement qu'il adopte une attitude ouverte. Il pourrait, par exemple, se dire défavorable par principe à telle piste mais disposé à envisager telle autre. Il est possible de créer un groupe de travail, comme cela a été le cas en ce qui concerne le plafonnement des niches, sur lequel nous avons abouti à la mise en place d'un dispositif qui constitue un vrai progrès.

Tel est l'esprit des amendements déposés par les commissaires du Nouveau Centre. J'espère, mes chers collègues, que nous aurons un écho du côté du Gouvernement, et qu'il fera preuve d'ouverture pour essayer d'avancer sur ces pistes, et pour en sélectionner une dans la prochaine loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

La commission des finances a approuvé les amendements nos 23 et 80 rectifié , malgré la mise en garde du rapporteur. Il nous faut lier ces deux amendements. Celui de Charles de Courson, n° 23, consiste à porter le taux marginal de l'impôt sur le revenu de 40 à 45 %. Celui de Pierre Méhaignerie, n° 80 rectifié, consiste à créer une contribution exceptionnelle de 5 % pour les mêmes contribuables que ceux visés par l'amendement n° 23 .

De façon rétroactive, puisqu'il s'agit de l'impôt à payer en 2009 sur les revenus de 2008, il est donc proposé, au total, d'augmenter la tranche marginale de l'impôt sur le revenu de 40 à 50 %. Cela pose des problèmes, parce que, quand on ajoute la CSG, le CRDS, etc., soit un total de 12,1 %, on arrive à un taux marginal de 62,1 %. Le record du monde serait battu. Les Allemands sont à 45 %, les Britanniques à 40 %, les Américains à 35 %. Ce serait, de très loin, le record du monde en matière d'impôt sur le revenu.

Ce serait aussi un record historique pour notre pays, du jamais vu. Je rappelle qu'entre 1981 et 1985, lorsque le taux marginal était le plus élevé, il était à 54 %, compte tenu de l'abattement de 20 % et du fait que la CSG n'existait pas. Vous voyez donc que l'effet de ces deux amendements serait de majorer de presque dix points le taux marginal le plus élevé que nous ayons connu dans l'histoire de notre pays.

J'ai mis en garde la commission des finances, parce qu'il faut tout de même raison garder. Nous avons beaucoup travaillé, notamment avec Pierre Méhaignerie, sur la mise en place d'une sorte d'impôt minimal, en mettant en oeuvre le plafonnement des niches. Nous avons également, lorsque Jean-François Copé était ministre du budget, simplifié l'impôt sur le revenu, et avec un accord général, car cette mesure a été votée à l'unanimité. Nous avons ainsi instauré un barème de quatre tranches – une à 5,5 %, une à 14 %, une à 30 % et une tranche marginale à 40 % – et supprimé l'abattement de 20 %. Je crois que nous avons fait du très bon travail avec l'instauration de ce barème, qui est grosso modo dans la moyenne européenne.

Il ne me semble pas souhaitable, à l'occasion d'un collectif, et de façon rétroactive, de majorer le taux marginal dans des proportions inouïes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Ce serait du jamais vu dans notre pays, et du jamais vu dans le monde entier. Cela ne me paraît pas raisonnable.

En outre, j'appelle votre attention sur le fait que les propositions de nos collègues portent sur le barème de l'impôt sur le revenu. On taxerait donc à 62 % les revenus du travail alors que subsisterait le prélèvement fiscal libératoire des revenus sur les valeurs mobilières, qui n'est que de 18 %, ce à quoi s'ajoutent les 12 %. Comment expliquer que d'un côté, les revenus du patrimoine seraient taxés, toutes impositions confondues, à 30 % tandis que ceux du travail le seraient à 62 % ?

Je pense qu'il faut essayer de faire du bon travail, du travail sérieux. Nous aurons à voter la loi de finances pour 2010. S'agissant du bouclier fiscal, qui nous a beaucoup occupés tout à l'heure, nous savons que, grâce au plafonnement des niches et, surtout, de leur transformation en réduction d'impôt, ce bouclier fonctionnera de façon beaucoup plus juste. Je suis d'accord avec Charles de Courson pour dire qu'il va falloir poursuivre le travail pour mieux prendre en compte des éléments du revenu fiscal de référence.

Je pense également que nous n'avons pas complètement fini la réflexion sur le plafonnement global des niches.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

Il y a un certain nombre de choses à améliorer en la matière. C'est vraiment dans cette direction que nous devons travailler, mais les amendements que vous nous proposez ne sont absolument pas recevables, parce qu'ils sont démesurés. Pour ma part, même si la commission les a approuvés,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilles Carrez

…je vous demande de revenir à ce que vous avez, les uns et les autres, toujours défendu, lorsque nous avons abordé la réforme de l'impôt sur le revenu, ou encore la mise en place du plafonnement global ou de la notion d'impôt minimal. En tant que rapporteur général, je suis tout à fait disposé à travailler avec vous, de façon constructive, dans le cadre de la loi de finances pour 2010.

Et puis, chers collègues, nous n'avons pas le droit de présenter des amendements qui rendent la fiscalité rétroactive. Beaucoup d'entre nous ont d'ailleurs signé des propositions de loi en ce sens. La fiscalité rétroactive doit être condamnée, dans une démocratie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

Mais celle de l'impôt sur le revenu est toujours rétroactive !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je pense qu'il convient de joindre l'amendement n° 80 rectifié à la discussion.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie pour le défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

J'ai déposé cet amendement n° 80 rectifié , avec Charles de Courson, mais aussi avec Jean-Paul Anciaux, Étienne Pinte, Yannick Favennec, Didier Quentin et Pierre Cardo. Je tiens à expliquer notre position, pour éviter les incompréhensions, mais aussi, parfois, les faux procès.

Hier soir, j'ai écouté l'essentiel des interventions des collègues qui se sont exprimés. Je partage, comme c'est d'ailleurs le plus souvent le cas, le diagnostic et l'essentiel des remèdes – pour aujourd'hui ou pour demain – présentés par notre rapporteur général, Gilles Carrez.

Je ne remets pas en question la loi TEPA, et moins encore les dispositions adoptées en ce qui concerne les heures supplémentaires, que j'estime toujours aussi nécessaires, car certaines entreprises continuent à manquer de main-d'oeuvre. Ces dispositions seront encore plus nécessaires demain, et je fais confiance aux entreprises comme aux comités d'entreprises pour ne les utiliser qu'à bon escient.

Je pense cependant – et c'est là qu'il y a une petite différence –…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…qu'il est urgent d'aller plus loin et de financer, sans aggravation de la dette, le fonds d'investissement social, en particulier en faveur des jeunes.

S'agissant, d'abord, du diagnostic et des solutions face à la crise, le Gouvernement a présenté trois mesures fortes et justes.

Premièrement, il entend privilégier l'emploi et l'investissement. Nous partageons cette orientation.

Deuxièmement, il a pris de très bonnes mesures, qui vont très vite montrer leur efficacité, en faveur de l'accession sociale à la propriété et de l'investissement.

Troisièmement, il a mis en oeuvre une disposition extrêmement importante : le financement exceptionnel, à 75 %, c'est-à-dire à 90 % du salaire net, de l'indemnisation du chômage partiel, afin que ce ne soient pas les ouvriers qui fassent les frais de la crise et afin de conserver le capital humain.

Reste, dans la situation d'aujourd'hui, le problème des jeunes. On sait que 120 000 d'entre eux sortent du système scolaire sans qualification, et il faut reconnaître que la situation est difficile pour les jeunes qui veulent aujourd'hui entrer dans la vie professionnelle.

Pourquoi cette proposition ? Parce que je pense que le fonds d'investissement social, qui est d'ailleurs défendu par la CFDT, est une réponse à une crise sérieuse. Il doit être orienté vers les jeunes.

La question est celle-ci : doit-il conduire à aggraver encore la dette ? À cet égard, je souscris totalement aux propos du Premier ministre quand il a dit que nous avions atteint les limites en matière de dépenses publiques et de déficits. Par contre, je pense que ce fonds pourrait être, dans la situation exceptionnelle d'aujourd'hui, financé par une contribution exceptionnelle. En effet un signal et un symbole forts sont nécessaires. Instaurer un partage des efforts en faveur des jeunes, dans une période exceptionnelle me paraît un combat juste.

Cela est d'autant plus nécessaire que les bonus et les rémunérations excessives, choquantes dans cette période de crise, ne peuvent pas être compris. Je dis donc : attention, chers collègues, la crise développe un profond sentiment d'injustice. Ceux qui sont victimes de la crise – je pense aux salariés et aux ouvriers de l'industrie – estiment que les bonus et les rémunérations choquantes continuent.

Je rappelle que nous ne sommes pas isolés. L'Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni prennent ou vont prendre des mesures équivalentes,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…dans une période difficile, pour aller dans le sens d'une plus grande solidarité.

Ma conclusion, c'est que nous ne sortirons pas d'une crise exceptionnelle si nos compatriotes ont le sentiment que le partage des efforts n'est pas suffisamment équitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Notre collègue Gilles Carrez appelait à une réflexion dans le cadre de la loi de finances pour 2010. Lui-même, Jean Arthuis et beaucoup d'autres ont dégagé des pistes d'avenir, qui concilient le courage, l'exigence de vérité et l'esprit de justice.

Chaque année reviendra la question de l'introduction de la CSG dans le bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Nous savons bien que le déficit de la sécurité sociale va poser très vite un problème.

Par ailleurs, je rappelle que le plafond de 50 %, que j'approuve, devait être accompagné d'un plancher. Parce que, du fait de l'ISF, nous avons trouvé des contournements multiples, en évitant de regarder en face la vérité sur les patrimoines.

Il serait plus juste – et je reprends d'une certaine façon les orientations de Jean Arthuis et de Gilles Carrez – de regarder la réalité en face, de dire que nous sommes le dernier pays à conserver un impôt sur la fortune,…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

…mais que, en même temps, nous ne sommes pas dans l'esprit de justice. Nous voyons des capitaux partir – je comprends sur ce point la position du Président de la République –, mais nous ne sommes pas dans l'esprit de justice car nous n'avons plus un impôt sur le revenu progressif. Il est même régressif, pour certaines hautes fortunes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

D'autre part, nous pourrions supprimer la CSG, avoir un échelon supplémentaire à 45 ou 47 %, comme nos voisins allemands et nous serions alors en mesure d'avoir un vrai débat, tout en faisant preuve de courage : pourquoi continuer avec l'ISF et tous ses contournements, qui provoquent une situation d'injustice fiscale ?

C'est la raison pour laquelle, chers amis, j'ai proposé cet amendement et je souhaite que nous réfléchissions, dans le cadre de la loi de finances, aux moyens de faire en sorte que notre situation fiscale soit plus saine et plus juste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Le débat qui se déroule depuis le début de l'examen de ce collectif, particulièrement ce matin, me semble profondément déséquilibré par des non-dits, des tabous, des hypocrisies, parfois même des haines – en témoigne le règlement de comptes personnels avec M. Tapie auquel n'a pas résisté un membre de cette assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ce débat est d'autant plus déséquilibré qu'on se trompe de vérité. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut réagir à la crise ou pas, car chaque fois qu'il revient dans cet hémicycle, c'est porté par un contexte différent. En réalité, tout repose sur la question fondamentale du rapport des Français, de notre pays, à l'argent. Le débat que nous avons, une énième fois aujourd'hui, est celui-là.

À ce sujet, j'ai une conviction personnelle que je défends depuis bien longtemps : les décideurs politiques, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont la responsabilité de sortir de schémas qui ne sont plus de notre temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Par rapport aux autres peuples, les Français ont la particularité d'être passionnés d'histoire et de politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ils sont moins motivés par l'économie et la géographie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

L'heure est venue, je le dis à mes amis de la majorité, d'assumer le débat, d'inviter les Français à regarder ce qui se passe dans le reste du monde. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Comparons notre situation à celle des autres pays et voyons si, véritablement, nous sommes aussi injustes que le dit mon ami Pierre Méhaignerie, avec qui nous avons parlé mille fois de cela, même hors période de crise. Le constat est que notre pays a cette particularité et cette chance qu'un tiers des revenus des Français est constitué de revenus sociaux,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…soit un taux très supérieur à ce qu'il est dans l'ensemble des pays européens. Cela profite d'abord aux plus modestes, et c'est ce qui fait que, dans cette période de crise, on tient mieux le coup qu'ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Dans le même temps, nous sommes le pays en Europe dont les taux de fiscalité pour les plus fortunés sont les plus confiscatoires – et c'est bien ainsi –, notamment avec l'ISF, que nous n'avons pas supprimé. Dieu sait si ce débat était tout autant légitime que les autres ! En réalité, la situation n'est pas injuste mais équilibrée : d'un côté, un niveau de revenus sociaux plus élevé qu'ailleurs pour protéger les plus modestes, de l'autre côté, des taux de fiscalité les plus élevés d'Europe pour les plus fortunés.

Nous devons assumer le principe du bouclier fiscal, c'est-à-dire d'un plafond au-delà duquel on ne peut pas taxer les plus fortunés, pour une simple raison de géographie, aussi importante à mes yeux que l'histoire.

L'histoire, c'est cette tentation de refaire 1793 en permanence, de revivre une bonne petite nuit du 4 août, de couper des têtes et de discuter après.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Cela étant – je le dis ici en conscience – au XXIe siècle, notre responsabilité est de bien comprendre que, dans un monde qui a profondément changé, les plus fortunés ont les moyens d'organiser leur délocalisation. Certes, on est content de les avoir décapités, on s'est bien fait plaisir en pointant du doigt les méchants Français riches ! Mais, à force de leur appliquer des taux si élevés, ils partent, ils ne paient plus d'impôts en France. C'est vraiment dommage parce que les 600 millions d'euros qu'ils auraient payés, ils ne les paient plus. Et sur qui retombe la charge fiscale ? Sur les classes moyennes ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Elle retombe sur les gens qui n'ont rien demandé, qui n'ont droit à rien et qui travaillent pour le pays.

J'estime que mes convictions sont au moins aussi respectables que celles de mes amis René Couanau et Pierre Méhaignerie. Pourtant, moi, j'ai le mauvais rôle. Il est en effet beaucoup plus facile de prétendre défendre la solidarité devant l'opinion publique française en disant qu'on va « taper les riches ». (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Il est beaucoup plus difficile d'assumer que nous avons besoin de chaque Français, que chacun est important et contribue au modèle de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je dis en conscience que j'ai bien entendu les arguments des uns et des autres, notamment ceux de Pierre Méhaignerie soutenant, à la fin de son propos, qu'il fallait financer le fonds d'investissement social de François Chérèque. Or ce fonds est financé ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Nous trouverons de quoi l'abonder puisqu'il correspond très exactement à ce que nous voulons faire pour les plus modestes, mais selon notre priorité, celle qui consiste à privilégier l'emploi ; c'est encore une différence avec la gauche, qui ne parle que de pouvoir d'achat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Je pense que c'est l'emploi qui détermine le pouvoir d'achat, pas l'inverse. Je vous mets en garde, les uns et les autres, contre les risques de ces rendez-vous sociaux que nous n'arrivons pas à honorer parce que les exigences sont hors du temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Un dernier mot, monsieur le président, pour évoquer un point important à ce moment du débat.

Lorsque nous avons élaboré le plan de relance de 26 milliards d'euros, nous avons lancé la dynamique de l'investissement. Puis, le 18 février, nous avons engagé un plan en faveur du pouvoir d'achat de 2,6 milliards d'euros. À peine l'encre avait-elle séché que, la semaine d'après, les observateurs demandaient : « Qu'allez-vous donner cette semaine ? ».

La première caractéristique du métier politique, c'est l'aptitude au commandement. Cela signifie que, dans les moments difficiles, il faut tenir le cap donné. Quelles que soient les conséquences, nous devons assumer ce que nous croyons bon pour la France et pour les Français. C'est la raison pour laquelle j'invite mes collègues à repousser ces amendements, car je considère qu'ils compromettraient gravement l'équilibre budgétaire et fiscal consensuel, qui doit reposer sur la stabilité, la lisibilité et la capacité de s'inscrire dans la durée et dans l'avenir.

En conscience, là encore, j'affirme que sur ces sujets difficiles, il n'y a pas ceux qui ont toujours raison et ceux qui ont toujours tort. Nous voulons montrer aux Français que nous avons de la constance. Nous n'avons pas à rougir de notre modèle social et de tout ce que nous donnons aux plus modestes, car il est de notre responsabilité de le faire. C'est ainsi que nous surmonterons cette crise et que nous pourrons très vite parler d'avenir en remettant sur le chemin de la croissance un pays dont les atouts sont exceptionnels. (Vifs applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le Gouvernement appelle également à repousser ces amendements. Je pourrais, à l'appui de cette demande, employer des arguments techniques de poids. D'abord, ainsi que Gilles Carrez l'a indiqué, on ne peut pas traiter la question de l'impôt de façon rétroactive, car cela risquerait de nous emmener très loin. Du reste, il ne s'agirait pas de revenir au barème d'avant, puisque celui-ci intégrait 20 % de déduction.

Doit-on, en période de crise, augmenter la fiscalité ? C'est en réalité la question qu'il faut se poser et qui est liée aux rapports des Français à l'argent dont Jean-François Copé a parlé. La réponse du Gouvernement sur ce point est constante : non, car toute augmentation de fiscalité accroîtrait l'impact de la crise. Ce n'est donc pas une bonne réponse.

Plus largement, et au-delà de la crise, la hausse des impôts des plus riches provoquerait immanquablement, par répercussion au fil du temps, l'augmentation des impôts des autres. Dans ce domaine, il n'y a pas de mesure provisoire ; il n'existe que des mesures permanentes. Nous ne pensons pas qu'augmenter la fiscalité est une bonne solution. La lutte contre les déficits, sujet sur lequel nous avons les mêmes opinions, ne passe pas par l'accroissement de la fiscalité, qui est déjà bien plus importante que dans la plupart des autres pays, mais par la réduction et la maîtrise des dépenses publiques.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Sur le plan politique, l'exercice est bien plus difficile. Nous y travaillons d'une façon intensive.

Par ailleurs, le fonds d'investissement social, fruit du sommet social qui a réuni le Gouvernement, le Président de la République et les partenaires sociaux le 18 février dernier, est aujourd'hui doté de 2,5 à 3 milliards d'euros. Si la participation de l'État est bien arrêtée, celle des autres partenaires doit l'être définitivement. Ce fonds finance un surcroît de formation, idée de la CFDT que nous avons trouvé bonne et que nous allons mettre en application, et il est suffisamment doté pour les actions à engager aujourd'hui. Nous verrons, par la suite, en fonction des besoins mais, pour l'heure, il n'y a pas nécessité de financement particulier.

Dans le contexte de crise que nous connaissons, de nombreuses mesures prennent une importance particulière pour beaucoup de gens : l'impôt sur le revenu, qui touchera 6 millions de personnes, le chômage partiel, le passage de deux mois à quatre mois de travail pour bénéficier d'une prime quand on n'a pas encore accès à l'assurance chômage, ce qui concernera essentiellement les jeunes. Dans le fonds d'investissement social, des centaines de millions d'euros sont ciblés sur les jeunes, Martin Hirsch l'a rappelé à maintes occasions. Outre les mesures d'investissement, de nombreuses mesures sociales ont donc été prises en direction des plus fragiles mais aussi des plus jeunes.

Pour ces raisons, entre autres, le Gouvernement souhaite que ces trois amendements soient repoussés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Compte tenu du nombre d'orateurs souhaitant intervenir, je demande de respecter son temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Comme M. Copé ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

La discussion de ce matin est tout sauf médiocre. Il est essentiel que nous ayons ce débat au Parlement, car il est toujours préférable que les responsables politiques discutent dans une enceinte plutôt que de rester muets quand la rue s'exprime.

Nous sommes au coeur du sujet le plus important qui se pose aux responsables politiques aujourd'hui : la réponse à apporter à la crise. Les solutions sont diverses et nous opposent parfois, ce qui est légitime et sain. C'est ici que ces discussions doivent avoir lieu.

Pour ma part, je l'ai dit et je le redis, je considère que la réponse économique à la crise apportée aujourd'hui par le Gouvernement est la plus adéquate qui puisse se concevoir. Le Gouvernement emploie les bonnes armes aux bons niveaux, en tenant compte de la situation de nos finances publiques. Dans la conjoncture actuelle, on ne pouvait pas faire mieux pour tenter de redresser la situation, de relancer la croissance. J'approuve donc totalement l'action du Gouvernement sur le plan économique.

Les mesures d'ensemble devaient comporter un volet social. J'approuve totalement celui qui a été retenu par le Gouvernement. Il est adapté, répond à des situations concrètes difficiles : chômage partiel, demandeurs d'emploi, formation professionnelle pour favoriser le retour à l'emploi. C'est dans cette direction qu'il faut aller. Le Gouvernement sait résister à la démagogie et apporter des réponses à ceux de nos compatriotes qui vont le plus souffrir de la crise.

En revanche – et personne ne peut dire que Pierre Méhaignerie, Charles de Courson ou René Couanau sont des pousse-à-la-dépense, leurs prises de position successives ont toujours été dans le sens de la responsabilité financière – nous sommes quelques-uns à penser qu'il faut donner à nos compatriotes une indication importante.

Nous savons que nos finances publiques sont marquées par un déficit extraordinairement élevé. Nous passons allègrement la barre des 100 milliards d'euros, soit un quasi-triplement du déficit public. Ce n'est pas neutre !

Nous savons aussi – il faut dire la vérité – que l'heure de la réduction des impôts est, pour l'instant, passée. Nous le déplorons, mais c'est une réalité à laquelle nous devons faire face.

Dans ces conditions, le bouclier fiscal, auquel j'ai souscrit, comme tous les membres de la majorité, peut, dans certaines circonstances, paraître totalement incompréhensible à l'immense majorité des Français. Comment expliquer demain – quand nous aurons besoin de demander à nos compatriotes des efforts en matière fiscale – que chacun sera appelé à apporter sa contribution, alors que seuls les plus fortunés, les plus riches d'entre nous y échapperont ? C'est incompréhensible. C'est inexplicable ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Dans ces conditions, nous avons lancé un appel à la majorité, au Gouvernement, au Président de la République, pour que, d'une manière ou d'une autre, selon des modalités qui restent à définir, qui sont évidemment discutables, nous puissions dire à nos compatriotes aujourd'hui – dans cette crise qui est la plus grave que les économies aient connue dans l'époque moderne – que chacun sera mis à contribution, à proportion de ses facultés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Goulard

L'un de nos collègues a rappelé la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ce à quoi nous croyons le plus fort. Il faut donner ce signe-là – peu importe l'amendement, peu importe les modalités, peu importe ce que nous arrêterons –, car, si nous ne le donnons pas, nous commettrons une erreur politique.

Pour ma part, parce que je crois à la justesse des thèses que nous défendons, au pouvoir politique que nous soutenons depuis des années, je pense que, dans notre pays, il faudra faire des efforts considérables de réduction de la dépense publique, et que la direction d'ensemble sur le long terme passe par la réduction des prélèvements obligatoires. Si, aujourd'hui, nous ne donnions pas ce signe, si nous n'avions pas ce geste politique, nous commettrions une erreur majeure. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

En début de séance, un débat a commencé – mais il a vite été interrompu –, sur le point de savoir s'il était possible de déterminer qui, parmi nos concitoyens, était riche ou ne l'était pas. M. Copé a souhaité réactiver ce débat. Je crois que c'est une erreur car, sur nos bancs, nous ne considérons pas que vous êtes les défenseurs des riches. De même nous souhaiterions ne pas être considérés sur les bancs de la majorité comme ceux qui attaquent systématiquement les riches. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous valons et vous valez beaucoup mieux que cela.

S'il est facile aux deux extrémités du prisme de savoir qui, incontestablement, est riche et qui ne l'est pas, de manière tout aussi incontestable tracer une frontière entre ces deux catégories serait extrêmement compliqué.

Je comprends les raisons pour lesquelles M. Copé a souhaité réactiver ce débat, ce qui, à mon avis, ne fait pas forcément progresser les choses, en tout cas au sein de notre hémicycle.

Prétendre, comme le Gouvernement l'a indiqué, qu'il faudrait épargner les riches – en les imposant raisonnablement selon certains, afin d'éviter de trop imposer les pauvres – nous ramène à une définition au moins aussi compliquée à trouver que celle des riches. Objectivement, ce n'est pas le débat que nous devons avoir aujourd'hui dans notre enceinte. Ce n'est en tout cas pas celui que nous souhaitons avoir sur ces bancs avec nos collègues de la majorité.

À plusieurs reprises, il a été fait référence à la rétroactivité inadmissible de l'imposition. Cet argument me laisse un peu stupéfait. L'impôt sur le revenu est, par définition, rétroactif, puisque nous votons à la fin de l'année, des taux pour des revenus qui ont été constitués tout au long de cette année-là. Par définition, l'impôt sur le revenu est donc rétroactif. Cessons de prétendre que la rétroactivité en matière fiscale est inadmissible. Cela fait des dizaines d'années que notre République se satisfait d'un impôt qui rapporte, bon an, mal an, 50 milliards d'euros et qui, par construction, est rétroactif. Essayons, au moins, de ne plus avoir ce débat-là.

M. Copé a indiqué que le débat était déséquilibré. Je ne partage pas ce point de vue. Il est naturellement déséquilibré dans la mesure où il est peu douteux qu'une majorité se prononcera dans un sens, une minorité dans un autre, mais M. Copé ne faisait probablement pas allusion aux résultats des élections législatives.

Je vois donc mal en quoi ce débat serait déséquilibré.

En revanche, je vois bien ce qui est entrepris dans cet hémicycle. Une ligne a été fixée par le Président de la République Après tout, c'est son rôle. Cette ligne est assumée par le Gouvernement. Quoi de moins surprenant ? Si les ministres ne sont pas d'accord, ils ont toujours la possibilité de démissionner. De surcroît, cette démission est aujourd'hui sans risque, puisque, grâce à la révision constitutionnelle, nos collègues reviennent immédiatement sur les bancs de l'Assemblée.

Cette ligne est peut-être plus difficilement assumée par nos collègues de la majorité, en tout cas par certains d'entre eux et l'on en arrive à la question très épineuse du bouclier fiscal, à propos duquel il ne faut pas énoncer un certain nombre de contrevérités – ce qu'a fait M. Copé, je me permets de le lui dire très respectueusement – qui sont radicalement démenties par les propos, que je crois respectables, de M. Philippe Séguin ; démenties par des écrits que nous pouvons consulter, tout comme vous. Par exemple Mme Lagarde a fait référence au rapport du conseil des prélèvements obligatoires, comme M. Emmanuelli.

Selon ce rapport, monsieur Copé, signé et présenté par le Premier président de la Cour des comptes, l'exode fiscal a coûté, au pays, en 2006, 17,6 millions d'euros. C'est effectivement beaucoup, mais le bouclier fiscal coûte 460 millions. Pouvez-vous m'expliquer la légitimité d'une mesure qui coûte 460 millions et dont l'une des finalités, si j'en crois vos propos, est précisément d'éviter que nous n'en perdions 17,6 ?

Vous êtes un adepte de la culture du résultat. Vous souhaitez l'efficacité économique. Donc, entre 17,6 millions d'un côté et 460 millions de l'autre, le choix ne me semble pas très compliqué à faire.

Il faudrait, d'après vous, épargner les classes moyennes grâce au bouclier fiscal. J'ai cru comprendre que mes propos vous avaient irrité, puisque vous aviez cru bon de m'interpeller par une remarque, pour le moins troublante, qui faisait référence à la vitalité du camarade Staline, dont je ne me suis, pour ma part, jamais réclamé.

Je veux bien que l'on pense aux classes moyennes quand on parle du bouclier fiscal, mais pourquoi n'y avez-vous pas pensé plus tôt – je ne vais pas reprendre la liste que j'ai donnée tout à l'heure, car je suis sûr que vous vous en souvenez – alors que, depuis maintenant un peu moins de deux ans, vous avez créé pas moins de seize taxes supplémentaires, qui ne frappent précisément que les classes moyennes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

En l'occurrence, il ne s'agit pas de dizaines de millions d'euros, mais de centaines de millions, voire de milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le président, je vais conclure dans quelques minutes. Je vous demanderai respectueusement de ne pas me retirer la parole. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons écouté M. Copé, qui a largement dépassé son temps de parole ; j'aimerais que vous ne m'interrompiez pas. Ce débat est intéressant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Vous l'avez, vous aussi, également largement dépassé. C'est pour cela que je me permettais de vous le faire remarquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je conclus.

Vouloir épargner les classes moyennes et les appeler à la rescousse, pour défendre, d'une certaine manière, le bouclier fiscal est peu cohérent – vous faisiez référence à la cohérence tout à l'heure – avec ce que vous avez- vous-même fait ou voté : seize taxes supplémentaires qui ne frappent que les classes moyennes.

Quand on regarde à qui profite le bouclier fiscal, sauf à considérer que les 800 contribuables auxquels ont été restitués 300 millions d'euros appartiennent à la classe moyenne, on constate, monsieur Copé, que nous n'avons pas la même définition des classes moyennes.

Monsieur le ministre, je vous ai déjà demandé – M. Sandrier également – de nous indiquer la position du Gouvernement en matière de rémunération de certains dirigeants. Le lien avec le bouclier fiscal n'est pas anodin, car ces dirigeants en bénéficient à l'évidence. Lors du discours de Toulon, le Président de la République avait indiqué, avec des mots très forts, que ces pratiques-là étaient terminées, que les bonus exceptionnels c'était terminé, que les rémunérations scandaleuses, c'était fini, qu'il ne voulait plus voir de stocks-options quand ça allait mal.

Comment expliquez-vous, dans ces conditions, qu'une dépêche de l'AFP nous apprenne que les quatre principaux dirigeants de la Société Générale se sont fait attribuer des plans de stocks-options par dizaines de milliers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Je conclus, mais si vous souhaitez que l'on demande une suspension de séance, je peux le faire. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Ces menaces à l'encontre de la présidence sont tout à fait inadmissibles !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le ministre, comment expliquez-vous que le Gouvernement ne dise rien de dirigeants qui s'attribuent des plans d'actions de stocks-options par dizaines de milliers, alors même que la Société Générale a été recapitalisée sur fonds publics à hauteur de 2 milliards d'euros et a versé, contrairement aux engagements pris, des dividendes à ses actionnaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Autrement dit, alors que des promesses sont faites lors de discours solennels, des actions vont à leur encontre.

M. Copé avait souhaité radicaliser les choses entre nous. J'espère que ces propos n'y contribueront pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Monsieur Cahuzac, M. Copé, c'est vrai, a dépassé son temps de parole. Il a parlé six minutes et vingt secondes. Vous avez parlé sept minutes et trente secondes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La parole est à M. François Bayrou.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Monsieur le président, je veux d'abord répondre, d'un mot, aux invectives personnelles. J'ai certes parlé de l'affaire Tapie, mais pour une raison précise, qui doit être mesurée en chiffres.

Le débat réunit l'Assemblée nationale tout entière autour des risques soulignés d'évasion fiscale : ces « pauvres riches » qui s'en iraient ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Philippe Séguin – cela a été rappelé à plusieurs reprises – a chiffré le risque de cette évasion fiscale à 17 millions d'euros environ. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Hier, le Gouvernement a signé à la personne en question un chèque de 101 millions d'euros : 101 millions d'euros hier pour M. Tapie ; 17 millions pour l'évasion fiscale ! C'est cinq fois plus et je prétends, en effet, qu'il y a là matière à réflexion.

Je n'ai – contrairement à ce que M. Copé a essayé d'insinuer – aucun ressentiment personnel à l'égard de ce monsieur. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

En revanche j'ai un problème avec le pouvoir, qui a décidé de lui attribuer indûment et, selon moi, illégalement, presque 400 millions d'euros.

Que M. Copé, directement et personnellement, soit lui-même engagé dans cette affaire, c'est ce que nous avons lu, à plusieurs reprises, et qui sera établi, je le crois, de manière indiscutable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Ce ne sont pas des menaces, mais des affirmations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

On a essayé, ici, de rendre légal l'arbitrage pour les établissements publics administratifs ; vous étiez membre du Gouvernement qui l'a fait, et même peut-être un tout petit peu plus.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Ce sont des faits.

Une question politique est encore beaucoup plus importante que cela.

Un député du groupe UMP. Le cas de M. Peyrelevade !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

M. Peyrelevade n'était pour rien dans cette affaire excusez-moi de vous le dire. Il est arrivé un an après. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il a été nommé par le gouvernement Balladur un an après.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Lefebvre

Il a été prouvé qu'il avait des liens avec le pouvoir avant !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Nous avons un problème d'intérêt général, pas un problème technique, pas un problème financier, pas un problème économique au sens budgétaire du terme. Il s'agit d'un problème politique, d'un problème de justice. Vous ne pouvez pas défendre devant le pays une situation que vous avez créée, dans laquelle, quelles que soient les charges supplémentaires réparties sur les citoyens – accroissement des prélèvements fiscaux, création d'impôt nouveaux… –, le Gouvernement affirme qu'il n'augmentera pas les impôts.

Vous les augmenterez, parce que la situation des finances publiques du pays est celle-là.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

La solidarité appellera des contributions supplémentaires. Il est inéluctable qu'elles soient décidées. Vous ne pouvez pas défendre devant le pays une situation que vous avez créée et dans laquelle les seuls qui ne seront pas atteints par les charges fiscales supplémentaires que vous voterez sont les plus favorisés et les plus riches de nos concitoyens. Cela est impossible. Personne ne peut soutenir cela.

Je voterai donc les amendements présentés, pour que l'on fasse au moins un signe provisoire, en créant la contribution exceptionnelle de 5 %, afin de montrer que dans le pays – comme François Goulard l'a souligné à juste titre – il n'existe pas cet incroyable apartheid à l'envers, qui fait que tout le monde est appelé à participer à la contribution, sauf les plus riches.

Vous allez développer des sentiments de révolte. Je le dis aujourd'hui, où tant de nos compatriotes sont dans la rue.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Il est impossible de vouloir préserver une telle situation.

Symboliquement, au moins, et politiquement, je le crois, vous devez défendre l'amendement de M. Méhaignerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je vais essayer de ne pas être trop long.

M. Méhaignerie n'en sera pas étonné : je suis d'accord avec son diagnostic. Ce n'est d'ailleurs pas d'aujourd'hui. Il a été président de la commission des finances ; je l'ai été. Actuellement, c'est Didier Migaud. Nous avons tous constaté, les uns après les autres – nous n'étions pas les premiers, Sully l'avait déjà fait, Colbert aussi –, que, dans ce pays, il y a trop de fiscalité indirecte, pas assez de fiscalité directe et que la proportionnalité de la fiscalité directe ne permet pas de dire qu'elle est juste.

Alors que ce constat a toujours été, pourquoi n'a-t-on pas réussi à régler la question ? La réponse est simple : c'est qu'entre la théorie et le constat, il y a la politique, la réalité, les rapports de force, les intérêts contradictoires.

Oui, je le répète, le constat de M. Méhaignerie est juste ! Dire, comme il l'a fait, que, dans la situation où nous sommes il faut donner des signaux à l'opinion publique ne paraît pas tout à fait inopportun, si bien que je regrette de l'avoir apostrophé tout à l'heure. (Sourires.)

Au demeurant, monsieur Méhaignerie, je ne sais pas si vous le savez, mais je vous informe que vous avez eu du renfort ce matin en la personne d'un ancien Premier ministre RPR qui n'est autre que M. Alain Juppé. Selon lui si on n'arrive pas à rétablir un climat de confiance dans notre pays, on ne s'en sortira pas. « L'économie, c'est très peu de science, c'est à 80 % de la psychologie et de la confiance. » Pour une fois, je suis aussi d'accord avec M. Juppé. Quelle journée ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Au contraire, cela a tout à voir avec notre débat sur l'instauration d'une fiscalité juste, monsieur Tron !

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Tron

Je suis mieux placé que vous, pour interpréter les paroles de M. Juppé !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Monsieur Tron, même si cela vous plaît pas, je lirai la citation entière mais j'en garde un peu pour M. Copé. Si vous souhaitez prendre la parole, adressez-vous au président de séance !

Vous avez grand tort, messieurs du Gouvernement, mesdames et messieurs de la majorité mobilisés pour les soutenir, de ne pas comprendre qu'un certain nombre de membres de votre propre majorité vous tendent une perche pour vous éviter de commettre une erreur majeure. Si vous ne la saisissez pas, vous en paierez le prix !

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Puisque M. Copé a invoqué l'histoire, je citerai la Bible (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP) : « Quand on veut crier juste dans la colère des prophètes, il faut une voix très pure et des vérités très dures ». Or vous n'avez ni l'une ni les autres !

Lorsque l'on invoque l'histoire, il ne faut pas confondre le 4 août 1789 avec le 4 août 1793, comme vous l'avez fait, monsieur Copé, ce qui en dit long sur votre opinion sur la Révolution française.

Non, il n'y a pas les bons et les méchants ! Écoutez plutôt M. Juppé : « Il ne faut pas prendre de haut la manifestation d'aujourd'hui parce qu'il y a une vraie angoisse dans l'opinion publique, chez les salariés et il faudra bien, d'une manière ou d'une autre, se remettre autour de la table avec les syndicats et l'État. »

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Emmanuelli

Je vous renvoie aux propos de M. Juppé rapportés dans une dépêche de l'AFP. Je pense que ceux qui expriment une certaine inquiétude ici et ceux qui l'expriment dehors n'ont pas tout à fait tort.

Je finirai sur une note plus personnelle, monsieur Copé.

M. Bayrou n'a pas besoin de moi pour se défendre, mais, puisque vous avez été gaulliste, vous devriez vous souvenir que le général de Gaulle a dit que si l'on peut examiner toutes les hypothèses, il ne faut jamais faire petit. En portant l'attaque contre une personne que vous n'avez pas osé nommer, vous n'avez pas fait petit, vous avez été tout petit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Vous vous êtes fait plaisir pour pas cher ! Vous êtes le champion des petits !

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

J'ai scrupule à mêler ma voix à celles qui me paraissent un peu véhémentes, mais le scénario est connu. On commence par une saine discussion, y compris au sein de la majorité, puis,…

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

…petit à petit, on fait monter la température, et on en arrive, cher Jean-François Copé, à quelques véhémences qui sont pour le moins décalées par rapport à l'importance du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Recalons-nous, en effet.

Il n'y a pas, au sein de cet hémicycle, ceux qui se réclament des fondamentaux de la République et les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Il n'y a pas ici ceux qui pensent qu'il faut sans cesse remettre en cause les positions de la majorité et les autres qui s'y tiennent absolument. Nous avons simplement une discussion et je n'accepte pas, dès lors que l'on débat, que l'on soit rejeté dans une sorte de géhenne et que l'on nous accuse de verser dans la démagogie.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Se poser les questions que se pose le peuple n'a rien à voir avec la démagogie ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR, et sur quelques bancs du groupe UMP.)

De la même façon, tenter d'essayer d'évaluer les politiques publiques n'a rien à voir avec la démagogie. Vous avez, vous-mêmes, réclamé que le Parlement consacre une semaine par mois à l'évaluation des politiques publiques. C'est pourquoi j'ai proposé que l'on procède à l'évaluation du bouclier fiscal. Serait-ce être relaps ? Contreviendrais-je à une sorte de dogme ?

Nous exerçons seulement la liberté d'expression que nous confèrent nos électeurs, au même titre que n'importe quel parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Demain, dans ma circonscription, je rencontrerai l'une de mes concitoyennes, veuve, ayant élevé trois enfants. Que dois-je lui répondre quand elle me dira que sa demi-part fiscale est supprimée ? (« Hélas ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de René Couanau

Pas de récupération politique, chers collègues ! Je me contente d'exprimer un point de vue personnel.

La suppression de cette demi-part fiscale entraînera pour cette personne un surloyer supplémentaire : double peine ! Que lui répondrai-je lorsqu'elle me demandera ce qui est prévu pour les personnes couvertes par le bouclier fiscal ? Seront-elles éternellement intouchables ? Les politiques publiques fiscales ne varieront-elles jamais ? L'article 1er du code général des impôts est-il intangible ? Certes, même si elle ne s'est pas exprimée ainsi, sa requête est le reflet de ce que pensent les vrais gens !

Je n'accuse personne de « ploutophilie », mot qui n'existe pas, mais, de grâce, ne rejetez pas ceux qui discutent dans la géhenne de la démagogie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Pour M. Copé, le débat se résume à une seule question, qui nous occupe depuis le début de la séance : ceux qui disposent des revenus les plus élevés doivent-ils, oui ou non, participer à l'effort de redressement de notre pays ? À cette question, vous répondez non.

Vous prétendez avoir le mauvais rôle, monsieur Copé. Or c'est celui que vous vous êtes vous-même assigné.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Vous faites le mauvais choix pour de mauvaises raisons. Comment pouvez-vous justifier ce choix ?

Peut-être est-ce possible au sein de cette enceinte grâce à la rhétorique qui vous caractérise et en vous appuyant sur l'autorité que vous confère la présidence d'un groupe politique, mais devant les Français ? Comment leur faire accepter l'idée qu'il serait juste de reverser 200 000 à 300 000 euros à une personne dont le patrimoine s'élève à 15 millions d'euros ? Comment expliquer à un Français que ses impôts doivent servir à financer ce genre de remboursement dans le contexte économique actuel ? C'est cela la question qui vous est posée. Personne ne vous demande de vous renier.

En dépit de leurs convictions fortes en la matière, M. Couanau et quelques autres membres de la majorité ne renient en rien leur attachement à votre majorité. Ils ne font que dire que votre choix n'est pas explicable, qu'il n'est pas justifiable, d'autant que vous le faites pour de mauvaises raisons.

Souffrirait-on plus lorsqu'on dispose de hauts revenus ? Serait-il aujourd'hui plus difficile de gagner de l'argent en France ? Les statistiques montrent qu'entre 1998 et 2005, le pouvoir d'achat moyen des Français a augmenté de 4 %, mais de 20 % pour 1 % des Français les plus riches et de 40 % pour les 0,01 Français les plus riches. Telle est la réalité.

Que l'on s'en réjouisse en période de croissance, on peut le comprendre, mais, en période de crise, lorsque des centaines de milliers de Français expriment leur angoisse – pas un choix politique ou partisan, simplement leur angoisse –, il est difficilement compréhensible que vous refusiez à toute force les mains tendues pour faire évoluer la situation et le consensus qui pourrait advenir au sein de notre hémicycle.

Vous avez, monsieur Copé, choisi comme activité complémentaire le barreau et non une chaire d'économie. Cela se comprend quand on vous entend formuler l'équation selon laquelle : « taxer les riches, c'est faire payer les pauvres ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comment pouvez-vous soutenir une telle affirmation et donner votre nom à un tel axiome, comme, en son temps, Guizot avec son « Enrichissez-vous » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Pourquoi pas ? Mais à condition de s'enrichir dans la justice fiscale et de faire en sorte que l'effort soit partagé.

Si vous avez le mauvais rôle, monsieur Copé, c'est parce que vous empêchez notre assemblée de répondre à l'interpellation du pays.

Un consensus était pourtant possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Cela aurait été la plus belle réponse à apporter aux Français qui s'inquiètent et à ceux qui manifestent aujourd'hui. Vous auriez pu, sans rien rogner de vos convictions, saisir cette occasion.

Certes, vous êtes favorables au bouclier fiscal – nous y sommes hostiles – ; vous êtes favorables à une baisse des impôts – nous y sommes hostiles – ; toutefois, dans cette période de crise – du jamais vu, selon les propres termes de M. Carrez –, nous pourrions dépasser nos différences et faire en sorte que les hommes courageux qui s'expriment sur d'autres bancs soient entendus et décider ensemble, maintenant, à défaut de supprimer le bouclier fiscal, de voter une contribution exceptionnelle touchant les plus riches. Ce serait la réponse de la représentation nationale à l'exigence de justice du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Il y a bien une géographie politique, une frontière entre la droite et la gauche : il y a ceux qui veulent la justice et ceux qui la refusent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Intervenant, certes, un peu tard dans ce débat, je souhaite cependant dire quelques mots.

Être riche, ce n'est pas un péché. Souvenons-nous que celui qui a fait la plus belle apologie du capital s'appelait Karl Marx. Il avait compris que c'est grâce au capital qu'on fait tourner l'économie moderne.

Cela étant, nous sommes aujourd'hui pris entre le dilemme économique et celui de la justice sociale. Il faut réconcilier les deux. Cela passe par la suppression de l'ISF, impôt imbécile qui fait fuir le capital. Les barèmes de l'IRPP ne font pas fuir les capitaux de la même manière, car il existe de nombreuses conventions fiscales qui empêchent la fraude sur la planète, notamment en Europe.

C'est la raison pour laquelle je suis, pour ma part, sensible aux arguments développés par René Couanau et Pierre Méhaignerie sur la nécessité, dans une période exceptionnelle, de demander un effort à tous. Nous devons saisir l'occasion de leurs amendements pour reposer la question de la fiscalité et de l'économie, en réconciliant l'une avec l'autre. Cela doit passer, lors de la prochaine loi de finances, par la remise en cause définitive de l'ISF.

Aujourd'hui, je serais enclin à apporter mon soutien à ces amendements tout en comprenant les arguments de Jean-François Copé, qui ne m'ont pas laissé indifférent, ainsi que ceux de Gilles Carrez sur les taux excessifs. En tout état de cause, il faut donner un signe au peuple car tout le monde souffre.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

La question n'est pas de savoir qui a le beau ou le mauvais rôle. Elle est de savoir où est l'intérêt général et, en période de crise, ce n'est sûrement d'opposer les Français les uns aux autres. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.) Il n'y a pas des Français qui valent plus et d'autres qui valent moins.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Il n'y a pas les Français qu'on montre du doigt et les autres.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

C'est ma conviction, monsieur Emmanuelli. Et lorsque vous cesserez d'interrompre vos interlocuteurs, cela ira mieux !

Il s'agit de ne stigmatiser personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Ce n'est pas ce que nous avons dit ; ce n'est pas ce que nous voulons !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Nous avons ici des débats sur la France rurale et la France urbaine, la France des vieux et celle des jeunes, la France des riches et celle des pauvres.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

On peut gloser longtemps, mais je ne suis pas persuadé que cela contribuera à améliorer la cohésion nationale.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

En période de crise, nous avons besoin d'une cohésion nationale renforcée et ce n'est pas en stigmatisant certains que l'on y parviendra.

Vous vous plaisez à opposer, d'un côté, des riches qui échapperaient à l'impôt et, de l'autre, des contribuables aux petits revenus, surtaxés, qui devraient supporter le poids de la responsabilité d'une crise qu'ils n'ont pas déclenchée. Mais d'où tenez-vous donc cela ?

Sachez que sur un nombre total d'environ 35 millions de foyers fiscaux, 48 % ne sont pas imposables au titre de l'imposition sur le revenu, tandis que les 10 % des foyers les plus aisés paient 72 % de l'impôt sur le revenu. Il y a bel et bien une concentration de l'impôt sur le revenu, selon une logique de progressivité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Oublier ces données fondamentales, c'est se condamner à ne rien comprendre à notre système fiscal et à le caricaturer en donnant l'impression que, d'un côté, il y a des gens qui ne paient pas et qui gagnent beaucoup et, de l'autre, des gens qui ne gagnent pas beaucoup et qui paient. Ce n'est pas cela la réalité de notre système fiscal ; c'est exactement le contraire.

Le débat que nous avons eu sur le plafonnement fiscal, qui, au fond, n'est pas éloigné du débat d'aujourd'hui, doit tenir compte du fait que l'impôt est progressif et que chacun est mis à contribution en proportion certes de ses facultés respectives, monsieur Goulard, mais jusqu'à un plafond de 50 % de ses revenus. Le bouclier fiscal est une véritable mesure de justice et je tenais de nouveau à insister sur ce point.

Enfin, monsieur Couanau, sachez que nous n'avons pas supprimé la demi-part supplémentaire des personnes vivant seules ayant élevé un enfant. Je tiens à le redire devant votre assemblée car c'est un sujet important. Et, si la personne dont vous avez parlé a besoin d'une explication particulière, je suis prêt à la recevoir.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Nul ici n'a le monopole des relations avec les vrais gens ; nous avons tous vocation à entrer en contact avec l'ensemble de la population française. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

(Les amendements nos 66 , 23 , 80 rectifié , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma