L'article 1er va nous permettre de poursuivre le débat entamé lors de la discussion générale, et je me permets d'emblée de solliciter l'indulgence et la compréhension du président sur les temps de parole qu'il voudra bien nous accorder.
L'enjeu de notre discussion tient aux conceptions différentes qu'ont la majorité et l'opposition de la justice fiscale. Plusieurs arguments ont été avancés hier en défense du bouclier fiscal. J'écarte d'emblée celui consistant à prétendre que certains d'entre nous n'aimeraient pas les « riches ». Il est en effet difficile de définir qui est riche et qui ne l'est pas ; cela suppose la détermination d'un seuil, et c'est précisément parce que c'est impossible que notre pays a opté pour un impôt sur le revenu progressif.
Le ministre des comptes publics affirme, en défense du bouclier fiscal, que la justice fiscale consiste à ne pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État. C'est un raccourci coupable, et il serait plus approprié de dire qu'elle consiste à ne pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, puisque le bouclier fiscal concerne non seulement l'impôt sur le revenu, mais également les prélèvements sociaux – on l'a vu à l'occasion de la discussion sur le financement du RSA – et les impôts locaux.
Autre argument, avancé cette fois-ci par notre rapporteur général : l'imposition ne doit pas être confiscatoire. Soit, mais pourquoi mettre la barre à 50 % ? Au nom de quoi l'impôt serait-il confiscatoire au-delà et ne le serait-il pas en deçà ?
Enfin, Charles de Courson a prétendu très astucieusement que c'était sur ces bancs mêmes qu'aurait été inventé le principe du bouclier fiscal, à l'occasion de l'instauration de l'impôt sur la fortune. Oui et non. Oui, dans la mesure où l'ISF était plafonné pour éviter qu'un contribuable y étant assujetti n'ait à acquitter dans l'année davantage que ce que lui permettaient ses revenus. Et non, car seul l'ISF était plafonné, les autres impôts ne l'étant pas.
Or précisément, le bouclier fiscal que nous contestons concerne l'ensemble des prélèvements fiscaux, et l'on a vu les difficultés que cela a soulevé dès lors qu'il s'est agi de financer le RSA : la taxe sur les revenus du capital a permis de générer 1,5 milliard d'euros, mais en épargnant les contribuables les plus susceptibles de participer à cet effort.
Depuis Joseph Caillaux, le débat oppose partisans de la proportionnalité de l'impôt et défenseurs de sa progressivité. C'est dans ce dernier camp que nous nous situons. La justice fiscale, à nos yeux, c'est la progressivité et non la simple proportionnalité, même si celle-ci peut se défendre, notamment dans le cas de la CSG qui est un impôt proportionnel.
Avec le bouclier fiscal, la proportionnalité l'emporte de trop loin sur la progressivité pour donner à nos compatriotes le sentiment que la justice fiscale est respectée. C'est la raison pour laquelle nous allons examiner des amendements, déposés par l'opposition comme par la majorité, pour faire prévaloir le principe de progressivité sur celui de proportionnalité, ce dernier ne pouvant générer qu'incompréhension et crise dans ces temps délicats que traverse notre pays.